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Dossier

Les mères de jumeaux autour des mosquées à Ouagadougou : réappropriations, mobilités et mutations urbaines

Twins’ Mothers around Mosques in Ouagadougou: Reappropriations, Mobilities and Urban Changes
Aude Nikiema, Alice Degorce et Honorine Sawadogo
p. 183-205

Résumés

Au Burkina Faso, la naissance de jumeaux contraint leurs mères à un rite de présentation des enfants, lors duquel elles reçoivent des offrandes. Cet article a pour objectif d’interroger l’évolution de cette pratique en une forme de mendicité des mères de jumeaux autour des mosquées en contexte urbain. Ouagadougou a constitué le terrain d’observation des lieux de mendicité. Les résultats font apparaître les mosquées comme lieux privilégiés de convergence de mobilités féminines en lien avec une mendicité pourtant non dépendante des pratiques religieuses islamiques et une mutation de l’économie morale du don au niveau local.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Cet article a été écrit dans le cadre d’une thèse en préparation sur la mendicité des mères de jume (...)

1Les naissances et la petite enfance de jumeaux sont entourées de nombreuses croyances en Afrique de l’Ouest, dont celle selon laquelle leur mère doit pratiquer une quête ponctuelle pour conjurer le sort ou repousser des maladies, quête au cours de laquelle elle reçoit de petits dons en argent ou en nature (par exemple : céréales, galettes…). Dans la plupart des sociétés, cette prescription se veut généralement symbolique et occasionnelle. Elle s’effectue dans des lieux spécifiques et dans un laps de temps limité. Pourtant, des mères de jumeaux peuvent être croisées de façon récurrente dans des lieux inhabituels, notamment, dans les villes ouest-africaines. La mendicité des mères de jumeaux est ainsi un fait courant à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. À la suite d’enquêtes sur la mendicité des mères de jumeaux dans cette ville1, cet article a pour objectif d’interroger leur présence particulièrement marquée autour des mosquées. En ce sens, il s’agit ici d’aborder la mosquée non pas seulement en tant que lieu de prière mais de l’envisager, du point de vue des mères de jumeaux, aussi comme un lieu de mendicité. Pourquoi les mosquées attirent-elles ces femmes dans la ville de Ouagadougou ? Quelles formes de mobilités et d’occupation du territoire ces lieux de culte suscitent-ils ? À travers l’étude de leur usage détourné des mosquées, il s’agit d’interroger en quoi les pratiques sociales de ces mères induisent des mobilités et reflètent des mutations urbaines.

2En croisant les méthodologies de la socio-anthropologie et de la géographie, nous nous baserons sur l’étude de trois mosquées de Ouagadougou : la Grande Mosquée centrale, la mosquée de la confrérie Tijâniyya à Hamdallaye et la mosquée du marché du quartier Dassasgho. L’islam s’inscrit au Burkina Faso dans le contexte de la pluralité religieuse qui caractérise le pays. Un recensement de 2006 compte 60,5 % de musulmans parmi la population burkinabè, aux côtés des catholiques (19 %), des « animistes » (15,3 %) et des protestants des Églises évangéliques et pentecôtistes (4,2 %) (INSD 2009). Cette pluralité est également perceptible dans les pratiques de conversions multiples (Langewiesche, 2003), les appartenances religieuses plurielles ou la mixité couramment présente au sein des familles ou des couples.

3L’islam burkinabè a fait l’objet de nombreuses études et l’histoire de la religion musulmane a ainsi pu être abordée du point de vue de différents foyers islamiques, mais rarement à propos des indigents qui prennent place autour de ces édifices. Dans la société mossi du centre du pays, des commerçants et tisserands musulmans appelés Yarse sont considérés comme ayant progressivement introduit l’islam dans la cour du Moogo Naaba, chef du royaume central de Ouagadougou (Wogdgo) (Kouanda, 1984). Au cours de la première moitié du xxe siècle, le nombre de conversions à l’islam s’accroît en réaction au colonialisme (Cissé, 2015 ; Langewiesche, 2003). Peu à peu, le paysage religieux islamique se diversifie et s’institutionnalise. La branche de la Tijâniyya hammalliste des « onze grains » s’implante à Ouagadougou dans les années 1950, dans le quartier Hamdallaye (Dassetto, Laurent et Ouédraogo, 2013). La communauté musulmane s’organise avec la création de la CMHV (Communauté musulmane de la Haute-Volta) en 1962 (Cissé, 2015 ; Madore, 2016), qui remplace l’UCM (Union culturelle musulmane) créée dans les années 1940 à Bobo-Dioulasso (Saint-Lary, 2012), et qui deviendra par la suite CMBF (Communauté musulmane du Burkina Faso). En 1973, suite à des scissions, le « mouvement sunnite » regroupant les wahhabites est créé et la confrérie Tijâniyya fonde l’AIT, l’association islamique de la Tijâniyya (Cissé, 2015 ; Madore, 2016 ; Saint-Lary, 2012). Dans la capitale burkinabè, l’islam continue à investir la place publique au cours des décennies qui suivent, avec la présence d’élites francophones et arabophones (Madore, 2016 ; Saint-Lary, 2012) et la création d’associations comme l’AEEMB (Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina) et le Cerfi (Cercle d’études, de recherches et de formation islamiques).

4La présence marquée des mères de jumeaux autour des mosquées interroge les liens qu’elles établissent ou qu’elles donnent à établir entre leur pratique de mendicité et l’islam. Musulmanes ou non, Burkinabè ou migrantes « aventurières » (Bredeloup, 2014) venant de pays voisins, la manière dont elles circulent et occupent les alentours des lieux de culte musulmans participe à reconfigurer l’environnement des mosquées à Ouagadougou. La spécificité de la mendicité des mères de jumeaux sera dans un premier temps présentée. La démarche associant anthropologie et géographie, suivie dans le cadre de ces enquêtes, ainsi que nos observations de terrain seront ensuite exposées. Enfin, les pratiques sociales, les nouvelles formes de mobilités et les enjeux entourant la mendicité des mères de jumeaux autour des mosquées seront analysés. À l’échelle des lieux, le religieux, comme dispositif de mobilité des migrants, dessine des territoires bien plus vastes que celui de la ville. Dans le cas des mères de jumeaux, il anime des réseaux de circulation motivés par des intérêts économiques. Nous verrons à travers l’étude de trois mosquées que l’échelle d’observation donne à voir la translation d’une pratique traditionnelle vers une pratique économique, source d’une importante mobilité.

Mendicité des mères de jumeaux : une pratique rituelle en contexte urbain

5La naissance de jumeaux est associée à des représentations et à des pratiques rituelles spécifiques en Afrique de l’Ouest. À la suite des observations de Denise Paulme (1988) chez les Dogon du Mali dans les années 1930, de nombreux chercheurs remarquent, dans les années 1970-1980, la manière dont ce type de naissance est considéré comme un événement exceptionnel et suscite des réactions diamétralement opposées d’un groupe socioculturel à l’autre, selon qu’elle est fêtée avec faste ou au contraire crainte (Pison, 1989).

  • 2 Mossi est l’appellation francisée de Moaaga (sg., au pluriel Moose).

6Au Burkina Faso, dans la société mossi2, les jumeaux étaient autrefois considérés comme porteurs de toutes sortes de maux : maladies des yeux, paralysie voire mort des parents (Zagré, 1977). Dans cette logique, il était légitime de tuer les jumeaux de même sexe selon plusieurs procédés (empoisonnement, noyade, abandon dans une termitière). Pierre Ilboudo (1966) s’intéresse à l’origine des jumeaux dans cette société, où ils sont considérés comme proches des kinkirsi (génies), ce même terme désignant à la fois les jumeaux et les génies. Pageard et Tiendrébéogo (1974), qui analysent cette notion de kinkirga(sg.)/kinkirsi(pl.) chez les Mossi, retiennent trois acceptions du terme, qui reflètent l’ambivalence des représentations associées aux jumeaux. Kinkirga peut ainsi désigner un esprit bon ou mauvais, notamment l’esprit ou le génie qui est nécessairement attaché à chaque être humain et à chaque animal, un esprit incarné dans un jumeau et, enfin, un autel sur lequel on sacrifie à l’esprit ou au génie. Selon ces auteurs, l’union d’un kinkirga et d’une femme est à l’origine de la naissance gémellaire. Ces conceptions ne sont pas spécifiques aux Mossi, les Lyéla voisins associent les jumeaux aux génies des bois, des collines ou des eaux, et les Bissa les considèrent comme porteurs de chance pour leurs familles (Bamony, 2001 ; Zagré, 1977).

  • 3 Ministre du Moogo Naaba, entretien réalisé le 11 février 2011.

7Chez les Mossi, comme dans les sociétés voisines, un rite de présentation des jumeaux par leur mère est prescrit : « [Il] consiste à emmener les jumeaux au marché pour les présenter à la société et en retour, elle reçoit des dons et offrandes des membres de la communauté » (Naaba Sigri, chef traditionnel, voir Bako, 2008 : 7). Le Kamsongho Naaba Sanem3, chef traditionnel mossi du royaume central de Ouagadougou, abonde dans le même sens en disant que traditionnellement, une mère de jumeaux les amenait au palais et ensuite au marché, dans le but de les présenter et de recevoir des dons symboliques (beignets, galettes, sésame, arachides, argent). En retour, les jumeaux bénissent leurs donateurs (Sawadogo, 2011).

8Dans le contexte urbain et plurireligieux de Ouagadougou, ces pratiques tendent à se modifier, passant d’une forme de mendicité ou d’échanges de dons rituels, et donc socialement prescrits et contrôlés, à une autre systématisée. La mendicité des mères de jumeaux est ainsi devenue un phénomène notoire, quotidiennement inscrit dans l’espace public de la capitale. Les sites de mendicité se situent le plus souvent aux alentours des mosquées, mais peuvent aussi s’observer près des marchés, devant les guichets de banque ou les boutiques, à proximité des parkings et au niveau des carrefours.

Autour de trois mosquées de Ouagadougou : approche méthodologique

9Nos enquêtes se sont déroulées en deux phases. La première a eu lieu en juillet 2014 et octobre 2015 et a porté sur la mendicité des mères de jumeaux à Ouagadougou de façon générale (géolocalisation et enquêtes). La seconde, en décembre 2016 et janvier 2017, s’est plus précisément focalisée sur leur présence autour des mosquées. La méthodologie croise les approches socio-anthropologique et géographique.

10Les pratiques spatiales de la mendicité des mères de jumeaux revêtent différents profils : itinéraire au sein des quartiers, occupation temporaire à des rythmes variés de sites privilégiés. Compte tenu de la difficulté à disposer d’une donnée détaillée et exhaustive, et pour les besoins de l’approche géographique, nous avons choisi d’observer les pratiques liées aux lieux fixes. Il s’agit de sites où les mères de jumeaux se retrouvent chaque jour ou plusieurs fois par semaine. Afin d’identifier ces lieux, la ville a été parcourue à l’aide d’un Global Positioning System (GPS). Les sites ont été décrits sur une fiche et des questionnaires ont été administrés auprès des femmes afin de recueillir des informations sur leur origine géographique, leur âge et celui de leurs enfants, ou encore leur religion. La limite des données collectées réside dans la temporalité de la collecte, soit un seul passage pour les enquêtes en des lieux occupés de façon différenciée au cours de la semaine. Cette difficulté a toutefois été contrebalancée par l’enquête socio-anthropologique menée pendant plusieurs semaines en amont, dans le cadre d’une thèse.

  • 4 Ceux-ci se sont déroulés dans des lieux et aux heures choisis par les interviewées. La plupart des (...)
  • 5 Les quartiers « non lotis » sont des quartiers irréguliers au regard des documents d’urbanisme. Ils (...)

11Au total, 51 sites ont été géolocalisés et 239 femmes ont participé aux entretiens4. Les mères de jumeaux interrogées résident parfois dans le quartier où elles mendient, mais elles en sont le plus souvent éloignées, venant notamment de quartiers périphériques « non lotis5 » de Ouagadougou. Elles peuvent également être originaires d’autres régions du Burkina Faso, voire du Mali, pour 37 d’entre elles. L’âge moyen des mères est de trente ans et celui des enfants est de trente-deux mois. À la question portant sur leurs pratiques religieuses, 171 se déclarent musulmanes, 66 catholiques et 2 sont pentecôtistes. La mendicité ne constitue généralement pas une occupation à plein temps, mais plutôt d’appoint en complément d’une activité économique informelle peu rémunératrice. Ainsi, l’essentiel des femmes (155) sont vendeuses (galettes, légumes, savons, etc.), les autres sont agricultrices, lavent le linge chez des particuliers ou ramassent du gravier destiné à servir aux chantiers de construction, 56 sont de simples ménagères.

12Au cours de la seconde phase d’enquête, des entretiens qualitatifs ayant pour objectif de retracer les parcours de ces femmes ont été menés avec 25 d’entre elles, dont 13 qui mendiaient autour de la mosquée centrale, 7 à la mosquée du marché de Dassasgho et 5 à la mosquée d’Hamdallaye. Des responsables religieux de chaque mosquée (imams, chefs spirituels, membres du comité de gestion) ont également été interviewés afin d’interroger leurs perceptions de la mendicité des mères de jumeaux. Les femmes rencontrées au cours de cette seconde phase ont une moyenne d’âge de trente-et-un ans. Quant à leur confession religieuse, 21 d’entre elles sont musulmanes, 3 sont catholiques et 1 est pentecôtiste. Elles sont originaires de diverses localités du Burkina Faso, mais 5 d’entre elles, rencontrées près de la mosquée d’Hamdallaye, viennent du Mali ou du nord du Burkina Faso, particularité sur laquelle nous reviendrons plus loin. Enfin, quelques femmes vivent seules avec leurs enfants, leur mari ayant migré vers les pays voisins, notamment la Côte d’Ivoire.

Les mosquées comme sites de mendicité privilégiés par les mères de jumeaux

13Si l’on observe les lieux de mendicité des mères de jumeaux (fig. 1), les mosquées représentent plus du tiers des sites choisis (37 %). Ces lieux regroupent près de la moitié (44 %) des mendiantes, les mosquées attirant bien plus que tout autre site dans la capitale. Par ordre d’importance, les carrefours routiers, les marchés et les stations-service sont les autres lieux fréquentés de façon fixe et permanente par les femmes.

14En l’absence d’un recueil exhaustif des mosquées dans la ville, il est difficile d’avancer l’influence de la présence de ces lieux de culte ou de leur répartition spatiale comme explication des préférences accordées. La liste des mosquées identifiées dans le cas de notre étude montre par ailleurs des profils très variés, de la petite structure de quartier accueillant un nombre de fidèles restreint, à la Grande Mosquée du centre-ville.

Figure 1 - La place des mosquées dans les lieux de mendicité des mères de jumeaux

Figure 1 - La place des mosquées dans les lieux de mendicité des mères de jumeaux
  • 6 Voir note précédente.

15On peut néanmoins s’interroger sur le lien existant entre l’organisation spatiale de la ville et la dispersion géographique de ces infrastructures religieuses. La croissance de la ville de Ouagadougou soumise au lotissement au coup par coup (Fournet et al., 2008) a fait l’objet d’une planification tardive. Elle a donné naissance à plusieurs espaces distincts. Les quartiers centraux sont vieillissants. Ils sont suivis par une couronne périphérique issue des premiers plans d’urbanisme, dans les années 1980, et dont les lotissements étaient destinés à faire disparaître les espaces « non lotis6 » dominants. Les politiques d’urbanisme des décennies suivantes poursuivent les efforts d’aménagement. Ils donnent naissance à une seconde périphérie accueillant essentiellement l’habitat, excepté le nouveau quartier Ouaga 2000 envisagé à la fois comme un quartier résidentiel de haut standing et comme un second centre administratif dans la capitale. Mais les efforts de planification n’ont pas permis d’anticiper la croissance démographique et ont favorisé la spéculation foncière contribuant au maintien d’une périphérie « non lotie ». Dans cet espace urbain marqué par l’évolution de la qualité des matériaux de construction du centre vers la périphérie et ponctués par des quartiers habités par des populations au niveau de vie plus élevé que la moyenne (cités, quartiers Zone du bois, Petit Paris, Ouaga 2000), les lieux de culte s’implantent de façon disparate. Les lieux de prière musulmans présentent la singularité de s’adapter à l’espace disponible et offrent une diversité de profils, allant de la mosquée avec minarets au petit espace délimité par des pierres devant une parcelle, sur l’espace public (Ouédraogo, 2007).

16La carte (fig. 1) destinée à montrer la place des mosquées dans l’éventail des lieux de mendicité des mères de jumeaux ne donne pas à voir de particularités dans la mesure ou, contrairement aux équipements sociaux de base, où l’opposition centre/périphérie et l’attraction des voies de communication sont évidentes (Nikiema et al., 2015). Ni les quartiers les plus aisés ni les territoires les plus anciennement peuplés ne sont révélés par les pratiques spatiales de mendicité des mères de jumeaux.

La Grande mosquée, Hamdallaye et le marché de Dassagho

17Les trois mosquées enquêtées ont été choisies à partir de deux critères : leur localisation géographique dans l’espace urbain et leur taille. La Grande Mosquée est située dans le quartier Koulouba, sur un terrain qui avait été octroyé à la communauté musulmane par le Moogo naaba (chef des Mossi) Saaga. Elle a connu une première construction en 1952, puis une extension de 1973 à 1979, suivie d’une autre en 2005 (Ouédraogo, 2007 : 335). Elle s’insère dans un quartier central, soumis à de profondes modifications urbanistiques qui ont donné lieu à la rénovation des constructions au profit des commerces. Depuis environ dix ans, des boutiques ont été construites et mises en location autour de l’enceinte. La mosquée compte huit portes. Toutefois, seules celles situées à l’ouest sont réservées aux femmes, qui ne peuvent emprunter les autres entrées (fig. 2). Les femmes ont également une salle de prière à part. La mosquée est gérée depuis ses débuts par la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF).

Photo 1 - La Grande Mosquée de Ouagadougou

Photo 1 - La Grande Mosquée de Ouagadougou

Cliché : S. Sidbega, 2017

Photo 2 - La mosquée d’Hamdallaye

Photo 2 - La mosquée d’Hamdallaye

Cliché S. Sidbega, 2017

  • 7 Élèves d’écoles coraniques pratiquant la mendicité.
  • 8 Entretien avec un leader religieux, 25 janvier 2017.

18Le quartier Hamdallaye (« Louanges à Dieu ») a été fondé par le chef religieux tijâne Abdoulaye Doukouré en 1956. La première construction de la mosquée d’Hamdallaye date de 1959. Elle a ensuite été déplacée et reconstruite en matériaux durables à partir de 1967-1968 en raison des opérations de lotissements de la ville. La mosquée actuelle fut ainsi inaugurée en 1981. Elle s’intègre dans un quartier marqué par une configuration professionnelle caractérisée par la forte présence de ménages d’éleveurs peuls qui entretiennent des liens étroits avec la ville de Djibo au nord du Burkina Faso (Ouédraogo, 2011). Les vendredis et le jour de la fin du ramadan et de la Tabaski, le cheikh Doukouré dirige lui-même les prières. La mosquée est très fréquentée et attire beaucoup de mendiants : personnes âgées, personnes vivant avec un handicap, « garibous7 » et mères de jumeaux, en particulier pour la grande prière du vendredi. Le lieu est entouré d’une croyance particulière selon laquelle les prières faites à Hamdallaye sont exaucées, attirant ainsi de nombreux fidèles8.

19Bien que construite en matériaux durables depuis une date récente (aux alentours de 2007-2008), la mosquée du marché de Dassasgho est également assez ancienne. Un lieu de culte abrité par un hangar en tôle existait déjà depuis plusieurs décennies à cet endroit lors du lotissement en 1984, où la parcelle a été octroyée à la CMBF qui gère cette mosquée depuis ses débuts. Construite en bordure du marché, elle est le lieu de culte des commerçants. Depuis quatre ou cinq ans environ, la mosquée du marché a été érigée en mosquée du vendredi et présente la particularité de ne pas avoir de bâtiment annexe ni de mur d’enceinte.

Photo 3 - La mosquée du marché de Dassasgho

Photo 3 - La mosquée du marché de Dassasgho

Cliché : S. Sidbega, 2017

Glissements de sens et mobilités féminines

20Nos observations des mères de jumeaux autour des mosquées nous conduisent à explorer plusieurs pistes d’analyse quant à leurs usages du lieu de culte. La première concerne les glissements de sens qui s’opèrent d’une pratique à l’origine considérée comme relevant des religions dites « traditionnelles » vers l’islam. La deuxième interroge la mosquée comme centre attractif des mobilités de ces femmes. Enfin, les formes de mendicité des mères de jumeaux autour des mosquées conduisent à repenser l’économie morale du don en islam.

Des pratiques « traditionnelles » à l’islam

21Dans les représentations populaires, la présence des mères de jumeaux autour des mosquées concourt parfois à conforter l’idée que la pratique aurait un lien avec l’islam. Les vendredis, certaines arborent également des référents islamiques, notamment dans leur habillement ou dans celui de leurs enfants (voiles, boubous), même lorsqu’elles ne se trouvent pas à proximité d’une mosquée. Pour beaucoup d’entre elles (et à l’instar d’autres catégories de mendiants), la prière du vendredi est un jour particulier : « Comme c’est jour de grande prière, beaucoup de gens viennent et après, ils nous donnent de l’argent » (mosquée d’Hamdallaye, décembre 2016). C’est aussi ce que déclare cette femme qui mendie aux alentours de la Grande Mosquée : « Je viens ici chaque vendredi. Je viens à 10 heures et je repars juste à la fin de la prière, c’est-à-dire au plus tard à 13 h 30 je suis partie » (Grande Mosquée, décembre 2016). Elles repartent alors dans leurs logements respectifs ou sur les lieux où elles mènent d’autres activités.

  • 9 Entretien avec un imam du Cerfi, 7 novembre 2016.

22Selon les imams interrogés, la tradition islamique, qui prescrit des aumônes envers les plus pauvres, serait la cause de cette attirance pour les mosquées comme lieux de mendicité, qu’il s’agisse de la zakat, aumône obligatoire et 3e pilier de l’islam qui consiste à prélever 2,5 % de l’épargne annuelle, ce montant étant redistribué auprès des plus pauvres par les autorités religieuses9, ou de la sadaqa, aumône volontaire facultative qui est l’occasion de dons les vendredis :

La sadaqa s’est souvent concentrée sur les festivités religieuses. La première, au rythme hebdomadaire, est celle du vendredi. Au jour de la prière commune, l’entrée de la mosquée se remplissait de pauvres qui espéraient une prière capable de se transformer en charité. (Falcioni, 2012 : 449)

23Si tous font la part des choses entre l’islam et la pratique traditionnelle de mendicité, que certains ont connu dans leur famille pour avoir eu des frères ou des sœurs jumeaux, l’un des imams témoigne de pratiques de nomination nouvelles, basées sur une interprétation du Coran qui serait erronée :

  • 10 Ibid.

Les textes sur lesquels certains musulmans se basent, c’est à propos des petits-fils du prophète appelés “Hassan” et “Oussein”, qui ne sont pas des jumeaux ! Hassan et Oussein sont des petit frère et grand frère, mais il y a peut-être un an entre eux. On a cru que c’était des jumeaux. Ce qui fait que quand les gens ont des jumeaux ils donnent automatiquement Hassan et Oussein10.

24Ce témoignage illustre les glissements de sens opérés dans les représentations populaires et parfois relayés par la presse. Le quotidien Sidwaya cite ainsi un commerçant de la ville de Bobo-Dioulasso : « L’Islam dit que si une femme a des jumeaux, elle doit sortir avec eux sillonner la ville une journée11. » Par leur présence marquée autour des mosquées, en particulier les vendredis, les mères de jumeaux concourent à renforcer ce type de représentations.

La mosquée comme lieu de sociabilité et de convergence des mobilités

25La quasi-totalité des femmes interrogées explique mendier presque quotidiennement autour des mosquées, ou au moins chaque semaine, du fait d’une situation de précarité extrême. Elles déclarent que la pratique de la mendicité est une nécessité, une stratégie de survie en milieu urbain, souvent éloignée de la question religieuse. Les propos de cette femme, qui mendie autour de la mosquée de Dassasgho, sont illustratifs :

C’est pour avoir de quoi les nourrir parce que ça fait la deuxième fois que j’accouche de jumeaux, donc c’est difficile de les entretenir. Je n’ai personne pour m’aider et je n’ai pas de travail. (Entretien, mosquée de Dassasgho, décembre 2016)

La naissance gémellaire est souvent la cause de leur pratique de mendicité :

C’est à cause des enfants que je mendie, sinon avant je faisais de la restauration, mais à cause des enfants je ne peux plus faire ça. Qui va payer ta nourriture avec des enfants aux bras ? (Entretien, mosquée de Dassasgho, décembre 2016)

Une autre femme confie ses difficultés à être en situation de mendicité :

Souvent nous avons honte de tendre la main ; mais nous allons faire comment pour nourrir les enfants ? Des fois, je ne peux même pas lever ma tête pour regarder les gens, tellement j’ai honte. Les gens nous accusent d’utiliser les jumeaux comme fonds de commerce alors que nous faisons ça par contrainte. (Entretien, Grande Mosquée, décembre 2016)

26La honte de la mendicité pousse également les femmes à une grande mobilité intra-urbaine. De nombreuses femmes viennent ainsi des quartiers périphériques pour mendier autour des mosquées les plus centrales, ou changent de quartier pour être plus discrètes ou rechercher une forme d’anonymat qu’on espère conférée par la ville (Simmel, 2007 ; Weber, 2000). Il est difficile de préciser les distances qu’elles parcourent, mais la majorité des femmes réside dans des quartiers périphériques. Elles sont en effet pour la plupart issues de la troisième zone périphérique de la capitale, occupée par un habitat non loti. Cet habitat, établi sur les terres dépendantes du droit foncier coutumier, est éloigné de fait d’un équipement urbain public dont les logiques d’implantation diffèrent des lieux de culte indifférents au statut administratif des quartiers. L’une des raisons de l’attrait des mosquées du centre-ville pourrait être que l’activité de prière (cinq fois par jour) y est plus fréquentée que dans les mosquées des périphéries. Comme le remarque Adama Ouédraogo à propos des mosquées de Ouagadougou :

Elles sont souvent ouvertes, toute la journée, jusqu’à 20 h, après la dernière prière, ce qui fait qu’elles sont fréquentées par des personnes de différentes catégories : enseignants d’écoles coraniques, élèves, voyageurs, riches et pauvres. Des mendiants vont y rester toute la journée pour quémander, surtout au moment des heures de la prière. (Ouédraogo, 2007 : 342)

  • 12 Dans cet article, médersa est un terme d’origine arabe désignant une école religieuse où l’on ensei (...)

27Au-delà du lieu de prière, la mosquée est un lieu de vie. En plus des activités religieuses, des activités éducatives et socio-économiques sont rattachées à la mosquée. À Hamdallaye, une médersa12 et un centre de santé se situent près de la mosquée. La Grande Mosquée abritait auparavant une médersa et des boutiques l’entourent actuellement. Comme le souligne André Mary, dont la remarque s’applique ici tant aux anciennes mosquées qu’aux plus récentes : « Une nouvelle mosquée, c’est l’occasion de nouvelles transactions entre l’espace du religieux, le lieu du culte, et l’espace marchand des activités commerciales (boutiques louées) au sein du quartier » (Mary, 2009 : 353). Au-delà de l’espace marchand, l’espace religieux s’imbrique également avec l’espace social, en particulier pour les mosquées de quartier, comme celle du marché de Dassasgho, du fait de l’intensité de la fréquentation de la mosquée, mais aussi de l’importance des liens de voisinage :

  • 13 Entretien avec un des imams et un responsable comité exécutif local CMBF, le 27 janvier 2017.

La mosquée est une institution très sociale : les mosquées de quartier, et finalement celles de toutes les collectivités. Parce que la mosquée, c’est quoi ? C’est le lieu de rencontre de toute la collectivité islamique. Et les musulmans se rencontrent cinq fois par jour. […] De façon générale, indépendamment même de la religion, il y a un tissu social assez étoffé [à Ouagadougou]. Vous allez trouver dans les quartiers des catholiques qui s’occupent des musulmans, et vice-versa, sans même qu’il n’y ait de liens de parenté. Seulement le lien de voisinage13.

De nouvelles formes de migrations féminines

28La mobilité intra-urbaine quotidienne des mères de jumeaux se superpose souvent à des épisodes migratoires du rural vers l’urbain ou, pour certaines, depuis le Mali. De nombreuses femmes interrogées proviennent ainsi de régions parfois éloignées de la capitale, et mendient autour des mosquées après une résidence plus ou moins longue à Ouagadougou, et souvent un épisode de rupture (par exemple, abandon du mari, perte de l’activité économique ou impossibilité de continuer à la mener). Certains parcours migratoires, ayant précarisé ces femmes et leurs enfants, illustrent également les formes de mobilités récentes au Burkina Faso. Une des mendiantes interrogées, venue vivre à Ouagadougou, explique que son mari est parti chercher fortune dans l’orpaillage et ne rentre plus, la laissant sans ressources (économiques ou sociales) à Ouagadougou. Une autre raconte avoir fui la Côte d’Ivoire, où elle vivait avec son mari à Abidjan, au moment de la crise post-électorale de 2011, et être arrivée à Ouagadougou après avoir vécu dans le village d’origine de son mari. Arrivée à Ouagadougou, elle a commencé à mendier avec ses jumeaux, pour des raisons qu’elle décrit comme étant essentiellement économiques.

29Les femmes rencontrées près de la mosquée d’Hamdallaye, lors de notre dernier passage en décembre 2016, ont cependant un profil migratoire particulier, venant toutes soit du Mali, soit du nord du Burkina Faso, de zones proches de la frontière malienne. La présence de mendiants en provenance de ces régions à Ouagadougou est peu surprenante, une migration saisonnière étant souvent observée pendant la saison sèche. Lors de la grande sécheresse de 1973, de nombreux éleveurs peuls ayant perdu leurs troupeaux ont ainsi migré vers Ouagadougou et s’y sont installés durablement, pratiquant aussi la mendicité autour des mosquées. Actuellement, l’instabilité croissante à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso explique que les populations fuient cette région, depuis laquelle Ouagadougou est souvent plus accessible que Bamako.

  • 14 L’une des principales limites rencontrées a en effet été la langue, beaucoup ne maîtrisant pas asse (...)

30Les femmes originaires de ces régions ont cependant des parcours à première vue surprenants, qui mériteraient des enquêtes complémentaires14 : la plupart sont issues des cultures peules ou songhay, où la mendicité des mères de jumeaux n’est pas une pratique rituelle instituée comme dans les sociétés mossi ou bissa par exemple. Mais surtout, beaucoup expliquent être parties à l’aventure en laissant leurs époux derrière elles, et en projetant de repartir quand les jumeaux seront autonomes dans la marche. Cette femme âgée de trente-cinq ans, mariée à un Hadj (ayant fait le pèlerinage de La Mecque), originaire du Mali et arrivée seulement depuis deux semaines à Ouagadougou au moment de nos enquêtes, raconte ainsi : « Je suis venue chercher à manger pour mes enfants et dès qu’ils vont commencer à marcher, je rentre au Mali » (Entretien, décembre 2016). Une autre femme âgée de vingt-cinq ans, également originaire du Mali, et mariée, explique être venue mendier, car elle ne pouvait plus cultiver, ce qui constituait jusqu’alors son activité principale. Arrivée il y a deux ans à Ouagadougou alors que ses enfants avaient trois mois, elle s’apprête à repartir : « Comme les enfants marchent maintenant, je vais rentrer » (Entretien, décembre 2016).

Figure 2 - Plans des mosquées d’étude

Figure 2 - Plans des mosquées d’étude
  • 15 A. Degorce, enquêtes menées dans le cadre d’un post-doctorat à l’IRD (« Discours sur les migrations (...)

31Cette mobilité vers la capitale burkinabè de femmes mariées et mères, souvent issues de cultures où la mendicité des mères de jumeaux n’est pas pratiquée rituellement, interroge. Toutefois, elle peut être éclairée par les nouvelles formes de migrations féminines en provenance des régions septentrionales du Burkina Faso. Ainsi, des enquêtes réalisées auprès de jeunes filles samo venues chercher du travail à Ouagadougou, souvent en tant qu’aides ménagères ou « bonnes », ont montré la présence récente, mais de plus en plus marquée, parmi elles de femmes mariées, également venues temporairement tenter « l’aventure » dans la capitale15. Originaires de régions géographiquement proches de celles d’où viennent les mères de jumeaux, ces femmes ont également été sujettes à la paupérisation grandissante dans ces régions du Nord éloignées des grands centres urbains, une situation accentuée depuis 2012 avec la guerre au Mali.

  • 16 Entretiens auprès d’imams et de responsables religieux d’Hamdallaye, en janvier 2017.
  • 17 Leader religieux tijâne d’Hamdallaye et descendant du fondateur du quartier Abdoulaye Fodé Doukouré

32Les femmes rencontrées autour de la mosquée d’Hamdallaye ne logent généralement pas dans ce quartier, mais dans celui voisin de Nonsin, ce lieu de résidence commun confortant l’hypothèse d’un point d’arrivée ou d’étape d’une route migratoire en provenance du nord du pays et du Mali. Comme les autres mères de jumeaux, elles s’éloignent donc de leur lieu de résidence pour pratiquer la mendicité. La structuration sociale d’Hamdallaye, plus proche de celle du village, à l’image des quartiers périphériques, pourrait par ailleurs, et au contraire, permettre de prévenir la mendicité des femmes du quartier, les réseaux familiaux étant a priori assez resserrés et solides pour prendre en charge des membres en difficulté16. Comme le fait remarquer Muriel Gomez-Perez à propos d’Hamdallaye : « Autour de cette mosquée sont reproduits les modes de vie peuls et s’opèrent des relations sociales en fonction d’une logique de parenté d’une part (logique de communautarisation de l’espace) et d’attachement à la famille fondatrice et plus particulièrement à Aboubakar Doukouré17 d’autre part […] » (2009 : 418). En ceci, la structuration du quartier est plus proche de celle d’un village rural, et les femmes d’Hamdallaye ne mendient pas, du moins pas dans les rues de leur quartier.

Le partage territorial autour des mosquées et l’économie morale du don revisitée

33Face à cette grande mobilité intra-urbaine, voire migratoire pour certaines, des mères de jumeaux, le partage territorial de la mosquée semble répondre à des règles auxquelles elles se plient et qu’elles participent à construire.

34Selon les discours des autorités religieuses, la position des mères de jumeaux autour des mosquées devrait s’inscrire dans l’ordre genré établi par la religion, soit à l’ouest, où se situent les portes d’entrée et les salles de prière réservées aux femmes (fig. 2). Dans le cas de la Grande Mosquée centrale, l’espace autour de l’édifice est d’autant plus religieusement réglementé et connoté que le mur Est, en direction de La Mecque ne peut abriter que des boutiques dont les articles sont à usage cultuel ou sacré. Aucun mendiant ne se situe de ce côté-là de la mosquée, sauf les vendredis, où nous avons pu y rencontrer des mères de jumeaux. Autour de la mosquée de Dassasgho, plus petite et non entourée d’un mur d’enceinte, les points d’entrée selon le genre (qui existent pourtant) ne sont pas pris en considération par les mendiantes et l’absence d’ombrage conduit même les femmes à se déplacer tout au long de la journée. De façon générale, le positionnement des mendiantes dépend aussi d’autres contraintes, telles que l’ensoleillement ou la proximité avec les voies bitumées. Dans les faits, les autorités religieuses font ainsi preuve de tolérance vis-à-vis de la façon dont les mendiants occupent les alentours des enceintes.

35Ainsi, « l’occupation de l’espace de la mosquée est soumise à des formes de partage territorial, plus ou moins formalisé et parfois ségrégatif » (Gomez-Perez, 2009 : 425-426). Les assignations liées au genre et au statut social jouent cependant pour beaucoup dans ce partage du territoire autour des mosquées, et un constat réalisé partout est le regroupement systématique de ces femmes qui ne cherchent pas à s’isoler dans l’espoir d’un gain plus élevé mais qui restent au contraire regroupées entre elles. Cette tendance au regroupement est stratégique. Elle s’explique d’une part par le besoin de visibilité, d’autre part par une logique de défense du territoire (plus elles sont ensemble, mieux elles se défendent et se protègent mutuellement des dangers liés au fait d’être dans la rue, par exemple des agressions physiques ou morales).

36Cependant, le positionnement des mères de jumeaux autour des mosquées peut également être source de tension, notamment entre elles :

Nos rapports sont souvent tendus ; on ne se bagarre pas, mais souvent on boude à cause de la jalousie. Moi-même j’ai dû changer de place à cause de ça. […] Si tu reçois beaucoup de sacrifices, les autres font de la jalousie et elles te boudent. Il y a aussi les enfants qui amènent les mamans à se bagarrer. (Entretien, Patte d’oie, décembre 2016)

37La concurrence peut donc s’observer pour l’occupation des places autour de la mosquée. Quelques tentatives de régulation ont été expérimentées par les autorités religieuses, comme à Hamdallaye où un hangar leur a été proposé, ombragé et plus éloigné des voies goudronnées, au bord desquelles jouent les enfants. Les mères de jumeaux, mais aussi les autres mendiants ont cependant refusé de s’y installer, le jugeant trop éloigné de la mosquée. Cet épisode rappelle la nécessité d’être proche de l’édifice. Une autre hypothèse à propos de cette recherche de proximité avec la mosquée est qu’en être proche protège d’une certaine manière les mendiants grâce à la tolérance et au devoir d’entraide défendu par les autorités islamiques, ce qui vient à l’appui de l’importance du choix de ces sites comme lieux de mendicité. Des enquêtes en d’autres endroits de la capitale, comme le terrain proche du carrefour de la Patte d’oie, réputé pour accueillir des mendiants pouvant recevoir des offrandes prescrites par des marabouts ou des « féticheurs », ont en effet révélé qu’au contraire les mendiants en étaient souvent chassés par la police. Au contraire, les femmes qui mendient autour des mosquées ne semblent pas être inquiétées. Ce qui renforce l’idée de l’importance de ces édifices et justifie le choix judicieux de ces lieux par les femmes.

  • 18 D’autres observations similaires ont pu être menées près d’autres marchés centraux comme ceux de Na (...)
  • 19 C’est le cas par exemple de la zakat : « Faire don à la communauté afin de purifier ce qu’il peut y (...)

38Enfin, près de la mosquée du marché de Dassasgho, les mères de jumeaux ont même développé des activités économiques. Ainsi, elles vendent désormais elles-mêmes les produits destinés aux aumônes, que ce soient des aliments, médicaments ou d’autres produits, qui font l’objet d’intenses échanges commerciaux, favorisés par la proximité du marché 18. C’est ainsi l’occasion pour les mendiants de développer des réseaux commerciaux, certaines offrandes, comme les poulets, étant revendues aussitôt le don effectué et le donateur parti, auprès de marchands installés autour du marché. En ceci, la logique de l’économie morale du don en islam, qui conçoit l’aumône comme une nécessité tant pour le bénéficiaire que pour le donateur (Bondaz et Bonhomme, 2014 ; Triaud et Villalón, 2009), et qui veut que le bénéfice revienne au final au donateur19 grâce à l’usage qui sera fait de l’offrande par le bénéficiaire, n’est plus suivie, dans la mesure où celui-ci ne fait plus usage lui-même de l’offrande mais la commercialise. En ce sens, si certaines mères de jumeaux développent une activité s’inscrivant dans des logiques relevant plutôt d’une économie marchande, elles expriment peu de discours à ce propos, ces observations rappelant finalement la façon dont « les populations locales manœuvrent entre ces différentes forces, et gèrent les “contradictions apparentes” entre discours et réalité vécue pour arriver ainsi à “négocier les règles islamiques” et à construire une économie morale spécifique et locale » (Triaud et Villalón, 2009 : 41). En ce sens, les mères de jumeaux revisitent une pratique d’aumône au prisme du don en islam et du contexte de précarité urbaine qu’elles vivent quotidiennement, contribuant ainsi à réinterpréter les contours de l’économie morale du don dans le contexte local du territoire entourant les mosquées.

Conclusion

39Les mutations que connaît, à Ouagadougou, la pratique « traditionnelle » du rite de présentation des jumeaux reflètent donc plusieurs dynamiques sociales urbaines. Les mosquées, de par les prescriptions entourant le don en islam, constituent des pôles d’attraction d’indigents dont la survie est directement liée aux aumônes versées par les fidèles et, en ceci, elles constituent un lieu d’attraction des mères de jumeaux dans la capitale burkinabè. D’après les témoignages recueillis, leur mendicité relève d’un éventail de situations sociales très critiques, qui les obligent à s’assurer un revenu complémentaire. Ces femmes, dont la grande majorité exerce une autre petite activité économique, dépendent toutes du secteur informel et ont peu de perspective d’insertion professionnelle. Traditionnellement, la quête pratiquée par les mères de jumeaux n’excède pas quelques semaines. Or, une mutation de la pratique semble apparaître, l’âge avancé des jumeaux (en moyenne trois ans) attestant d’un glissement de la mendicité rituelle vers un acte plus proche de la survie économique, inscrite dans la durée. Cette situation témoigne de l’extrême pauvreté d’un grand nombre de ménages dans la capitale (INSD, 2015 ; Montaud, 2003). Toutefois, au-delà de la nécessité économique, le fait d’être à proximité de mosquées à l’activité régulière et attirant de nombreux fidèles, concourt à situer les mères de jumeaux dans un espace où la sociabilité, tant entre-elles, qu’avec les autres catégories de mendiants ou avec les fidèles et les autorités religieuses, importe.

40Leur présence autour des mosquées, associée à leur affichage des codes vestimentaires islamiques par exemple, paraît toutefois contribuer à la production de nouvelles normes locales, et notamment à la réinterprétation populaire de la pratique et à son association à l’islam. Des changements économiques s’opèrent aussi autour de leur mendicité à proximité des mosquées et de la manière dont elles investissent les territoires alentour, notamment lorsqu’elles commercialisent elles-mêmes les produits des aumônes ou revendent ce qu’elles reçoivent autour des mosquées. La logique de l’économie morale du don devient alors elle-même objet de changements sociaux et normatifs, au moins localement.

41Par ailleurs, autour de ces mosquées, d’importantes mobilités intra-urbaines, voire interrégionales et internationales, s’organisent. Selon les femmes interrogées, leurs circulations relèvent de motivations essentiellement économiques, mais aussi d’une fuite, la honte de croiser un tiers poussant aussi à cette mobilité. Le cas des femmes provenant des zones proches de la frontière malienne rencontrées à Hamdallaye est cependant à part, leur migration s’apparentant davantage à une forme de migration économique et/ou d’aventure féminine qui touche ici des femmes mariées dont la culture d’origine ne prescrit pas de rites de présentation des jumeaux. Il est ainsi révélateur de mutations sociales en cours, de nouvelles formes de mobilités féminines, mais aussi de l’inscription de la mosquée dans des réseaux circulatoires et économiques plus vastes, qui dépassent largement les échelles locales.

42Plus globalement, la mendicité des mères de jumeaux fait apparaître des formes de changement social en contexte urbain. Elle laisse deviner également une politique de la ville contournée par ses habitants, qui n’hésitent pas à détourner de façon pragmatique la fonction des lieux. Trois constats majeurs émergent de nos observations. La densité des lieux de culte et le glissement dans l’interprétation des pratiques et des textes religieux sur la mendicité offrent tout d’abord aux moins fortunés la possibilité d’assurer un apport financier quotidien à leurs familles. Ces lieux de culte sont ainsi implantés à la fois sur des espaces qui leurs sont destinés dans les documents d’urbanisme, mais aussi parfois sur des parcelles affectées à d’autres fonctions. L’étendue de la ville garantit par ailleurs un certain anonymat aux femmes qui ne craignent pas d’être confrontées au regard des proches. Enfin, le brouillage des frontières entre des rites dits « traditionnels » et ceux des religions du Livre détourne le sens de certaines croyances et des actes qui leur sont associés. Elle introduit ainsi une tolérance face à des pratiques distantes des coutumes originelles et favorise ici leur passage vers un domaine plus économique que spirituel.

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Notes

1 Cet article a été écrit dans le cadre d’une thèse en préparation sur la mendicité des mères de jumeaux à Ouagadougou (Honorine Sawadogo, Université Laval au Canada). Nous tenons à remercier particulièrement Guibril Mando (INSS/CNRST) qui a contribué au travail de terrain.

2 Mossi est l’appellation francisée de Moaaga (sg., au pluriel Moose).

3 Ministre du Moogo Naaba, entretien réalisé le 11 février 2011.

4 Ceux-ci se sont déroulés dans des lieux et aux heures choisis par les interviewées. La plupart des entretiens ont ainsi eu lieu sur les sites de mendicité. Quelques-uns (trois entretiens) seulement ont eu lieu à domicile. Les participantes ont chaque fois été informées des objectifs, du caractère anonyme du questionnaire ainsi que de la liberté de participer ou de se retirer à tout moment de l’entretien. La plupart des femmes rencontrées ont volontiers accepté d’échanger avec nous. Toutefois, la durée de l’entretien a varié selon la disponibilité de l’enquêtée. Ainsi, sur les sites de mendicité, certains ont été relativement longs (environ 45 minutes à 1 heure), alors que d’autres ont plutôt été brefs (20 à 30 minutes), notamment si la femme mendiante ne se montrait pas très disponible. D’autres entretiens ont été entrecoupés soit parce que la femme avait besoin de s’occuper de ses enfants qui pleuraient, soit parce qu’un donateur approchait. Seuls les entretiens à domicile ont été très longs, 2 h 30 environ.

5 Les quartiers « non lotis » sont des quartiers irréguliers au regard des documents d’urbanisme. Ils s’opposent aux quartiers « réguliers » ou « lotis », qui correspondent à la ville « légale ».

6 Voir note précédente.

7 Élèves d’écoles coraniques pratiquant la mendicité.

8 Entretien avec un leader religieux, 25 janvier 2017.

9 Entretien avec un imam du Cerfi, 7 novembre 2016.

10 Ibid.

11 Sidawaya, 12 octobre 2015. En ligne : http://www.sidwaya.bf/m-8248-mendicite-de-meres-de-jumeaux-tradition-ou-fonds-de-commerce.html, consulté le 22 novembre 2016.

12 Dans cet article, médersa est un terme d’origine arabe désignant une école religieuse où l’on enseigne le Coran.

13 Entretien avec un des imams et un responsable comité exécutif local CMBF, le 27 janvier 2017.

14 L’une des principales limites rencontrées a en effet été la langue, beaucoup ne maîtrisant pas assez bien le mooré, langue principalement parlée à Ouagadougou et celle des entretiens.

15 A. Degorce, enquêtes menées dans le cadre d’un post-doctorat à l’IRD (« Discours sur les migrations à Ouagadougou »), résultats non publiés.

16 Entretiens auprès d’imams et de responsables religieux d’Hamdallaye, en janvier 2017.

17 Leader religieux tijâne d’Hamdallaye et descendant du fondateur du quartier Abdoulaye Fodé Doukouré.

18 D’autres observations similaires ont pu être menées près d’autres marchés centraux comme ceux de Naabi Yaar ou de la Zone 1 par exemple.

19 C’est le cas par exemple de la zakat : « Faire don à la communauté afin de purifier ce qu’il peut y avoir d’illicite dans les acquisitions de biens. » (Triaud et Villalón, 2009 : 35).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 - La place des mosquées dans les lieux de mendicité des mères de jumeaux
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Titre Photo 1 - La Grande Mosquée de Ouagadougou
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Titre Photo 2 - La mosquée d’Hamdallaye
Crédits Cliché S. Sidbega, 2017
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Titre Photo 3 - La mosquée du marché de Dassasgho
Crédits Cliché : S. Sidbega, 2017
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Titre Figure 2 - Plans des mosquées d’étude
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Pour citer cet article

Référence papier

Aude Nikiema, Alice Degorce et Honorine Sawadogo, « Les mères de jumeaux autour des mosquées à Ouagadougou : réappropriations, mobilités et mutations urbaines »Les Cahiers d’Outre-Mer, 274 | 2016, 183-205.

Référence électronique

Aude Nikiema, Alice Degorce et Honorine Sawadogo, « Les mères de jumeaux autour des mosquées à Ouagadougou : réappropriations, mobilités et mutations urbaines »Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 274 | Juillet-Décembre, mis en ligne le 01 juillet 2019, consulté le 10 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/7839 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/com.7839

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Auteurs

Aude Nikiema

Géographe, maître de recherche à l’INSS/CNRST, Ouagadougou, nikiaude@yahoo.fr

Alice Degorce

Anthropologue, chargée de recherche à l’IRD (IMAF, UMR AMU-CNRS-EHESS-EPHE-IRD-Université Paris 1), alice.degorce@ird.fr

Honorine Sawadogo

Ingénieure de Recherche à l’INSS/CNRST (Ouagadougou), Sociologue, doctorante à l’Université Laval au Canada, houedraogosaw@gmail.com

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Droits d’auteur

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