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Faut-il abandonner Jakarta ?

Should we give up on Jakarta?
Tai-Chee Wong et Olivier Sevin
p. 3-28

Résumés

Jakarta dont l’agglomération dépasse 23 millions d’habitants offre des conditions de vie déplorables à la majeure partie de sa population. Les conditions environnementales, qui n’ont jamais paru satisfaisantes, ne cessent de se dégrader depuis les dernières décennies. Les défis à relever sont si lourds et si variés que d’aucuns considèrent comme dorénavant inéluctable un changement de capitale ou du moins un déménagement des services gouvernementaux. L’objet de cet article est d’expliciter les raisons d’un tel échec dans un pays qui, par ailleurs, fait preuve d’un dynamisme économique indiscutable.

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Texte intégral

1Les conditions environnementales sont à Jakarta, comme dans nombre de mégalopoles de pays en voie de développement, fortement dégradées : la circulation automobile très dense est rendue difficile par la médiocrité du réseau viaire : pour rejoindre les grandes artères du centre-ville comme la jalan Thamrin ou la jalan Sudirman depuis l’aéroport de Cengkareng, il faut compter entre deux et trois heures en taxi au minimum. La pollution atmosphérique atteint des records : circuler derrière un autobus toutes vitres ouvertes est quasiment impossible, l’utilisation de la climatisation en voiture, même lorsque l’air est frais, est impérative. Le ramassage des ordures ménagères est si mal assuré que le moindre terrain vacant est occupé par une décharge sauvage au point que certaines villas de quartiers huppés ne peuvent trouver de locataires parce que situées à proximité immédiate. Les inondations sont récurrentes : dans le nord de la ville, dès qu’il y a conjonction entre marée de vives eaux et pluies de mousson, il y a inondation.

2De fait, Jakarta, dont l’agglomération dépasse aujourd’hui les 23 millions d’habitants, constitue un « monstre urbain », mais un « monstre urbain » paradoxal à plus d’un titre. D’abord parce que c’est une « ville nouvelle » fondée relativement tardivement, en 1619, à la suite d’un choix délibéré et que tout le monde s’en est toujours plaint. Au xviiie siècle déjà, les Hollandais se plaignaient des difficultés de la vie à Batavia dénonçant les inondations, la pestilence de l’air, une atmosphère malsaine et l’envahissement par les déchets de toutes sortes ; aujourd’hui, les plaintes continuent et les griefs sont toujours les mêmes, la congestion du trafic en plus ! Pourtant, second paradoxe, ces inconvénients n’ont pas empêché la ville puis l’agglomération de croître d’une manière spectaculaire alors que le site aurait très bien pu être abandonné comme tant d’autres dans la région. Enfin, troisième paradoxe, bien qu’au cours des derniers siècles, l’agglomération ait été remodelée à plusieurs reprises et que les travaux d’infrastructure n’aient jamais manqué, Jakarta demeure toujours, en dépit des efforts, une ville très difficile à vivre au quotidien pour la majeure partie de ses habitants. La dégradation de la situation environnementale est aujourd’hui devenue telle qu’au plus haut sommet de l’État le déplacement de la capitale est sérieusement envisagé.

3L’objet de cet article est de rendre compte des multiples paradoxes auxquels est confrontée la capitale indonésienne et d’expliquer pourquoi, alors que l’économie se développe à un rythme soutenu et que le pays se transforme progressivement de pays en voie de développement en pays émergent, la qualité de vie des Jakartanais continue à se dégrader inexorablement. Pour ce faire, on examinera donc successivement les conditions dans lesquelles la ville a été fondée à l’époque coloniale, puis les raisons pour lesquelles, depuis l’Indépendance, les conditions environnementales n’ont cessé de se dégrader, avant d’examiner quelles solutions pourraient être envisagées pour résoudre la crise urbaine actuelle.

Une « ville nouvelle » réaménagée à plusieurs reprises durant la période coloniale dont l’environnement a cependant toujours semblé malsain

4Jakarta est l’héritière de Batavia fondée dans les toutes premières années du xviie siècle. La ville a donc été créée dans un contexte bien particulier, à savoir celui de la première colonisation européenne, colonisation de type mercantile. La ville a été fondée par des négociants fortement marqués par leur culture européenne et c’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser les caractéristiques de la ville et de son site. Au fil des siècles, Batavia est devenue la capitale d’un vaste empire, celui des Indes néerlandaises. À ce titre, dès la période coloniale, elle a bénéficié à plusieurs reprises d’importantes politiques de grands travaux financées par la puissance publique. Pourtant, paradoxalement, en dépit de tous ces efforts, la ville a toujours conservé une mauvaise réputation.

Des contraintes de site masquées par les logiques coloniales

5Batavia est une « ville nouvelle » fondée en 1619 par Jan Pieterzoon Coen agissant pour le compte de la Vereenigde Oostindische Compagnie (Compagnie générale des Indes orientales, ou VOC) sur la côte septentrionale de Java à l’embouchure du Ciliwung. À l’emplacement de la future Batavia, il existe à la fin du xvie siècle une petite bourgade du nom de Jayakarta ou Jacatra dont le souverain reconnaît la suzeraineté du sultan de Banten, à l’extrémité occidentale de Java. À la veille de la conquête hollandaise, en 1607, le témoignage de Corneille Matelief nous apprend qu’il ne s’agit que d’un gros village :

La ville de Jacatra est bâtie à la manière des autres villes de l’isle de Java, c’est‑à‑dire que les maisons sont faites de paille, et environnées de clôtures de bois. (Voiage de Corneille Matelief…, p. 337).

6Dans la mesure où

le Roi peut mettre sur pié 4 000 hommes des habitants de la ville (idem),

on peut supposer que Jacatra est peuplée d’une dizaine de milliers d’âmes (Abeyasekere, 1987, p. 6).

7Vu de nos jours, le site apparaît cependant comme assez peu favorable. Jakarta a été fondée sur la côte nord-occidentale de Java dans une plaine alluviale ourlée par la mangrove, d’une quarantaine de kilomètres de large, qu’on suit de Ragkasbitung à l’Ouest à Cirebon à l’Est. Cette plaine s’est constituée à partir de sédiments et de lahars, charriés par un ensemble de 13 cours d’eau de direction grossièrement méridienne qui prennent leur source dans un ensemble de reliefs volcaniques situés plus au Sud, auxquels s’ajoutent de-ci de-là quelques sédiments d’origine marine qui sont parfois légèrement plissés. L’évacuation des eaux est rendue très difficile à la fois par les altitudes très basses et par l’existence de cordons littoraux séparés par des dépressions parallèles qui témoignent des modifications du tracé de la ligne de côte au cours de l’histoire. La ville se trouve par conséquent placée en position dépressionnaire, ce qui explique les débordements récurrents des fleuves dès lors que se conjuguent fortes précipitations et marées de vives eaux (Bemmelen, 1949, p. 27-28 ; Texier, 2009, p. 38-42).

8Au xviie siècle cependant, ces inconvénients n’apparaissaient pas aux yeux des marchands d’Amsterdam habitués à drainer pour leur plus grand profit les marais maritimes. Bien au contraire, les marchands bataves, à la recherche de points d’appui pour ravitailler leurs navires et entreposer leurs marchandises ont rapidement considéré que ce petit port présentait nombre d’atouts. Il était bien placé sur la route des épices qui mène aux Moluques ; il était en outre situé à proximité du détroit de la Sonde par lequel transitaient les navires européens qui rejoignaient les mers insulindiennes après avoir traversé l’océan Indien ; enfin, le site semblait facilement aménageable sur le modèle des villes de l’époque aux Pays-Bas. Jan Pieterzoen Coen profita donc d’un conflit local pour prendre et détruire par le feu la petite bourgade dont les habitants s’enfuirent. De nouveaux établissements, rebaptisés du nom de Batavia deux ans plus tard, lui succèdèrent.

En dépit d’une longue tradition de grands travaux d’aménagement, une ville qui a toujours été réputée malsaine

9Batavia, comme Amsterdam, est donc construite dans un milieu amphibie, le long de canaux : le Ciliwung est entièrement aménagé, son cours est régularisé, ce qui permet aux hommes et aux marchandises de circuler jusqu’au cœur de la ville, seuls les lourds vaisseaux de la VOC restent à l’ancre dans la rade, protégés par des îles fortifiées. Les habitations sont également construites sur le modèle hollandais, mitoyennes et parfaitement alignées le long des voies d’eau (Heuken, 1982-1983).

10Dès l’origine d’importants travaux d’aménagement sont lancés. Le creusement d’un réseau de canaux connectés au Ciliwung, lui-même transformé en « Grand canal » (Abeyasekere, 1987, p. 17) permet outre la circulation, d’assurer le drainage des marais maritimes et, avec la terre issue du creusement, d’édifier nombre de petits tertres qui permettent d’exonder les habitations (idem). Un pont basculant, permettant le passage de petits bâtiments, le Hoenderpasarbrug (« pont du marché aux volailles ») est construit (Heuken, 1982-1983, p. 16). En 1634, dans le prolongement du Ciliwung, un canal en matériaux coralliens est construit en mer afin d’éviter l’ensablement de l’embouchure (Abeyasekere, 1987, p. 39). Quelques années plus tard, en 1648, vers le Sud cette fois, un nouveau canal important, le canal Molenvliet, destiné à permettre à la ville d’être ravitaillée en bois de feu, est construit par le capitaine chinois Phoa Bing Am (idem, p. 41 ; de Vries, 1927-1988, p. 16). La réalité de tous ces aménagements nous est confirmée par les voyageurs du temps. Au milieu du xviie siècle, le marchand Johan Nieuhof, par exemple, nous apprend que la ville compte déjà 8 rues principales, 15 canaux dont les berges sont en partie aménagées et empierrées, ainsi que de nombreux ponts de pierre (4 sur le seul Tygers Gracht) (Nieuhof, 1682-1988, p. 266-267). De même, au siècle suivant, en 1741, dans ses « Considérations sur l’état présent de la compagnie hollandaise des Indes orientales », le Gouverneur-général van Imhoff recommande la mise en œuvre d’une politique de grands travaux comportant notamment, l’aplanissement du « banc » à l’entrée de la « Rivière », l’approfondissement des canaux afin de favoriser la circulation de l’eau et la construction de trois écluses (Imhoff, 1743, p. 43).

11Pour autant, les plaintes concernant l’environnement dégradé de la ville et ses conséquences sur la santé de la population sont incessantes. De manière récurrente, les canaux envasés, progressivement colmatés par toutes sortes de sédiments et d’immondices, sont rendus responsables de tous les maux dont souffrent les habitants. Pierre Poivre en témoigne au milieu du xviiie siècle :

Il y a plus de cinq ans qu’il règne dans le paÿs une espèce de peste qui emporte tous les ans la moitié des habitants européens. Pendant les 4 mois que nous avons été la, nous n’avons passé aucun jour sans enterrement. On croit que cette peste qui tous les ans emporte plus de 300 hommes est causée par l’infection qui s’exale des canaux qui arrosent presque toutes les rües de la ville. Ces canaux seroient extremement commodes et agreables dans un paÿs aussi chaud que Batavia s’ils avoient une eau claire et courante, mais ils sont remplis d’immondices et d’un limon puant qui reste à sec une partie de la journée dans le tems de la basse marée ce qui infecte l’air et le rend tres mal sain. (Malleret, 1968, p. 33).

12L’instabilité sismique de la région n’arrange rien. John Crawfurd se fait ainsi l’écho des conséquences des violentes secousses qui ont ébranlé l’arrière‑pays les 4 et 5 novembre 1699 :

Ils [les tremblements de terre] ont provoqué l’effondrement d’une partie de la montagne d’où le fleuve prend sa source, ce qui a eu pour conséquence d’en modifier le cours et de provoquer un alluvionnement vers l’aval d’une telle intensité que les canaux de Batavia en ont été bouchés, leurs berges étant recouvertes de boue. (Crawfurd, [1856] - 1971, p. 45).

13Il est possible également que le développement des bassins piscicoles dans l’arrière-mangrove dès le premier tiers du xviiie siècle (leur présence est attestée par une carte de 1788), ait renforcé l’insalubrité de la ville. Ces élevages ont sans doute constitué autant de gites favorables à la reproduction d’Anopheles sundaicus, principal vecteur de Plasmodium falciparum (Brug, 2000, p. 43-74).

14Quoi qu’il en soit, c’est un fait qu’au xviiie siècle, les épidémies remettent sans cesse en cause la croissance de la ville : Batavia dépasse 80 000 habitants en 1730, mais retombe à moins de 50 000 âmes douze ans plus tard. La population est minée par les fièvres :

Les fièvres [...] commencèrent en 1733 et durèrent jusqu’en 1738, et durant toute cette période, deux mille agents de la Compagnie et Chrétiens libres moururent chaque année. En 1739, elles baissèrent en intensité mais pour mieux repartir en 1744, et se maintenir peu ou prou jusqu’à la date de ce rapport, soit 1753. (Raffles, [1817] - 1982, vol. II, annexe A, p. ii-vii).

15Pour toutes ces raisons, la politique de grands travaux prend une ampleur sans précédent au xixe siècle. L’impulsion est donnée par Daendels dans les premières années du siècle, et est poursuivie par ses successeurs après la restitution de la colonie au Royaume des Pays-Bas. En ce qui concerne les voies d’eau, plusieurs canaux sont comblés, une jetée est construite et l’embouchure du Ciliwung est réaménagée (Crawfurd, [1856], 1971, p. 45). La grande œuvre de Daendels, soucieux d’une plus grande salubrité, demeure cependant le développement, à 4 km au sud du « Vieux Batavia », du nouveau quartier de Weltevreden. Daendels rase la citadelle, et développe une « ville neuve », « ville haute » (bovenstad) destinée à accueillir les Européens. De fait, le nouveau quartier, situé à une altitude d’environ 30 pieds au-dessus du niveau de la mer (idem, p. 44) est beaucoup plus aéré que la ville ancienne. Il est construit autour de la Place Royale (Koningsplein) d’une superficie d’environ 90 ha bordée d’allées ombragées et de la Waterlooplein autour de laquelle se pressent les divers services coloniaux ainsi que le palais de Weltevreden où se réunit le Conseil des Indes (Leclercq, 1898, p. 22-27).

16En dépit de tous ces efforts, dans la seconde moitié du xixe siècle, Batavia, vieille et nouvelle villes confondues, conserve cependant sa réputation de ville malsaine. La vieille ville, désertée par les Européens, se dégrade. Le témoignage du Comte de Beauvoir qui visite la ville en novembre 1866 est édifiant :

C’est ainsi que nous traversons au galop la vieille ville de Batavia, bâtie sur les boues malsaines au bord de la mer : il n’y a là que les habitations des indigènes [...] (Beauvoir, [1902] - 1992, p. 8).

17Plus loin, il ajoute :

Partout une odeur putride et nauséabonde est répandue : la brise de mer en apporte d’épaisses bouffées, exhalées par les bois de palétuviers et d’arbustes vénéneux qui couvrent la plage. [...] puis le jusant les [les racines] laisse à sec sur des boues malsaines ; le soleil darde, il les évapore et les déssèche ; un cordon de nuées jaunâtres, de vapeurs pestilentielles se forme, et reste un moment suspendu, attendant que la brise l’emporte : ah ! malheur aux parages où le dirige le caprice de l’atmosphère ! (idem, p. 15).

18La ville nouvelle n’est pas épargnée :

Malgré la pureté de l’air de la ville neuve, nous venons d’avoir un terrible exemple de ce qu’amène une imprudence. Un de nos voisins de table qui, hier soir, avait mangé avec trop d’avidité les succulents annanas de notre dessert, était un peu pâle au déjeuner de midi, - à trois heures il était mort ! (idem, p. 16).

19Au xxe siècle, les travaux d’assainissement et d’aménagement se multiplient alors que l’urbanisation s’étend considérablement vers le Sud : à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’urbanisation s’étend déjà sur une douzaine de kilomètres du Nord au Sud. Elle est continue jusqu’à Meester Cornelis (l’actuel quartier de Jatinegara), absorbé par la municipalité de Batavia en 1935, et les infrastructures sont modernisées en conséquence. Le drainage s’améliore suite à la construction du Bandjir kanaal (l’actuel kali Malang) en direction de Manggarai qui permet d’évacuer les eaux excédentaires du Ciliwung en direction de Muara Angke au nord-ouest et, ainsi, de « bonifier » les terrains de la partie méridionale de la ville (Abeyasekere, 1987, p. 88-90). Plus au Nord, dès les premières années du siècle, l’ancien canal Molenvliet est en partie recouvert alors que sont élargies de part et d’autre les actuelles avenues Gadjah Mada et Hayam Wuruk (De Vries, 1927-1988, p. 23). L’amélioration des moyens de transport est réelle : en 1940, les rues sont asphaltées dans leur grande majorité ; la ville est sillonnée de tramways et de trains. À partir de 1897, les tramways électriques font leur apparition et remplacent progressivement les tramways à vapeur inaugurés en 1881. Les premières lignes de chemin de fer traversent la ville dès 1875 et permettent de rejoindre Kota, Gambir et Jatinegara depuis Tanjung Priok. L’électrification des lignes fait même son apparition en 1924-1925 (idem, p. 58-59 ; KRL commuter JABODETABEK- Sekilas KRL). Enfin, un aérodrome est construit à Kemajoran (fig. 1).

Figure 1 – Batavia en 1940

Figure 1 – Batavia en 1940

Sources : 1- Plattegrond van Batavia, 1 : 20 000, Batava, 1935. 2- C. Robequain, 1946, Le Monde malais, Paris, Payot, fig. 23, p. 239.

20L’expansion du tissu urbain s’effectue désormais de manière organisée. De nouveaux quartiers résidentiels, au plan géométrique, surgissent au sud de la Koningsplein, en particulier à Gondangdia et à Menteng suite au rachat puis au lotissement par la municipalité d’anciens domaines agricoles. Les plans comme la réalisation sont l’œuvre de P.A.J. Moojen (Roosmalen, 2006, p. 60). Après la guerre, en 1948, l’aménagement, un peu plus au Sud, de la ville satellite de Kebayoran Baru par le nouveau Bureau central d’Urbanisme (BCU) fondé en 1946, répondra à la même logique (idem, p. 68). Certes, ces nouveaux quartiers s’adressent uniquement à une clientèle européenne, cependant dès les années 1920, le conseil municipal dispose d’un budget spécifique en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les kampung indigènes : 500 000 florins sont alloués chaque année aux municipalités afin de financer jusqu’à hauteur de 50 % les projets d’aménagement des kampung. De fait, les améliorations sont modestes mais réelles : 308 ha de kampung sont aménagés de 1921 à 1936, et le bilan est non négligeable en ce qui concerne la lutte contre les inondations menée par l’Ingénieur van Breen en 1918 (Abeyasekere, 1987, p. 121-123 ; Roosmalen, 2006, p. 67).

Des conditions environnementales qui ne cessent de se dégrader depuis l’Indépendance

21Avec l’Indépendance, et plus particulièrement à partir des années 1960, la croissance de l’agglomération devient spectaculaire. Dans les premières années de l’Indépendance, les grands travaux se succèdent comme durant la période coloniale, mais alors que se multiplient les réalisations de prestige, les conditions de vie des Jakartanais se dégradent. Après 1965, l’essor économique du pays ne parvient pas à masquer la crise urbaine qui se développe inexorablement.

La croissance spectaculaire de l’agglomération depuis les années 1960

  • 1 DKI: Daerah Khusus Ibukota.
  • 2 Dernier recensement disponible. Les résultats du recensement 2010 ne sont pas publiés au moment où (...)
  • 3 EMR : Extended Metropolitan Region. Voir à ce sujet : Graeme Hugo, “Indonesia” dans Thomas R. Leinb (...)
  • 4 JMUR: Jakarta Megan Urban Region. À ce sujet, on consultera avec intérêt l’article de Si Gde Made M (...)
  • 5 Statistics Indonesia, chiffres disponibles sur : http://www.datastatistik-indonesia.com
  • 6 Jabodetabek (auparavant Jabotabek) : accronyme de JAkarta-BOgor-DEpok-TAngerang-BEKasi.

22Jusqu’au milieu du xixe siècle, la croissance de la population de la ville reste modérée : si l’on se réfère aux chiffres fournis par T. S. Raffles : la population de Batavia et de ses environs immédiats atteint à peu près 130 000 habitants en 1793 (Raffles, [1817] 1982, vol. II, appendix A, tabl. N° I, p. iv) mais reste inférieure à 300 000 habitants en 1845 (Bleeker, 1847, p. 33). La croissance ne s’accélère que très tardivement, dans les deux derniers tiers du xxe siècle. Aux recensements de 1920 et de 1930, la population de la municipalité de Batavia est toujours modeste : respectivement 253 818 et 435 184 habitants (Volkstelling 1930, deel I, tabel 2, p. 122-123). Même en ajoutant aux districts centraux de Batavia et de Weltevreden les districts périphériques de Kebajoran et de Meester Cornelis de manière à recouvrir une superficie proche de celle de la ville actuelle de Jakarta (ou DKI1), on obtient des chiffres qui demeurent toujours très mesurés : 521 518 habitants en 1920 (Uitkomsten der in de maand …, 1922, deel II, tabel II, p. 12-13) et 810 902 en 1930 (Volkstelling 1930, deel I, tabel 1, p. 104-107). La situation est, par contre, radicalement différente en 20002 puisque dès lors la population de Jakarta-DKI atteint 8 356 489 habitants et celle de l’agglomération (ou EMR3, voire JMUR4) qui, outre la DKI, comprend les circonscriptions (kabupaten) et les municipalités (kotamadya) de Bogor, Bekasi et Tangerang, 19 957 498 habitants (Penduduk Indonesia, 2000, seri RBL1.2, tabl. 1.1, p. 20-21). En 2005, les résultats de l’enquête intercensitaire donnent des chiffres encore plus spectaculaires : 9 041 605 habitants5 pour Jakarta-DKI et 23 824 979 habitants pour la conurbation qu’il est convenu désormais d’appeler le Jabodetabek6 (fig. 2).

Figure 2 – Le Jabodetabek

Figure 2 – Le Jabodetabek

Sources : 1 – Statistics Indonesia, disponible sur le site www.datastatistik-indonesia.com, consulé le 03/12/2010. 2 – Jabotabek, 1 : 70 000, Jakarta, C. V. Pradika, 2000. 3 – BPS, Bagian Pemetaan Statistik, cartes des découpages administratifs.

23Dans le détail, on constate que la croissance s’est accélérée à partir des années 1960 : la population de l’agglomération a été multipliée par 3,5 en 40 ans, augmentant, sur la période 1960-2000, au rythme de 3,19 % par an. Avec des nuances cependant : de 1960 à 1980, c’est le cœur de l’agglomération, la DKI, qui a connu les taux de croissance annuels les plus élevés (4,48 %) contre « seulement » 3,76 % pour l’ensemble du « Grand Jakarta », tandis qu’à partir des années 1980, c’est l’inverse qui se produit, le taux de croissance annuel de la DKI tombant à 1,28 % contre 2,62 % pour l’ensemble de l’agglomération. De fait, durant les années 1980, les taux de croissance annuels de la population des circonscriptions et des municipalités de Bekasi et de Tangerang dépassent 6 % pour « retomber » respectivement à 4,54 et 3,98 % durant la décennie suivante.

Des réalisations de prestige, mais des conditions de vie qui se dégradent pour la majorité des habitants durant l’ère Soekarno

24L’élaboration d’un premier schéma directeur (Master Plan for Jakarta) ne date cependant que des premières années de l’Indépendance. Il est élaboré de 1956 à 1958 par une équipe dirigée par un expert des Nations Unies, Kenneth Watts, bientôt rejoint par un architecte-urbaniste britannique, George Franklin. L’équipe formule de nombreuses recommandations, en particulier : un développement de l’industrialisation qui ne néglige pas l’hinterland de la ville afin de limiter les migrations en direction de la capitale ; des investissements massifs dans le secteur du logement ; la construction d’un périphérique ; l’extension des réseaux d’adduction d’eau et d’électricité ; l’amélioration de la collecte des déchets et la constitution d’une ceinture verte autour de la capitale (Abeyasekere, 1987, p. 200). Pour l’essentiel, il ne s’agit cependant là que de vœux pieux.

25Le pouvoir sukarnien est en effet davantage préoccupé par les réalisations grandioses qui doivent assurer le prestige du pays dans la perspective des Jeux Asiatiques de 1962. Priorité est donc donnée à la construction du complexe sportif de Senayan, édifié grâce à un prêt des Soviétiques, de l’hôtel Indonesia construit avec des fonds japonais (idem, p. 178), du grand magasin Sarinah…, sans oublier de nombreux monuments à la gloire du régime réalisés dans un style proche du « réalisme soviétique » (Monument national ou Monas, sur le Lapangan Merdeka, nouveau nom donné à la Koningsplein ; « Liberté brisant ses chaînes » sur le Lapangan Banten (l’ancienne Waterlooplein) pour commémorer la récupération de l’Irian Jaya, demeurée sous tutelle néerlandaise jusqu’en 1963 ; « Bienvenue » face à l’hôtel Indonesia ; « Dirgantara » ou « Espace » à Pancoran ; « Semangkat Pemuda » ou « Enthousiasme de la Jeunesse » à Kebayoran…). En matière d’aménagement urbain, les seules réalisations d’importance sont le percement d’une grande artère, la jalan Thamrin, prolongée par la jalan Sudirman, menant du Lapangan Merdeka à Kebayoran et d’un échangeur en forme de trèfle à Senayan construit avec l’aide des États-Unis (idem, p. 178). L’action en faveur des couches populaires est par contre très limitée : à la fin des années 1950, plus de 300 000 Jakartanais vivent dans des conditions déplorables, les coupures d’électricité sont incessantes et… les tramways sont supprimés au début des années 1960 (idem, p. 174-176).

26De fait, en dépit de l’importance des politiques de grands travaux menés durant la période coloniale et les premières années de l’Indépendance, les conditions de vie de la majorité des Jakartanais demeurent extrêmement précaires. Les enquêtes menées en 1969-1970, c’est-à-dire dans les premières années de l’« Ordre Nouveau » instauré par le Général Suharto, dans trois kampung de Jakarta par Bernard Dorléans (1976) en témoignent. Dans ces trois kampung, Pademangan, dans la partie septentrionale de la ville, au nord de l’aéroport de Kemayoran ; Kebon-Katjang, à proximité du quartier résidentiel de Menteng, non loin de l’hôtel Indonesia ; et Duri, au nord-ouest, non loin de Grogol, les conditions de vie restent très difficiles. Dans ces trois kampung, la plupart des habitations est édifiée en matériaux végétaux légers : à Pademangan, par exemple, les 2/3 des maisons sont construites en bambou, le sol demeure en terre battue dans 91,5 % des cas ; seuls 20 % des habitations disposent d’un WC, toujours extérieur, et il n’y a ni électricité ni eau courante (idem, p. 33-35). Les inondations sont récurrentes, notamment en période de mousson : Pamedangan, est construit à 300 m de la mer dans une zone marécageuse que les habitants tentent de drainer et d’exonder en draguant les étangs, en élargissant autant que faire se peut les quelques diguettes préexistantes ainsi qu’un remblai de voie ferrée, quitte à utiliser toutes sortes de déchets, en particulier de nombreux cageots (idem, p. 26-28). La salinité du sous-sol rend impossible le creusement de puits, ce qui oblige les habitants à parcourir des distances considérables pour s’approvisionner en eau potable (idem, p. 35).

La crise urbaine comme bilan de l’« Ordre Nouveau »

27À partir des années 1970, l’Indonésie connaît une phase de croissance économique et de modernisation de ses infrastructures sans précédent. En l’absence de démocratie, le régime de l’ « Ordre Nouveau » instauré en 1965 par le Général Suharto fonde, pour partie, sa légitimité sur l’amélioration des conditions de vie de la population. Le régime est fortement soutenu par les Occidentaux et par les grandes institutions internationales telles que la Banque mondiale qui, dans un contexte d’affrontement des blocs, souhaitent démontrer la supériorité de leur modèle de développement. Jakarta devient ainsi en quelques années la vitrine que le régime se plaît à montrer aux étrangers de passage. De fait, en quelques années, la ville se transforme en accéléré, notamment en ce qui concerne les quartiers centraux.

28Une nouvelle planification est mise en œuvre dès 1973. Cette année là, un plan d’aménagement du « Grand Jakarta » est élaboré par le ministère des Travaux Publics avec l’assistance d’experts néerlandais, le Jabotabek, acronyme de JAkarta-BOgor-TAngerang-BEKasi. L’objectif des planificateurs est de rediriger vers des centres secondaires l’essentiel de la croissance urbaine de manière à limiter la pression sur le centre de l’agglomération sans pour autant créer ex nihilo de véritables villes nouvelles. Plusieurs modèles de développement sont étudiés pouvant se rattacher à deux grands types : un premier type, qui est rapidement abandonné parce qu’impliquant la construction d’infrastructures de transport considérables et une consommation excessive de terres agricoles, qui organise les pôles de croissance en cercles concentriques à partir du vieux noyau urbain, et un second, linéaire, qui finalement est choisi, qui canalise la croissance urbaine le long des axes routiers préexistants, organisant une véritable conurbation reliant, selon les points cardinaux, Tangerang à l’Ouest, Bekasi à l’Est et Bogor au Sud (Giebels, 1986, p. 101-115 ; Cowherd, 2002, p. 17-40). Ce schéma directeur est repris et modifié vingt ans plus tard, en 1993, la priorité étant dès lors de protéger de l’urbanisation les pentes des volcans de l’arrière-pays de Bogor, jugées essentielles pour l’approvisionnement en eau de la capitale. Depuis la fin des années 1990, la croissance urbaine est donc redirigée plus au Nord, au‑delà de Tangerang, vers Serang à l’Ouest et au-delà de Bekasi, vers Ceribon à l’Est, l’objectif étant la constitution d’un véritable « corridor » est-ouest le long de la côte nord de Java (Pantura) (Cowherd, 2002, p. 22).

  • 7 Jakarta-Bogor, Jakarat-Tanahabang, Jakarta-Bekasi, Jakarta-Tangerang, Jakarta-Serpong.
  • 8 “KRL Ciliwung” reliant Manggarai, Tanahabang, Angke, Kemayoran, Pasarsenen, et Jatinegara.
  • 9 www.krl.co.id/index.php/Sekilas-KRL.html consulté le 17/12/10.

29Afin de donner corps au projet, en matière de transports, une politique de grands travaux est lancée. Elle profite essentiellement au secteur routier. Une première autoroute vers Bogor (Jagorawi) est ouverte à l’extrême fin des années 1970, suivie d’un périphérique intérieur au début des années 1980 puis, quelques années plus tard, d’une autoroute vers le nouvel aéroport de Cengkareng, d’un premier périphérique extérieur (Outer ring road) à environ 12 km de Monas, au début des années 1990, auxquels s’ajoutent plusieurs autoroutes de dégagement en direction de Serang et Merak vers l’Ouest et Cikampek vers l’Est, sans oublier, en 1999, le projet d’un nouveau périphérique extérieur (Outer outer ring road) à 10 km du précédent afin de relier Bekasi, Depok et Tangerang (Sevin, 2000, p. 272 ; Cowherd, 2002, p. 30). En matière de réseau ferré par contre, les créations sont plus limitées. Le vieux réseau colonial a été rénové et en partie complété : depuis 2000, 6 lignes7, auxquelles a été ajoutée ultérieurement une 7e ligne circulaire8, ont été aménagées selon le principe de la desserte cadencée afin de relier entre eux les différents pôles de la conurbation9.

30Jabotabek est cependant toujours resté un concept : aucune agence n’a jamais été chargée de la mise en œuvre effective du projet qui, d’ailleurs, 10 ans après son élaboration, n’avait toujours pas été officiellement adopté par le gouvernement (Douglas, 1991, p. 253). D’autres plans ont suivi… Un second schéma d’aménagement, appelé Jabopunjur (acronyme de JAkarta‑BOgor‑PUNcak-cianJUR), a été élaboré en 1983 dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). En l’absence de ferme volonté politique, il est resté lettre morte. Deux ans plus tard, en 1985, le West Java Urban Development Project a été élaboré par le ministère des Travaux Publics. Présenté sous la forme d’une mise à jour du projet Jabotabek, ses promoteurs insistaient sur la déconcentration d’activités en faveur des centres urbain de la province de Java-Ouest. Ce sont eux qui ont été à l’origine de la réinstallation à Depok, à mi-chemin entre Jakarta et Bogor, de l’Université d’Indonésie. Ce nouveau dispositif a fait la part belle aux intérêts privés : des investisseurs ont été chargés de faire de Serpong, petite ville de 10 000 habitants en 1985, une ville nouvelle (Kota Baru Bumi Serpong Damai) destinée à accueillir 600 000 habitants (Douglass, 1991, p. 249-260 ; Sevin, 2000, p. 273) (fig. 3).

Figure 3 – « Grand Jakarta »

Figure 3 – « Grand Jakarta »

Sources : 1 – Plattegrond van Batavia, 1:20 000, Batavia, 1935. 2 – Jabotabek, 1/70 000, Jakarta, C.V. Pradika, 2000.

31Ces indécisions en matière de planification alors qu’étaient lancés de grands travaux d’infrastructure, notamment dans le domaine routier, sont à l’origine du processus incontrôlé de rurbanisation qui s’est enclenché, notamment en direction du Sud, le long de la route qui mène à Bandung, dépassant Bogor pour atteindre Cianjur via le col du Puncak. Ce phénomène a entraîné une dégradation accélérée du milieu qui se marque par la destruction du couvert végétal, des inondations spectaculaires, une intense érosion des sols et la pollution des rivières…

32La récurrence des inondations est sans doute le phénomène spectaculaire qui illustre le mieux la dégradation des conditions environnementales dans l’agglomération de Jakarta. Certes, elles font partie du quotidien des Jakartanais depuis la fondation de Batavia bien que les autorités néerlandaises aient très tôt multiplié les canaux de drainage et d’évacuation des eaux. Cependant, il semble que depuis environ trois décennies, ces inondations deviennent de plus en plus fréquentes, prennent une ampleur accrue et provoquent des dégâts sans cesse plus importants. Pauline Texier (2009) qui a consacré une recherche approfondie aux risques liés à l’eau encourus par les Jakartanais, après avoir recensé les épisodes les plus importants, montre que, dans la ville même de Jakarta (DKI), ils surviennent dorénavant en moyenne tous les 5 ans : les inondations de 1996, de 2002 et de 2007 ont chaque fois été qualifiées d’« inondations du siècle » (Texier, 2009, p. 69) ! Les conséquences sont également sans cesse plus dramatiques : on dénombre 10 morts en 1996, 25 en 2002 et, selon les estimations, entre 58 et 74 en 2007 ; on enregistre 28 000 déplacés en 1996, 350 000 en 2002, 430 000 en 2007 ! Dans le même temps, les dégâts gagnent en importance : les 2/3 de la ville de Jakarta (DKI) ont sans doute été touchés par les inondations en 2007 contre moins de la moitié en 1996. La carte que P. Texier joint à son travail montre que si la partie septentrionale de la ville est particulièrement touchée, aucun quartier n’est épargné, y compris les quartiers résidentiels méridionaux de Cipete ou de Kemang (idem, p. 70-72 ; carte n° 2.38, p. 72).

  • 10 Waduk Pluit,Muara Baru Ujung, Bukit Duri et Pademangan Barat.

33Paradoxalement, dans un tel contexte, les Jakartanais souffrent également de graves difficultés en matière d’approvisionnement en eau. Déjà dans les années 1990, sur les 17 millions d’habitants que comptait alors le Jabotabek, seuls 3,5 millions étaient raccordés à un réseau d’approvisionnement en eau, dont 2,6 millions pour la seule ville de Jakarta (DKI). Concrètement, cela signifie que les taux de raccordement étaient particulièrement bas : respectivement à peine supérieurs à 20 et 30 % (Jabotabek Metropolitan Development… , 1993, p. 11 ; Cowherd, 2002, p. 18). En 2006, les enquêtes de terrain menées par Pauline Texier dans quatre kampung du centre de Jakarta10 montrent que la situation ne s’est pas améliorée, bien au contraire : en source d’approvisionnement unique en eau, le taux de raccordement est tombé à 17,5 % et il n’est que de 25 % en source complémentaire (Texier, 2009, tabl. 4.2, p. 160). En une quinzaine d’années, en ce qui concerne les quartiers populaires, la dégradation est donc spectaculaire. Aujourd’hui, l’essentiel de l’approvisionnement en eau provient des puits, le complément étant assuré par des porteurs d’eau qui alimentent jusqu’à 41 % des Jakartanais (idem, tabl. 4.2, p. 160).

34Ces lacunes dans le système de distribution s’accompagnent d’une qualité de l’eau très médiocre servie, en outre, en quantité insuffisante. L’eau des tuyauteries, qu’elle soit servie par l’entreprise publique de distribution PAM Jaya (Perusahan Air Minum) ou par les différents opérateurs privés tels que PALYJA (PT PAM Lyonnaise Jaya), la filiale de Suez Environnement chargée de la distribution dans l’ouest de Jakarta, n’est pas potable : elle n’est que réputée « assainie ». Elle provient pour partie de la nappe phréatique profonde, c’est-à-dire de 40 à 60 m de profondeur, et pour partie du barrage de Jatiluhur construit au début des années 1960 à proximité de Purwakarta. Toute cette eau est de mauvaise qualité : du fait des prélèvements excessifs, la salinisation de la nappe profonde ne cesse d’augmenter (elle était perceptible à 5 km de la côte au début des années 1970 et à 15 km au début des années 2000) et différents polluants, notamment du manganèse, y sont périodiquement détectés. L’eau venue du barrage de Jatiluhur n’est guère meilleure : elle est acheminée par des canaux qui traversent des villages, voire des zones industrielles, d’où une importante contamination par les pesticides utilisés dans le cadre de la révolution verte ou par des polluants d’origine industrielle. L’eau a beau être traitée (décantation, de-huilage, adjonction de chlore…) elle demeure de piètre qualité, d’abord parce que les stations d’assainissement sont vieilles et en mauvais état et, ensuite, parce que les tuyaux de distribution, légaux ou illégaux, ne respectent pas les normes d’hygiène élémentaires. Quant à l’eau distribuée par les divers revendeurs ambulants, elle est elle aussi le plus souvent contaminée, cette fois encore par divers polluants, mais surtout, par toutes sortes de bactéries. Le recours aux puits n’est pas non plus la solution : en dépit de l’utilisation de puits tubés, compte tenu de la proximité des habitations et de l’étroitesse des jardinets, l’eau des nappes peu profondes est en contact permanent avec les diverses fosses septiques, d’où les quantités importantes de détergents et de bactéries que l’on y retrouve (Dietrich, 2006, p. 30-42).

35Le problème de la gestion des déchets se pose également avec acuité. Le « Grand Jakarta » produit environ 39 000 m3 de déchets par an ce qui, à titre de comparaison, représente l’équivalent d’une pile de déchets de 5 m de haut recouvrant la totalité d’un terrain de football. L’agglomération produit ainsi environ 25 % de la totalité des déchets du pays sur une superficie de l’ordre de 0,4 % du territoire national (Mangkoedihardjo et al., 2007, p. 29-34 ; Shedar, 2009, p. 9-10). Pour la seule ville de Jakarta (DKI), il faut compter 3,55 l de déchets par habitant et par jour, dont 2,51 l pour les seules ordures ménagères (Katono, 2007 ; Pasang, Moore et Sitorius, 2007, p. 10-11). Ces déchets sont majoritairement des déchets ménagers et, proviennent secondairement des marchés, les déchets industriels ne représentant qu’environ 15 % du volume total. Cette composition permet de rendre compte de leur nature essentiellement organique (à hauteur de 65 %) (Unesco, 2000 ; Meidiana et Gamse, 2010, p. 11).

36La collecte laisse fortement à désirer. Certes, le taux de collecte officiel atteint 96 %, mais la réalité est moins flatteuse avec un taux réel qui n’est guère supérieur à 80 %. Il faut dire que la collecte directe ne concerne que 20 % des déchets, la collecte indirecte, c’est-à-dire réalisée par le biais de poubelles communautaires ou bien organisée par les comités de quartiers, comptant pour l’essentiel (Gasco et Huê Tâm, p. 12). Quant aux déchets industriels, ils ne sont quasiment pas collectés : les industries rejettent dans les rivières environ 900 000 m3 de déchets chaque année, déchets qui contiennent des métaux lourds qui finissent, soit par atteindre la baie de Jakarta, soit par s’accumuler directement dans les sols (idem, p. 17).

37Ces lacunes dans la collecte expliquent l’importance de la pollution par les déchets. Les 20 % de déchets solides non collectés finissent dans les rivières. Environ 1 400 m3 par jour transitent ainsi, sur lesquels environ 1 000 m3 atteignent la baie de Jakarta. Ces déchets sont constitués majoritairement de polystyrènes, de sacs en plastique… Le lit des rivières qui drainent la plaine de Jakarta est ainsi fréquemment obstrué d’où des débordements et des inondations lorsqu’il y a conjonction entre pluies de mousson et marées de vives eaux (Unesco, 2000 ; Willoughby, Sangkoyo et Lakaseru, 1997, p. 17‑18). Dans la baie de Jakarta, le milieu est aussi très dégradé : un rapport de 2003 du ministère indonésien de l’Environnement indique que la baie reçoit chaque année 67,3 millions de m3 d’eaux usées venues des ménages auxquels s’ajoutent 216 000 m3 en provenance de l’agro-industrie (Zainal Arifin, 2006). D’ailleurs, les poissons pêchés dans la baie sont devenus impropres à la consommation du fait, notamment, de leur forte teneur en mercure (World Resource Institute, 1996 ; Zainal Arifin, 2006).

38La pollution de l’air atteint des records. Depuis le début des années 1980, les particules en suspension atteignaient 250 microgrammes par m3 plus de 7 jours par an ; on se trouvait donc déjà très au-dessus des valeurs acceptables fixées par l’Organisation Mondiale de la Santé, à savoir 60 à 90 microgrammes par m3 (Sham Sani, 1993, p. 87-89). En 2004, la situation ne s’était guère améliorée : la qualité de l’air dans la ville était réputée être inférieure à la qualité minimale admissible plus de 300 jours par an (Globenet, 2007).

39Trois sources majeures de pollution sont aisément identifiables : le trafic routier, la pollution industrielle et l’élimination déficiente des déchets urbains. L’essentiel de la pollution de l’air (70 % environ) est réputé provenir de la circulation automobile. Le recours massif aux véhicules diesel dont les moteurs fonctionnent en général de manière peu satisfaisante en est la principale cause. En 1999, par exemple, les carburants diesel ont représenté 74,5 % de l’ensemble des carburants utilisés dans l’agglomération (Clean Air Initiative, 2007 ; Aboeprajitno Aboejoewono, 2002 ; Wirahadikusumah Kosasih, 2002). Les rejets industriels dans l’atmosphère sont évalués, en 1999, à plus de 1 350 t par an d’anhydride sulfureux, un peu moins de 71 000 t d’oxyde de carbone et près de 3 400 t d’hydrocarbures (Aboeprajitno Aboejoewono, 2002). Enfin, la décomposition à l’air libre des ordures ménagères génère du méthane, tandis que leur incinération, réalisée le plus souvent de manière artisanale, dégage toutes sortes de particules, notamment des dioxines.

40La réponse institutionnelle n’a jamais été et n’est toujours pas à la hauteur de l’enjeu. Certes, les autorités sont engagées depuis 1969 dans un programme de réhabilitation des kampung appelé K.I.P. (Kampung Improvement Program). Ce programme est censé, sinon résoudre, du moins fortement améliorer les conditions de vie du petit peuple. Parmi ses objectifs principaux on trouve en effet une réponse à l’amélioration de la desserte en eau, notamment la construction de bornes fontaines, la multiplication des latrines, la mise à disposition de services de base tels que les dispensaires ou les écoles primaires… Cependant, ce programme, qui a bénéficié du soutien de la Banque mondiale et de la Banque Asiatique de Développement, est relayé depuis le milieu des années 1980, par une nouvelle version appelée C.I.P. (Community Infrastructure Program). Officiellement, c’est un progrès : il s’agit dorénavant de mieux prendre en compte l’action des acteurs locaux, notamment des ONG, les objectifs restant les mêmes. On peut toutefois se demander si, au-delà des sigles, il ne s’agit pas d’une manière détournée d’entériner un désengagement de l’État et des organismes officiels. De toutes façons, même si au cours des deuxième, troisième et quatrième plans quinquennaux, 43 000 ha ont été réhabilités, dans 166 kampung habités par environ 2 millions de personnes, on conviendra qu’au regard de l’importance de la population, sans être négligeable, le résultat demeure modeste (Dorléans, 1993, p. 220-221 ; Jellinek, 1996, p. 109 ; Sevin, 2000, p. 275).

41Le recours aux investisseurs privés et à une plus grande responsabilisation des différents acteurs, très à la mode dans les années 1980, a également montré ses limites. Certes, depuis les années 1990, les promoteurs privés ont l’obligation de consacrer au moins 20 % de leur budget au financement de logements sociaux, mais cette directive demeure peu suivie. Quant à la banque B.T.N. (Bank Tabungan Negara), chargée de distribuer des prêts bon marché et censée favoriser l’accession à la propriété, elle n’accorde ses faveurs que de manière sélective, c’est-à-dire aux seuls détenteurs de revenus réguliers dotés d’un solide apport personnel, ce qui limite très fortement son impact (Dorléans, 1993, p. 221).

42Bien sûr, la réalisation des grands travaux d’infrastructure relève toujours du domaine de l’État. Mais son action demeure très insuffisante. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne le traitement des eaux usées, la ville de Jakarta (DKI) ne dispose que d’une unique station à Setiabudi qui ne prend en charge que 3 % des eaux… Dans le domaine de la lutte contre les inondations, l’État intervient par le biais de « Masterplans » : en 1973, il est ainsi prévu de construire plusieurs milliers d’hectares de polders et plusieurs bassins de rétention des eaux ; en 1997, soit un an après les catastrophiques inondations de 1996, un second « Masterplan » prévoit des aménagements complémentaires. Dans le cadre de ces « Masterplans » est commencé le creusement du canal de crue oriental (Banjir Kanal Timur) censé améliorer le drainage de 13 quartiers (sur une superficie d’environ 220 km2) et est entreprise la réhabilitation du canal de crue occidental réalisé à la période coloniale. Mais ces travaux ont pris énormément de retard : le canal oriental n’est toujours pas terminé, de même que les travaux de modernisation du vieux canal occidental. En fait, les seules mesures efficaces prises ces dernières années consistent à expulser les populations qui vivent dans les quartiers informels, à proximité immédiate des cours d’eau, sans pour autant leur donner la possibilité matérielle de se reloger dans conditions décentes (Texier, 2009, p. 284-292).

43En ce qui concerne la gestion des déchets, peu a été fait. La part du Produit Intérieur Brut (PIB) qui y est consacrée demeure très faible : 0,34 % contre 0,38 % à Manille et 0,80 % à Hanoï. Certes, il existe bien un plan d’action soutenu par la Banque Mondiale en 2004, le projet WJEMP, qui prévoit la mise en place d’une instance de coordination (Greater Jakarta Waste Management Corporation), l’achat de bennes à ordures et la construction d’usines d’incinération. Mais, pour l’instant, c’est toujours un vœu pieux et on est droit de douter de sa mise en œuvre effective dans un proche avenir (Gasco et Huê Tâm, p. 30-32).

44En matière de lutte contre la pollution atmosphérique, c’est la même chose. Cette fois nombre de mesures ont été prises depuis le début des années 1970 : Ministerial Decree of Mining and Energy de 1973, Law n° 14/1992 dite « Traffic and land Transportation », Government Regulation Act n° 44/1993 et n° 41/1999… et même Local Regulation Act n° 7/2005 qui prévoit, spécialement pour Jakarta, des normes d’émissions spécifiques pour les véhicules à moteur et l’utilisation de carburant sans plomb. Cependant, bien qu’officiellement tous les véhicules soient soumis à un contrôle technique régulier, rien n’a véritablement changé, la loi n’étant pas respectée (Zainal Arifin, 2006).

Est-il encore possible de sauver Jakarta ?

45La question qu’il convient maintenant de poser est la suivante : puisque les mesures réglementaires et législatives ne sont d’évidence pas respectées, reste-il encore quelque chose à faire pour rendre la ville à ses habitants ou bien vaut-il mieux abandonner la partie et fuir ? En fait, seuls trois types de mesures semblent encore susceptibles d’apporter de réelles améliorations à relativement court terme : des mesures en faveur de l’éducation du public, une structuration de la filière informelle du traitement des déchets et, surtout, une refonte des réseaux de transports publics. Sinon…

46Sensibiliser les Jakartanais aux problèmes de pollution est de première importance. Le recours à des campagnes médiatiques peut se révéler utile. Elles doivent d’abord être menées par les autorités locales, mais elles peuvent l’être aussi par des entreprises privées qui ont pour souci de promouvoir un de leurs produits. En matière de gestion de l’eau, l’un des exemples qui vient à l’esprit est celui d’Unilever qui tente en ce moment de convaincre les Jakartanaises de ne rincer leur lessive qu’une seule fois au lieu de trois de manière à économiser l’eau. L’objectif n’est bien sûr pas désintéressé (la multinationale tente à sa manière de pousser les ménagères à utiliser son nouvel adoucissant, « molto ultra sekali bilas ») mais il peut parfois y avoir de la sorte conjonction d’intérêts sur un thème précis.

47En matière de gestion des déchets, comme il est vain d’attendre dans l’immédiat la mise en place d’un service efficace de collecte et de retraitement de type régie municipale, la solution la plus sage serait sans doute de s’appuyer sur la filière informelle. Elle a le mérite d’exister et il suffirait de la structurer. C’est déjà un secteur économique à part entière qui fait travailler entre 10 000 et 40 000 personnes. Ces collecteurs et trieurs de déchets s’activent pour le compte d’entrepreneurs (lapak) qui assurent le nettoyage et, éventuellement, un premier traitement avant revente à des grossistes (bandar). Sur la principale décharge de Jakarta, Bandar Gebang, 8 000 à 10 000 travailleurs s’activent ainsi. À l’image du projet PILKAB élaboré en 2007, il serait donc judicieux de partir de l’existant et de favoriser la création de micro-entreprises dépendantes des comités de quartier, ces petites structures ayant vocation à s’autofinancer grâce à la revente de matériaux recyclés et de compost (Gasco et Huê Tâm, p. 26-34).

48Le point le plus délicat à régler reste bien évidemment celui de la pollution atmosphérique. En ce qui concerne la pollution d’origine industrielle, les solutions sont difficiles à trouver dans la mesure où l’Indonésie accueille chaque année de nouvelles usines peu respectueuses de l’environnement en provenance des pays développés. Imposer le respect de normes anti-pollution drastiques s’imposerait si la concurrence internationale n’était pas si rude et si le pays ne faisait face à un problème de sous-emploi chronique : aussi, dans un souci de réalisme, il serait peut-être plus judicieux de recourir aux ONG. Ce serait un moyen d’éviter les dérives excessives. On est en effet en droit de supposer que l’avènement de la démocratie peut permettre de renforcer à terme le poids de la société civile.

  • 11 Les gouvernements successifs portaient le nom de kabinet pembangunan (« cabinets de développement » (...)
  • 12 Dans les années 1980, à Jakarta, lorsque l’on construisait une villa, l’usage était de construire u (...)

49En matière de qualité de l’air, aucun résultat tangible ne peut toutefois être envisagé sans une refonte totale des systèmes de transport. Mais il s’agit là d’un choix de société. De fait, depuis l’Indépendance, priorité a toujours été donnée à l’automobile : les tramways ont été sacrifiés sur l’autel de la modernisation et le réseau de chemins de fer, pourtant relativement dense, tout comme le matériel roulant, ont été laissés en déshérence. Certains prétendront que c’était par réalisme, pour des raisons de facilité, parce que dans un pays en voie de développement qui manque de cadres compétents, il est plus simple d’entretenir un réseau routier qu’un réseau ferré. Il n’empêche que le choix du tout automobile relève avant tout du politique. Durant trois décennies, le développement économique à marche forcée11 a servi de socle idéologique au régime de l’« Ordre nouveau » qui aurait pu prendre comme mot d’ordre le célèbre « Enrichissez-vous » de Guizot. Or parmi les signes extérieurs de richesse les plus emblématiques figure l’automobile12. Comme, par ailleurs, les classes aisées constituaient le principal soutien du régime et que les petites gens n’intéressaient pas grand-monde, rien ou presque n’a été fait en faveur des transports collectifs. Priorité a été donnée à la construction de voies rapides et d’autoroutes urbaines à péage réservées à l’élite ou aux classes moyennes supérieures logées dans des banlieues lointaines (Goldblum et Tai‑Chee Wong, 2000, p. 31), tandis que le petit peuple continuait à s’entasser dans des taxis collectifs et dans des bus bondés bloqués dans de gigantesques embouteillages. Il a fallu attendre la fin des années 1980 pour voir débuter les travaux de modernisation du vieux réseau ferré légué par les Néerlandais, et le début des années 2000 pour voir circuler les premières lignes d’autobus en site propre (« Transjakarta ») ! Aujourd’hui, l’urgence première est la construction d’un métro. Le projet existe, il est programmé, mais les travaux n’ont toujours pas débuté.

50Le renforcement des transports collectifs n’aura cependant d’impact que si l’extension de l’agglomération est canalisée, ce qui suppose, outre la définition d’axes de croissance précis, un strict respect du schéma directeur, ainsi que l’observance de règles d’urbanisme strictes imposant l’habitat collectif en hauteur. La multiplication des villas et de l’habitat pavillonnaire ces dernières décennies a fait de Jakarta, à l’exception du CBD, une ville basse chaque année plus étendue d’où, jusqu’à présent, l’impossible maîtrise des flux de transport.

*

La fuite comme solution ?

51En cas d’échec de ces remèdes, il reste la solution ultime à savoir le déménagement de la capitale. Le sujet n’a jamais été tabou : dans les années 1950, le premier Président indonésien, Sœkarno, avait déjà évoqué cette possibilité. Récemment, en septembre 2010, face à l’ampleur des problèmes à résoudre, le Président Susilo Bambang Yudhoyono a repris cette vieille idée et a lancé :

Jakarta est devenue vraiment surpeuplée. Il faut étudier la possibilité de déplacer le centre de l’administration13.

52Concrètement, au niveau de la présidence indonésienne, trois solutions sont envisagées : le maintien de Jakarta comme capitale avec des investissements massifs dans les infrastructures ; un déplacement pur et simple de la capitale sur le modèle de Brasilia ou d’Islamabad ; le transfert des seules administrations, Jakarta conservant son statut sur le modèle de la Malaisie voisine qui a choisi en 1999 d’installer son administration à Putrajaya, à 25 km plus au sud, au cœur de son célèbre Multimedia Super Corridor14.

53Ces projets ont bien évidemment suscité des appétits. Le groupe Bakrie, prévoit d’ores et déjà la construction d’une ville satellite sur 35 000 ha à Jonggol, non loin de Bogor, destinée à accueillir les administrations déplacées. À moins qu’un autre projet, plus ambiteux encore, ne l’emporte : l’installation de la nouvelle capitale à Palangkaraya, l’actuelle capitale de la province de Kalimantan-Centre dans le centre de Bornéo15 !

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Bibliographie

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Notes

1 DKI: Daerah Khusus Ibukota.

2 Dernier recensement disponible. Les résultats du recensement 2010 ne sont pas publiés au moment où cet article est rédigé.

3 EMR : Extended Metropolitan Region. Voir à ce sujet : Graeme Hugo, “Indonesia” dans Thomas R. Leinbach, Richard Ulack (dir.), 2000, Southeast Asia, Diversity and Development, Upper Saddle River, Prentice-Hall, p. 304-340, en particulier les pages 325-328.

4 JMUR: Jakarta Megan Urban Region. À ce sujet, on consultera avec intérêt l’article de Si Gde Made Mamas et Rizky Komalasari, p. 109-149.

5 Statistics Indonesia, chiffres disponibles sur : http://www.datastatistik-indonesia.com

6 Jabodetabek (auparavant Jabotabek) : accronyme de JAkarta-BOgor-DEpok-TAngerang-BEKasi.

7 Jakarta-Bogor, Jakarat-Tanahabang, Jakarta-Bekasi, Jakarta-Tangerang, Jakarta-Serpong.

8 “KRL Ciliwung” reliant Manggarai, Tanahabang, Angke, Kemayoran, Pasarsenen, et Jatinegara.

9 www.krl.co.id/index.php/Sekilas-KRL.html consulté le 17/12/10.

10 Waduk Pluit,Muara Baru Ujung, Bukit Duri et Pademangan Barat.

11 Les gouvernements successifs portaient le nom de kabinet pembangunan (« cabinets de développement »).

12 Dans les années 1980, à Jakarta, lorsque l’on construisait une villa, l’usage était de construire une seconde baie vitrée dans le salon de manière à l’ouvrir sur le garage afin que les invités puissent contempler la Mercedes, la BMW ou le gros 4 x 4 !

13 Intervention reprise sur, GoodPlanet.info : www.goodplanet.info/layout/set/print/Contenu/Depeche/Jkarta-s-asphixie-I-Indonesie-pense-a-changer-de-capitale/(theme)/295, consulté le 26/02/11.

14 AFP,dépêche reprise dans La Presse de Tunisie : “www.lapresse.tn/24092010/12899/lindonesie-pense-à-changer-de-capitale.html”, consulté le 26/02/11.

15 The Jakarta Post : www.thejakartapost.com/news/2010/12/21bakrieland-set-develop-35000ha-jonggol-satellite-city.html, consulté le 26/02/11.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Batavia en 1940
Crédits Sources : 1- Plattegrond van Batavia, 1 : 20 000, Batava, 1935. 2- C. Robequain, 1946, Le Monde malais, Paris, Payot, fig. 23, p. 239.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/6760/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Figure 2 – Le Jabodetabek
Crédits Sources : 1 – Statistics Indonesia, disponible sur le site www.datastatistik-indonesia.com, consulé le 03/12/2010. 2 – Jabotabek, 1 : 70 000, Jakarta, C. V. Pradika, 2000. 3 – BPS, Bagian Pemetaan Statistik, cartes des découpages administratifs.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/6760/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 632k
Titre Figure 3 – « Grand Jakarta »
Crédits Sources : 1 – Plattegrond van Batavia, 1:20 000, Batavia, 1935. 2 – Jabotabek, 1/70 000, Jakarta, C.V. Pradika, 2000.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/6760/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 552k
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Pour citer cet article

Référence papier

Tai-Chee Wong et Olivier Sevin, « Faut-il abandonner Jakarta ? »Les Cahiers d’Outre-Mer, 261 | 2013, 3-28.

Référence électronique

Tai-Chee Wong et Olivier Sevin, « Faut-il abandonner Jakarta ? »Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 261 | Janvier-Mars 2013, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 14 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/6760 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/com.6760

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Auteurs

Tai-Chee Wong

Associate professor, NIE, Nanyang Technological University, 1 Nanyang Walk, Singapore, 637616, Republic Of Singapore ; mel : taichee.wong@nie.edu.sg

Olivier Sevin

Professeur de géographie de l’Asie et du Pacifique, Université Paris-Sorbonne, Institut de Géographie, 191, rue Saint-Jacques, 75005 Paris, Laboratoire ENeC (UMR 8185) ; mél : Olivier.Sevin@paris-sorbonne.fr

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