1La République de Guinée, située sur la façade Atlantique ouest-africaine, s’organise en quatre grandes Régions naturelles (Haute-Guinée savanicole, Moyenne Guinée montagneuse, Guinée Forestière, Guinée Maritime). La Région naturelle de Guinée Maritime occupe une bande d’environ 150 km de largeur entre les contreforts du plateau du Fouta-Djalon à l’Est et l’océan Atlantique à l’Ouest. Cette région se caractérise par un climat très contrasté, puisque malgré l’existence d’une saison sèche qui s’étend sur 5 mois (décembre à avril), la pluviométrie est supérieure à 2 000 mm/an, allant jusqu’à 4 500 mm/an dans l’impluvium de Coyah.
2L’histoire du peuplement de la région est mal connue, toutefois on sait que la plupart des ethnies du littoral sont descendues du Fouta-Djalon à partir du XVIe siècle (Mogenet, 1999). Les Soussou furent les derniers arrivants et s’imposèrent rapidement du fait d’une organisation politique forte et de leur adoption de l’Islam. La plupart des peuples anciennement installés (Mandényis, Nalou, Baga…) ont ainsi été assimilés et la langue soussou est aujourd’hui dominante.
3En 2000, la Guinée Maritime regroupait 36 % de la population du pays, soit 2,5 millions d’habitants parmi lesquels 1,4 million de ruraux (Rossi et al., 2000). La Guinée Maritime connaît une évolution démographique spectaculaire (croissance d’environ 3 % par an), du fait de l’accroissement naturel de la population régionale et d’une migration massive en provenance de l’intérieur du pays. Ces dernières années, cette région littorale s’est fortement urbanisé, notamment à travers l’extension de la capitale Conakry, mais aussi du fait du développement de grandes villes industrielles (Kamsar, Fria) ou commerciales (Kindia) qui attirent des populations de l’ensemble du pays (Africapolis, 2008). L’attraction urbaine est également sensible dans certains centres secondaires tels que Forécariah et Dubréka, qui profitent du commerce suscité par la monétarisation des marchés de poissons, de sel et de bois (Rossi et al., 2003). Notre zone d’étude, la région de la baie de Sangaréah, se situe dans l’aire d’influence de Dubréka et de Conakry.
4La baie de Sangaréah, zone de mangrove située entre terre et mer, est soumise à l’influence continentale des fleuves Konkouré, Bouramaya et Soumba ainsi qu’à l’influence maritime orchestrée par le jeu des marées. Le débit de ces fleuves peut rapidement varier, car leurs bassins versants côtiers s’étendent sur une petite superficie, par conséquent un changement ponctuel du régime des pluies suffit à provoquer des modifications sédimentaires importantes dans les estuaires (érosion ou dépôts). Cette lutte d’influence entre le continent et l’océan s’exprime par un réseau de chenaux qui méandrent entre une végétation halophile, les palétuviers (Cormier Salem, 1999). C’est ce milieu riche, varié, complexe, mais aussi parfois hostile, que l’homme exploite depuis des centaines d’années (Monénembo, 2008).
5L’objectif de ce travail est de caractériser le peuplement, la mobilité et le paysage contemporain de la région de Dubréka, située à l’embouchure du fleuve Konkouré. Un recensement et une cartographie du peuplement ont été effectués. Dans le même temps, des questionnaires géographiques adressés aux chefs de famille, ont permis de caractériser les activités quotidiennes des populations et la mobilité associée. Le paysage a été caractérisé à partir des observations de terrain et du traitement d’une image satellite Landsat de 2006. Ces données nous ont permis de dresser une cartographie du peuplement, de caractériser la mobilité humaine et de les replacer dans le paysage.
6Les premiers résultats montrent que le peuplement et le paysage de la région de la baie de Sangaréah subissent une évolution accélérée avec comme principaux acteurs, les habitants de la lisière continentale (riziculteurs, bûcherons, pêcheurs…), les habitants de la mangrove (riziculteurs, extracteurs de sel, bûcherons, pêcheurs…) et certains habitants des quartiers de Conakry (Sonfonia, Kaporo) spécialisés dans la coupe du bois.
7La baie de Sangaréah se situe dans l’aire d’influence de Conakry et de Dubréka (fig. 1). Le peuplement de la baie est dominé par les Soussou et par une minorité de Peuls. Il existe également quelques peuplements ballante et temne respectivement originaires de Guinée-Bissau et de Sierra Leone.
Figure 1 – Localisation de la zone d’étude et des différents faciès
8Le milieu peut être grossièrement divisé en deux parties, le continent et la mangrove. Les activités principales menées sur le continent sont l’agriculture (rizière, maraîchage, mil, palmier à huile…), l’élevage de bovins N’Dama (race trypanotolérante) et la fabrication de charbon de bois. En mangrove, les hommes pratiquent principalement la pêche, la riziculture (inondée), l’extraction de sel et la coupe du bois.
Figure 2 – Peuplement, activités et mobilités humaines à l’embouchure du fleuve Konkouré
9En mars et avril 2009, une enquête de terrain a recensé la majeure partie de la population située dans l’embouchure du fleuve Konkouré. La majorité des villages, hameaux et campements des villages situés sur l’interface savane/mangrove, ainsi que la totalité de ceux situés sur les îles ont été recensés. La population de chaque cour a été enregistrée et chacune des cours a été géo-référencée, permettant ainsi d’effectuer une cartographie précise du peuplement.
10Un questionnaire rempli par les chefs de famille nous a permis de recueillir des données sur les activités des populations du continent et des îles et de caractériser la mobilité qui en découle. Dans le même temps, l’ensemble des débarcadères et des points d’approvisionnement en eau de la zone ont été identifiés et géo-référencés.
11Une composition colorée d’une image satellite Landsat de 2006 a été effectuée avec le logiciel de télédétection ENVI, puis importée dans Arcview afin de la superposer aux résultats des enquêtes de terrain.
12La baie de Sangaréah abrite l’embouchure du Konkouré, principal fleuve littoral de la Guinée Maritime ainsi que les embouchures de la Bouramaya et de la Soumba aux bassins versants réduits. La configuration du littoral, alliée au régime hydrologique de ces fleuves, a permis la construction de paysages complexes.
13Après la transgression Nouakchotienne, l’ennoiement des vallées, la mobilisation des sédiments par les fleuves, ainsi que la dérive littorale, ont construit d’imposants marais maritimes tropicaux sur lesquels la mangrove s’est implantée.
14La partie nord de la baie, embouchure du Konkouré, est caractérisée par des constructions sédimentaires issues de processus deltaïques et estuariens saisonniers. En hivernage, les crues importantes du Konkouré façonnent des îles en permettant l’édification de bancs de sable ou le placage de vasières agrandissant les îlots. En saison sèche et pendant les périodes de péjoration climatique, le système estuarien prédomine. Il est à l’origine de bancs de sable d’estuaire et de l’engraissement ou de l’érosion des bandes de mangrove qui s’étirent le long du plateau côtier en arrière-mangrove.
15À ces agents morpho-dynamiques il convient d’ajouter le rôle de la dérive littorale et surtout, dans cette baie de Sangaréah, des vents locaux qui créent une houle suffisante pour déstabiliser et détruire ces vasières littorales et entraîner le colmatage des fonds de chenaux ou accroître la puissance de la vasière pré-littorale.
16Cet ensemble de facteurs a donc créé une mosaïque de paysages, combinant des îlots continentaux au cœur des massifs de palétuviers, des cordons littoraux actifs et fossiles, ainsi que des îles de mangrove inondables. Ces paysages ont en commun le caractère salé à saumâtre des eaux de surface. Cependant partout où le faciès continental apparaît, il est relié au marais maritime par un talus de raccordement, lieu fréquent de résurgences et de zones humides douces.
17La baie de Sangaréah est constituée de quatre faciès (photo 1 à 4) que sont :
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le bas-plateau côtier situé en lisière de la mangrove qui supporte une végétation non halophile aussi bien « naturelle » (Daniella oliveri, Imperata cylindrica, Andropogon gayanus…) que privilégiée par l’homme (Mangifera indica, Citrus sinensis, Elaeis guineensis…) ;
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les îles continentales entourées de palétuviers mais composées d’une végétation non halophile « naturelle » ou importée par l’homme (Mangifera indica, Elaeis guineensis, Bombax pentandrum, Tamarindus indica, Cocos nucifera…) ;
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les îles de mangrove constituée par une végétation halophile, les palétuviers (Rhizophora, Avicennia…) ;
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les îles anthropiques issues du faciès numéro 3, mais que l’action de l’homme amène à distinguer des îles de mangrove. En effet, elles résultent d’une des principales activités humaines de la zone de Dubréka, l’extraction de sel. Cette dernière consiste à filtrer, avec de l’eau, la terre régulièrement inondée et exondée par les marées et à en extraire le sel (l’eau chargée en sel est ensuite évaporée et le sel récupéré). La conséquence de cette activité est la production de grosses quantités de terre dessalée, que les hommes étalent au fur et à mesure des saisons autour des campements provisoires. Les habitants plantent ensuite des espèces végétales utiles (Tamarindus indica, Cocos nucifera...) qui parviennent finalement à se développer. Les photos1 à 4 illustrent les différentes îles présentes en mangrove de Dubréka. Alors que la faune a quasiment disparu du continent, densément peuplé, on retrouve en mangrove des espèces animales comme le singe, la civette, le crocodile, le varan, ainsi qu’une avifaune très diversifiée (pélicans, hérons…).
Photos 1, 2, 3, 4 – Les différentes îles de mangrove
18C’est dans le faciès 1 que le peuplement humain est le plus important, essentiellement constitué de gros villages avec une population qui tire ses ressources de l’exploitation des interfluves savanicoles (mil, sorgho, fonio, charbon de bois…), des forêts galeries (riziculture non irrigué dans le prolongement des bras de mangrove qui remonte le continent, maraîchage de bas-fonds, maïs, manioc…) et de la mangrove (riziculture irriguée dans les îles de mangrove, extraction de sel, pêche dans les chenaux de mangrove).
19Dans le faciès 2, on retrouve des villages et hameaux nettement moins importants que sur le continent mais relativement stables en terme de peuplement, principalement parce que la ressource hydrique, bien que souvent insalubre, est disponible toute l’année. Il s’agit des villages de Kakounssou, Kanka, Arabanty, Tougoussouri et Bokhinéné. Certaines de ces îles continentales ne sont pas encore habitées, principalement pour des raisons de croyances, qui confèrent à ces îles un rôle diabolique.
20Le faciès 3 constitue plus des lieux d’activités très temporaires (campements de pêcheurs et de bûcherons), où les hommes vivent dans des conditions d’insalubrité extrêmes. L’un des problèmes majeurs de ces implantations humaines est l’approvisionnement en eau douce. Il en résulte une mobilité accentuée entre ces campements et les points d’approvisionnement en eau (sur le continent ou dans les îles qui en possèdent), notamment en saison sèche (récupération de l’eau de pluie en saison pluvieuse). Ainsi, il n’est pas rare de croiser des pirogues chargées uniquement de bidons de 20 litres qui font les navettes entre les îles et le continent pour l’approvisionnement en eau douce (photo 5).
Photo 5 – Transport d’eau douce en pirogue
21Dans le faciès 4, l’activité principale est l’extraction de sel en saison sèche. Elle est complétée en saison des pluies par la riziculture. Ce faciès rencontre les mêmes difficultés d’approvisionnement en eau que le faciès 3.
22La mangrove est donc un milieu constitué de ressources nombreuses et variées qui se localisent différemment dans l’espace selon les périodes, tout comme les hommes qui les exploitent.
23Sur les 63 villages, hameaux et campements visités, nous avons recensé 8 820 habitants pour 879 cours (fig. 2). Les 18 sites d’habitation continentaux totalisent une population de 5 383 habitants (475 cours) et les 45 sites des îles : 3 437 habitants (404 cours). Ainsi, en moyenne, une cour est constituée de 11 personnes sur le continent et de 8 personnes sur les îles. Si le milieu physique peut être grossièrement divisé en une partie continentale et une partie insulaire, la géographie humaine rappelle que ces deux espaces sont particulièrement imbriqués. Cette relation se matérialise par une mobilité très importante entre le continent et les îles, qui s’effectue en pirogue, le seul moyen de déplacement possible.
24Les principales activités menées par les populations recensées sont la riziculture, la pêche, l’extraction de sel et la coupe du bois (fig. 2). Sur le continent, elles s’adonnent principalement à la riziculture (généralement non irriguée) (184 familles) et à de multiples activités non agricoles, généralement absentes sur les îles (gardien, mécanicien, marchand, menuisier, instituteurs…) (98 familles). La plupart des familles du continent ont des activités qui les mènent en mangrove pour la pêche dans les chenaux (126 familles), la riziculture irriguée (48 familles), l’extraction de sel (13 familles) et la coupe du bois (6 familles). Les populations insulaires pratiquent l’extraction de sel (222 familles), la riziculture irriguée (73 familles), la pêche dans les chenaux de mangrove (54 familles) et en mer (41 familles) ainsi que la coupe du bois (14 familles). Ces activités sont responsables d’une importante mobilité illustrée par les 110 débarcadères recensés. Les 62 débarcadères situés à l’interface continent/mangrove, reflètent bien l’importance de la mobilité humaine entre le continent et la mangrove (un débarcadère pour 86 habitants). Cette mobilité prend deux formes : une mobilité quotidienne pour la pêche (126 familles), et une mobilité saisonnière caractérisée par de longs séjours sur les îles. En effet, des familles entières du continent s’installent pour des durées allant de deux à trois mois sur les îles pour l’extraction de sel (en saison sèche) et/ou la riziculture (en saison des pluies). Dans le cas de la coupe du bois, la durée d’installation en mangrove s’étend de 10 à 20 jours. Le recensement permet de dire que 67 familles du continent sont concernées par ces activités sur les îles pour la riziculture (48 familles), l’extraction de sel (13) et la coupe du bois (6), équivalant à 832 personnes, soit 16 % de la population totale recensée sur le continent.
25Les 48 débarcadères recensés en mangrove reflètent, quant à eux, la forte mobilité des îles vers le continent et aussi entre les îles (un débarcadère pour 71 personnes). La seule activité pratiquée pour une longue durée par les populations insulaires est la pêche en mer (41 familles). La mobilité à l’intérieur de la mangrove est due à la pêche dans les chenaux (54 familles) et à la coupe du bois (14 familles). La mobilité des îles vers le continent est intense, mais correspond généralement à des séjours très courts (de un à deux jours). Cette mobilité journalière est impulsée par la recherche de l’eau potable aux pompes des villages du continent et par celle des produits de première nécessité (huile, sel, allumettes…) aux marchés et boutiques des villages continentaux. Le problème de l’eau est grave dans les îles, en particulier pendant la saison sèche. Sur les 16 pompes et les 71 puits recensés dans la zone, aucune pompe et 8 puits se trouvent sur les îles de Bokhinéné, Arabanty, Kanka, Tougoussouri et Kakounssou. Pendant la saison pluvieuse, les insulaires récoltent l’eau de pluie à partir de bâches et de récipients.
26De plus, 180 familles (1 288 personnes, soit 37 % de la population insulaire), localisées dans des sites récents et temporaires d’habitation, trouvent leur origine dans des villages continentaux (fig. 2). En effet, 50 familles (401 personnes) sont originaires d’autres régions (Forécariah, Benty, Boffa, Conakry…) et 130 familles (887 personnes) de villages situés sur le continent dans la région de Dubréka. Les personnes provenant des autres régions littorales viennent de Boffa et Forécariah pour l’extraction de sel (330 personnes) ; des quartiers de Conakry (Kaporo, Sonfonia…) pour la coupe du bois (40 personnes) ; de Forécariah et Benty pour la pêche en mer (31 personnes). Les 887 personnes originaires des villages continentaux de Dubréka viennent principalement des villages de Menguiah (77), Bonéah (64), Yatia (57), Dembaya (47, village non recensé), Fandjekoure (32, village non recensé) et d’autres villages (580). Il apparaît que certains villages insulaires (Bokhinéné, Arabanty, Kanka, Tougoussouri et Kakounssou) n’ont pas ou très peu de liens avec d’autres régions ou villages du continent. Il s’agit en fait des villages les plus anciens évoqués précédemment, localisés sur les îles continentales (végétation non halophile et présence d’eau douce).
27La baie de Sangaréah constitue un écosystème riche et fragile, dont l’évolution est étroitement liée à la variabilité pluviométrique qui détermine le débit des fleuves et donc les processus d’érosion et de dépôts. Elle est actuellement soumise à un phénomène de très forte anthropisation, notamment du fait d’un fort accroissement démographique et de la proche présence de deux centres urbains très importants – Conakry et Dubréka. Cette baie a fait l’objet d’un « Projet de gestion des mangroves de la Baie de Sangaréah » financé par la Commission européenne et réalisé par la société d’éco-aménagement (SECA, 1998). À partir de ces études, des unités d’aménagement ont été identifiées en 1998 comme :
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affectées à la coupe du bois,
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non affectées à la coupe du bois et ni à une protection provisoire,
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affectée à la protection intégrale (interdite à la coupe du bois).
28La comparaison faîte entre les Unités d’Aménagements identifiées comme interdites à la coupe du bois et les réalités du peuplement et du paysage contemporaines permet de constater le non respect de la législation environnementale établie pour la baie de Sangaréah. On peut considérer que la ressource végétale n’est actuellement plus gérée et que la baie de Sangaréah est, à long terme, condamnée à être entièrement exploitée par l’homme, notamment les palétuviers. Inversement, la ressource halieutique, pourtant moins visible, fait l’objet d’une protection efficace avec, par exemple, l’interdiction de pêche à partir de barques motorisées dans certains chenaux. Cette surveillance est effectuée par les villageois eux-mêmes qui ont pris conscience de l’importance d’une bonne gestion de leur capital halieutique.
29La présence humaine sur les îles est relativement ancienne, comme l’atteste la carte topographique, à 1/50 000, dressée par l’Institut Géographique National (IGN, Paris, 1956) qui est le résultat d’interprétation de photographies aériennes prises en 1951 (Conakry 3 d, Dubréka, feuille NC-28-XI-3d). On identifie sur cette carte des sites d’installation anciens qui se localisent sur les îles définies auparavant comme continentales, c’est-à-dire qui se caractérise par une végétation halophile et la présence d’eau douce dans des sols sableux assez épais. Ces deux caractéristiques physiques en ont probablement fait des sites d’installation privilégiés et précoces, contrairement aux îles de palétuviers. Étonnamment certaines de ces îles continentales, proches du continent, ne sont toujours pas peuplées à cause du rôle diabolique que les populations locales leur attribuent. Ces croyances pourraient résulter des méfaits occasionnés par une pathologie particulièrement présente dans cette zone depuis la colonisation, la maladie du sommeil qui, en deuxième phase, rend les hommes instables psychologiquement (SGAMS, 1944 ; Camara et al., 2005). En effet, la structure sablonneuse de ces îles forme des gîtes favorables au développement du vecteur, la mouche tsé-tsé (observations personnelles). Cependant, du fait de la pression démographique, des implantations temporaires récentes (notamment pour la coupe du bois) commencent à se développer sur ces îles, encore inhabitées jusqu’à peu, comme par exemple sur l’île de Fofia.
30D’environ 8,2 millions d’habitants en 2000, la Guinée passera à 22,7 millions d’habitants (multiplication par 3) en 2050 (United Nations, 2009). Cette forte croissance démographique aura des conséquences importantes sur le peuplement et le paysage de la Guinée Maritime, d’autant plus qu’elle s’effectuera dans un fort contexte de variabilité pluviométrique alors que cette dernière conditionne les dynamiques sédimentaires des estuaires (d’Orgeval, 2008 ; AMMA, 2009). Face à ce constat, il semble important de faire des états des lieux précis du peuplement et des paysages en zone de mangrove, afin de pouvoir mettre en évidence les évolutions géographiques qui toucheront ces territoires situés entre terre et mer dans les années à venir.
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31D’un peu plus de 30 millions d’habitants en 1900, la population ouest‑africaine est passée à 306 millions d’habitants en 2010 (multipliée par 10 en 110 ans). D’une Afrique de l’Ouest faiblement peuplée et caractérisée par des paysages souvent indemnes d’action humaine, on est passé à une région densément peuplée avec des paysages fortement marqués par l’anthropisation. Les trois faits marquants de cette évolution ont été une densification du peuplement en campagne, une urbanisation rapide, et une dégradation marquée des paysages.
32La population de la sous-région devrait continuer d’augmenter fortement et se situer entre 550 millions et 700 millions en 2050. En Guinée, comme en Afrique de l’Ouest, il devient urgent de s’interroger sur l’évolution du peuplement, des paysages, et des relations déjà tendues entre populations et environnement, surtout dans un contexte de variabilité climatique croissante. La stabilité politique des pays ouest-africains et l’ampleur des migrations internationales, volontaires ou forcées, découleront directement des capacités de gestion de ces ressources naturelles.