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Dossier

Éducation et formation professionnelle en situation de crises humanitaires : l’exemple des migrations forcées au Cameroun

Education and vocational training in humanitarian crises: the example of forced migration in Cameroon
Claire Lefort-Rieu
p. 453-487

Résumés

Depuis les années 2010, le Cameroun a vu se multiplier les interventions internationales visant à répondre aux déplacements forcés sur son territoire. Prenant l’exemple du secteur éducatif, cette étude interroge les liens et conséquences de ces interventions sur les acteurs et enjeux politiques, à différentes échelles. Le secteur préscolaire, tout d’abord, est réinvesti par les acteurs locaux grâce à des programmes d’aide d’urgence influençant la politique nationale de décentralisation ainsi que l’orientation des stratégies gouvernementales. L’étude de la crise anglophone souligne un processus d’humanitarisation de l’école primaire, visant à dépolitiser un conflit national en neutralisant les enjeux qui lui sont attachés. Enfin, l’exemple d’un projet de formation professionnelle permet d’analyser la manière dont acteurs étatiques, humanitaires et réfugiés s’accommodent d’un environnement politique et de ses contraintes.

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Texte intégral

  • 1  Personnes reconnues par l’UNHCR comme réfugiés, « retournés », déplacés internes, demandeurs d’asi (...)
  • 2  Portail opérationnel UNHCR (consulté le 22/01/2022) : https://data2.unhcr.org/fr/country/cmr.
  • 3  Compte tenu du caractère extrêmement sensible de cette « crise anglophone », il est difficile d’ob (...)

1En 2021, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) au Cameroun estimait à près de deux millions le nombre de « personnes relevant de sa compétence »1. Depuis une décennie, les interventions humanitaires se multiplient en effet dans le pays, justifiées par la nécessité d’apporter une aide d’urgence à des zones et populations jugées « en crise » en raison de l’ampleur des déplacements forcés auxquelles elles sont confrontées (figure 1). La façade est du pays (régions de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord) connaît, depuis les années 2000, d’importantes arrivées de réfugiés consécutives aux crises sociopolitiques en République centrafricaine (RCA) voisine. Au 31 décembre 20212, le Cameroun accueillait près de 342 877 réfugiés centrafricains, établis pour un tiers dans des « sites formels » (camps de réfugiés accueillant plusieurs milliers de personnes, officiellement gérés par l’UNHCR avec l’appui d’organisations humanitaires non gouvernementales internationales, ONGI) et pour deux tiers « auto-installés » en zones rurales et, dans une moindre mesure, urbaines (c’est-à-dire spontanément établis en campements informels de petite taille dans les localités des régions d’accueil). À l’Extrême-Nord, dans le bassin du Lac Tchad, les exactions du groupe Boko Haram et la riposte des forces armées camerounaises ont occasionné près de 120 928 réfugiés nigérians et 357 631 déplacés internes. Enfin, dans les zones anglophones du pays (régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest), des revendications sécessionnistes faisant l’objet d’une vive répression gouvernementale donnent lieu, depuis 2017, à d’importants déplacements de populations vers le Nigéria voisin ainsi que vers d’autres localités et régions camerounaises3.

Figure 1. Principales « crises humanitaires » identifiées au Cameroun en 2021

Figure 1. Principales « crises humanitaires » identifiées au Cameroun en 2021
  • 4  Voir la note du CICR, « Les déplacements de population comme crise humanitaire » (consultée le 22/ (...)
  • 5  Bien que l’humanitaire ait une histoire propre (Barnett, 2011 ; Ryfman, 2016), marquée par la temp (...)

2Ces déplacements, associés à l’idée de crise humanitaire en raison de leurs conséquences pour les populations qui les subissent4, ont provoqué la multiplication de projets d’assistance portés par des organisations internationales (OI) et non gouvernementales (ONG). Ces interventions sont motivées par des « situations d’urgence complexes » ayant pour « dénominateur commun » de tirer leur origine « dans des conflits armés [dont les] impacts sur les populations sont exacerbés par des vulnérabilités structurelles préexistantes » (OCHA, 2019 : 7). Par leur contenu, elles témoignent de l’éclatement des notions de développement et d’humanitaire : ces projets d’aide concernent non seulement des interventions d’urgence (alimentation, logement, santé) mais aussi de plus long terme (tel l’accès aux services sociaux de base : construction d’infrastructures éducatives, sanitaires ou médicales)5.

  • 6  Voir, parmi d’autres : Bayart, 1985 ; Sindjoun & Courade, 1996 ; Pommerolle, 2008 ; Eboko & Awondo (...)

3Les modalités opérationnelles de ces interventions ont été étudiées en s’intéressant à des secteurs précis (tels l’éducation ou la santé : Kamdem, 2016 ; Lemouogue, 2020), aux afflux migratoires d’urgence (Mbarkoutou, 2014 ; Ndih et al., 2017 ; Mahamat, 2021) ou aux conflits liés à la présence des réfugiés dans les territoires d’accueil (Kossoumna Liba’a, 2016). Le cas spécifique des réfugiés centrafricains a permis d’interroger les liens que ces projets humanitaires entretiennent avec un environnement politique camerounais ayant déjà fait l’objet d’une importante littérature6. La prise en charge de ces populations n’est pas sans effet sur la construction étatique du Cameroun (Butel, 2013). Dans les zones périphériques de l’Est, l’action humanitaire a été analysée comme une politique publique locale particulière, insérée dans des configurations articulant échelles locales et nationales (Minfegue, 2020). Faisant office d’action publique locale, ces interventions internationales peuvent être l’objet d’une prise en main par les autorités locales et le gouvernement central (Lefort, 2020). L’aide humanitaire peut alors contribuer à renforcer certaines frontières du pays et à intégrer des marges périphériques dans le territoire national (Lefort-Rieu et Minfegue, 2021).

4L’analyse des rapports entre humanitaire et politique au Cameroun mérite cependant d’être approfondie. Le secteur éducatif offre, pour cela, un cas d’étude intéressant : alors que l’école a longtemps participé des instances de socialisation conçues comme « des continuums du parti-État » (Eboko, 1999 : 124), elle est aujourd’hui surinvestie par les interventions humanitaires d’organisations internationales (telles l’Unicef, l’Unesco ou l’UNHCR) et d’ONGI. Depuis la réforme du secteur de l’humanitaire en 2007, l’éducation constitue en effet un domaine à part entière de l’aide d’urgence, considérée désormais comme un moyen essentiel pour sauvegarder des vies (« life-saving sector ») (IASC, 2007). Divers travaux ont analysé les enjeux des interventions éducatives en situation de crise (Sinclair, 2001 ; Kagawa, 2005 ; Chelpi-den Hamer, 2007 ; Davies & Talbot, 2008 ; Azoh et al., 2009 ; Novelli, 2009), leurs effets en termes de changement social ou leur articulation avec les dynamiques éducatives locales publiques, privées ou communautaires (Baujard, 2010 ; Chelpi-Den Hamer et al., 2010 ; Triplet, 2015). Ces analyses ont montré comment différentes formes d’offre éducative participent, dans des situations qualifiées d’extrêmes par les acteurs de l’aide ou les institutions officielles, de la production et de la transformation d’un bien collectif en temps de crise. Toutefois, cette thématique reste encore peu abordée au Cameroun.

  • 7  Bien que le Cameroun soit engagé dans l’objectif de « localisation » décrété lors du Sommet humani (...)

5J’ai donc choisi de m’intéresser à la façon dont, dans le pays, l’« humanitarisation » des questions éducatives par les acteurs de l’aide internationale – c’est-à-dire leur transformation en un moyen essentiel de sauvegarder des vies – permet de dépolitiser certains enjeux, ainsi qu’aux stratégies de (ré)appropriations dont cette humanitarisation peut faire l’objet. Les interventions humanitaires observées lors de ce terrain d’étude sont le fait d’agences onusiennes et d’ONG (majoritairement internationales7) se revendiquant comme telles, sans considération pour le contenu même de leur action (limité ou non à la seule aide d’urgence). Comme le soulignent Atlani-Duault et Dozon (2011 : 21) : « il y a désormais aide humanitaire tout simplement là où des groupes se réclamant de la mise en œuvre de l’aide humanitaire interviennent et organisent à cet effet un dispositif d’intervention sur d’autres groupes sociaux ». Cette définition correspond particulièrement bien au contexte camerounais, dans lequel un projet d’aide aux déplacés forcés peut consister à la fois en des distributions alimentaires d’urgence et en la construction de « ferme-écoles » destinées à développer l’élevage volailler. C’est parce qu’ils se qualifient eux-mêmes d’humanitaires, plutôt que par le contenu de leurs interventions, que ces acteurs constituent une scène partagée dans laquelle ils évoluent, interagissent et se confrontent (lors de rencontres bilatérales, réunions de coordination, collaborations ou partenariats dans le cadre de projets communs). En articulant échelles locale, régionale et nationale, cette étude pose l’hypothèse que l’action humanitaire internationale intervient dans le secteur éducatif camerounais selon trois procédés liés : la remise en cause des priorités sectorielles du gouvernement pour y faire valoir les stratégies humanitaires ; la neutralisation paradoxale du caractère politique d’enjeux sociopolitiques pour faciliter l’intervention humanitaire ; la façon dont les interventions humanitaires peuvent être (ré)appropriées et réinvesties par les acteurs et populations qui en bénéficient. Si ces trois modalités donnent à voir l’humanitaire – tel que défini ci-dessus – comme force politique, elles offrent aussi une focale intéressante pour examiner les interactions entre acteurs humanitaires internationaux et structures des territoires d’intervention. On s’intéressera pour cela à trois sous-domaines du secteur éducatif ayant fait l’objet, ces dernières années, d’un surinvestissement de la part des agences onusiennes et ONGI au Cameroun : l’éducation préscolaire, l’enseignement primaire et la formation professionnelle.

6L’approche ici proposée se situe au croisement de l’anthropologie politique et de l’anthropologie de l’aide internationale (Atlani-Duault, 2009b ; Atlani-Duault & Dozon, 2011 ; Copans, 2011). Elle s’appuie sur une « double ethnographie en réseau » menée, pendant près de deux ans, à la fois auprès des acteurs humanitaires internationaux et des récipiendaires de leurs projets – situant la chercheuse, à la fois observatrice et actrice, sur un « fil délicat » (Atlani-Duault, 2009a : 36). Cette méthodologie d’enquête a été possible grâce aux postes occupés au sein d’une ONG internationale d’assistance aux réfugiés : chargée de projet à l’Est-Cameroun (d’octobre 2017 à mai 2018), puis responsable nationale à Yaoundé (de février 2020 à juillet 2021). La fréquentation de temps long du secteur et des acteurs humanitaires a permis de multiplier les temps d’observation, tant lors des rencontres et réunions de coordination que dans le cadre de projets d’aide mis en œuvre. Cette ethnographie de l’intérieur de la sphère humanitaire (Vidal, 2009 ; Lavigne Delville & Fresia, 2019) a été complétée par des temps d’échanges, sous forme de discussions informelles ou d’entretiens, avec des employés d’agences onusiennes ou d’ONGI, des représentants étatiques et des autorités locales dans la région de l’Est comme à Yaoundé, capitale où se concentrent services centraux de l’État et sièges des organisations humanitaires.

  • 8  Pour une analyse critique des enjeux liés à l’emploi de ce terme, voir Ribémont (2016).
  • 9  Sur les concepts de betweeness ou withness, voir Nast (1994), Rose (1996), Bingley (2003), Bondi ( (...)

7Cette approche a été couplée à un travail d’enquête auprès des « bénéficiaires », c’est-à-dire des populations visées par ces interventions d’aide8. Le statut d’Occidentale ou d’employée humanitaire auquel j’étais systématiquement renvoyée a priori a exigé d’autres procédés d’enquête. Délaissant la méthode de l’entretien formel, peu pertinente dans ce contexte, choix a été fait d’opter pour de longs temps d’échanges avec des familles et des individus rencontrés en dehors du cadre humanitaire. Ces discussions informelles et le temps passé, quotidiennement et en dehors des seules tâches d’employée d’ONG, auprès de ces personnes ont facilité une progressive familiarisation et insertion sur le terrain. Elles ont permis de déployer des situations de dialogue et d’échange autres, plus ouvertes et plus riches que le type d’interactions caractérisant le système de l’aide. Dans une perspective inspirée notamment de la géographie féministe anglophone (Volvey et al., 2012), la pratique du terrain a été appréhendée comme un « faire avec »9 visant notamment à constituer comme légitime la parole des individus et des groupes visés par les dispositifs humanitaires (Naepels, 2020).

8Divers enjeux méthodologiques et éthiques ont été soulevés par une telle enquête de terrain, à commencer par la difficulté à concilier regard distancié de l’ethnographe et impératif d’action des acteurs de l’aide (Olivier de Sardan, 1995 ; Agier, 1997 ; Makaremi, 2008 ; Dubey, 2013). Les rapports triangulaires tissés entre la chercheuse, les institutions d’aide et les déplacés forcés ont permis de nourrir à la fois l’enquête et le travail demandé au sein de l’ONG – par exemple, en évitant l’écueil d’une victimisation globale des réfugiés pour tenir compte de la pluralité de leurs situations, profils, stratégies et capacités d’agir (Baujard, 2005).

L’éducation préscolaire, entre priorités gouvernementales et stratégies humanitaires

Un humanitaire au service de la politique d’éducation préscolaire et du processus de décentralisation

  • 10  Il est difficile d’obtenir, pour cette période, des données chiffrées précises, comme l’illustre l (...)

9Ces dernières années, l’aide aux déplacés forcés au Cameroun s’est accompagnée d’une multiplication de projets de la part d’agences onusiennes (en particulier l’Unicef et l’Unesco) et d’ONGI dans le secteur de l’éducation, notamment maternelle ou préscolaire. Pour comprendre les enjeux liés à ces interventions internationales, il convient d’abord de retracer le contexte dans lequel elles s’insèrent. Au Cameroun, l’éducation de la petite enfance s’est développée dans un contexte où l’État se trouvait au cœur de la fabrique de l’espace éducatif (Martin, 1978), dont les contenus étaient alors placés au service d’ambitions politiques (Mbembe, 1989). La création officielle des écoles maternelles en 1972 a été suivie, en 1984, par celle d’une Sous-Direction pour l’éducation préscolaire au sein du Ministère de l’Éducation de Base (MINEDUB). Cela a permis un accroissement progressif du nombre d’élèves et d’écoles maternelles publiques et privées à travers le pays : à la fin des années 1980, les structures préscolaires accueillaient près de 93 771 enfants, dont 79% dans les grands centres urbains (UNESCO, 2006). Malgré cette structuration progressive du secteur éducatif de la petite enfance, les écoles préscolaires restaient souvent de simples garderies d’enfants. Pour rompre avec cette situation, dans le cadre de la politique du « Renouveau » portée par le nouveau Président de la République Paul Biya (Owona Nguini et Menthong, 2018), s’opère une « Rénovation pédagogique générale du système éducatif camerounais », visant aussi à étendre le droit à la préscolarisation. Mais l’implication étatique dans le secteur éducatif va se heurter aux effets de la crise économique et des plans d’ajustement structurels des années 1980. Les investissements publics laissent place à un double mouvement de privatisation et de décentralisation de l’éducation : la multiplication des écoles privées s’accompagne d’une intervention accrue (ou, du moins, supposée) des acteurs locaux dans la délivrance de services publics éducatifs. Le secteur préscolaire voit, quant à lui, le gel de la création de nouvelles écoles maternelles publiques10. Seules peuvent désormais être mis en place des centres préscolaires à base communautaire (CPC), directement gérés et financés par les populations locales. Au milieu des années 1990, le développement des CPC vise à proposer des alternatives au déficit de structures dans les régions sous-scolarisées telles l’Adamaoua ou l’Est, via notamment l’appui d’ONG locales et d’organisations internationales telles l’Unicef (ROCARE, 2007). Mais leur développement reste contrarié par le manque de compétences techniques et de moyens logistiques. À compter des années 2000, le retour de l’État dans les politiques publiques (Eboko, 2015) coïncide avec un contexte mondial insistant sur l’éducation de la petite enfance (UNICEF, 2004 ; UNESCO, 2004, 2007, 2015a, 2015b; Akkari et al., 2013). Le Cameroun se fixe alors pour objectif de relever ses taux de préscolarisation au moyen d’une approche plurielle : impliquer les collectivités territoriales décentralisées (communes, régions) ainsi que le secteur privé et favoriser la création de CPC, notamment dans les zones rurales où les taux de scolarisation sont les plus bas.

  • 11  Secteur de l’aide humanitaire visant à assurer à l’enfant une protection générale en tant que pers (...)

10Dans ce contexte, le rôle des agences onusiennes et ONGI dans l’émergence d’une véritable offre de préscolarisation au sein de zones rurales et périphériques s’avèrent centrales. Tout en soulignant les limites liées au caractère disparate et très territorialisé de ces interventions, on a déjà montré comment ces dernières, initialement motivées par des enjeux de « protection de l’enfance »11 au sein de régions en crise, pouvaient être réintégrées dans le champ des politiques sociales locales par des acteurs œuvrant à aligner ces projets d’aide avec les politiques éducatives de l’État (Lefort, 2020). C’est ce que souligne la Déléguée régionale de l’Éducation de Base, lors d’une réunion avec une ONGI impliquée dans la création de CPC à l’Est :

Nous voudrions vous dire merci, parce qu’en fin de compte c’est nous les premiers bénéficiaires [de vos projets] : le MINEDUB […]. Ces activités permettent de renforcer les compétences régaliennes et [celles] de l’État central. […] La politique des CPC a été mise en place pour pallier le manque d’écoles maternelles – donc pas dans une optique de rétrocession, à terme, des CPC à l’État. Au contraire, c’est pour pallier les carences de l’État que nous permettons aux partenaires d’accompagner les communautés, sous l’œil vigilant du MINEDUB [observation du 20/02/2020 à Bertoua].

Photo 1. Formation des points focaux communautaires en protection de l’enfance

Photo 1. Formation des points focaux communautaires en protection de l’enfance

Kette, octobre 2020

Photo 2. « Conseil scolaire » réunissant enseignants, parents d’élèves, chefs de communautés et membres du comité de gestion du CPC

Photo 2. « Conseil scolaire » réunissant enseignants, parents d’élèves, chefs de communautés et membres du comité de gestion du CPC

Kette, mars 2020

11Si ces projets d’aide aux réfugiés destinés à la petite enfance peuvent appuyer la production de services publics au sein de régions périphériques, ils participent aussi de la mise en œuvre des politiques étatiques en termes de préscolarisation. En parallèle de son appui matériel et financier à la création de centres préscolaires, l’ONGI mentionnée a aussi formé aux enjeux liés à l’éducation maternelle les personnes chargées d’assurer le bon fonctionnement de ces centres. Outre les responsables locaux (chefs de village ou de quartier, parents d’élèves) impliqués dans les comités de gestion des CPC, dans chaque village, des points focaux en protection de l’enfance sont désignés par l’ONGI au sein des populations hôtes et réfugiées. Durant l’année scolaire, ces personnes reçoivent des formations sur les enjeux de protection de l’enfance et sur le développement du jeune enfant. Elles sont ensuite chargées de « sensibiliser les communautés » (photo 1), participant ainsi d’une certaine pression sociale à la préscolarisation (photo 2) et encourageant largement les parents à mobiliser des ressources à cet effet (tenues et matériels d’apprentissage, cotisation à l’association des parents d’élèves, contribution financière ou en nature pour le fonctionnement de la cantine scolaire, etc.). Occupant un rôle de « courtiers » de l’éducation (Bierschenk et al., 2000), ces acteurs locaux servent ainsi de relais pour promouvoir la politique gouvernementale de préscolarisation à base communautaire – et ce, par le biais des acteurs et projets d’aide internationale aux réfugiés.

  • 12  Au nom des principes de neutralité, impartialité et indépendance, les intervenants humanitaires ne (...)

12Ces projets d’aide à la petite enfance en contexte de crise, ainsi que les réappropriations qu’ils suscitent de la part d’acteurs locaux, ont aussi des effets sur le processus actuel de décentralisation et de déconcentration des services de l’État. Faisant écho au caractère supposément apolitique de l’action humanitaire12, pour garantir la pérennité des centres préscolaires créés, l’ONGI susmentionnée pensait d’abord s’appuyer sur les seuls parents d’élèves. Dans une logique basée sur la participation des communautés (Lavigne Delville, 2007, 2011), il suffisait de transmettre à ces derniers les compétences et moyens nécessaires à la gestion d’une école, via des formations et la mise en place d’activités génératrices de revenus censées subvenir aux besoins des centres préscolaires. Mais cette démarche se révèle insuffisante : l’ONGI décide alors de mettre en place un processus de rétrocession des CPC à la mairie, pour veiller à ce que les communes prennent le relais lorsque le projet arrivera à son terme. Pour cela, de régulières rencontres bilatérales entre responsables municipaux et membres de l’ONGI sont organisées, afin d’obtenir que les besoins de chaque centre préscolaire soient intégrés dans les budgets communaux des localités concernées. L’objectif est aussi que les collectivités territoriales décentralisées acceptent de s’impliquer dans la gestion de ces centres et d’y d’exercer un droit de regard, afin d’éviter que les ressources des écoles ne soient utilisées à d’autres fins. En amenant les communes à s’impliquer dans le financement et la gestion des centres préscolaires, l’ONGI contribue à renforcer à la fois la politique nationale d’éducation préscolaire et le processus de décentralisation. Voici comment le maire d’un arrondissement de l’Est décrit, lors d’un entretien réalisé le 3 septembre 2020, ce processus de rétrocession des centres préscolaires entamé par l’ONGI :

[Il s’agit] de transférer le savoir-faire et les compétences sur la gestion des CPC à la mairie, pour nous imprégner de ce qui est fait et [en] assurer la pérennité. […] Les CPC sont une émanation de l’État dans les localités qui ne sont pas pourvues en écoles maternelles. […] Avec la décentralisation, toutes les écoles maternelles et les CPC entrent dans le patrimoine communal […]. La mairie, si elle a des moyens et que la communauté n’en a pas, peut voir comment soutenir les moniteurs.

  • 13  Le Décret n°2010/0246/PM du 26 février 2010 fixant les modalités d’exercice de certaines compétenc (...)

13En effet, concernant l’éducation maternelle et primaire, certaines compétences transférées aux communes portent précisément sur la création, la gestion, et l’entretien des écoles maternelles et des centres préscolaires, l’acquisition des matériels et fournitures scolaires, ou le recrutement et la prise en charge du personnel13. Les rencontres organisées par l’ONG entre autorités communales et membres des comités de gestion des centres préscolaires sont d’ailleurs l’occasion, pour ces derniers, de placer la municipalité face à ses engagements et responsabilités. Lors d’une des réunions à laquelle j’ai pu assister dans la région de l’Est, le 17 septembre 2020, le président d’un comité de gestion prend ainsi la parole pour solliciter non pas l’appui des humanitaires mais le soutien des autorités, estimant que l’ONGI « a déjà beaucoup fait sa part ». Cet exemple donne à voir la façon dont l’État peut, sous la forme d’arrangements constamment réinventés, céder des parts de souveraineté négociées à des acteurs extérieurs – ici, humanitaires – qui participent, en retour, à l’expansion de l’administration scolaire publique (Poncelet et al., 2010).

Infléchir l’agenda gouvernemental sur l’enseignement préscolaire ?

  • 14  Cette citation (et suivante) : observation du 20/05/2020, Yaoundé.

14Cette implication des acteurs d’aide aux réfugiés dans l’enseignement préscolaire a aussi des conséquences sur la définition des politiques gouvernementales, comme en témoigne le processus d’élaboration d’une nouvelle « Stratégie nationale pour le secteur de l’éducation et de la formation au Cameroun pour la période 2020-2030 ». Outre le gouvernement et les organisations internationales traditionnellement impliquées dans les questions éducatives (telles la Banque Mondiale, l’Unesco ou l’Unicef), ce processus associe aussi les acteurs de l’aide d’urgence (UNHCR, ONG). Ces derniers sont très largement représentés lors de l’atelier organisé par la Banque Mondiale à Yaoundé, le 10 mars 2020, pour présenter l’état du secteur éducatif au Cameroun. Pendant cette rencontre, à laquelle j’ai pu assister, les enjeux liés à l’éducation préscolaire occupent une place centrale – faisant écho au réinvestissement dont la petite enfance fait l’objet, ces dernières années, de la part des acteurs internationaux en éducation (Akkari et al., 2013). Deux mois plus tard, un groupe de travail dédié au préscolaire est créé à l’initiative des acteurs de l’aide. Composé de représentants étatiques, d’organisations internationales (Unicef, Banque Mondiale) et non gouvernementales, sa visée est double. Comme l’explique ce représentant de l’Unicef lors de leur première réunion, il s’agit de « mieux coordonner nos actions et notre réponse en termes d’appui au gouvernement dans ce secteur souvent oublié ou peu représenté du préscolaire, […] [à un] moment où l’on parle de plus en plus du préscolaire au Cameroun » ; mais aussi de mener « un vrai travail de plaidoyer pour la petite enfance »14.

15Dès cette première rencontre, j’ai pu voir émerger un point de tension entre acteurs internationaux et représentants étatiques concernant le fait d’intégrer, ou non, l’éducation préscolaire dans le « package d’éducation fondamentale » supposé universel, obligatoire et gratuit. Face à la position défendue par les acteurs de l’aide, l’inspectrice en charge de l’éducation maternelle souligne que « le préscolaire n’est pas obligatoire au Cameroun », rappelant la position inchangée du gouvernement depuis les années 1990 concernant le gel de la création de nouvelles écoles maternelles publiques et la stratégie de développement des centres préscolaires à base communautaire (CPC). Au fil des mois, les discussions se poursuivent entre le gouvernement et les principaux acteurs impliqués dans les secteurs éducatifs et préscolaires. La collaboration entre acteurs internationaux et services de l’État, notamment dans le cadre du PAREC (Programme d’Appui à la Réforme de l’Éducation au Cameroun)15 ou du Partenariat Mondial pour l’Éducation16, est marquée par la volonté d’instaurer un cursus obligatoire et gratuit de huit années d’éducation débutant non plus au primaire mais en grande section, c’est-à-dire intégrant la dernière année du préscolaire. Cela serait rendu possible grâce à une double approche consistant, selon l’inspectrice de l’éducation maternelle, à « appuyer le développement de nouveaux CPC dans les zones rurales, afin d’y accroître les taux bruts de préscolarisation » et en « accol[ant] une classe préscolaire au primaire en zones urbaines »17. Ainsi, tout en respectant la politique gouvernementale (basée sur le gel de création de nouvelles écoles maternelles publiques et la promotion des centres préscolaires à base communautaire, notamment en zones rurales), l’éducation préscolaire est intégrée au « package d’éducation fondamentale » universel et gratuit. Face au refus de l’État de considérer le préscolaire comme stratégique, le renforcement des interventions en éducation maternelle consiste à intégrer cette dernière à un secteur déjà fortement investi par le gouvernement, à savoir l’éducation primaire (obligatoire et gratuite). Cette proposition, officiellement formulée par le Ministère de l’éducation de base lui-même, reste encore « en attente d’approbation […] de la part de la primature » en raison notamment des « impacts financiers » qu’elle suppose. Une telle décision signifierait une inflexion notable de la stratégie gouvernementale telle qu’elle a été déployée jusqu’ici, tout en valorisant le travail des acteurs humanitaires investis dans la création des centres préscolaires en zones rurales. En effet, en parallèle de ces discussions, l’ONGI susmentionnée a été sollicitée par la Banque mondiale (qui finance la stratégie nationale d’éducation au Cameroun) pour étendre à d’autres régions que l’Est son expérience de création et rétrocession des CPC aux collectivités territoriales décentralisées. On observe ainsi comment un projet humanitaire de protection de la petite enfance peut faire l’objet de réinvestissements visant à influencer l’agenda et la politique gouvernementale d’éducation.

Éducation primaire et humanitarisation de la crise anglophone

L’importance du secteur éducatif

  • 18  « Crise anglophone : l’État camerounais se dit victime d’un «complot» », VOA Afrique, 12/03/2020 ( (...)
  • 19  OCHA, « Cameroon: North-West and South-West Crisis Situation Report n° 5 », 31/03/2019.

16Depuis 2017, les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont confrontées à une crise sociopolitique muée en conflit armé opposant forces gouvernementales et groupes armés non étatiques. Malgré l’ampleur de cette « crise anglophone », le gouvernement camerounais a d’abord refusé d’autoriser toute intervention humanitaire supposant l’arrivée, dans ces régions, d’acteurs étrangers soupçonnés de soutenir les forces séparatistes. Au mois d’avril 2019, le ministre de l’Administration territoriale reproche aux acteurs de l’aide de chercher à déstabiliser le pays et les institutions étatiques. ONGI et agences onusiennes sont accusées de propager de fausses informations concernant l’ampleur de la crise anglophone. Des structures dénonçant les atteintes aux droits de l’homme par les forces camerounaises, telles Human Rights Watch ou Amnesty International, sont spécifiquement visées : « le complot de certaines ONG contre le Cameroun est aujourd’hui éventré. Le gouvernement détient des preuves irréfutables des actions de connivence entre certaines ONG et des terroristes dans le [Nord-Ouest et le Sud-Ouest] »18. Se voyant refuser l’accès à ces régions, les acteurs de l’aide internationale optent pour une intervention indirecte : soutenir à distance des organisations locales déjà présentes (structures religieuses, réseaux communautaires, associations, etc.)19, sans pouvoir se rendre eux-mêmes sur place ni y établir bureaux, antennes ou sous-délégations.

17Au cœur de ces tensions entre sphères politique et humanitaire, l’éducation occupe un rôle central. Dans le cadre de leur lutte contre le gouvernement et ses institutions, les forces sécessionnistes ont en effet décrété un boycott du système éducatif national. À leurs yeux l’école représente, avec la justice de Common Law, l’un des piliers de la spécificité anglophone héritée de la période de tutelle britannique (1916-1961), qu’ils estiment aujourd’hui menacée par le projet gouvernemental d’harmonisation des systèmes francophones et anglophones. Les attaques, destructions et enlèvements perpétrés contre le secteur et les acteurs éducatifs sont donc utilisés par les groupes armés non étatiques comme une arme politique. Cela a pour effet de renforcer la position du gouvernement, pour qui l’éducation relève de prérogatives régaliennes qu’il n’est pas question de partager avec d’autres acteurs. Lors des diverses réunions de coordination humanitaire auxquelles j’ai pu assister, agences onusiennes et ONGI déplorent régulièrement la fin de non-recevoir systématique que les autorités camerounaises apposent aux projets d’« éducation non-formelle » (« écoles communautaires » c’est-à-dire gérées, organisées et financées non par les services étatiques mais par les parents d’élèves, programmes d’apprentissage accéléré, contenus pédagogiques radiophoniques ou diffusés en ligne), en particulier lorsque leur contenu n’a pas été préalablement partagé et validé par des responsables étatiques.

  • 20  Par exemple, l’Emergency Response Plan publié par OCHA en 2018 indique que 4400 écoles, soit 85 % (...)
  • 21  Voir le réseau inter-agences pour l’éducation en situation d’urgence (INEE) et les « normes minima (...)

18ONGI et agences onusiennes vont jouer un rôle essentiel dans la dépolitisation des événements à l’œuvre dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, afin de transformer une contestation violente en crise humanitaire exigeant leur intervention. Tout d’abord, une importante production de données statistiques vise à rendre apparente la crise à laquelle le secteur éducatif est confronté. Insister sur le nombre d’écoles attaquées et fermées, d’enfants « privés du droit élémentaire à l’éducation » défait l’école de tout enjeu politique pour la transformer en victime et opérer, ainsi, un travail de neutralisation des perceptions qui lui sont attachées20. De même, l’appui au secteur éducatif dans ces régions s’effectue à travers le prisme de l’« éducation en situation d’urgence » : pendant éducatif des programmes humanitaires à caractère médical ou alimentaire, ce modèle considère le secteur éducatif comme un moyen essentiel pour sauvegarder des vies (Burde et al., 2017; Versmesse et al., 2017)21. Les enjeux politiques attachés à la question éducative sont ainsi neutralisés et supplantés par la nécessité d’assurer, en situation de conflit ou d’urgence, une continuité d’apprentissage. L’éducation en situation d’urgence tire son origine des programmes spécifiques que les organisations internationales développent, dans les années 1990, au Rwanda ou en Bosnie. Elle apparaît ensuite officiellement, en tant qu’expression et mode opératoire, lors de la conférence internationale d’Amman en 1996, où elle est directement reprise du rapport de Graça Machel commandé par l’Assemblée générale des Nations unies sur l’impact des conflits armés sur les enfants. L’éducation devient désormais « une composante prioritaire de l’assistance humanitaire » (Machel, 2001 : 19) : dans un contexte d’expansion et de normalisation de cette dernière, restaurer l’offre scolaire permettrait de réduire les effets des conflits sur l’éducation (primaire, le plus souvent) et freiner l’enrôlement des enfants dans les forces armées. L’éducation en situation d’urgence a vocation à pallier les faiblesses des États en se substituant à ces derniers (Lange, 2003 ; Triplet, 2015). Elle s’appuie sur « la conviction que des programmes éducatifs bien conçus peuvent jouer un rôle positif en temps de crise », véhiculant « une vision de l’école idéalisée, dépolitisée et autonome du champ social plus large. Elle s’ancre aussi dans une vision juridique du monde qui envisage l’accès à l’éducation pour tous comme un droit inaliénable. Emprunte d’une morale égalitaire et progressiste, cette posture est difficilement contestable et devient par là même facilement hégémonique » (Chelpi-Den Hamer et al., 2010 : 11).

  • 22  Cette citation (et suivantes) : observation du 10/03/2020, Yaoundé.

19Cette thématique n’est pas inédite au Cameroun. Elle s’observe notamment depuis 2015 à l’Extrême-Nord, suite à la fermeture des écoles et à la déperdition d’élèves liées aux attaques du groupe Boko Haram. Mais les événements dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest occasionnent une réponse inédite de la part des acteurs de l’aide internationale. Puisque la transformation du conflit en une crise humanitaire semble être la condition sine qua non de toute intervention dans ces régions, la crise anglophone occupe désormais une place centrale dans les approches et discours des agences onusiennes et ONGI. Elle est omniprésente, par exemple, lors de l’« Atelier de dissémination du diagnostic de la stratégie du secteur de l’éducation et de la formation au Cameroun », mentionné précédemment et auquel j’assiste le 10 mars 2020 à Yaoundé. La zone anglophone est ainsi surreprésentée dans les exposés visant à souligner les faiblesses du secteur éducatif camerounais, « marqué par des crises et des conflits ». Les établissements non fonctionnels et le nombre d’enfants « privés du droit à l’éducation », entend-on au fil des présentations, concernent « plus de quatre mille écoles et 500 000 élèves dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest », qui sont les seules pour lesquelles des données chiffrées sont communiquées22. La baisse des taux bruts de scolarisation constatée depuis 2015-2016 ainsi que la forte déperdition d’élèves, dans et entre les cycles éducatifs, sont justifiées par les attaques et destructions d’écoles dans les régions anglophones. Face au constat d’un « système éducatif [qui] n’est pas préparé pour anticiper et répondre aux crises », seule celle du Nord-Ouest et du Sud-Ouest est évoquée. À l’issue de ce diagnostic, la responsable éducation de l’Unicef prend la parole pour interpeller les responsables et représentants ministériels présents, signalant qu’il est de leur responsabilité d’agir pour les enfants et les jeunes impactés dans ces régions. Elle ne dit cependant rien des deux autres crises auxquelles le pays est confronté (l’afflux de réfugiés centrafricains dans la façade est et les attaques du groupe Boko Haram à l’Extrême-Nord), au motif que les réponses humanitaires qu’elles occasionnent sont déjà intégrées dans la stratégie et les données du Ministère (ce qui n’est pas le cas pour la crise anglophone).

Dépolitisation et neutralisation des enjeux : l’exemple du fonds « Éducation Cannot Wait »

  • 23  Cette citation (et suivantes) : observation du 08/07/2020, Yaoundé.
  • 24  Parmi les conditions d’éligibilité mentionnées pour le Cameroun figurent les éléments suivants : « (...)

20Le cas du fonds Education Cannot Wait (ECW) illustre ce processus de neutralisation des enjeux politiques liés à la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il s’agit d’un financement spécifiquement dédié à l’éducation en situation d’urgence, créé à la suite du Sommet Humanitaire Mondial de 2016 au motif – comme on peut l’entendre lors de la rencontre entre des représentants d’ECW et les acteurs de l’aide internationale au Cameroun – que « de nombreux acteurs ne considèrent pas l’éducation comme une priorité en contexte de crise »23. Bien que consacré aux situations d’urgence, ce fonds international a pour particularité d’être octroyé et géré (du moins officiellement) par le gouvernement hôte, en partenariat ici avec l’Unicef24. À nouveau, ce sont les événements dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest qui amènent le fonds Education Cannot Wait à octroyer un financement au Cameroun : d’abord sous la forme d’une first emergency response strategy (première stratégie d’intervention d’urgence), implémentée en 2019 par l’UNHCR et l’Unesco, puis en intégrant le pays parmi 25 États prioritaires susceptibles de bénéficier du « Programme de Résilience Pluriannuel » (correspondant à une enveloppe de quinze millions de dollars sur trois ans). Ce financement devait d’abord concerner uniquement les régions touchées par la crise anglophone. Cependant, lors d’échanges avec les représentants d’Education Cannot Wait, certaines ONGI intervenant à l’Extrême-Nord et dans la façade est signalent que ces régions devraient, elles aussi, y être intégrés car elles répondent tout autant, voire plus, aux visées d’ECW : « cibler en priorité les régions qui concentrent le plus de besoins, mais aussi et surtout celles qui sont sous-financés ou laissées de côté [par la réponse humanitaire et les financements dédiés à l’éducation] ». ECW accepte donc d’ouvrir la proposition de projet du Cameroun aux trois crises auxquelles le pays est confronté (Extrême-Nord, façade Est, crise anglophone) ; mais cette dernière demeure prépondérante dans les discours et démarches des acteurs de l’aide, comme l’illustrent les discussions du groupe de travail créé en mars 2021 pour préparer la visite des représentants d’Éducation Cannot Wait au Cameroun.

  • 25  Observation du 17 juin 2021, Yaoundé.

21Dirigé par l’Unicef, ce groupe de travail rassemble l’ensemble des organisations internationales et non gouvernementales du secteur éducatif, ainsi que des représentants des ministères de l’éducation primaire (MINEDUB), secondaire (MINESEC), de la formation professionnelle (MINEFOP), de la jeunesse (MINJEC) et du Programme d’Appui à la Réforme de l’Éducation (PAREC). L’objectif, comme expliqué lors de la réunion à laquelle j’assiste le 3 juin 2021 à Yaoundé, est d’élaborer l’itinéraire des « visites de terrain » qui seront proposées aux représentants d’Education Cannot Wait ; ou, pour reprendre les termes employés par la responsable éducation de l’Unicef, « qu’est-ce qu’on montre aux collègues d’ECW, qu’est-ce qu’ils devraient voir ? ». Les membres du groupe de travail sont invités à identifier des lieux ou projets en cours qui pourraient être visités. Ces propositions seront ensuite soumises au vote (chaque ministère et organisation bénéficiant d’une seule voix) afin d’établir une proposition de programme, partagée ensuite avec les ministères de l’éducation primaire et secondaire pour révision et validation. Aucun document ne peut en effet être transmis à Education Cannot Wait sans avoir été au préalable « approuvé par le gouvernement », en sa qualité de « responsable de l’éducation au Cameroun » ; « même si ce n’est pas lui qui ensuite implémentera l’ensemble des activités et [assumera] l’utilisation des fonds », le gouvernement sera néanmoins chargé du « pilotage du programme [ECW] avec l’appui des partenaires en éducation (organisations des Nations unies, de la société civile, etc.) ». À la réunion suivante25, les résultats des votes sont communiqués : loin d’une approche globale permettant de dresser un état des lieux objectif du secteur éducatif au Cameroun, chaque organisation a voté pour la zone lui permettant de donner à voir ses propres réalisations. Il en va de même pour les représentants étatiques : à l’exception de celui en charge de la formation professionnelle, tous les ministères ont opté pour l’Extrême-Nord. Outre l’ampleur des besoins en éducation dans cette région, c’est en effet là que se concentrent de nombreux financements et projets directement confiés aux acteurs étatiques. Malgré les positionnements ministériels, la majorité des votes se prononcent en faveur d’un itinéraire dédié uniquement à la crise anglophone : c’est donc cette option qui est retenue puis validée par les ministères de l’enseignement primaire et secondaire.

  • 26  Compte rendu : Mission pour le cadrage du Programme de Résilience Pluriannuel (PPR) du Secrétariat (...)

22La venue des représentants d’Education Cannot Wait au Cameroun a lieu du 28 juin au 2 juillet 2021. Si je n’ai pas pu y prendre part, le rapport publié suite à cette visite confirme la poursuite du processus d’humanitarisation des enjeux éducatifs. On a souligné plus tôt la ferme opposition du gouvernement camerounais aux projets d’éducation non formelle : une partie des recommandations des représentants d’ECW lui est pourtant consacrée. Ils insistent non seulement sur la nécessité de « [mettre] une emphase sur l’Education Non Formelle », mais en font une condition quasi sine qua non à l’obtention des fonds26. Dans la mesure où les financements octroyés par ce bailleur seront délivrés à l’État camerounais lui-même, le processus à l’œuvre ici ne consiste pas en un contournement de la puissance étatique. Plus exactement, en se plaçant à rebours d’une vision gouvernementale considérant le secteur éducatif comme une prérogative strictement régalienne, les acteurs humanitaires déploient un processus de dépolitisation de la question éducative dans les régions anglophones justifié par une situation d’urgence. On citera, à titre d’illustration, cet extrait dudit rapport :

  • 27  Ibid., p. 4.

En ce qui concerne les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la crise est manifestée par un niveau de violence assez élevé qui s’illustre par la fermeture de deux (02) écoles sur trois (03). En effet, les établissements scolaires ont été pris en otage pour des revendications politiques. Ainsi, il est nécessaire d’apporter une réponse qui épouse une approche de redynamisation du système scolaire. Les personnes déplacées sollicitant l’accueil des écoles du Nord-Ouest et du Sud-Ouest font face aux situations de détresse extrême27.

Formation professionnelle : réinvestir la « manne humanitaire »

L’humanitaire pris à parti : objectifs de développement et tensions entre acteurs étatiques

  • 28  Voir par exemple le rapport Un pont vers l’avenir : De l’enseignement postsecondaire à l’emploi po (...)
  • 29  Cette tendance réactive des thématiques mobilisées dans les années 1970, considérant les réfugiés (...)

23Bien qu’encore peu étudiée par la littérature académique, la formation professionnelle constitue un enjeu important des interventions humanitaires : elle se situe en effet au croisement des questions éducatives et d’insertion socio-économique, devenues centrales dans les stratégies de réponse aux déplacements forcés28. En réponse à une perception de ces derniers comme fardeau pour les régions d’accueil, les récentes années ont vu émerger des discours et approches insistant sur le potentiel économique de ces populations. La figure du réfugié ou du déplacé « vulnérable » (Agier, 2002) laisse ainsi place à celle de « l’entrepreneur », porteur de ressources et compétences à valoriser29. Cette approche s’accompagne d’une « néolibéralisation de l’aide » : valoriser le potentiel économique des déplacés forcés est aussi une façon de réduire les coûts, l’assistance étant désormais remplacée par la promotion de l’accès au marché du travail (Easton-Calabria & Omata, 2018). La formation professionnelle occupe donc une place centrale dans les projets d’assistance aux déplacés forcés : il s’agit de donner à ces derniers les compétences nécessaires à l’exercice d’un métier permettant leur intégration dans le tissu socio-économique local. Divers travaux ont ainsi étudié les programmes de formation professionnelle dans les camps de réfugiés burundais en Tanzanie (Lyby, 2001 ; Witchger & Blaskowitz, 2018), en direction des réfugiés afghans au Baloutchistan (Ahmed, 2019), ou des réfugiés en Europe (Chadderton & Edmonds, 2015 ; Aerne & Bonoli, 2021 ; Jørgensen et al., 2021). Les femmes et les jeunes représentent une cible particulière de ces projets (Jabbar & Zaza, 2016 ; Davis, 2019 ; Person, 2019).

24Au Cameroun, acteurs et projets humanitaires n’échappent pas à ces tendances, comme l’illustre ce projet d’une ONGI d’aide aux réfugiés centrafricains à l’Est. Ce dernier vise à former, dans des centres agréés par le Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle (MINEFOP), plusieurs centaines de jeunes afin de leur permettre de présenter un examen national supposé faciliter leur insertion sur le marché de l’emploi (en tant qu’auto-entrepreneur ou salarié). Tout au long de sa mise en œuvre, ce projet humanitaire se caractérise par une étroite collaboration de l’ONGI avec les services déconcentrés de l’État, en particulier la Délégation Régionale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DREFOP). Celle-ci intervient à chaque étape, depuis la sélection des apprenants et des centres de formation jusqu’à la soutenance des rapports de stage, l’organisation des examens nationaux ou le suivi du processus d’insertion des jeunes sur le marché du travail. Comme l’explique la Déléguée régionale de l’Est :

[L’ONGI] doit venir voir si tout cela marche, mais l’État camerounais aussi. […] Mes félicitations pout cette approche systémique de la question de l’emploi au Cameroun, […] en droite ligne avec la politique du gouvernement. […] Merci à [l’ONGI] qui nous permet, à nous aussi MINEFOP, d’atteindre nos objectifs. Parce que maintenant que vous [apprenants] êtes formés, installés, que vous travaillez, vous allez peut-être même former d’autres [jeunes] et créer ainsi des emplois [observation du 10/09/2020 à Bertoua].

  • 30  Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, République du Cameroun.

25Ce projet d’aide aux réfugiés fait directement écho aux priorités de la stratégie nationale de développement du Cameroun – parmi lesquelles figure l’amélioration des compétences et de l’employabilité des personnes exclues du marché du travail30. Or, dans ce secteur comme dans d’autres, les moyens matériels et financiers des services étatiques se révèlent souvent insuffisants. La « manne » humanitaire (Olivier de Sardan, 2014) devient alors une ressource complémentaire pour leur permettre d’atteindre les objectifs fixés. On retrouve ici la capacité de l’État camerounais à déployer une stratégie de récupération visant à réintégrer, au sein de la sphère publique et de ses stratégies gouvernementales, des services nés de l’intervention humanitaire (Lefort, 2020). Mais cette dynamique est plus large. En effet, outre l’encadrement de la formation professionnelle, la DREFOP intervient aussi dans le processus d’insertion socio-économique des apprenants. Ces derniers sont soumis par les services de l’État à des « procédures de déclaration d’existence » auprès des services des impôts des localités dans lesquelles ils décident de s’établir. Ces procédures administratives (constitution de dossiers détaillant les membres et activités de chaque micro-entreprise, obligation de s’acquitter de la taxe foncière et de l’impôt sur le bail, etc.), pour lesquelles les apprenants peuvent compter sur l’appui logistique et financier de l’ONG, visent à inscrire les jeunes dans l’économie formelle, transformant leur situation d’auto-emploi en petites et moyennes entreprises. L’autorité étatique s’exerce ainsi sous la forme d’une récupération par le biais d’une prérogative régalienne (l’impôt), permettant d’intégrer dans le tissu et le fonctionnement économique local des projets humanitaires initialement destinés aux réfugiés centrafricains.

26Cette stratégie de récupération par les structures étatiques de services nés de l’intervention humanitaire n’est pas dénuée d’enjeux politiques. Dans un contexte marqué par une accélération (supposée) du processus de décentralisation et de déconcentration des services centraux de l’État (Guimdo, 1998 ; Zelao & Nach Mback, 2018 ; Chelpi-Den Hamer, 2020), ce projet de formation professionnelle des réfugiés fait apparaître les tensions existant entre niveaux central et régional. Ainsi, quand l’ONGI sollicite la DREFOP concernant un retard dans l’octroi des diplômes sanctionnant la réussite aux examens des apprenants, la Déléguée régionale renvoie la responsabilité au niveau central :

Le principe, au niveau du Ministère, c’est que les bureaux de terrain ne signent rien : ni diplôme, ni certificat. Tout se passe à Yaoundé. Mais en général, pour le reste, quand nous ne dépendons pas de Yaoundé, nous pouvons agir vite [observation du 11/09/2020, Bertoua].

27Il en va de même lorsqu’une directive ministérielle annonce l’obligation, pour les apprenants qui viennent d’achever leur cursus de formation, de présenter le Diplôme de Qualification Professionnelle (DQP) au lieu du Certificat (CQP). La plupart des réfugiés inscrits dans le programme de formation de l’ONGI n’étant pas en mesure de produire les justificatifs exigés pour le diplôme de qualification professionnelle, ils se trouvent dans l’incapacité de présenter l’examen national censé clôturer leur parcours de formation. Sollicitée par l’ONGI, la Déléguée régionale explique :

La tête qui porte le chapeau est à Yaoundé, malheureusement, pas ici. […] Les textes du Ministère sont clairs ; maintenant, […] vous êtes un programme de formation [qui] n’est pas purement camerounais mais comprend aussi des réfugiés […]. Eux [à Yaoundé] s’en tiennent aux textes ; maintenant, il y a textes et contextes. On ne remet pas en cause les décisions de la hiérarchie […]. L’État n’a pas les moyens mais il a le devoir de former [les jeunes], donc toute initiative qui va dans ce sens doit être valorisée [et non empêchée]. […] Par ailleurs, si une partie des apprenants que vous avez formés décide de se lever et de faire du bruit, nous, on fait comment ? […] [L’ONG] devrait faire parvenir un courrier au Ministère […]. Dans l’immédiat, pour permettre à la promotion en cours de se présenter aux examens, il faudrait demander une dérogation de crise, pour qu’il n’y ait pas de soulèvement [des réfugiés] […]. Dans un second temps, vous devriez demander une dérogation officielle plus large et octroyée par écrit concernant la situation des personnes réfugiées ou déplacées, qui ont été forcées de fuir sans pouvoir emporter leurs diplômes [dont les justificatifs sont exigés pour le Diplôme de Qualification Professionnelle]. Le risque, sinon, c’est que l’ONG soit poussée à mettre un terme à sa collaboration avec les autorités […] : dans ce cas, ce ne serait pas sérieux – et ce ne serait pas dans notre intérêt, à nous DREFOP [observation du 07/09/2020, Bertoua].

  • 31  Sur ces thématiques, voir notamment Mandel, 1997 ; Chaulia, 2003 ; Loescher & Milner, 2004 ; Mogir (...)

28Ces propos interpellent d’abord par l’usage de l’argument sécuritaire. Bien que le risque de soulèvement ou d’émeute provoqué par la directive ministérielle ici évoquée soit minime, c’est sur lui qu’insiste la Déléguée – consciente de l’écho que cela aura à Yaoundé. Cet argument renvoie à une représentation assez récente de l’Est comme région marquée par l’insécurité, du fait des incursions de groupes armés centrafricains (Lefort-Rieu & Minfegue, 2021), ainsi qu’à une perception du réfugié comme vecteur potentiel d’insécurité31. Les dernières années ont en effet été marquées par des soulèvements et émeutes ayant nécessité l’intervention de l’armée, notamment dans la ville frontalière de Garoua-Boulai (Minfegue, 2019) dont sont originaires de nombreux réfugiés impliqués dans le projet. Mais au-delà de la thématique sécuritaire, la directive ministérielle ici mise en cause appartient à un ensemble de mesures faisant suite au remaniement ministériel de janvier 2019. Il s’agit, pour la nouvelle administration du Ministère de la formation professionnelle, de réaffirmer l’autorité de l’État dans un contexte de crises multiformes (Morelle et Owona Nguini, 2018). Le cas particulier d’une directive ministérielle permet de mettre en lumière les tensions existantes entre niveau central et services déconcentrés de l’État, ainsi que la façon dont les acteurs humanitaires peuvent être pris à partie. Le schéma présenté par la Déléguée donne à voir une situation dans laquelle tous les acteurs locaux (DREFOP, ONG, bénéficiaires) sortent perdants d’une directive dont le but est, d’abord, de réaffirmer l’autorité et la prévalence du niveau central par rapport aux acteurs locaux. L’opposition entre ces derniers et Yaoundé s’opère dans un contexte spécifique : la région de l’Est, périphérie enclavée, faiblement peuplée et longtemps délaissée par des politiques gouvernementales de développement (Zouya Mimbang, 2013). Cet exemple montre comment un projet d’aide aux réfugiés peut se trouver pris à partie par les acteurs étatiques et réinvesti au profit de leurs luttes internes. La manne humanitaire n’est pas seulement question de ressources et de production de services publics par des voies alternatives : elle se joue aussi en termes politiques pour les acteurs locaux et nationaux.

Figure 2. Pratiques de l’espace et mobilité renouvelées des réfugiés grâce à la manne humanitaire

Figure 2. Pratiques de l’espace et mobilité renouvelées des réfugiés grâce à la manne humanitaire

2a. Enjeux de mobilité pour les réfugiés dans la zone visée par le projet de formation professionnelle de l’ONGI. 2b. Pratiques diversifiées de l’espace par une réfugiée centrafricaine dans la ville de Bertoua, capitale régionale de l’Est, entre juillet et décembre 2018

(Se) jouer des politiques étatiques et humanitaires quand on est réfugié

  • 32  « Quand [les réfugiés] essaient d’obtenir par eux-mêmes un “à-qui-de-droit”, c’est très difficile  (...)
  • 33  Discussions informelles avec des parents et représentants des réfugiés, Bertoua, décembre 2020.

29La récupération des services nés de l’intervention humanitaire n’est pas uniquement le fait des acteurs étatiques mais s’opère aussi chez les réfugiés. Dans un contexte de sécurisation croissante des migrations centrafricaines, faisant passer les réfugiés du statut de victimes à celui de menace pour la sécurité nationale, ces derniers sont soumis à de fortes restrictions de mobilité : les autorités du pays d’accueil cherchent ainsi à limiter les mouvements de populations perçues comme un potentiel facteur de troubles (Barbelet, 2017). L’un des moyens pour contourner ces restrictions est d’obtenir un document délivré par l’UNHCR, appelé « à-qui-de-droit » et ayant valeur de laisser-passer auprès des forces de l’ordre et dans les différents points de contrôle sur les axes de circulation (figure 2a). Dans un contexte où l’obtention de ce document est de plus en plus difficile32, le projet de formation professionnelle offre aux réfugiés de nouvelles opportunités de mobilité. Tout au long du projet, en effet, des « à-qui-de-droit » leur sont délivrés afin qu’ils puissent évoluer entre leur domicile et leurs lieux de formation, de stage, d’emploi. Ces facilités de déplacement concernent les apprenants mais aussi leurs proches. Au mois de juillet 2020, par exemple, un « à-qui-de-droit » est délivré à la mère d’un jeune tombé malade pour se rendre de Garoua-Boulaï à Bertoua, afin d’accompagner son fils dans les procédures médicales. De même, tout au long du projet, des parents et représentants des réfugiés sont invités à rendre visite aux apprenants en cours de formation à Bertoua : outre la délivrance d’« à-qui-de-droit », l’intégralité des coûts (de déplacement, logement, nourriture) liés à leur séjour sont assurés par l’ONGI. Prétextés par des motifs liés aux projets humanitaires, ces déplacements et séjours facilités dans la capitale régionale de l’Est sont aussi l’occasion, pour ceux qui les obtiennent, de contourner les restrictions de mobilité afin de traiter différentes affaires (visites familiales, négociations avec des fournisseurs, approvisionnement, etc.)33. La manne humanitaire peut donc s’entendre aussi en un sens spatial : le régime d’exception qui définit l’aide aux réfugiés (Agamben, 2003 ; Fassin, 2010 ; Agier, 2013) soustrait ces derniers aux restrictions étatiques auxquels ils sont d’ordinaire soumis, leur offrant une pratique de l’espace et une mobilité renouvelées. Cette réfugiée centrafricaine explique ainsi :

C’est compliqué de voyager. Si on me contrôle, on va m’arrêter en route ; je ne peux pas aller. Parce que j’ai seulement ma carte [de réfugié], mais je n’ai pas l’« à-qui-de-droit » […]. Le jour [du départ pour la formation], c’est [l’ONGI] qui nous a amenés ; [elle] a loué un bus, qui est venu nous prendre [à Garoua-Boulaï]. On ne nous a pas contrôlés : on nous ouvre simplement la barrière, on part [discussion du 28/08/2020, Garoua-Boulaï].

30Ces stratégies des réfugiés visant à utiliser la manne humanitaire afin de contourner les politiques auxquelles ils sont soumis concernent aussi les normes régissant le champ de l’aide. Revenons aux discours et approches visant à utiliser l’aide comme moyen d’insérer réfugiés et déplacés dans un système de marché à l’échelle locale. Ces derniers sont très présents au Cameroun, à travers notamment la promotion de la figure du réfugié « entrepreneur » : en écho à sa stratégie globale pour la période 2019-2023, intitulée « Moyens d’existence et insertion socio-économique » (UNHCR, 2019), l’UNHCR Cameroun a par exemple signé en 2021 une convention de partenariat avec le MINEFOP et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pour faciliter l’accès des réfugiés au marché du travail (OIT, 2021). Le projet de formation professionnelle étudié lors de ma recherche s’inscrit dans cette logique : ses critères d’évaluation visent à évaluer le nombre de réfugiés salariés ou à la tête de micro-entreprises, l’évolution de leur chiffre d’affaires, la hausse de leurs revenus, etc. La mesure de ces critères, a priori aisés à quantifier, va cependant susciter des difficultés parmi les personnels de l’ONGI qui se heurtent aux pratiques mises en œuvre par les récipiendaires du projet. Ceux-ci, au lieu d’appliquer les règles de gestion d’entreprises qui leur ont été enseignées, peuvent par exemple utiliser les fonds de leur micro-entreprise pour financer une autre activité, ou fermer boutique pendant plusieurs semaines afin d’assister à un mariage dans une autre région du pays. En effet, aux yeux de certains réfugiés, ce projet de formation professionnelle n’est qu’une ressource parmi d’autres dans un paysage fait stratégies plurielles et variées, d’imbrication dans des réseaux d’obligations sociales ou familiales (Fresia, 2004). Les outils standardisés et quantitatifs de l’ONGI, pensés pour mesurer l’évolution de « start-up businesses » selon un schéma néolibéral, se heurtent à la diversité des pratiques et activités que les réfugiés développent. Ces derniers viennent ainsi contrarier une politique humanitaire visant à les mettre au service du développement économique de leur pays d’accueil, comme l’illustre le parcours de D., réfugiée centrafricaine participant au projet de formation professionnelle en 2018-2019. Établie dans la localité frontalière de Garoua-Boulaï, elle ne s’était jamais rendue à Bertoua auparavant ; le projet humanitaire va l’amener à vivre pendant six mois dans la capitale régionale, circulant entre ses lieux de formation, de stage et de sociabilité (marché, église, bars) (figure 2b). À l’issue de sa formation, elle retourne à Garoua-Boulaï – où résident sa mère, sa sœur et ses enfants – afin d’y ouvrir un salon de coiffure :

  • 34  Capitale économique, située sur la côte (voir figure 1).

Pendant les trois [premiers] mois où ça ne donnait pas, ma mère, elle, est commerçante : […] elle peut me soutenir le temps que mon activité commence à donner. [Plus tard,] moi-même j’ai financé ma mère pour qu’elle continue à faire son commerce […]. Tu peux être stable au salon [de coiffure], mais tu as quelqu’un [sur qui compter] ailleurs : […] ça te permet de rouler avec ton activité. […] C’est comme ça que, nous, on fait entre nous pour se nourrir. […] Par exemple, des fois, je paie le petit poisson [car] là-bas ça donne, vers chez nous [en Centrafrique] ; donc je paie le petit poisson, j’envoie, ma sœur vient récupérer, elle vend… et ça peut nous aider à améliorer [notre quotidien]. […] J’ai aussi [acheté] le miel, c’est à la maison maintenant ; doucement, doucement, je [le] vends […] ; c’est avec ça que je suis allée payer l’école de ma petite sœur et pour mon enfant aussi. […] Je suis allée chercher le miel [en brousse] quand [une autre ONGI] m’a envoyé des apprenantes [pour les former en coiffure]. Donc je ne ferme pas le salon : je [le] laisse ouvert et je pars. Ça ne dure pas : si je pars aujourd’hui, demain matin je rentre. Pendant le temps que je n’étais pas là, les apprenantes elles-mêmes coiffaient [les clients]. […] Les sœurs d’[une employée de l’ONGI] [m’]avaient passé la commande [du miel] depuis Douala34 : j’envoie donc ça par expédition, elles partent récupérer et elles m’envoient l’argent par Orange Money [Discussion du 28 août 2020, Garoua-Boulaï].

31Cet exemple illustre la pluralité des pratiques quotidiennes déployées par les réfugiés pour vivre, construire des relations sociales, développer des réseaux – c’est-à-dire une multiplicité d’usages et de tactiques, de manières de « faire avec » l’espace (Certeau, 1990). Confrontés à une forte stigmatisation dans des espaces et conditions sociales que les institutions – étatiques et humanitaires – définissent comme exceptionnels, les individus mettent en œuvre des pratiques qui prennent la forme d’actes de résistance ordinaire et leur permettent de transgresser les hégémonies quotidiennes. Ce projet de formation professionnelle montre comment s’instaure une pluralité de mécanismes et stratégies de contournement, détournement ou négociation. Ces pratiques associent savoir-faire développé au fil des ans (notamment à travers l’expérience de la vie en exil, c’est-à-dire le capital « mobilitaire » des réfugiés) et pouvoir-faire limitatif (accordé par les représentants politiques et humanitaires du pays d’accueil, qui les placent dans un régime d’exception) (Goreau-Ponceaud & Bentz, 2021). Malgré les restrictions auxquelles ils sont confrontés, les réfugiés témoignent d’une capacité à détourner ou contourner les règles, à les infléchir, à pratiquer l’espace ; notamment, mais pas uniquement, à travers des opportunités offertes par les interventions humanitaires. Cette capacité des réfugiés à (se) jouer des politiques dont ils font l’objet, tant de la part de l’État d’accueil que des acteurs humanitaires, peut aussi être l’occasion de faire émerger des formes de mobilisations spatialisées (Minfegue, 2019) : ainsi se dessine, pour ces populations, une « forme de participation politique à la vie de la cité » (Gervais-Lambony, 1994 : 54).

Conclusion

32En situation de crise, « le champ scolaire fait […] l’objet d’une multitude d’interventions » par lesquelles « se jouent la production, la négociation et la coordination complexes d’un « bien collectif », nommé éducation, parfois dérivé d’un système existant, parfois complètement produit par l’appareil humanitaire, plus ou moins « institutionnalisable » par la suite mais toujours sur-politisé (Chelpi-den Hamer et al., 2010 : 15-18). Comme en attestent les exemples tirés du contexte camerounais, l’éducation est un cas d’étude intéressant pour analyser les liens et tensions actuelles entre humanitaire et politique. Elle permet de mettre en lumière les positionnements et enjeux de plus en plus disparates des acteurs de l’aide internationale quant à la politique et au politique. L’exemple du secteur préscolaire, tout d’abord, a montré comment un projet suscité par une crise migratoire pouvait être réinvesti par les acteurs locaux et mis au service d’une politique nationale de décentralisation. Il a aussi souligné le rôle que pouvaient jouer les acteurs de l’aide d’urgence dans la fabrique ou la réorientation des stratégies gouvernementales. La crise anglophone, quant à elle, a montré comment les acteurs de l’aide peuvent mettre en œuvre des processus d’humanitarisation visant à dépolitiser un conflit national, en neutralisant les enjeux qui lui sont attachés. Enfin, l’exemple d’un projet de formation professionnelle a donné à voir la manière dont les acteurs humanitaires doivent s’accommoder d’un environnement politique pour mener à bien leur travail ; tout en soulignant la façon dont leur action peut être réinvestie tant par les acteurs étatiques que par les récipiendaires de l’aide.

  • 35  Membre de l’Unicef lors d’un atelier organisé avec le MINEDUB à Bertoua (observation, 08/09/2020).

33Contre des critiques reprochant à l’humanitaire, par ses interventions, de déstabiliser les structures du pays d’accueil ou de se substituer à elles, l’exemple camerounais invite donc à complexifier le regard. Il montre comment cette aide, loin d’être uniquement subie, constitue une ressource – parmi d’autres – pour les acteurs qui y sont confrontés. Au-delà du « besoin d’aider » ou des principes de neutralité et d’impartialité prônés par les acteurs humanitaires se pose la question de leur statut, en particulier lorsqu’ils se présentent de manière répétée comme « les partenaires de l’État dans la mise en œuvre de sa politique »35. Faisant écho aux analyses portant sur « l’État stationnaire » (Eboko & Awondo, 2018), les dynamiques ici étudiées invitent à étendre au secteur humanitaire les travaux portant sur les conditions de production de l’action publique au Cameroun. En effet, à bien des égards, l’aide aux déplacés forcés « place certes l’État en situation de repli, mais pas en situation de faiblesse. Alors que ses contraintes économiques limitent son autonomie et favorisent la réception passive de modèles étrangers, le pouvoir politique dispose d’autres moyens, notamment symboliques et coercitifs, pour réaffirmer sa domination » (Kojoué, 2020).

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Notes

1  Personnes reconnues par l’UNHCR comme réfugiés, « retournés », déplacés internes, demandeurs d’asile ou apatrides. Pour une définition approfondie de ces statuts, voir : https://www.jmu.edu/news/cistp/2017/titus-maxwell-global-distribution-persons-of-concern.pdf.

2  Portail opérationnel UNHCR (consulté le 22/01/2022) : https://data2.unhcr.org/fr/country/cmr.

3  Compte tenu du caractère extrêmement sensible de cette « crise anglophone », il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur l’ampleur des déplacements forcés qu’elle occasionne à l’échelle du pays. Au début de l’année 2021, l’Humanitarian Country Team estimait que neuf des dix régions camerounaises étaient impactées par ces mouvements de populations (OCHA, Humanitarian Response Plan – Cameroon, 2021).

4  Voir la note du CICR, « Les déplacements de population comme crise humanitaire » (consultée le 22/01/2022 : https://auschwitz.be/images/_expertises/casier.pdf). Pour une analyse de la transformation des migrations centrafricaines au Cameroun en crise humanitaire, voir Lefort-Rieu et Minfegue (2021).

5  Bien que l’humanitaire ait une histoire propre (Barnett, 2011 ; Ryfman, 2016), marquée par la temporalité de l’urgence, son domaine tend à s’étendre – notamment depuis la fin de la guerre froide – sur l’espace du développement tel qu’il a été pensé jusqu’à la fin des années 1980 (Atlani-Duault & Dozon, 2011).

6  Voir, parmi d’autres : Bayart, 1985 ; Sindjoun & Courade, 1996 ; Pommerolle, 2008 ; Eboko & Awondo, 2018.

7  Bien que le Cameroun soit engagé dans l’objectif de « localisation » décrété lors du Sommet humanitaire mondial (2016) et visant à octroyer 25% des financements humanitaires à des organisations nationales et locales, la place de ces dernières dans le paysage de l’aide humanitaire reste encore très minoritaire dans le pays.

8  Pour une analyse critique des enjeux liés à l’emploi de ce terme, voir Ribémont (2016).

9  Sur les concepts de betweeness ou withness, voir Nast (1994), Rose (1996), Bingley (2003), Bondi (2003).

10  Il est difficile d’obtenir, pour cette période, des données chiffrées précises, comme l’illustre le « Profil Pays » établi par l’Unesco en 2006 : les « taux nets de préscolarisation », « d’enfants entrant dans le primaire avec une expérience du pré-primaire », les « dépenses publiques ordinaires par enfant », le « nombre estimé d’enfants bénéficiaires d’autres programmes d’éducation préscolaire » (outre les écoles maternelles publiques et privées) sont indiquées comme « non disponibles ». Le rapport rappelle que les structures de formation des personnels enseignants ont cessé de recruter en 1987, suspendu leur fonctionnement en 1991, et rouvert en 1996 « pour former des enseignants dont le recrutement n’est cependant pas garanti par l’État ». Cela a provoqué un report des effectifs préscolaires vers le secteur privé, principalement en milieu urbain (au détriment des zones rurales), qui accueillait 58 % des enfants préscolarisés en 1999-2000. En 2005, 3.3 % du budget du Ministère de l’Éducation de base étaient alloués au préscolaire formel privé et public (UNESCO, 2006).

11  Secteur de l’aide humanitaire visant à assurer à l’enfant une protection générale en tant que personne civile ne participant pas aux hostilités, ainsi qu’une protection spéciale en raison de sa qualité d’être particulièrement vulnérable et désarmé (« La protection de l’enfance en situations d’urgence, ou l’importance de permettre aux enfants de rester des enfants », projet Sphère (consulté le 22/01/2022) : https://spherestandards.org/fr/la-protection-de-lenfance-en-situations-durgence-ou-limportance-de-permettre-aux-enfants-de-rester-des-enfants/).

12  Au nom des principes de neutralité, impartialité et indépendance, les intervenants humanitaires ne peuvent normalement « prendre part aux hostilités », « intervenir dans des controverses politiques, raciales, religieuses ou idéologiques », ni « être soumis ou subordonnés à des objectifs politiques, économiques, militaires » (UNHCR, « Principes humanitaires », Emergency Handbook : https://emergency.unhcr.org/entry/44765?lang=fr_FR. Voir aussi le Code de conduite pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et pour les organisations non gouvernementales (ONG) lors des opérations de secours en cas de catastrophe : https://www.icrc.org/fr/doc/assets/files/publications/icrc-001-1067.pdf ; consultés le 22/01/2022). Pour une analyse critique des liens entre humanitaire et apolitisme, voir notamment Tournier (2001), Collovald, (2001), Dauvin et Siméant (2002).

13  Le Décret n°2010/0246/PM du 26 février 2010 fixant les modalités d’exercice de certaines compétences transférées par l’État aux Communes en matière d’éducation de base indique que sont délégués à ces dernières « la construction, l’équipement, l’entretien et la maintenance des écoles maternelles et primaires, et des établissements préscolaires par la Commune » (art. 4), de « l’acquisition des matériels et fournitures scolaires » (art. 5), du « recrutement et de la prise en charge du personnel d’appoint » (art. 8).

14  Cette citation (et suivante) : observation du 20/05/2020, Yaoundé.

15  https://www.parec-cameroun.net/

16  https://www.globalpartnership.org/where-we-work/cameroon

17  Cette citation (et suivantes) : réunion du sous-cluster « Préscolaire », observation du 24/02/2021 à Yaoundé.

18  « Crise anglophone : l’État camerounais se dit victime d’un «complot» », VOA Afrique, 12/03/2020 (accessible en ligne, consulté le 26/08/2021 : https://www.voaafrique.com/a/cameroun-des-ong-et-m%C3%A9dias-locaux-accus%C3%A9s-de-complot-contre-l-etat-/5325894.html).

19  OCHA, « Cameroon: North-West and South-West Crisis Situation Report n° 5 », 31/03/2019.

20  Par exemple, l’Emergency Response Plan publié par OCHA en 2018 indique que 4400 écoles, soit 85 % de l’ensemble des établissements du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ont été fermées depuis le début de la crise (https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/cmr_nw_sw_fa_2018-05_summary_v07_light_0.pdf). De même, plus de 80 % des enfants d’âge scolaire n’ont plus accès à l’éducation dans ces régions (Cameroon: North-West and South-West Crisis, Situation Report No. 4 – 2019).

21  Voir le réseau inter-agences pour l’éducation en situation d’urgence (INEE) et les « normes minimales » à utiliser lors des « interventions de réponse à des crises » (consulté le 05/01/2022 : https://inee.org/fr/les-normes-minimales).

22  Cette citation (et suivantes) : observation du 10/03/2020, Yaoundé.

23  Cette citation (et suivantes) : observation du 08/07/2020, Yaoundé.

24  Parmi les conditions d’éligibilité mentionnées pour le Cameroun figurent les éléments suivants : « S’aligner sur les stratégies et plans nationaux existants ; S’aligner sur les orientations du Gouvernement en prenant en compte la Formation Professionnelle et l’Éducation Civique ; Établir le leadership du Ministère en charge de l’Éducation de Base et de ses partenaires » (Compte rendu : Mission pour le cadrage du Programme de Résilience Pluriannuel (PPR) du Secrétariat de l’ECW au Cameroun, tenue du 28 juin au 2 juillet 2021, document de travail, Yaoundé, juillet 2021, p. 5).

25  Observation du 17 juin 2021, Yaoundé.

26  Compte rendu : Mission pour le cadrage du Programme de Résilience Pluriannuel (PPR) du Secrétariat de l’ECW au Cameroun, tenue du 28 juin au 02 juillet 2021, document de travail, Yaoundé, juillet 2021.

27  Ibid., p. 4.

28  Voir par exemple le rapport Un pont vers l’avenir : De l’enseignement postsecondaire à l’emploi pour les jeunes déplacé.e.s en Afrique, World University Service of Canada for Mastercard Foundation, 2019 (accessible en ligne, consulté le 28/08/2021 : https://wusc.ca/fr/un-pont-vers-lavenir-de-lenseignement-postsecondaire-a-lemploi-pour-les-jeunes-deplace-e-s-en-afrique/).

29  Cette tendance réactive des thématiques mobilisées dans les années 1970, considérant les réfugiés comme une main-d’œuvre pour stimuler croissance et efforts de développement dans les zones d’accueil. Elle fait aussi écho aux efforts de l’UNHCR pour lutter contre le « syndrome de la dépendance » à l’aide dispensée dans les camps (Glasman, 2017).

30  Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, République du Cameroun.

31  Sur ces thématiques, voir notamment Mandel, 1997 ; Chaulia, 2003 ; Loescher & Milner, 2004 ; Mogire, 2009.

32  « Quand [les réfugiés] essaient d’obtenir par eux-mêmes un “à-qui-de-droit”, c’est très difficile : il faut qu’ils quittent le lieu où ils résident et aillent trouver [un bureau du] HCR, pour exposer leur situation et solliciter l’établissement du document, dont la demande sera ensuite transmise au service “protection”. Donc c’est pas tout le monde qui a la chance d’avoir les “à-qui-de-droit” ; c’est difficile. Pourtant, tout le monde veut voyager, tout le monde veut bouger. Et, quand ils voyagent sans “à-qui-de-droit”, ils ont trop de problèmes […] ; ce qui fait que beaucoup, pour cette raison, ne [se déplacent] pas. […]. Dans le contexte sécuritaire [actuel], le HCR demande aux partenaires [humanitaires] de “décourager fortement” – c’est le mot qu’ils utilisent – le recours à ces documents, parce qu’ils n’ont pas le droit de dire : “dites aux réfugiés de ne pas voyager”. À la place, ils demandent aux partenaires : “dans vos sensibilisations, découragez fortement les réfugiés à se déplacer ; à cet effet, nous ne voudrions pas voir trop de demandes d’‘ à-qui-de-droit’” » (entretien du 04/06/2021 avec un ancien gestionnaire de camp de réfugiés centrafricains, Bertoua).

33  Discussions informelles avec des parents et représentants des réfugiés, Bertoua, décembre 2020.

34  Capitale économique, située sur la côte (voir figure 1).

35  Membre de l’Unicef lors d’un atelier organisé avec le MINEDUB à Bertoua (observation, 08/09/2020).

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Principales « crises humanitaires » identifiées au Cameroun en 2021
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/14180/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 311k
Titre Photo 1. Formation des points focaux communautaires en protection de l’enfance
Crédits Kette, octobre 2020
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/14180/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 200k
Titre Photo 2. « Conseil scolaire » réunissant enseignants, parents d’élèves, chefs de communautés et membres du comité de gestion du CPC
Crédits Kette, mars 2020
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/14180/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 218k
Titre Figure 2. Pratiques de l’espace et mobilité renouvelées des réfugiés grâce à la manne humanitaire
Légende 2a. Enjeux de mobilité pour les réfugiés dans la zone visée par le projet de formation professionnelle de l’ONGI. 2b. Pratiques diversifiées de l’espace par une réfugiée centrafricaine dans la ville de Bertoua, capitale régionale de l’Est, entre juillet et décembre 2018
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/14180/img-4.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Claire Lefort-Rieu, « Éducation et formation professionnelle en situation de crises humanitaires : l’exemple des migrations forcées au Cameroun »Les Cahiers d’Outre-Mer, 286 | 2022, 453-487.

Référence électronique

Claire Lefort-Rieu, « Éducation et formation professionnelle en situation de crises humanitaires : l’exemple des migrations forcées au Cameroun »Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 286 | Juillet-Décembre, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 29 avril 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/14180 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/com.14180

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Auteur

Claire Lefort-Rieu

Doctorante en anthropologie au Centre Population et Développement (Ceped), Institut de Recherche pour le Développement/Université de Paris.

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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