Entre Nature et Développement
Texte intégral
1Inégalement accueillants, les littoraux du monde tropical ne cessent d’attirer les hommes par l’ouverture qu’ils permettent sur les circuits internationaux d’échange, la relative diversité des possibilités d’usage qu’ils proposent et l’attrait de mieux en mieux perçu de leurs potentialités touristiques.
2A titre d’illustration on trouvera dans ce numéro quatre exemples de valorisation de ces milieux “frontières” réputés fragiles dans des situations planétaires bien différentes. Ils sont, pour certains d’entre eux, ignorants des périls encourus par méconnaissance des données naturelles, manque de moyens, refus de s’engager résolument dans une politique de défense bousculant intérêts et habitudes, négligence collective ou laxisme coupable malgré les cris d’alarme des scientifiques, et la médiatisation accordée aux travaux des conférences internationales en vue d’un “développement durable”.
3L’article de Joël Rousselot, professeur agrégé au lycée d’Andernos (Gironde), qui ouvre ce numéro des Cahiers, fait le point sur le destin de l’une des grandes villes portuaires de l’Indonésie, “Ujum Pendang”, redevenu depuis peu l’historique “Makassar”, aussi littérairement célèbre qu’elle est probablement méconnue du plus grand nombre de nos contemporains, malgré ses deux millions d’habitants actuels, hors les marins bien sûr qui embouquent à l’occasion le détroit auquel elle a laissé son nom. Capitale de la province de Sulawesi Selatan, Makassar a connu ces dernières années un essor remarquable dont on saisira ici les effets économiques et urbains. Malgré le coup d’arrêt de la récente crise asiatique, elle ne parvient pas à se résigner pour autant à renoncer à ce qui est sans doute sa plus secrète ambition : parvenir un jour à s’imposer comme la grande métropole de l’Est indonésien.
4Co-signé par le professeur Martin Kuété de l’université de Dschang (Cameroun) et Théophile Assongmo, assistant attaché au même établissement, l’article qui suit prend prétexte des récents efforts de promotion touristique sur le littoral camerounais, dans la région de Kribi, pour aborder le délicat problème de la relation éminemment conflictuelle entre les volontés nationales de développement et la protection de l’environnement naturel. C’est pour ces deux auteurs l’occasion d’analyser très concrètement les données de la situation et de mettre en lumière certaines culpabilités. On sera évidemment sensible à la franchise du propos et à la vigueur de cette mise en accusation. Mais l’exemple choisi a une portée si large que nous n’avons pas résisté à la tentation d’ajouter ce dossier à celui, déjà épais, réuni par les tenants résolus du développement durable, en laissant cependant à nos auteurs, toute la responsabilité de leurs assertions.
5Avec l’article de Célestin Hauhouot, professeur à l’institut de Géographie Tropicale d’Abidjan, nous restons en Afrique mais nous déplaçons de quelques degrés vers l’ouest pour envisager le problème de la gestion du littoral ivoirien dans la région de Grand-Bassam et particulièrement de l’estuaire de la Comoé par où s’évacuent les eaux des lagunes Potou et Aghien, par où sortaient aussi, jusqu’à l’ouverture du canal de Vridi, les eaux de la lagune Ebrié. Mais depuis 1951 les données hydrologiques locales en ont été très sensiblement modifiées et l’affaiblisement du débit du fleuve ne lui permet plus d’assurer comme auparavant le nettoyage des passes. En résultent des problèmes d’ensablement allant jusqu’à la fermeture périodique de l’estuaire et donc la nécessité de coûteux travaux d’entretien. L’objet de la contribution du professeur Hauhouot est de faire le point sur les conséquences du phénomène et de discuter la pertinence des politiques de gestion mises en place dans le passé et le présent.
6Et nous achèverons ce rapide voyage à travers le monde avec l’article de Michel Desse, Maître de Conférences à l’Université des Antilles et de la Guyane, qui tente un rapide bilan de l’utilisation des littoraux haïtiens du golfe de la Gonâve, un espace singulièrement éprouvé par la surexploitation liée aux effets cumulés de l’activité prédatrice des villageois anciennement en place et de l’afflux en nombre croissant de populations de l’intérieur, poussées par la misère, à la recherche des moyens de leur survie. Le résultat est un espace côtier passablement dégradé et appauvri sur lequel Port-au-Prince rayonne avec une efficacité inégale car si l’effort d’intégration de la frange nord du golfe par l’hôtellerie touristique ou la résidence secondaire apparaît bien engagé, la rive sud semble au contraire assez largement oubliée, échappant même de toute évidence au-delà de Miragoâne au contrôle des autorités nationales. A défaut d’une intervention publique pleinement consciente des enjeux, l’avenir du littoral haïtien apparaît ainsi gravement compromis par l’arrivée massive de nouveaux migrants venus des mornes. Pauvre Haïti qui ne parvient pas à déserrer le cercle de la misère qui l’étreint et l’étrangle !
7Un grand merci en tout cas aux auteurs qui ont bien voulu accepter de nous confier à ce jour leurs oeuvres aidant ainsi à faire, peu à peu, de cette série de numéros spéciaux une véritable chronique littorale et maritime.
Pour citer cet article
Référence papier
Ph. Fournet et Jean-Claude Maillard, « Entre Nature et Développement », Les Cahiers d’Outre-Mer, 219 | 2002, 257-258.
Référence électronique
Ph. Fournet et Jean-Claude Maillard, « Entre Nature et Développement », Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 219 | Juillet-Septembre 2002, mis en ligne le 13 février 2008, consulté le 17 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/1168 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/com.1168
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