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Textes

La safīna de Colin : une source importante pour l’histoire de la poésie ḥumaynī

Julien Dufour
Traduction(s) :
سفينة كولان : مصدر مفيد في تاريخ الشعر الحُميني [fr]

Texte intégral

Ms. Bibliothèque ...Ms. Bibliothèque nationale de France, Arabe 7084 (feuillet 1v)

Ms. Bibliothèque nationale de France, Arabe 7084 (feuillet 1v)

  • 1 C’est à l’amabilité d’Anne Regourd que je dois d’avoir eu connaissance de ce manuscrit en novembre (...)
  • 2 La langue de la poésie muˁrab est pourvue des désinences flexionnelles de la grammaire normative cl (...)
  • 3 Safīnat al‑adab wa‑l‑tārīḫ.
  • 4 Les anthologies poétiques manuscrites conservées à Dār al‑Maḫṭūṭāt à Sanaa sont hélas pour l’instan (...)

1C’est avant tout par sa taille que se fait remarquer le manuscrit Arabe 7084 de la Bibliothèque nationale de France (BnF), appartenant au fonds Georges S. Colin1 : quelque 360 folios de poésie, soit largement plus de 700 poèmes, dont les quatre cinquièmes environ relèvent du genre semi‑dialectal yéménite dit ḥumaynī, le reste étant composé de poésie « classique » (c’est‑à‑dire en arabe classique muˁrab2 et suivant le modèle de la qaṣīda classique monorime) ; cette poésie classique est soit d’origine yéménite, soit composée par d’autres auteurs arabes de toutes époques. À titre de comparaison, l’énorme recueil poétique compilé par Muḥammad b. ˁAbd Allāh al‑ˁAmrī et édité par son fils Ḥusayn en 20013, qui compte plus de 1400 pages dans sa version imprimée, n’en consacre qu’un peu plus de 200 au ḥumaynī4. Le simple volume du document de la Bibliothèque nationale en fait donc une source importante. Nous verrons que son intérêt ne se limite pas là.

  • 5 Les indications de folios sont données comme suis : un chiffre seul renvoie au recto du folio, un c (...)

2Le scribe anonyme introduit son recueil de la manière suivante : « فهذه السفينه مجموعه من عده شعرا مشرقى وحكمى وحمينى ومكاتبات ونحو ذلك » « cette safīna rassemble [des textes] de nombreux poètes [de type] mašriqī, ḥakamī et ḥumaynī, des échanges poétiques épistolaires et autres choses du même genre » (fo 15). Safīna est le nom usuellement donné au Yémen à ce genre de recueil ; notons toutefois que celui‑ci ne contient pas, comme il arrive souvent, de proverbes, devinettes, historiettes ou œuvres de prose. Le ḥumaynī est la poésie semi‑dialectale propre au Yémen, généralement en arabe malḥūn, et souvent strophique quant à la forme. Le ḥakamī est le nom donné à Sanaa à la poésie classique, surtout par opposition au ḥumaynī. Quant au terme de mašriqī, il n’a pas été signalé à ma connaissance dans la littérature consacrée au ḥumaynī ; on pourrait imaginer qu’il désigne la poésie classique non‑Yéménite, mais nous verrons que ce n’est sans doute pas le cas.

  • 6 Les références données dorénavant renvoient au début des poèmes concernés, la fin de ceux‑ci pouvan (...)

3Bien qu’il ne comporte pas de colophon, le manuscrit — entièrement écrit d’une même main — peut être daté avec une relative précision. D’une part, il rapporte (fos 135‑1386) une controverse poétique entre différents auteurs — une mukātaba, donc — concernant la consommation du qat, l’un des poèmes cités la blâmant et les autres la défendant ; certains de ces poèmes sont datés, y compris dans leur dernier vers, de l’année 1340, soit 1921–1922 du calendrier grégorien. D’autre part, un poème (fo 132v) est présenté comme envoyé à l’imam al‑Mutawakkil ˁalā Allāh Yaḥyā b. Muḥammad Ḥamīd al‑Dīn (imam à partir de 1904) ; ce poème est suivi d’un autre du même auteur, félicitant, nous dit‑on, « la maison d’Osman — soit Mustafa Kémal et le sultan » pour leur victoire sur les Grecs en 1340/1921–1922. Or le manuscrit a été acquis par Colin en 1929. La copie a donc été achevée entre ces deux dates.

Habitudes graphiques et scriptoriales

  • 7 Le prénom Yāḥyā est cependant usuellement écrit يحـىـى, voire يحى. En outre, l’indication interstro (...)

4L’écriture est soignée et de lecture généralement aisée. Les rubriques introductives des poèmes sont à l’encre violette, de même que les fleurons qui, dans les poèmes, séparent les hémistiches, ou les indications (bayt, tawšīḥ, taqfīl) distinguant les strophes ou parties de strophe des mubayyat et muwaššaḥ. Les lettres sont systématiquement ponctuées, et dans les cas rarissimes où un point manque, il semble qu’il s’agisse davantage d’un lapsus calami que d’une réelle habitude orthographique7. Le yāˀ final n’a jamais de points. La šadda n’est pas employée après l’article défini suivi des lettres solaires, et son usage — assez abondant — est réservé aux géminations internes des lexèmes. La hamza n’est écrite que de manière parcimonieuse ; elle n’est jamais souscrite à l’alif, même quand sa voyelle est kasra : الأمام al‑ˀimām. Dans les textes malḥūn, le tanwīn est assez systématiquement noté lorsqu’il apparaît et est nécessaire à une scansion correcte. Quand une voyelle brève finale est allongée à la rime au lieu de disparaître, elle est généralement notée : s’il s’agit d’un i, elle l’est parfois par la kasra mais plus souvent encore par un yāˀ ; si c’est un a, elle peut l’être par l’alif ou par la fatḥa ; si c’est un u, il semble que seule la ḍamma soit employée. La notation du tanwīn et des voyelles pausales là où c’est nécessaire dénote un soin certain et révèle chez le scribe une oreille métrique sûre, pour le ḥumaynī comme pour le ḥakamī. Ajoutons que les fautes sont rares, et qu’un vocabulaire classique large et recherché ne semble pas perturber le copiste, qui est certainement un savant.

5Le nom des auteurs de poèmes est généralement introduit par la préposition li‑, et suivi généralement de « رحمه الله تعالى », parfois aussi de « عفى الله عنهُ », voire de « سامحهُ الله » (avec alors généralement notation ornementale de la ḍamma), ou « تجاوز الله عنه » (qui est assez rare dans les dīwān et safīna). Il arrive néanmoins de temps en temps que le nom du poète soit dépourvu du li‑ introducteur, ce qui est assez peu commun. Lorsqu’un poème a le même auteur que celui qui le précède, on trouve presque à égalité les formules « وله ايضًا » et « وقال ايضًا », suivies des eulogies déjà citées. Pour les auteurs yéménites — et, semble‑t‑il, seulement pour ces derniers —, le prénom est souvent précédé de manière redondante par son synonyme, un appellatif formé par une locution de type « beauté (ou honneur, ou pilier…) de la religion (ou de l’islam, ou de l’islam et de la religion), éventuellement abrégée, suivant la correspondance suivante :

Prénom usuel

Appellatifs susceptibles de le précéder

ابراهيم

صارم الدين (ou صارم الاسلام ou صارم الاسلام والدين( ouالصارم

أحمد

صفى الـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou الصفى

اسماعيل

ضيا الـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou الضيا

حسن ou حسين

شرف الــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou الشرفـى

عبد الله

فخر الـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou الفخرى

على

جمال الــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou الجمالى

محسن

حسام الـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou الحسام

محمد

عز الــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou العزى

يحيى

عماد الـــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــــ... ou العماد

6Un poème anonyme est le plus souvent introduit par « ولقايلها » « de celui qui l’a dite » (le mot qaṣīda, sous‑entendu, étant féminin) suivi généralement des eulogies habituelles, soit (et ce plutôt dans la fin du recueil) de la simple mention « غيره ». Quand un auteur reprend le schéma métrique et strophique ainsi que les rimes d’un poème préexistant, par le procédé dit muˁāraḍa, cela est indiqué dans le manuscrit par « وقال عراض... » ou « وله عراض... » et non par les formules « وعارض... » ou « وقال معارضة... » fréquentes dans d’autres dīwān ou safīna. Il se peut qu’une étude détaillée de ces différents usages permette de distinguer les diverses sources auxquelles le copiste a puisé son matériau.

Les auteurs des poèmes

7Je n’ai pas pu identifier tous les auteurs mentionnés par la safīna, en particulier ceux dont la contribution n’est que d’une ou deux pièces et qui restent souvent mystérieux. Les auteurs qui sont davantage représentés sont généralement bien connus par ailleurs. Voici en tout cas, par ordre chronologique, les poètes yéménites dont l’identification peut être tenue pour probable sinon assurée :

  • 8 Les indications entre parenthèses ne sont pas données par le manuscrit lui‑même mais proviennent d’ (...)

Auteur8

Dates (hégirien/grégorien)

Folios correspondants

أحمد بن علوان اليفرسي

665/1266

150v

عبد الله الموزعي المزاح

m. après 830/1426

79, 90, 97v, 98, 211, 304v‑305v, 314‑319v, 324v, 339v

إسماعيل المقري

837/1433

152

العلوي

v. 830‑après 886/1426‑1481 (GAL II‑230)

5v, 160, 160v, 197v

العيدروس

914/1508

(GAL Sup. II‑233)

256

عبد الهادي السودي

v. 860‑932/1455‑1525

(GAL II‑536, Sup. II‑565)

264‑267, 313, 326v‑327v

موسى بن يحيى بهران

933/1526

101‑105

علي بن الامام (يحيى) شرف الدين

978/1570

89v

محمد بن عبد الله شرف الدين

938‑1010/1532‑1601

(GAL II‑524)

75‑89, 90v, 92v, 94‑96v, 98v

حيدر أغاه (= حيدر أغا)

1080/1669

154‑155, 189, 232‑239

يحيى بن الحسين الحيمي

1088/1677

189v

إبراهيم (بن صالح) الهندي

1101/1690

(GAL II‑525, Sup. II‑545)

148, 149, 243

حسن الشاوش

1123/1711

279

علي بن محمد العنسي

1139‑1726

(GAL II‑526, Sup. II‑545)

106v, 115v‑122v

شعبان سليم

1149/1736

250v, 252

الحسين بن علي بن المتوكل على الله إسماعيل بن الامام القسم (sic) بن محمد

1149/1737

299

أحمد بن حسين الرقيحي

1086‑1162/1675‑1748

294

محمد بن إسحق (بن أحمد بن الحسن)

1090‑1167/1679‑1753

(GAL Sup. II‑547)

115

يحيى بن حسن المؤيدي

1170/1756

(GAL Sup. II‑546)

292

إسحق بن يوسف بن المتوكل

1173/1759

(GAL Sup. II‑545)

113

محمد بن أحمد الشرفي

1175/1761

296

(الحسن بن أحمد) الفسيّل

1185/1771

211v

عبد الله (بن محيي الدين) العراسي

1134‑1187/1722‑1773

248v, 291

قاسم بن يحيى الأمير

1194/1780

140

محسن بن محمد فايع

1195/1781

158, 281v‑286

أحمد (بن سعيد) العماري

xiiie/xixe s.

196v

قاسم بن عبد الرب (بن محمد الكوكباني)

1174‑1216/1760‑1801

168v, 224v, 303

علي بن إبراهيم الأمير

1171‑1219/1757‑1804

230

علي بن أحمد (بن محمد) بن إسحق

1150‑1220/1737‑1805

188v

أحمد بن عبد الرحمن الآنسي

1241/1825

30, 31 (?), 51v, 57‑64

يوسف بن إبراهيم (بن محمد بن إسماعيل) الأمير

1175‑1244/1761‑1828

149v, 155v, 242v, 244v‑246

عبد الرحمن الآنسي

1167‑1250/1755‑1835

(GAL Sup. II‑547)

25‑57, 208v

محسن بن عبد الكريم (بن أحمد بن محمد) بن إسحق

1191‑1266/1777‑1850

107‑110v, 112‑112v

علي بن أحمد القارة

1292/1875

297

أحمد بن حسين المفتي

1294‑1877

62‑74v

أحمد بن محمد شرف الدين

1244‑1318/1828‑1900

157‑157v

جابر أحمد رزق

v. 1320‑1902

168, 265v

علي بن محمد الحبشي

1259‑1333/1843‑1914

275‑275v

8Tous les poètes du tableau ci‑dessus viennent de Sanaa ou des Hauts Plateaux, à l’exception de l’avant dernier, Ǧābir Rizq, et surtout des six premiers, originaires du Bas‑Yémen (Tihāmah, région de Taez), dont les poèmes cités par le manuscrit représentent en gros ce que la tradition sanaanie a conservé du ḥumaynī rasūlide et ṭāhiride qui l’avait précédée et où les auteurs soufis (Ibn ˁAlwān, al‑ˁAlawī, al‑ˁAydarūs, al‑Sūdī) tiennent une place importante, à côté de ceux pour qui aucun lien avec le soufisme n’est signalé (al‑Mazzāḥ), ou dont on sait même qu’ils s’y sont opposés (al‑Muqrī). D’auteurs tihāmis postérieurs à cette période, comme Ḥātim al‑Ahdal, rien n’apparaît ici.

  • 9 Ġānim 1987.

9Quand les circonstances de l’envoi d’un poème par lettre sont évoquées, les noms de lieu qui apparaissent sont toujours des villes de l’État imamite : Sanaa, Ḏamār, Yarīm, al‑ˁUdayn. Ce n’est que lorsqu’un poète n’est pas originaire des Hauts Plateaux que son origine géographique est précisée : al‑ˁAydarūs est présenté comme « habitant Aden » (« ساكن عدن », fo 256), un certain Saˁd b. Aḥmad ˁAlī Saˁd comme « du Bas‑Yémen » (« من اليمن الاسفل », fo 222). D’une façon générale, la safīna de Colin correspond assez bien au répertoire du chant sanaani d’aujourd’hui : elle inclut ainsi la plupart des poèmes que rassemble Muḥammad ˁAbduh Ġānim à la fin de son livre9, et qui représentent à ses yeux les pièces les plus courantes du chant de Sanaa.

Les qaṣīda dites tribales et la question des mašriqiyya

10Caractéristique également du répertoire sanaani à partir de la deuxième moitié du xviiie siècle, l’abondance de qaṣīda malḥūn à deux rimes, dont une partie est assignable à des auteurs bien identifiés mais dont beaucoup d’autres sont anonymes. Certaines encore le seraient si le premier vers ne commençait par une formule du type « قال ابو مطلق » « Abū Muṭlaq a dit » ou « يقول الهاشمى » « al‑Hāšimī dit ». En général, le personnage en question est impossible à identifier, et l’indication « ولابى مطلق » ou « وللهاشمى » que les safīna ajoutent parfois pour introduire les pièces en question a toutes les chances de n’être qu’une supputation tirée du texte du poème lui‑même. On trouve ainsi parmi ces auteurs autoproclamés Abū Muṭlaq (fos 13v, 15), Ibn Ǧaˁdān (fos 16, 260), que la safīna présente au folio 13v comme ne faisant qu’un avec le précédent, al‑Hāšimī (fos 222v, 282, 290v), qu’il faut peut‑être identifier avec Ibn Hāšim (fo 273v), mais aussi al‑Ġuwaydī (fo 34), Abū Muˁǧib (fo 203), Ibn al‑Ḍiyā (fo 227), Abū Yāḥyā (fo 231), Ibn Ḥamrān (fo 243v), Abū Muḥsin (fo 298v).

11On pourrait mettre en doute l’existence réelle de ces personnages, qui ne sont peut‑être rien d’autre qu’une figure de rhétorique. En effet, de nombreux poèmes de même facture commencent par la formule « قال المعنَّى » « celui que l’amour tourmente a dit » (comme ici fos 51v, 63v, 158v, 210v, 228v, 240v, 262v, 276v, 297v, 298), ou « يقول المعنى » (fo 293v) / « المعنى يقول » (fo 285v) « celui que l’amour tourmente dit », ou encore « قال الفتى المعتنى » « le jeune homme tourmenté par l’amour a dit » (fo 263), « قال الفتى المشتاق » « le jeune homme amoureux a dit » (fo 267v) ; c’est donc là visiblement un topos, un incipit type.

12Cette référence que fait le poème à sa propre composition au moment même où il commence est tout à fait remarquable et met ces pièces à part de tout le reste du répertoire ; à l’exception de quatre d’entre elles (fos 34, 210v, 292, 293v), ce sont des qaṣīda à deux rimes (ou à une rime : fo 298v). Parfois l’incipit est encore plus insistant dans sa mise en scène de la composition poétique : « يقول الفتى الناظم » « le jeune homme qui compose de la poésie a dit » (fo 292), ou encore « ابدع بك وادعوك يا رب العباد » « je commence en Te citant et en Te priant, Seigneur des hommes » (fo 183v), « ابدع بك وادعيك يا مولا العطا كله » « je commence en Te citant, Maître de tous les dons » (fo 184), « ابدع بك وأدعيك يا من ترحم المومن » « je commence en Te citant, Toi qui prends en pitié le croyant » (fo 258). On a même « الغويدى نظم في الهوى العذرى نشيد » « al‑Ġuwaydī a composé un chant d’amour chaste », et « يقول ابو يحيى بدعت القصيد » « Abū Yaḥyā dit : je commence ma poésie ». Cet Abū Yaḥyā recouvre‑t‑il une réalité plus définie que « celui que l’amour tourmente » ? N’est‑il pas aussi imaginaire que les Laylā ou Salmā dont le ghazal abonde, ou que des lieux comme Ḥāǧir, Naˁmān ou Rāmah, que le ḥumaynī citadin emprunte à la tradition poétique classique ?

  • 10 Maǧmūˁ buldān al‑Yaman : 321‑322.
  • 11 La famille des Banū Sunbul de Ḫawlān al‑ˁĀliya est citée par al‑Maqḥafī : I‑817.

13Il se peut que certains de ces personnages soient fictifs, mais quelques indices invitent à la prudence. Ainsi, nombre d’entre eux se voient assigner des poèmes où leur nom n’apparaît pas : ainsi au folio 298, où un poème en « قال المعنّى » est attribué à un certain Muḥammad b. Hāšim, dont même le prénom est fourni. Parfois la précision va plus loin : le « قال ابن هاشم... » du folio 273v est de « Muḥammad b. Aḥmad b. Yaḥyā, de la ville de Ǧiblah ». L’un d’entre eux, Aḥmad b. Sunbul (fos 4, 7v, 256v, où son nom apparaît en incipit du poème, et fos 257‑258, où il n’apparaît que dans la rubrique introductive), est cité par al‑Ḥaǧrī (1308/1890‑1380/1960) dans son Maǧmūˁ buldān al‑Yaman wa‑qabāˀilihā10 ; l’historien le dit originaire de Maswar dans la région de Ḫawlān al‑ˁĀliya et se contente de citer un poème de lui sans davantage de précisions11. Il reste possible toutefois que des auteurs divers aient le droit de se cacher sous le même nom de scène.

  • 12 Cf. Dufour 2011 : 122.

14L’origine rurale ou « bédouine » de la qaṣīda à deux rimes a été affirmée par plusieurs auteurs yéménites12, ce qui semble tout à fait vraisemblable, étant donné que cette forme constitue, avec la qaṣīda monorime, la quasi‑totalité du répertoire de la poésie tribale dite zāmil, et qu’il semble bien que la poésie strophique soit très peu pratiquée hors des villes (ou des villages qui, comme Kawkabān, sont le point d’attache de grandes familles proches d’un pouvoir par ailleurs lié à une société citadine). Et en effet, une partie des poèmes de ce type contenus dans les safīna se caractérisent par une fière rugosité dans l’expression même de l’amour attendri qui évoque plus l’homme de tribu que le lettré sanaani. En outre, les incipit de type « Untel a dit » sont monnaie courante chez les poètes de nombreuses régions tribales du Yémen. Mais une fois posée cette affirmation, qu’a‑t‑on expliqué ? Pourquoi cette forme, qui a fait quelques incursions dans le ḥumaynī depuis fort longtemps — depuis al‑ˁAlawī (né v. 830/1426, m. après 886/1481), mais surtout depuis les Ḥadramis Abū Bakr al‑ˁAydarūs (m. 914/1508) et ˁUmar Bā Maḫrama (m. 952/1545) — est‑elle totalement absente de l’œuvre d’al‑Sūdī (860‑932/1455‑1525), de Muḥammad b. Šaraf al‑Dīn (938‑1010/ 1532‑1601), d’al‑ˁAnsī (m. 1139/1726) ? Pourquoi au contraire est‑elle massivement adoptée par les poètes sanaanis du xviiie siècle, chez qui elle vient faire concurrence aux formes strophiques ? Pourquoi ces derniers prennent‑ils plaisir à imiter parfois explicitement la poésie tribale ? Et qui sont ces poètes aux patronymes d’allure rurale ? Sont‑ce des Sanaanis qui jouent à l’homme de tribu ? Ou sont‑ce des hommes d’extraction tribale qui composent du ghazal dans un genre à la fois local et marqué par les traditions citadines ? Et dans ce cas, par quelles voies leurs productions ont‑elles pénétré dans le répertoire sanaani ? À l’époque même où Sanaa s’affirme clairement comme une grande ville à l’échelle du pays qui l’entoure, l’évolution des goûts poétiques révèle une redéfinition du campagnard et du citadin, avec une perméabilité remarquable, dont l’histoire reste à écrire.

15Ce ḥumaynī d’allure tribale, qui se caractérise par son ton, sa forme, ses mètres et des particularités de scansion — et bien que ses limites soient imprécises —, n’a pas eu l’honneur d’être rassemblé dans des dīwān. Les auteurs même en sont méconnus. Il a cependant envahi les safīna. À quelle époque ? Cela reste à déterminer. Seule la confrontation d’un grand nombre d’entre elles permettra en outre de voir s’il est possible d’assigner même approximativement à chacun de ces auteurs mystérieux une œuvre poétique, ou si la tentative est vaine et les attributions trop inconstantes. Une première comparaison de la safīna de Colin avec une autre safīna que j’ai pu photographier auprès d’un membre de la famille Šaraf al‑Dīn à Sanaa révèle une concordance certaine, et il se peut qu’un travail de quelque ampleur vaille la peine d’être mené.

  • 13 Le mètre interdit de lire al‑Mufarradī ou al‑Mufarridī.
  • 14 – – u – – – u – – u – / – – u – – – u – –. Voir Dufour 2011 : 324‑326.
  • 15 Éric Vallet fait remarquer (Vallet 2010 : 18, 374 note 353) que le terme de Mašriq (pluriel : Mašār (...)

16Cette safīna de Šaraf al‑Dīn apporte en outre une information essentielle. Elle attribue à un certain al‑Mvfrvdī, dont on transcrira le nom ainsi ne sachant comment le vocaliser13, un poème qualifié de mašriqiyya. C’est une qaṣīda malḥūn à deux rimes, sur un schéma métrique qui, bien qu’attesté depuis al‑Mazzāḥ, est surtout répandu chez des poètes postérieurs à 170014. Elle commence par « ابدع بمن زان القمر واطلعه... » « je commence par citer Celui qui a fait la lune si belle et si haute », puis, au troisième vers : « المفردى قال... » « al‑Mvfrvdī a dit ». Elle est donc tout à fait du type de nos poèmes « tribaux ». Certes, la safīna en question comporte bien d’autres qaṣīda du même type qui ne sont pas pour autant étiquetées mašriqiyya ; la raison en est sans doute que ce poème‑ci comporte des traits dialectaux des régions tribales situées à l’est de Sanaa, sur la bordure de la Ramlat al‑Sabˁatayn, et qu’on nomme al‑Manāṭiq al‑šarqiyya15 (futur en ‑ suivi de l’inaccompli, ˀabā pour « je veux »…). Cependant, la confrontation avec le paragraphe introductif de la safīna de Colin rend très vraisemblable que le terme mašriqī y désigne ces qaṣīda « tribales », ainsi opposées non seulement à la poésie classique, appelée ḥakamī, mais même au ḥumaynī, terme qui, historiquement, désigne la poésie strophique — et même peut‑être seulement sa variante mubayyat.

Structure de la safīna

  • 16 Le papier utilisé dans le ms. Ar. 7084 a été étudié dans Regourd, à paraître.

17Le manuscrit étant écrit tout d’une seule main et sur le même papier16, peu d’indices matériels peuvent nous renseigner sur le processus de compilation. La considération du contenu permet néanmoins de distinguer dans l’ouvrage un certain nombre de sections, plus ou moins nettement suivant les endroits.

Folios (correspondant à l’incipit des poèmes)

Description du contenu des sections

1‑24v

Série de qaṣīda à deux rimes d’auteurs divers de type « tribal ».

25‑50v

Poèmes de ˁAbd al‑Raḥmān al‑Ānisī, avec quelques réponses ou muˁāraḍa d’autres auteurs.

51v‑64

Poèmes d’Aḥmad b. ˁAbd al‑Raḥmān al‑Ānisī, fils du précédent.

65‑74v

Poèmes d’Aḥmad b. Ḥusayn al‑Muftī.

75‑98v

Poèmes de Muḥammad b. Šaraf al‑Dīn, avec quelques poèmes d’al‑Mazzāḥ dont Šaraf al‑Dīn a fait des muˁāraḍa, et quelques autres ayant un rapport avec Muḥammad b. Šaraf al‑Dīn.

99‑102

Poèmes d’al‑Qāsim b. Hutaymil à la louange de l’imam al‑Mahdī Aḥmad b. al‑Ḥusayn (m. 656/1258), et poèmes de Mūsā Bahrān à la louange de l’imam Yaḥyā Šaraf al‑Dīn.

105v‑115

Poèmes d’auteur divers du Haut‑Yémen (surtout Muḥsin b. ˁAbd alKarīm Isḥāq).

115v‑122v

Poèmes de ˁAlī al‑ˁAnsī.

123‑124

Poème d’Aḥmad b. ˁAbd Allāh al‑Ǧindārī et réponse de Muḥammad b. ˁAbd al‑Malik.

124‑132v

Mufāḫara bayn al‑ġuṣūn wa‑l‑zahr (débat entre les branches et les fleurs pour savoir qui vaut le mieux) : poème anonyme, suivi de 14 réponses d’auteurs divers, sur le même mètre et la même rime.

132v

Poème de Ḥusayn b. ˁAlī b. ˁAbd al‑Qādir envoyé à l’imam Yaḥyā Ḥamīd al‑Dīn. Autre poème du même célébrant la victoire des Turcs sur les Grecs en 1340/1920‑1921. Poème de Qusṭanṭīn al‑Naṣrānī blâmant la consommation du qat, et trois réponses d’auteurs yéménites en faveur du qat, datées de 1340/1920‑1921.

139‑141v

Poèmes ḥumaynī de divers auteurs yéménites.

141v‑155v

Séquence où le ḥakamī prédomine largement, d’auteurs yéménites ou non (Abū Nuwās…).

156‑156v

Prière en forme de poème classique précédée de la mention suivante :

بسم الله الرحمن الرحيم هذه السوره من الزبّور (sic) قال بن عباس رضى الله عنه وهى مثل سورة الرحمن من قراها وهو طاهرٌ فرج الله همّه.

Incipit : انا المقصود فاطلبنى تجدنى / فان تطلب سوائى لم تجدنى.

157‑177

Section très mélangée, comprenant surtout du ḥakamī. Ce dernier est attribué soit à des auteurs yéménites, soit à d’autres (Abū al‑ˁAlāˀ al‑Maˁarrī, al‑Ḥillī, Abū Bakr al‑Mursī, Marwān b. Abī Ḥafṣa, al‑Qayrawānī…).

177v‑186v

Section ḥumaynī (surtout des qaṣīda à deux rimes).

186v‑187

Échange poétique entre [le prince] ˁAlī b. al‑Mutawakkil [Ismāˁīl] et sa femme la šarīfa Zaynab bt Muḥammad b. Aḥmad [b. al‑imām al‑Nāṣir al‑Ḥasan b. ˁAlī b. Dāwūd, m. 1114/1702].

187v‑231v

Poèmes ḥumaynī anonymes ou d’auteurs très divers, très majoritairement du Haut‑Yémen, parmi lesquels Muḥammad b. Ḥusayn b. ˁAlī b. ˁAbbās (fos 204‑207v) et al‑Ḥusayn b. ˁAbd al‑Raḥmān Kawkabān (fos 216‑218v). La section comporte aussi 7 poèmes ḥakamī, anonymes pour la plupart, mais noter Šihāb al‑Dīn al‑Šahrazūrī (fo 191), al‑Ḥarīrī (fos 212‑212v) et al‑Tilimsānī (fo 230v).

232‑239

Poèmes de Ḥaydar Aġā.

239v‑263

Section ḥumaynī (un poème ḥakamī) de divers poètes du Haut‑Yémen ou anonymes.

264‑267

Poèmes de ˁAbd al‑Hādī al‑Sūdī.

267v‑303v

Poèmes ḥumaynī, tous d’auteurs du Haut‑Yémen ou anonymes ; noter Muḥammad b. Aḥmad b. Hāšim (fos 280‑281), Muḥsin b. Muḥammad Fāyiˁ (fos 281v‑286). Deux poèmes ḥakamī seulement, dont un d’Abū Nuwās (fo 267v).

304‑339v

Section ḥumaynī (5 poèmes ḥakamī). Aucune qaṣīda à deux rimes (une qaṣīda à trois rimes fos 332). Les poèmes sont de forme mubayyat ou muwaššaḥ. La plupart sont anonymes ; quand ils ne le sont pas, ils sont surtout attribués à al‑Mazzāḥ ou al‑Sūdī (aucun poète du Haut‑Yémen). Indication de modes musicaux pour certains poèmes.

340‑359

Section entièrement ḥakamī, de poètes non Yéménites (al‑Ḥillī, Ibn Sahl al‑Išbīlī, Ibn al‑Ḫaṭīb, Ibn Sanāˀ al‑Mulk…).

18Il y a bien sûr quelque arbitraire dans ce découpage, surtout entre les folios 139 et 303v, où les principes de l’accumulation sont plus difficiles à démêler. Au début et à la fin de la compilation, les sections apparaissent plus clairement.

  • 17 Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt ; Al‑Rawḍ al‑marhūm.
  • 18 Ṣanˁāˀ ḥawat kull fann.

19Il est intéressant de voir que même l’œuvre de poètes pour qui existe par ailleurs un dīwān dans la tradition manuscrite (comme Muḥammad b. Šaraf al‑Dīn, ˁAlī al‑ˁAnsī, ˁAbd al‑Raḥmān al‑Ānisī, Aḥmad b. ˁAbd al‑Raḥmān al‑Ānisī, et peut‑être al‑Muftī) circule également dans les safīna sous la forme de longues anthologies. Comme, par ailleurs, des dīwān entiers sont souvent inclus dans les safīna, il n’est pas facile de faire le départ entre les deux types d’ouvrages. Les dīwān ḥumaynī et ḥakamī de Muḥammad b. Šaraf al‑Dīn17 représentent un cas extrême : on connaît bien leur compilateur, ˁĪsā b. Luṭf Allāh, neveu et jeune contemporain du poète, qui a rédigé de longues introductions narrant le processus par lequel il a rassemblé l’œuvre de son oncle. Ces deux dīwān circulent donc sous une forme fixée depuis une époque à peine postérieure à la mort du poète, et possèdent chacun un titre consacré par l’usage. Malgré cela, des différences textuelles importantes existent entre les manuscrits, dont certaines peuvent difficilement s’expliquer par des erreurs de copiste, et l’ordre et le nombre des derniers poèmes du dīwān ḥumaynī varient notablement d’un exemplaire à l’autre. Autre extrême : le dīwān d’al‑Muftī, dont l’édition par Ġānim18 repose sur un manuscrit qui est une compilation de sources diverses, et qui contient entre autres 32 poèmes d’al‑Muftī. On n’est donc pas très loin d’une séquence comme celle qui, dans la safīna de Colin, fait se succéder 12 poèmes de Muḥsin b. ˁAbd al‑Karīm b. Isḥāq (fos 107‑110v) ou 13 poèmes de Ḥaydar Aġā (fos 232‑239).

  • 19 Kitāb al‑futūḥ.
  • 20 Nusaymāt al‑saḥar wa‑nafaḥāt al‑zahar.
  • 21 Zahr al‑bustān.
  • 22 Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt.
  • 23 Dīwān Ibn Bahrān.
  • 24 Baˁkar 2006.
  • 25 Cote : 2336.
  • 26 Wādī al‑Dūr : 11, 78.
  • 27 Tarǧīˁ al‑aṭyār.
  • 28 Al‑Šihāb al‑ṯāqib.
  • 29 Zamān al‑ṣibā.
  • 30 Ṣanˁāˀ ḥawat kull fann.

20Les seuls dīwān ḥumaynī qui aient fait l’objet d’une édition critique sont ceux d’Ibn ˁAlwān19 et d’al‑Sūdī20 par ˁAbd al‑ˁAzīz al‑Manṣūb, de Ǧābir Rizq par ˁAbd Allāh Muḥammad al‑Rudaynī21 et, plus anciennement, celui de Šaraf al‑Dīn, par ˁAlī b. Ismāˁīl al‑Muˀayyad et Ismāˁīl b. Aḥmad al‑Ǧirāfī22. Encore ces deux derniers travaux ne reposent‑ils que sur deux ou trois manuscrits. La Maktabat al‑Iršād a publié sans nom d’éditeur un dīwān d’Ibn Bahrān où les fautes et coquilles abondent, et qui est visiblement fondé sur une seule source ; les autres dīwān manuscrits du même auteur représentent chacun une recension différente de l’œuvre23. ˁAbd al‑Raḥmān Ṭayyib Baˁkar édite un seul manuscrit de Ḥātim al‑Ahdal24, qui n’a pas grand‑chose à voir avec le dīwān du même poète à Dār al‑Maḫṭūṭāt25. Pour al‑ˁAnsī, l’éditeur Yaḥyā b. Manṣūr b. Naṣr dit s’être appuyé sur plusieurs manuscrits mais n’en cite qu’un26. ˁAbd al‑Raḥmān b. Yaḥyā al‑Iryānī et ˁAbd Allāh ˁAbd al‑Ilāh al‑Aġbarī restent muets sur leur travail éditorial du dīwān de ˁAbd al‑Raḥmān al‑Ānisī27. Rien de plus précis et honnête que le travail d’Aḥmad b. ˁAbd al‑Razzāq al‑Ruqayḥī sur le dīwān de son aïeul Aḥmad b. Ḥusayn al‑Ruqayḥī28, ou que celui de Ġānim sur les œuvres d’Aḥmad al‑Ānisī29 et d’al‑Muftī30 — mais ces deux auteurs ont travaillé à chaque fois sur une seule source.

21On doit savoir gré à ces savants de l’important travail accompli, qui plus est souvent accompagné de précieux commentaires. Il n’en reste pas moins que l’histoire de ces textes n’a encore aucunement été faite, et que, de ce point de vue, un document comme la safīna de Colin n’est pas moins précieux ni a priori moins fiable que ce qui a été publié. Quelle logique, par exemple, préside à l’ordre des poèmes des Ānisī père et fils dans notre manuscrit ? Ce n’est pas le même que dans les dīwān imprimés, mais il doit avoir lui aussi sa raison d’être. Pour des auteurs importants mais dont il n’existe pas de dīwān à ma connaissance, comme Ḥaydar Aġā ou Muḥsin b. ˁAbd al‑Karīm b. Isḥāq, cette safīna et ses homologues sont notre seule source.

L’avant‑dernière section et le ḥumaynī ancien

22Mais ce que la safīna de Colin contient de plus original et sans doute de plus précieux est certainement l’avant‑dernière des sections qu’on a cru pouvoir distinguer plus haut, celle qui va du folio 304 au verso du folio 339. Elle n’a peut‑être pas été copiée dans la continuité de ce qui précède, car il me semble que l’écriture, quoique de la même main, est légèrement différente, comme si le scribe avait employé un calame plus large ou, en tout cas, plus souple ; l’encre violette, en outre, n’a pas exactement la même teinte qu’au folio précédent. Rien en revanche dans l’écriture ne la distingue de la section suivante.

  • 31 Il faut noter tout de même au folio 332 une qaṣīda à trois rimes, mais d’un ton et d’une facture qu (...)
  • 32 Quatre de ces poèmes sont dans le dīwān d’al‑Sūdī, le cinquième (Ġuṣnu bānin qad tabaddā) n’y est p (...)
  • 33 Cf. Dufour 2011 : 352‑355.
  • 34 Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt : 193.
  • 35 Dufour 2011 : 357‑358.
  • 36 Dufour 2011 : 352.

23Cette section est à part à plus d’un titre. On n’y trouve aucune des qaṣīda à deux rimes qui abondent ailleurs31, bien que presque tous les poèmes relèvent du ḥumaynī. Aucun des auteurs cités n’est rattachable au Haut‑Yémen. Il est vrai que la plupart des poèmes sont anonymes. Mais il s’en faut qu’ils le soient tous. Un poème est attribué au soufi al‑ˁAlawī de Zabīd (fo 315), cinq autres à al‑Sūdī (fos 313, 326v‑327v)32, installé à Taez et soufi lui aussi. Surtout, quinze poèmes sont attribués à [ˁAbd Allāh b. Abī Bakr] al‑Mazzāḥ (m. après 830/1426), poète tihāmī antérieur aux deux précédents et dont la biographie est très mal connue33. Il apparaît ailleurs çà et là dans la safīna, où l’on trouve de lui les cinq poèmes suivants : Yā ġuṣn° māyis yā qamar muṣawwar (fo 79), Yā nusayyim ˁilm° ˁan ḏāk al‑ḥabīb (fo 90), Wā hizār al‑iṣbāḥ (fo 97v), Baṭṭālatī ˁan šurb° ḫamrī (fo 98), Waqafnā wa‑lāḥat min al‑manẓarī (fo 211). Le premier est un classique du chant sanaani et se rencontre un peu partout. Le deuxième est ici attribué à tort au Tihāmi, car il est de Šaraf al‑Dīn, mais c’est bien une muˁāraḍa d’un poème d’al‑Mazzāḥ à en croire les indications données par le dīwān34 (le poème d’al‑Mazzāḥ, perdu, avait pour incipit Hāt° bi‑Llāh° yā nasīm / ˁilm° ˁan ḏālik al‑ḥabīb). Les trois derniers sont présents dans le manuscrit 2259 de Dār al‑Maḫṭūṭāt à Sanaa, qui fournit, à la suite du dīwān de Šaraf al‑Dīn, 35 poèmes attribués à al‑Mazzāḥ (dont sept sans doute à tort, quatre d’entre eux se trouvant dans le dīwān d’al‑Sūdī et trois autres dans celui d’al‑ˁAlawī). Outre Hāt° bi‑Llāh° yā nasīm, le dīwān de Šaraf al‑Dīn cite l’incipit de trois autres poèmes, qui n’ont pas été retrouvés : A‑min sanā l‑multahibī, Arˁan yulāˁib dallvh et Badā ḫū l‑ġazālvh35. Or les quinze poèmes attribués à al‑Mazzāḥ par la safīna de Colin sont tous nouveaux : aucun n’est signalé dans les sources citées ici. Rien ne prouve que leur attribution est exacte ; en particulier, aucun ne contient une adresse au sultan rasūlide al‑Ẓāhir Yaḥyā b. al‑Ašraf Ismāˁīl, contrairement à certains des poèmes déjà connus36. Cependant la forme, la scansion, la langue et le style des pièces en question correspondent tout à fait à ce que l’on connaît par ailleurs du poète, et l’on n’a donc pas de raison particulière de douter qu’il en soit l’auteur.

  • 37 Dufour 2011 : 194 n. 23.

24Quant aux nombreux poèmes anonymes de cette section, ils sont d’une facture très semblable à ceux d’al‑Mazzāḥ ou des poètes tihāmis postérieurs al‑ˁAlawī et al‑Sūdī, bien qu’ils ne figurent dans les dīwān d’aucun de ces auteurs. L’un de ces poèmes anonymes est Lī fī rubā Ḥāǧir ġuzayyil aġyad. Or il est bien connu par ailleurs et a donné lieu à une muˁāraḍa d’al‑Sūdī puis à une autre de Šaraf al‑Dīn37. Il est habituellement attribué à Ibn Fulayta (m. vers 731/1331), un des plus anciens poètes ḥumaynī mais dont l’œuvre est perdue. Les caractéristiques formelles de nombreux autres poèmes anonymes militent pour leur ancienneté — en particulier la présence d’une douzaine de mubayyat muˁrab, chose rarissime et qui n’est attestée que chez les auteurs les plus anciens. Cette partie de la safīna recèlerait‑elle d’autres poèmes d’Ibn Fulayta ? On n’a pour le moment aucun moyen de le savoir, mais il semble certain qu’on a affaire à une anthologie du ḥumaynī ancien, avec une importante composante d’époque rasūlide, et comprenant tout un répertoire inconnu par ailleurs.

  • 38 Lambert 1997 : 107.

25Répertoire chanté, à n’en pas douter, car ce document est unique en ce que c’est à ma connaissance le seul manuscrit yéménite qui indique pour un certain nombre de poèmes le mode musical correspondant. Cela est d’autant plus étonnant que la musique yéménite — du moins aujourd’hui — ne nomme pas les modes et ignore cette terminologie38. C’est ainsi que l’on a les mentions « muwaššaḥ ḥiǧāzī » (fos 307v, 310v, 311, 312, 314v, 337v), « muwaššaḥ ḥusaynī » (fos 312v, 313v), « muwaššaḥ rāst » (fos 321v, 323), « muwaššaḥ ṣabā » (fo 308v), « muwaššaḥ nayruz » (fo 308v), « muwaššaḥ kurdān » (fo 322), « muwaššaḥ ˁuššāq » (fo 326), « muwaššaḥ nawā » (fo 334v), « awǧ ˁirāqī » (fo 306). Les « muwaššaḥ » en question sont de formes très diverses. Beaucoup ne sont à proprement parler pas des muwaššaḥ mais des mubayyat. Certains sont malḥūn, d’autres muˁrab. Certains contiennent des dialectalismes yéménites, d’autres non, mais — à une ou deux exceptions près — ils ont toutes les caractéristiques du ḥumaynī yéménite et il est très improbable qu’ils viennent d’ailleurs. Ils sont tous anonymes, à l’exception de l’un d’entre eux (fo 337v), annoncé comme « d’Aḥmad al‑Ḫayyāṭ » — mais le nom du poète apparaît dans le poème et la rubrique ne fait sans doute que répéter cette information.

26Le plus étonnant et que ce qui semble être une autre main que celle du scribe principal a ajouté après coup — donc entre 1920 et 1929 — au‑dessus de quelques poèmes la mention « maṣrī » à l’encre rouge. Comme les poèmes en question n’ont rien d’égyptien et que leur forme est tout à fait du genre de ce qu’on trouve au Yémen, il faut supposer qu’il s’agit du mode musical ˁuššāq maṣrī. Mais qui donc à Sanaa au début du xxe siècle a bien pu ajouter un tel commentaire à des textes qui sont totalement étrangers au répertoire du chant sanaani, qui paraissent très anciens — et en employant une terminologie musicale qui n’a jamais été signalée au Yémen ? Les indications modales dans les rubriques à l’encre violette ne font évidemment que recopier un original que le scribe n’avait pas besoin de comprendre, mais les « maṣrī » à l’encre rouge demeurent un mystère.

Conclusion

27Ce survol se veut informatif, il est bien sûr trop rapide. Chacun des points abordés mériterait à lui seul une recherche plus approfondie, que j’espère pouvoir mener bientôt. Mais on retiendra pour l’instant deux choses.

  • 39 Safīnat al‑adab wa‑sl‑tārīḫ.

28D’une part, la safīna de Colin, de par sa taille et sa qualité matérielle remarquables, et bien qu’elle soit récente, est une pièce importante dans un jeu plus large : celui des safīna yéménites, pour l’étude desquelles beaucoup reste à faire. Un certain nombre d’entre elles ont été archivées et cataloguées. Une seule a été publiée39. La typologie de leurs usages (graphiques, phraséologiques, onomastiques…) n’a pas été établie. Leur contenu demanderait un inventaire comparatif. Seul un tel travail permettrait de développer les outils d’une analyse critique des textes et de l’histoire littéraire yéménite.

29D’autre part, l’avant‑dernière section du recueil revêt un intérêt tout particulier pour l’histoire du ḥumaynī. Elle fournit un ensemble de textes inconnus par ailleurs et certainement anciens, dont beaucoup peuvent aider à comprendre la période initiale, mal documentée, de ce pan si original de la littérature yéménite. Elle révèle également une pratique musicale qui diffère sensiblement de ce que l’on croyait connaître jusqu’alors. Même si elle pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, cette partie au moins de l’anthologie mériterait d’être publiée.

30Ajoutons pour finir que ce manuscrit a visiblement intéressé particulièrement Colin, qui l’a lu de la première à la dernière page, vers par vers, en soulignant toutes les formes dialectales, et même, au folio 332v, en scandant au crayon le mètre d’un poème. Il n’est pas exclu qu’il ait laissé quelque part des notes ou le début d’une recherche sur cette safīna.

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Bibliographie

Sources primaires

Adab 57 : manuscrit Dār al‑maḫṭūṭāt, Sanaa, portant désormais la cote 2259. Il contient le dīwān ḥumaynī de Muḥammad b. Šaraf al‑Dīn suivi d’une collection de poèmes attribués à al‑Mazzāḥ.

Dīwān al‑ˁAlawī : manuscrit Or. 1248, Bibliothèque de l’université de Leyde.

Dīwān Ibn Bahrān : Dīwān Ibn Bahrān, li‑l‑qāḍī al‑ˁallāma al‑adīb Mūsā b. Yaḥyā raḥimahu Allāh, bi‑ḫaṭṭ ˁAlī b. ˁAlī Abkar, ˁināyat al‑adīb al‑mukarram Nāṣir b. ˁAlī b. Muḥammad, Sanaa, Maktabat al‑iršād, 2005.

D — : manuscrits 2218 et 2344, Dār al‑maḫṭūṭāt, Sanaa ; manuscrit de la fondation Zayd b. ˁAlī, Sanaa ; manuscrit OR3853, British Library, Londres.

Kitāb al‑futūḥ : Aḥmad b. ˁAlwān, Kitāb al‑Futūḥ, éd. ˁAbd al‑ˁAzīz Sulṭān Ṭāhir al‑Manṣūb, Sanaa, Wizārat al‑Ṯaqāfa wa‑l‑Siyāḥa, 2004 (3e éd.).

Maǧmūˁ buldān al‑Yaman : Muḥammad b. Aḥmad al‑Ḥaǧrī, Maǧmūˁ buldān al‑Yaman wa‑qabāˀilihā, éd. Ismāˁīl b. ˁAlī al‑Akwaˁ, Sanaa, Dār al‑ḥikma al‑yamaniyya, 1996.

Ms. Šaraf : Manuscrit en possession de M. Muḥammad Šaraf al‑Dīn, Sanaa. L’ouvrage contient le dīwān de son aïeul le poète Muḥammad b. Šaraf al‑Dīn, Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt, suivi d’une collection de quelque deux cents poèmes ḥumaynī d’époques diverses, qui constituent une safīna.

Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt : Muḥammad b. ˁAbd Allāh Šaraf al‑Dīn, Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt, dīwān compilé par ˁĪsā b. Luṭf Allāh Šaraf al‑Dīn, éd. par ˁAlī b. Ismāˁīl al‑Muˀayyad & Ismāˁīl b. Aḥmad al‑Ǧirāfī, Beyrouth/Sanaa, Dār al‑ˁawda/Dār al‑kalima, s. d. (vers 1978).

Nusaymāt al‑saḥar wa‑nafaḥāt al‑zahar : dīwān ḥumaynī d’al‑Sūdī, dans ˁAbd‑al‑ˁAzīz Sulṭān al‑Manṣūb (2004), Al‑ˁārif bi‑Llāh ˁAbd al‑Hādī al‑Sūdī, šiˁruhu, rasāˀiluhu, manāqibuhu, Sanaa, Wizārat al‑Ṯaqāfa wa‑l‑Siyāḥa.

Al‑Rawḍ al‑marhūm : Muḥammad b. ˁAbd Allāh Šaraf al‑Dīn, Al‑Rawḍ al‑marhūm wa‑l‑Durr al‑manẓūm, dīwān compilé par ˁĪsā b. Luṭf Allāh Šaraf al‑Dīn, éd. par Muḥammad ˁAbd al‑Munˁim Ḫafāqī, ˁAlī Muṭahhar al‑Daylamī, Ṭāyif, Maktabat ḏimār al‑waṭaniyya/Dār al‑zahrāˀ li‑l‑ṭibāˁa wa‑l‑našr, s. d. (début des années 1980 ?).

Safīnat al‑adab wa‑l‑tārīḫ, recueil poétique compilé par Muḥammad b. ˁAbd Allāh al‑ˁAmrī, éd. par Ḥusayn b. ˁAbd Allāh al‑ˁAmrī, Beyrouth/Damas, Dār al‑fikr, 2001.

Ṣanˁāˀ ḥawat kull fann : Aḥmad b. Ḥusayn al‑Muftī, Ṣanˁāˀ ḥawat kull fann, dīwān éd. par Muḥammad ˁAbduh Ġānim, 3e éd., Sanaa/Beyrouth, al‑Dār al‑Yamaniyya li‑l‑našr wa‑l‑tawzīˁ/Dār al‑manāhil, 1987.

Al‑Šihāb al‑ṯāqib : Al‑Šihāb al‑ṯāqib al‑sāmī ˁalā marātib al‑kawākib, muwaššaḥ/muṭarraḥ li‑l‑adīb Aḥmad b. Ḥusayn al‑Ruqayḥī, compilateur : Aḥmad b. Ḥusayn al‑Habal, éd. Aḥmad b. ˁAbd al‑Razzāq al‑Ruqayḥī, Sanaa, Markaz al‑dirāsāt wa‑l‑buḥūṯ, 1979.

Tarǧīˁ al‑aṭyār : ˁAbd al‑Raḥmān b. Yaḥyā al‑Ānisī, Tarǧīˁ al‑aṭyār bi‑marqaṣ al‑ašˁār, dīwān éd. par ˁAbd al‑Raḥmān b. Yaḥyā al‑Iryānī & ˁAbd Allāh ˁAbd al‑Ilāh al‑Aġbarī, 2e éd., Sanaa, Dār al‑kalima, 1985.

Wādī l‑Dūr : ˁAlī b. Muḥammad al‑ˁAnsī, Wādī al‑Dūr, dīwān éd. par Yaḥyā b. Manṣūr b. Naṣr, Beyrouth/Sanaa, Dār al‑ˁawda/Dār al‑kalima, s. d. (vers 1980).

Zahr albustān : Dīwān Zahr al‑bustān fī muḫtaraˁ al‑ġarīb min al‑alḥān, dīwān de Ǧābir Aḥmad Rizq, éd. ˁAbd Allāh Muḥammad al‑Rudaynī, 1re (?) éd. Sanaa, Maktabat al‑iršād, s. d. (années 2000 ?), 2e (?) éd. Sanaa, Wizārat al‑Ṯaqāfa wa‑l‑Siyāḥa, 2004.

Zamān al‑ṣibā : Aḥmad b. ˁAbd al‑Raḥmān al‑Ānisī, Zamān al‑ṣibā, dīwān éd. par Muḥammad ˁAbduh Ġānim, Sanaa/Beyrouth, Markaz al‑dirāsāt wa‑l‑buḥūṯ al‑yamanī/ Maktabat al‑ǧamāhīr, 1981.

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Vallet, Éric (2010), L’Arabie marchande : État et commerce sous les sultans rasūlides du Yémen, 626‑858/1229‑1454, Paris, Publications de la Sorbonne.

al‑Ẓafārī, Ǧaˁfar (1996), « Tārīḫ al‑šiˁr al‑ḥumaynī fī al‑Yaman », Al‑Yaman no 6 (publication de l’université d’Aden), p. 7‑35.

al‑Ẓafārī, Ǧaˁfar (2000), « Šiˁr al‑muwaššaḥ al‑ˁarabī fī al‑diyār al‑yamaniyya », Al‑Yaman no 11 (publication de l’université d’Aden), p. 11‑77.

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Notes

1 C’est à l’amabilité d’Anne Regourd que je dois d’avoir eu connaissance de ce manuscrit en novembre 2012. Qu’elle soit chaleureusement remerciée de m’avoir fait découvrir ce document important, dont elle m’a suggéré de donner ici un aperçu du point de vue de l’histoire littéraire. Mes remerciements vont aussi aux conservateurs de la Bibliothèque nationale de France qui m’ont autorisé à travailler sur l’original du manuscrit.

L’historique de la collection de manuscrits rassemblés par Colin et donnés à la BnF fait l’objet d’un article dans ce même numéro des Chroniques du Manuscrit au Yémen, les CMY 15, rédigé par Marie‑Geneviève Guesdon, voir Guesdon 2013. S’y trouvent par ailleurs rapportées quelques informations sur la biographie et l’œuvre de Colin. Cette collection est en cours de catalogage électronique, voir sous : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr.

2 La langue de la poésie muˁrab est pourvue des désinences flexionnelles de la grammaire normative classique ; celle de la poésie malḥūn, dont la métrique est différente, en est dépourvue.

3 Safīnat al‑adab wa‑l‑tārīḫ.

4 Les anthologies poétiques manuscrites conservées à Dār al‑Maḫṭūṭāt à Sanaa sont hélas pour l’instant inaccessibles. La plupart sont de dimensions inférieures au manuscrit de la BnF, à l’exception notable du gigantesque recueil en huit volumes d’Ibrāhīm b. Raǧab (cotes Adab 72 à 78) ; j’ignore cependant quelle place y tient le ḥumaynī.

5 Les indications de folios sont données comme suis : un chiffre seul renvoie au recto du folio, un chiffre suivi de la lettre v renvoie au verso du folio.

6 Les références données dorénavant renvoient au début des poèmes concernés, la fin de ceux‑ci pouvant se trouver une ou deux pages plus loin.

7 Le prénom Yāḥyā est cependant usuellement écrit يحـىـى, voire يحى. En outre, l’indication interstrophique بيت a souvent une forme ornementale à ponctuation défective.

8 Les indications entre parenthèses ne sont pas données par le manuscrit lui‑même mais proviennent d’autres sources : al‑Ḥibšī, Ġānim 1987, Safīnat al‑adab wa‑l‑tārīḫ. C’est de ces mêmes ouvrages qu’on été tirées — sans critique — les dates de naissance et de mort des poètes. Il faudrait bien sûr, pour chaque auteur, confronter les sources historiques pour mieux fonder ces datations. La conversion en calendrier grégorien correspond au premier de muḥarram de l’année hégirienne en question et implique donc une certaine approximation. Une date unique représente celle de la mort du personnage. Autant que possible, renvoi est fait à la Geschichte der arabischen Litteratur (GAL) de Brockelmann, laquelle donne parfois des dates différentes.

9 Ġānim 1987.

10 Maǧmūˁ buldān al‑Yaman : 321‑322.

11 La famille des Banū Sunbul de Ḫawlān al‑ˁĀliya est citée par al‑Maqḥafī : I‑817.

12 Cf. Dufour 2011 : 122.

13 Le mètre interdit de lire al‑Mufarradī ou al‑Mufarridī.

14 – – u – – – u – – u – / – – u – – – u – –. Voir Dufour 2011 : 324‑326.

15 Éric Vallet fait remarquer (Vallet 2010 : 18, 374 note 353) que le terme de Mašriq (pluriel : Mašāriq) désigne de façon récurrente dans les sources rasūlides les terres situées à l’est des Hauts Plateaux.

16 Le papier utilisé dans le ms. Ar. 7084 a été étudié dans Regourd, à paraître.

17 Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt ; Al‑Rawḍ al‑marhūm.

18 Ṣanˁāˀ ḥawat kull fann.

19 Kitāb al‑futūḥ.

20 Nusaymāt al‑saḥar wa‑nafaḥāt al‑zahar.

21 Zahr al‑bustān.

22 Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt.

23 Dīwān Ibn Bahrān.

24 Baˁkar 2006.

25 Cote : 2336.

26 Wādī al‑Dūr : 11, 78.

27 Tarǧīˁ al‑aṭyār.

28 Al‑Šihāb al‑ṯāqib.

29 Zamān al‑ṣibā.

30 Ṣanˁāˀ ḥawat kull fann.

31 Il faut noter tout de même au folio 332 une qaṣīda à trois rimes, mais d’un ton et d’une facture qui n’ont rien à voir avec les qaṣīda « tribales » étudiées plus haut.

32 Quatre de ces poèmes sont dans le dīwān d’al‑Sūdī, le cinquième (Ġuṣnu bānin qad tabaddā) n’y est pas.

33 Cf. Dufour 2011 : 352‑355.

34 Mubayyatāt wa‑muwaššaḥāt : 193.

35 Dufour 2011 : 357‑358.

36 Dufour 2011 : 352.

37 Dufour 2011 : 194 n. 23.

38 Lambert 1997 : 107.

39 Safīnat al‑adab wa‑sl‑tārīḫ.

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Table des illustrations

Titre Ms. Bibliothèque nationale de France, Arabe 7084 (feuillet 1v)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmy/docannexe/image/2007/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Julien Dufour, « La safīna de Colin : une source importante pour l’histoire de la poésie ḥumaynī »Chroniques du manuscrit au Yémen [En ligne], 15 | 2013, mis en ligne le 19 novembre 2013, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmy/2007 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cmy.2007

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