Les souffrances d’un rescapé
Sylvain Gutmacher, Témoignage, Poèmes, Contes (Achevé d’imprimer le 15 juillet 2008 sous les presses de l’imprimerie Relie-Art, Exemplaire n° 187), 142 pages.
Texte intégral
1Retrouvant la Belgique après Auschwitz en avril 1945, Sylvain Gutmacher pouvait espérer une vie meilleure, rescapé qu’il était comme le seraient ses frères Félix et Marcel, alors que leurs parents avaient été exterminés. Et en effet, dans un premier temps, il reprenait ses études de droit à l’ULB, composant parallèlement un récit autobiographique dans lequel, se mettant en scène sous les traits de Max Gorder, il manifestait son souhait d’exorciser le passé récent à travers cette formule révélatrice accompagnant le nom propre du titre : ou par-delà la haine.
2Cela ne l’empêchera pas de se suicider en mars 1948, survivre après l’épreuve lui étant sans doute devenu insupportable face à l’incompréhension et à l’indifférence de l’“autre” monde.
3Récit-témoignage donc, qui enregistre scrupuleusement les étapes des tourments endurés à Auschwitz en leurs résonances les plus intimes et cela depuis l’arrivée au camp, visions insoutenables de la déportation tissées au fil de brefs chapitres.
4Les mêmes sobriété et densité caractérisent la quarantaine de poèmes reproduits ensuite, issus de divers moments et circonstances, de 1940 à 1945 : scènes de la vie quotidienne familières ou dramatiques, rêveries musicales, évocations sentimentales, notations d’atmosphère ou frémissants in memoriam pour ses compagnons de souffrance.
5Voici, par exemple, extraits de cet ensemble, quelques vers prémonitoires de juin 1945 :
« Quand mon âme fanera comme jaunissent les feuilles
Quand mes rêves ne seront plus que flambeaux poussiéreux
Quand mon coeur battra comme le rouage d’une montre [...]
Je veux que mon corps s’efface avec ma vie
Quand mon âme pâlira comme un soleil d’automne
Quand mes rêves n’auront plus d’ailes pour voler
Quand mon coeur fatigué aura cessé d’aimer. »
6Soulignons au passage les reprises significatives qui scandent ces deux strophes ouvrant et clôturant respectivement le poème cité.
7L’obsession suicidaire se trouve comme confirmée par les Deux contes noirs sur lesquels se referme l’ouvrage, chacun de leurs protagonistes se donnant la mort par pendaison.
8On ne laisse pas d’être impressionné par cette écriture qui fait littéralement coïncider en leurs limites extrêmes l’œuvre et l’expérience vécue...
Pour citer cet article
Référence papier
Albert Mingelgrün, « Les souffrances d’un rescapé », Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine, 9 | 2010, 191-192.
Référence électronique
Albert Mingelgrün, « Les souffrances d’un rescapé », Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine [En ligne], 9 | 2010, mis en ligne le 01 février 2020, consulté le 21 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/656 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cmc.656
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