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Ernst Paul Hoffmann. Un psychanalyste juif en exil (1938-1944)

Fiorella Bassan et Thierry Rozenblum
p. 257-275

Texte intégral

  • 1 Società Psicoanalitica Italiana, Esplorazioni dell’inconscio, prospective cliniche, XV Congresso Na (...)

1C’est en 2010, en prenant connaissance des actes de la conférence du XVe congrès national de la Société italienne de Psychanalyse et plus spécifiquement de la communication du docteur Serge Frisch, alors président de la Société belge de Psychanalyse, que nous découvrons pour la première fois le nom du docteur Ernst Paul Hoffmann1.

  • 2 S. Frisch, « Mort, deuil et crises dans une société de psychanalyse », dans Esplorazioni dell’incon (...)

2Nous nous rendons compte que c’est ce Juif autrichien, élève de Freud et fuyant le nazisme, qui a marqué les débuts du mouvement psychanalytique belge en 1938. Une introduction relativement tardive probablement liée à l’hostilité d’un milieu médical belge « vigoureusement fermé et mal informé »2.

  • 3 Cf. F. Bassan, Au-delà de la psychiatrie et de l’esthétique. Étude sur Hans Prinzhorn, traduit de l (...)
  • 4 Archives générales du Royaume (AGR), Police des Étrangers, Dossier individuel Hoffmann Ernst Paul ( (...)

3Le sujet a immédiatement piqué notre curiosité, car il touchait à des centres d’intérêt communs (psychanalyse et histoire de la Shoah)3. Nous avons donc souhaité en savoir davantage. Quelque temps plus tard, nous consultions son dossier individuel produit par la Sûreté publique (Police des Étrangers) et trouvions des pistes susceptibles de pouvoir orienter nos recherches et constituer un dossier d’archives, car comme le rappelait le docteur Frisch, les archives de la Société belge de Psychanalyse font cruellement défaut4.

4Nous avons ainsi appris, entre autres informations, qu’Hoffmann avait été rapidement rejoint en Belgique par son épouse, Maria Druscovic, et son fils Friedrich, tout juste âgé de 7 mois, lesquels passeront le reste de leur existence dans le Royaume.

  • 5 AGR (Bruxelles), Service des Victimes de la Guerre (Bruxelles), Service fédéral Affaires étrangères (...)

5Pour en apprendre davantage, nous nous sommes mis à la recherche de Friedrich Hoffmann. En mai 2011, nous localisons son adresse, une maison à Saint-Gilles (Bruxelles), et apprenons qu’il est décédé peu auparavant. Par chance, sa légataire nous autorise à effectuer des recherches parmi les documents qu’il a laissés. Hélas, la maison est déjà en voie d’être vidée et une bonne partie des papiers sont entassés dans des sacs poubelles. Il nous faut donc trier pièce par pièce cette masse de documents, qui concernaient aussi bien la vie quotidienne de Friedrich et de sa mère que le parcours de son père. Parmi ces documents, nombre de souvenirs du docteur Ernst Paul Hoffmann, ses diplômes, des photographies, divers imprimés et sa correspondance de guerre échangée avec son épouse, avec des collègues ou encore avec Anna Freud. Un fonds inédit et extrêmement intéressant qui constitue la source première de notre recherche : c’est à celle-ci qu’il faut maintenant s’atteler. Nous nous sommes ensuite tournés vers des fonds d’archives existants et ce premier corpus de documents nous a permis d’écrire la synthèse que nous présentons ici5. Même si Ernst Paul Hoffmann n’est pas le plus représentatif des analystes formés dans la tradition viennoise, sa contribution à la diffusion de la psychanalyse en Belgique est déterminante, tout comme le sera son activité à la Maison de Santé de Malévoz (Suisse) qui sera saluée par un autre pionnier de la psychanalyse, Heinrich Meng.

6Son parcours de psychanalyste pendant les années de guerre nous permet non seulement d’étudier un chapitre de l’histoire de la psychanalyse, mais également la trajectoire individuelle d’un réfugié juif. En examinant de manière de plus en plus détaillée les modalités concrètes de la persécution des Juifs, ces recherches en microhistoire contribuent non seulement à affiner notre connaissance du processus global, mais mettent également au jour, à partir du cas d’Hoffmann, différents types de stratégies mises en place par les Juifs pour assurer leur survie.

Autriche (1909 - 1938) : le temps des pionniers

  • 6 A. Wassermann, « Radautz », dans H. Gold (éd.), Geschichte der Juden in der Bukowina, Tel Aviv, 196 (...)

7Ernst Paul Hoffmann est né le 23 janvier 1891 à Radautz (Radauti), située dans le nord-est de l’actuelle Roumanie. Sous la monarchie austro-hongroise, Radautz est un des onze chefs-lieux de district de Bucovine. En 1930, on y compte 5.647 Juifs, soit environ 31 % de la population. Ce sont principalement des commerçants et des industriels. Ils ont une synagogue (construite sur un terrain concédé par l’empereur) et six shuls (maisons de prière)6.

8Son père s’appelait Kalman, sa mère Fanni (née Schieber). Ils ont deux autres enfants, Gina (née en 1887) et Antonia (née en 1897). Après le décès de Fanni Schieber, un autre enfant prénommé Laura est né en 1902 de l’union de Kalman Hoffmann avec une seconde épouse dont nous ignorons l’identité.

9Ernst Paul Hoffmann effectue sa scolarité à Czernowitz et c’est en 1909, diplômé du Staats-Gymnasium, qu’il s’installe à Vienne pour entreprendre des études universitaires. Reçu docteur en médecine de l’Université de Vienne en 1914, il accomplit son service militaire au 2e régiment des tirailleurs de Czernowicz où il est affecté comme officier médical et duquel il est libéré en 1918. Il s’intéresse à la psychanalyse et prend part à la formation prescrite par la Société psychanalytique de Vienne. Il suit une analyse avec Paul Federn, futur vice-président de la Société, puis avec Eduard Hitschmann, qui avait fait une analyse directement avec Freud.

10Sur une photographie prise en 1922, il apparaît – le premier en pied à gauche – dans le groupe qui rassemble les psychanalystes qui travaillent à l’Ambulatorium de Vienne, tout juste fondé à l’initiative d’Eduard Hitschmann, d’Hélène Deutsch et de Paul Federn, sur le modèle de l’Institut polyclinique des Sciences psychanalytiques de Berlin, créé deux ans plus tôt. L’Ambulatorium prévoyait l’extension de la thérapie psychanalytique à de larges couches de la population et la possibilité de soigner gratuitement. C’est une certaine idée de justice sociale qui prévaut et qui reflète de la part des médecins une attitude engagée envers la communauté. Wilhelm Reich, premier assistant et ensuite sous-directeur de la clinique, en est un exemple notable.

L’Ambulatorium de Vienne en 1922.

L’Ambulatorium de Vienne en 1922.

Debout, de gauche à droite : Ernst Paul Hoffmann, Ludwig Eidelberg, Edward Bibring, Parker, Stjepan Betlheim, Edmund Bergler. Assis, de gauche à droite : Kronengold, Angel Eduard, Ludwig Jekels, Eduard Hitschmann, Wilhelm Reich, Grete Bibring-Lehner, Richard Sterba, Annie Reich-Pink.

© Freud Museum.

11Hoffmann partage pleinement l’enthousiasme des pionniers et la confiance dans la psychanalyse non seulement comme un outil thérapeutique, mais aussi comme un outil d’intervention sociale et pédagogique, pour un monde plus éclairé et plus libre. C’est de cet esprit-là qu’il va se nourrir tout au long de son parcours, y compris dans les périodes les plus difficiles, jusqu’à son décès en 1944.

12Membre associé en 1926, puis membre ordinaire de la Société psychanalytique de Vienne à partir de 1931, il publie quatre ans plus tard dans la revue Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse un article sous le titre « Projektion und Ich-Entwicklung » (« Projection et développement du Moi »). Il participe à des congrès internationaux de psychanalyse, notamment à Lucerne en 1934 et à Marienbad en 1936 où Jacques Lacan donne sa première communication sur « le stade du miroir ». Il a dans sa patientèle des étrangers et parmi ceux-ci le fils d’un professeur de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, René Leclercq, celui-là même qui l’invitera en 1938 à donner une série de conférences en Belgique.

Belgique (1938-1940) : le temps de l’exil

  • 7 Cf. R. Van Doorslaer, Enfants du Ghetto, Juifs révolutionnaires en Belgique (1925-1940), Bruxelles, (...)

13Début mars 1938, Ernst Paul Hoffmann arrive donc en Belgique pour y donner un cycle de conférences sur des problèmes de pédagogie psychanalytique à l’initiative de personnalités du monde scientifique intéressées par cette science qui n’est encore ni enseignée ni pratiquée dans le Royaume, sinon de manière très superficielle, et qui provoque toujours des résistances de la part du monde médical. Une semaine plus tard, l’armée allemande envahit l’Autriche. L’Anschluss est proclamé et ratifié un mois plus tard. Pour les Juifs d’Autriche, c’est un déferlement de violence sans précédent. Pour Hoffmann, c’est le début d’un cycle infernal. Témoin attentif de la politique antisémite d’Hitler depuis son arrivée au pouvoir en 1933, témoin du sort réservé par les nazis à ses collègues allemands et à la psychanalyse en Allemagne, cette « science juive », il se résout à l’exil. La Belgique vient d’accueillir sur son sol le premier réfugié de l’école viennoise. Toutefois l’“accueil” est assez mitigé, car si la Belgique des années 1920 avait été “bienveillante” envers les immigrés, elle ne l’est plus guère au cours de la décennie suivante7.

  • 8 Cf. J.-Ph. Schreiber, Les Juifs de Belgique face à la montée de l’antisémitisme nazi (1933-1939), m (...)
  • 9 R. Van Doorslaer (dir.) – E. Debruyne – Fr. Seberechts – N. Wouters, La Belgique docile. Les autori (...)

14L’agitation contre l’“invasion juive” se radicalise encore davantage avec l’arrivée de nombreux Juifs qui, fuyant l’Allemagne nazie, cherchent refuge en Belgique où ils résident bien souvent en situation irrégulière. Cette immigration culmine en 1938. Au total, plus de 25.000 Juifs du Reich trouvent un refuge passager en Belgique de 1933 à 1939, dont près de la moitié entre mars 1938 et août 19398. Sous la pression de l’extrême droite rexiste – mais peut-être aussi parce que le corps politique et social belge se montre plus perméable aux sentiments xénophobes qu’on ne l’a longtemps prétendu –, le gouvernement revoit drastiquement à la baisse sa politique d’immigration et d’asile. Le ministre de la Justice, Joseph Pholien, un catholique de droite dans un gouvernement d’union nationale dirigé par le socialiste Paul-Henri Spaak, estime que l’immigration des Juifs allemands ou autrichiens n’est pas forcée, mais volontaire9. Par conséquent, il fait renforcer les contrôles à la frontière et procéder à des refoulements et à des expulsions. Les Juifs arrêtés sont systématiquement « rapatriés » par la gendarmerie en Allemagne.

Passeport de Paul Ernst Hoffmann, 4 août 1939.

Passeport de Paul Ernst Hoffmann, 4 août 1939.

© Archives privées.

15Hoffmann est rejoint par son épouse et son fils en juillet 1938. On leur accorde un titre de séjour exceptionnel. En revanche, ils n’obtiennent pas de « visa permanent », mais bien des prorogations successives du certificat d’inscription au registre des étrangers.

16À son arrivée en Belgique, le statut de la psychanalyse dans le Royaume est encore confus. Connue et appréciée du monde artistique et littéraire – il suffit de penser à la revue moderniste Le Disque vert, qui en 1924 a consacré un numéro spécial à Freud –, la psychanalyse n’est cependant pas pratiquée dans le monde médical où elle suscite toujours suspicion voire hostilité.

17Le seul représentant est d’abord Julien Varendonck, un Gantois, docteur en pédagogie et philosophie et lettres, qui en 1921 publie le livre The Psychology of Day-Dream, apprécié par Freud et traduit en allemand par sa fille Anna. Julien Varendonck suit une analyse à Vienne avec Théodor Reik, mais sa démarche reste un cas isolé. Inscrit, bien que non-médecin, comme membre de la Société néerlandaise de Psychanalyse fondée en 1917, il ouvre un cabinet de consultation à Gand, mais décède prématurément en 1924.

  • 10 Cf. Le Psychagogue, 2, 1933, p. 4. Cf. « À propos de la “Société belge de psychanalyse” », dans Jou (...)

18Au cours des années 1920 est créé à Bruxelles un Cercle d’Études psychiques (animé par Maurice Dugautiez, ancien rédacteur du ministère de la Guerre, et Fernand Lechat, photographe et courtier en assurances), qui se passionne pour l’oniromancie, le spiritisme, l’astronomancie, l’hypnose, mais aussi la psychanalyse. Ce groupe, doté de ses propres revues et en contact avec le Cercle d’Études psychanalytiques de Liège, après de multiples transformations, s’est autoproclamé Société belge de Psychanalyse en 1934, suscitant les soupçons et entraînant une enquête du monde médical10. En particulier le psychiatre Jacques De Busscher, originaire de Gand, qui deux ans plus tard s’inscrira à la Société néerlandaise de Psychanalyse, est favorable à une psychanalyse conduite par des médecins et ne désire ni équivoque ni confusion.

Cabinet du docteur Hoffmann, rue du Châtelain à Bruxelles.

Cabinet du docteur Hoffmann, rue du Châtelain à Bruxelles.

© Archives privées Bassan-Rozenblum.

  • 11 Comme l’écrit E. P. Hoffmann en 1939 lors de son arrivée en Belgique, les conditions de la psychana (...)

19En 1938, il n’existe pas encore en Belgique d’analystes accrédités ni d’Association belge de Psychanalyse11. L’arrivée d’Hoffmann est donc une opportunité : médecin, membre de la Société psychanalytique de Vienne, il peut ainsi donner le coup d’envoi officiel de la psychanalyse en Belgique. Dans son cabinet de la rue du Châtelain à Ixelles, Hoffmann devient l’analyste de Maurice Dugautiez, Fernand Lechat et Camille Lechat-Ledoux, c’est-à-dire les personnes qui après la guerre figureront parmi les créateurs de l’Association des

Carte visite E.P. Hoffmann.

Carte visite E.P. Hoffmann.
  • 12 L’APB est constituée le 24 décembre 1946. Ses statuts paraissent dans le Moniteur Belge du 1er mars (...)
  • 13 Cf. Serge Frisch, « Mort, deuil et crises dans une société de psychanalyse », op. cit. Sur l’histoi (...)

20Psychanalystes de Belgique12. Hoffmann ne reste en Belgique que deux ans, mais son rôle y est fondamental : il doit être considéré comme le père fondateur de la psychanalyse en Belgique, bien que « refoulé », comme l’a écrit Serge Frisch, pour une série de motivations complexes13.

21À l’automne 1938, la Société psychanalytique de Vienne est dissoute par les nazis. Freud et sa famille quittent l’Autriche en juillet pour s’établir à Londres où Anna Freud va continuer à mener, en collaboration avec des personnalités du mouvement psychanalytique international, une intense activité pour venir en aide aux psychanalystes juifs persécutés.

  • 14 M. Perrenoud, « La Suisse, les Suisses, la Neutralité et le IIIe Reich (1941-1945) », dans Revue d’ (...)

22L’embrasement général de l’Europe en 1939 met prématurément fin aux possibilités d’Hoffmann de s’établir en Belgique. L’objectif est dorénavant les États-Unis, mais le quota pour les réfugiés allemands inclut désormais les réfugiés autrichiens victimes de l’Anschluss. Le temps presse. Début août 1939, l’ambassade d’Allemagne à Bruxelles appose le signe distinctif « J » sur le passeport d’Hoffmann, une disposition qui est le fruit du protocole germano-suisse du 29 septembre 1938. En outre, les nouvelles mesures prises envers les Juifs dans l’ensemble du Reich prévoient que soit ajouté « Israël » ou « Sarah » au prénom “non juif”14. Cruelle ironie, car onze ans plus tôt, comme beaucoup d’autres Juifs souhaitant se fondre dans la culture de leur pays d’accueil, Hoffmann avait changé officiellement son prénom Isak pour celui d’Ernst Paul. Bien que détaché de la tradition juive, il n’a jamais renié sa judéité : en ordre de cotisation pour l’année 1937 avec la Israelitische Kultusgemeinde Wien, il a encore pris soin en 1938, depuis la Belgique, de réserver deux concessions au cimetière israélite de Vienne.

  • 15 Lettre d’E. P. Hoffmann à Anna Freud, 14.1.1940 (Archives privées Bassan-Rozenblum).
  • 16 Lettre d’Anna Freud à E. P. Hoffmann, 24.4.1940 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

23Dans un courrier daté du début janvier 1940 adressé à Anna Freud, Hoffmann, de plus en plus préoccupé par la tournure des événements, lui confie ses inquiétudes : « Une invasion des Allemands représente pour moi le pire des dangers, il ne faut en aucun cas que je sois présent si cela arrive. »15 Il se tourne à nouveau en avril 1940 vers Anna Freud pour solliciter son aide. Elle lui rappelle que l’attestation établie par son père en 1937 pour l’aider à quitter l’Autriche est toujours valable : « Vous pouvez donc tranquillement vous servir de ce certificat auprès des autorités américaines. Ne fondez cependant pas de trop grands espoirs là-dessus. Nous n’avons encore pas réussi une seule fois à obtenir un visa non-quota pour un analyste. »16

24Le 10 mai 1940, l’armée allemande lance une offensive générale sur les Pays-Bas, la France et la Belgique. L’état de siège est proclamé sur l’ensemble du Royaume et en ces premières heures de la guerre, les craintes de l’opinion publique comme celles des dirigeants se portent surtout sur les agissements d’une hypothétique “cinquième colonne”. Les autorités belges procèdent donc à l’arrestation administrative d’une dizaine de milliers de personnes : étrangers suspects, ressortissants d’États ennemis, indésirables, sujets considérés comme dangereux pour la sécurité nationale, etc.

  • 17 Voir à ce sujet : Chr. Eggers, « Les émigrés des années trente, leur situation en 1940-1941 et la d (...)

25À partir du 12 mai, les convois quittent la Belgique en direction de la France, où les internés sont remis aux autorités françaises17.

France (1940-1942) : le temps des camps

  • 18 Voir à ce sujet : Th. Fontaine et D. Peschanski, La collaboration, Vichy Paris Berlin, 1940-1945, P (...)

26La France est vaincue en moins de 45 jours et le maréchal Pétain, devenu le chef du gouvernement, signe le 22 juin 1940 une convention d’armistice avec le régime nazi. Une ligne de démarcation établit une séparation entre une partie occupée (le Nord et la façade atlantique) et la zone dite “libre” du Sud. Dès le 3 octobre, de sa propre initiative, l’État français promulgue une loi portant sur le « statut des Juifs ». Le 4 octobre une autre loi permet l’internement des Juifs étrangers au seul motif qu’ils sont juifs et étrangers18.

27Pour Hoffmann, c’est à présent l’épreuve des camps. Quatre en deux ans : le Vigeant (14.5.40-29.5.40), Saint-Cyprien (30.5.40-30.10.40), Gurs (31.10.40-9.3.41) et Les Milles (10.3.41-19.5.42).

28Dans le chaos des premiers mois d’Occupation, toutes les communications entre Hoffmann et son épouse sont rompues. Elles reprennent dans le courant du mois d’août 1940 et se prolongent au cours des deux années suivantes au moyen de lettres manuscrites, principalement envoyées depuis les camps de Gurs et des Milles. Ces lettres donnent un aperçu de ses conditions d’internement et de sa grande détresse morale et physique, mais aussi d’une détermination intacte quant à ses projets : rejoindre avec sa famille un pays où il pourra exercer son activité et diffuser la pensée freudienne.

29Les communications avec son épouse ne sont pas les seules qu’il entretient : il engage concomitamment un important échange épistolaire avec ses collègues de la communauté psychanalytique qui se mobilisent pour venir en aide aux psychanalystes juifs. Il s’agit d’une dizaine de personnes dont Otto E. Sperling (New York), Lawrence S. Kubie (New York), Jean Dalsace (Marseille), Paul Federn (New York), Heinrich Meng (Bâle) et Marie Bonaparte (France), qui s’activent pour apporter un soutien financier ou trouver des solutions pour obtenir un visa américain à Hoffmann et son épouse. Au cours de la décennie précédente, Hoffmann s’était vu refuser par deux fois ce visa en raison des lois américaines de 1924 (Immigration Act of 1924), votées dans un climat de xénophobie, qui avaient déjà eu pour conséquence de restreindre la solution migratoire américaine pour les Juifs.

  • 19 Voir sur le sujet : C. Nicault, « L’abandon des Juifs avant la Shoah : la France et la conférence d (...)

30Ces courriers révèlent aussi un autre aspect de la situation des réfugiés juifs : leur abandon quasi général par les démocraties encore existantes. Si des tentatives ont bien été lancées dans le cadre d’une diplomatie humanitaire, le résultat s’avère finalement tragique19.

  • 20 Depuis la loi de 1924, les États-Unis pratiquent le système de quotas par pays d’origine. À la suit (...)

31La vie d’Hoffmann s’est résumée pendant deux ans à une course éperdue pour recevoir les autorisations nécessaires à son départ. Il n’obtiendra jamais son visa pour les États-Unis, chaque demande étant subordonnée à une autre obligation. Mais surtout, sa situation s’inscrit dans le contexte d’une politique américaine d’immigration de plus en plus restrictive ou livrée au hasard20. Au début de l’année 1941, lorsqu’un visa d’urgence spécial et hors quota (emergency visa) lui est finalement délivré, il ne pourra l’utiliser faute d’avoir été informé dans les délais. Au printemps 1942, des tentatives sont faites pour obtenir un visa mexicain, mais là aussi sans résultat.

  • 21 A. Grynberg, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français (1939-1944), Paris, 1991, (...)
  • 22 L’Organisation internationale juive d’aide aux réfugiés HICEM est fondée en 1927 et est composée de (...)

32Les Milles, où Hoffmann est interné depuis début avril 1941, est un camp d’internement pour les « étrangers en instance d’émigration », et à ce titre il bénéficie d’autorisations exceptionnelles pour des sorties à Marseille21. Il s’y rend principalement pour effectuer les démarches nécessaires auprès des consulats, des ministères, de l’organisation internationale juive d’aide aux réfugiés (HICEM), etc., afin de rassembler les documents nécessaires à un départ qui devient de plus en plus hypothétique : visa d’accueil, visa de transit pour les pays traversés, sauf-conduit, attestation de ressources, place sur un bateau, etc.22

Sauf-conduit.

Sauf-conduit.

Dans l’espoir d’un départ...

© AF.

  • 23 On peut citer parmi ces intellectuels et artistes : Lion Feuchtwanger, Max Ernst, Marc Chagall, Art (...)
  • 24 Lettre d’E. P. Hoffmann à Maria Druskovic-Hoffmann, 5.3.1942 (Archives privées Bassan-Rozenblum).
  • 25 Lettre d’E. P. Hoffmann à Maria Druskovic-Hoffmann, 16. 3.1942 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

33Marseille, seul grand port français encore en activité de la zone libre, attire un nombre extraordinairement important de réfugiés fuyant le nazisme – des femmes, des hommes et des enfants de toutes conditions des différents pays occupés, des Juifs, des militants politiques antinazis, des intellectuels, des écrivains, des artistes – faisant de la cité phocéenne une capitale du refuge et de l’exil, mais aussi une capitale culturelle23. Beaucoup de ces artistes et intellectuels sont également internés au Camp des Milles, qui conserve encore aujourd’hui les traces d’une vie culturelle alors active. Indépendam­ment des circonstances qui obligent Hoffmann à mobiliser toute son énergie pour trouver les solutions à son départ et des conditions très éprouvantes de son internement, il essaye lui aussi de poursuivre une activité intellectuelle. Il obtiendra des autorités du camp de pouvoir préparer et donner des conférences à l’extérieur de celui-ci24. À propos de sa conférence du 14 mars 1942 qui se tient à Marseille devant un auditoire composé d’au moins « trois douzaines de médecins », il écrit à son épouse : « Avant-hier à Marseille, beaucoup de gens sont venus écouter ma conférence, j’ai eu beaucoup d’applaudissements. »25 Il évoque également un autre exposé, prévu deux semaines plus tard à Lyon, mais les archives sont muettes sur ce point. Quoi qu’il en soit, à l’occasion de ces sorties, des contacts sont pris, certaines personnes lui font parvenir de l’argent, d’autres l’aideront à organiser son passage en Suisse ou serviront d’intermédiaire auprès de structures d’accueil pour qu’il soit pris en charge.

  • 26 A. Grynberg, op. cit., p. 290.

34Hospitalisé fin juin 1942 à la clinique Saint-Dominique à Marseille, il y est opéré d’une hernie inguinale. Quelques jours plus tard, la situation des Juifs est totalement bouleversée. Le 4 juillet, le gouvernement de Vichy donne son accord définitif à la déportation des Juifs étrangers des deux zones. À partir du 3 août, les camps sont bouclés et on y rassemble les Juifs éparpillés dans la région. Entre le 6 et le 13 août, 3.472 internés des camps de la zone non occupée prennent le chemin de Drancy26. Le début de la déportation des Juifs étrangers inaugure la dernière phase de la « solution finale » en France, celle de l’anéantissement.

  • 27 Lettre de Max Grünbaum à Maria Druskovic-Hoffmann, 20.9.1944 ; attestation d’Anna Barbara Mendling, (...)

35C’est au même moment que débute la déportation des Juifs de Belgique. Celle de Vienne, entamée à l’automne 1939 est pratiquement achevée au printemps 1942, tandis qu’à Radautz, la ville natale d’Hoffmann, la population juive est dans sa grande majorité déportée depuis début octobre 1941. Si l’épouse d’Hoffmann, non juive, et leur fils Friedrich ne seront jamais inquiétés par la législation antisémite ou même menacés de déportation, il faudra néanmoins que Maria Druskovic mobilise toute son énergie pour garder le contact avec son époux en captivité et pour trouver les ressources nécessaires à leur survie dans un environnement qui leur est totalement étranger voire hostile. Cela ne l’empêche pas d’avoir une activité résistante en cachant par exemple deux années durant Max Grünbaum et son épouse Lina Lahnstein, Juifs d’origine allemande, ou encore Anna Mendling27.

  • 28 Lettre d’E. P. Hoffmann à Paul Federn, 16. 8.1942 (Sigmund Freud Museum).

36Dans un courrier daté du 16 août, Hoffmann exhorte une dernière fois Paul Federn de tenter le tout pour le tout et l’informe qu’il peut être ramené au Camp des Milles pour être déporté en Allemagne : « le médecin de l’administration l’a déclaré transportable »28. Rien n’y fait. Il est trop tard.

  • 29 Jean Dalsace (23.12.1893-23.10.1970), militant pacifiste, membre du Parti communiste depuis 1920. À (...)

37À présent, le seul parti possible est l’émigration clandestine et c’est probablement avec le concours du docteur Jean Dalsace que s’organise sa fuite vers la Suisse29.

Suisse (1942-1944) : le dernier Ambulatorium

38Au cours du mois de juillet 1942, les autorités helvétiques s’alarment de l’augmentation du nombre de réfugiés qui parviennent en Suisse et, début août, la décision est prise de fermer hermétique­ment les frontières aux personnes dépourvues de visa. Cette nouvelle directive ordonne l’expulsion séance tenante de tout réfugié entré illégalement. Toutefois ce tournant radical entraîne des remous dans l’opinion publique, ce qui a pour conséquence de donner un court répit (quelques semaines tout au plus) aux candidats réfugiés.

  • 30 AGR, Police des Étrangers (PE), Dossiers individuels de Piltz Mozes (n° 1475381) et de Piltz Roman (...)
  • 31 AF, E 4264 (-) 1985/196, Dossiers n° 4850 ; 4977 ; 4993 ; AF, E 6358 (-) 1995/394, Zollkreisdirekti (...)

39Hoffmann est accompagné de deux familles juives quand il rejoint Lyon fin septembre 1942 : Bronia Piltz-Luff et ses deux enfants, Stella (18 ans) et Romain (16 ans), qui ont quitté la Belgique fin août 1942, ainsi que Gustav Dreyfus, son épouse Erna et leur fille Inge (10 ans) qui résident en France. Le passage est organisé par un « homme de Chamonix qu’on appelait Paul »30. Le 27 septembre, le groupe complètement épuisé après la traversée des cols du Passet (Haute-Savoie) et de la Gueulaz (Valais) est intercepté par un garde-frontière suisse qui les remet à la disposition de la gendarmerie cantonale valaisanne31.

  • 32 Voir à ce sujet R. Fivaz-Silbermann, « Filières de passage de la France vers la Suisse », dans Revu (...)
  • 33 À partir du 10.10.1944, sous contrôle civil (livret pour réfugiés), AF.
  • 34 Lettre d’A. Pericaud à Maria Druskovic-Hoffmann, 1.3.1945 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

40Hoffmann ne doit son salut qu’à des fonctionnaires peu disposés à suivre scrupuleusement les instructions fédérales32. Interné brièvement au camp de réfugiés d’Aigle dans le canton de Vaud, il est placé sous contrôle militaire33. Le réseau de solidarité qui s’est mis en place pour aider Hoffmann et qui, in fine, a permis d’organiser sa fuite vers la Suisse, est toujours actif. C’est probablement le psychanalyste A. Pericaud, avec qui Hoffmann avait eu des contacts pendant son exil français, qui servira de relais auprès du docteur André Repond, le directeur de la Maison de Santé de Malévoz (Monthey) dans le Valais, une clinique spécialisée dans le traitement des affections nerveuses et mentales, dont la renommée s’étend bien au-delà des frontières de la Confédération34.

  • 35 Dossier médical E. P. Hoffmann n° 5610 (Archives Malévoz).
  • 36 A. Lasserre, Frontières et camps. Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne, 1999.

41Informé de l’arrivée d’Hoffmann, le docteur Repond intervient début octobre 1942 auprès des autorités militaires pour demander le placement d’Hoffmann dans son institution afin d’y être, explique-t-il, soigné pour une « dépression psychogène grave ». Pendant deux ans, les responsables de la Maison de Santé informeront les mêmes autorités de la nécessité de garder le docteur Hoffmann sous leur contrôle, « son retour dans un camp de réfugiés étant contre-indiqué actuellement au point de vue médical », écrivent-ils inlassablement35. Mais il va en réalité y occuper une activité professionnelle, principalement comme enseignant et superviseur auprès du Service médico-pédagogique valaisan, bien que les réfugiés soient interdits d’activité publique, professionnelle ou politique. Les administrations cantonales et fédérales n’accordent qu’au compte-gouttes les permis de travail et en limitent la durée. Fidèles à leurs principes, elles évitent soigneusement toute concurrence avec des Suisses sur le marché de l’emploi36.

  • 37 « Conférence du Docteur A. Repond », Hygiène mentale, 1, 1956, p. 11 (Archives Malévoz).

42Fondé en 1930 comme prolongement de l’activité psychiatrique de la Maison de Santé, le Service médico-pédagogique a pour mission de dépister et de soigner chez les enfants d’âge scolaire les troubles mentaux, nerveux ou caractérologiques qui compromettent leur développement. Se basant sur l’exemple des Child Guidance Clinics américaines, le Service prévoit un travail d’équipe avec les parents et les enseignants, des séminaires, des conférences, selon les méthodes les plus modernes de l’hygiène et de la prophylaxie mentales. Mais cela n’a pas été sans difficulté, comme le rappellera dans les années 1950 le docteur Repond : dans ce Valais traditionaliste, essentiellement agricole, le Service a surtout rencontré à ses débuts l’incompréhension et l’hostilité37.

  • 38 Cf. Maison de Santé de Malévoz, Rapport sur la marche de l’établissement en 1944, 1945, pp. 2-3 (Ar (...)
  • 39 Lettre d’Antoinette Odier à Maria Druskovic-Hoffmann, 23.9.1945 (Archives privées Bassan-Rozenblum)

43Dans ce contexte, la présence à Malévoz d’un psychanalyste comme Hoffmann est précieuse et constitue à nouveau une opportunité : son expérience clinique, son travail à l’Ambulatorium de Vienne, ses compétences en matière de pédagogie psychoanalytique sont un enrichissement pour la psychologie enfantine telle qu’elle est pratiquée en Suisse. Dans un rapport de la Maison en 1944, on rappellera en termes particulièrement élogieux l’action du docteur Hoffmann en faveur du développement de l’institution où il aura enseigné, mais aussi soigné38. Comme l’écrit Antoinette Odier, entrée comme stagiaire au Service médico-pédagogique de Malévoz en 1939 et qui fut aussi la secrétaire d’Hoffmann, à Maria Hoffmann en septembre 1945 : « Nous avions formé un séminaire analytique avec lui pour nos cas d’enfants. En outre, il avait deux ou trois analyses privées à Malévoz, et le pavillon des femmes (malades mentales) à sa charge. »39

Paul Ernest Hoffmann et Antoinette Odier.

Paul Ernest Hoffmann et Antoinette Odier.

© Archives privées Bassan-Rozenblum.

44Fin décembre 1944, Hoffmann est hospitalisé d’urgence pour une affection intestinale dans un hôpital à Bâle, où on procède à une intervention chirurgicale. Hoffmann décède le 23 décembre 1944 sans avoir revu son épouse et son fils. Une situation encore confuse sur le plan militaire n’a pas permis à Maria et Friedrich de le rejoindre en Suisse, alors que la Belgique est libérée depuis septembre.

  • 40 Oraison funèbre prononcée par le professeur Heinrich Meng à Bâle, 26.12.1944 (Archives Malévoz).

45L’oraison funèbre prononcée par le professeur Heinrich Meng mettra l’accent sur son caractère, ses compétences et le succès qu’il avait eu à Vienne dans le traitement de la schizophrénie, mais aussi sur ses futurs projets de travail et la monographie qu’il comptait déposer, suivant la conception du Moi de Federn40.

  • 41 Cf. lettre d’Antoinette Odier à Maria Druskovic-Hoffmann (Archives privées Bassan-Rozenblum). Souli (...)

46Antoinette Odier, secrétaire de Hoffmann au Service médico-pédagogique de Malévoz, communique dans une longue lettre à sa veuve les ultimes volontés de feu son mari, qu’elle a assisté jusqu’à ses derniers instants : « Son premier vœu est que Freddy reste juif [souligné dans le texte, ndla]. Prévoyant aussi que Freddy aurait toutes sortes de difficultés d’ordre psychique, il avait l’intention de le faire analyser dès que cela serait possible. »41 Ce fut, en quelque sorte, son testament moral : sa confiance dans la psychanalyse et son identité juive restent essentielles pour lui jusqu’au bout.

  • 42 Pour la traduction des courriers en français, les auteurs remercient Francine Coen (France), Jacque (...)

47Friedrich (Freddy) Hoffmann n’aura pas une vie facile : il mourra seul dans une situation de désespoir et d’abandon dans sa maison de Saint-Gilles où il a vécu avec sa mère. Réticent à parler de son père, il a malgré tout conservé ses archives, que nous avons mises au jour à l’été 201142.

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Notes

1 Società Psicoanalitica Italiana, Esplorazioni dell’inconscio, prospective cliniche, XV Congresso Nazionale, Taormine 27-30 mai 2010.

2 S. Frisch, « Mort, deuil et crises dans une société de psychanalyse », dans Esplorazioni dell’inconscio, op. cit., 2010, pp. 132-136.

3 Cf. F. Bassan, Au-delà de la psychiatrie et de l’esthétique. Étude sur Hans Prinzhorn, traduit de l’italien par Jérôme Nicolas, Lormont-Bruxelles, 2012 ; Th. Rozenblum, Une cité si ardente… Les Juifs de Liège sous l’Occupation (1940-1944), Bruxelles, 2010.

4 Archives générales du Royaume (AGR), Police des Étrangers, Dossier individuel Hoffmann Ernst Paul (n° A294313).

5 AGR (Bruxelles), Service des Victimes de la Guerre (Bruxelles), Service fédéral Affaires étrangères (Bruxelles), Musée juif de la Déportation et de la Résistance (MJDR - Malines), Société suisse de Psychanalyse (Berne), Hôpital psychiatrique de Malévoz (Monthey), Archives fédérales suisses (AF - Berne), Sigmund Freud Museum (Vienne), Israelitische Kultusgemeinde Wien (Vienne), Freud Museum (Londres), Site-Mémorial du Camp des Milles (Aix-en-Provence).

6 A. Wassermann, « Radautz », dans H. Gold (éd.), Geschichte der Juden in der Bukowina, Tel Aviv, 1962, vol. 2, pp. 98-105 . Voir aussi Y. Marton, « Radauti », dans Encyclopaedia Judaica, New York, 1973, vol. 13, pp. 1495-1496.

7 Cf. R. Van Doorslaer, Enfants du Ghetto, Juifs révolutionnaires en Belgique (1925-1940), Bruxelles, 1997, p. 27.

8 Cf. J.-Ph. Schreiber, Les Juifs de Belgique face à la montée de l’antisémitisme nazi (1933-1939), mémoire de licence en histoire, Université libre de Bruxelles, 1984, p. 27 ; Id., « L’accueil des réfugiés du Reich en Belgique (mars 1933-septembre 1939) : le Comité d’Aide et d’Assistance aux Victimes de l’Antisémitisme en Allemagne », dans Les Cahiers de la Mémoire contemporaine, 3, 2001, pp. 23-71 ; Fr. Caestecker, Alien Policy in Belgium, 1840-1940. The Creation of Guest Workers, Refugees and Illegal Aliens, Oxford-New York, 2000, pp. 156-162 ; 231-239. Selon Aviva Halamish, de 1933 à 1939 près de 360.000 Juifs ont quitté le Reich (A. Halamish, « Refugees », dans W. Laqueur (éd.), The Holocaust Encyclopedia, New Haven – Londres, 2000, p. 519 sq.).

9 R. Van Doorslaer (dir.) – E. Debruyne – Fr. Seberechts – N. Wouters, La Belgique docile. Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, Ceges, 2007, t. I, p. 78.

10 Cf. Le Psychagogue, 2, 1933, p. 4. Cf. « À propos de la “Société belge de psychanalyse” », dans Journal Belge de Neurologie et de Psychiatrie, XXXV, 2, 1935, pp. 107-109 : « En octobre 1934, M.J. De Busscher avait adressé aux présidents des sociétés belges de médecine mentale d’une part, de neurologie et de psychologie d’autre part, une lettre détaillée leur signalant le groupement de quelques profanes sous le nom de “Société belge de Psychanalyse”, appellation à son sens regrettable par suite de la confusion inévitable : d’un côté avec les sociétés savantes du Pays, de l’autre avec les sociétés nationales de psychanalyse […]. M. De Busscher craignait l’effet pour le moins déplacé que produiraient à l’étranger des publications fantaisistes émanant d’un pays réfractaire jusqu’à présent au mouvement psychanalytique. » Une commission placée sous la présidence du professeur Auguste Ley fut chargée d’examiner la suite à donner à cette motion. « À la séance du 23 février 1935, M. le Prof. Ley rapporta que la “Société belge de Psychanalyse” était présidée par un M. Dugautiez, ayant pris le titre de “psychanalyste”, lequel a d’ailleurs fort obligeamment consenti, par avance, à modifier le titre de son groupement dès que serait créée, en Belgique, une association médicale en revendiquant le monopole. »

11 Comme l’écrit E. P. Hoffmann en 1939 lors de son arrivée en Belgique, les conditions de la psychanalyse étaient « simplement misérables ». En comparaison, les Pays-Bas comptaient pour un même nombre d’habitants 32 psychanalystes, la Belgique aucun, sauf quelques analystes “sauvages”. Hoffmann fait allusion également à la résistance médicale contre la psychanalyse, considérée comme « charlatanisme » (Cf. Lettre de E. P. Hoffmann à Otto Sperling, 3.11.1939, Sigmund Freud Museum).

12 L’APB est constituée le 24 décembre 1946. Ses statuts paraissent dans le Moniteur Belge du 1er mars 1947.

13 Cf. Serge Frisch, « Mort, deuil et crises dans une société de psychanalyse », op. cit. Sur l’histoire de la psychanalyse en Belgique, cf. D. Cromphout, « Les sentiers de la psychanalyse en Belgique », dans Psychoanalytische perspektieven, 36, 1999, pp. 9-24 et M. Coddens, « La Belgique et la psychanalyse. Un rendez-vous manqué ? », dans Le Bulletin Freudien, 51-52, 2008, pp. 17-51.

14 M. Perrenoud, « La Suisse, les Suisses, la Neutralité et le IIIe Reich (1941-1945) », dans Revue d’Histoire de la Shoah, 203, octobre 2015, pp. 61-64.

15 Lettre d’E. P. Hoffmann à Anna Freud, 14.1.1940 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

16 Lettre d’Anna Freud à E. P. Hoffmann, 24.4.1940 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

17 Voir à ce sujet : Chr. Eggers, « Les émigrés des années trente, leur situation en 1940-1941 et la démarche de Varian Fry », dans Varian Fry : du refuge à l’exil, Actes du colloque du 19 et 20 mars 1999 à Marseille, t. I, Arles, 2000, p. 49. R. Van Doorslaer (dir.) – E. Debruyne – F. Seberechts – N. Wouters, op. cit., t. I, p. 147 ; S. Meunier, Les Juifs de Belgique dans les camps du sud-ouest de la France (1940-1944), mémoire de licence inédit, Bruxelles,ULB, 1999.

18 Voir à ce sujet : Th. Fontaine et D. Peschanski, La collaboration, Vichy Paris Berlin, 1940-1945, Paris, 2014.

19 Voir sur le sujet : C. Nicault, « L’abandon des Juifs avant la Shoah : la France et la conférence d’Evian », dans Les Cahiers de la Shoah, 1, 1994, pp. 101-130.

20 Depuis la loi de 1924, les États-Unis pratiquent le système de quotas par pays d’origine. À la suite de l’Alien Registration Law du 1er juillet 1940, le Département d’État suspend pendant plusieurs mois l’octroi de tout visa. Le 1er juillet 1941 avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi d’immigration, le Russel Act, les demandes de visas émanant des personnes originaires des pays et régions occupés par l’Allemagne et ses alliés sont systématiquement refusées sauf cas exceptionnel. Voir à ce sujet : Chr. Eggers, op. cit., pp. 54-56.

21 A. Grynberg, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français (1939-1944), Paris, 1991, p. 94.

22 L’Organisation internationale juive d’aide aux réfugiés HICEM est fondée en 1927 et est composée de l’HIAS (Hebrew Immigrant Aid Society), de l’ICA (parfois écrit JCA – Jewish Colonization Association) et Emigdirect. En février 1941, la HICEM est habilitée à ouvrir un bureau d’émigration dans chaque camp, les Milles notamment. Voir à ce sujet : R. Dray-Bensoussan, Les Juifs à Marseille (1940-1944), Paris, 2004, pp. 65-78.

23 On peut citer parmi ces intellectuels et artistes : Lion Feuchtwanger, Max Ernst, Marc Chagall, Arthur Koestler, Hannah Arendt, Walter Benjamin, etc. Voir à ce sujet : J.-M. Guiraud, La vie intellectuelle et artistique à Marseille à l’époque de Vichy et sous l’occupation 1940-1944, Marseille, 1998.

24 Lettre d’E. P. Hoffmann à Maria Druskovic-Hoffmann, 5.3.1942 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

25 Lettre d’E. P. Hoffmann à Maria Druskovic-Hoffmann, 16. 3.1942 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

26 A. Grynberg, op. cit., p. 290.

27 Lettre de Max Grünbaum à Maria Druskovic-Hoffmann, 20.9.1944 ; attestation d’Anna Barbara Mendling, 25.9.1944 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

28 Lettre d’E. P. Hoffmann à Paul Federn, 16. 8.1942 (Sigmund Freud Museum).

29 Jean Dalsace (23.12.1893-23.10.1970), militant pacifiste, membre du Parti communiste depuis 1920. À consulter sur le net : Fonds Dalsace-Vellay.

30 AGR, Police des Étrangers (PE), Dossiers individuels de Piltz Mozes (n° 1475381) et de Piltz Roman (n° A 397067).

31 AF, E 4264 (-) 1985/196, Dossiers n° 4850 ; 4977 ; 4993 ; AF, E 6358 (-) 1995/394, Zollkreisdirektion V, vol. 31, f° 3070.

32 Voir à ce sujet R. Fivaz-Silbermann, « Filières de passage de la France vers la Suisse », dans Revue d’Histoire de la Shoah, 203, octobre 2015, pp. 23-86 ; P. Boschetti, Les Suisses et les nazis, le rapport Bergier pour tous, Genève, 2004 ; M. Perrenoud, op. cit., pp. 51-86.

33 À partir du 10.10.1944, sous contrôle civil (livret pour réfugiés), AF.

34 Lettre d’A. Pericaud à Maria Druskovic-Hoffmann, 1.3.1945 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

35 Dossier médical E. P. Hoffmann n° 5610 (Archives Malévoz).

36 A. Lasserre, Frontières et camps. Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne, 1999.

37 « Conférence du Docteur A. Repond », Hygiène mentale, 1, 1956, p. 11 (Archives Malévoz).

38 Cf. Maison de Santé de Malévoz, Rapport sur la marche de l’établissement en 1944, 1945, pp. 2-3 (Archives Malévoz).

39 Lettre d’Antoinette Odier à Maria Druskovic-Hoffmann, 23.9.1945 (Archives privées Bassan-Rozenblum).

40 Oraison funèbre prononcée par le professeur Heinrich Meng à Bâle, 26.12.1944 (Archives Malévoz).

41 Cf. lettre d’Antoinette Odier à Maria Druskovic-Hoffmann (Archives privées Bassan-Rozenblum). Souligné dans le texte original.

42 Pour la traduction des courriers en français, les auteurs remercient Francine Coen (France), Jacques Déom (Belgique), Jacques Frioux (France), Jean Joseph (Belgique), Kaja Kengen (Belgique), Françoise Nioré (France), Jerôme Segal (Autriche), Ruth Fivaz-Silberstein (Suisse), Béatrice Gonzalés-Vangell (Grande-Bretagne), Dorien Styven (Belgique). Pour la révision du texte, Philippe Pierret. Pour son aide précieuse, Ruth Fivaz-Silberstein.

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Table des illustrations

Titre L’Ambulatorium de Vienne en 1922.
Légende Debout, de gauche à droite : Ernst Paul Hoffmann, Ludwig Eidelberg, Edward Bibring, Parker, Stjepan Betlheim, Edmund Bergler. Assis, de gauche à droite : Kronengold, Angel Eduard, Ludwig Jekels, Eduard Hitschmann, Wilhelm Reich, Grete Bibring-Lehner, Richard Sterba, Annie Reich-Pink.
Crédits © Freud Museum.
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Titre Passeport de Paul Ernst Hoffmann, 4 août 1939.
Crédits © Archives privées.
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Titre Cabinet du docteur Hoffmann, rue du Châtelain à Bruxelles.
Crédits © Archives privées Bassan-Rozenblum.
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Titre Carte visite E.P. Hoffmann.
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Fichier image/png, 74k
Titre Sauf-conduit.
Légende Dans l’espoir d’un départ...
Crédits © AF.
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Titre Paul Ernest Hoffmann et Antoinette Odier.
Crédits © Archives privées Bassan-Rozenblum.
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Pour citer cet article

Référence papier

Fiorella Bassan et Thierry Rozenblum, « Ernst Paul Hoffmann. Un psychanalyste juif en exil (1938-1944) »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine, 12 | 2016, 257-275.

Référence électronique

Fiorella Bassan et Thierry Rozenblum, « Ernst Paul Hoffmann. Un psychanalyste juif en exil (1938-1944) »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine [En ligne], 12 | 2016, mis en ligne le 05 novembre 2019, consulté le 21 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/337 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cmc.337

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Auteurs

Fiorella Bassan

Fiorella Bassan a enseigné au Département de philosophie de l’Université La Sapienza à Rome. Parmi ses publications : Al di là della psichiatria e dell’estetica. Studio su Hans Prinzhorn (2009), Antonin Artaud. Scritti sull’arte (2013) et Immagine e figurazione. Hegel, Warburg, Bataille (2013).

Thierry Rozenblum

Thierry Rozenblum est chercheur libre sur des thématiques liées à la Shoah. Dans le cadre d’une recherche entamée en 1999 au sein de l’Association La Mémoire de Dannes-Camiers, il a notamment publié : Une cité si ardente ? Les Juifs de Liège sous l’Occupation (1940-1944) (2010).

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