L’Affaire Norden. Le “judéo-boche” dans la presse belge (1914-1918)
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- 1 Cet article est issu de notre thèse de doctorat entamée en août 2012 à la Technische Universität de (...)
- 2 Il n’y a pas en Belgique de théoriciens s’appliquant à développer des théories antisémites, à l’exc (...)
1Octobre 1915. En pleine guerre, Fritz Norden, avocat allemand d’origine juive résidant en Belgique depuis une quinzaine d’années, publie un ouvrage justifiant l’invasion allemande1. À la suite de cette publication, un article de la main d’Albert Van de Kerckhove dans La Libre Belgique, intitulé « Une saleté », reprend une série de préjugés antisémites à l’encontre de « ce juif d’outre-Rhin », ce « Judas » qui insulte le patriotisme belge. Alors que la Belgique est connue pour son absence de théoriciens de l’antisémitisme, la publication d’un tel article véhiculant sans retenue des stéréotypes négatifs sur le juif, suscite d’emblée deux interrogations : La Libre Belgique est-elle le seul journal à tenir de tels propos2 ? Est-ce là un cas particulier relatif à l’affaire Norden ?
- 3 La caricature, notamment durant la Première Guerre mondiale « nourrit et renouvelle l’imaginaire co (...)
- 4 Nous définissons « conditions sociales » comme étant le contexte motivant la production d’un discou (...)
2Pour y répondre, le présent article se fonde sur l’analyse des représentations négatives sur le juif véhiculées par la presse belge durant le conflit sous forme de textes, ou de caricatures, supports qui nous informent sur les représentations de l’imaginaire collectif de l’époque3. Par ce biais, nous souhaitons mettre en exergue certains modes d’expression antijuive et poser quelques hypothèses quant à leurs conditions sociales d’émergence4.
- 5 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs en 1889. Antisémitisme et discours social, Vincennes, 1989.
3Pour mettre le cas Fritz Norden en perspective, nous mobiliserons les théories de la psychologie sociale sur les stéréotypes et éclairerons notre analyse à la lumière des travaux de Marc Angenot concernant les discours sur les juifs à la fin du XIXe siècle en France5. L’objectif du présent article est à la fois de contribuer à une meilleure connaissance du personnage de Fritz Norden et d’analyser divers modes d’expression antijuive durant la Première Guerre mondiale.
L’absence de recherches sur l’antisémitisme en Belgique pour la période 1914-1930
- 6 B. Herremans, Entre terreur rouge et peste brune, la Belgique livide (1818-1940). La diplomatie bel (...)
- 7 Citons pour Maxime Steinberg (parmi d’autres) : M. Steinberg, L’Étoile et le fusil 1. La question j (...)
4L’ouvrage de Bertrand Herremans, publié en 2012, se propose d’ouvrir la recherche sur l’histoire de l’antisémitisme en Belgique après la Première Guerre mondiale à travers l’analyse des rapports rédigés par les diplomates belges6. Jusque-là, la plupart des recherches sur l’antisémitisme en Belgique s’étaient concentrées sur les années trente et la Deuxième Guerre mondiale. Parmi ces dernières, on retrouve les ouvrages retentissants de Maxime Steinberg, la précieuse thèse de doctorat de Lieven Saerens sur les Juifs à Anvers de 1880 à 1944, l’ouvrage collectif consacré aux Juifs de Belgique, de l’immigration au génocide (1925-1945), la Belgique docile portant sur l’attitude du gouvernement belge face aux persécutions durant la Deuxième Guerre mondiale, et d’autres encore7.
- 8 P. Assouline, Simenon, Paris, 1992 ; 2e édition, Paris, 1996 ; Id., Hergé, Paris, 1996. P. Aron et (...)
- 9 L. Saerens, Étrangers…, op. cit., 2005.
- 10 Dont l’ouvrage le plus récent : Ph. Pierret, « La profanation des hosties de Bruxelles en 1370. Pré (...)
- 11 J.-Ph. Schreiber, « La diabolisation du judaïsme dans l’antimaçonnisme belge », dans L. Reggiani (é (...)
5Pour ce qui est de l’entre-deux-guerres et surtout des années vingt, beaucoup de mémoires de licence et de master et quelques articles s’y intéressent, mais il n’y a guère de monographies, si ce n’est celles de Pierre Assouline traitant – sans que cela en soit le propos principal – de l’antisémitisme d’Hergé et de Simenon ou encore celle de Paul Aron et Cécile Vanderpelen sur Edmond Picard8. L’ouvrage de Lieven Saerens sur les étrangers juifs à Anvers survole le premier conflit mondial sans l’étudier comme un événement prêtant à conséquence dans la dynamique entre étrangers d’origine juive et société belge9. En ce qui concerne la période précédant la Première Guerre mondiale, les travaux se concentrent sur différentes affaires. On retrouve en effet dans l’historiographie belge des ouvrages sur l’Affaire de 1302, sur l’Affaire Mortara et sur la réception en Belgique de l’Affaire Dreyfus10. Un article de Jean-Philippe Schreiber traite également de l’antijudéo-maçonnisme11.
- 12 J. Vogel, « Introduction », dans M. Liebman, Figures de l’antisémitisme, Bruxelles, 2009, p. 7.
6Notre thèse de doctorat sur les étrangers juifs à Cureghem entre 1880 et 1930 poursuit l’objectif de combler cette lacune historiographique. Notre démarche intègre la montée de la xénophobie et du nationalisme à l’analyse de l’antisémitisme. Ce choix est motivé par deux raisons. Premièrement, en ce qui concerne le contenu : comment, en effet, ne pas intégrer la xénophobie dans une analyse du rejet des étrangers juifs, ni le nationalisme dans l’étude d’une période traversée par la guerre ? Deuxièmement, l’étude scientifique de l’histoire de l’antisémitisme doit être menée dans l’optique de Jean Vogel selon laquelle « l’antisémitisme n’est pas un phénomène métaphysique, une malédiction éternelle, ni même une constante transhistorique, mais dans sa nature comme dans ses modalités, il représente un fait social, produit de l’histoire et même de plusieurs histoires (parmi lesquelles celle des communautés juives ne sont pas des objets passifs d’une histoire faite par d’autres) »12.
- 13 Comme le souligne Joël Kotek dans sa préface du livre de Bertrand Herremans, jusqu’ici les recherch (...)
7En fin de compte, travailler sur l’antisémitisme sans intégrer la composante xénophobe, c’est nier que ces juifs présentaient d’autres identités notamment sociales, économiques, politiques et culturelles pouvant être à l’origine de discriminations. C’est oublier que les diplomates qu’évoque Bertrand Herremans ciblaient des juifs, mais aussi des pauvres, des communistes et des non-Belges. C’est simplifier leurs discours et par conséquent ne pas prendre en compte le phénomène de rejet en ne considérant qu’un « habitus antisémite séculaire propre aux provinces de Belgique »13. Pour toutes ces raisons, cet article se propose d’étudier l’affaire Norden à l’aune des discours sur les juifs largement imprégnés d’un ressentiment anti-allemand.
Des précisions conceptuelles
8Le terme « antisémitisme » – popularisé par les théories antisémites présentant les juifs comme étant la source des problèmes économiques, politiques et moraux – combine, depuis le dernier quart du XIXe siècle deux niveaux d’arguments :
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ceux de l’antijudaïsme : le juif est autre de par sa religion, il est responsable de la mort de Jésus ;
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ceux des théories racistes apparaissant au XIXe siècle : le juif est inférieur de par sa « race ».
- 14 Selon la définition adoptée à l’International Holocaust Remembrance Alliance le 26 mai 2016, dont l (...)
9Sa signification est donc nettement moins générale que celle admise aujourd’hui si l’on se réfère à celle donnée par l’UNESCO selon laquelle l’antisémitisme est : « a certain perception of Jews, which may be expressed as hatred toward Jews. Rhetorical and physical manifestations of antisemitism are directed toward Jewish or non-Jewish individuals and/or their property, toward Jewish community institutions and religious facilities »14.
- 15 Cf. J. Schäfer, Vermessen – gezeichnet – verlacht. Judenbilder in populären Zeitschriften 1918-193 (...)
- 16 O. Klein et Ch. Leys, « Stéréotypes, préjugés et discrimination », dans L. Bègue et O. Desrichards (...)
- 17 L. Saerens, « Belgische Gruppierunge der “Neuen Ordnunge” und die Juden (1918-1944) », dans H. Gram (...)
- 18 P. Aron et C. Vanderpelen-Diagre, Edmond Picard…, op.cit., Bruxelles, 2013, p. 103.
10Pour déjouer l’anachronisme dans l’usage du terme « antisémitisme », nous l’utiliserons pour faire référence à un objet historique15. Comme « outil analytique », nous privilégierons plutôt les termes de « stéréotype », « représentation groupale » et « préjugé », termes accompagnés des adjectifs « négatif » et « antijuif ». Nous reprenons la définition du terme « stéréotype » d’Olivier Klein et Christophe Leys selon laquelle : « Ce terme désigne une croyance concernant les traits caractérisant les membres d’un groupe social […]. Que ces croyances soient fondées ou non n’affecte en rien le fait qu’on puisse les considérer comme des stéréotypes. De même, il n’est pas nécessaire [que tous les individus du groupe social] soient perçus comme des trafiquants de drogue pour qu’on puisse parler de stéréotype. Celui-ci est toujours relatif à d’autres groupes : le fait même qu’une caractéristique soit perçue comme plus fréquente dans une communauté que dans d’autres la rend, par définition, stéréotypique de ce groupe. »16 Les « représentations groupales » sont des stéréotypes partagés par les membres d’un groupe social, tandis que le « préjugé » est une attitude (évaluative) négative. L’emploi de ces vocables permettra de déconstruire les propos antijuifs et surtout de ne pas réduire toutes ces expressions à l’antisémitisme, terme polysémique et par conséquent mauvais outil pour l’analyse des rapports de domination. Nous le verrons dans la conclusion, cet emploi permet également de mettre en lumière ce qui est appelé plus couramment un « antisémitisme latent »17, c’est-à-dire une expression d’hostilité à l’égard d’un juif ou de juifs sans se référer à une théorie antisémite ou sans en faire un usage politique18.
- 19 M. Allal, « Antisémitisme, hiérarchies nationales et de genre : reproduction et réinterprétation de (...)
11Pour cet article, nous reprenons, comme Marina Allal, l’emploi de la minuscule pour « juif » en référence au Petit Robert et afin de se distancer de l’usage notamment antisémite de la majuscule19. La graphie italique nous permet d’indiquer que le terme ne fait pas référence à une réalité, mais bien à la représentation par des non-juifs de ce que seraient les juifs. Par ailleurs, pour souligner l’idée qu’il existe un archétype du juif utilisé dans la presse, nous emploierons ce terme au singulier.
Les sources utilisées
- 20 Chr. Charle, Le siècle de la presse. 1830-1930, Paris, 2004, pp. 16-21.
- 21 Concernant l’attitude de l’autorité allemande à l’égard de la censure : M. Amara et H. Roland, Gouv (...)
- 22 Le XXe Siècle est le quotidien catholique le plus lu sur le front avec 105.000 exemplaires en juill (...)
- 23 Pour l’usage des caricatures comme sources historiques : J. Schäfer, Vermessen…, op. cit., pp. 29-3 (...)
12La presse se révèle une source importante pour la recherche en histoire culturelle, sociale et politique. Mais elle ne connaît pas la même portée à chaque époque20. Pendant la guerre, les journaux doivent faire face à différentes difficultés : allant du manque de papier à la diminution du nombre de lecteurs, en passant par le poids de la censure21. Le contexte de guerre influence donc énormément l’organisation de la presse et son contenu. C’est pourquoi nous avons choisi de travailler sur des journaux paraissant sous différentes autorités (celles de l’Occupation ou celles de l’exil, en France ou en Angleterre). Les extraits cités dans cet article proviennent d’un dépouillement par mots-clefs des journaux suivant : Le XXe Siècle, L’Écho de la Presse Internationale, L’Écho de Liège, L’Indépendance Belge, Le Bruxellois, Le Messager de Bruxelles, Le Quotidien et La Libre Belgique22. Ces journaux, de tendances différentes et à tirages divers, constituent un échantillon éclectique de la presse belge. Ce matériel est par ailleurs complété par des sources iconographiques et par le dossier individuel de Fritz Norden constitué par la Police des Étrangers23.
- 24 Exemple cité par Jean Stengers : Georges Rodenbach était français et Teste était un Belge vivant à (...)
- 25 E. Defoort, « L’Action Française dans le nationalisme belge 1914-1918 », dans Revue belge d’Histoir (...)
- 26 D’après un article de Simon Deploige (1868-1927), homme politique catholique belge, sénateur et prê (...)
- 27 À partir de 1920, La Revue latine, aussi soutenue par le cardinal Mercier, consacre une « Chronique (...)
- 28 L. Saerens, « L’attitude du clergé catholique belge à l’égard du judaïsme (1918-1947) », dans R. Va (...)
13Pour toute la période de guerre, nous avons comptabilisé une trentaine d’articles et images dans lesquels les juifs sont représentés négativement. Ces articles ne sont jamais publiés en première page. Déjà avant la guerre, si la presse catholique publie des articles antisémites, Jean Stengers, que nous rejoignons, déclare qu’ils sont trop irréguliers pour pouvoir parler d’un antisémitisme belge comparable à l’antisémitisme français. D’autant plus que les auteurs de tels articles sont souvent des Français ou des Belges vivant à Paris24. Nous rejoignons également Eric Defoort et Roger Aubert qui déclarent que les attaques les plus nombreuses formulées dans la presse catholique contre les juifs doivent être mises en relation avec la volonté des catholiques conservateurs d’obtenir un mandat belge en Palestine25. Tel le cardinal Mercier, représentant du néo-thomisme en Belgique et poussé dans ces démarches par l’antisionisme26. Après l’échec de ce projet, certains organes catholiques publient plus régulièrement des articles amalgamant juifs, communistes et Allemands27. Le cardinal Mercier soutient par ailleurs des journaux tels que la Revue Catholique des Idées et des Faits qui publie dans ses colonnes des articles antisémites, notamment de Maurras, et n’hésite pas à témoigner son adoration pour l’Action Française28.
- 29 L. Saerens, « L’attitude du clergé catholique belge… », op. cit., pp. 15-16.
14Par ailleurs, compte tenu de l’affaiblissement de l’influence de l’Église dans la société belge, la stigmatisation sur base religieuse s’exprime de moins en moins dans l’espace public. Même si des liens sont faits entre le « sionisme », le « communisme » et la « franc-maçonnerie », l’antisémitisme fondé sur le racisme est formellement rejeté par les catholiques belges29.
15Les articles et cartes postales utilisés pour cette recherche ne représentent pas la totalité de la presse belge, même s’ils sont significatifs. Il est donc impératif de garder à l’esprit que si les représentations négatives du juif sont l’objet de notre article, notre but n’est pas de démontrer que la presse est à majorité antisémite, mais d’analyser les objectifs et les formes d’expression des préjugés antijuifs ainsi que le contexte dans lequel ils apparaissent.
Les figures négatives du juif pendant la guerre : le juif proche de l’Allemand
16Dans la presse dépouillée, nous avons observé deux figures ou « représentations symboliques » négatives du juif : le profiteur de guerre et l’auxiliaire des Allemands. Dans ces deux cas, le juif tirerait profit de ceux qui apparaissent alors comme les bourreaux de la Belgique. Comment, en effet, mieux diaboliser un groupe en temps de guerre qu’en l’associant à l’ennemi national ?
La figure du profiteur : « Jamais les Juifs marolliens n’ont fait tant de bonnes affaires »
- 30 Le fonds Keym des archives de la Ville de Bruxelles offrant une collection de caricatures datant de (...)
17Sous l’Occupation, l’inflation favorise la production soutenue d’illustrations s’employant à caricaturer le profiteur de guerre30. Sa présence constante dans les journaux reflète l’obsession de la population pour la pénurie alimentaire plus que le nombre desdits profiteurs.
- 31 La Marolle est un quartier bruxellois qui se situe à l’intérieur de la petite ceinture. Il est conn (...)
18Si l’augmentation des prix des denrées alimentaires a inspiré beaucoup de caricaturistes, c’est une carte postale représentant un fripier de la Marolle qui attire ici notre attention31.
- 32 L’auteur de cette carte postale, René Barbier d’après sa signature, n’a pas pu être formellement id (...)
- 33 Dossier entièrement consacré aux colporteurs juifs et produit par la Police des Étrangers : AGR, Sû (...)
19La légende indique : « 1916 : L’âge d’or pour les fripiers. Jamais les Juifs-marolliens n’ont fait tant de bonnes affaires ! »32 Cette représentation s’inspire, tout en s’en distinguant, d’une autre figure négative plus ancienne du juif : celle du colporteur33.
Représentation iconographique de Juifs.
Caricature d’un colporteur, 1914-1916.
© Collection privée Arthur Langerman. Tous droits réservés.
- 34 On retrouve par exemple dans un article au sujet de l’Orloss, un célèbre diamant : « Un marchand ju (...)
- 35 « Une assistante sociale qui a travaillé dans Les Marolles avant la guerre [la Deuxième Guerre mond (...)
20Alors que ces représentations font du colporteur juif un commerçant « roublard » qui trompe les honnêtes Belges, le profiteur de guerre, lui, est dans une position de force : il n’a pas besoin de tromper, de contourner les règles, il impose simplement les siennes. Dans les représentations iconographiques, leur apparence se distingue également : le colporteur juif est maigre et pauvre tandis que le profiteur est bien portant et riche. Cependant tous deux reprennent le stéréotype du commerçant juif, malhonnête et sans scrupules34. Cette représentation, déjà présente avant la guerre, continue à se répandre dans les années trente35.
21Le profiteur de guerre ici représenté possède les mêmes caractéristiques esthétiques que les profiteurs de guerre non juifs sur d’autres iconographies. C’est un homme corpulent, mis en perspective avec des personnages affamés dont le corps amaigri contraste avec le corps plein de l’accapareur. Le genre est également mobilisé : bien qu’on retrouve parfois des couples qui représentent les profiteurs, le profiteur s’il est représenté seul, est majoritairement une figure masculine. Lorsqu’il s’agit d’une illustration d’un couple d’accapareurs, la représentation de l’épouse, arborant bijoux et fourrures, permet au caricaturiste de faire ressortir la richesse de celui qu’elle accompagne. La « profiteuse » est donc rarement – voire jamais – représentée seule, ce qui indique que l’accapareur est, dans l’imaginaire collectif, personnifié par un homme.
- 36 Bien qu’elle soit accompagnée d’enfants, on la désignera comme « seule » parce qu’elle n’est pas ac (...)
- 37 K. Hödl, Die Pathologisierung des jüdischen Körpers. Antisemitismus, Geschlecht und Medizin im Fin (...)
22On remarquera en revanche que c’est une femme « seule », accompagnée de ses enfants, qui représente la figure de la victime sur la carte postale36. L’absence de son époux – probablement sur le front – aide encore à déprécier le profiteur. Le mari absent, ne pouvant subvenir aux besoins de sa famille parce qu’en train de risquer sa vie pour la patrie est la figure antagoniste du profiteur exploitant les plus faibles. Étonnamment, bien que la légende renvoie à une représentation négative des juifs, le dessinateur n’a pas eu recours aux caractéristiques physiques alors répandues dans les représentations iconographiques et caricaturales des juifs telles que la barbe, de longues mains ou le nez proéminent37.
- 38 « Il se trouve partout des traîtres et des marchands juifs », dans L’Indépendance Belge, 30 avril 1 (...)
- 39 S. A., « À Malines », dans L’Indépendance Belge, 8 août 1918.
23La figure négative du commerçant juif se fonde également sur la représentation du juif sans patrie38. Cette représentation permettrait d’expliquer pourquoi les juifs, selon ce raisonnement antisémite, sont par essence des traîtres, comme cela transparait dans un article de L’Indépendance Belge : « Dans les environs de Malines, comme aux abords de Bruxelles et d’Anvers, nos paysans ont intensifié leurs travaux agricoles, en dépit des réquisitions des centrales allemandes. Les paysans ne s’enrichissent donc pas du fait de vendre aux Centrales, dirigées par des Juifs sachant obtenir des cultivateurs leur moisson à des prix relativement modérés, mais du moins rémunérateurs. Les Juifs des Centrales gagnent trop d’argent avec les produits de notre culture pour agir envers elle comme avec le commerce. […] Ces pieuvres qui absorbent le meilleur de notre sang. »39
- 40 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., p. 131.
- 41 E. Picard rédige cette dédicace dans l’exemplaire de son livre offert à É. Drumont : « À Monsieur É (...)
24Dans cet extrait, le thème de l’usure est également présent. Répandu par les représentations propres à l’antijudaïsme de l’Église catholique, il se retrouve en Belgique comme en France40. L’image paradoxale de la pieuvre qui absorbe le sang mélange d’une part les caricatures antisémites représentant une pieuvre déployant ses tentacules sur le monde et d’autre part les légendes relatives aux meurtres rituels. L’image de la pieuvre, symbole du soi-disant monopole juif acquis insidieusement, paraissant notamment chez Édouard Drumont, ou en Belgique dans les ouvrages d’Edmond Picard, repose sur une représentation dichotomique de la société41. C’est parce que les juifs ne feraient pas partie de la nation qu’il devient aisé de réprouver leur soi-disant monopole des ressources. En effet, sans cette frontière artificielle distinguant les juifs du reste de la population, l’argument d’exploitation ne fonctionnerait pas aussi bien. Cette frontière renforce la haine et lui permet de s’exprimer librement. L’argument de ce genre d’article repose donc moins sur la critique de la recherche du profit que sur le fait que ceux qui profiteraient sont juifs.
- 42 O. Klein et Chr. Leys, « Stéréotypes… », op. cit., p. 324.
25La figure du profiteur n’est qu’une des figures négatives associées au juif et inversement, ces représentations symboliques ne sont pas exclusivement associées au juif. Elles sont aussi parfois utilisées pour critiquer et discréditer d’autres groupes. Par exemple, l’accapareur dans la presse est parfois représenté par la figure du paysan dont le profit croît proportionnellement à la situation de besoin dans laquelle se trouve la population. Une situation qui, aux yeux « des patriotes », est d’autant plus condamnable en temps de guerre, période durant laquelle il importe que chaque individu se sacrifie pour la nation. Ce sacrifice fait dans la souffrance et sous la menace consolide par ailleurs la solidarité au sein du groupe42.
- 43 O. Klein, « L’expression des stéréotypes et des représentations groupales : cognition, stratégie, p (...)
26Quel que soit le profiteur donc, celui-ci est considéré comme étant quelqu’un qui agit contre la patrie, et en est par conséquent symboliquement « exclu ». Pour amplifier le caractère détestable du groupe profitant d’un statut préférable au sien, l’endogroupe produit un discours dénonçant la façon dont l’exogroupe a obtenu ce statut et/ou la façon dont le groupe – nouvellement devenu exogroupe – en jouit : « Pour percevoir la position d’un groupe de haut statut comme illégitime, il est généralement nécessaire de disposer d’une théorie quant à la façon dont ses membres ont accédé à cette position privilégiée et dont ils l’ont exploitée. Ces théories font elles-mêmes appel à des stéréotypes ; on peut ainsi expliquer la position illégitime d’un groupe de haut statut en matière d’opportunisme ou de cupidité de ses membres. »43
27L’occupation de la Belgique mettant la nation en danger, les responsables sont « trouvés » chez les soldats allemands et tous ceux qui leur seraient favorables ou profiteraient de leur présence. Les discours sur les profiteurs de guerre dénoncent la façon dont les juifs et les paysans s’enrichissent au détriment de la population. La richesse du profiteur est jalousée, ses pratiques détestées et sa personne haïe parce qu’elle incarne l’absence d’union nationale. Le discrédit jeté sur ce groupe permet alors de préserver l’idée que l’authentique population belge est solidaire.
La figure de « l’intermédiaire » ou une première version de la « cinquième colonne »44
- 44 H. Segaert, « La préparation allemande en Turquie », dans L’Indépendance Belge, 29 novembre 1915.
- 45 Ceges, Collection Jacques De Vriendt – Mores Roza, cartes postales illustrant la Première Guerre mo (...)
28Une caricature de guerre illustre la prétendue tentative des juifs « d’acheter » la Belgique pour y faire entrer l’armée allemande. On y voit la frontière belgo-allemande matérialisée par des barrières en bois sur lesquelles est écrit « On ne passe pas ! »45 Malgré la barrière, un passage est prévu, mais gardé par un jeune garçon, presque un enfant. Il représente la jeune et petite Belgique. Il se tient fier, prêt à se défendre. À sa droite, flottant au vent, un drapeau belge accroché à la clôture reprend les mots « Honneur – Courage – Humanité ». À la gauche du jeune garçon, un muret indique : « AVIS – Pour éviter de honteuses propositions nous affirmons afin que nul n’en ignore : L’honneur et la foi belges ne sont pas à vendre. Signé : Albert ».
- 46 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., pp. 130-131.
- 47 L’absence de muscle de la figure du juif a pour objectif de féminiser son corps, mais également de (...)
29Le jeune garçon – qui porte le nom du roi –, avec son arme prête à servir, est face à un homme deux fois plus grand, qui lui tend une pièce. Derrière son dos courbé, ce personnage cache un couteau et une bourse remplie de pièces. Il a le nez crochu, une barbe, une longue veste un peu négligée et porte un casque à pointe, attribut par excellence du soldat allemand. Le second personnage se trouvant à sa gauche possède exactement les mêmes caractéristiques physiques. Il porte des baluchons sur lesquels est écrit « Profits », « Appui de l’Allemagne », « reconnaissance du Kaiser », « neutralité – respecté [sic] – liberté », « Belgique agrandie » et qui représentent les arguments avancés par l’Allemagne au gouvernement belge pour qu’il laisse passer les troupes allemandes sur son territoire. Ces deux personnages illustrent l’idée que l’argent est entre les mains des juifs et rappellent le préjugé antisémite de la finance juive présent dans la presse française depuis la faillite de l’Union générale en 188246. Leurs silhouettes penchées et amaigries évoquent encore une fois celle du colporteur juif représenté dans la littérature et les caricatures47. Mais contrairement à la représentation iconographique du « juif marollien », celle-ci fait appel aux caractéristiques physiques répandues dans les représentations antisémites. Dans le ciel menaçant, de grands corbeaux noirs se dirigent sur la Belgique. En bas à gauche de la carte postale, un jeune soldat en uniforme allemand au nez retroussé est à genoux et semble vouloir nettoyer les bottes du petit soldat belge. Ce personnage représente-t-il l’espion allemand entré en Belgique sous les habits d’un cireur de chaussures ? Ou bien symbolise-t-il la posture allemande selon laquelle l’Allemagne serait bienveillante à l’égard de la Belgique dans le cas où cette dernière laisserait passer ses troupes ? Est-il à la botte des juifs ? En effet, les deux autres personnages sont debout alors qu’il est agenouillé. La présence de ce soldat allemand laisse planer le doute sur l’intention du caricaturiste. Voulait-il illustrer l’idée que les juifs sont des agents de l’empire allemand ou que l’armée du Kaiser est au service de la finance juive ? Il est difficile d’établir clairement le rôle du soldat. Cependant, l’association entre juifs et Allemands et plus particulièrement entre capital juif et armée allemande est claire.
- 48 Par exemple, un article concernant les « Juifs Prussiens » est titré « Toujours les Prussiens ! » M (...)
- 49 Il ressort de notre dépouillement que sur 30 articles représentant un ou des juifs négativement, 27 (...)
- 50 S. A., « Sous le joug allemand, les méthodes de la police boche », dans L’Indépendance Belge, 28 ju (...)
- 51 S. A., « À propos des travaux du camp retranché », dans L’Indépendance Belge, 2 juillet 1915.
30Dans la presse écrite, la figure de l’intermédiaire juif a été retrouvée à plusieurs reprises. « Juif prussien » devient un syntagme répandu dans la presse, la littérature et les pièces de théâtre françaises, au point que le terme « Prussien » est utilisé, comme synonyme de « juif » dès la guerre franco-prussienne en 1870. L’utilisation d’un terme à la place de l’autre permet non seulement à l’auteur de faire des « jeux d’esprit » douteux, mais également de renforcer les stéréotypes et de tenir un propos antijuif d’une manière indirecte, par allusion48. Généralement exprimées avec moins de virulence que dans les caricatures – ou du moins, de façon moins frontale –, les représentations négatives du juif dans la presse écrite belge apparaissent en filigrane et ne sont presque jamais évoquées dans le titre49. En juin 1918, par exemple, L’Indépendance Belge titre un article « Sous le joug allemand, les méthodes de la police boche » qui soutient que la police secrète allemande « se compose principalement d’une foule de juifs allemands et d’agents commerciaux qui avaient parcouru toute la Belgique avant la guerre. »50 Toujours dans ce même journal, les juifs anonymisés sont présentés comme des auxiliaires privilégiés et incapables, sans que cela apparaisse dans le titre : « À propos du fameux esprit d’organisation des Boches, voici des renseignements qui le mettent en doute. La firme X… avait été chargée des travaux de fortifications aux environs d’Anvers et recevait un pourcentage sur les salaires journaliers. Elle avait donc tout intérêt à ce que le plus d’argent possible fût dépensé, et elle mit à l’œuvre le plus grand nombre d’ouvriers qu’elle put. Des travailleurs belges furent compris dans la brigade, forcés de s’y associer par les baïonnettes. Ils assistèrent à un bien joli spectacle. Un certain diamantaire juif qui avait réussi à rester à Anvers au début de la guerre, en se faisant passer pour un Hollandais, quoiqu’Autrichien, ayant été bombardé chef comptable des travaux du fort de X… avait engagé comme conducteurs de travaux, et surveillants toute une bande d’employés diamantaires, d’imprimeurs, de juifs allemands ou autrichiens, qui ne connaissaient pas un traître mot des travaux de ce genre et ne faisaient rien d’autre que de se promener et toucher chaque jour de 9 à 18 marks, gaspillage incroyable des deniers volés à la Belgique. »51
- 52 J.-B. Légal et S. Delouvée, Stéréotypes, préjugés et discriminations, Paris, 2008, pp. 70-71.
- 53 M. J. Herskovits, Les bases de l’anthropologie culturelle, Paris, 1967, p. 51 et p. 59.
31L’auteur, bien que réjoui du fait que les juifs d’Anvers n’aient pas travaillé efficacement pour les Allemands, n’associe pas leurs actes à un acte de résistance, mais à leur incapacité « intrinsèque » à effectuer un travail manuel. Par ailleurs, d’après lui, les Belges qui ont travaillé pour les Allemands l’ont fait sous la contrainte. Cette description du comportement des acteurs de l’endo- et de l’exogroupe illustre bien l’erreur ultime d’attribution, un phénomène qui consiste à expliquer le comportement positif d’une personne de l’exogroupe par des facteurs externes à la personne (elle ne l’a pas fait volontairement, il y a des circonstances atténuantes), tandis que les causes d’un comportement positif sont internes lorsqu’il s’agit d’un membre de l’endogroupe. Inversement, les comportements indésirables sont attribués à des causes internes en ce qui concerne les membres de l’exogroupe (ils sont incapables, c’est dans leur culture…) et à des causes externes pour ceux de l’endogroupe52. Cette perception de l’événement permet aux membres de l’endogroupe de garder une image positive d’eux-mêmes et par conséquent de justifier la pérennisation du groupe. Cet ethnocentrisme constitue souvent, comme c’est le cas ici, une justification dans les rapports de domination, ou du moins dans la croyance à un sentiment de supériorité, autant à l’égard des juifs que des Allemands53.
- 54 S. A., « Les Allemands dans la zone d’Arlon », dans L’Indépendance Belge, 11 mai 1918.
32Comme l’illustre l’extrait suivant dans lequel la judéité des soldats allemands est utilisée pour rendre leur crime plus abject, les stéréotypes permettent la mobilisation de l’opinion publique. En effet, l’article joue sur les figures « antagonistes » femme/homme, chrétien.ne/jui.f.ve, religieu.x.se/soldat : « À Arlon commande le vieux général…, une nullité qui abandonne les rênes du pouvoir à son secrétaire S…, un jeune avocat juif de F… […] Il est assisté par un autre sbire, S…, le capitaine du “Meldeamt”, au poil roux, au nez crochu, à la tête en pic et à l’esprit plus pointu encore. […] En septembre, il voulut visiter le couvent des Sœurs Maristes françaises. Accompagné de son fidèle secrétaire (le youpin K…, autrefois marchand de bestiaux à L..., ils pénétrèrent sans sonner dans la maison. Une sœur suivit les envahisseurs qui montèrent à l’étage et pénétrèrent dans l’enceinte cloîtrée. […] Ils parcoururent toutes les cellules, y entrant sans frapper. On rapporte que dans une des cellules une sœur eut à peine le temps de s’esquiver. La visite faite, satisfaits de leur chevaleresque conduite, ces messieurs partirent comme ils étaient venus […]. »54
- 55 L’Excelsior – Pierre Millet, « L’intérêt du projet sioniste pour l’Allemagne », dans la rubrique « (...)
33La figure négative du juif – également alimentée par l’idée que le yiddish est très proche de la langue allemande – est donc souvent celle de l’auxiliaire, de l’espion, de l’accapareur, voire du soldat allemand. Un article français, relayé par Le XXe Siècle catholique, journal menant campagne pour un mandat belge en Palestine, présente les juifs vivant en dehors de l’Europe comme des agents de l’impérialisme allemand : « Les Harvegg, les Benzinger, les Lorch, les Wolfer et Cie, hôteliers, pharmaciens, médecins ou banquiers y [en Palestine] représentent avantageusement l’avant-garde de la kultur germanique. »55
- 56 Parmi d’autres : « 80 marks pour 100 francs. C’est là une “bedide opération” qui rapportera aux jui (...)
34L’année 1915 marque un tournant dans la rédaction de L’Indépendance Belge qui publie plus régulièrement des articles reprenant les préjugés sur les banquiers juifs alors que le terme « marchand juif » est utilisé comme synonyme de malhonnête ou de traître56. Est-ce l’influence de l’affaire Norden ? Nous allons voir maintenant qu’en effet, la polémique autour de Fritz Norden a été l’occasion pour certains journalistes, comme Van de Kerckhove, de faire usage de préjugés antijuifs.
Fritz Norden
- 57 F. Norden, La Belgique neutre et l’Allemagne selon les hommes d’État et juristes belges, Bruxelles, (...)
- 58 F. Norden, Onzijdig België en Duitschland volgens de Belgische Staatslieden en Rechtsgeleerden, Br (...)
- 59 S. A., « L’œuvre d’un ingrat », dans L’Impartial, 16 septembre 1915.
- 60 A. Tixhon, « La presse… », op. cit.
- 61 La Flamenpolitik est également un outil servant à l’autorité allemande à justifier la guerre puisqu (...)
35En Belgique occupée, Fritz Norden, avocat d’origine juive allemande, publie La Belgique neutre et l’Allemagne selon les hommes d’État et juristes belges57. Bien que né en Allemagne, il a suivi une partie de sa scolarité et fait ses études de droit et de philosophie à Bruxelles avant d’être accepté au Barreau en 1903. Son positionnement en faveur de l’invasion allemande défendu dans son ouvrage provoque des polémiques axées davantage sur sa “traîtrise” que sur son argumentation. Suite à cette publication, traduite par ailleurs en néerlandais et en allemand58, Fritz Norden est présenté comme un traître par la presse clandestine (La Libre Belgique), la presse censurée par le gouvernement belge (L’Indépendance belge) et par la presse neutre (par exemple, L’Impartial paraissant à La Chaux-de-Fonds, en Suisse)59. Cette affaire s’inscrit donc dans la guerre des propagandes qui se développe à la fin de l’année 191460. Le livre de Fritz Norden est d’autant plus critiqué qu’il participe à la campagne contre la neutralité belge et remet en question la légitimité de l’existence même de la Belgique61. Dans cet ouvrage, il se propose d’interpréter la neutralité belge d’après le Droit des Gens – qu’il qualifie aussi de coutumes d’États – et d’après le Droit positif. Selon lui, du point de vue juridique, rien n’affirme dans le traité de neutralité que la Belgique profite de l’inviolabilité de son territoire. Il analyse alors différents traités constitutifs de l’indépendance de la Belgique pour justifier son interprétation de la neutralité belge et ce qu’elle n’implique pas… Dans la deuxième partie consacrée à ce qu’il appelle le Droit des Gens, il évoque les massacres des Allemands qu’il justifie en reprenant la thèse des Francs-tireurs et il reproche aux patriotes belges d’attiser la haine à l’égard du soldat allemand, honnête citoyen remplissant sa tâche. Il termine en attaquant violemment le Royaume-Uni tenu pour principal responsable du malheur de la Belgique.
- 62 Albert Van de Kerckhove (Roubaix 1865 – Schaerbeek 1950) est un avocat bruxellois. Ses articles dan (...)
- 63 Fidélis, « Une saleté », dans La Libre Belgique, octobre 1915.
36Parmi les journalistes dénonçant « l’acte odieux » de Fritz Norden, on trouve Albert Van de Kerckhove, lui aussi avocat bruxellois, qui écrit dans La Libre Belgique sous le pseudonyme de Fidélis62. En octobre 1915, dans son article intitulé « Une saleté », il déclare que Fritz Norden est le « Judas de la Belgique »63. Judas : par sa tromperie et par sa judéité. Mais avant d’arriver à cette conclusion, Fidélis rapporte une série d’anecdotes concernant le parcours de Fritz Norden et censées dépeindre son caractère, ou plutôt « sa nature », selon les termes du journaliste. Cet article illustre bien l’usage des préjugés sur les juifs pour appuyer un propos portant sur un conflit politique.
- 64 Ibid.
37Pour commencer, il dénonce le statut de Fritz Norden. Étant étranger, il n’aurait, d’après le journaliste de La Libre Belgique, jamais dû être accepté au Barreau. C’est donc par erreur, à cause de la faiblesse des lois belges, qu’il est devenu avocat : « Une saleté. Il s’appelle Fritz comme les neuf dixièmes des Boches. Mais ce qui karactérise ce Fritz-là, c’est qu’il est Norden. Et ce Fritz Norden est un type à peu près unique en son genre. Au lieu de vendre des fourrures comme ses parents, ce gros garçon a voulu s’élever d’un kran : il est avokat. Parfaitement... Avokat à la Cour d’appel de Bruxelles. En effet, on a eu la faiblesse d’admettre au stage, au serment et d’inscrire au tableau de l’Ordre quelques étrangers et notamment ce juif d’outre-Rhin. Encore une réforme qui s’imposera après la guerre. »64
- 65 Cette pratique est courante dans les colonnes de La Libre Belgique comme l’utilisation d’une orthog (...)
38Cette remarque concerne finalement moins l’attitude de Fritz Norden que la « faiblesse » du système belge d’avant-guerre. En mentionnant l’origine juive à côté du qualificatif « d’outre-Rhin », le journaliste insiste sur les origines « teutonnes » de Fritz Norden qu’il accentue en remplaçant la lettre « c » par la lettre « k ».65
- 66 Cureghem est un quartier bruxellois situé à Anderlecht, entre la petite ceinture, le canal et les c (...)
- 67 Le magasin sera déplacé rue de Laeken 45 (Almanach des professions 1909 et 1914).
- 68 Leszno ou Lissa en allemand se trouve en Voïvodie de Grande-Pologne. Avant la Première Guerre mondi (...)
- 69 AGR, Police des Étrangers, Dossier individuel n° 786 712, lettre du Parquet de la Cour d’appel au m (...)
39Le ton et la référence au magasin de fourrures peuvent sembler relever du préjugé sur les Juifs vivant dans La Marolle ou à Cureghem et s’employant dans le petit commerce66. Or dans ce cas-ci, bien que le ton employé soit méprisant, il ne s’agit pas seulement d’un préjugé. En effet, Philipp Norden, le père de Fritz Norden, avait ouvert un commerce de fourrures, sis au n° 55 de la rue aux Laines67. Pendant la guerre, Fritz Norden habite quelques maisons plus loin au n° 40 (entre le Palais de Justice et le Consistoire central israélite de Belgique et très proche de la Marolle). Le père Norden, né à Lissa en 1841, vient en Belgique à la fin du XIXe siècle après avoir résidé quelques années aux États-Unis68. À sa mort en 1910, les deux frères de Fritz Norden (Kurth et Arthur) reprennent l’entreprise familiale jusqu’à la fin de la guerre69. Le départ des troupes allemandes, au début du mois de novembre 1918, entraîne l’émigration précipitée d’Allemands vivant en Belgique avant la guerre ou d’individus proches de l’occupant qui pourraient être la cible de la vindicte populaire. À la fin de la guerre, les biens de la famille Norden, qui est partie, sont d’ailleurs mis sous séquestre par le gouvernement belge.
- 70 En italique dans l’article.
- 71 Fidélis, « Une saleté », op. cit. En italique dans l’article.
40Quoi qu’il en soit, la guerre n’est pas terminée lorsque l’article d’Albert Van de Kerckhove paraît. Par le biais de deux anecdotes d’avant-guerre, il présente Fritz Norden sous les traits d’un arriviste, d’ailleurs « mouchard et hypocrite, c’est dans leur sang » : « Quand éclata la guerre, la plupart des confrères ne le regardaient plus, et le pauvre Fritz, désolé, navré, pleura dans le gilet d’avocats compatissants. Il ne savait pas assez déclarer son regret de n’être pas Belge, il reniait l’Allemagne de tout cœur70. Quand les hordes du Kaiser souillèrent les pavés de Bruxelles en général et les marches du Palais de Justice en particulier, Fritz Norden redressa son buste épais et on ne vit plus que lui à la Kommandantur. Il reniait la Belgique du moment que les fifres emplissaient la rue aux Laines (où niche ce locataire du prince d’Arenberg) de la belle musique que vous savez. »71
- 72 Ibid.
41Après avoir critiqué l’attitude de la Belgique trop favorable envers les étrangers et souligné les origines et le caractère arriviste de Fritz Norden, Fidélis commente, en utilisant des rimes, l’ouvrage La Belgique neutre et l’Allemagne selon les hommes d’État et juristes belges. Pour Albert Van de Kerckhove, Fritz Norden, en publiant son livre, trahit la nation qui l’a accueilli et lui a permis de faire carrière : « Voilà l’homme qui a toutes ses entrées à la Kommandantur. Or, ce qui est ignoble, ce qui dépasse les bornes de l’inconscience, c’est ce que vient de faire cet individu. Avec une outrecuidance toute prussienne, oubliant que, jusqu’à nouvel ordre, il est toujours avocat, lié par son serment, – on oublie tant de choses en Allemagne – avec un manque de tact effarant, il a, cet homme, écrit et publié un livre, La Belgique neutre et l’Allemagne, qui est une infamie. Cauteleusement, se sachant à l’abri derrière les baïonnettes prussiennes, il insulte notre patriotisme. On n’analyse pas un livre pareil. On le lit avec douleur, on le ferme avec dégoût. La Kommandantur a chaudement accueilli cette saleté. Elle la place partout bien en vue. Norden a mérité la Croix de fer. Ça manquait à son genre de beauté. Si ce gaillard-là ne file pas un quart d’heure avant le dernier soldat allemand, il risque fort d’aller à Saint-Gilles, quand, les honnêtes gens quittant leurs cellules, on y remisera les krapules. »72
42Au fur et à mesure de l’article, la rancœur de l’auteur à l’égard de la personne de Norden s’exprime violemment. C’est en effet dans son post-scriptum qu’il dévoile le mieux les préjugés antijuifs que Fritz Norden lui inspire : « C’est égal, s’il reste encore un seul avocat belge pour serrer la main de Norden en question, c’est à douter de tout. FIDELIS. P.-S. – Voici l’épitaphe qu’on a composée illico pour ce monsieur, qu’on peut considérer comme décédé... moralement :
43“Ci-gît Maître Norden, doctor es-trahison,
44Avocat et mouchard, historien punique,
45Juif évoquant le Christ, Boche sous un faux nom ;
46L’honneur est marchandise, il en tenait boutique ;
- 73 Ibid.
47Ayant de qui tenir : Judas de la Belgique.” »73
- 74 « Épitaphe pour Fritz Norden », dans Pourquoi Pas ? Pendant l’Occupation, 25 août 1915, p. 101.
- 75 Le Quotidien, Gazet van Brussel, Le Bruxellois, La Meuse, Het Vlaamsche Nieuws – Vlaamsche Gazet et(...)
- 76 Après plusieurs échecs professionnels, Victor Jourdain (1841-1918) fonde avec son frère Louis Jourd (...)
- 77 Sophie De Schaepdrijver dit ne pas trouver dans les colonnes de ce journal d’essentialisation des A (...)
48En comparant les différents articles concernant Fritz Norden, il apparaît que le Pourquoi pas ? (le premier), puis La Libre Belgique sont les seuls à avoir retranscrit cette épitaphe qui aurait circulé au Palais de Justice74. L’article de Fidélis dans La Libre Belgique se réfère plus aux origines « ethnico-religieuses » de Fritz Norden pour expliquer sa nature de traître. D’après nos recherches, La Libre Belgique semble d’ailleurs être le seul organe de presse à mobiliser de tels arguments pour discréditer Fritz Norden75. Créée par Victor Jourdain, l’un des fondateurs du Patriote, La Libre Belgique est le fruit d’un réseau de catholiques convaincus76. Son obédience catholique peut expliquer la publication d’articles essentialisant les juifs – c’est-à-dire l’attribution à des catégories sociales « d’une essence, d’une nature sous-jacente qui fait d’elles ce qu’elles sont »77.
- 78 D. R., « Les Norden. À propos d’une brochure boche », L’Indépendance Belge, 12 octobre 1915.
- 79 Ibid.
49D’autres journaux, telle L’Indépendance Belge qui paraît à Londres, discréditent Fritz Norden en rappelant ses origines « boches »78. Alors que certains journaux se demandent selon une rumeur, si Fritz Norden a été naturalisé belge, on répond : « Le Boche est Boche, et Boche il restera ! Une naturalisation ou une option intéressée peut le créer momentanément Belge, Anglais, Papou, Bulgare ou Turc ; le naturel Boche finit toujours par reprendre le dessus. »79
- 80 Ibid.
- 81 En septembre 1916, cette demande va être réitérée, mais cette fois elle viendra directement des aut (...)
50Dans cet article, les membres de la famille Norden sont quant à eux présentés comme des espions allemands, qui pendant la guerre, font de « ponnes bedides affaires »80. Comme en témoigne le dossier de Fritz Norden retrouvé dans les archives de la Police des Étrangers, l’autorité allemande s’interroge également sur la nationalité de ce dernier. En effet, en juin 1915, Fritz Norden demande à la Police des Étrangers de lui procurer un document à l’intention de l’occupant justifiant que, malgré la perte de sa nationalité allemande, il n’a pas acquis la nationalité belge avant la guerre81.
- 82 S. A., « En Belgique. À Bruxelles », dans L’Écho Belge, le 8 février 1916.
- 83 S. A., « Un de leurs agents », dans Le XXe Siècle, le 16 février 1916. S.A., « En Belgique. À Bruxe (...)
- 84 Fernand Neuray (1874-1934), dont le pseudonyme est Tallerey, est rédacteur en chef du XXe Siècle et (...)
51En 1916, alors qu’une autre rumeur court selon laquelle Fritz Norden a été « jeté les mains liées derrière le dos, dans le lac du Bois de la Cambre », Le XXe Siècle et L’Écho Belge reprennent l’article « Une saleté » d’Albert Van de Kerckhove82. Cette fois, l’épitaphe ouvertement antijuive, est supprimée83. Si cela n’est pas étonnant pour L’Écho Belge, cette suppression l’est en ce qui concerne Le XXe Siècle. En effet, l’épitaphe n’est pas en contradiction avec la ligne éditoriale de ce journal catholique dans lequel à la suite de la déclaration Balfour en 1917, Fernand Neuray lance – avec le soutien du cardinal Mercier – une campagne défendant un mandat belge en Palestine dans laquelle des représentations négatives des juifs apparaissent84.
- 85 Le Peuple, le 2 décembre 1922.
- 86 « Chronik », dans Deutsch-Französische Rundschau, t. V, n ° 7, Berlin-Grunewald, juin 1932, p. 491.
52Fritz Norden survit à la guerre. Il quitte la Belgique en 1918 avec les troupes allemandes et y revient ponctuellement dans les années vingt, notamment comme interprète de la délégation allemande présente à la Conférence internationale du travail en 192285. Il décède en 1932 à Genève suite à un accident de la route86.
- 87 M. Jeismann, Vaterland der Feinde. Studien zum nationalen Feindbegriff und Selbstverständnis in Deu (...)
53Il ressort par conséquent des articles de la presse belge, clandestine et censurée, que l’affaire Norden a surtout été utilisée pour confirmer l’idée que la Belgique d’avant-guerre s’est montrée trop naïve à l’égard des étrangers, et surtout des Allemands. L’ethnicisation des nations est également récurrente. Fritz Norden est plus souvent présenté comme un Allemand ou un juif allemand. Ce phénomène est particulier à la période de la Première Guerre mondiale, qui voit apparaître une désignation de l’Autre par sa race, et ses spécificités physiques et spirituelles, comme l’a bien montré Michael Jeismann dans sa comparaison de la presse française et allemande87. En effet, il semble que le racisme biologique tel qu’il est présenté par Gobineau soit utilisé dans les discours propagandistes bien plus pour définir, qualifier et mépriser d’autres nations que pour désigner les juifs.
Les conditions sociales d’émergence et modalités d’expression antijuive
54Afin de pouvoir répondre aux deux questions introductives, à savoir : « La Libre Belgique est-elle le seul journal à tenir de tels propos ? » et « Est-ce particulier à l’affaire Norden ? », il convient de revenir sur les caractéristiques des modalités d’expression antijuive qui nous informent sur les représentations du juif dans la presse et le contexte motivant leur émergence. En effet, l’utilisation de stéréotypes poursuit plusieurs objectifs s’exprimant sous différentes formes. En d’autres termes, en fonction de l’objectif, le stéréotype sera caractérisé par différents modes d’expression.
- 88 Le cas de Fritz Norden représente une exception qui sera analysée plus loin.
55Sur base des articles retrouvés, trois caractéristiques des modes d’expression antijuive de la presse belge ont pu être mises en exergue : l’anonymat des personnes mentionnées ; « l’humour » ; l’utilisation du « personnage juif » pour évoquer négativement d’autres groupes88.
- 89 J. Schäfer, Vermessen – gezeichnet…, op. cit., p. 52.
- 90 « Cette syntagmique [caractérisation par une succession de traits et de manifestations idiosyncrasi (...)
56Premièrement, dans les articles que nous avons dépouillés, l’identité des personnes visées est souvent tue. Ces personnages anonymes semblent presque fictifs. Cependant, pour que ces représentations négatives soient opérantes, elles nécessitent une représentation du juif comme étant un Kollectivsymbol89. Le Kollectivsymbol, selon Julia Schäfer (ou Marc Angenot, qui recourt également à cette notion) désigne le fait qu’un individu représenté sur une caricature avec, par exemple, un nez crochu, de longs doigts et pieds, une lèvre inférieure pendante, etc., est majoritairement identifié par les lecteurs comme juif sans qu’ils se posent la question de l’existence ou non d’un corps juif90. D’ailleurs, le langage et l’humour employés dans l’article de La Libre Belgique sont à tel point décomplexés qu’ils indiquent que ces représentations, si elles ne sont pas forcément partagées, sont du moins connues du lecteur.
- 91 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit, p. 69.
- 92 Ibid.
- 93 G. Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France, Fayard, 2014, p. 231.
- 94 Ibid, p. 161.
57Quant à « l’humour », cette deuxième caractéristique se répand dans la presse durant les dernières décennies du XIXe siècle. Il fonctionne avec un système d’équivalence qui consiste à utiliser un terme pour faire référence à un autre. Comme l’observe Marc Angenot pour la France, le syntagme « juif prussien » apparaît de façon récurrente et « condense l’antisémitisme et le ressentiment patriotique »91. Les identités juive et prussienne se combinent à tel point que ces mots deviennent des synonymes lorsqu’il s’agit de la présence en France d’espions, d’accapareurs ou d’industriels véreux92. Ce système d’équivalence permet aux journalistes d’utiliser le principe du « demi-mot » : « La connivence entre celui qui écrit et ceux qui lisent flatte l’intelligence des lecteurs (auxquels le journaliste confie le soin d’effectuer le travail d’interprétation), en confortant les préjugés du sens commun. »93 Comme n’importe quel autre stéréotype (que ce soit celui sur les femmes, les paysans, les ouvriers…), celui sur les juifs permet de rendre la lecture plus « agréable » grâce à cette « rhétorique de la connivence »94.
- 95 S. De Schaepdrijver, « Deux patries… », op. cit., pp. 17-49.
- 96 J. Schäfer, Vermessen – gezeichnet…, op. cit., 2005, p. 49.
58Troisièmement, le propos principal des articles ne concerne pas systématiquement les juifs, mais plutôt les Allemands, dépeints négativement en raison de leur proximité avec les juifs ou inversement. L’utilisation des stéréotypes sur les juifs dans les articles et les caricatures a pour objectif de ridiculiser et de discréditer l’ennemi. Tout en s’inscrivant dans la propagande de guerre, dont le but est de mobiliser l’opinion publique, une partie de la presse répand l’idée que les juifs sont d’une part les auxiliaires privilégiés de l’occupant et d’autre part si malhonnêtes qu’ils n’hésitent pas à trahir ceux qui les favorisent95. Il ne s’agit pas tellement de dire du mal des juifs que de les utiliser comme des allégories, comme des « moyens de communication socioculturelle »96. Ce sont des personnages de second rôle – stéréotypés et négatifs – qui mettent en perspective les personnages principaux.
- 97 M. Angenot, « Le discours social : problématique d’ensemble », dans Cahiers de recherche sociologiq (...)
59Ces trois modalités d’expression antijuive permettent – et c’est leur caractéristique commune – de ne pas tenir de propos ouvertement antisémite, mais bien de répandre de façon détournée des stéréotypes stigmatisants. Ces stéréotypes sont-ils, du reste, ceux des journalistes ou de l’opinion publique ? Cette question renvoie à une question plus large : les journalistes influencent-ils plus l’opinion publique qu’ils ne la représentent ? Si la presse exprime l’opinion de certains journalistes, Marc Angenot considère que « ce ne sont pas les écrivains, les publicistes qui “font des discours”, ce sont les discours qui les font, jusque dans leur identité, laquelle résulte de leur rôle sur la scène discursive »97. Étant donné que l’objectif premier de ces articles publiés pendant la guerre n’est pas de promouvoir une théorie antisémite, dont le propos reviendrait à soutenir une racialisation des juifs et leur exclusion, il convient à présent de s’interroger sur les motivations qui ont amené les auteurs à publier de tels écrits ou caricatures.
- 98 D’ailleurs, le terme « stéréotype » vient étymologiquement de « stéréo » et « typos » en grec. « Ty (...)
60Les représentations négatives du juif permettent de rendre la lecture ou le propos d’un texte ou d’un discours plus saisissable parce que ces représentations simplifient la réalité98. Cependant, quel est l’intérêt d’utiliser l’image du juif quand il s’agit de dénoncer les accapareurs ? Il est probable que les auteurs utilisent cette image pour justifier la trahison de certains civils en les identifiant comme ne faisant pas vraiment partie de l’endogroupe. Par conséquent, cette représentation sauve la croyance en une Belgique unie, patriote et exemplaire. « Les Belges » seraient des nationalistes modèles et la cohésion nationale n’est entamée qu’à cause d’éléments extérieurs qui ne se sacrifieraient pas pour la Patrie et le juif (parmi d’autres) symbolise l’altérité, l’individu qui ne s’intégrera jamais. Le stéréotype a, par conséquent, pour objectif de laver l’honneur de la Belgique trahie et occupée.
- 99 O. Klein, « L’expression des stéréotypes... », op. cit., p. 3.
61Si les stéréotypes permettent de simplifier le discours, de produire un bouc émissaire et de discréditer l’ennemi, ils permettent aussi de se rallier à une cause collective99. Albert Van de Kerckhove reprend ainsi différents types de préjugés sur le juif, qui répondent à ses objectifs : « agrémenter » la lecture de l’article, gagner les lecteurs à ses ressentiments antiallemands et antijuifs et renforcer le sentiment patriotique.
- 100 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., p. 63.
- 101 J.-Ph. Schreiber, « Margulies, Berthold », dans J.-Ph. Schreiber (dir.), Dictionnaire biographique (...)
- 102 Justin Wallon (Paul Gérardy), « Le véritable Berthold Margulies », dans L’Indépendance Belge, 14 ao (...)
62Les conditions sociales d’émergence de cette expression antijuive reposent sur le cadre conjoncturel de l’Occupation avec la sortie du livre de Norden. Marc Angenot l’énonce : l’antisémitisme s’exprime « quand les circonstances s’y prêtent »100. Mais ces circonstances résident aussi dans l’essoufflement du sentiment patriotique d’une part, et dans sa trahison supposée d’autre part. Cette interprétation, à partir de l’affaire Norden, est renforcée par un cas analogue même s’il n’a cependant pas fait autant de bruit dans la presse belge. Il s’agit de celui de Berthold Margulies, un banquier membre de la Communauté israélite orthodoxe de Bruxelles. Ce partenaire de banque fondée par Bernard Loewenstein et Édouard Stallaert était arrivé en Belgique en 1883. Venant de Jassy, en Bessarabie, il est soupçonné d’espionnage peu de temps avant le début de la guerre et quitte la Belgique101. Dans les colonnes de L’Indépendance Belge, Berthold Margulies est présenté comme un « petit caniche bouclé, frétillant et jappant, […] un type curieusement représentatif de cette basse finance belge d’avant la guerre […] les démarcheurs qui allaient de maison en maison, passaient du notaire chez le curé, n’épargnant même pas l’ouvrier et le paysan qu’ils savaient habilement dépouiller de leurs marchandises, promettaient les intérêts faramineux et plus encore de formidables hausses des cours. »102
- 103 F.B., « “Intègre-toi le basané”, “Rentre chez toi”... : les élus aussi sont les cibles du racisme » (...)
- 104 Des phénomènes similaires se manifestent à l'occasion de remarques homophobes et sexistes.
- 105 G. Noiriel, Immigration…, op. cit., p. 232.
63Il ressort par conséquent des articles sur Norden et Margulies que l’identité juive était considérée comme un facteur aggravant, et ce probablement parce qu’elle était déjà négativement connotée avant la guerre. La collaboration est d’autant plus détestée qu’elle est le fait de personnes déjà méprisées. « La xénophobie ne sévirait donc pas au quotidien, mais se déchaînerait à la faveur de moments de tension. »103 : ainsi s’exprime un journaliste de La Libre Belgique, en 2016, pour commenter le fait que des représentants politiques d’origine étrangère sont amenés, quand ils participent à des débats, à être la cible de réflexions xénophobes104. Cela ne signifie pas que toute la société soit raciste, ni que l’État prenne des mesures ouvertement discriminatoires, mais ces expressions indiquent qu’elles sont communément admises puisqu’utilisées et considérées par certains comme suffisamment stigmatisantes pour servir d’insulte ou d’argument discréditant. En ce sens, l’article d’Albert Van de Kerckhove décrit bien la dynamique de l’antisémitisme en Belgique : il ne se manifeste que lorsque la personne ciblée est déjà discréditée. Les journalistes de La Libre Belgique et de L’Indépendance Belge n’auraient pas pu dépeindre Norden et Margulies de la sorte, si le juif comme Kollectivsymbol n’était pas déjà répandu dans la presse. Pour le dire avec les mots de Gérard Noiriel, « l’antisémitisme n’aurait pas pu se constituer en courant politique si l’idée que les juifs “posent problème” n’avait pas été continuellement martelée dans toute la presse »105.
- 106 Par discours social, Marc Angenot entend « les règles discursives et topiques qui organisent [le na (...)
64La Libre Belgique n’est pas le seul journal à tenir des propos antijuifs : l’utilisation des stéréotypes antijuifs est une pratique courante, mais à laquelle le journaliste fait appel plus par souci d’écriture que par idéologie. Dans ce sens, Fritz Norden et Berthold Margulies font figure de cas particuliers, parce qu’ils cristallisent la haine envers le traître et permettent aux journalistes de s’exprimer de manière virulente. Le sujet n’est pas rendu anonyme, ce n’est pas seulement de « l’humour » et la figure du juif n’est pas uniquement là pour qualifier un autre personnage. Fritz Norden et Berthold Margulies ont comme particularité d’être des individus identifiés et à détester parce que traîtres et juifs. Nous avons donc affaire à des représentations groupales s’exprimant pour attaquer une personne critiquée. Ce constat est en phase avec les conclusions de Marc Angenot selon lesquelles « ce n’est que lorsque le stéréotype est, si l’on peut dire, placé sur la défensive, c’est-à-dire lorsqu’une des identités fait mine d’agresser l’ordre symbolique, que la doxa fait front, renonce à toute ambivalence et qu’avec les armes du rire méprisant comme avec celle du savoir hautain, le discours social déclenche un feu roulant de stéréotypes haineux. »106
- 107 Chr. Chivallon, « Retour sur la “communauté imaginée” d’Anderson. Essai de clarification théorique (...)
- 108 Pour Valérie Sala Pala, le concept de racisme institutionnel présente l’intérêt de souligner que le (...)
65Il ressort ainsi que les représentations négatives des juifs ne constituaient pas une fin en soi, mais un moyen, très répandu dans la presse et les romans, de jeter les bases d’une unité nationale nouvelle et « [permettre] d’accéder à la quintessence » de la « communauté imaginaire »107. L’utilisation des stéréotypes poursuit donc différents desseins sociaux, mais a également pour conséquence de répandre des croyances essentialisantes concernant un autre groupe. Les journalistes ne sont pas neutres et participent activement au modelage de l’identité des ensembles sociaux. Nous arrivons donc à la conclusion que même si les propos n’étaient pas antisémites (selon la définition donnée à l’époque), ils proposaient une lecture nationaliste et xénophobe de la société et répandaient des stéréotypes qui déboucheraient un jour sur une politique antisémite. De ce fait, il est important de montrer que l’absence de théories racistes ou antisémites des propos tenus n’implique pas qu’ils soient inoffensifs ou non stigmatisants108.
Notes
1 Cet article est issu de notre thèse de doctorat entamée en août 2012 à la Technische Universität de Berlin sous la direction de Werner Bergmann et Ulrich Wyrwa. Depuis septembre 2014, nous poursuivons cette recherche, soutenue par le Fonds van Buuren, en cotutelle avec l’Université libre de Bruxelles sous la direction de Jean-Philippe Schreiber. Dans le cadre de ce doctorat, nous nous attachons à appréhender l’impact de la Première Guerre mondiale sur la perception des étrangers juifs par la Police des Étrangers.
2 Il n’y a pas en Belgique de théoriciens s’appliquant à développer des théories antisémites, à l’exception d’Edmond Picard qui écrit en 1892 Synthèse de l’antisémitisme. L’opinion de ce dernier est partagée avec Jules Destrée et Léon Hennebicq, tous deux membres du POB, et qui publient également des articles antisémites dans Le Peuple, l’organe socialiste. D’après Jean Stengers, ces trois hommes sont extrêmement isolés, combattus et désavoués au sein du POB, notamment par Émile Vandervelde, mais sont tolérés au sein du parti. J. Stengers, « La Belgique, un foyer de dreyfusisme », dans Revue belge de philologie et d’histoire, Tome 82 fasc. 1-2, 2004. Histoire médiévale, moderne et contemporaine, p. 369. E. Picard, Synthèse de l’antisémitisme, Paris, 1892. Voir aussi : E. Picard, L’aryano-sémitisme, Bruxelles, 1898.
3 La caricature, notamment durant la Première Guerre mondiale « nourrit et renouvelle l’imaginaire collectif, en utilisant les stéréotypes […] et en simplifiant les situations. » Laurence van Ypersele, « Préface », dans P. Delcord, La Grande Guerre en caricatures. Une autre approche de l’Histoire, Bruxelles, 2014, p. 6.
4 Nous définissons « conditions sociales » comme étant le contexte motivant la production d’un discours justifiant un rapport de domination ou d’exclusion.
5 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs en 1889. Antisémitisme et discours social, Vincennes, 1989.
6 B. Herremans, Entre terreur rouge et peste brune, la Belgique livide (1818-1940). La diplomatie belge face aux Juifs et aux antisémites, Bruxelles, 2012.
7 Citons pour Maxime Steinberg (parmi d’autres) : M. Steinberg, L’Étoile et le fusil 1. La question juive. 1940-1942, Bruxelles, 1983 ; L’Étoile et le fusil 2. 1942. Les cent jours de la déportation, Bruxelles, 1984 ; L’Étoile et le fusil 3. La traque des Juifs. 1942-1944, 2 vols., Bruxelles, 1986. L. Saerens, Étrangers dans la cité. Anvers et ses Juifs (1880-1944), Bruxelles, 2005. R. Van Doorslaer (éd.), Les Juifs de Belgique, de l’immigration au génocide (1925-1945), Bruxelles, 1994. Id. (éd.), La Belgique docile. Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, 2007. Pour une bibliographie exhaustive, voir le travail considérable de la Fondation de la Mémoire contemporaine : Les Juifs de Belgique. Guide bibliographique, Bruxelles, 2e édition, 2014.
8 P. Assouline, Simenon, Paris, 1992 ; 2e édition, Paris, 1996 ; Id., Hergé, Paris, 1996. P. Aron et C. Vanderpelen-Diagre, Edmond Picard, un bourgeois socialiste belge à la fin du dix-neuvième siècle, Bruxelles, 2013.
9 L. Saerens, Étrangers…, op. cit., 2005.
10 Dont l’ouvrage le plus récent : Ph. Pierret, « La profanation des hosties de Bruxelles en 1370. Présence, récurrence et persistance d’un mythe », dans 800 ans de la Paroisse Notre-Dame de la Chapelle, Bruxelles, 2010, pp. 3-39. G. J. Weil, « L’affaire Mortara et l’anticléricalisme en Europe à l’époque du Risorgimento », dans J. Marx (éd.), Aspects de l’anticléricalisme du Moyen Âge à nos jours, Bruxelles, 1988, pp. 103-134. J. Stengers, « La Belgique et l’Affaire Dreyfus », dans Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences Morales et Politiques de l’Académie Royale de Belgique, t. VI, 1-6, 1995, pp. 69-105 ; Id., « La Belgique, un foyer de dreyfusisme », dans M. Denis, M. Lagrée, J.-Y. Veillard (éds.), L’affaire Dreyfus et l’opinion publique, en France et à l’étranger, Rennes, 1995, pp. 273-290.
11 J.-Ph. Schreiber, « La diabolisation du judaïsme dans l’antimaçonnisme belge », dans L. Reggiani (éd.), Massoneria et cultura. Il contributo della Massoneria alla formazione della cultura nel Belgio francofono (1830-1914), Bologne, 2000, pp. 69-115.
12 J. Vogel, « Introduction », dans M. Liebman, Figures de l’antisémitisme, Bruxelles, 2009, p. 7.
13 Comme le souligne Joël Kotek dans sa préface du livre de Bertrand Herremans, jusqu’ici les recherches sur l’antisémitisme n’évoquaient pas le « possible habitus antisémite séculaire propre aux provinces de Belgique ». J. Kotek, « Préface », dans B. Herremans, Entre terreur rouge…, op. cit., p. 7.
14 Selon la définition adoptée à l’International Holocaust Remembrance Alliance le 26 mai 2016, dont l’UNESCO, l’Organisation des Nations Unies ainsi que la plupart des pays occidentaux sont membres.
15 Cf. J. Schäfer, Vermessen – gezeichnet – verlacht. Judenbilder in populären Zeitschriften 1918-1933, Frankfurt-New York, 2005, p. 13, nbp. 2.
16 O. Klein et Ch. Leys, « Stéréotypes, préjugés et discrimination », dans L. Bègue et O. Desrichards (éds.), Traité de psychologie sociale : La science des interactions humaines, Bruxelles, 2013, p. 303.
17 L. Saerens, « Belgische Gruppierunge der “Neuen Ordnunge” und die Juden (1918-1944) », dans H. Graml - J. Wetzel (éds.), Vorurteil und Rassenhass. Antisemitismus in den faschistischen Bewegungen Europas, Berlin, 2001, p. 131.
18 P. Aron et C. Vanderpelen-Diagre, Edmond Picard…, op.cit., Bruxelles, 2013, p. 103.
19 M. Allal, « Antisémitisme, hiérarchies nationales et de genre : reproduction et réinterprétation des rapports de pouvoir », dans Raisons politiques, 24, 2006/4, p. 125.
20 Chr. Charle, Le siècle de la presse. 1830-1930, Paris, 2004, pp. 16-21.
21 Concernant l’attitude de l’autorité allemande à l’égard de la censure : M. Amara et H. Roland, Gouverner en Belgique occupée. Oscar von der Lancken-Wakenitz. Rapports d’activités 1915-1918. Édition critique, Bruxelles, 2004.
22 Le XXe Siècle est le quotidien catholique le plus lu sur le front avec 105.000 exemplaires en juillet 1916 ; L’Écho de la Presse Internationale est un quotidien paraissant à Bruxelles à 18.000 exemplaires en mai 1915 ; L’Écho de Liège est un quotidien paraissant à Liège ; L’Indépendance Belge continue d’abord à paraître en « territoire libre », pour se replier ensuite à Gand et ensuite à Ostende pour finalement paraître en Grande-Bretagne à partir du 21 octobre 1914. Il sera diffusé aussi sur le continent via la France et les Pays-Bas. Le 18 novembre 1918, L’Indépendance Belge reparaît à Bruxelles alors qu’il continue à Londres jusqu’au 26 novembre de la même année ; Le Bruxellois est un quotidien paraissant à Bruxelles à 58.000 exemplaires en mai 1915 et à 100.000 en 1917 ; Le Messager de Bruxelles est un quotidien paraissant à Bruxelles et tirant à 16.000 exemplaires en mai 1915 ; Le Quotidien est un journal paraissant à Bruxelles et tirant à 12.000 exemplaires en mai 1915 ; La Libre Belgique, organe catholique et clandestin, a publié 171 numéros de février 1915 à novembre 1918, dont certains sont tirés à 20.000 exemplaires. Cf. J. Gotovitch, Contribution à l’histoire de la presse censurée. 1914-1918, Mémoire de licence inédit, Bruxelles, ULB, 1961 ; A. Tixhon, « La presse belge sous contrôle », dans Journaux de Guerre 1914-1918, n° 9 ; E. Debruyne, La presse clandestine pendant la guerre, à consulter sur : http://warpress.cegesoma.be/fr/node/12.
23 Pour l’usage des caricatures comme sources historiques : J. Schäfer, Vermessen…, op. cit., pp. 29-31. Nous remercions Gertjan Desmet, archiviste aux Archives générales du Royaume (AGR), de nous avoir procuré notamment le dossier d’étranger de Fritz Norden et la notice biographique du Biographisches Handbuch des deutschen Auswärtigen Dienstes.
24 Exemple cité par Jean Stengers : Georges Rodenbach était français et Teste était un Belge vivant à Paris. Ces deux journalistes ont écrit dans la presse catholique belge des articles témoignant de leur solidarité avec les antisémites français. J. Stengers, « La Belgique… », op. cit, p. 368.
25 E. Defoort, « L’Action Française dans le nationalisme belge 1914-1918 », dans Revue belge d’Histoire contemporaine, 1976, VII, 1-2, p. 131. Nous nous éloignons par ailleurs des positions politiques actuellement prises par cet historien. R. Aubert, « Les démarches du cardinal Mercier en vue de l’octroi à la Belgique d’un mandat sur la Palestine », dans Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, Bruxelles, 5e série, vol. LXV, 1978, pp. 166-228. Pour plus d’informations concernant l’intérêt de la Belgique à obtenir un mandat sur la Palestine : M. De Waele, « Een verwaarloosd aspect van de Belgische buitenlandse politiek, 1914-1918. De Belgische interesse voor de voogdij over Palestina », dans Revue belge d’histoire contemporaine, t. VII, 1976, p. 94.
26 D’après un article de Simon Deploige (1868-1927), homme politique catholique belge, sénateur et prêtre, Saint-Thomas promeut l’exclusion des juifs des postes liés à l’État, mais également l’absence de contacts entre chrétiens et juifs. Il s’oppose par ailleurs à la conversion forcée des juifs au catholicisme. S. Deploige, « Saint Thomas et la question juive », dans Revue néo-scolastique, 3° année, 12, 1896, pp. 358-379.
27 À partir de 1920, La Revue latine, aussi soutenue par le cardinal Mercier, consacre une « Chronique Contre-Révolutionnaire » sous la direction du publiciste français Jean Maxe et dont les écrits sont « un mélange d’antibolchévisme obsessionnel et d’antisémitisme vulgaire. » dans E. Defoort, « Le courant réactionnaire dans le catholicisme francophone belge. 1918-1926 », dans Revue belge d’histoire contemporaine, n° VIII, 1977, p. 114. R. Aubert, « Les démarches du cardinal Mercier en vue de l’octroi à la Belgique d’un mandat sur la Palestine », dans Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, Bruxelles, 5e série, vol. LXV, 1978, p. 181.
28 L. Saerens, « L’attitude du clergé catholique belge à l’égard du judaïsme (1918-1947) », dans R. Van Doorslaer (dir.), Les Juifs de Belgique…, op. cit., p. 26. E. Defoort, « Le courant réactionnaire… », op. cit., pp. 94-99.
29 L. Saerens, « L’attitude du clergé catholique belge… », op. cit., pp. 15-16.
30 Le fonds Keym des archives de la Ville de Bruxelles offrant une collection de caricatures datant de la guerre en témoigne.
31 La Marolle est un quartier bruxellois qui se situe à l’intérieur de la petite ceinture. Il est connu pour sa forte population immigrée, notamment d’origine juive polonaise, dans l’entre-deux-guerres. Lire à ce sujet : S. Taschereau, V. Piette, É. Gubin, « L’immigration à Bruxelles dans les années trente. Le cas particulier des commerçants étrangers », dans Cahiers d’histoire du temps présent, n° 9, 2001, pp. 7-62.
32 L’auteur de cette carte postale, René Barbier d’après sa signature, n’a pas pu être formellement identifié. Carte postale de la Bibliothèque royale de Belgique consultée sur le site europeana : http://uurl.kbr.be/1034274 ?bt=europeanaap.
33 Dossier entièrement consacré aux colporteurs juifs et produit par la Police des Étrangers : AGR, Sûreté publique, Police des Étrangers, Dossiers généraux, 1er versement, n° 575.
34 On retrouve par exemple dans un article au sujet de l’Orloss, un célèbre diamant : « Un marchand juif s’en rendit possesseur pour 300,000 francs, et la revendit 2,250,000 francs à l’impératrice Catherine II ; le vendeur devait, en outre, recevoir une rente viagère de 100,00 francs. » dans L’Écho de Liège, 16 juin 1915.
35 « Une assistante sociale qui a travaillé dans Les Marolles avant la guerre [la Deuxième Guerre mondiale] rappelle dans ses souvenirs l’hostilité larvée de certains à l’égard des Juifs polonais : “ils étaient supportés, tolérés, enviés aussi parce qu’ils ont incontestablement la bosse du commerce…” » A. Geeraerts, Vingt années de travail social dans Les Marolles. Souvenirs et expériences, Louvain/Bruxelles, 1948, pp. 36-37. Cité dans S. Taschereau, V. Piette, É. Gubin, « L’immigration à Bruxelles… », op. cit., p. 50.
36 Bien qu’elle soit accompagnée d’enfants, on la désignera comme « seule » parce qu’elle n’est pas accompagnée d’une présence masculine adulte. Bien que cette expression soit à l’évidence problématique, nous l’utilisons parce qu’elle renvoie à une représentation patriarcale selon laquelle une femme avec ses enfants, mais sans son époux, symbolise une proie par excellence, puisque son mari n’est pas là pour la protéger.
37 K. Hödl, Die Pathologisierung des jüdischen Körpers. Antisemitismus, Geschlecht und Medizin im Fin de Siècle, Vienne, 1997, pp. 151-163. Sur les discussions « scientifiques » concernant les soi-disant caractéristiques physiques du juif : ibid., pp. 251-264.
38 « Il se trouve partout des traîtres et des marchands juifs », dans L’Indépendance Belge, 30 avril 1918.
39 S. A., « À Malines », dans L’Indépendance Belge, 8 août 1918.
40 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., p. 131.
41 E. Picard rédige cette dédicace dans l’exemplaire de son livre offert à É. Drumont : « À Monsieur Édouard Drumont, qui plus précisément que tout autre a su en ce siècle donner au problème sémitique sa véritable importance et sa juste orientation – 4 avril 1892 (exemplaire dans la collection de M. Michel Hainaut, à Bruxelles) », dans J. Stengers, « La Belgique… », op. cit. p. 369, note 51.
42 O. Klein et Chr. Leys, « Stéréotypes… », op. cit., p. 324.
43 O. Klein, « L’expression des stéréotypes et des représentations groupales : cognition, stratégie, politique », dans J.-L. Beauvois, R.-V. Joule, J.-M. Monteil, Perspectives cognitives et conduites sociales, Vol. IX, Rennes, 2004, p. 3. L’endogroupe est le groupe auquel on appartient, tandis que l’exogroupe est celui auquel on n’appartient pas.
44 H. Segaert, « La préparation allemande en Turquie », dans L’Indépendance Belge, 29 novembre 1915.
45 Ceges, Collection Jacques De Vriendt – Mores Roza, cartes postales illustrant la Première Guerre mondiale, 1914-1918, Image n° 152433, à consulter sur le site du Ceges. Cette carte postale n’a pas pu être datée, mais d’autres cartes postales reprenant les mêmes figures – bien que sans connotation antisémite – datant de la guerre ont été retrouvées. Par exemple : H. Pirenne, « L’invasion du pays », dans Histoire de Belgique, Tome n° 4, Bruxelles, 1952, p. 287.
46 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., pp. 130-131.
47 L’absence de muscle de la figure du juif a pour objectif de féminiser son corps, mais également de contribuer à l’idée que les juifs manquent d’exercices physiques, donc sont incapables d’être de bons soldats, en raison de leur formation trop religieuse. Dans K. Hödl, Die Pathologisierung…, op. cit., pp. 167-177 et pp. 288-291.
48 Par exemple, un article concernant les « Juifs Prussiens » est titré « Toujours les Prussiens ! » M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., p. 69.
49 Il ressort de notre dépouillement que sur 30 articles représentant un ou des juifs négativement, 27 n’ont pas de titre reprenant le terme « juif » ou « israélite ». Par exemple des articles concernant une agence juive-allemande rapportant de fausses informations : S. A., « À quelles inventions on recourt pour chauffer l’enthousiasme allemand », dans Le XXe Siècle, 15 août 1914 ; S. A., « Comment l’Allemagne travaille l’opinion russe. », dans Le XXe Siècle, 30 août 1917.
50 S. A., « Sous le joug allemand, les méthodes de la police boche », dans L’Indépendance Belge, 28 juin 1918.
51 S. A., « À propos des travaux du camp retranché », dans L’Indépendance Belge, 2 juillet 1915.
52 J.-B. Légal et S. Delouvée, Stéréotypes, préjugés et discriminations, Paris, 2008, pp. 70-71.
53 M. J. Herskovits, Les bases de l’anthropologie culturelle, Paris, 1967, p. 51 et p. 59.
54 S. A., « Les Allemands dans la zone d’Arlon », dans L’Indépendance Belge, 11 mai 1918.
55 L’Excelsior – Pierre Millet, « L’intérêt du projet sioniste pour l’Allemagne », dans la rubrique « ce qu’il y a dans les journaux de Paris et d’ailleurs », dans Le XXe Siècle, 5 octobre 1917. H. Segaert, « La préparation allemande en Turquie », dans L’Indépendance Belge, 29 novembre 1915.
56 Parmi d’autres : « 80 marks pour 100 francs. C’est là une “bedide opération” qui rapportera aux juifs qui nous oppriment une jolie somme chaque mois sur les 40 millions », dans S.A., « La nouvelle contribution de guerre en Belgique », dans L’Indépendance Belge, 10 décembre 1915 ; « Dans le village de Bourg-Léopold – où s’élève le camp improprement appelé de Beverloo – est venue se fixer une population interlope, composée en grande partie de Juifs allemands, qui vivent en parasites de l’armée », dans S.A., « L’occupation des villas », dans L’Indépendance Belge, 14 décembre 1915.
57 F. Norden, La Belgique neutre et l’Allemagne selon les hommes d’État et juristes belges, Bruxelles, 1915. D’après le Biographisches Handbuch des deutschen Auswärtigen Dienstes (J. Hürter, M. Kröger et R. Messerschmidt, Biographisches Handbuch des deutschen Auswärtigen Dienstes 1871-1945, Paderborn, 2000, pp. 379-380), Fritz ou Friederich (1881-1932) Norden serait protestant. Cette information que nous n’avons pas pu confirmer par d’autres sources indique que Fritz Norden se serait converti puisque son père était connu comme commerçant juif (cf. W. Harmelin, « Jews in the Leipzig für Industry », dans Leo Baeck Institute Yearbook, 1964, 9-1, p. 266). Son ouvrage La Belgique neutre et l’Allemagne selon les hommes d’État et juristes belges est par ailleurs truffé de références positives au christianisme et à la “race aryenne”. Docteur en droit (1904) et avocat à la Cour d’Appel de Bruxelles, Fritz Norden est rayé du Barreau de Bruxelles en 1919 (M. Amara et H. Roland, Gouverner en Belgique occupée. Oscar von der Lancken-Wakenitz. Rapports d’activité 1915-1918, Édition critique, Bruxelles, 2004, p. 156).
58 F. Norden, Onzijdig België en Duitschland volgens de Belgische Staatslieden en Rechtsgeleerden, Brussel, 1915. Pour le public allemand, une traduction sera éditée ainsi qu’un Handbuch der Rechtsverfolgung in Belgien.
59 S. A., « L’œuvre d’un ingrat », dans L’Impartial, 16 septembre 1915.
60 A. Tixhon, « La presse… », op. cit.
61 La Flamenpolitik est également un outil servant à l’autorité allemande à justifier la guerre puisque la Belgique n’est alors plus considérée comme une nation, mais un État artificiel. S. De Schaepdrijver, « Deux patries. La Belgique entre exaltation et rejet, 1914-1918 », dans Cahiers d’Histoire du Temps présent, n° 7, 2000, p. 20 et p. 35.
62 Albert Van de Kerckhove (Roubaix 1865 – Schaerbeek 1950) est un avocat bruxellois. Ses articles dans La Libre Belgique clandestine lui valurent une condamnation aux travaux forcés. Dès la fin 1916, il devient le numéro un du journal. L. Bertelson, Dictionnaire des journalistes-écrivains de Belgique, Bruxelles, 1960, p. 115. S. De Schaepdrijver, « Ô faiseuse de crépuscule. Deutschlandbilder in Belgien im Grossen Krieg », H. Roland, M. Beyen, G. Draye (éd.), Deutschlandbilder in Belgien 1830-1940, Münster, 2011, p. 308. Pour avoir la liste complète des articles écrits dans La Libre Belgique pendant la guerre avec le nom des auteurs : http://adore.ugent.be/OpenURL/app ?type=carousel&id=archive.ugent.be :E68B3736-1725-11E2-A8D9-5A520D0ED9C1.
63 Fidélis, « Une saleté », dans La Libre Belgique, octobre 1915.
64 Ibid.
65 Cette pratique est courante dans les colonnes de La Libre Belgique comme l’utilisation d’une orthographe des mots pour imiter l’accent allemand.
66 Cureghem est un quartier bruxellois situé à Anderlecht, entre la petite ceinture, le canal et les chemins de fer de la gare du Midi. Ce quartier est connu au XIXe siècle pour les nombreux colporteurs hollandais d’origine juive qui y habitent. Après la guerre beaucoup de maroquiniers vont y ouvrir boutique. J.-Ph. Schreiber, L’immigration juive en Belgique du moyen âge à la Première Guerre mondiale, Bruxelles, 1996, p. 112.
67 Le magasin sera déplacé rue de Laeken 45 (Almanach des professions 1909 et 1914).
68 Leszno ou Lissa en allemand se trouve en Voïvodie de Grande-Pologne. Avant la Première Guerre mondiale, cette ville se trouvait dans la province de Posen, qui était alors en Prusse.
69 AGR, Police des Étrangers, Dossier individuel n° 786 712, lettre du Parquet de la Cour d’appel au ministre de la Justice, le 19 novembre 1919.
70 En italique dans l’article.
71 Fidélis, « Une saleté », op. cit. En italique dans l’article.
72 Ibid.
73 Ibid.
74 « Épitaphe pour Fritz Norden », dans Pourquoi Pas ? Pendant l’Occupation, 25 août 1915, p. 101.
75 Le Quotidien, Gazet van Brussel, Le Bruxellois, La Meuse, Het Vlaamsche Nieuws – Vlaamsche Gazet et Le Bien Public mentionnent Fritz Norden. Tous sont soumis à la censure allemande et évidemment aucun d’entre eux ne se permet de critiquer Fritz Norden.
76 Après plusieurs échecs professionnels, Victor Jourdain (1841-1918) fonde avec son frère Louis Jourdain à Bruxelles Le Patriote dont l’objectif est de concurrencer la presse libérale et de défendre la cause de l’Église catholique. Le 1er février 1915, Victor Jourdain écrit entièrement le premier numéro de La Libre Belgique qui paraît alors durant toute l’Occupation. Il meurt quelques semaines avant la fin de la guerre. Lorsque Le Patriote reparaît en 1918, il prend le nom de La Libre Belgique (Biographie nationale, t. 38, supplément t. X, Bruxelles, 1973, pp. 402-414).
77 Sophie De Schaepdrijver dit ne pas trouver dans les colonnes de ce journal d’essentialisation des Allemands. Le cas Norden montre pourtant que les Allemands comme les juifs y sont essentialisés. S. De Schaepdrijver, « Ô faiseuse de crépuscule… », op. cit., p. 307. O. Klein et Ch. Leys, « Stéréotypes… », op. cit., p. 327.
78 D. R., « Les Norden. À propos d’une brochure boche », L’Indépendance Belge, 12 octobre 1915.
79 Ibid.
80 Ibid.
81 En septembre 1916, cette demande va être réitérée, mais cette fois elle viendra directement des autorités allemandes et ne passe plus par l’intermédiaire de l’intéressé. AGR, Police des Étrangers, Dossier individuel n° 786 712, lettre de la Kommandantur adressée au directeur général de la Sûreté, le 1er septembre 1916 ; Ibid., lettre de Fritz Norden adressée au directeur général de la Sûreté, le 11 juin 1915.
82 S. A., « En Belgique. À Bruxelles », dans L’Écho Belge, le 8 février 1916.
83 S. A., « Un de leurs agents », dans Le XXe Siècle, le 16 février 1916. S.A., « En Belgique. À Bruxelles », dans L’Écho Belge, le 8 février 1916.
84 Fernand Neuray (1874-1934), dont le pseudonyme est Tallerey, est rédacteur en chef du XXe Siècle et directeur-fondateur de la Nation Belge (1918). L. Bertelson, Dictionnaire des journalistes…, op. cit., p. 88. À l’armistice, la direction du XXe Siècle est reprise par l’abbé Wallez. Ce dernier, séduit par les écrits de Charles Maurras, continuera la ligne éditoriale suivie par Fernand Neuray. « Sous la plume de Neuray, on peut aussi lire occasionnellement des diatribes dans le genre de “la juiverie tient à ce que la Belgique reste neutre” » (Neuray à de Broqueville, 6.1.1917 ; AGR, Pap. Broq., no. 165). » Dans E. Defoort, « L’Action Française… », op. cit., p. 131, note 76. Pour rappel, Eric Defoort et Roger Aubert ont chacun démontré que la plupart des attaques formulées dans la presse catholique contre les juifs doivent être mises en relation avec la volonté des catholiques conservateurs d’obtenir un mandat belge en Palestine. La campagne pour un mandat belge en Palestine est relayée dans les colonnes du XXe Siècle et puis dès 1918, lorsque Fernand Neuray en devient le rédacteur en chef, dans celle de La Nation Belge. L. Saerens, Étrangers…, op. cit., p. 284. R. Aubert, « Les démarches du cardinal Mercier… », op. cit., p. 177.
85 Le Peuple, le 2 décembre 1922.
86 « Chronik », dans Deutsch-Französische Rundschau, t. V, n ° 7, Berlin-Grunewald, juin 1932, p. 491.
87 M. Jeismann, Vaterland der Feinde. Studien zum nationalen Feindbegriff und Selbstverständnis in Deutschland und Frankreich 1792-1918, Stuttgart, 1992, pp. 349-363.
88 Le cas de Fritz Norden représente une exception qui sera analysée plus loin.
89 J. Schäfer, Vermessen – gezeichnet…, op. cit., p. 52.
90 « Cette syntagmique [caractérisation par une succession de traits et de manifestations idiosyncrasiques] construit sans avoir à l’objectiver, un paradigme d’identité, comme si cette identité était perçue dans son émergence aléatoire, abandonnant au lecteur la possibilité d’induire les généralisations qui ne seront jamais posées comme la finalité explicite du discours. » M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., p. 157. J. Schäfer, Vermessen – gezeichnet…, op. cit., pp. 108-112.
91 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit, p. 69.
92 Ibid.
93 G. Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France, Fayard, 2014, p. 231.
94 Ibid, p. 161.
95 S. De Schaepdrijver, « Deux patries… », op. cit., pp. 17-49.
96 J. Schäfer, Vermessen – gezeichnet…, op. cit., 2005, p. 49.
97 M. Angenot, « Le discours social : problématique d’ensemble », dans Cahiers de recherche sociologique, vol. 2, n° 1, 1984, p. 21.
98 D’ailleurs, le terme « stéréotype » vient étymologiquement de « stéréo » et « typos » en grec. « Typos » signifie « caractère » et « stéréo », « fixe ». Le stéréotype était initialement utilisé dans le domaine de l’imprimerie, et signifie « un coulage de plomb dans une empreinte destinée à la création d’un “cliché” typographique. » Par cette technique, il permet une impression qui a l’avantage d’être rapide, peu coûteuse, même si elle n’offre pas une bonne qualité. Dans Stroebe et Insko, 1989. Cités dans V. Yzerbyt et G. Schadron, « Stéréotypes et jugement social », dans R. Bourhis, J.-Ph. Leyens et A. Azzi, Stéréotypes, discriminations et relations intergroupes, Liège, 1994, p. 129.
99 O. Klein, « L’expression des stéréotypes... », op. cit., p. 3.
100 M. Angenot, Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., p. 63.
101 J.-Ph. Schreiber, « Margulies, Berthold », dans J.-Ph. Schreiber (dir.), Dictionnaire biographique des Juifs de Belgique. Figures du judaïsme belge XIXe – XXe siècles, Bruxelles, 2002, p. 241.
102 Justin Wallon (Paul Gérardy), « Le véritable Berthold Margulies », dans L’Indépendance Belge, 14 août 1917. Cet article est suivi de deux autres publiés le 18 et 22 août 1917. Paul Gérardy (Saint-Vith 1870 – Bruxelles 1933) écrit aussi sous le pseudonyme de Jim, Gy ou Hamilcar. Il est rédacteur en chef du Messager de Bruxelles (journal censuré paraissant à Bruxelles pendant la guerre) et de Réalités et a été directeur-fondateur de la revue Floréal (1892-1893). L. Bertelson, Dictionnaire des journalistes-écrivains…, op. cit., p. 59.
103 F.B., « “Intègre-toi le basané”, “Rentre chez toi”... : les élus aussi sont les cibles du racisme », dans La Libre Belgique, publié le mardi 19 janvier 2016 (18h 27) – Mis à jour le mercredi 20 janvier 2016 (12h07). Consulté le 7 juillet 2016. http://www.lalibre.be /actu/politique-belge/integre-toi-le-basane-rentre-chez-toi-les-elus-aussi-sont-les-cibles-du-racisme-569e71e73570b38a583cc295#03ede
104 Des phénomènes similaires se manifestent à l'occasion de remarques homophobes et sexistes.
105 G. Noiriel, Immigration…, op. cit., p. 232.
106 Par discours social, Marc Angenot entend « les règles discursives et topiques qui organisent [le narrable et l’argumentable dans une société donnée], sans jamais s’énoncer elles-mêmes. L’ensemble – non nécessairement systémique, ni fonctionnel – du dicible, des discours institués et des thèmes pourvus d’acceptabilité et de capacité de migration dans un moment historique d’une société donnée. » Dans M. Angenot, « Le discours social… », op. cit., p. 20. Id., Ce que l’on dit des Juifs…, op. cit., p. 154.
107 Chr. Chivallon, « Retour sur la “communauté imaginée” d’Anderson. Essai de clarification théorique d’une notion restée floue », dans Raisons politiques, 27, 2007/3, pp. 138-139. B. Anderson, L’imaginaire national. Réflexions sur les origines et l’essor du nationalisme, Paris, 2002.
108 Pour Valérie Sala Pala, le concept de racisme institutionnel présente l’intérêt de souligner que le racisme ne se limite pas à une idéologie exprimée ou à des actions visiblement racistes, mais imprègne aussi le fonctionnement « aveugle » des institutions, fonctionnement qui reproduit silencieusement les inégalités ethniques. V. Sala Pala, « Faut-il en finir avec le concept de racisme institutionnel ? », dans Regards sociologiques, n° 32, 2010, p. 31.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Les Juifs marolliens sous l’Occupations. |
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Légende | Caricature d’un fripier de la Marolle, 1916. |
Crédits | © KBR. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/docannexe/image/335/img-1.png |
Fichier | image/png, 555k |
Titre | Représentation iconographique de Juifs. |
Légende | Caricature d’un colporteur, 1914-1916. |
Crédits | © Collection privée Arthur Langerman. Tous droits réservés. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/docannexe/image/335/img-2.png |
Fichier | image/png, 742k |
Titre | Tentative d’achat de la Belgique. |
Légende | Les Juifs représentés comme agents de l’empire allemand. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/docannexe/image/335/img-3.png |
Fichier | image/png, 446k |
Titre | La « petite » Belgique héroïque. |
Légende | Dessin illustrant la résistance belge, 1914. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/docannexe/image/335/img-4.png |
Fichier | image/png, 796k |
Pour citer cet article
Référence papier
Yasmina Zian, « L’Affaire Norden. Le “judéo-boche” dans la presse belge (1914-1918) », Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine, 12 | 2016, 223-256.
Référence électronique
Yasmina Zian, « L’Affaire Norden. Le “judéo-boche” dans la presse belge (1914-1918) », Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine [En ligne], 12 | 2016, mis en ligne le 05 novembre 2019, consulté le 21 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/335 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cmc.335
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