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L’internement de Juifs allemands à la Libération en Belgique

Catherine Massange
p. 191-221

Texte intégral

  • 1 Archives Générales du Royaume (AGR), Police des Étrangers (PE), Dossier individuel de S. Pour respe (...)

1« Nous ne sommes que des Juifs malheureusement de nationalité allemande » : cette phrase est extraite d’une lettre de S. écrite de la prison de Saint-Gilles, à l’adresse du ministre de la Justice, le 22 septembre 19441. Les Juifs allemands furent persécutés dans leur pays dès l’accession au pouvoir du nazisme en 1933. Des milliers d’entre eux fuirent notamment vers la Belgique où l’avancée des troupes allemandes et l’Occupation les surprirent. Peu survécurent à la Shoah. Dès la libération du pays, ils devinrent instantanément des “ennemis”, venant d’un pays avec lequel la Belgique était encore en guerre. Certains furent donc arrêtés et internés pour cette raison.

  • 2 Musée Juif de Belgique (MJB), Archives du COREF, boîte 1, inv. 1, « Comité Israélite des Réfugiés, (...)

2Un comité se crée en décembre 1944 pour défendre les droits des réfugiés juifs allemands et autrichiens en Belgique : le COREF (Comité israélite des Réfugiés Victimes des Lois raciales). Une première assemblée générale se tient en janvier 1945. Les statuts paraissent au Moniteur en juillet 19452. Un article prévoit la possibilité d’exclusion de celui qui par « faits, paroles ou écrits, porte atteinte aux intérêts de la Belgique ou de ses alliés. »

  • 3 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13.
  • 4 MJB, COREF, boîte 5, inv. 15, questionnaire rempli par le frère de L., 5 novembre 1945.
  • 5 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaire rempli par K., 20 février 1945.
  • 6 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaire rempli par C., 31 janvier 1945.
  • 7 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13 ; boîte 4, inv. 14 ; boîte 5, inv. 15 ; boîte 6, inv. 16.

3Les questionnaires (de 12 pages) que le COREF envoie à ses membres pour mieux les protéger prévoient dans la rubrique « événements après la Libération » une question : « Avez-vous été arrêté ? ». Une vingtaine de Juifs allemands se plaignent au COREF d’avoir été emprisonnés à la Libération. La question suivante concerne le motif de l’arrestation3. Le frère de L. remplit : « Ohne Grund, er hat auf der Strasse deutsch gesprochen » (« Sans motif, il a parlé en allemand dans la rue »)4. K. répond à cette question : « Ist bis zum Schluss unbekannt geblieben. » (« Est resté inconnu jusqu’à la fin »)5. C. écrit : « Dénonciation »6. Plusieurs indiquent que la seule raison est bien leur origine allemande7.

4Essayant de sortir des prisons où ils étaient détenus, ils se virent obligés de décrire en détail leur parcours et justifier le moindre de leur choix vis-à-vis des autorités belges. À travers quelques cas, on peut suivre la longue suite d’obstacles auxquels ils furent confrontés ainsi que les stratégies qu’ils déployèrent pour les surmonter et les aides et solidarités qu’ils rencontrèrent éventuellement sur leur chemin.

5Ces situations personnelles donnent une image de ce que vécurent ces réfugiés juifs allemands. La spécificité de leur sort font d’eux des exceptions au regard du tableau général de la déportation des Juifs de Belgique et de l’ensemble des Juifs allemands, déportés ou survivants, sur le territoire national. Certains Juifs allemands ne furent pas internés, mais soumis à des procédures de contrôle policier à la Libération, plus ou moins sévères, parfois inexistantes selon les cas.

6Il faut aussi noter que ceux qui se plaignent au COREF estiment évidemment que leur internement n’a d’autre justification que leur nationalité et leur origine, et que le fait de s’adresser pour se défendre à une organisation implique déjà une volonté et une capacité d’action que n’ont pas pu avoir ceux qui étaient dans les mêmes situations, mais dont les persécutions avaient épuisé toutes les ressources. Les quelques cas repris ci-après décrivent leur sort et les mécanismes dans lesquels ils vont se trouver piégés.

L’application en 1944 de l’arrêté-loi du 12 octobre 1918

  • 8 Voir notamment N. Wouters, « La reconnaissance d’après-guerre », dans R. Van Doorslaer (dir.), La B (...)

7Début septembre, la libération de la capitale n’est pas la fin de la guerre. Le pays prend des mesures pour arrêter tous les “suspects”. Mais se pose aussi la question des étrangers présents sur son territoire. Certains sont donc originaires de pays avec lesquels la Belgique est encore en guerre : ils seront dès lors internés8.

  • 9 AGR, PE, 1113, « Législation de guerre relative aux étrangers et suspects, au regard spécifique de (...)
  • 10 Voir E. Debruyne, « Réfugiés et étrangers dans un pays sur pied de guerre (septembre 1939 - mai 194 (...)
  • 11 E. Debruyne, « La Police des Étrangers », dans R. Van Doorslaer (dir.), La Belgique docile…, op. ci (...)

8Les réfugiés allemands ayant fui le nazisme avant-guerre avaient déjà été l’objet d’un internement administratif le 10 mai 1940, mesure préparée par un durcissement progressif du contrôle des ressortissants étrangers considérés comme suspects dans un climat de méfiance croissante. Un arrêté-loi du 28 septembre 1939 prévoyait que « les étrangers qui ont pénétré ou qui séjournent dans le royaume sans l’autorisation requise ainsi que les étrangers dont la présence est jugée nuisible ou dangereuse pour la sécurité ou l’économie du pays peuvent être expulsés par le ministre de la Justice ou être contraints par lui de s’éloigner de certains lieux, de résider dans un lieu déterminé et même être internés. »9 Le 10 mai 1940, les autorités belges arrêtèrent ainsi des milliers de personnes suspectes (belges et étrangères) ou ressortissants ennemis. Plusieurs milliers de Juifs étrangers arrêtés, après avoir été évacués vers la France et enfermés là dans des camps d’internement, seront déportés de France vers Auschwitz10. Durant l’Occupation, la Police des Étrangers alléguera encore l’arrêté-loi du 28 septembre 1939 pour interner des étrangers en situation irrégulière11.

  • 12 G. Cassart, Internement des Suspects et des Étrangers. Arrêté-loi du 12 octobre 1918 et son applica (...)
  • 13 AGR, PE, 1113, Circulaire du ministre de la Justice concernant l’application de l’arrêté-loi du 12 (...)

9Alors que la fin de la guerre semble très proche, un arrêté-loi du 12 octobre 1918 est réactivé et des mesures d’application sont prises pour mettre en œuvre ses dispositions en 194412 : le 21 août 1944, le gouvernement belge décide que seront internés « les étrangers dont la présence est dangereuse pour le maintien de l’ordre public. […] » « Sont compris dans cette catégorie notamment les ressortissants allemands ou d’États alliés de l’Allemagne, âgés de plus de 16 ans accomplis qui se trouveraient sur le territoire du Royaume. »13

  • 14 Service des Victimes de la Guerre (SVG), Dossier de Georges Cassart.
  • 15 G. Cassart, op. cit., p. 12 et p. 26.
  • 16 Ibid., p. 26.

10Peu après la Libération, l’avocat et résistant Georges Cassart explique les mesures prises dans une brochure14. La circulaire place les « ressortissants allemands » dans la catégorie des « personnes qui doivent être internées », ce qui est différent, ainsi que le souligne Cassart, des personnes qui « peuvent » être internées15. Et Cassart remarque immédiatement : « Or parmi ces ressortissants allemands, vivent des Juifs allemands qui se sont cachés pendant toute l’Occupation. »16

  • 17 Ibid., op. cit., p. 21.
  • 18 Ibid., op. cit., p. 24.
  • 19 Ibid., op. cit., p. 34.

11Cassart détaille : « Les Parquets militaires n’avaient pu être réinstallés par un simple coup de baguette ; les juridictions civiles momentanément assumées pour suppléer à l’absence des juridictions militaires étaient trop habituées au respect des libertés individuelles pour prendre à l’égard des traîtres les mesures de détention préventive que l’opinion publique exigeait avec fracas. Il fallait en attendant que tous les cas soient étudiés, instruits, défrichés, maintenir les suspects en dehors de la vindicte publique. La circulaire n° 340 du ministre de la Justice donna donc des instructions pour que l’arrêté-loi du 12 octobre 1918 soit appliqué à tous les suspects. »17 L’internement est en principe une mesure administrative, mais Cassart ajoute que souvent l’arrestation des suspects a pris « l’aspect d’une procédure pénale contre eux »18 ; il la justifie en reconnaissant que beaucoup d’arresta­tions furent effectuées sans qu’on ait le temps de réunir des pièces à conviction, « souvent suivant simplement les rumeurs populaires du quartier »19.

  • 20 Le Peuple, « La cinquième colonne se reforme », 15 septembre 1944, p. 2.
  • 21 G. Cassart, op. cit., p. 30.

12L’opinion publique peut difficilement à l’époque douter de mesures vues comme nécessaires pour protéger la Belgique, toujours en guerre avec un pays dont des ressortissants sont encore présents sur son territoire. Le journal Le Peuple écrit le 15 septembre 1944 que d’après des « sources sûres », « la cinquième colonne en Belgique est en train de se reformer et qu’elle va retravailler pour les Allemands. Les hommes qui ont cette intention envisagent d’abattre chez eux ou dans la rue, à la faveur de l’obscurité, l’hiver étant proche, tous les bons citoyens qui ont dénoncé des traîtres. C’est pourquoi il est urgent qu’on agisse et qu’on arrête de nouveau, sur le pied de l’arrêté­loi du 12 octobre 1918, qui permet de mettre tous les suspects à la disposition du Ministère de la Justice, tous ceux qui, de près ou de loin, ont aidé l’occupant. Déjà la police agit dans ce sens, c’est très bien. »20 Cassart trouve également qu’il faut retenir dans les motifs d’un internement possible « la crainte du trouble de la sécurité militaire » et « la crainte de la reconstitution d’une 5e colonne »21. Les Juifs allemands vont se trouver placés a priori dans la catégorie de ceux qui menacent la sécurité du pays.

Arrestations

13Les circonstances des arrestations sont détaillées par la police, par les personnes internées elles-mêmes et par leur avocat. La majorité de ces arrestations contestées concernent des hommes, mais aussi des femmes : certaines seules, d’autres qui sont épouse, compagne ou fille de la personne interpellée.

  • 22 Ibid., op. cit., p. 22.

14Cassart explique : « Les organismes de résistance, plus tard reconnus par l’arrêté-loi du 13 septembre, procédèrent à de très nombreuses arrestations et visites domiciliaires, sans mandat d’arrêt ou d’amener, mais très souvent avec accord de la police ; ils avaient reçu subdélégation tacite des pouvoirs de la police municipale. Tous les suspects étaient alors conduits à une permanence de police. »22

  • 23 AGR, PE, Dossier individuel de P.
  • 24 AGR, PE, Dossier individuel de L., lettre d’un avocat de L. adressée à l’Administra­teur de la Sûre (...)
  • 25 AGR, PE, Dossier individuel de L., notice de l’avocate de L., octobre 1944.

15Dans plusieurs cas de Juifs allemands internés, ce sont des résistants qui arrêtent la personne et la conduisent au commissariat. Ces résistants sont quelquefois peu identifiés et mal identifiables. Un résistant du Mouvement national belge s’indigne de l’arrestation de P. : « Des membres d’un groupe de la résistance ont arrêté la nommée P. […] qui n’a absolument rien à se reprocher. »23 L. se fait arrêter, car il parle allemand : « Le 15 septembre dernier, alors qu’il parlait avec un voisin sur le seuil de sa porte, il fut remarqué par un jeune homme F.I. [Front de l’Indépendance] parlant son jargon allemand. Celui-ci le signala à la police. »24 Son avocate précisera ultérieurement qu’il a été « arrêté comme sujet allemand » et « retenu à [la prison de] Saint-Gilles, sous prétexte que, pour vivre, il a certainement dû travailler pour les Allemands. »25

  • 26 AGR, PE, Dossier individuel de S.

16S. et son épouse se cachent pendant l’Occupation à Dilbeek, près de Bruxelles, et au moment de la Libération, alors qu’ils cherchent un logement, sont « appréhendés comme suspects à cause de leur fort accent allemand »26.

  • 27 AGR, PE, Dossier individuel de C.

17C. est lui arrêté « en vue d’internement » sur proposition de la Police des Étrangers « étant donné que [il] a travaillé dans une maison occupée par les Allemands »27. La Police des Étrangers requiert donc le commissaire de police d’Ixelles de procéder « en raison des relations qu’il a entretenues avec l’ennemi » à l’internement de C.

  • 28 AGR, PE, Dossier individuel de M.
  • 29 MJB, COREF, boîte 4, inv. 14.

18M. est appréhendé par la gendarmerie à la suite d’une seule dénonciation28. H. est aussi arrêté à la suite d’une « dénonciation calomnieuse » : il est certain qu’elle est due à « un concurrent juif roumain »29.

  • 30 AGR, PE, Dossier individuel de G.
  • 31 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13.

19Déjà arrêté comme “suspect” parce qu’Allemand en mai 1940 et interné en France, G.30 est arrêté le 13 septembre 1944 parce que, après avoir passé quatre ans et quatre mois de captivité en France, dans différents camps d’internement, et alors qu’il a enfin recouvré sa liberté début septembre, il va à la commune d’Ixelles pour régulariser sa situation31. Il n’a plus de papiers et va donc se mettre en

La prison de Saint Gilles.

La prison de Saint Gilles.

© Académie royale de Belgique

  • 32 AGR, PE, Dossier individuel de G., lettre de G. adressée au procureur général, 27 septembre 1944.
  • 33 AGR, PE, Dossier individuel de G., note de l’avocate pour G. et son épouse, s.d.

20ordre. Il est arrêté sur place ainsi que son épouse qui l’accompagne : le « service des étrangers d’Ixelles » les amène au poste de police militaire rue Mercelis. Il est transféré à la prison de Saint-Gilles où il se retrouve « avec des gens accusés ou suspects d’avoir appartenu au parti rexiste »32. Son épouse est enfermée à la prison de Forest, et leurs deux enfants sont « laissés à la garde d’une voisine »33.

  • 34 AGR, PE, Dossier individuel de O.
  • 35 AGR, PE, Dossier individuel de O., lettre de O. adressée « Au Président de la Commission des Étrang (...)

21O., lui aussi, est « arrêté comme Allemand le 25 septembre au moment où il se présentait à la Maison Communale de Schaerbeek »34. Il expliquera qu’il avait également été envoyé dans un camp en France en mai 1940, mais il avait réussi à regagner la Belgique en juillet 1942. Il explique de la « Chambre 250 » du Petit Château, caserne à Bruxelles devenue centre d’internement : « Le 25/9/44 je me suis présenté à la commune de Schaerbeek pour me mettre en règle vis-à-vis l’ordre d’Intérieur [sic]. Là j’ai été arrêté par la Police Belge et ils m’ont écroué le 26/9/44 au centre d’Internement du Petit Château. »35

  • 36 AGR, PE, Dossier individuel de R. ; MJB, COREF, boîte 4, inv. 14, questionnaire rempli par R., 11 m (...)
  • 37 AGR, PE, Dossier individuel de R.

22R. est arrêté le 12 octobre. Il ne peut pas présenter des papiers en règle. Selon une lettre à sa décharge, « il a été arrêté parce que en achetant un paquet de cigarettes dans la rue, il a pris la fuite quand un représentant de l’autorité s’est approché. »36 R. explique qu’il a des faux papiers, puisque, étant juif, il se cachait et que le mot « Juif » était écrit sur sa carte d’identité blanche : « J’ai acheté cette carte d’identité belge à un inconnu dans un café que je ne saurais plus vous désigner. J’ai payé la somme de 700 francs. »37 Il est envoyé au Petit Château.

  • 38 AGR, PE, Dossier individuel de C.
  • 39 AGR, PE, Dossiers individuels de C., P., O., L., G., M.

23Les personnes ainsi arrêtées ne sont pas regroupées en un seul lieu à Bruxelles : C., « arrêté le 29 septembre 1944 par les Services Belges, a d’abord été détenu rue Mercelis et est maintenant à la prison de Forest. »38 C. et l’épouse de G. restent détenus à la prison de Forest, P. et O. au Petit Château. L. et G. sont à la prison de Saint-Gilles ; M., d’abord dans la caserne de gendarmerie avenue de la Couronne, puis au Petit Château39.

  • 40 AGR, PE, Dossier individuel de M., Gendarmerie Nationale. Centre d’Internement d’Etterbeek, « Liste (...)

24M. est arrêté après une dénonciation anonyme et orale. Dans la caserne de gendarmerie où il est enfermé, une liste des prisonniers (il est le seul Juif allemand de la liste) de fin octobre 1944 mentionne : « Aurait dénoncé à la Gestapo »40. La même liste cite pour d’autres internés : « Membre du National-Socialist Deutsches Arbeitspartei NSDAP », le parti nazi ; « Employé d’une firme qui a travaillé pour l’Allemagne » ou « Pas d’accusation précise »…

Réactions

  • 41 G. Cassart, op. cit., p. 22.

25Cassart reconnaît que « parfois des dossiers très soignés furent dressés, mais souvent on se contenta d’un interrogatoire rapide. L’affluence des suspects obligeait les autorités judiciaires à agir vite. Des erreurs étaient inévitables. »41

  • 42 Le Peuple, « À propos de l’internement des étrangers », 7 octobre 1944, p. 2.

26Le Peuple reconnaît également en octobre 1944 qu’il y a de multiples cas d’internement « intempestif » : « Il nous revient que de nombreux Juifs allemands ayant subi pendant des années les sévices de la Gestapo dans les camps de concentration nazis, sont internés à l’heure actuelle sur simple dénonciation anonyme. Il est indéniable que ces gens ont mérité un sort meilleur. Après avoir souffert sous la domination hitlérienne, vont-ils pâtir à présent des excès des gens la plupart du temps mal intentionnés ? Les autorités légales responsables se doivent de veiller à mettre fin à cet état de choses. »42

  • 43 Unzer Kamf, « La reconstruction de notre communauté et le Comité de Défense Juif », septembre 1944, (...)
  • 44 AGR, PE, Dossier individuel de L.
  • 45 Unzer Kamf, « Des droits pour les masses juives », 14 octobre 1944, p. 1 (traduction de Jo Szyster)

27Dès son premier numéro postérieur à la Libération, le journal juif communiste Unzer Kamf écrit (en yiddish) : « Des milliers de Juifs allemands, autrichiens et hongrois, qui souffrent depuis de longues années dans divers camps d’internement sont menacés d’être à nouveau internés. Le CDJ [Comité de Défense des Juifs] fait tous les efforts possibles pour éviter cette tragédie. »43 En octobre 1944, par exemple, le Comité de Défense des Juifs, l’organisation de Résistance civile ayant sauvé des milliers de Juifs pendant l’Occupation, intervient pour « différents cas qui nous intéressent particulièrement », par exemple celui de L.44 Le journal évoque encore en octobre « les arrestations injustes de Juifs allemands ou hongrois, qui ont pourtant été persécutés depuis des années »45.

  • 46 AGR, PE, 855, lettre de Schneider, directeur général du Ministère des Affaires étrangères, adressée (...)

28Quelques échos du problème de l’internement des Juifs allemands se retrouveront ultérieurement dans la presse étrangère et attireront l’attention de la Police des Étrangers. Ainsi, au printemps 1945, la Jewish Telegraphic Agency de New York s’indignera de ce qu’on place ces Juifs allemands « dans la même catégorie que les nazis »46.

  • 47 Sur Erich Gompertz, voir C. Massange, « Erich Gompertz. Historique d’un exil », dans Les Cahiers de (...)
  • 48 Sur l’histoire de l’AIVG, voir notamment : C. Massange, Bâtir le lendemain. L’Aide aux Israélites V (...)

29Erich Gompertz, industriel juif allemand exilé en Belgique depuis 1933, fondateur du COREF, s’inquiète bien sûr du sort de ces internés, mais son comité doit se structurer progressivement et ses moyens d’action sont et resteront limités47. Et Gompertz est mécontent de ses relations avec le CDJ, lequel poursuit son aide aux Juifs de Belgique et se transforme en AIVG, Aide aux Israélites Victimes de la Guerre48. L’AIVG, qui prendra en charge l’aide sociale juive de l’après-guerre, existe juridiquement depuis octobre 1944, mais cette dénomination n’est au début que très peu utilisée.

  • 49 Sur Chaïm Perelman, voir e.a. J.-Ph. Schreiber (éd.), Dictionnaire biographique des Juifs de Belgiq (...)
  • 50 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, « Protokoll der ausserordentlichen Vorstandssitzung vom 8 Juni 1945 »  (...)
  • 51 Ibid. AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».

30En juin 1945, le COREF fera l’historique de ses relations avec le CDJ. Il rappelle que « en octobre 1944, un assez grand nombre de Juifs d’origine allemande avaient été arrêtés à cause de leur nationalité allemande. Les futurs fondateurs du COREF eurent connaissance de ce fait, quelques-uns des membres des familles des arrêtés nous demandaient conseil. Nous les envoyâmes au CDJ rue de la Caserne. » Mais la réponse est que « le CDJ avait vainement essayé d’intervenir ». Gompertz et ses proches s’adressent alors au Quartier général anglais à Bruxelles qui les envoie à nouveau rue de la Caserne voir Chaïm Perelman, un des fondateurs du CDJ pendant l’Occupation, qui « dit ne pas être au courant de la situation des Juifs d’origine allemande » et que cette question ne dépend pas de ses compétences personnelles au sein du CDJ49. Gompertz « après avoir constaté qu’aucun juif d’origine allemande ne faisait partie du Comité du CDJ » demande « la raison de cet état de choses » et reçoit comme réponse : « Les membres du CDJ refusent la collaboration avec les réfugiés juifs d’origine allemande, ceci à leur avis étant contraire à leurs intérêts comme Alliés. »50 Le COREF reconnaîtra que le CDJ avait fait parvenir aux autorités belges des mémorandums dans l’intérêt des Juifs allemands. Mais Gompertz désapprouvait le fait que le CDJ ait admis que « la Belgique leur impose un régime de liberté surveillée (défense de se déplacer, obligation de se présenter régulièrement à un contrôle) aussi longtemps que l’étude de leur cas n’a pas été conclue par une décision favorable »51.

  • 52 AGR, PE, 874, lettre de Ch. Janssens adressée au ministre de la Justice, 25 octobre 1944.
  • 53 AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».
  • 54 Ibid.

31Le 25 octobre 1944, le député libéral ixellois Charles Janssens avait transmis au ministre de la Justice, « à la demande du Comité de Défense des Juifs », une note concernant les Juifs d’origine allemande52. Ce document s’attachait à étudier la question de la nationalité, celle du séquestre et s’inquiétait du sort « de nombreux réfugiés juifs qui, à l’heure actuelle sont internés depuis plusieurs semaines sans être sous le coup d’une accusation quelconque ». Le but est de pouvoir distinguer « un membre du IIIe Reich et une victime de celui-ci ». Le document explique qu’alors qu’il est indispensable d’assurer la sécurité de la Belgique, le cas des Juifs allemands pose des problèmes complexes que « le désordre et l’indifférence du monde administratif et l’incohérence de la communauté juive ne contribuent pas à simplifier. »53 Pour ceux qui sont détenus, la note propose de les libérer après trois semaines, « si à la fin de ce délai, la commune n’a pas fait rapport à la Sûreté » et après cinq semaines « si, à ce moment, la Sûreté n’a pas encore statué sur leur cas. » Elle ajoute : « L’inorganisation qui règne actuellement dans ces services est d’autant plus regrettable qu’elle a pour effet de retenir en prison depuis des semaines des innocents arrêtés dans l’excitation des tout premiers jours de la Libération. »54

  • 55 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, à Bruxelles, 5 nov (...)
  • 56 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, « Protokoll der ausserordentlichen Vorstandssitzung vom 8 Juni 1945 »  (...)
  • 57 Ibid.
  • 58 Archives du Service Social Juif, procès-verbaux des conseils d’administration de l’AIVG, 5 juin 194 (...)

32Début novembre 1944, Erich Gompertz, qui deviendra peu après président du COREF, s’adresse à la Belgian Military Mission (Civil Affairs), laquelle intervient alors en écrivant au ministre de la Justice le 27 novembre, notamment en faveur de C.55 Si le gouvernement belge reprend ses fonctions en Belgique en septembre, il doit s’intégrer dans le dispositif mis en place par les Alliés dans le pays. Selon Gompertz, c’est après des entretiens avec des officiers anglais et américains et avec la Police des Étrangers, que la décision est prise de créer le COREF pour sauvegarder particulièrement les intérêts des Juifs d’origine allemande (de même d’ailleurs que ceux d’origine autrichienne, toujours considérés comme allemands56). Les négociations entre le COREF et l’AIVG se poursuivirent. En décembre 1944, le COREF accepta de « faire toutes les démarches auprès des autorités belges par l’intermédiaire du CDJ ou l’organisme lui succédant », l’AIVG, en fait, qui se structure peu à peu57. Mais le COREF resta longtemps insatisfait de l’attitude du CDJ-AIVG vis-à-vis des Juifs allemands. Les divergences se poursuivront sur les compétences des deux organisations et sur la répartition des fonds disponibles58.

  • 59 V. Vanden Daelen, Laten we hun lied verder zingen. De heropbouw van de joodse gemeenschap in Antwer (...)
  • 60 AGR, PE, 1229, « Remplacement par des titres authentiques des cartes d’identité contrefaites ou fal (...)
  • 61 AGR, PE, 1229, « Nationalité. Renouvellement de titres de séjour. Arrêté-loi du 12 octobre 1918. », (...)

33Les autorités belges se rendirent compte du cas particulier des Juifs allemands. Dès septembre 1944, Camille Huysmans, le bourgmestre d’Anvers, avait donné des instructions pour que la police n’arrête pas systématiquement les Juifs allemands en raison de leur nationalité59. Le 6 octobre 1944 paraît au Moniteur une circulaire du ministre de l’Intérieur adressée aux administrations communales concernant le remplacement par des titres authentiques de cartes d’identité contrefaites ou falsifiées : toute personne ayant des faux papiers doit se présenter à sa maison communale pour avoir de nouveaux papiers et les cartes d’identité et permis de séjour délivrés aux Juifs portant la mention « juif » seront remplacées « sans frais » et « sans reproduction de cette mention »60. Suivant de peu cette circulaire, une autre parue au Moniteur le 21 octobre 1944, adressée aux bourgmestres par le ministre de la Justice, complète en indiquant que des autorités communales ont demandé si la réinscription des « israélites comme sujets allemands devait nécessairement entraîner l’arrestation des intéressés au titre de sujets ennemis, en application de la circulaire du Ministre de la Justice en date du 21 août 1944 n° 340 ». Le ministre reconnaît qu’ « une mesure aussi radicale serait de nature à imposer un internement injustifié à des étrangers dont un grand nombre ont déjà souffert durant l’Occupation. Aussi, j’estime que la modification de l’inscription de la nationalité dans les registres communaux et sur les titres de séjour ne doit pas avoir pour effet de provoquer l’internement de ceux dont la conduite au point de vue national n’a fait l’objet d’aucune remarque défavorable. »61

  • 62 AGR, PE, 1113, circulaire du ministre de la Justice concernant l’application de l’arrêté-loi du 12 (...)

34Et selon une circulaire du 28 octobre 1944, les seules autorités chargées de procéder à des internements par application de l’arrêté-loi du 12 octobre 1918 sont les procureurs du Roi, les auditeurs militaires et l’administrateur de la Sûreté de l’État, étant donné que « les autorités judiciaires et l’administrateur de la Sûreté de l’État, dans les attributions desquels rentrent normalement les questions d’internement, sont actuellement en mesure d’exercer efficacement leur action sur l’ensemble du territoire » ; les bourgmestres ne procèdent plus aux internements, mais sont tenus de signaler « aux auditeurs militaires les personnes qui à leur avis devraient être internées »62.

  • 63 AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».
  • 64 AGR, PE, Dossier individuel de G. AGR, PE Dossier individuel de O.
  • 65 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, à Bruxelles, 5 nov (...)
  • 66 Unzer Kamf, « Réfugiés allemands », 17 février 1945, pp. 3-4 (traduction de Jo Szyster).

35Mais la note transmise par le CDJ constate que ces circulaires « ne viennent pas en aide aux nombreux réfugiés juifs qui, à l’heure actuelle sont internés depuis plusieurs semaines sans être sous le coup d’une accusation quelconque »63. G. et O., tous deux arrêtés au moment où ils allaient se mettre en ordre à la commune, sont effectivement arrêtés avant ces circulaires, le 16 septembre pour l’un et le 25 septembre pour l’autre. Mais il n’est pas question de libérer automatiquement ceux qui sont déjà internés. G. ne sortira qu’en décembre et O. est toujours au Petit Château en mai 194564. En novembre 1944, Erich Gompertz évoque « plus de 50 Juifs allemands » qui sont en prison65. Et en février 1945, s’indignant des mesures de contrôle policier et des menaces d’expulsion, Unzer Kamf évoque un nombre d’environ 200 Juifs allemands qui seraient encore enfermés66.

La caserne du Petit Château à Bruxelles

La caserne du Petit Château à Bruxelles

© Académie royale de Belgique

Une Commission consultative

36Cassart ayant expliqué le caractère expéditif de certaines arrestations, ajoute que si les erreurs étaient inévitables, elles devaient évidemment être corrigées. Avec des auditeurs militaires « surchargés d’ouvrage », des parquets civils « encombrés », il était prévu de mettre en place des commissions compétentes pour aviser du sort des “étrangers suspects”.

37Une commission est instituée par arrêté du 10 octobre 1944 « pour l’examen de la situation des étrangers écroués à la disposition de M. le Ministre de la Justice ». À ce moment, certains Juifs allemands sont déjà internés depuis plus d’un mois. La Commission est composée d’un président et de deux assesseurs, choisis parmi les fonctionnaires (éventuellement honoraires) du département de la Justice ; ils sont nommés par le ministre de la Justice. L’arrêté ministériel du 23 septembre concernait le même type de procédure vis-à-vis des Belges : cette commission-là est présidée par un magistrat et ses assesseurs sont des avocats.

  • 67 G. Cassart, op. cit., p. 36.
  • 68 Ibid., p. 42.

38La commission instituée le 10 octobre 1944 qui s’occupe des étrangers est chargée de faire rapport et de donner un avis « sur les mesures à prendre à l’égard des étrangers mis à la disposition du ministre de la Justice », par application de l’arrêté-loi du 12 octobre 1918. Le principe est qu’une telle commission n’est pas une juridiction. Son rôle est de donner un avis et selon ses constatations, elle peut alors proposer de poursuivre l’interné devant les conseils de guerre ou les tribunaux67. La commission pour les étrangers « apparaît comme une émanation de l’administration de la Sûreté », explique Cassart68.

39L’arrêté ministériel du 10 octobre 1944 prévoit que la commission « prend connaissance des dossiers de l’administration de la police des étrangers » et qu’elle « entend l’intéressé dans ses explications et procède aux investigations nécessaires ». Dans leurs “explications”, les Juifs allemands internés vont donc détailler leur parcours : ils doivent se justifier de tout, y compris du fait qu’ils aient survécu à l’Occupation.

  • 69 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, 5 novembre 1944.

40Une fois internés, la première chose à obtenir est de pouvoir passer devant la commission compétente. Et l’attente peut être longue. Erich Gompertz insistera début novembre 1944 auprès du Bureau of Civil Affairs des Forces alliées afin qu’il intervienne auprès du gouvernement belge pour que « les hommes et les femmes, innocemment arrêtés, soient mis en liberté sans retard et sans attendre qu’en des semaines ou des mois une commission constate leur innocence »69.

  • 70 AGR, PE, Dossier individuel de O., lettre de O. adressée « Au Président de la Commission des Étrang (...)

41O. écrit en janvier 1945 : « Vu que je suis arrêté plus que 4 mois sans être entendu par la Commission des Étrangers ni par un autre service compétent je le trouve très bizarre Monsieur le Président, vu qu’il y a beaucoup de mes compatriotes qui ont déjà passé la commission et qui ont été arrêtés après moi. Je suis certain que c’est peut-être un petit oubli […] [sic]. »70 O. passera devant la commission en mai 1945.

  • 71 AGR, PE, Dossier individuel de H., lettre du 15 décembre 1944 adressée à la Police des Étrangers.
  • 72 AGR, PE, Dossier individuel de H.

42Le 15 décembre 1944, l’avocate de S. et de son épouse « espère qu’ils pourront passer sans retard devant la Commission »71. De sa cellule de la prison de Saint-Gilles, S. écrit, lui, à la reine : « Contrairement aux promeses [sic] de notre avocat qui nous avait promit [sic] que c’était une affaire de quelques jours uniquement pour la verification [sic] de nos pieces [sic] d’identité. Nous nous trouvons toujours emprisonnés moi à la prison St Gilles et mon épouse à la prison de Forest sans aucune explication et sans avoir subi le moindre interrogatoire. »72 Plusieurs internés s’efforcent d’écrire des lettres aux autorités en français alors qu’ils ont quelquefois des difficultés à maîtriser cette langue. S. et son épouse passent tous deux devant la commission le 21 décembre ; la commission propose leur libération et ils sont délivrés le 28 décembre.

43Mais quand la procédure s’est enfin enclenchée, un avis favorable de la commission compétente ne signifie pas nécessairement une sortie de prison immédiate.

Avocats de la défense et témoins à décharge

  • 73 G. Cassart, op. cit., p. 43.
  • 74 Ibid., p. 44.

44Les internés peuvent faire appel à un avocat pour les défendre auprès de la commission consultative. Mais Cassart explique que les droits de la défense sont « moins bien garantis pour les étrangers que pour les Belges » dans le sens où la raison d’État et le souci de sécurité publique priment73. L’avocat ne peut pas plaider devant la commission. Mais il peut constituer et communiquer un dossier. Il peut rendre visite à la personne internée alors que la famille ne le peut pas74.

  • 75 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, « Protokoll der Sitzung des Verwaltungsrates des COREF vom 7 Mai 1945  (...)
  • 76 AGR, PE, Dossier individuel de P., lettre de Nicole Limbosch au commandant du Centre d’Internement (...)
  • 77 AGR, PE, Dossier individuel de O., lettre de Nicole Limbosch à la Police des Étrangers, 1er février (...)

45Certains internés n’ont manifestement ni les moyens ni les relations qui pourraient leur permettre de rémunérer un avocat ou de faire appel à un ami. Nicole Limbosch est l’avocate de plusieurs Juifs allemands. Elle se met à la disposition du COREF et c’est le Comité de Défense des Juifs qui donne son adresse à la Police des Étrangers75. En décembre 1944, Nicole Limbosch s’occupe d’au moins une douzaine de « juifs étrangers détenus depuis les tout premiers jours de la libération et qui ne peuvent comprendre qu’il ne leur soit pas encore possible de se faire entendre par la Commission et de retrouver enfin avec la liberté des conditions de vie un peu moins cruelles que celles qu’ils ont connues durant toutes ces dernières années »76. Elle se plaint encore en février 1945 que plusieurs Juifs étrangers « ne parviennent pas à passer devant la Commission, quoiqu’ils soient tous arrêtés depuis septembre 1944 et qu’un certain nombre d’Allemands véritables, arrêtés bien après, aient déjà été libérés »77.

  • 78 AGR, PE, Dossier individuel de P.

46Les avocats sollicitent des témoignages favorables. Ceux qui ont abrité ces personnes chez eux s’indignent alors d’une pareille arrestation. Celui qui cacha P., ainsi que huit autres personnes, répond à l’avocate qui l’a informé que P. est incarcérée : « Devant une injustice pareille, j’ai l’honneur et le devoir de me mettre en rapport avec vous afin de l’aider », en soulignant qu’elle « est et a été antiallemand [sic], jusqu’au fond de son âme »78. Auprès des Belges qui les hébergent ou les emploient durant l’Occupation, les Juifs allemands, qui ne peuvent que difficilement cacher leur origine nationale, choisissent de montrer alors ostensiblement, selon les témoignages en leur faveur d’après-guerre, leurs sentiments antiallemands, ce qui sera un argument en leur faveur après la Libération, mais aurait pu représenter un danger supplémentaire pendant la guerre.

  • 79 AGR, PE, Dossier individuel de C., lettre du 23 février 1942.
  • 80 AGR, PE, Dossier individuel de M.
  • 81 AGR, PE, Dossier individuel de G.

47Certains de ces logeurs ont été actifs dans la Résistance et ne manquent alors pas de souligner que la personne cachée chez eux n’a rien dénoncé. Ainsi un logeur de C. écrit que celui-ci « a failli être arrêté chez moi, lors de l’arrestation de ma fille par la Gestapo, il était au courant du service clandestin que nous faisions, il n’a jamais rien dévoilé »79. Une femme témoigne que M. « venait chaque soir, vers 21h, écouter le poste anglais et je n’ai eu aucun ennui à cause de cela »80. La logeuse de l’épouse et des enfants de G., dont le témoignage est sollicité par l’avocate, atteste de la « conduite irréprochable » de cette femme qui a vu son mari « subir tous les ressorts de la barbarie allemande pour cause qu’il était de nationalité juive [sic] ». Elle ajoute que « tous les gens du quartier qui connaissent cette brave famille n’ont que des éloges à lui faire ». La lettre est effectivement signée par trente-cinq personnes habitant de modestes rues d’Ixelles81.

  • 82 AGR, PE, Dossier individuel de K.
  • 83 AGR, PE, Dossier individuel de G., lettre au substitut du procureur du roi, 15 septembre 1944.
  • 84 AGR, PE, Dossier individuel de H.
  • 85 AGR, PE, Dossier individuel de H., lettre de l’avocat de H. adressée au ministre de la Justice, 18 (...)

48Les personnes de référence se révèlent alors bien utiles. La profession exercée peut être l’occasion d’avoir des relations, de connaître des gens qui peuvent prendre la défense de la personne internée et s’en porter garants. Ainsi K. a travaillé en collaboration avec Eugène Flagey, avocat et bourgmestre libéral d’Ixelles, lors du procès d’un Belge en Allemagne sous le régime nazi82. L’épouse de G., allemande, non juive, travaille comme femme de ménage chez la sœur d’un avocat pendant presque toute la durée de l’Occupation alors que son mari est interné en France. Son employeuse intervient en faveur du couple en demandant que « la détention de ces deux personnes soit aussi courte que possible » tout « en comprenant qu’il s’agit là d’une mesure de précaution tout à fait explicable ». Elle ajoute que l’attitude vis-à-vis de la Belgique de l’épouse de G. est « parfaitement loyale » et que le curé qui a baptisé les deux enfants peut en témoigner83. H. est interné du 15 septembre 1944 au 16 décembre 1944. Sa fille est aussi internée, puis libérée avant lui. Elle semble être une connaissance de la fille de Walter Ganshof van der Meersch, l’auditeur militaire84. « Madame Ganshof a même fait une visite personnelle à [H] à la prison du Petit-Château », écrit l’avocat de H. : c’est bien une preuve que rien ne peut être reproché à son client85.

Être juif et allemand

49Les internés doivent donc prouver leur bonne foi et lever tout doute sur une sympathie supposée pour l’Allemagne. Il s’agit alors de mettre en avant le fait d’être juif, montrant par là même l’évidence des persécutions, alors que ces mêmes personnes ont passé plusieurs années à dissimuler qu’elles le sont.

  • 86 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaires.

50Le fait d’être inscrit au registre des Juifs devient alors un argument à décharge pour prouver qu’ils sont juifs. Le questionnaire que le COREF destine à ses membres prévoit une rubrique « non inscrit au registre des Juifs » et ajoute comme questions : « Pourquoi pas ? » et « Quelles sont les preuves de votre origine juive ? ». La plupart ne répondent pas. Certains indiquent par exemple « mon livret de mariage »86.

  • 87 AGR, PE, Dossier individuel de C.

51C. et son épouse mentionnent, pour leur défense, leur inscription au registre des Juifs87. Mais les autorités belges ne savent au juste quoi faire avec ces registres qu’elles considèrent comme anticonstitutionnels, donc inutilisables par elles.

  • 88 Kazerne Dossin (KD), inscription au registre des Juifs de K.
  • 89 AGR, PE, Dossier individuel de K.

52Avant la fin des hostilités, peu après le débarquement des Alliés en Normandie, K. prévoit que sa nationalité allemande va constituer un problème important à la Libération. Le 6 septembre 1944, la Police d’Ixelles s’adresse à la Police des Étrangers pour signaler que K. « de nationalité allemande s’est présenté en notre service le 15.6.44, déclarant la perte de sa carte d’identité et émettant le désir d’obtenir une nouvelle carte revêtue du cachet “Juif”. Devant son refus de requérir son inscription au registre des juifs, il ne fut pas possible de lui accorder satisfaction. Le 21.8.44, il se présenta à nouveau muni […] [d’un] document qui fut envoyé par nos soins à l’autorité allemande aux fins d’en faire vérifier l’authenticité. Rien de défavorable n’a été porté à notre connaissance concernant cet étranger, toutefois sa conduite paraît suspecte. » L’inscription au registre des Juifs d’Ixelles signée par K. est effectivement datée du 21 août 194488. Ce que K. a voulu faire pour se protéger se retourne contre lui : en décembre 1945, la gendarmerie qualifiera cette démarche de « manœuvre » qui « prouve qu’il a joué la carte allemande ; en effet, une semaine après le débarquement des troupes alliées en Normandie, il s’est présenté le 15.6.1944 à l’administration communale d’Ixelles en vue d’y obtenir une carte d’identité portant la mention “juif”. Ceci est une preuve qu’il cherchait à se ménager une porte de sortie et de se poser en victime du régime nazi vis-à-vis des libérateurs. En effet aucun israélite ne cherchera à avoir une carte d’identité avec la mention “Juif” s’il peut ne pas y faire figurer cette mention. »89

  • 90 AGR, PE, Dossier individuel de M.

53Le fait de ne pas avoir porté l’étoile est aussi suspect. M. explique qu’il ne portait pas l’étoile parce que son épouse est protestante. Son avocat confirme : « Mon client est juif allemand, mais il a épousé une aryenne dont il a un enfant. De ce chef, il échappait à la règlementation sur les juifs et c’est ce qui l’a rendu suspect aux yeux de certains. » Cela a « excité la méfiance »90.

  • 91 AGR, PE, Dossier individuel de R. MJB, COREF, boîte 4, inv. 14, questionnaire rempli par R., 11 mar (...)
  • 92 AGR, PE, Dossier individuel de C., lettre du 23 février 1942.

54À leur décharge, les personnes arrêtées montrent de quelles persécutions elles ont fait l’objet. À ce sujet, la longue liste des incarcérations et des persécutions se base souvent sur les déclarations de l’intéressé. Les autorités belges ne disposent pas encore de preuves, d’enquêtes, d’attestations. Quelques-uns ont des documents allemands qui montrent qu’avant-guerre ils ont été prisonniers à Dachau par exemple, étant donné que ces papiers leur ont servi pour demander la reconnaissance comme prisonnier politique. Certains ont été internés dans des camps du sud-ouest de la France. Une fois libérés ou évadés, ils reviennent en Belgique, souvent seule possibilité de destination pour eux. R. est interné en France pendant quatre mois au camp de Saint-Cyprien91. C., présent en mai 1940 en Belgique, est « transporté » [sic] dans le Midi de la France et interné dans le camp de Saint-Cyprien de juin à octobre 1940, ensuite au camp de Gurs, de fin octobre 1940 à mars 1941, puis au camp des Milles dans les Bouches du Rhône. Il est inquiété, pour une question de faux et usage de faux, par la Justice française, qui finit par s’apercevoir qu’il y a eu un problème d’homo­nymie : il peut établir qu’il n’est pas la personne recherchée92.

  • 93 AGR, PE, Dossier individuel de G.

55G., membre du SPD, le parti socialiste allemand, a été interné cinq semaines au camp de concentration de Sachsenhausen, en novembre et décembre 1938, avant de venir en Belgique en février 1939. G. passera pratiquement toute la guerre interné dans des camps en France93.

  • 94 AGR, PE, Dossier individuel de C.

56Mais être arrêté durant l’Occupation en Belgique n’est pas nécessairement un bon argument, car il faut alors expliquer pourquoi on a été relâché par les autorités d’Occupation... Ainsi l’avocate de C. explique que sa femme et lui « ont été arrêtés par la Gestapo, le 29 janvier 1944. » Et c’est à l’intervention d’un Allemand qu’ils doivent leur libération, celui chez qui C. travaille occasionnellement comme “homme à tout faire”, ce qui lui vaudra donc après la Libération d’être arrêté pour « relations entretenues avec l’ennemi »94.

  • 95 MJB, COREF, boîte 5, inv. 15, questionnaire rempli par le frère de L., 5 novembre 1945.
  • 96 AGR, PE, Dossier individuel de C.
  • 97 AGR, PE, Dossier individuel de S.

57Leurs avocats montrent aussi l’absurdité d’une complicité avec un ennemi qui a provoqué la mort de la plupart de leurs proches. Ils évoquent le grand nombre de déportés dans leur famille. Même si, dans cette période suivant immédiatement la Libération, l’incertitude règne, les Juifs allemands semblent ne pas croire à une survie possible de ceux qui n’ont pas pu s’exiler. Le frère de L. écrit que ses trois frères ont probablement (« wahrscheinlich ») été tués, mais qu’il ne sait pas quand95. Le fils de C. a été déporté alors qu’il était en Belgique. Une avocate écrit qu’il « a été déporté à Malines le 4 août 1942 et, de là, on ne sait où… »96. S. écrit de sa cellule : « Ma mère de 84 ans et ma sœur avec ses deux enfants ainsi que toute la famille de ma femme furent déportés en Pologne. »97

  • 98 AGR, PE, Dossier individuel de C.

58Un argument favorable avancé est aussi la présence d’un proche en Grande-Bretagne engagé auprès des Alliés. C’est le cas de la fille de C., infirmière en Angleterre98.

Activités clandestines et relations avec l’ennemi

59Les Juifs allemands arrêtés doivent aussi expliquer quels ont été leurs moyens d’existence pendant la guerre. Ils sont a priori suspects d’avoir eu des revenus dépendant des autorités d’Occupation. Les activités clandestines des Juifs allemands qui leur ont permis de survivre peuvent donc quelquefois être utilisées contre eux après la Libération. Se justifier peut être source d’autres ennuis.

  • 99 AGR, PE, Dossier individuel de C., attestation du 5 octobre 1944.
  • 100 AGR, PE, Dossier individuel de P.

60Il est d’abord très difficile de prouver des activités forcément non déclarées. Non seulement les autorités d’Occupation ont exclu les Juifs de leurs professions habituelles, mais la Police des Étrangers ne perd pas de vue que les étrangers arrivés peu avant l’Occupation n’ont vu leur séjour toléré que s’ils n’avaient pas d’activité rémunérée en Belgique et ne risquaient pas d’être à charge de l’Assistance publique. Ainsi C. est surveillé par la Police des Étrangers dont il a attiré l’attention lors d’une affaire de faux et usage de faux où il a pu prouver sa bonne foi et l’erreur due à une homonymie99. Mais en 1942 et 1943, la Police des Étrangers veut absolument savoir quels sont ses moyens d’existence et s’il n’est pas aidé par l’Assistance publique. En décembre 1942, l’enquêteur chargé de s’informer rapporte que C., invité à faire connaître les personnes qui lui procurent du travail, « prétend que ceux-ci sont des coreligionnaires qui se sont cachés pour se soustraire aux recherches de l’autorité allemande et qu’il ignore leur retraite. Nous avons l’impression que [C.] continue à travailler et à recevoir du secours de ces étrangers, mais qu’il ne veut pas faire connaître leur retraite. » Après la Libération, la gendarmerie enquêtera sur P., alors internée, et rapportera qu’elle a été femme de ménage dans une pâtisserie, mais aussi qu’elle « aurait été secourue par un comité juif et aurait vendu une bague, une montre et des effets d’habillement »100. Le fait que les Juifs vendent leurs quelques biens pièce par pièce est aussi difficile à prouver.

  • 101 AGR, PE, Dossier individuel de M.
  • 102 AGR, PE, Dossier individuel de M., lettre de M., adressée à la Police des Étrangers, 14 mars 1945.

61M. explique que sous l’Occupation, il faisait du marché noir de cigarettes et de tabac et qu’il gagnait ainsi bien sa vie. Ses clients le retrouvaient rue du Progrès ou dans une taverne proche. Il expose que dans ce commerce comme dans tous les autres, la jalousie est féroce et qu’on lui extorquait de l’argent, qu’on le volait, qu’on menaçait de le dénoncer. Mais c’est peu après la Libération qu’il est dénoncé : il aurait été vu dans cette taverne en compagnie de collaborateurs belges. Il proteste contre le fait qu’il n’est accusé que par une seule personne, anonyme. Il reconnaît que parmi ses clients se trouvaient des soldats allemands. La méfiance de la Police des Étrangers peut se traduire par le fait que l’internement se poursuive en attendant une enquête plus approfondie. C’est le cas de M. Lorsque la commission expose que M. « a fait pour subvenir aux besoins du ménage du marché noir et n’a pas été inquiété par les Allemands », une note marginale de la Police des Étrangers ajoute : « Juif ! » et « Ce juif a fait du marché noir pendant plus de 2 ans (rue du Progrès et cafés des environs) alors qu’il se prétendait pourchassé par les Allemands ! » Estimant que ses relations avec l’occupant doivent être clarifiées, la Police des Étrangers donne avis de le maintenir en détention101. Le dossier est donc transmis à l’Auditorat militaire. Un gendarme qui enquête parlera bien de « rumeur » en ajoutant que « rien de précis n’a été relevé » et que M. a montré sa joie devant les victoires des Alliés pendant l’Occupation. M. ne comprend pas qu’après avoir passé cinq mois en détention et que la Commission lui a fait savoir que sa libération « ne tarderait plus à être effectuée », il se trouve toujours au Petit Château plusieurs semaines plus tard, sans nouvelles de son dossier102.

Libérations

  • 103 G. Cassart, op. cit., p. 37.
  • 104 Ibid., p. 39.
  • 105 AGR, PE, 1113, note de la Sûreté de l’État, 30 septembre 1950.

62Toute la procédure pour éclairer les cas de ces Juifs allemands prend du temps. La commission ne fait qu’émettre des avis. Il faut ensuite attendre pour certains que l’Auditorat militaire se soit prononcé. Des internés ne seront donc libérés qu’après des semaines ou des mois de détention. Cassart explique par ailleurs que le passage du régime de l’internement administratif à la détention préventive, même pour crimes contre la sécurité de l’État, rend possible une mise en liberté provisoire pendant l’instruction, ce qui n’est pas prévu au départ en cas d’internement administratif103. En novembre 1944, les commissions reçoivent le droit de libérer provisoirement les internés, mais « en cas d’erreurs évidentes »104. Les dispositions réglementant les commissions ne seront plus en vigueur quand l’armée sera sur pied de paix105.

  • 106 G. Cassart, op. cit., p. 54.
  • 107 AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».

63Les conditions de vie dans les prisons sont à l’évidence extrêmement précaires. Cassart écrit que le régime pénitentiaire « est assez rude pour les suspects lorsqu’on admet la possibilité d’erreurs inévitables »106. La note envoyée par le Comité de Défense des Juifs au ministre de la Justice à propos des Juifs allemands constatait que « l’inorganisation des prisons retire à ces âmes innocentes une bonne part du soutien de la défense, de l’aide médicale, de l’hygiène élémentaire, du complément alimentaire venant de l’extérieur, etc. »107.

  • 108 AGR, PE, Dossier individuel de K.
  • 109 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaire rempli par K., 20 février 1945.

64Dans une lettre à son avocat, K. écrit que « tous les criminels (droit commun) sont en 24 heures interrogés et même libérés en quelques jours » alors que pour le « petit nombre d’étrangers de ma catégorie spéciale (une douzaine) », dont la libération avait commencé, « il n’y a plus rien de neuf ». Il souhaite être seul dans sa cellule, ce qu’il n’avait pas encore demandé, mais il se retrouve avec un « criminel » qui lui « empoisonne la vie » et il n’a « plus de cigarettes ou vivres pour lui fermer la bouche et le rendre conciliant »108. Sa détention durera sept semaines109.

  • 110 AGR, PE, Dossier individuel de L., lettre de Nicole Limbosch, adressée à la Commission Consultative (...)
  • 111 AGR, PE, Dossier individuel de M.

65D’autres situations mettent en danger la vie d’internés quelquefois malades et âgés. Ainsi l’avocate de L. écrit à la commission consultative, en janvier 1945 : « Vous conviendrez certainement qu’il est grand temps de prendre une décision touchant le sort de ce vieillard rhumatisant, enfermé depuis près de 5 mois dans une cellule où l’eau dégouline des murs et sans qu’il sache même si une charge quelconque pèse sur lui. »110 Les certificats médicaux qui appuient la constatation de la mauvaise santé de l’interné ne permettent pas vraiment d’accélérer sa libération111.

  • 112 AGR, PE, Dossier individuel de G.

66Les femmes internées semblent rester moins longtemps en prison que l’homme arrêté avec elles. Mais si le chef de famille est ainsi interné, ses proches restent alors de longues semaines sans ressources. Si les deux époux, comme G. et sa femme, sont arrêtés, les autorités semblent fort peu se préoccuper de ce qu’il advient de leurs enfants. L’avocat de l’épouse de G. communique que sa cliente, emprisonnée à Forest depuis plus de six semaines « ne sait ce qui est advenu de ses deux enfants âgés de 10 et 13 ans ». La commission estimera, le 2 décembre 1944, que rien ne peut être retenu à la charge de G. et « qu’on peut le mettre en liberté sans danger pour l’ordre public », de même que son épouse. Ils sont libérés quelques jours plus tard, après être restés dix semaines en prison112.

  • 113 AGR, PE, Dossier individuel de O.
  • 114 AGR, PE, Dossier individuel de R.
  • 115 AGR, PE, Dossier individuel de L.

67Une fois passé devant la commission compétente, avec un avis favorable, l’interné peut être libéré rapidement. O. passe devant la commission le 15 mai, après que l’Auditeur militaire a signifié le 5 mai qu’il n’y avait pas lieu de le poursuivre : il est libéré le 18 mai113. R. est libéré dix jours après que ni l’Auditeur militaire, ni la Commission n’ont trouvé d’élément à sa charge : il sera resté cinq semaines interné114. En revanche, un avocat de L. écrit en février 1945 que cela fait plusieurs semaines que son client a comparu devant la Commission « qui lui fit savoir qu’il serait libéré, l’Auditorat militaire ne retenant absolument rien à sa charge », mais qu’il est toujours en prison115.

  • 116 AGR, PE, Dossier individuel de M.
  • 117 Ibid., rapport de gendarmerie du 15 octobre 1945.

68Lorsque l’Auditorat militaire estime qu’il lui conviendrait d’examiner le dossier, la durée d’internement est beaucoup plus longue. M. reste plusieurs mois en prison. Son avocat se plaint que les informations déjà connues de la Police des Étrangers et l’enquête effectuée au sujet de son client avant qu’il ne passe devant la commission n’arrivent en fait pas jusqu’à l’Auditorat militaire. Mais quand M. écrit : « Je suis tout disposé à rentrer en Allemagne avec ma famille pour retrouver enfin la paix », la procédure s’accélère116. Pour les Juifs allemands, “rentrer en Allemagne” signifie se rendre dans un pays détruit où ils n’ont le plus souvent plus aucune famille et aucun bien et où ils ne seront certes pas les bienvenus. M. est renvoyé en Allemagne à la mi-octobre 1945. Un rapport de gendarmerie signale : « Les neuf étrangers qui se trouvaient internés au Petit Château y ont été extraits ce matin et conduits au centre de rapatriement n° 8 av. des Éperons d’Or à Ixelles en vue de leur rapatriement. […] Pas d’incidents. »117

Un après-guerre douloureux

  • 118 MJB, COREF, boîte 20, inv. 111, « Communication importante à nos membres », 27 mars 1945.
  • 119 Ibid.

69Pour ce qui est de leur permis de séjour, le principe est que les personnes étrangères retrouvent la situation qu’elles avaient à la date du 10 mai 1940. Mais si en mars 1945, le COREF explique à ses membres que la restitution du permis de séjour de ceux qui en possédaient serait automatique, ceux qui n’en avaient pas ne verront pas leur situation améliorée118. Ceux qui étaient sous la menace d’une expulsion y sont à nouveau confrontés à leur libération et se heurtent à une interdiction de s’établir définitivement en Belgique. Le COREF les informe : « Ces personnes étaient en général déjà avant la guerre au courant qu’ils ne pouvaient pas obtenir le séjour permanent. Il n’est pas question de les expulser purement et simplement, mais on leur donnera la facilité de préparer leur émigration. »119

  • 120 Voir à ce sujet : D. Fraser et F. Caestecker, « Jews or Germans ? Nationality Legislation and the R (...)

70De même, début octobre 1944, la Belgique reconnaît la nationalité allemande des Juifs émigrés à qui le Reich l’avait enlevée durant l’Occupation, mais ceux qui l’avaient perdue avant mai 1940 restent apatrides120. Celles et ceux qui recouvrent leur nationalité ne peuvent le plus souvent pas revenir sur leurs pas. Quant à ceux qui sont apatrides, ils ne peuvent donc pas être “rapatriés”. Leur relation avec leur pays d’accueil demeure donc a priori conflictuelle.

  • 121 AGR, PE, Dossier individuel de C.

71La Police des Étrangers leur signifie souvent que leur séjour ultérieur sur le territoire national doit être le plus court possible. Ainsi dès la sortie de prison de C., son épouse et lui sont avertis qu’ils « ne sont pas autorisés à s’établir définitivement en Belgique et qu’ils doivent prendre leurs dispositions pour quitter le pays dès que les circonstances le permettront »121.

  • 122 Ibid.
  • 123 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaires du COREF.

72Ils sont souvent soumis à des procédures de contrôle : se présenter régulièrement au commissariat de police par exemple. C’est ce qui est imposé à C., ainsi qu’à sa femme122. Parmi les Juifs allemands qui ne furent pas internés, certains devaient se présenter une ou deux fois par semaine aux autorités, d’autres pas, sans qu’on puisse déterminer au juste pourquoi la mesure diffère selon les cas123.

  • 124 AGR, PE, 1432.

73Le fait qu’ils aient été internés n’influence en rien l’octroi d’un certificat de civisme et la mention « non ennemi », prévue à partir d’avril 1945, apposée sur leurs documents d’identité, puisque précisément, une fois leur libération intervenue, la procédure mise en œuvre a permis de prouver qu’ils avaient eu une “bonne attitude” sous l’Occupation. Mais pour beaucoup en réalité le doute reste et ne leur est en rien favorable ; ainsi une note interne de la Police des Étrangers, de janvier 1945, évoque le cas de « nombreux juifs allemands ou ex-autrichiens qui, ostensiblement du moins, réprouvent la nationalité allemande sous laquelle ils sont inscrits »124.

  • 125 AGR, PE, Dossier individuel de P.
  • 126 AGR, PE, Dossier individuel de P., rapport de gendarmerie du 28 novembre 1949.
  • 127 AGR, PE, Dossier individuel de P.

74La carte d’identité de P. porte bien la mention « non ennemie » et les documents de la Police des Étrangers répètent que rien ne peut lui être reproché. Mais, comme pour bien d’autres, cela ne veut pas dire que ses demandes ultérieures de pouvoir séjourner en Belgique dans le cadre de son travail (elle est employée par un cirque) seront accueillies sans méfiance125. « La présence en Belgique de cette étrangère ne se justifie pas. »126 La crainte d’une installation définitive en Belgique d’étrangers sans ressources continue d’être un obstacle. P. terminera toutefois ses jours en Belgique après avoir obtenu le statut de réfugiée de l’ONU127.

75Si le principe est que les Juifs allemands retrouvent leur situation d’avant-guerre relativement aux permis de séjour, ils ne peuvent cependant retrouver leur position économique et sociale d’autrefois.

  • 128 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, à Bruxelles, 5 nov (...)
  • 129 AGR, PE, Dossier individuel de P., rapport de gendarmerie du 28 novembre 1949.

76Pour retrouver un travail après la guerre, le fait même d’être allemand est un obstacle. Erich Gompertz écrira à propos des Juifs allemands : « Personne ne nous donne du travail actuellement, puisque nous sommes Allemands. »128 Les troupes anglaises et américaines présentes sur le territoire belge, quant à elles, semblent moins méfiantes vis-à-vis des Juifs allemands. Ainsi, P. travaille « dans des cantines réservées aux troupes anglaises ou américaines », puis travaille comme femme à journée129.

  • 130 MJB, COREF, boîte 15, inv. 82, extrait du Moniteur Belge du 23 janvier 1947, 654-655.
  • 131 AGR, PE, Dossier individuel de C.

77Leurs biens sont placés sous séquestre par un arrêté-loi du 23 août 1944 qui avait provoqué l’immobilisation de leur patrimoine. Les Juifs allemands sollicitent la mainlevée du séquestre après l’arrêté-loi du 13 janvier 1947 qui les y autorise130. L’Office des Séquestres s’informe alors auprès de la Police des Étrangers si elle a des réserves à formuler sur les certificats de civisme présentés et si le demandeur peut bien être considéré comme “non ennemi”. C. demande la mainlevée du séquestre en octobre 1949131. Ceux qui ne survivent pas longtemps après la Libération ne verront donc jamais leurs droits rétablis.

Conclusion

78Ces quelques épisodes illustrent les relations de l’époque entre Juifs, entre Juifs et non-Juifs, et entre les Juifs présents en Belgique et les autorités belges. Les Juifs allemands sont suspects pour certains parce qu’ils sont juifs ou parce qu’ils sont allemands ou parce qu’ils ont survécu. Ils éclairent aussi la vie quotidienne de ces personnes qui ont dû se justifier de tout après la Libération. Ils montrent le nombre d’obstacles que ces Juifs allemands ont dû surmonter pour survivre aux persécutions et à leurs conséquences. Chaque solution doit être improvisée et peut avoir des répercussions négatives pour eux.

79Si on ne peut pas dire que les autorités belges d’après la Libération soient indifférentes au sort de ces Juifs allemands, leur petit nombre par rapport à l’ensemble des problèmes à résoudre à l’époque fait que peu d’attention est accordée à leur sort. Des mesures considérées comme exceptionnelles sont prises à leur égard : des circulaires prévoient par exemple de reconnaître qu’une personne est juive alors que les autorités répèteront que faire une distinction entre Juifs et non-Juifs est en principe anticonstitutionnel.

80L’antisémitisme imprégné dans la société belge à l’époque ne peut faire qu’accroître les a priori et les suspicions qui pèsent sur ces Juifs allemands survivants. Leur destin dépend de l’arbitraire de quelques-uns. Juifs et Allemands, ils n’ont pas droit au bénéfice du doute. La période qui suit la Libération est une période d’incertitudes et aussi d’urgences ; comprendre ce qui leur est arrivé exactement prend du temps.

  • 132 Unzer Wort, juin 1944, texte traduit du yiddish et publié dans M. Werber, La parole dAbusz Werber, (...)

81Leurs cas dérangent, aussi bien les autorités belges, qui se rendent compte que considérer uniquement l’origine nationale des Juifs allemands conduit à des injustices, que les représentants de la communauté juive, qui dans ces temps de reconstruction ne veulent pas appuyer l’image qui assimile les Juifs présents en Belgique à des Allemands, donc à des ennemis. D’autre part, au sein d’une population juive survivante traumatisée, les Juifs allemands n’ont pas, pour beaucoup, une image positive. Les autorités d’Occupation avaient pu instrumentaliser à leur profit les différences et divergences régnant au sein de la population juive présente en Belgique. Unzer Wort, le journal des sionistes de gauche du Linké Poalé Zion, écrit en juin 1944 à propos des Juifs allemands : « Leur forte représentativité dans l’AJB [l’Association des Juifs en Belgique, mise en place par l’occupant] et dans toutes les institutions établies sur ordre de la Gestapo, ainsi que le traitement vil et abject par les Juifs allemands de leurs frères juifs polonais dans les camps, comme Breendonk et Malines, sont connus de tous, et ne doivent pas être présentés en détail. Il est pénible et honteux d’observer avec quelle facilité notre ennemi sanguinaire avait trouvé des serviteurs juifs, pour être utilisés contre les masses juives. »132

82O. écrit de sa cellule, alors qu’il est en prison depuis plusieurs mois, qu’il voit des Allemands libérés bien avant lui et qu’il se demande pourquoi ce n’est pas son cas : « Est-ce parce que je suis seul sans aucun soutien ? » Et effectivement, ces Juifs allemands internés ne peuvent pas compter sur des solidarités constructives à l’époque. Ils ne sont pas protégés par un pays. S’ils sont arrivés peu de temps avant l’Occupation, ils n’ont pas eu le temps d’être vraiment intégrés dans les communautés juives locales, qui ont par ailleurs de multiples autres priorités dans l’immédiat après-guerre. Le COREF les défendra comme il peut, mais doit tout d’abord se structurer, et comme ceux qui l’animent sont eux-mêmes des Juifs allemands, le COREF n’a que peu de poids dans cette Belgique d’après-guerre en pleine reconstruction.

  • 133 G. Cassart, op. cit., p. 45.

83Cassart concluait en reprochant au système mis en place que le sort des étrangers « sera réglé par une administration omnipotente, sans autres garanties que le contrôle parlementaire ». « L’internement des suspects est certes une mesure exceptionnelle, que seules les circonstances exceptionnelles justifient. En temps ordinaire ou aux mains d’un gouvernement de parti elle exposerait au pire arbitraire. L’instruction des commissions consultatives entoure certes ce procédé de police d’État, de garanties quasi judiciaires, du moins pour les Belges. Quatre années de “justice allemande” avec ses camps de concentration, ses lettres de cachet, ses procédés de délation et de torture ne nous ont certes pas appris la pitié. Nos cœurs se sont endurcis. »133

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Notes

1 Archives Générales du Royaume (AGR), Police des Étrangers (PE), Dossier individuel de S. Pour respecter l’anonymat des personnes citées, l’auteur a remplacé leurs nom et prénom par une lettre arbitrairement choisie.

2 Musée Juif de Belgique (MJB), Archives du COREF, boîte 1, inv. 1, « Comité Israélite des Réfugiés, Victimes des Lois Raciales, en bref “COREF”, à Bruxelles. Statuts », Annexe au Moniteur Belge du 28 juillet 1945, n° 1948, 987-988.

3 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13.

4 MJB, COREF, boîte 5, inv. 15, questionnaire rempli par le frère de L., 5 novembre 1945.

5 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaire rempli par K., 20 février 1945.

6 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaire rempli par C., 31 janvier 1945.

7 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13 ; boîte 4, inv. 14 ; boîte 5, inv. 15 ; boîte 6, inv. 16.

8 Voir notamment N. Wouters, « La reconnaissance d’après-guerre », dans R. Van Doorslaer (dir.), La Belgique docile. Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique durant la Seconde Guerre Mondiale, Bruxelles, 2007, pp. 1026-1030.

9 AGR, PE, 1113, « Législation de guerre relative aux étrangers et suspects, au regard spécifique de la Sûreté de l’État » (note interne de la Sûreté de l’État), 30 septembre 1950.

10 Voir E. Debruyne, « Réfugiés et étrangers dans un pays sur pied de guerre (septembre 1939 - mai 1940) » et « Les arrestations de mai 1940 et leur suite », dans R. Van Doorslaer (dir.), La Belgique docile…, op. cit., pp. 119-263. Sur les réfugiés allemands avant-guerre voir J.-Ph. Schreiber, « L’accueil des réfugiés juifs du Reich en Belgique. Mars 1933 – septembre 1939 : le Comité d’Aide et d’Assistance aux Victimes de l’Antisémitisme en Allemagne », dans Les Cahiers de la Mémoire contemporaine, 3, 2001, pp. 23-71 ; F. Caestecker, « Het beleid tegenover de joodse vluchtelingen uit nazi-Duitsland (1933-1940). Een gedoogbeleid tussen vluchtelingen- en immigratiebeleid », dans Les Cahiers de la Mémoire contemporaine, 3, 2001, pp. 13-21 ; F. Caestecker, Ongewenste gasten ? Joodse vluchtelingen en migranten in de dertiger jaren, Bruxelles, 1993 ; E. Debruyne, « De la politique de tolérance et de ses variations. La Belgique et l’exil des Juifs (janvier 1933 - septembre 1939) », dans R. Van Doorslaer (dir.), La Belgique docile…, op. cit., pp. 59-118.

11 E. Debruyne, « La Police des Étrangers », dans R. Van Doorslaer (dir.), La Belgique docile…, op. cit., pp. 349-360.

12 G. Cassart, Internement des Suspects et des Étrangers. Arrêté-loi du 12 octobre 1918 et son application en 1944, Bruxelles, 1944 (Georges Cassart se définit dans sa brochure comme « avocat à la Cour d’Appel de Bruxelles », « licencié en sciences politiques et sociales » ; la préface est écrite par Jacques Basyn, avocat à la Cour d’appel de Bruxelles, ancien chef de cabinet du ministre de la Justice). « Circulaire du Ministre de la Justice concernant l’application de l’arrêté-loi du 12 octobre 1918 (Moniteur des 15-19 octobre 1918) (circulaire n° 340) » dans G. Cassart, op. cit., p. 11. AGR, PE, 1113.

13 AGR, PE, 1113, Circulaire du ministre de la Justice concernant l’application de l’arrêté-loi du 12 octobre 1918 (Moniteur des 15/19 octobre 1918), signée Delfosse, ministre de la Justice, 21 août 1944 (Circulaire 340).

14 Service des Victimes de la Guerre (SVG), Dossier de Georges Cassart.

15 G. Cassart, op. cit., p. 12 et p. 26.

16 Ibid., p. 26.

17 Ibid., op. cit., p. 21.

18 Ibid., op. cit., p. 24.

19 Ibid., op. cit., p. 34.

20 Le Peuple, « La cinquième colonne se reforme », 15 septembre 1944, p. 2.

21 G. Cassart, op. cit., p. 30.

22 Ibid., op. cit., p. 22.

23 AGR, PE, Dossier individuel de P.

24 AGR, PE, Dossier individuel de L., lettre d’un avocat de L. adressée à l’Administra­teur de la Sûreté, 23 décembre 1944.

25 AGR, PE, Dossier individuel de L., notice de l’avocate de L., octobre 1944.

26 AGR, PE, Dossier individuel de S.

27 AGR, PE, Dossier individuel de C.

28 AGR, PE, Dossier individuel de M.

29 MJB, COREF, boîte 4, inv. 14.

30 AGR, PE, Dossier individuel de G.

31 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13.

32 AGR, PE, Dossier individuel de G., lettre de G. adressée au procureur général, 27 septembre 1944.

33 AGR, PE, Dossier individuel de G., note de l’avocate pour G. et son épouse, s.d.

34 AGR, PE, Dossier individuel de O.

35 AGR, PE, Dossier individuel de O., lettre de O. adressée « Au Président de la Commission des Étrangers », 25 janvier 1945.

36 AGR, PE, Dossier individuel de R. ; MJB, COREF, boîte 4, inv. 14, questionnaire rempli par R., 11 mars 1945.

37 AGR, PE, Dossier individuel de R.

38 AGR, PE, Dossier individuel de C.

39 AGR, PE, Dossiers individuels de C., P., O., L., G., M.

40 AGR, PE, Dossier individuel de M., Gendarmerie Nationale. Centre d’Internement d’Etterbeek, « Liste des étrangers détenus le 31/10/44 ».

41 G. Cassart, op. cit., p. 22.

42 Le Peuple, « À propos de l’internement des étrangers », 7 octobre 1944, p. 2.

43 Unzer Kamf, « La reconstruction de notre communauté et le Comité de Défense Juif », septembre 1944, pp. 3-4 (traduction de Jo Szyster). L’auteur remercie Jo Szyster de lui avoir communiqué les traductions qu’il a réalisées.

44 AGR, PE, Dossier individuel de L.

45 Unzer Kamf, « Des droits pour les masses juives », 14 octobre 1944, p. 1 (traduction de Jo Szyster).

46 AGR, PE, 855, lettre de Schneider, directeur général du Ministère des Affaires étrangères, adressée au ministre de la Justice, 1er mai 1945.

47 Sur Erich Gompertz, voir C. Massange, « Erich Gompertz. Historique d’un exil », dans Les Cahiers de la Mémoire contemporaine, 2008, 8, pp. 139-156.

48 Sur l’histoire de l’AIVG, voir notamment : C. Massange, Bâtir le lendemain. L’Aide aux Israélites Victimes de la Guerre et le Service social juif de 1944 à nos jours, Bruxelles, 2002.

49 Sur Chaïm Perelman, voir e.a. J.-Ph. Schreiber (éd.), Dictionnaire biographique des Juifs de Belgique. Figures du judaïsme belge XIXe-XXe siècles, Bruxelles, 2002, pp. 271-274.

50 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, « Protokoll der ausserordentlichen Vorstandssitzung vom 8 Juni 1945 » : « Exposé ».

51 Ibid. AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».

52 AGR, PE, 874, lettre de Ch. Janssens adressée au ministre de la Justice, 25 octobre 1944.

53 AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».

54 Ibid.

55 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, à Bruxelles, 5 novembre 1944. AGR, PE, Dossier individuel de C.

56 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, « Protokoll der ausserordentlichen Vorstandssitzung vom 8 Juni 1945 » : « Exposé ».

57 Ibid.

58 Archives du Service Social Juif, procès-verbaux des conseils d’administration de l’AIVG, 5 juin 1945, 12 juin 1945, 30 octobre 1945, 20 novembre 1945.

59 V. Vanden Daelen, Laten we hun lied verder zingen. De heropbouw van de joodse gemeenschap in Antwerpen na de Tweede Wereldoorlog (1944-1960), Amsterdam, 2008, p. 62.

60 AGR, PE, 1229, « Remplacement par des titres authentiques des cartes d’identité contrefaites ou falsifiées. Validation des cartes d’identité », circulaire du ministre de l’Intérieur adressée aux administrations communales, parue au Moniteur Belge du 6 octobre 1944.

61 AGR, PE, 1229, « Nationalité. Renouvellement de titres de séjour. Arrêté-loi du 12 octobre 1918. », circulaire du ministre de la Justice, adressée aux bourgmestres, parue au Moniteur Belge du 21 octobre 1944.

62 AGR, PE, 1113, circulaire du ministre de la Justice concernant l’application de l’arrêté-loi du 12 octobre 1918, 28 octobre 1944.

63 AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».

64 AGR, PE, Dossier individuel de G. AGR, PE Dossier individuel de O.

65 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, à Bruxelles, 5 novembre 1944.

66 Unzer Kamf, « Réfugiés allemands », 17 février 1945, pp. 3-4 (traduction de Jo Szyster).

67 G. Cassart, op. cit., p. 36.

68 Ibid., p. 42.

69 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, 5 novembre 1944.

70 AGR, PE, Dossier individuel de O., lettre de O. adressée « Au Président de la Commission des Étrangers », 25 janvier 1945.

71 AGR, PE, Dossier individuel de H., lettre du 15 décembre 1944 adressée à la Police des Étrangers.

72 AGR, PE, Dossier individuel de H.

73 G. Cassart, op. cit., p. 43.

74 Ibid., p. 44.

75 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, « Protokoll der Sitzung des Verwaltungsrates des COREF vom 7 Mai 1945 ». AGR, PE, Dossier individuel de C., lettre du « Comité de Défense de Juifs, Mouvement de Résistance, affilié au Front de l’Indépendance », 19 octobre 1944. Même lettre dans le dossier de L., AGR, PE. Dossier individuel de L.

76 AGR, PE, Dossier individuel de P., lettre de Nicole Limbosch au commandant du Centre d’Internement du Petit Château, 8 décembre 1944. AGR, PE, Dossier individuel de O.

77 AGR, PE, Dossier individuel de O., lettre de Nicole Limbosch à la Police des Étrangers, 1er février 1945.

78 AGR, PE, Dossier individuel de P.

79 AGR, PE, Dossier individuel de C., lettre du 23 février 1942.

80 AGR, PE, Dossier individuel de M.

81 AGR, PE, Dossier individuel de G.

82 AGR, PE, Dossier individuel de K.

83 AGR, PE, Dossier individuel de G., lettre au substitut du procureur du roi, 15 septembre 1944.

84 AGR, PE, Dossier individuel de H.

85 AGR, PE, Dossier individuel de H., lettre de l’avocat de H. adressée au ministre de la Justice, 18 novembre 1944.

86 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaires.

87 AGR, PE, Dossier individuel de C.

88 Kazerne Dossin (KD), inscription au registre des Juifs de K.

89 AGR, PE, Dossier individuel de K.

90 AGR, PE, Dossier individuel de M.

91 AGR, PE, Dossier individuel de R. MJB, COREF, boîte 4, inv. 14, questionnaire rempli par R., 11 mars 1945.

92 AGR, PE, Dossier individuel de C., lettre du 23 février 1942.

93 AGR, PE, Dossier individuel de G.

94 AGR, PE, Dossier individuel de C.

95 MJB, COREF, boîte 5, inv. 15, questionnaire rempli par le frère de L., 5 novembre 1945.

96 AGR, PE, Dossier individuel de C.

97 AGR, PE, Dossier individuel de S.

98 AGR, PE, Dossier individuel de C.

99 AGR, PE, Dossier individuel de C., attestation du 5 octobre 1944.

100 AGR, PE, Dossier individuel de P.

101 AGR, PE, Dossier individuel de M.

102 AGR, PE, Dossier individuel de M., lettre de M., adressée à la Police des Étrangers, 14 mars 1945.

103 G. Cassart, op. cit., p. 37.

104 Ibid., p. 39.

105 AGR, PE, 1113, note de la Sûreté de l’État, 30 septembre 1950.

106 G. Cassart, op. cit., p. 54.

107 AGR, PE, 874, « Statut des Juifs d’origine ennemie résidant en Belgique ».

108 AGR, PE, Dossier individuel de K.

109 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaire rempli par K., 20 février 1945.

110 AGR, PE, Dossier individuel de L., lettre de Nicole Limbosch, adressée à la Commission Consultative près les Services de la Police des Étrangers, 1er février 1945.

111 AGR, PE, Dossier individuel de M.

112 AGR, PE, Dossier individuel de G.

113 AGR, PE, Dossier individuel de O.

114 AGR, PE, Dossier individuel de R.

115 AGR, PE, Dossier individuel de L.

116 AGR, PE, Dossier individuel de M.

117 Ibid., rapport de gendarmerie du 15 octobre 1945.

118 MJB, COREF, boîte 20, inv. 111, « Communication importante à nos membres », 27 mars 1945.

119 Ibid.

120 Voir à ce sujet : D. Fraser et F. Caestecker, « Jews or Germans ? Nationality Legislation and the Restoration of Liberal Democracy in Western Europe after the Holocaust », dans Law and History Review, n° 31, 2, 2013, pp. 391-422. Sur la situation des réfugiés juifs dans l’après-guerre en Belgique, voir aussi les travaux de Frank Caestecker, notamment : « The Reintegration of Jewish Survivors into Belgian Society, 1943-1947 », dans D. Bankier, The Jews Are Coming Back. The Return of the Jews to their Countries of Origin after WWII, New York-Oxford, Jérusalem, 2005, pp. 72-107 ; « Holocaust survivors in Belgium, 1944-1949. Belgian Refugee Policy and the Tragedy of the Endlösung », dans Tel Aviver Jahrbuch für Deutsche Geschichte, XXVII, 1998, pp. 353-381 ; « Joodse vluchtelingen in West-Europa voor en na de Holocaust (1933-1950) », dans Driemaandelijks tijdschrift van de Stichting Auschwitz, 66, janvier-mars 2000, p. 96.

121 AGR, PE, Dossier individuel de C.

122 Ibid.

123 MJB, COREF, boîte 3, inv. 13, questionnaires du COREF.

124 AGR, PE, 1432.

125 AGR, PE, Dossier individuel de P.

126 AGR, PE, Dossier individuel de P., rapport de gendarmerie du 28 novembre 1949.

127 AGR, PE, Dossier individuel de P.

128 MJB, COREF, boîte 1, inv. 1, lettre d’Erich Gompertz au Bureau of Civil Affairs, à Bruxelles, 5 novembre 1944.

129 AGR, PE, Dossier individuel de P., rapport de gendarmerie du 28 novembre 1949.

130 MJB, COREF, boîte 15, inv. 82, extrait du Moniteur Belge du 23 janvier 1947, 654-655.

131 AGR, PE, Dossier individuel de C.

132 Unzer Wort, juin 1944, texte traduit du yiddish et publié dans M. Werber, La parole dAbusz Werber, Bruxelles, 2015, pp. 32-33.

133 G. Cassart, op. cit., p. 45.

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Table des illustrations

Titre La prison de Saint Gilles.
Crédits © Académie royale de Belgique
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/docannexe/image/334/img-1.jpg
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Titre La caserne du Petit Château à Bruxelles
Crédits © Académie royale de Belgique
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/docannexe/image/334/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 15k
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Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Massange, « L’internement de Juifs allemands à la Libération en Belgique »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine, 12 | 2016, 191-221.

Référence électronique

Catherine Massange, « L’internement de Juifs allemands à la Libération en Belgique »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine [En ligne], 12 | 2016, mis en ligne le 05 novembre 2019, consulté le 21 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/334 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cmc.334

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Auteur

Catherine Massange

Catherine Massange est historienne et chercheuse à la Fondation de la Mémoire contemporaine. Elle a notamment publié Bâtir le lendemain. L’Aide aux Israélites Victimes de la Guerre et le Service Social Juif de 1944 à nos jours (2002).

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