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Survivre à Bruxelles. Idel Ianchelvici er ses amis flamands

Hans Vandevoorde
p. 27-50

Texte intégral

  • 1 Voir H. Vandevoorde, « A Jewish intellectual under the radar », Journal of Dutch literature 9/1, 20 (...)
  • 2 La situation bascule en septembre 1943, voir L. Saerens, Onwillig Brussel. Een verhaal over Jodenve (...)

1 Bien que le champ d’étude de la Shoah en Belgique se soit élargi ces dernières années, notamment par l’accès à de nouvelles sources, la question des stratégies de survie de la population juive en Belgique sous l’Occupation, et plus particulièrement à partir de l’été 1942, demeure1. La recherche s’est en effet davantage intéressée aux déportations qu’aux moyens de survie de presque 60 % des Juifs résidant sur le territoire belge. Les parcours des rescapés de la Shoah varient : il y a ceux qui réussirent à quitter le pays à temps pour trouver refuge en Suisse ou dans un autre pays neutre pendant la guerre ; ceux qui, parfois en plus d’être relativement aisés, se sentaient protégés par la nationalité belge (les Juifs de nationalité belge – quelque 6 % – n’étaient pas inquiétés au début)2 ; ceux qui résidaient à Bruxelles, ou qui émigrèrent de force vers la capitale, avaient plus de chance de survivre que ceux qui restaient à Anvers ; ceux qui bénéficièrent d’une aide extérieure (résistants ou “Justes”) ; et ceux, enfin, qui eurent tout simplement de la chance.

2 Cette énumération fait d’emblée ressortir l’importance du lieu de résidence. Je voudrais examiner ici dans quelle mesure les chances de survie de certains citoyens juifs ont été déterminées non seulement par l’aide d’autrui ou par leur profession d’artiste, mais aussi par l’espace et le déplacement, et quelle influence ces changements d’espace ont exercée sur leur vie, spécialement sur leur art. Je retiens donc le cas d’Idel Ianchelevici (1909-1994), un artiste juif d’origine roumaine notamment célèbre pour ses monuments, qui dominent le paysage de Sint-Niklaas (Le Verbe) à Breendonk (Le Résistant) et de Liège (Le Plongeur) à La Louvière (L’Appel). Ianchelevici était si apprécié pour son humanisme qu’il fut un temps honoré par trois musées : un à La Louvière (inauguré en 1987), un autre aux Pays-Bas (Goudriaan, inauguré en 1996), animé par Helmi Veldhuijzen, et un dernier en France à Maisons-Laffitte, où l’artiste résidait depuis 1950. Seul le musée de La Louvière, qui abrite un nombre d’œuvres considérable, subsiste aujourd’hui. Goudriaan a fermé en 2009 et celui de Maisons-Laffitte se résume en réalité à une salle au centre culturel.

August Vermeylen et Toussaint van Boelaere

  • 3 À propos de cette sculpture, Vermeylen se serait écrié : « Mais qu’est-ce que vous avez fait là ! C (...)

3 Afin de suivre les traces de Ianchelevici, je prendrai pour guides deux écrivains flamands, August Vermeylen (1872-1945) et Fernand Toussaint van Boelaere (1875-1947), qui ont contribué par leur travail littéraire à façonner l’espace culturel bruxellois. Pendant toute sa carrière, Ianchelevici put surtout compter sur ses amis socialistes. Ce soutien, il le devait vraisemblablement à ses premières œuvres sculpturales d’ouvriers robustes et rugueux. Avant la Seconde Guerre mondiale, il façonna les bustes des socialistes Jules Destrée3, Louis Piérard et August Vermeylen ; après le conflit suivirent les effigies de Camille Huysmans, Achiel van Acker et une nouvelle fois Piérard. Dès avant la guerre, Ianchelevici bénéficiait surtout de l’aide de Vermeylen – sénateur, écrivain et flamingant qui, en 1930, était devenu le premier recteur de l’université de Gand néerlandisée. Historien de l’art, Vermeylen s’intéressait à la sculpture et sa judéophilie con­trastait nettement avec l’anti­sémitisme affiché par certains socialistes francophones de la vieille école (tels qu’Edmond Picard et Jules Destrée).

Buste d’August Vermeylen, 1935

© Fondation Ianchelevici

  • 4 Pour Andriesse et Van Buuren, voir J.-Ph. Schreiber, Dictionnaire biographique des Juifs de Belgiqu (...)
  • 5 H. Vandevoorde, « Les salons Errera de 1890 à 1960 », Les Cahiers de la Mémoire contemporaine 14, 2 (...)

4 Depuis la Première Guerre mondiale, Vermeylen entrete­nait de bons rapports avec les artistes, intellectuels et hom­mes d’affaires juifs. Ce point, qui pourrait expliquer le sou­tien accordé à Ianchelevici, mérite que je m’y attarde un peu. Dans les années trente, Vermeylen se lia à de nombreuses per­sonnes d’origine juive. À la bourgeoisie qui fréquentait le salon tenu par la famille bruxelloise Errera s’ajoutèrent, dans un second temps, des réfugiés juifs. Invité régulier du salon, Vermeylen y côtoyait l’élite juive de Bruxelles : le banquier David-Michel Van Buuren, l’homme d’affaires Hugo Andriesse (qu’il connaissait peut-être aussi du Hollandsche Club, fondé par le Juif néerlandais Bob Niekerk) et, bien sûr, la famille Errera elle-même4. J’ai raconté ailleurs l’histoire de sa relation intime avec Gabrielle Oppenheim-Errera5.

  • 6 En 1936, Simonne Hottlet-Rikkers mit à la disposition de Nemon un appartement avec studio/atelier ( (...)
  • 7 Correspondance conservée au Leo Baeck Institute, New York. Sur Dembitzer, voir V. Schmidinger, Tran (...)

5 Toujours dans les années trente, Vermeylen aida l’artiste juif d’origine croate Oscar Nemon (1906-1985), arrivé à Bruxelles en 1925 et qui partit pour Londres en 19366. C’est une amie intime de l’écrivain, Simonne Hottlet-Rikkers (d’origine néerlandaise), qui avait permis leur rencontre. Juste avant et pendant la guerre, il soutint d’autres immigrés, moins aisés, qui subirent des fortunes diverses. Une certaine correspondance nous renseigne sur la façon dont il se mobilisa en faveur de l’auteur juif allemand Salomon Dembitzer7. Vermeylen était aussi en contact avec les Juifs néerlandais André et Siegfried van Praag, également écrivains. Pendant la guerre, il aida surtout le scientifique austro-gantois d’origine juive Hans Handovsky. À l’issue du conflit, ce rôle de soutien fut endossé par son fils, Piet Vermeylen, et par Fernand Toussaint van Boelaere.

  • 8 En 1931, à la scission du club PEN belge en une aile flamande et une aile francophone, Toussaint de (...)
  • 9 Sculpture datant de 1947 (R. Avermaete, Ianchelevici, Bruxelles, 1976, p. 89).
  • 10 Conservé à l’Académie royale de langue et de littérature néerlandaises. Image : B. Balteau – L. Nor (...)

6 Toussaint van Boelaere est l’autre écrivain flamand qui retiendra mon attention dans ces pages. En février 1940, ce haut fonctionnaire, ami de Vermeylen, quitta le ministère de la Justice où il avait débuté comme traducteur en 1898. Il assumait depuis une dizaine d’années la présidence flamande de l’association d’écrivains internationale qu’était le PEN Club8 et appartenait à cette poignée de Bruxellois avec lesquels Vermeylen multipliait les collaborations. Franz de Backer, autre correspondant de Ian­chelevici dont celui-ci sculpta l’effigie9, était d’ailleurs secrétaire du PEN. Comme Vermeylen, Toussaint allait soutenir Ian­chelevici pendant toute sa carrière. L’artiste réalisa son buste dès 193810 ; plusieurs dessins suivirent à la fin de la guerre, ainsi qu’une médaille après le conflit.

  • 11 H. Vandevoorde, « Die belgischen PEN-Clubs und die deutschsprachigen Emi-granten », dans B. Biebuyc (...)

7 Toussaint van Boelaere me met ainsi sur la piste du PEN Club. Le soutien de Vermeylen aux écrivains juifs peut en effet s’ex­pliquer par son implication dans ce club, dont il représenta le pôle flamand du début des années vingt jusqu’à l’aube des années trente. S’il est vrai que le PEN flamand, qui se sépara du club belge en 1931, n’était pas très actif dans le militantisme antinazi, nous avons pourtant connaissance de certaines interventions – no­tamment de la part de Toussaint van Boelaere – en faveur des émigrés Joseph Roth et Hans Bendgens-Henner11.

  • 12 À son sujet, voir J.-Ph. Schreiber, Dictionnaire biographique..., op. cit., p. 281.

8 Outre son internationalisme, d’autres facteurs expliquent la judéophilie de Vermeylen : pendant ses études, il côtoyait le milieu intellectuel bruxellois de l’Université libre de Bruxelles, dont une part du personnel était d’origine juive. Il y fut même l’étudiant de l’historien Martin-Emmanuel Philippson12, et il est certain que, une fois professeur dans cette même université, il y rencontra le recteur Paul Errera et son épouse Isabelle, dont il allait fréquenter le salon aux côtés d’anciens étudiants comme Léon Kochnitzky (lui aussi d’origine juive). Élevé dans la religion catholique, il s’orienta rapidement vers la libre-pensée ; d’abord anarchiste, il se convertit au socialisme. Cependant, étant donné la “res­pectabilité” de l’antisémitisme, la formation intellectuelle et l’obédience socialiste de Vermeylen ne suffisent pas à rendre compte de son philosémitisme, qu’il faut sans doute rattacher à d’autres circonstances biographiques, comme celles suggérées plus haut.

  • 13 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 55, 70.

9 Les premiers contacts entre Vermeylen et Ianchelevici datent de 1935, année où les deux hommes se rencontrèrent lors d’une exposition du sculpteur au palais des Beaux-Arts. D’après son journal, Vermeylen visita l’exposition le 16 mars 1935. Il s’exalta devant les œuvres montrant la misère et la révolte ouvrière, et admira le dynamisme de la représentation13. Le 25 mai 1935, Vermeylen répondit à une lettre de Ianchelevici, sa réplique ayant été retardée par un séjour en Russie au mois d’avril. Fin septembre, l’écrivain rendit visite au sculpteur à Uccle, où celui-ci lui proposa de réaliser son effigie. C’est donc ainsi qu’en 1935, Ianchelevici façonna son premier buste de Vermeylen. Deux autres suivraient, en plus d’une médaille, d’une sculpture plus grande et de divers portraits pendant la guerre.

  • 14 Notamment en 1936 à l’architecte Seroen (voir la lettre de Frans Seroen à Ianchelevici, Archives I. (...)
  • 15 Voir la lettre de recommandation de Vivier (le 21 juillet 1939) et les lettres de Tous­saint et Ver (...)
  • 16 « Note sur mon activité... », op. cit., p. 3.
  • 17 Photo Letterenhuis, V4655/P tg :lhph :5538. Pour la réception, voir les réponses, datées du 7 févri (...)
  • 18 D’après Helmi Veldhuijzen (e-mail du 22 mai 2020), qui s’appuie sur une annotation pour un catalogu (...)
  • 19 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 81 et Musée Ianchelevici (MiLL), IANFON S 102 (AICIM), plâ (...)
  • 20 A. Vermeylen, « Janchelevici », dans A. Vermeylen, Verzameld Werk 4, Bruxelles, p. 492-493 La notic (...)

10 Vermeylen rédigea aussi des lettres de recommandation qui concernent Ianchelevici14. En 1937, il lui conseilla de se faire naturaliser, tentative qui échoua dans un premier temps15. « Vermeylen, m’avait fait comprendre qu’étant donné ma qualité de citoyen roumain, jamais je n’obtiendrais de travail intéressant en Belgique », écrivait le sculpteur dans une « Note sur mon activité dans le monde des arts » (non datée)16. Sur une photo de groupe prise à l’atelier, réunissant les invités d’une réception organisée le 15 février 1938, nous distinguons une nouvelle sculp­ture de Vermeylen, intitulée L’Orateur (1937)17. L’œuvre, cette fois coupée à la taille et reposant sur un lutrin, est plus grande que nature (1,50 mètre de haut) – à tel point que Ian (surnom d’Idel) semble très petit en comparaison. Le plâtre original a disparu18. En 1938, Vermeylen posa avec Toussaint sur quelques photos de l’exposition de Ianchelevici à La Louvière. Cette année-là, le sculpteur exécuta un autre buste de Vermeylen19. Un an plus tard, celui-ci rédigea une notice pour le catalogue de l’exposition rue de la Montagne, à Bruxelles, exposition qui se déroula du 18 mars au 8 avril dans l’atelier de l’artiste. Vermeylen y loua la « force élémentaire » des œuvres, perçant de l’intérieur vers l’extérieur20.

Ianchelevici

  • 21 Lettre de Ianchelevici à Pieter Valkhoff du 22 janvier 1936 (Archives I. – Liège). Sur la présence (...)

11 Mais qui était donc cet artiste et où se trouvait son atelier ? Arrivé en 1928 en Belgique, Ianchelevici étudia à l’académie de Liège jusqu’en 1933. Après son mariage (le 14 décembre 1933 à Spa), il s’installa à Saint-Josse-ten-Noode avec son épouse, élisabeth « Betty » Frenay, d’origine wallonne. À partir de là, il allait développer un réseau dont l’évolution peut être retracée en suivant le fil de ses œuvres. Sa carrière semble décoller en 1935, avec l’exposition aux Beaux-Arts et l’exposition universelle à Bruxelles, où il collabora au pavillon roumain. La même année, il façonna des bustes du roi Albert et de Jules Destrée. En 1936, Destrée et Vermeylen, aidés par Jan Greshoff, tentèrent de lui trouver un lieu d’exposition adéquat à Amsterdam. Cette quête permit à Ianchelevici d’exposer à la galerie A. Vecht à Am­sterdam, une exposition suivie d’une autre à la galerie Kleykamp de La Haye, puis d’une autre encore en 1937, organisée par le Kunstkring de Rotterdam21.

  • 22 La rue se situe dans le quartier Dieweg, entre le cimetière et la gare de Calevoet, un quartier que (...)
  • 23 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 55.
  • 24 Informations issues de documents de la Police des Étrangers (AGR, Police des Étran­gers, dossier 1. (...)
  • 25 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 39.

12 Après une brève période à Saint-Gilles (rue de Belgrade 108, de 1934 à 1935), Ianchelevici s’installa à Uccle (rue Paepenkasteel 79, de 1935 à 1938)22, dans un ancien moulin à eau, un atelier spacieux mais humide qui lui permit de travailler sur grand format et de déployer pendant trois ans une activité fébrile23. Dans une lettre de 1938, Vermeylen lui signala le bel atelier de Nemon, situé rue Thérésienne ; mais le 26 août 1938, Ianchelevici emménagea au 52 rue de la Montagne, pour y exploiter « un atelier assez vaste »24. Cette recherche d’un bon atelier, qui le conduisait toujours dans de nouveaux lieux, l’amènera finalement à quitter la Belgique pour la France25. Mais concluons ici qu’avant la guerre, Ianchelevici eut des ateliers à quatre adresses différentes dans Bruxelles.

Au Zavelberg

© Fondation Ianchelevici

Le logement de Ianchelevici au Zavelbergweg à Rhode-Saint-Genèse

© Fondation Ianchelevici

  • 26 AGR, Police des Étrangers, dossier 1.538.063, Avis de départ d’étranger, 18 septembre 1940. Dans le (...)
  • 27 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 20, 84.
  • 28 Photos notamment avec Charles-Louis Paron (B. Balteau – L. Norin – H. Veld­huijzen, Ianchelevici... (...)
  • 29 Journal intime de Fernand Toussaint van Boelaere, Letterenhuis, T394/H.

13 Un document de la Police belge des Étrangers nous apprend que pendant le conflit, plus précisément le 18 septembre 1940, Ianchelevici s’installa au n° 118 du Zavelbergweg, à Rhode-Saint-Genèse, près d’Alsemberg26. C’est là, vraisemblablement, qu’il façonna la sculpture d’un petit bouc27. À l’époque, la région d’Al­semberg était encore très rurale. D’après ses biographes, Ian y venait déjà avant la guerre. Les habitants le connaissaient, il pouvait donc s’y installer sans craindre de se faire remarquer. Il existe plu­sieurs photos de cet en­droit où il réalisa, au moins jusqu’en 1943, di­vers dessins, notam­ment de Vermeylen28. Dans une page de son journal inti­me, rédigée en janvier 1944, Toussaint van Boe­laere donne une descrip­tion de la sobre cabane où Ianchelevici, qu’il appe­lait Jan Paron, se réfu­giait en solitaire : « Visi­te à Jan Paron dans sa cabane en pierres décrépite, posée sur la crête d’une colline brabançonne, d’où on jouit d’une vue im­prenable sur les larges vallons d’un paysage hivernal – un hiver sans neige – composé de landes, de champs de seigle déjà flam­boyant de vert, quelques fermes çà et là, une agglomération rouge et blanche de maisons avec l’église au clocher en flèche, et toutes sortes d’arbres et de forêts. Mais la décrépitude du loge­ment, l’absence de tout confort : comment un homme peut-il vivre dans une telle dé­solation – nonobstant le paysage aperçu depuis ces Hauts de Hurlevent. Nous buvons une tasse de lait chaud ; je goûte un peu de bouillie de maïs, telle que les paysans bes­sarabiques la préparent pour remplacer le pain. Pas mal, cette bouillie, pas mal. »29

  • 30 AGR, Police des Étrangers, dossier 1.538.063, Avis de départ d’étranger, 13 août 1941.
  • 31 Voir la lettre de Vermeylen à Muls du 24 novembre 1941 (Letterenhuis, V4655/B1).
  • 32 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 83.
  • 33 Ibid.

14 Suite à la promulgation de l’une des premières ordonnances antijuives, le 28 octobre 1940, il se fit inscrire au registre des Juifs où, le 22 novembre 1940, il renseigna comme adresse non pas celle d’Alsemberg, mais l’atelier situé rue de la Montagne. Il semble ainsi qu’il ait gardé sa résidence dans le centre-ville de Bruxelles au moins jusqu’au 13 août 1941, date à laquelle, comme nous l’apprend un autre document de la Police des Étrangers30, il changea son adresse de la rue de la Montagne au n° 8 de l’avenue Jeanne, à quelques pas de l’ULB et de l’ancienne maison de Fer­nand Khnopff. Cette adresse, avenue Jeanne, a d’ailleurs été rajoutée par une autre main au registre des Juifs. Faut-il com­prendre que c’est en guise d’écran de fumée qu’il conserva sa vieille adresse, rue de la Montagne, jusqu’en août 1941 ? À l’époque de son déménagement vers l’avenue Jeanne, il devait pourtant se sentir encore en relative sécurité, comme le suggère l’exposition organisée du 29 novembre au 19 décembre 1941 à la galerie La Pasture, située au 65 avenue de la Toison d’Or31. On y trouvait notamment L’Adieu, « une figure douloureuse de femme, sculptée quelques mois plus tôt »32. Dans ses déplacements à vélo, il passait d’ailleurs régulièrement devant la villa du chef rexiste Léon Degrelle, qui occupait le château de la Fougeraie de la famille Wittouck, à Uccle. Un jour, il y réalisa sans réfléchir un croquis des gardes sans bottines33. Cette anecdote paraît, elle aussi, indi­quer une certaine tranquillité d’esprit.

Police des Étrangers, dossier 1.538.063, Avis de départ d’étranger,13 août 1941

© Archives générales du Royaume

  • 34 Ibid., p. 84.
  • 35 Ibid., p. 43. Ianchelevici a-t-il effectivement reçu une convocation ? Je n’ai pas pu m’en assurer. (...)
  • 36 MiLL et Archives I. – Liège. Sur les fausses cartes d’identité pour les Juifs, lire l’article d’Ahl (...)
  • 37 Archives I. – Liège.
  • 38 https://wallonica.org/blog/2019/06/03/ianchelevici-idel-1909-1994/.
  • 39 Lettre à en-tête de la Croix-Rouge à Jan Hoowij du 27 septembre 1943 (Archives I. – Liège).
  • 40 Voir l’enveloppe du 11 février 1944, avec pour adresse retour le n° 76 rue du Pont, Auvelais (Archi (...)
  • 41 Archives I. – Liège. La plupart des lettres ne sont pas datées.

15 Il semblerait pourtant que Ianchelevici ait progressivement pris conscience du risque. En effet, en déménageant à l’avenue Jeanne, il ne déclara toujours pas l’adresse d’Alsemberg au registre des Juifs, alors qu’il l’avait renseignée à la Police des Étrangers. Les ordonnances antijuives participèrent sûrement de cette décision, comme de celle de déménager en périphérie de Bruxelles. Mais c’est l’épouse de Robert Vivier qui, en 1941, lui fit véritablement prendre conscience du danger34. La promulgation d’une nouvelle ordonnance antijuive acheva de le convaincre. En mai 1942, le port de l’étoile jaune fut imposé aux Juifs à l’ex­ception de ceux qui avaient contracté mariage avec un(e) Belge (les Mischehe) ou qui étaient issus d’un mariage “mixte” (les Mischlinge). Ianchelevici était donc dans le premier cas. En outre, il ne se rendit pas à la caserne Dossin de Malines plus tard35. Face à la pression accrue, il prit une fausse identité, assortie d’une fausse adresse (rue de la Station n° 18)36, bien que nous ne sachions pas exactement quand. Une carte d’identité au nom d’Adolphe Janssens, sculpteur de profession, né à Soignies, mentionne la date du 23 mars 1941 ; une autre version – bilingue –, l’identifiant com­me « mouleur » (résidant dans la rue du Poinçon), porte com­me date d’émission le 28 juillet 193837. Le nom d’Adolphe lui fut suggéré par son ami, le poète Robert Vivier, « Adolphe étant le prénom par lequel il se faisait appeler étant jeune, le trouvant plus chic que le sien, jusqu’à ce qu’il devienne tristement célèbre »38. Comme nous l’avons vu plus haut, Toussaint van Boelaere em­ploya dans son journal le nom de Paron – Charles Paron était un ami du sculpteur – pour désigner Ianchelevici. Betty, l’épouse de ce dernier, utilisait parfois le nom de « Betty Paron » et l’adresse de Charles Paron (rue du Casino n° 8) pour envoyer des lettres au nom d’« Ian »39. Ianchelevici lui écrivit quelquefois à cette adresse40. Notons que la correspondance conservée entre les deux époux suggère qu’ils étaient loin d’être toujours ensemble41 – par prudence ou en raison du travail ?

Fausse carte d’identité, sous le nom de Janssens Adolphe

© Fondation Ianchelevici

  • 42 Lettre de Toussaint van Boelaere à Ianchelevici, Letterenhuis, T394/B1. L’année 1941 a été notée pa (...)
  • 43 Au début du mois de mars et en mai 1943, il séjourne à nouveau au Zavelberg : « Je me trouve en ple (...)
  • 44 « Moi, cela ne va pas encore tout a [sic] fait bien et je suis assez ennuyer [sic] de ne pouvoir tr (...)

16 Lorsqu’en 1943 Toussaint van Boelaere voulut rendre visite au sculpteur à l’« av. J. », il apprit au cours d’une seconde tenta­tive infructueuse que Ianchelevici n’y habitait plus42. L’adresse resta pourtant valide jusqu’après la guerre, car elle figurera sur son document de naturalisation belge et fera alors office d’adresse de correspondance. Il est certain qu’à partir de fin 1942, Ian­chelevici disposait d’un premier « vrai » refuge à Maransart (Brabant wallon). Maransart lui servait, dans tous les cas, davantage de lieu de refuge qu’Alsemberg, qui était en réalité une adresse semi-offi­cielle (renseignée, nous l’avons vu, à la Police des Étran­gers, mais pas aux autorités alleman­des). C’est depuis Maran­sart que, le 25 nove­mbre 1942, Ianche­levici remer­cia Ver­meylen pour l’en­voi de deux livres : « Je suis souvent triste de ne pas être à mon ate­lier et pouvoir tra­vailler libre­ment mais j’espère que ma conva­liscence [sic] ne sera plus longue ». S’y remettait-il vrai­ment d’une maladie ou y demeu­rait-il avant tout pour des raisons de sécurité ? Nous ne le savons pas43. Quoi qu’il en soit, il réitéra cette plainte de ne pas pouvoir travailler à sa guise quelques mois plus tard, dans une lettre du 1er mars 194344.

Ianchelevici à Maransart, en 1942 devant sa première taille directe

© Fondation Ianchelevici

  • 45 J’associe la lettre avec les vœux de Nouvel An de Vermeylen, datée du 6 janvier 1943, à l’enveloppe (...)
  • 46 À propos de cette ferme, voir D. Denuit, « L’Abbaye d’Aywiers. Nid de résistants communistes », Le (...)
  • 47 Ianchelevici immortalisa ses enfants dans la pierre, pendant la guerre, en 1943. Voir R. Avermaete, (...)
  • 48 Cette date est mentionnée par C. Coussement – J. Gotovitch, « Qui a tué Eugène Fried, dit “Clément” (...)
  • 49 Henri Lavachery et Vermeylen se rencontrèrent surtout pendant la guerre, à diverses occasions. Lava (...)
  • 50 Cf. « Un volcan nommé Tazieff », 16 avril 2014, http://www.lesgrossesorchadeslesam plesthalameges.f (...)
  • 51 Sur Eugen Fried, voir la biographie d’Annie Kriegel et Stéphane Courtois, Eugen Fried. Le grand sec (...)
  • 52 À son sujet, voir notamment R. Cans, Tazieff, le joueur de feu, Paris, 2010, ainsi que Fr. Westerma (...)
  • 53 L’histoire veut qu’au retour de Jean Lavachery de la guerre, qui marqua le départ de Tazieff pour l (...)

17 Dès le début du mois de janvier 1943, Vermeylen s’adressa à « Monsieur Janssens », résidant à La Clé des Champs, à Ma­ransart45. Ianchelevici se serait caché dans cette commune wallonne sous l’impulsion de Vivier et, surtout, de son épouse Zenitta Klupta, femme d’autorité et membre de la Résistance. Il se réfugia plus précisément dans la Cour Collin, la ferme abbatiale, située à une bonne heure de vélo de Bruxelles et non loin de Braine-l’Alleud46. Le corps de logis abritait une école plus ou moins ex­périmentale, La Clé des Champs, fondée en 1933 par le couple formé par Betty Limbosch (1912-1964)47 et son mari Jean Lavachery, tous deux d’obédience com­muniste48. Jean Lava­chery (1911-1996) était le fils d’Henri Lavachery, archéo­logue, explo­rateur de l’île de Pâques, futur conservateur des Musées royaux d’Art et d’Histoire, et une bonne con­naissance de Vermeylen49. Militaire, Jean avait été cap­turé au début de la guerre et resta prisonnier jusqu’à la Libération50. Pendant ce temps, la ferme scolaire accueillait de jeunes Juifs et des enfants de hauts digni­taires communistes, comme ceux d’Eugen Fried, chef du parti communiste français, et de sa compagne Aurore Membœuf51. Durant la guerre, Betty devint l’amante du résistant et réfugié Haroun Tazieff, le futur célèbre volcanologue52. Haroun était le fils de Zenitta et avait été élevé par Vivier, mari en secondes noces de celle-ci53.

Enveloppe d’une lettre d’August Vermeylen à Monsieur Janssens, “La Clef des Champs”, Maransart, du 6 janvier 1943

© Archives Ianchelevici, Université de Liège,Musée Wittert

  • 54 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 76. D’après Denuit (« L’Abbay (...)
  • 55 A. Kriegel – S. Courtois, Eugen Fried..., op. cit., p. 12-13.
  • 56 D. Denuit, « L’Abbaye d’Aywiers... », op. cit., p. 18.
  • 57 C. Coussement – J. Gotovitch, « Qui a tué Eugène Fried... », op. cit., p. 38-40. Voir aussi A. Krie (...)
  • 58 D. Denuit, « L’Abbaye d’Aywiers... », op. cit., p. 18-19. La fillette demeurait à La Clé des Champs (...)

18 À Maransart, Ianchelevici sculpta dans la pierre le joli visage d’une certaine Rosette Birnbaum : « Combien de coups de ciseau, de burin, pour faire surgir de la pierre le visage de fée des bois de Rosette Birnbaum, en 1942 », s’interrogent Bernard Balteau, Luc Norin et Helmi Veldhuijzen dans Ianchelevici ou la matière transfigurée54. D’après la biographie d’Eugen Fried55, « Rosette » était le pseudonyme de Marie ou Rose-Marie Pauker, la fille de Fried et Ana Pauker, future ministre des Affaires étrangères du régime roumain communiste. En 1939, Fried et sa compagne, Aurore Membœuf (première épouse du communiste français Maurice Thorez), se réfugièrent à Bruxelles avec le fils de Thorez et la fille de Fried. La petite fille, qui était née en 1932 en France et y avait été élevée par Aurore, s’appelait Marie ou Mașa (Mascha)56. Le 17 août 1943, Fried fut abattu par les Allemands à son adresse, rue Tenbosch n° 129. José Gotovitch et Marc Coussement ont démontré que cet assassinat n’était pas imputable aux Soviétiques, comme certains l’affirmaient, mais à la Gestapo, qui avait obtenu par la torture les renseignements nécessaires57. Heureusement, Marie Pauker et Maurice Thorez junior se trouvaient alors à Maransart – ou plus précisément, pour ce der­nier, à Couture-Saint-Germain, à un quart d’heure de l’abbaye d’Aywiers58.

  • 59 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 84. Voir aussi les sculptures (...)
  • 60 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 39. Voir la liste des œuvres aux pages 85-87 de B. Balteau (...)

19 Après Maransart, Ianchelevici se réfugia plus loin encore, à Auvelais, près de Sambreville, « chez des amis, les Van Campenhout », au n° 3 de la chaussée de Charleroi ou au n° 76 de la rue du Pont59. Il poursuivit son travail dans sa retraite et créa notamment Le Couple et Dans l’infini (1944)60. De 1943 date la célèbre Cracheuse, sculpture d’une jeune fille accroupie qu’on trouve sur le square Résidence Centrale dans l’Îlot Sacré à Bruxelles, ainsi qu’à Mons et à Paris.

Aide

20 Revenons donc à notre question initiale : comment Ianche­levici a-t-il pu survivre ? Plusieurs éléments expliquent pourquoi il avait plus de chances d’échapper à la Shoah que beaucoup d’autres Juifs persécutés. Quand survint l’Occupation, il vivait depuis plus longtemps en Belgique que les nouveaux venus, et y connaissait aussi plus de monde. Il y avait, surtout, son mariage avec une femme belge, Élisabeth Frenay ; son patronyme sla­ve, dont l’origine juive était difficilement identifiable ; et aussi sa phy­sionomie, qui ne répondait pas à l’image stéréotypée du “Juif”. Enfin, il bénéficiait de la protection, ou de l’aide, de plusieurs amis politiciens et artistes. Reste à déterminer la marge de manœuvre de ces amis pendant la guerre. Vermeylen, par exemple, avait perdu beaucoup de son influence depuis que les Allemands l’avaient démis de ses fonctions à l’automne 1940. Bien d’autres amis politiques résidaient à l’étranger, comme Camille Huysmans, ou étaient décédés.

  • 61 Virginie Devillez, Le retour à l’ordre. Art et Politique en Belgique, Bruxelles, p. 179, 370, note  (...)
  • 62 Voir les journaux intimes et les agendas de Vermeylen du 14 mars et des 20, 26 et 27 juin 1941 (Let (...)
  • 63 Lettre de Nyns à Vermeylen du 7 octobre 1941 (Letterenhuis, V4655/B2).
  • 64 Lettre de Vermeylen à Ianchelevici du 7 mars 1942 (Archives I. – Liège). Dans une lettre du 25 nove (...)
  • 65 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 39.

21 Vermeylen amena néanmoins le flamingant Jozef Muls, di­recteur général du département des Beaux-Arts et des Sciences auprès du ministère de l’Instruction publique, à faire quelques menus achats61. C’est ainsi qu’en juin 1941, Muls acquit une tête de jeune homme au prix de 3 000 francs62. La même année, Ver­meylen intercéda auprès de Marcel Nyns, secrétaire général du ministère de l’Instruction publique, et parvint à obtenir un « subside de 2 000 francs à titre d’encouragement artistique »63. Pendant la guerre, il négocia aussi l’achat du buste de Jan Poot, le directeur du Koninklijke Vlaamsche Schouwburg tout juste dé­cédé64. Autant dire qu’il resta « fidèle à la promesse qu’il fit lors de [sa] première rencontre [avec l’artiste] », comme l’écrit Roger Avermaete65. Vermeylen n’hésitait d’ailleurs pas à passer lui-même commande auprès de Ianchelevici, sans doute pour lui garantir un soutien financier. Il accepta l’exécution d’une « tête » (1941) ainsi que d’une médaille (1942), et se rendit plusieurs fois chez le sculpteur pour poser.

  • 66 Letterenhuis, T394/B1.
  • 67 Letterenhuis, V4655/F.

22 Toussaint, qui avait toujours évolué dans l’ombre et au service de Vermeylen, et entretenait avec celui-ci une relation non dénuée de tension, ne voulut pas être en reste. Dans une lettre à Ian­chelevici (de 1942 ?)66, il affirma être tout aussi conscient des « misères [...] vraiment excessives » de l’artiste. Lui aussi sou­haitait voir le sculpteur, et il était prêt à faire une longue balade en sa compagnie, activité qui lui était, du reste, prescrite par son médecin. Il faut croire qu’il n’attendait que Vermeylen pour faire le déplacement. Il existe en effet des photos d’une promenade de Vermeylen et Toussaint avec Ianchelevici, ainsi qu’une autre des deux écrivains avec, probablement, l’épouse du sculpteur. Les clichés sont datés de 1942 et situés à Alsemberg67.

  • 68 Letterenhuis, T394/B1.
  • 69 Ianchelevici évoque « la visite de personnalités qui s’étaient intéressées à mon travail, dont Augu (...)
  • 70 Il est possible d’associer cette lettre de remerciements du 23 juin 1943 (Letterenhuis, V4655/B1) à (...)
  • 71 Letterenhuis, V4655/F.

23 Vermeylen informait Toussaint du quotidien de Ianchelevici, mais, comme celui-ci le nota dans une lettre, que l’on peut éga­lement dater de 1942 ou début 194368, le professeur ne pouvait (ou ne voulait) pas tout bonnement lui révéler le lieu de sa retraite. Toussaint écrivit néanmoins au sculpteur qu’il avait réussi à obtenir cette adresse par le biais d’un ami (Vivier ?) et qu’il voulut le visiter. Peut-être qu’ici il s’agit de la visite qu’il avait évoquée dans son journal. Il ressort d’une photo de Vermeylen, datée de 1943 et située à Maransart, que celui-ci rendit visite à l’artiste la même année, alors que l’agenda de l’écrivain n’en fait nulle part mention – sans doute, là aussi, par prudence69. C’est toujours par prudence qu’au milieu de l’année 1943, Vermeylen écrivit non pas à Idel mais à l’épouse du sculpteur, qui lui avait apporté un bouquet de fleurs à Bruxelles70. Dans sa lettre, il la priait d’excuser son absence en invoquant une réunion. Il faut inter­préter les fleurs comme un gage de reconnaissance de la part de Ianchelevici (pour les achats de Muls ?), et sans doute est-ce en­core par reconnaissance que, dès la Libération, le 12 septembre 1944, l’artiste rendit visite à Vermeylen, qui lui rendit la faveur deux jours plus tard. La photo qui montre Toussaint et Vermeylen à table, avec, au fond, un portrait de Toussaint réalisé par l’artiste en 194471, date-t-elle de cette visite ?

24 Reste à savoir si Vermeylen a aidé Ianchelevici d’autres façons. À ma connaissance, Vermeylen n’était pas résistant. Il est vrai qu’il faisait partie d’un réseau de personnalités de l’ULB engagées dans la Résistance, comme Jean Pelseneer et Jean Lameere (Grou­pe G). En s’appuyant sur l’agenda et le carnet d’adresses de Vermeylen, nous pouvons reconstruire ce réseau qui, hormis le versant spécifiquement flamand, était centré autour de l’avenue Louise et concentré à Uccle et Ixelles, où résidaient de nombreux professeurs de l’ULB.

Répercussions

25 En retraçant le parcours de Ianchelevici, nous constatons plusieurs déplacements successifs : d’abord de Bruxelles vers sa périphérie (Rhode-Saint-Genèse), puis toujours plus loin de la capitale. Ces déménagements semblent à chaque fois dictés par des impératifs de sécurité. Les répercussions de cette mobilité sur l’œuvre de Ianchelevici sont difficiles à mesurer. On peut, dans tous les cas, se demander s’il lui restait suffisamment de matériel et si la monumentalité de ses œuvres n’en fut pas affectée.

26 Après la guerre, l’artiste médita sur cette période en ces termes : « Évidemment, je ne pus guère travailler durant ces années, et je me consacrai surtout au dessin et à la pierre, car tout un temps je vécus près d’une vieille abbaye où je pus me procurer des blocs de pierre. Mais, dans l’ensemble, je ne pus exécuter que de petites sculptures, et non celles pour lesquelles j’avais tant de projets. »72 Dans la lettre de 1942 ( ?), citée plus haut, Toussaint se demandait déjà si son art n’était pas devenu moins monumental : en ef­fet, « où chercher la matière ? ». Ce manque de matière lui inspira possiblement une nouvelle technique. À Maransart, Ianchelevici réalisa en effet « sa première taille directe (Enfant, sculpture aujourd’hui disparue) en 1942 »73. Le procédé de la taille directe exige une grande sûreté de main, car contrairement au modelage, il n’est pas possible de se corriger. La taille se fait en l’absence de toute esquisse préalable74. On observe, par ailleurs, que ce procédé s’accompagne pour Ianchelevici d’une nouvelle conception de l’espace, où les grands vides laissés entre les membres des figures sont remplis par la masse du bloc75.

  • 76 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 85 mentionne 1942 et une hauteur de 280 cm.
  • 77 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 61.
  • 78 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 60, 86.
  • 79 Letterenhuis, V4655/B2.

27 Bien qu’il faille se garder de toute interprétation hâtive, notons que la production de Ianchelevici semble effectivement ralentir et que ses travaux perdent nettement en monumentalité. Femme colonne (1941)76 mesure encore deux mètres, mais ensuite, la taille des œuvres diminue sensiblement. Ianchelevici se tourne même parfois vers la médaille (Les Oiseaux, 1942 ; Vermeylen, 1942) et semble avoir beaucoup dessiné durant cette période. Du glis­sement de son activité vers le dessin témoignent aussi son projet d’une « cité culturelle et universitaire »77, conçu en 1944, et divers projets de grands monuments78. Il ressort toutefois d’une lettre à Vermeylen, datée du 1er mars 1943, qu’il s’était déjà lancé bien plus tôt dans ces projets, au Zavelberg : « En attendend [sic] je dessine et fais des projets. »79

Conclusions

28 Avant la guerre, le rayon couvert par Ianchelevici était défini par son art et par sa quête d’un atelier adéquat, de taille suffisante. Durant le conflit, les espaces urbains et ruraux sont marqués par les oppositions sûr/dangereux, étendu/oppressant. Un refuge comme celui d’Alsemberg le bridait sûrement dans son expression, mais la nature lui permettait de respirer. Tous les espaces de vie choisis pendant la guerre privilégiaient la sécurité, ce qui explique probablement pourquoi Ianchelevici gardait une vieille adresse au fur et à mesure de ses déménagements, et pour­quoi il disposait dès 1942 d’un vrai lieu de refuge. Il veillait à toujours avoir deux adresses à la fois. Cette double résidence, de même que sa fausse identité, indiquent qu’il avait pleinement pris conscience du danger – raison pour laquelle il s’éloigna aussi tou­jours davantage de Bruxelles.

29 Si Idel Ianchelevici put survivre à la guerre, c’est en partie grâce à ses amis, qui comme Vivier et sa femme lui fournirent des conseils et, possiblement, un faux passeport, ou ceux qui, comme Vermeylen et dans une moindre mesure Toussaint, le soutinrent par des commandes ou des achats. Tant que l’artiste vivait à Bruxelles, il leur était facile de le contacter. Les choses se com­pliquèrent pendant la guerre, avec le durcissement progressif des mesures allemandes contre les Juifs. Mais après le conflit, les contacts furent vite renoués. Ianchelevici réalisa ainsi un nouveau portrait de Vermeylen en décembre 1944, puis un dernier portrait à la date du 12 janvier 1945, sur le lit de mort de l’écrivain.

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Notes

1 Voir H. Vandevoorde, « A Jewish intellectual under the radar », Journal of Dutch literature 9/1, 2018, p. 97-111 (http://www.journalofdutchliterature.org/index.php/jdl/ar ticle/view/174). Mes remerciements vont tout d’abord à Édith Micha et à son assistante, Margot Potelle, du Musée Wittert de l’Université de Liège, qui abrite les archives non inventoriées de Ianchelevici (Archives I. – Liège). Par l’aimable intermédiaire du professeur Erik Spinoy j’ai pu consulter ces archives. Un grand merci aussi à Filip Strubbe des Archives générales du Royaume (AGR) pour le dossier de la Police des Étrangers dont il a bien voulu me communiquer des extraits. Je remercie par ailleurs vivement Éric Gewelt, président de la Fondation Ianchelevici, ainsi que Nancy Nechelput du Musée Ianchelevici La Louvière (MiLL), pour les scans qu’ils m’ont fait parvenir, et aussi Bernard Balteau, vice-président de la Fondation Ianchelevici, pour le droit d’usage de ces photos, qui étaient parues auparavant dans Ianchelevici ou la matière transfigurée (2003). Helmi Veldhuijzen a eu la gentillesse de me fournir des ren­seignements précieux. La littérature sur Maransart (abbaye d’Aywiers) m’a été suggérée par José Gotovitch.

2 La situation bascule en septembre 1943, voir L. Saerens, Onwillig Brussel. Een verhaal over Jodenvervolging en Verzet, Bruxelles-Louvain, 2014, p. 75.

3 À propos de cette sculpture, Vermeylen se serait écrié : « Mais qu’est-ce que vous avez fait là ! C’est formidable ! – C’est le buste de monsieur Destrée. – Oui, je le vois bien, mais on dirait qu’il porte la mort sur ses épaules ! » (B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici ou la matière transfigurée, Tournai, 2003, p. 71).

4 Pour Andriesse et Van Buuren, voir J.-Ph. Schreiber, Dictionnaire biographique des Juifs de Belgique. Figures du judaïsme belge XIXe-XXe siècles, Bruxelles, p. 30, 345-346.

5 H. Vandevoorde, « Les salons Errera de 1890 à 1960 », Les Cahiers de la Mémoire contemporaine 14, 2019-2020, p. 279-293.

6 En 1936, Simonne Hottlet-Rikkers mit à la disposition de Nemon un appartement avec studio/atelier (« flat-cum-studio ») dans la maison où elle avait emménagé après son mariage avec le riche David Dear. Voir A. Young – J. Hale, Finding Nemon. The Extra­ordinary Life of the Outsider Who Sculpted the Famous, Londres-Chicago, 2018, p. 59.

7 Correspondance conservée au Leo Baeck Institute, New York. Sur Dembitzer, voir V. Schmidinger, Transit Belgien. Deutsche und österreichische Künstler im Exil 1933-1945, Munich, 2017, p. 241-249.

8 En 1931, à la scission du club PEN belge en une aile flamande et une aile francophone, Toussaint devint le premier président flamand du club.

9 Sculpture datant de 1947 (R. Avermaete, Ianchelevici, Bruxelles, 1976, p. 89).

10 Conservé à l’Académie royale de langue et de littérature néerlandaises. Image : B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 74.

11 H. Vandevoorde, « Die belgischen PEN-Clubs und die deutschsprachigen Emi-granten », dans B. Biebuyck – P. Campe – E. Snick (éds.), Der verirrte Kosmopolit. Joseph Roth in den Niederlanden und in Belgien, Bielefeld, 2020, p. 97, 99.

12 À son sujet, voir J.-Ph. Schreiber, Dictionnaire biographique..., op. cit., p. 281.

13 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 55, 70.

14 Notamment en 1936 à l’architecte Seroen (voir la lettre de Frans Seroen à Ianchelevici, Archives I. – Liège), en 1938 à Dirk Hannema du Musée Boijmans à Rotterdam (lettre de Vermeylen à Ianchelevici, Anvers, Letterenhuis, V4655/B1, le 12 mars 1938) et en 1939 à Leo van Puyvelde (Ibid., le 9 novembre 1939).

15 Voir la lettre de recommandation de Vivier (le 21 juillet 1939) et les lettres de Tous­saint et Vermeylen (le 5 novembre 1939, Letterenhuis, V4655/B1) sur l’état d’avan­cement de la demande de naturalisation (Archives I. – Liège). En 1939, la demande fut refusée sur la base du rapport de la Sûreté de l’État (« Note sur mon activité dans le monde des arts », p. 3, Archives I. – Liège). Ce n’est qu’à l’issue de la guerre que Ian­chelevici obtint la nationalité belge. En 1940, il demanda la nationalité russe. Vermeylen et le Dr A. Marteaux lui recommandèrent M. Efimov (attaché de presse) comme interlocuteur au consulat (« Note sur mon activité... », op. cit., p. 3).

16 « Note sur mon activité... », op. cit., p. 3.

17 Photo Letterenhuis, V4655/P tg :lhph :5538. Pour la réception, voir les réponses, datées du 7 février 1938, de E. Glesener et Oscar Grojean, secrétaire du cabinet, ainsi que la carte postale (au cachet illisible) de Toussaint van Boelaere (Archives I. – Liège). Date de réalisation (1937) selon R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 80.

18 D’après Helmi Veldhuijzen (e-mail du 22 mai 2020), qui s’appuie sur une annotation pour un catalogue : « 1947 plâtre original détruit ».

19 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 81 et Musée Ianchelevici (MiLL), IANFON S 102 (AICIM), plâtre. Photo Letterenhuis, V4655/P tg :lhph 6156.

20 A. Vermeylen, « Janchelevici », dans A. Vermeylen, Verzameld Werk 4, Bruxelles, p. 492-493 La notice en français fut reprise lors d’une exposition à la galerie Apollo en 1946.

21 Lettre de Ianchelevici à Pieter Valkhoff du 22 janvier 1936 (Archives I. – Liège). Sur la présence de Ianchelevici aux Pays-Bas, voir H. Veldhuijzen, « Ianchelevici en Ne­derland », dans H. Veldhuijzen, Ianchelevici. Beeldhouwer en tekenaar, Goudriaan, 2003, s.p. J. Premsela, le professeur Valkhoff et F. van Thienen (conservateur à La Haye) étaient ses principaux promoteurs aux Pays-Bas. Ianchelevici réalisa notamment des bustes de l’acteur Louis de Vries et de Jan Greshoff, écrivain résidant à Bruxelles qui, avec Vermeylen et Destrée, avait négocié en sa faveur aux Pays-Bas (« Note sur mon activité... », op. cit., p. 3). En mars 1940, Vermeylen intervint auprès de l’échevin des Arts d’Amsterdam Emanuel Broekman – par l’intermédiaire d’un ami commun, le Dr H. E. van Gelder – dans l’objectif de faire acheter le buste de De Vries par la commune, mais celle-ci manquait de fonds. De plus, le Stedelijk Museum avait déjà acquis la « tête » de Vermeylen (Broekman à Vermeylen, Letterenhuis, V4655/B2).

22 La rue se situe dans le quartier Dieweg, entre le cimetière et la gare de Calevoet, un quartier que Vermeylen connaissait bien, car il y avait lui-même habité.

23 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 55.

24 Informations issues de documents de la Police des Étrangers (AGR, Police des Étran­gers, dossier 1.538.063, rapport du 18 juillet 1938).

25 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 39.

26 AGR, Police des Étrangers, dossier 1.538.063, Avis de départ d’étranger, 18 septembre 1940. Dans le carnet d’adresses de Vermeylen (Letterenhuis, V4655/H), Ianchelevici figure deux fois à l’adresse rue de la Montagne 52 et une fois au Zavelberg.

27 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 20, 84.

28 Photos notamment avec Charles-Louis Paron (B. Balteau – L. Norin – H. Veld­huijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 86). Les dessins se trouvent à la Letterenhuis, I105/I. Dans une lettre de Ianchelevici du 1er mars 1943, envoyée à Vermeylen depuis Alsem­berg, il est question d’une visite annoncée (V4655/B2).

29 Journal intime de Fernand Toussaint van Boelaere, Letterenhuis, T394/H.

30 AGR, Police des Étrangers, dossier 1.538.063, Avis de départ d’étranger, 13 août 1941.

31 Voir la lettre de Vermeylen à Muls du 24 novembre 1941 (Letterenhuis, V4655/B1).

32 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 83.

33 Ibid.

34 Ibid., p. 84.

35 Ibid., p. 43. Ianchelevici a-t-il effectivement reçu une convocation ? Je n’ai pas pu m’en assurer. R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 39 affirme que ce fut le cas.

36 MiLL et Archives I. – Liège. Sur les fausses cartes d’identité pour les Juifs, lire l’article d’Ahlrich Meyer, « Faux papiers. Un chapitre ignoré de la Résistance juive en Belgi­que », Les Cahiers de la Mémoire contemporaine 10, 2011, p. 213-269.

37 Archives I. – Liège.

38 https://wallonica.org/blog/2019/06/03/ianchelevici-idel-1909-1994/.

39 Lettre à en-tête de la Croix-Rouge à Jan Hoowij du 27 septembre 1943 (Archives I. – Liège).

40 Voir l’enveloppe du 11 février 1944, avec pour adresse retour le n° 76 rue du Pont, Auvelais (Archives I. – Liège).

41 Archives I. – Liège. La plupart des lettres ne sont pas datées.

42 Lettre de Toussaint van Boelaere à Ianchelevici, Letterenhuis, T394/B1. L’année 1941 a été notée par une autre main sur la lettre, mais il s’agit probablement de 1942, voire de début 1943, étant donné que la lettre renvoie à la saison des expositions 1943-44. De plus, Ianchelevici semble avoir déménagé et être difficile à trouver ; or, rappelons qu’il exposait encore fin 1941, ce qui rend la datation douteuse. Une page du journal de Toussaint van Boelaere, rédigée en août 1943 (T394/H), décrit une balade à Maransart. Il est possible qu’elle renvoie à cette visite prévue, qui eut finalement lieu à l’extérieur.

43 Au début du mois de mars et en mai 1943, il séjourne à nouveau au Zavelberg : « Je me trouve en pleine nature, la chose la plus riche » (Lettre du 20 mai 1943 à Vermeylen, Letterenhuis, V4655/B2).

44 « Moi, cela ne va pas encore tout a [sic] fait bien et je suis assez ennuyer [sic] de ne pouvoir travaillier [sic] » (Letterenhuis V4655/B2).

45 J’associe la lettre avec les vœux de Nouvel An de Vermeylen, datée du 6 janvier 1943, à l’enveloppe vide du 6 janvier (Archives I. – Liège) adressée à « Monsieur Janssens / “La Clé des Champs” / Maransart ».

46 À propos de cette ferme, voir D. Denuit, « L’Abbaye d’Aywiers. Nid de résistants communistes », Le Spantole 26/1-3, 1981, p. 17-19.

47 Ianchelevici immortalisa ses enfants dans la pierre, pendant la guerre, en 1943. Voir R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 87.

48 Cette date est mentionnée par C. Coussement – J. Gotovitch, « Qui a tué Eugène Fried, dit “Clément”, délégué de l’Internationale Communiste... », Cahiers Marxistes 14/110, 1983, p. 540.

49 Henri Lavachery et Vermeylen se rencontrèrent surtout pendant la guerre, à diverses occasions. Lavachery figure également dans le carnet d’adresses de Vermeylen.

50 Cf. « Un volcan nommé Tazieff », 16 avril 2014, http://www.lesgrossesorchadeslesam plesthalameges.fr/notreblogskynet/un-volcan-nomme-tazieff-8163861.html.

51 Sur Eugen Fried, voir la biographie d’Annie Kriegel et Stéphane Courtois, Eugen Fried. Le grand secret du PCF, Paris, 1997. À propos d’Aurore Membœuf, voir C. Pennetier, « THOREZ Aurore, Marie, Josephe [née MEMBOEUF puis épouse VIRLOUVET] », https://maitron.fr/spip.php ?article132610.

52 À son sujet, voir notamment R. Cans, Tazieff, le joueur de feu, Paris, 2010, ainsi que Fr. Westermann, Stikvallei, Amsterdam, 2013, et Fr. Lavachery, Un volcan nommé Haroun Tazieff, Paris, 2014.

53 L’histoire veut qu’au retour de Jean Lavachery de la guerre, qui marqua le départ de Tazieff pour la France, les amants aient conçu un enfant en guise de cadeau d’adieu. L’enfant fut baptisé Frédéric Lavachery. Ianchelevici réalisa en 1942 une sculpture de son frère aîné, Michel Lavachery (R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 87). L’année suivante, ce fut le tour de Nicole, Henri et Pierre Limbosch (Ibid.).

54 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 76. D’après Denuit (« L’Abbaye d’Aywiers... », op. cit., p. 18), la sculpture se trouvait dans le jardin des Lavachery.

55 A. Kriegel – S. Courtois, Eugen Fried..., op. cit., p. 12-13.

56 D. Denuit, « L’Abbaye d’Aywiers... », op. cit., p. 18.

57 C. Coussement – J. Gotovitch, « Qui a tué Eugène Fried... », op. cit., p. 38-40. Voir aussi A. Kriegel – S. Courtois, Eugen Fried..., op. cit., p. 382-395.

58 D. Denuit, « L’Abbaye d’Aywiers... », op. cit., p. 18-19. La fillette demeurait à La Clé des Champs aux alentours de l’assassinat de Fried (le 17 août 1943). Plus tard, elle se souviendrait ainsi de ce moment : « J’étais dans ma pension, c’était une pension bizarre, tenue par une bonne femme qui n’avait que des enfants de ce genre-là, des enfants soit de déportés, soit de clandestins, et Aurore est arrivée, effondrée, transformée, on voyait que quelque chose s’était passé » (Cité dans A. Kriegel – S. Courtois, Eugen Fried..., op. cit., p. 392).

59 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 84. Voir aussi les sculptures d’Annie Van Campenhout de 1944 (R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 87) et de Philippe Van Campenhout de 1945 (Ibid., p. 89).

60 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 39. Voir la liste des œuvres aux pages 85-87 de B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen qui, outre Couple et Dans l’infini, citent Ado­lescente (1942), Baigneuse (1942), La Chevelure (1943) ou encore L’Inconnue (1945).

61 Virginie Devillez, Le retour à l’ordre. Art et Politique en Belgique, Bruxelles, p. 179, 370, note 131, parle de six dessins et d’une « sculpture de femme » en 1943. Le 11 novembre, Vermeylen informa « Madame Ianchelevici » que l’achat de 7 000 francs serait reporté à janvier 1943, le budget annuel « étant complètement épuisé » (Letterenhuis, V4655/B1).

62 Voir les journaux intimes et les agendas de Vermeylen du 14 mars et des 20, 26 et 27 juin 1941 (Letterenhuis, V4655/H).

63 Lettre de Nyns à Vermeylen du 7 octobre 1941 (Letterenhuis, V4655/B2).

64 Lettre de Vermeylen à Ianchelevici du 7 mars 1942 (Archives I. – Liège). Dans une lettre du 25 novembre 1942, Ianchelevici remercie Vermeylen de son intercession auprès du gouvernement (Letterenhuis, V4655/B2).

65 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 39.

66 Letterenhuis, T394/B1.

67 Letterenhuis, V4655/F.

68 Letterenhuis, T394/B1.

69 Ianchelevici évoque « la visite de personnalités qui s’étaient intéressées à mon travail, dont August Vermeylen, Robert Vivier, etc., et je gardai le contact avec le Dr. A. Marteaux, jusqu’à son départ pour l’Angleterre, et Jean Blume, rédacteur au “Drapeau Rouge” » (« Note sur mon activité... », op. cit., p. 5).

70 Il est possible d’associer cette lettre de remerciements du 23 juin 1943 (Letterenhuis, V4655/B1) à l’enveloppe vide adressée à « Madame Janssens / Clé des Champs / Maransart » (cachet de la poste incomplet), conservée aux Archives I. – Liège.

71 Letterenhuis, V4655/F.

72 « Note sur mon activité... », op. cit., p. 5.

73 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 84.

74 Ibid., p. 137.

75 Site du musée : https://www.lalouviere.be/loisirs/culture/musees/musee-ianchelevici/ collection/sculpture/pierre/la-taille-directe-dans-la-pierre.

76 R. Avermaete, Ianchelevici, op. cit., p. 85 mentionne 1942 et une hauteur de 280 cm.

77 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 61.

78 B. Balteau – L. Norin – H. Veldhuijzen, Ianchelevici..., op. cit., p. 60, 86.

79 Letterenhuis, V4655/B2.

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Table des illustrations

Légende Buste d’August Vermeylen, 1935
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Légende Au Zavelberg
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Légende Le logement de Ianchelevici au Zavelbergweg à Rhode-Saint-Genèse
Crédits © Fondation Ianchelevici
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Légende Police des Étrangers, dossier 1.538.063, Avis de départ d’étranger,13 août 1941
Crédits © Archives générales du Royaume
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Légende Fausse carte d’identité, sous le nom de Janssens Adolphe
Crédits © Fondation Ianchelevici
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Légende Ianchelevici à Maransart, en 1942 devant sa première taille directe
Crédits © Fondation Ianchelevici
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Légende Enveloppe d’une lettre d’August Vermeylen à Monsieur Janssens, “La Clef des Champs”, Maransart, du 6 janvier 1943
Crédits © Archives Ianchelevici, Université de Liège,Musée Wittert
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Pour citer cet article

Référence papier

Hans Vandevoorde, « Survivre à Bruxelles. Idel Ianchelvici er ses amis flamands »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine, 15 | 2021, 27-50.

Référence électronique

Hans Vandevoorde, « Survivre à Bruxelles. Idel Ianchelvici er ses amis flamands »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine [En ligne], 15 | 2021, mis en ligne le 01 juillet 2022, consulté le 16 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/1160 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cmc.1160

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Auteur

Hans Vandevoorde

Hans Vandevoorde est professeur de littérature néerlandaise à la VUB. Il est l’auteur de différents ouvrages et articles sur la lit­térature et la culture du XIXe siècle, de la fin de siècle et de l’entre-deux-guerres, ainsi que sur la poésie d’après-guerre.

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