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notes de lectures

Juifs en pays d’Arlon. Une communauté au XIXe siècle

Jacques Déom
p. 301-303
Référence(s) :

Angélique Burnotte, Juifs en pays d’Arlon. Une communauté au XIXe siècle. Préface de Francis Balace. Bruxelles, Didier Devillez Éditeur – Institut d’Études du Judaïsme, 2005, 145 pages, illustré.

Texte intégral

1Qui s’intéresse à l’histoire des Juifs en Belgique ne manquera pas de saluer le volume qu’Angélique Burnotte, licenciée en histoire de l’Université de Liège et, depuis 2003, collaboratrice de l’Institut d’Études du Judaïsme (Université libre de Bruxelles), vient de consacrer à la communauté juive d’Arlon au XIXe siècle. Car si Anvers et Bruxelles, et plus modestement Liège et Gand, occupent une place respectable dans la bibliographie, ce n’est que depuis peu que l’on s’est penché sur le devenir de la communauté arlonaise. L’indiscutable déclin qu’a connu au XXe siècle ce foyer de judéité, qui ne rassemble plus aujourd’hui qu’une population vieillissante souffrant de l’exode de sa jeunesse, n’a pas peu contribué à laisser dans l’ombre son époque faste au cours du précédent siècle. L’auteur nous fournit donc un tableau très complet, appuyé sur les recherches les plus minutieuses en archives et une importante bibliographie, des multiples aspects de la vie des Juifs d’Arlon.

2Cette première synthèse sur le sujet s’attache en premier lieu à évoquer la spécificité du peuplement juif. Située sur une voie commerciale reliant les Pays-Bas à l’Italie via Metz, la ville d’Arlon compta des Juifs dès le Moyen Âge, si l’on en juge par la rue qui porte leur nom en 1226. Mais c’est avec les régimes français et hollandais, puis avec l’indépendance du jeune État belge surtout, que le judaïsme local s’installa vraiment. Il se constitue grâce à une immigration homogène en provenance des régions avoisinantes : l’Alsace, la Lorraine et la Sarre, comme suffirait à le montrer, à défaut d’autres indices, la fréquence des patronymes Cerf ou Fribourg. On compte quelque 31 Juifs en 1830, 109 en 1846, 134 en 1855, 147 en 1864… La population juive représente en 1846 environ 2 % de la population totale de la ville, soit un chiffre cinq fois supérieur à celui enregistré dans les autres sites d’implantation juive, que caractérise par ailleurs une population globale de loin plus nombreuse. Entre 1846 et 1907, la communauté fera plus que doubler, puisqu’à cette dernière date elle compte 250 personnes. La guerre franco-allemande et le rattachement à l’Allemagne de l’Alsace et de la Lorraine sont vraisemblablement pour quelque chose dans ce mouvement.

3L’étude consacre plusieurs pages à l’évocation des difficultés à pourvoir le poste de ministre-officiant – la personnalité d’Abraham Oungre, en fonction pendant quarante-six ans à partir de 1867 se détache ici – ou, corrélativement, à organiser l’enseignement religieux dans le climat orageux qui, bien au-delà des frontières arlonaises, entourait à l’époque la question confessionnelle. Sont également examinés les rapports de la communauté avec le Consistoire central israélite de Belgique dès la création de ce dernier en 1832.

4Arlon la juive se caractérise par un haut degré d’intégration tant sociale qu’économique. La Constitution du nouvel État belge fait des Juifs des citoyens à part entière, susceptibles d’adhérer à la croyance de leur choix, qui peuvent voter et être élus. Les Juifs d’Arlon – qui appartiennent à l’une des cinq communautés juives désormais reconnues par l’État – représentent un bel exemple de cette humanisation de la condition juive en participant à la vie désormais commune. Économiquement prospères, ils ne comptent pour ainsi dire pas d’indigents dans leurs rangs. Ils sont pour la plupart négociants (en peaux, chevaux, bestiaux ou grain notamment). En 1897, Abraham Tolkowsky crée à Arlon une usine de taille du diamant qui assure plusieurs dizaines d’emplois. Les Juifs de la ville étaient « estimés et très corrects en affaire. Dès avant 1890, ils étaient assimilés à la population et participaient à la vie journalière de la petite cité », note un observateur de la vie locale. Au cœur d’un milieu rural et traditionaliste, ils ne se heurtent à aucune agressivité de la part des catholiques. Et leur yiddish (sous la forme du judéo-alsacien) cousine avec le dialecte germanique longtemps pratiqué à Arlon, le temps que la francisation fasse son chemin.

5L’intégration qui caractérise la communauté juive d’Arlon n’entame pas le quant-à-soi indissociable de la conscience juive. Il se marquera dans le paysage par la création d’un espace propre à la communauté. Dès 1856, celle-ci dispose en effet de son cimetière. Quelques années avant qu’éclate la polémique sur l’acceptabilité légale des cimetières confessionnels, elle a été l’une des premières à recevoir des autorités communales l’autorisation d’établir un carré juif autonome et à en obtenir l’aide financière pour ce faire. Le même apport, renforcé par celui de la Province et de l’État permettra, à partir de 1863, la construction en style néo-roman, sur des plans de l’architecte Albert Jamot, de la synagogue, la première érigée dans l’État belge indépendant. Elle sera inaugurée deux ans plus tard. Plusieurs années passeront avant qu’elle soit totalement équipée. Mais c’était la première fois que l’autorité publique intervenait pour subventionner un lieu de culte non catholique. La perspective de voir croître en conséquence la population juive locale – et l’activité commerciale qu’elle drainait – ne semble pas avoir été totalement étrangère à cette ouverture d’esprit.

6On lira dans le volume mille détails qui restituent la saveur des temps et des lieux. Ils fournissent ample matière à comparaison. L’appareil de notes et références, ainsi que l’index qui clôturent l’ouvrage, y aideront.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jacques Déom, « Juifs en pays d’Arlon. Une communauté au XIXe siècle »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine, 6 | 2005, 301-303.

Référence électronique

Jacques Déom, « Juifs en pays d’Arlon. Une communauté au XIXe siècle »Les Cahiers de la Mémoire Contemporaine [En ligne], 6 | 2005, mis en ligne le 01 novembre 2020, consulté le 10 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cmc/1022 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cmc.1022

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Auteur

Jacques Déom

Jacques Déom, licencié en Philosophie, licencié en Philologie biblique, est chercheur à la Fondation de la Mémoire contemporaine.

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