Sylvie Chaperon, La médecine du sexe et les femmes, Anthologie des perversions féminines au XIXe siècle
Sylvie Chaperon, La médecine du sexe et les femmes, Anthologie des perversions féminines au XIXe siècle, coll. « L’Attrape-corps », Paris, La Musardine, 2008, 199 pages.
Texte intégral
1L’ouvrage présente une anthologie de quarante huit cas de perversions féminines publiés par vingt-quatre médecins différents du xixe siècle, précédés d’une introduction de vingt pages et se concluant par une bibliographie de trois pages. Les cas sont classés selon les termes de l’époque dans l’ordre suivant : onanisme (12 cas), nymphomanie (13), érotomanie (5), anaphrodisme, frigidité et impuissance (1), bestialité, zoophilie (2), nécrophilie (1), exhibitionnisme (1), saphisme, tribadisme et inversion sexuelle (6), fétichisme (2) et pédophilie (5). Le développement de la médecine expérimentale fondée sur l’étude de cas au détriment du recours à la citation d’ouvrages anciens et prestigieux a produit des sources particulièrement intéressantes pour comprendre la culture sexuelle bourgeoise masculine de l’époque. Diverses rééditions de sources accompagnent actuellement le renouvellement de l’historiographie sur l’histoire de la sexualité. Mais elles concernent presque exclusivement les hommes. Sylvie Chaperon, auteur de Les origines de la sexologie, 1850-1900, dont il est rendu compte ci-dessus, comble ici un vide en rassemblant des sources éparpillées dans des thèses, dictionnaires, ouvrages et périodiques de médecine sur les perversions sexuelles des femmes. Écartant les observations portant sur les couples, les malformations, les victimes de violences sexuelles et les diverses formes d’hermaphrodisme, l’auteur a recherché les sources qui donnent à voir des femmes actrices de leur sexualité.
2Comme le rappelle l’auteure dans son introduction, les malades décrites ici le sont depuis le point de vue d’hommes bourgeois exclusivement. Les premières femmes médecins dans les années 1860 ne s’occupent pas de sexualité. Et « malgré de nombreuses recherches, aucune autobiographie sexuelle de femme n’a été retrouvée, alors que les médecins ou les psychiatres encouragent leurs patients ou les prévenus qu’ils expertisent à coucher eux-mêmes sur le papier le récit de leurs expériences (…) » (p. 23) : l’injonction à la pudeur interdit aux femmes de raconter leurs expériences sexuelles à la première personne. Elles ne peuvent littéralement pas parler : qu’elles soient bourgeoises et tenues à l’extrême pudeur ou qu’elles soient issues des couches populaires et nécessairement viciées. L’introduction invite aussi à scruter l’évolution de l’écriture et des grilles d’analyses médicales sur tout le siècle : de dramatique et culpabilisatrice pour les femmes et les fillettes, elle devient plus sobre et attentive aux traumatismes subis aux différentes étapes du cycle biographique et peu à peu les abus sexuels sur les fillettes sont dénoncés et poursuivis.
3Clair et agréable, l’ouvrage contextualise rapidement chaque cas et permet de découvrir, entre les lignes, des femmes auteurs de crimes sexuels sur des enfants et beaucoup moins passives et plus imaginatives en matière de sexualité que certaines images d’Épinal sur les femmes du XIXe siècle ont bien voulu nous le faire croire. Il intéressera autant le grand public que les étudiants ou enseignants spécialisés dans les études sur le genre.
Pour citer cet article
Référence papier
Capucine Boidin, « Sylvie Chaperon, La médecine du sexe et les femmes, Anthologie des perversions féminines au XIXe siècle », Clio, 31 | 2010, 312-313.
Référence électronique
Capucine Boidin, « Sylvie Chaperon, La médecine du sexe et les femmes, Anthologie des perversions féminines au XIXe siècle », Clio [En ligne], 31 | 2010, mis en ligne le 21 juin 2010, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/9771 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.9771
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