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AccueilClio. Histoire‚ femmes et sociétés28DossierGudrid Thorbjarnardottir

Dossier

Gudrid Thorbjarnardottir

Une globe-trotteuse de l’an mil1
Gudrid Thorbjarnardottir: a female globe-trotter of the year 1000
Jenny Jochens
p. 38-58

Résumés

L’article examine la vie d’une jeune fille islandaise qui a parcouru le monde connu et inconnu de son temps. Née en Islande vers la fin du dixième siècle, elle s’est rendue avec sa famille au Groenland où elle fut mariée deux fois. Avec son second mari, elle a voyagé vers le Nouveau Monde récemment découvert par ses compatriotes. Elle y donna naissance à un fils, mais elle et sa famille furent contraintes de retourner en Islande. Après la mort de son mari, elle entreprit un pèlerinage à Rome, avant de finir sa vie comme ermite dans son île natale.

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Entrées d’index

Mots-clés :

paganisme, prophétesse, Vikings

Géographique :

Islande, l’Anse-aux-Meadows
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Texte intégral

  • 1 Les noms islandais sont simplifiés sauf dans la bibliographie.

1Définir le concept de voyage exige de considérer l’époque où cette activité a pris place. Pour le Moyen Âge, on peut recourir à la définition très large récemment proposée par deux chercheurs américains. Par « voyages », ils entendent

  • 2 Friedman & Figg 2000 : vii-viii.

les mouvements des individus depuis leurs domiciles jusqu’en d’autres endroits, tout proches ou très éloignés, que ces déplacements aient été entamés pour des raisons religieuses (c’est le cas des pèlerins ou des ascètes), suscités par la recherche de profits personnels ou politiques (dans le cas des marchands et des colonisateurs), ou encore animés par la curiosité intellectuelle… ou par tout autre combinaison de raisons2.

  • 3 Pour les historiens, il est intéressant d’observer que la biologie moléculaire permet aux généticie (...)

2Les professions relevant de ces catégories pourraient suggérer que les hommes ont constitué la majorité des voyageurs, mais un contact même succinct avec les sources médiévalessuffit à démontrer que les femmes ont nécessairement participé à ces activités. Tel fut surtout le cas dans des mouvements de masse comme les invasions germaniques dans l’empire Romain ou, de toute importance pour cet essai, l’expansion des Vikings du Nord en Europe3.

  • 4 Pour les différents modèles d’immigration concernant les femmes, voir Jochens 2002a.

3Vers la fin du viiie siècle, quand débutent les expéditions des Vikings, il est possible que les hommes aient seuls embarqué sur des bateaux dont les cibles étaient l’exploration et le pillage. Mais au fur et à mesure que les Vikings sont devenus des colonisateurs établis de façon permanente dans leurs nouvelles colonies, la question des femmes s’est imposée4. Après avoir présenté les sources qui attestent leur présence dans les expéditions, j’évoquerai le périple étonnant de Gudrid Thorbjarnardottir, héroïne des sagas islandaises et médiatrice culturelle.

Des sources concordantes

  • 5 Ces bribes d’information se trouvent dans le fameux Landnámabók ou Livre de la colonisation de l’Is (...)

4Les textes littéraires et les fouilles archéologiques nous informent heureusement sur ces sujets. Il est probable que les hommes du Nord étaient plus enclins à emmener des femmes si les terres d’arrivée étaient inhabitées. Nous savons ainsi que les premiers colons arrivés dans une Islande déserte comptaient un certain Gardar, un Suédois accompagné par un ami et un couple d’esclaves. Explorant le pays, ils se séparèrent et Gardar retourna au pays laissant derrière lui les trois autres, la femme anonyme devenant la première résidente d’Islande. Un Norvégien nommé Floki emmena ses deux filles lorsqu’il partit explorer les îles dans le Nord ; la première devait mourir dans les Shetland, la seconde fut mariée dans les Féroé. Au commencement du xe siècle, un certain Snaebjorn lança la colonisation du Groenland ; il échoua et une colonisation sérieuse dut attendre la fin du siècle, mais il vaut la peine de noter qu’au moins une femme figurait dans son groupe5.

  • 6 Sur les deux inhumations voir Owen et Dalland 1999.

5De tous les résultats fournis par l’archéologie, j’extrairai seulement deux exemples provenant de l’archipel de l’Écosse. En 1963, le squelette d’une jeune femme fut découvert dans l’île de Rousay, dans les Orcades ; elle avait été ensevelie dans un bateau avec ses jumeaux nouveau-nés. En 1991, une autre inhumation dans un bateau fut découverte dans l’île de Sanday, également dans les Orcades ; le bateau contenait trois squelettes : ceux d’une femme âgée d’environ 70 ans, d’un homme d’environ 30 ans et d’un enfant. Dans les deux cas, les objets ensevelis avec ces gens indiquent qu’ils étaient païens et leur style confirme leur provenance nordique, probablement norvégienne6.

  • 7 Voir Hreinsson 1997 : 1-32 (vol. 1).
  • 8 Les textes en vieux norrois se trouvent dans Sveinsson 1935 : 195-269 et Halldórsson 1985. En franç (...)

6Il est facile d’ajouter d’autres cas de colonies vikings en Europe, qui ne rendent toutefois pas possible de reconstituer la vie d’un individu. Heureusement, des sources analogues mais beaucoup plus riches existent pour Gudrid Thorbjarnardottir, l’Islandaise du xie siècle qui est l’héroïne de cet essai. Elle est un des personnages principaux de deux sagas islandaises et elle est mentionnée, plus brièvement, dans d’autres textes. Les deux sagas sont ensemble désignées comme les « sagas du Vínland » parce qu’elles traitent de la découverte de ce pays. Tel fut en effet le nom donné par les immigrants norrois venus du Groenland au pays qu’ils découvrirent dans la dernière décennie du premier millénaire au cours de leurs voyages loin des routes ordinaires de l’Atlantique nord. En raison de leur sujet – la découverte de l’Amérique du Nord par des Européens cinq cents ans avant Christophe Colomb –, ces sagas ont suscité un énorme intérêt des deux côtés de l’Atlantique chez les chercheurs comme dans le grand public. Ce n’est donc pas par hasard si elles ouvrent la récente traduction anglaise du corpus entier des sagas7. Leurs noms respectifs sont La saga d’Erik le Rouge et La saga des Groenlandais. La première tire son nom de l’homme qui découvrit le Groenland et la seconde, dont le titre est moderne, parle très peu du Groenland et traite en revanche de la spectaculaire découverte et de la courte colonisation du Nouveau Monde par un groupe de Groenlandais norrois dont faisait partie Leif l’heureux, le fils d’Erik. Fondées sur les traditions orales, elles furent mises par écrit dans la première partie du xiiie siècle8.

  • 9  Voir Ingstad 1985 et 2000.

7Après quelques années, les Norrois furent contraints de quitter le Nouveau Monde et retournèrent au Groenland, laissant les autochtones en paix pendant cinq cents ans. L’information localisant leur établissement est perdue et tous les efforts pour identifier l’endroit où ils vécurent sont restés vains. Cependant, dans les années 1960, Helge Ingstad et sa femme Anne Stine ont repéré à L’Anse-aux-Meadows, en Terre-Neuve, un habitat attestant de façon convaincante la provenance norroise de ses occupants. Au nombre des objets qui y ont été trouvés, on compte des outils et de l’équipement féminin (comme une broche plutôt féminine, plus tard perdue, et des pesons de métier à tisser)9.

  • 10  Sur les éléments communs, Halldórsson 1985 : 377-380.

8En dépit de la fascination moderne pour la découverte du Nouveau Monde, il est significatif que l’intérêt principal des auteurs des deux textes évoqués se soit concentré non pas sur les explorateurs masculins mais sur Gudrid, la femme. Ils fournissent plus d’informations sur elle que sur n’importe quel autre personnage, et cet ensemble constitue un noyau commun aux deux textes10. Il n’est pas sûr que ce soient les Groenlandais norrois décrits dans ces sagas qui aient fondé la colonie de L’Anse-aux-Meadows. Néanmoins, la combinaison des textes littéraires avec les vestiges archéologiques datables de l’époque éclairée par les sagas ne laisse pas de doute : des colons norrois, y compris des femmes, ont résidé quelque part – et peut-être en plusieurs endroits – sur le continent de l’Amérique du Nord pendant quelques années au début du deuxième millénaire. Je propose d’utiliser L’Anse-aux-Meadows comme métaphore de ces établissements. Puisque l’UNESCO a désigné l’endroit comme le premier World Heritage Site, j’aimeraisconférer à Gudrid le titre de premier World Citizen et World Traveller. Indubitablement, cette jeune Islandaise a passé plusieurs années au Groenland d’abord, et plus tard dans le Nouveau Monde, où elle a donné naissance à un fils. Ce fut peut-être à L’Anse-aux-Meadows, ou dans un endroit plus attrayant.

  • 11 Pour une biographie récente, Brown 2007.

9Quel que soit l'endroit où elle vécut, qui donc était-elle ? Sa vie s’étend entre 990 et 1080 environ, et elle est une des premières femmes norroises dont il est possible d’établir une succincte biographie11. L’espace de cet article ne me permet pas de traiter sa vie entière, et je retiendrai ici deux de ses contributions personnelles les plus significatives aux yeux des auteurs de sagas : ses voyages et sa carrière reproductive. J’aborderai ensuite son importance dans la longue durée, à savoir le rôle qu’elle a joué ou, plutôt, que la tradition d’Europe du Nord lui a fait jouer dans la transmission d’éléments de la culture, de la religion et de l’histoire, d’un coin du monde à l’autre.

Une héroïne des sagas islandaises

  • 12 Voir Cahier d’images, figure 3.
  • 13 Sorte d’adoption temporaire bien connue en Islande.
  • 14  Voir Cahier d’images, figure 4.

10Alors que Gudrid n’est pas bien connue en France, elle est une héroïne en Islande, son pays natal si l’on en croit l’une des deux sources. Sur les lieux de sa naissance, sur la côte sud de la péninsule de Snaefellsnes, elle est commémorée par une carte du monde où sont figurés ses nombreux voyages12. Une plaque propose la visite d’une ferme toute proche où elle fut placée en fosterage13 pendant sa jeunesse pour y être éduquée, puis celle du port d’où elle et sa famille s’embarquèrent pour le Groenland. Une statue due à Ásmundur Sveinsson et érigée en 199414 l’honore à Glaumbaer, une ferme du nord de l’Islande où elle passa ses années de femme mûre avec son mari et leurs enfants après leur retour du Vínland et du Groenland. Elle est ici présentée à bord d’un bateau, son jeune fils Snorri né en Vínland posé sur son épaule et saluant le pays de ses parents. Grâce aux sagas, l’Islande, quoique pauvre en monuments anciens qui sont le but ordinaire des touristes, est riche en souvenirs tirés des textes littéraires qui donnent chair aux mémoriaux modernes. Ainsi, il subsiste très peu de vestiges des maisons et des fermes où Gudrid vécut, et la petite église que son fils fit construire pendant qu’elle était à Rome, a également disparu.

Figure 3 : Source : Jesse Byock, L’Islande des Vikings, Paris, Aubier, 2007 (avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur)

Figure 3 : Source : Jesse Byock, L’Islande des Vikings, Paris, Aubier, 2007 (avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur)

Figure 4 : First White Mother in America, sculpture d’Ásmundur Sveinsson érigée en 1994 près du Musée historique de Skagafjord (avec l’aimable autorisation du musée).

Figure 4 : First White Mother in America, sculpture d’Ásmundur Sveinsson érigée en 1994 près du Musée historique de Skagafjord (avec l’aimable autorisation du musée).

11Cette description succincte de sa vie permet déjà de voir dans ses voyages sa plus grande réussite, un haut fait pour une femme du début du xie siècle, qu’elle soit originaire du Nord ou d’une autre contrée d’Europe. Suivant La saga des Groenlandais, Gudrid était née et fut mariée en Norvège. Avec son mari, elle voulut aller en Islande, mais le bateau fit naufrage et les passagers furent sauvés par Leif, qui s’en revenait au Groenland après avoir découvert le Vínland. La saga d’Erik rapporte au contraire qu’elle naquit en Islande, mais émigra au Groenland avec ses parents et d’autres personnes, dont le couple qui l’avait élevée, pour rejoindre Erik le Rouge, ami de son père. Le temps fut mauvais en mer et une maladie contagieuse frappa les voyageurs, ne permettant qu’à un groupe très réduit d’aborder à Herjolfnes, le point le plus méridional du Groenland. Au printemps suivant, Gudrid et ses parents voyagèrent vers le Nord et arrivèrent à Brattahlid où ils furent bien reçus par Erik le Rouge qui donna des terres à son ami. Peu après, Gudrid fut mariée à Thorstein, le fils aîné d’Erik. Elle entreprit avec lui le voyage vers l’autre colonie du Groenland, qu’on appelle la colonie de l’Ouest, bien qu’elle ait été située plus au nord, sur la côte est. Il se peut qu’ils aient voulu s’y rendre parce que Thorstein y possédait des terres, ou qu’ils aient eu l’intention d’aller au Vínland mais qu’ils se soient égarés, trouvant difficilement leur salut dans l’autre colonie. Quoi qu’il en soit, c’est là que Thorstein mourut, et Gudrid retourna à Brattahlid où, après la mort de son père, Erik s’occupa d’elle.

  • 15  Une liste complète dans Reeves 1895 : 7-98.
  • 16 Jochens 2002a.

12L’automne suivant vit arriver de nouveaux immigrants, dont un marchand islandais, Thorfin surnommé Karlsefni, que Gudrid épousa peu après. Le couple passa l’hiver avec Erik. À l’origine, Karlsefni voulait continuer ses activités de marchand, mais il s’engagea rapidement dans la discussion animée qui tournait autour de « Vínland le Bon », un terme par lequel beaucoup de textes désignent le pays découvert par Leif quelques années auparavant15. Encouragé par sa femme et d’autres personnes, il décida de s’y rendre et de s’y s’installer de façon permanente, mais son groupe ne resta là que quelques années. Gudrid y donna naissance à un enfant, un garçon nommé Snorri, premier autochtone aux racines européennes du Nouveau Monde. Gudrid organisa bien sa nouvelle vie. Elle est la seule à s’être entretenue avec une autochtone, scène sur laquelle je reviendrai. Quand Snorri eut trois ans, Karlsefni décida de retourner au Groenland. Les Norrois avaient des rapports hostiles avec les Indiens et manquaient de femmes, deux problèmes qui compromettaient le projet d’une colonie permanente16. La famille passa quelque temps au Groenland puis en Norvège, où Karlsefni ainsi que Gudrid furent bien reçus.  

  • 17 Elle utilise un mot très flatteur concernant sa belle-fille en disant qu’elle était skörungur mikil (...)
  • 18 Il est possible que John Steinberg et son équipe, fouillant à Glaumbaer pendant l’été de 2005, aien (...)
  • 19  Pour une étude complète des cas, Arnórsson 1954. Que le trajet se fait à pied ressort clairement d (...)

13Finalement Karlsefni retourna avec sa femme et son fils à la ferme de ses parents dans le nord de l’Islande. Son père était mort et sa mère, estimant tout d’abord que Gudrid n’était pas d’un lignage assez prestigieux pour son fils, quitta la maison. Elle n’y revint qu’après un an quand elle eut reconnu les qualités de sa belle-fille, et les relations entre les deux femmes s’améliorèrent17.  L’attitude de sa mère incita sans doute Karlsefni à acheter des terres dans le voisinage, à Glaumbaer, qui devint le domicile principal de la famille – c’est là qu’on trouve la statue moderne de Gudrid et de son fils mentionnée plus haut18. Après la mort de son mari, Gudrid, aidée par Snorri, assuma la direction de la ferme. Quand Snorri prit femme, « Gudrid se rendit à l’étranger allant vers le Sud », avant de rentrer en Islande. Pendant son absence, Snorri avait construit une petite église sur sa terre, et Gudrid s’y installa comme einsetukona (nonne ou ermite). Dans le discours des sagas, « aller vers le Sud » est une formule qui signale un voyage à Rome19.

  • 20  Vers 1150, Nikulas, un abbé islandais, fit un voyage à Rome et écrivit un guide pour les pèlerins. (...)

14Autrement dit, pendant sa jeunesse et le début de l’âge mûr, Gudrid accomplit plusieurs voyages en compagnie d’hommes de sa famille, dont le déplacement d’Islande au Groenland et d’autres le long des côtes du Groenland. Avec son mari, elle émigra dans le Vínland et fit des circuits dans sa seconde nouvelle patrie. Quand les nouveaux venus furent contraints d’abandonner l’expérience dans le Nouveau Monde, Gudrid, maintenant dans sa quarantaine, s’en retourna au Groenland et, après un voyage en Norvège, la famille revint en Islande. Finalement, seule, sans parents et assez âgée, elle fit cet incroyable voyage par mer et par terre de l’Islande à Rome et elle réussit même à retourner chez elle20 !  

  • 21  Voir Boyer 1987 : 338-339, 368.
  • 22 Halldórsson 1978 : 389-395 et  1986 : 239-246.
  • 23  Foote  2002 : 255, 272-277.

15Si les lecteurs modernes sont surtout impressionnés par les voyages de Gudrid, les anciens – auteurs et auditeurs des sagas – éprouvaient plus d’intérêt pour la seconde de ses contributions personnelles, sa carrière reproductive, en particulier pour le fait, étonnant il est vrai, que trois évêques islandais comptent parmi ses descendants. Bien que cela soit éloigné de mon propos sur le voyage, je ne puis le passer sous silence, parce que c’est l’origine de la place de Gudrid dans les deux sagas du Vinland. Les résultats sont mentionnés indirectement dans une scène située au Groenland où l’avenir de Gudrid lui fut prédit, de façon très traditionnelle, par une prophétesse païenne dans La saga d’Erik,et par Thorstein, son premier mari alors sur son lit de mort, dans La saga des Groenlandais. La prophétesse promit qu’un « lignage grand et bon émergerait [d’elle], et que sur les branches de l’arbre de [s]a famille des rayons d’une lumière éblouissante brilleraient », tandis que son mari agonisant l’assura que « d’[elle] beaucoup d’hommes jailliraient, célèbres et fameux, doux et de bonne saveur »21. Il est clair que ces expressions se réfèrent aux évêques, mais c’est là un vocabulaire exotique et extraordinaire qui échappe aux normes discursives des sagas de famille, alors qu’il est assez fréquent dans les textes traitant de saints. Ólafur Halldórsson suggère que ces expressions qui rappellent la sainteté et le sacré trouvent leur origine dans les relations orales collectionnées par les hommes d’Église lorsqu’ils s’efforcèrent de créer un saint pour l’évêché de Hólar dans le nord de l’Islande22. L’homme qui animait la tentative était l’évêque de Hólar, Brand Saemundarson, lui-même un arrière-arrière-petit-fils de Gudrid. Il proposa deux candidats, Jón Ogmundarson, le premier évêque de Hólar, sans relation avec Gudrid, et Bjorn Gilsson, le prédécesseur de Brand, qui en était l’arrière-petit-fils. Comme le raconte la Saga de Jón, le procès de canonisation ne vint à terme ni pour l’un ni pour l’autre des candidats, mais le cas de Jón était plus avancé que celui de Bjorn. En conséquence, les ossements de Jón furent placés dans la cathédrale de Hólar le 3 mars 120023. Néanmoins, assez d’informations concernant Bjorn, l’autre candidat, circulèrent de bouche à oreille, y compris des passages tenus dans des termes convenant à un futur saint, tout particulièrement l’histoire fascinante des voyages de son arrière-grand-mère, ce qui eut pour résultat que Gudrid fut incorporée dans les deux sagas du Vínland.

  • 24 Les évêques étaient des hommes importants, et une fois la filiation établie, il fut facile d’ajoute (...)

16Les deux sagas finirent par attacher les noms de ces trois hommes à l’arbre généalogique de Gudrid où ils pendent comme des fruits mûrs sur les branches supérieures. Thorlak Runolfson (1118-1133) était son petit-fils ; Bjorn Gilsson (1147-1162) son arrière-petit-fils ; et Brand Saemundarson (1163-1201) son arrière arrière-petit-fils24. Il importe de noter que les quatre évêques remontent tous au couple ancestral de Karlsefni et Gudrid par leur propre mère. En raison de cette filiation en ligne maternelle, et aussi parce que Gudrid vécut plus longtemps que son mari, son rôle et non pas celui de son explorateur de mari est souligné. Une autre illustration de son importance est relevée par le surnom de Leif Eirikson, connu sous le sobriquet in heppni, « l’heureux ». Ce nom, mentionné pour la première fois dans La saga des Groenlandais, lui fut accordé après qu’il eut sauvé Gudrid d’un naufrage au retour du Nouveau Monde. Sa fortune était non pas d’avoir découvert un continent inconnu, mais d’avoir sauvé la future ancêtre des évêques islandais.  

Une médiatrice culturelle

17Quelqu’un qui, comme Gudrid, a beaucoup voyagé mais qui est aussi restée assez longtemps en différents endroits pour se familiariser avec la culture locale et qui, en même temps, a joui d’une vie assez longue pour connaître beaucoup de changements, finit évidemment par jouer un rôle de transmission culturelle d’un bout à l’autre de son monde. Gudrid a été cette médiatrice du point de vue de la religion – l’ancienne aussi bien que la nouvelle – et de l’histoire.

  • 25 Jusqu’à maintenant les archéologues n’ont pas trouvé de vestiges païens au Groenland.
  • 26 Pour le texte, voir La saga d’Erik, ch. 4 chez Hreinsson 1997, vol. 1et Boyer 1987. La scène se tro (...)
  • 27 La signification de ce mot n’est pas sûre. Olsen 1916 est toujours utile. Ces chansons n’existent p (...)

18Lorsqu’ils quittèrent l’Islande, Gudrid et son père étaient déjà chrétiens, même si la nouvelle religion n’a été véritablement acceptée dans l’île qu’en l’an 1000. Forcés de débarquer à Herjólfsnes dans le sud du Groenland, ils y passèrent l’hiver au milieu de païens25. En dépit d’une sévère famine, leur groupe, qui était nombreux, fut reçu cordialement par Thorkel, le chef de la petite communauté. Soucieux de leur assurer l’hospitalité pendant l’hiver, Thorkel souhaita connaître le terme de la famine et invita dans ce but la prophétesse Thorbjorg à venir chez lui prédire l’avenir. Il s’ensuivit une scène impressionnante, qui constitue la description la plus détaillée d’une séance de magie dans tout le corpus des textes en vieil islandais26. Signalant son importance par son comportement et ses vêtements, Thorbjorg fut reçue avec beaucoup d’honneurs. Le soir, un dîner particulier lui fut offert préparé avec les cœurs de tous les animaux de la ferme, un sacrifice considérable vu la famine. La solennité de l’occasion l’inclina à reporter au lendemain la séance. Enfin prête, elle annonça que pour prédire elle avait besoin des femmes qui auraient à réciter certains chants appelés Varðlokur, indispensables si l’on voulait attirer les esprits, et seuls capables de livrer l’information concernant l’avenir27.

19Les gens se pressaient alors dans la maison de Thorkel, impatients d’écouter la prophétie. L’atmosphère évoque bien le paganisme, un fait qui est souligné par le vocabulaire : Thorbjorg est appelée une spákona (prophétesse) ou une völva (magicienne) ; elle doit révéler l’avenir en recourant à une certaine sagesse (froðleikr) connue des seuls magiciens, dans une cérémonie qui exige l’art de la magie (seiðr). Quand Thorbjorg annonce qu’elle a besoin des femmes pour chanter les Varðlokur, il apparaît que personne ne les connaît. La situation est très tendue et la frustration ne fait que grandir lorsque Gudrid annonce que sa fóstra (nourricière) en Islande les lui avait enseignés quand elle était jeune ; n’étant ni magicienne ni prophétesse mais, en effet, chrétienne, elle ne désire pas, cependant, participer à la cérémonie. Naturellement, Thorbjorg et Thorkel font pression pour qu’elle change d’avis et elle finit par céder. Tandis que la prophétesse était assise sur l’estrade entourée des femmes, Gudrid « chanta les chansons d’une manière si belle et si parfaite que personne n’estima les avoir entendu réciter d’une voix aussi admirable auparavant ». Grâce à cette performance, Thorbjorg put prédire leur avenir à la communauté aussi bien qu’aux individus, et comme je l’ai indiqué plus haut, elle récompensa finalement Gudrid en lui révélant son avenir. Il est facile d’imaginer comment les femmes écoutèrent Gudrid pendant qu’elle chantait et que plusieurs d’entre elles accompagnèrent la prophétesse quand elle partit chez les voisins pour y répéter la séance.

  • 28  La scène se trouve dans les deux sagas.
  • 29 Sur les deux noms identiques, Almquist  2001.

20Au Groenland, Gudrid s’aligna donc consciemment, quoique de  mauvais gré, sur le paganisme et elle contribua à diffuser ce qu’elle savait d’un rite magique. Dans le Nouveau Monde, elle se laissa guider, cette fois sans s’en rendre compte, par les anciennes traditions en interprétant un épisode étrange qu’elle fut seule à voir28. L’événement eut lieu pendant une attaque par les autochtones, que les Norrois identifiaient du nom peu flatteur de Skrælingar, lequel suggère des individus ratatinés et desséchés. Gudrid était assise près du berceau de son fils quand une femme entra, « portant une tunique collant au corps ; elle était assez petite, avec un châle lui entourant la tête et des cheveux bruns. Elle était pâle et ses yeux étaient si larges qu’on n’en a jamais vu de pareils sur une tête humaine ». S’approchant de Gudrid, la femme lui demanda son nom. Gudrid le lui dit en lui demandant son nom à elle. Quand la femme lui répondit qu’elle s’appelait aussi Gudrid, la Norroise étendit la main vers son homonyme pour l’inviter à s’asseoir à son côté29. Au même moment, un bruit énorme éclata et la femme disparut. Il se révéla qu’à cet instant précis un homme de Karlsefni avait tué un Indien qui tentait de voler les armes. Seule Gudrid avait vu la femme.

  • 30 Mundal 1974 ou, plus brièvement, Jochens 1996 : 37.
  • 31  Sveinsson 1935 : 135.
  • 32 Cet homme est mentionné seulement ici. Pour une discussion plus approfondie, Halldórsson 1978 : 314 (...)

21Les chercheurs ont expliqué la femme étrange comme étant une fylgja, un esprit. Suivant la tradition norroise, à la mort d’un homme (et d’un homme seulement), sa fylgja, toujours féminine quant à elle, devait trouver un autre corps prêt à l’accepter30. La femme vue par Gudrid pouvait être la fylgja de Snorri Thorbrandson, un compagnon de Karlsefni au Groenland et au Vínland, devenu l’un de ses meilleurs fidèles. Sans traiter des aventures au Vínland, un autre texte nous informe en passant que ce Snorri y mourut31. Dans ce cas, sa fylgja ayant découvert un homonyme dans le fils de Gudrid aurait pu chercher à faire consentir la mère à ce qu’elle devienne la fylgja de son fils. Cette interprétation expliquerait le curieux phénomène que les deux femmes n’eurent aucune difficulté à se comprendre, alors que les Norrois et les autochtones ne savaient pas communiquer entre eux, comme la saga le mentionne quelques lignes auparavant. En sens contraire, La saga d’Erik précise que ce ne fut pas Snorri Thorbrandson mais son propre fils Thorbrand Snorrason qui fut tué dans la bataille avec les Skraelingar32. Dans ce cas, le nom de Snorri ne donne pas la clé de la scène. Étant donné l’apparence plutôt indienne de la femme et le fait qu’un Indien fut bien tué pendant la conversation des femmes, il est davantage plausible que Gudrid ait vu dans sa visiteuse la fylgja de l’Indien mort. Dans les deux cas, qu’il se soit agi de Snorri ou de l’Indien, Gudrid démontra intelligence et bon sens, en se référant à une tradition culturelle bien connue de la société païenne pour comprendre un phénomène étrange survenu dans son nouveau pays.

22Nous voyons ainsi Gudrid transmettre des éléments de la culture païenne de l’Islande au Groenland et par la suite au Nouveau Monde. Les jours du paganisme étaient toutefois comptés et les colons du Vínland durent quitter le pays ; aussi cette transmission fut-elle sans importance durable – résultat qui aurait sans aucun doute fait plaisir à Gudrid dont les sympathies allaient sans conteste à la nouvelle religion. Répétons qu’au début de la séance de magie en Groenland, elle avait refusé de participer au rite païen. Son père se montra encore plus sévère et refusa d’assister à ces hindrvitni ou heidni, les deux mots renvoyant à des rites païens. Quittant la maison, il n’y retourna qu’à la fin du rite.

  • 33 Ces renseignements se trouvent dans le Landnámabók ; Benediktsson 1968 : 105, 109 et Boyer 2000 : 7 (...)
  • 34 Le problème du lignage de Gudrid est difficile. Si Vifil est son grand-père comme disent les sagas, (...)

23Comment Thorbjorn et Gudrid étaient-ils devenus chrétiens avant que la nouvelle religion fût officiellement acceptée en Islande ? Le grand-père et l’arrière-grand-père de Gudrid du côté maternel avaient été inhumés sous un tertre à la mode païenne33. Il semble que Hallveig, sa mère, ait été éduquée dans l’ancienne religion tandis que Gudrid a pu recevoir le christianisme de son père. Un ancêtre paternel nommé Vifil, un nom celtique, était arrivé d’Écosse en Islande vers la fin du ixe siècle. Cet esclave fut affranchi par son maître, une femme nommée Aude, qui était issue d’une importante dynastie norvégienne. Elle avait passé plusieurs années en Angleterre où elle s’était convertie, alors que Vifil et sa famille celtique étaient chrétiens depuis des générations. Arrivant en Islande plus d’un siècle avant que le christianisme y fût accepté, Aude réussit à conserver sa religion tandis que ses descendants retombaient dans le paganisme. À l’inverse, Vifil transmit la nouvelle religion à ses enfants qui la perpétuèrent à leur tour. Ainsi, il semble que Gudrid réussit à maintenir vivant ce christianisme celtique qui avait déjà passé quatre générations avant elle. Ce qui est surtout impressionnant, c’est qu’elle le maintint alors que, avant son retour en Islande, elle n’avait pu se prévaloir du soutien des prêtres, des églises et des sacrements34.  

24Néanmoins, au Groenland déjà, Gudrid se montra capable de tenir un discours chrétien, si l’on en croit du moins les auteurs des sagas. Dans une situation difficile, elle annonça ainsi qu’elle se considérait placée sous la protection du Dieu (guðs gæzla) et elle se confia à la miséricorde divine (guðs miskunn). Il est naturellement possible qu’en attribuant de pareilles pensées à une femme du xie siècle, les auteurs du xiiie siècle en aient un peu rajouté, mais il est clair que Gudrid réussit à maintenir sa foi dans les conditions difficiles qu’elle connut au Groenland et au Vínland et elle parvint même à en instruire son fils. Au retour de la famille en Islande, le christianisme avait été officiellement accepté et elle put s’appuyer sur les institutions de l’Église. Ses convictions personnelles sont mises en lumière par son remarquable pèlerinage à Rome et par sa vie ultérieure de religieuse, et l’église que Snorri fit construire pendant son absence montre bien son succès dans l’éducation religieuse de ses fils.  

  • 35 Laxness 1943 (tr. Boyer 1979 : 59, 1991 : 279-290) et  Laxness 1969 : 59.

25Les textes établissent bien les deux rôles de Gudrid comme médiatrice de la culture ancienne et de la religion chrétienne, mais il faut admettre que son rôle dans la transmission de savoirs historiques est moins bien fondé. Il semble naturel qu’en Islande elle ait parlé de ses voyages et surtout du Vínland. Est-il impossible qu’elle en ait aussi parlé à Rome ? Je soutiens, autrement dit, que Gudrid fut la première à informer l’Ancien Monde de l’existence du Nouveau. Cette idée, je l’emprunte à Halldór Laxness, l’Islandais qui reçut le Prix Nobel de littérature en 1955, et qui lui-même l’avait trouvée chez Sigurður Sigvaldason, jeune professeur islandais établi au Canada.  Dans son roman La Cloche de l’Islande, Laxness évoque le fameux Árni Magnússon, l’érudit islandais qui recueillit en Islande les anciens manuscrits pour les sauvegarder à Copenhague. Dans la fiction de Laxness, Árni, par lui appelé Arnas, ne se satisfaisait pas des seuls manuscrits qu’il trouvait en Islande. Il  s’imagina qu’il en existait d’autres, et surtout – comme il le raconta à deux sœurs – un livre « contenant des histoires que nous, les Islandais, connaissons le mieux, c’est-à-dire comment nos ancêtres découvrirent le continent américain et y habitèrent peu avant l’an mille et comment ils disparurent ». Il déclare avoir appris à Paris qu’autrefois un codex était conservé dans un monastère romain qui contenait la confession d’une vieille femme islandaise nommée Gudrid laquelle y avait fait un pèlerinage. Elle avait raconté en confession à un moine qu’elle avait passé quelques années à l’ouest de l’océan, au-delà du bout du monde, avec son mari et quelques compatriotes. Elle y avait donné naissance à un fils, mais les créatures de ces pays exotiques les avaient forcés à partir. Le moine avait été tellement impressionné par cette histoire qu’il avait fini par la coucher par écrit. Longtemps on avait pu lire ce livre à Rome. Bien qu’il eût reçu la permission de fouiller partout dans les archives pontificales, Arnas n’avait pas réussi à le retrouver35.  

  • 36  Une connexion directe a déjà été établie entre Brême et la famille de Gudrid quand Karlsefni de re (...)

26Faut-il admettre que Gudrid se soit confessée à un moine de  Rome et que celui-ci ait confié ses aveux au parchemin ? Les deux propositions – une confession individuelle au commencement du xie siècle et un moine disposé à l’écrire contre les règles du secret de la confession – sont également anachroniques. Néanmoins, Gudrid a certainement su se faire entendre. Je voudrais faire progresser d’un pas l’hypothèse de Laxness, en relevant qu’une génération après la visite de Gudrid à Rome, l’information concernant le Vínland était passée de Rome à Brême. Dans cette ville, peu après le milieu du xie siècle, le clerc Adam de Brême rédigeait sa fameuse histoire du diocèse de Hambourg-Brême depuis son établissement en 831 jusqu’à son époque. En charge de la mission d’évangélisation dans les tribus païennes du Nord, les archevêques étaient profondément impliqués dans l’histoire et la société de la Scandinavie. Historien réputé, Adam s’intéressait aussi à la géographie et l’anthropologie, comme on peut l’observer dans toute son œuvre. Il donne par exemple comme titre à la dernière partie de son livre : « Une description des Îles dans le Nord ». Au chapitre xxxix de cette section, il informe ses lecteurs que le roi du Danemark lui avait parlé « d’une île dans l’océan découverte par beaucoup de gens et appelée l’île des vins parce que les vignes sauvages qui y poussent produisent le meilleur vin ». Il poursuit en affirmant  que « les grains y poussent en abondance sans être semés et que ce n’est pas une histoire fabuleuse, car grâce aux Danois nous savons que c’est un fait ». Les Danois sont donc sa source ainsi que le roi danois son contemporain, Svend Estridson. Proche de la frontière danoise, Adam se réfère sagement aux Danois, pour la plupart des laïcs, qui sont ses sources. Son livre est de soixante-dix ans antérieur à la source la plus ancienne en Islande qui fasse mention du Vínland, le petit livre d’Ari le sage appelé Íslendingabók, et de presque deux siècles aux deux sagas. Autrement dit, Adam est le premier à mentionner le Vínland. Peut-être était-il disposé à inclure cette histoire fantastique – et elle était vraiment fantastique – parce que les récits des Danois se trouvaient confirmés par ses propres sources provenant directement de Rome ?36

27Donnant une explication très rare de la création des sagas, La saga des Groenlandais se termine par ces mots : « De tous les participants, ce fut Karlsefni lui-même qui a relaté les histoires les plus détaillées de ces voyages, et certaines d’entre elles ont été rapportées ici ».  Nous avons laissé Gudrid dans sa petite église près de sa maison. Elle a connu aussi bien que Karlsefni les histoires du Vínland et elle les a racontées comme lui. Du fait de sa longue vie et de ses aventures en Europe, elle avait probablement plus de récits en réserve que lui. Dans la petite église, elle a eu tout loisir d’entretenir sa famille et ses visiteurs du conte de sa vie. Qui d’autre que Gudrid elle-même aurait pu aussi bien transmettre ces histoires ?

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Notes

1 Les noms islandais sont simplifiés sauf dans la bibliographie.

2 Friedman & Figg 2000 : vii-viii.

3 Pour les historiens, il est intéressant d’observer que la biologie moléculaire permet aux généticiens de démontrer que les femmes ont voyagé plus loin et plus souvent que les hommes dans les temps préhistoriques ; voir Seielstad 1998.   

4 Pour les différents modèles d’immigration concernant les femmes, voir Jochens 2002a.

5 Ces bribes d’information se trouvent dans le fameux Landnámabók ou Livre de la colonisation de l’Islande, voir Benediktsson 1968  et Boyer (tr.) 2000 : 32-35, 129. Une analyse complète de cette œuvre donne les noms de plus de 400 colonisateurs originaux dont un quart était des femmes ; Jesch 1991 : 79-83 ; Jochens 1995 : 86-89 ; Jacobsen 2005.

6 Sur les deux inhumations voir Owen et Dalland 1999.

7 Voir Hreinsson 1997 : 1-32 (vol. 1).

8 Les textes en vieux norrois se trouvent dans Sveinsson 1935 : 195-269 et Halldórsson 1985. En français, Gravier 1955 : 42-105 et Boyer 1987 : 331-375. Williamsen 2005 traite ces textes comme des récits de voyages donnant une vue sur « l’autre ».

9  Voir Ingstad 1985 et 2000.

10  Sur les éléments communs, Halldórsson 1985 : 377-380.

11 Pour une biographie récente, Brown 2007.

12 Voir Cahier d’images, figure 3.

13 Sorte d’adoption temporaire bien connue en Islande.

14  Voir Cahier d’images, figure 4.

15  Une liste complète dans Reeves 1895 : 7-98.

16 Jochens 2002a.

17 Elle utilise un mot très flatteur concernant sa belle-fille en disant qu’elle était skörungur mikill (très remarquable). Il n’est pas clair si c’est Gudrid ou sa belle-mère qui quitte la ferme : Jansson 1944 : 80, 114, 118, 120 et Halldórsson 1985 : 434.

18 Il est possible que John Steinberg et son équipe, fouillant à Glaumbaer pendant l’été de 2005, aient trouvé la maison de Gudrid ; Brown 2007 : 199-216 et www.fiskecenter.umb.edu/SASS/SA.

19  Pour une étude complète des cas, Arnórsson 1954. Que le trajet se fait à pied ressort clairement de la dernière partie du mot sudurganga.

20  Vers 1150, Nikulas, un abbé islandais, fit un voyage à Rome et écrivit un guide pour les pèlerins. Un monastère de Reichenau conserve une liste des voyageurs qui y ont logé ; on y trouve 39 noms d’hommes et de femmes venus d’Islande ; Magoun 1944.

21  Voir Boyer 1987 : 338-339, 368.

22 Halldórsson 1978 : 389-395 et  1986 : 239-246.

23  Foote  2002 : 255, 272-277.

24 Les évêques étaient des hommes importants, et une fois la filiation établie, il fut facile d’ajouter de nouveaux membres à l’arbre. Ainsi, la Sturlunga saga, une saga contemporaine, nous apprend que la fille de Brand Saemundarson fut la grand-mère de Brand Jónsson, évêque de Hólar en 1263-1264, un descendant de Gudrid à la septième génération ; voir Jóhannesson 1946, 2 : 87 ; Boyer 2005 : 48.

25 Jusqu’à maintenant les archéologues n’ont pas trouvé de vestiges païens au Groenland.

26 Pour le texte, voir La saga d’Erik, ch. 4 chez Hreinsson 1997, vol. 1et Boyer 1987. La scène se trouve seulement dans ce texte. Parmi la littérature abondante voir  Dillmann 2006 : 275-308.

27 La signification de ce mot n’est pas sûre. Olsen 1916 est toujours utile. Ces chansons n’existent plus mais la scène atteste la réalité d’un genre littéraire créé et exécuté par les femmes ; Jochens 2002b.

28  La scène se trouve dans les deux sagas.

29 Sur les deux noms identiques, Almquist  2001.

30 Mundal 1974 ou, plus brièvement, Jochens 1996 : 37.

31  Sveinsson 1935 : 135.

32 Cet homme est mentionné seulement ici. Pour une discussion plus approfondie, Halldórsson 1978 : 314-315.

33 Ces renseignements se trouvent dans le Landnámabók ; Benediktsson 1968 : 105, 109 et Boyer 2000 : 75, 77.

34 Le problème du lignage de Gudrid est difficile. Si Vifil est son grand-père comme disent les sagas, elle a dû naître autour de 920, une date qui ne cadre pas avec les dates des quatre évêques, qui sont plus sûres. Calculant à rebours des évêques, Gudrid aurait dû naître 70 ans plus tard, vers 990. Dans ce cas, il faut ajouter deux hommes à sa généalogie, nommés probablement Thorjorn et Vifil comme son père et son grand-père. Voir Halldórsson 1978 : 375-379 et 1981 ; Vigfússon et Powel 1905 : 591-95 ; et Jochens 1999.

35 Laxness 1943 (tr. Boyer 1979 : 59, 1991 : 279-290) et  Laxness 1969 : 59.

36  Une connexion directe a déjà été établie entre Brême et la famille de Gudrid quand Karlsefni de retour du Vínland en Norvège vendit à un marchand de Brême la húsanotra (une sorte de décoration) de son bateau fabriqué dans un arbre acquis au Vínland.

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Table des illustrations

Titre Figure 3 : Source : Jesse Byock, L’Islande des Vikings, Paris, Aubier, 2007 (avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/7703/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 436k
Titre Figure 4 : First White Mother in America, sculpture d’Ásmundur Sveinsson érigée en 1994 près du Musée historique de Skagafjord (avec l’aimable autorisation du musée).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/7703/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 690k
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Pour citer cet article

Référence papier

Jenny Jochens, « Gudrid Thorbjarnardottir »Clio, 28 | 2008, 38-58.

Référence électronique

Jenny Jochens, « Gudrid Thorbjarnardottir »Clio [En ligne], 28 | 2008, mis en ligne le 15 décembre 2011, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/7703 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.7703

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Auteur

Jenny Jochens

Jenny Jochens estprofesseure d’histoire (émérite) à Towson University (Towson, État du Maryland, E.U.). Elle est l’auteure de deux livres (dont Women in Old Norse Society, Ithaca, Cornell, 1995) et de nombreux articles sur les femmes norroises pendant le Moyen Âge. Directrice associée à l’EHESS en 1990, elle partage depuis lors son temps entre Paris et Baltimore. jnnyjochens@yahoo.com.

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