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CLIO a lu

Jacques Benoist, Le Sacré-Cœur des femmes de 1870 à 1960

Paris, Éditions de l’Atelier, 2000
Geneviève Dermenjian
p. 227-229
Référence(s) :

Jacques Benoist, Le Sacré-Cœur des femmes de 1870 à 1960, Paris, Éditions de l’Atelier, 2000, 485 p.

Texte intégral

1La basilique du Sacré-Cœur de Montmartre est liée dans la mémoire des Français à la politique et à la guerre puisque les grandes heures de l’histoire nationale et parisienne ont leur résonance dans la basilique même (Te Deum en 1919, cérémonie dans l’espoir de la victoire du 31 mai 1940…). Elle est liée également au Vœu national qui permit la construction de la basilique et l’organisation d’une adoration perpétuelle du Saint Sacrement.

2La construction, entreprise après 1870, avait été initialement programmée sous le Second Empire « dans le but de réparer les excès de la fête impériale ». Nous sommes loin ici de l’idée d’une basilique construite dans une volonté de réparation des excès de la Commune de Paris, idée dont l’auteur s’est expliqué en détail dans un précédent ouvrage. Dans ce dispositif prévu par des hommes, des femmes, laïques ou religieuses, sont venues s’insérer. En tout, près d’une quinzaine de congrégations féminines occupèrent la Butte de 1870 aux années 1950 – il en reste environ douze aujourd’hui – assurant une fonction d’accueil des pèlerins, maintenant par leurs espaces verts le caractère villageois du site et surtout, présentant une activité et une piété féminines novatrices dans un xixe siècle peu enclin à l’autonomie des femmes.

3La construction de couvents de femmes, parallèlement aux implantations masculines plus rares, entrait dans les projets du cardinal Guibert, archevêque de Paris au début de la IIIe république et promoteur du projet. Il souhaitait accompagner le sanctuaire et les divers locaux (presbytère, sacristie) de monastères animés par des religieuses pour accueillir les visiteurs, donner des formations doctrinales et spirituelles. Cinq couvents furent donc construits à la fin du xixe siècle et accueillirent des religieuses contemplatives et d’autres ouvertes sur le monde extérieur, s’occupant de soins, de catéchisme, de retraites et de récollections. D’autres installations et opérations immobilières se succédèrent au xxe siècle et témoignent de la vitalité de la piété féminine envers le Sacré‑Cœur.

4Au-delà de la fastidieuse énumération-présentation des personnes, des congrégations et des lieux, l’histoire des femmes peut être sensible à la mise en valeur par ce livre de faits méconnus. La première vague de fondation est le fait de religieuses, de donatrices, de souscriptrices qui agissent en toute responsabilité et autonomie. Certes, elles n’agissent pas seules ; les clercs et messieurs du Comité de construction et du Comité des adorateurs voulaient une participation officielle et reconnue des femmes. Les archevêques aussi. Mais, à côté de l’espace ouvert par les hommes, ces femmes ont leur action propre. Elles conquièrent peu à peu le droit d’adorer la nuit comme les hommes et finissent par entrer au Comité financier du Vœu national, peuplé uniquement d’hommes jusque-là. Par ailleurs, elles assument publiquement une prière au nom de la France, revendiquent leur statut de pèlerines et de femmes publiques, ce qui, selon l’auteur, est une « sorte de réponse dans le cadre de l’Église catholique aux aspirations politiques et mystiques des femmes » de ce temps. Les couvents proposent donc des chapelles pour l’adoration perpétuelle où les femmes peuvent prier pendant les heures où la basilique est réservée aux hommes.

5Certaines de ces femmes s’investissent non seulement sur le plan religieux mais, plus largement, dans la vie de tous les jours. La duchesse d’Uzès, donatrice d’une statue de saint Hubert et pèlerine assidue, est aussi la première femme de France à conduire une voiture. Elle participe à la fondation de l’Automobile‑Club de France, s’investit dans le monde de l’industrie, crée une école de puéricultrices. Une autre, Colette Yver, mène sur la durée une carrière d’écrivaine. L’auteur considère que cette femme de lettres, généralement connue comme hostile au féminisme, a été lue partielle et partiale, d’où sa demande de relecture de son œuvre.

6L’iconographie de la basilique, dont la mise en place s’étend jusqu’aux années 1930, témoigne, à son niveau, de la féminisation de la vie religieuse catholique. Les représentations de l’entrée, du narthex, des chapelles donnent une très grande part aux figures féminines. Les femmes choisies ont un lien avec la vie du Christ (Marie, Marie-Madeleine, Marthe, la Samaritaine), avec la nation et la politique (les reines de France, Geneviève, Jeanne d’Arc, Radegonde), le culte de Sacré‑Cœur (Marguerite-Marie, Thérèse de Lisieux). En renforçant le nombre d’images féminines de toutes sortes, les concepteurs de la basilique voulaient montrer, parallèlement aux voies masculines d’accès à Dieu elles aussi bien représentées, la variété et l’excellence des voies féminines. C’était aussi proposer des figures féminines qui s’opposent à celles d’une Marianne considérée par eux comme peu acceptable. C’était enfin, nous dit l’auteur, une réponse à l’ordre révolutionnaire, bourgeois et républicain qui faisait des femmes des éternelles mineures. En montant à Montmartre tous les mois du début du siècle jusqu’aux années 1960, les archevêques de Paris se mettaient à l’école des femmes. Modestement, semble‑t-il, l’Église ne s’étant pas signalée à l’époque par un féminisme débridé dans ses institutions comme dans sa vie quotidienne.

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Pour citer cet article

Référence papier

Geneviève Dermenjian, « Jacques Benoist, Le Sacré-Cœur des femmes de 1870 à 1960 »Clio, 15 | 2002, 227-229.

Référence électronique

Geneviève Dermenjian, « Jacques Benoist, Le Sacré-Cœur des femmes de 1870 à 1960 »Clio [En ligne], 15 | 2002, mis en ligne le 08 février 2005, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/75 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.75

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