Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Etre veuve sous l'Ancien Régime, préface de Jean-Pierre Bardet, Paris, Belin, Essais d'histoire moderne, 2001, 415 p.
Texte intégral
1L'ouvrage de Scarlett Beauvalet-Boutouyrie vient combler une lacune de l'historiographie en proposant la première synthèse sur le veuvage féminin dans la France d'Ancien Régime. Se plaçant dans une perspective d'histoire sociale, l'auteure a mené un travail ambitieux, résultat d'une habilitation à diriger des recherches, dans laquelle elle a volontairement croisé les approches. Partant d'une étude des discours, dans la première partie consacrée à la figure mythique de la veuve, elle aborde ensuite les réalités démographiques et juridiques du veuvage féminin pour tenter, dans la troisième et dernière partie, de présenter la diversité des stratégies du veuvage.
2Des représentations aux pratiques, l'ouvrage propose de cerner la réalité d'un groupe très fortement hétérogène, saisi sous des angles variés. Il comporte ainsi des mises au point claires sur le statut juridique des veuves, par exemple, ou, de manière plus rapide, sur leur rôle dans la vie économique. Certains aspects du veuvage féminin ont fait l'objet de recherches plus approfondies de la part de Scarlett Beauvalet. Elle consacre ainsi une large place au point de vue de l'Eglise sur les veuves et aux effets de la Réforme catholique. Non seulement l'Eglise produit des discours normatifs qui définissent le comportement de la « vraie veuve » et proposent des modèles de vie tournés vers la dévotion, mais la Réforme catholique conduit de nombreuses veuves, issues de milieux aisés, à s'impliquer personnellement dans la vie spirituelle et charitable. En ce sens, elle propose, selon Scarlett Beauvalet, une forme d'émancipation féminine. Spécialiste de démographie historique, l'auteure définit d'autre part avec rigueur un certain nombre de caractéristiques du veuvage féminin sous l'Ancien Régime. Devenant majoritairement veuves entre 40 et 55 ans, ces femmes sont des mères de famille, pour les deux tiers d'entre elles, dont les perspectives de remariage diminuent rapidement avec l'âge. Elle met aussi en évidence les transformations qui se jouent au XVIIIe siècle. L'allongement de la durée de vie commune des couples au cours du siècle conduit progressivement à un recul de l'âge au veuvage, qui provoque une lente augmentation de la proportion de femmes seules et âgées parmi les veuves. Ces données sont essentielles pour comprendre stratégies et enjeux du veuvage. S'appuyant sur l'étude des contrats de mariage parisiens, Scarlett Beauvalet tente d'évaluer les ressources dont peuvent disposer les veuves à la mort de leur mari, en fonction de leur dot de départ et des droits - douaires, préciputs et autres - qui leur sont reconnus dans leurs contrats de mariage. Elle parvient à la conclusion qu'une majorité de veuves dispose de revenus suffisants pour vivre, et que même les femmes de milieux modestes ne basculent pas brutalement dans la misère, car elles disposent d'une somme leur assurant deux ou trois ans de survie en moyenne. Elle remet donc en cause une vision misérabiliste du veuvage féminin, tout en soulignant la très grande diversité des situations, de l'opulence à l'indigence, perçue surtout à travers l'action des institutions d'assistance parisiennes.
3Scarlett Beauvalet apporte ainsi des éléments neufs à l'histoire du veuvage féminin. Ce travail qui ne prétend pas à l'exhaustivité, devrait susciter aussi, comme l'auteure le souhaite, des travaux sur un certain nombre de points qui ne sont abordés que rapidement, comme le remariage ou la place des veuves dans les milieux économiques. D'autre part, elle a concentré ses recherches sur la moitié nord de la France, et plus précisément sur Paris en ce qui concerne les revenus des veuves ou l'assistance qui leur est offerte. On ne peut donc que souhaiter que des études nouvelles, portant sur d'autres villes et plus encore sur les campagnes, viennent reprendre ces problématiques et permettre ainsi de confirmer ou d'infirmer les conclusions de l'auteure sur le cas des veuves parisiennes. La question des ressources des veuves reste de toute façon à approfondir en étudiant de manière précise non plus seulement les revenus théoriques auxquels elles peuvent prétendre, mais ce dont elles disposent réellement. Pour terminer il convient de souligner la qualité de l'appareil critique ; références bibliographiques, notes nombreuses, tableaux et graphiques viennent enrichir l'ouvrage et en souligner le sérieux, tandis que les nombreuses citations insérées dans le texte en agrémentent la lecture.
Pour citer cet article
Référence papier
Christine Dousset, « Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Etre veuve sous l'Ancien Régime, préface de Jean-Pierre Bardet, Paris, Belin, Essais d'histoire moderne, 2001, 415 p. », Clio, 17 | 2003, 276-277.
Référence électronique
Christine Dousset, « Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Etre veuve sous l'Ancien Régime, préface de Jean-Pierre Bardet, Paris, Belin, Essais d'histoire moderne, 2001, 415 p. », Clio [En ligne], 17 | 2003, mis en ligne le 10 juin 2003, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/597 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.597
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page