Nancy AUER FALK et Rita M. GROSS, La religion par les femmes
Éd. Labor et fides, Coll religions en perspectives, diffusion Éd. du Cerf, 1993, 448 p.
Texte intégral
1Cet ouvrage, récemment traduit de l’anglais, a été coordonné par deux universitaires américaines parties de cette constatation que l’histoire des religions a toujours été observée sous l’angle masculin et qu’il n’existait pas d’étude approfondie concernant l’approche féminine de la religion et le comportement religieux spécifique des femmes. L’ouvrage met donc les femmes sur le devant de la scène pour les aborder en tant que sujet et non objet d’étude, avec leurs propres expériences et aspirations, y compris dans les systèmes où les hommes détiennent la plus grande part des gestes et des paroles. En ayant choisi des études de cas plutôt que des généralités, les auteurs permettent de saisir au plus près l’expérience féminine en matière de religion, notamment dans le cadre des religions non-occidentales qui forment l’essentiel des contributions. Historiens et anthropologues ont été sollicités, ce qui fait la part belle aux formes religieuses contemporaines.
2Chaque partie du livre montre des expériences religieuses d’une extrême richesse vécues par les femmes tout autour du monde et dans un très grand nombre de religions. Deux thèmes se retrouvent dans chacune des parties de l’ouvrage, le premier relève du contraste entre les vocations exceptionnelles et les soucis quotidiens dans la vie religieuse des femmes. La religion peut aussi bien les appeler à sortir de leur vocation commune d’épouse et de mère au foyer que les valoriser dans ce rôle traditionnel. Les femmes appelées à cette vocation religieuse exceptionnelle s’échappent de leur rôle féminin traditionnel ou l’adaptent aux circonstances, renversant les structures qui les contraignaient. Il s’agit parfois de femmes ayant un sort hors du commun qui les place à part de leur communauté, comme les femmes devins d’Afrique et les chamanes de Corée, de créatrices de mouvements religieux comme la catholique Dorothy Day. D’autres, au contraire, valorisent les rituels de maîtresse de maison. C’est le cas des rituels hindous ou musulmans, les femmes agissant seules ou se regroupant pour assurer la bonne santé des individus, de la famille ou de la collectivité. Les motivations de ces femmes sont diverses, mais tournent fréquemment autour de la recherche d’une reconnaissance de leur personne, niée par des sociétés aux valeurs masculines. En se retrouvant ensemble, elles puissent aussi des forces contre la solitude, l’injustice de leur sort et l’adversité en général. La religion féminine joue alors le rôle de calmant ou de soupape de sécurité.
3Le second thème est celui de la place et du soutien très variables que les femmes obtiennent dans leur démarche religieuse exceptionnelle ou traditionnelle qui subvertit la société patriarcale. Dans divers types de systèmes religieux et culturels, les femmes sont confinées dans leur routine domestique et leur vocation n’est pas reconnue par la religion établie (cas des femmes de tribus musulmanes), dans d’autres cas, ayant obtenu une place au sein du système religieux, celle-ci est annulée par le mouvement naturel de ce même système (exemples pris au Japon, en Chine, en Inde).
4Certains systèmes religieux, enfin, partagent les actions et les pouvoirs religieux entre hommes et femmes (bouddhisme tantrique en Inde et au Tibet, Longue Maison des Iroquois en Amérique du nord, ancienne tradition andine...), de nombreuses formes collectives de rituels féminins font alors partie intégrante du rituel religieux. Les hommes assurent en ce cas l’autre part du rituel, généralement la plus voyante et la plus valorisée, mais qui ne peut en aucun cas remplacer la part strictement féminine du culte, indispensable pour l’équilibre de la société et du cosmos.
5Les données de la vie religieuse des femmes et leurs interactions avec les systèmes plus proprement masculins se révèlent d’une grande richesse et d’une grande complexité. De nombreuses réflexions ouvrent ici ou là de nouvelles pistes de chantiers intéressants. Une riche bibliographie en anglais complète l’ouvrage.
Pour citer cet article
Référence électronique
Geneviève Dermenjian, « Nancy AUER FALK et Rita M. GROSS, La religion par les femmes », Clio [En ligne], 2 | 1995, mis en ligne le 01 janvier 2005, consulté le 06 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/509 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.509
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