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Regards complémentaires

Romance numérique pour femmes au Japon. Les otome gēmu, entre aliénation et libération

Digital romance for women in Japan: the otome gēmu, between alienation and liberation
Agnès Giard
p. 141-152

Résumés

Le Japon est le premier producteur de jeux vidéo à l’eau de rose. Appelés « jeux pour jeunes filles » (otome gēmu), ils proposent des gammes de « beaux gosses » formatés sur le modèle du prédateur, entraînant l’héroïne dans une histoire d’amour proche du rapt. Les scénarios reposent sur la mise en scène d’une perte de pouvoir, où la joueuse renonce à son libre arbitre. Les personnages les plus agressifs sont « irrésistibles », expliquent les fans qui désirent être « prises au piège ». En étudiant ces jeux et les tensions qu’ils révèlent, j’espère éclairer les dynamiques sociales dont ils reproduisent, et déconstruisent, les logiques. Ils sont indissociables du contexte qui les a vu naître : celui d’une baisse record du nombre de mariages et de naissances, pour lesquelles les autorités désignent comme coupables les « personnes qui vivent seules » (o‑hitori‑sama). Pourquoi préfèrent-elles des partenaires fictifs aux hommes de chair et d’os ? J’y vois l’expression d’une ambivalence à l’égard du mariage, désiré mais redouté.

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Plan

Profil des joueuses : des femmes célibataires, sans enfant, stigmatisées
Histoire des otome games : l’absence de choix comme horizon d’attente
Structure narrative des otome games : quand la joueuse devient le jouet
Conclusion : la désillusion inscrite au cœur de l’illusion

Aperçu du texte

« Maintenant, tu m’appartiens. » Dans l’univers des jeux de romance au Japon, les personnages masculins les plus populaires expriment ainsi leur amour : en désignant l’héroïne comme leur « chose » (boku no mono). Bien que ces déclarations recyclent des stéréotypes de genre éculés, ils agissent sur les joueuses à la façon d’aphrodisiaques. Plus le personnage se montre, selon leurs propres termes « arrogant » (gōman), « possessif » (dokusen yoku) et « sans scrupules » (akuratsu), plus il suscite la ferveur. Chaque année, lorsque B’sLOG – un mensuel de jeux pour femmes, tiré à 90 000 exemplaires – publie ses résultats de sondage, les noms qui apparaissent au sommet de la liste sont ceux de mâles alpha (ore‑sama).

Appelés « jeux de simulation amoureuse » (ren’ai shumurēshon gēmu) ou « jeux de jeunes filles » (otome gēmu), ces jeux vidéo proposent de faire l’expérience d’une liaison passionnelle avec un partenaire fictif. Généralement élaborés comme des jeux de rôle, ils permettent à la j...

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Pour citer cet article

Référence papier

Agnès Giard, « Romance numérique pour femmes au Japon. Les otome gēmu, entre aliénation et libération »Clio, 56 | 2022, 141-152.

Référence électronique

Agnès Giard, « Romance numérique pour femmes au Japon. Les otome gēmu, entre aliénation et libération »Clio [En ligne], 56 | 2022, mis en ligne le 01 janvier 2026, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/22610 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.22610

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Auteur

Agnès Giard

Agnès Giard est chercheuse au sein du groupe de recherche européen EMTECH (Emotional machines : The Technological Transformation of Intimacy in Japan). Elle travaille sur l’industrie des simulacres affectifs – épouse holographique, partenaire numérique, poupée vocale, clones post-mortem – dans le contexte du dépeuplement du Japon. Elle est l’auteure d’Un désir d’humain (Belles Lettres, 2016) distingué par le prix ICAS‑GIS Asie comme l’un des « cinq meilleurs ouvrages » publiés en français dans le domaine des études asiatiques en 2017. Agnès Giard est aussi l’organisatrice, avec le laboratoire Sophiapol, de deux colloques internationaux spécifiquement dédiés aux ersatz émotionnels : « L’Attachement aux cyber-choses. Logiciels sentimentaux, love-bots et séducteurs de synthèse » (en 2017) et « Techno-réalités et créatures affectives : les dispositifs de simulation amoureuse » (en 2018). Au sein d’EMTECH, elle a organisé les colloques internationaux « Emotional Attachment to Machines » (Berlin, 2019) et « Desired identities in Japan » (au musée du quai Branly, en 2020). Elle est membre du comité de direction de la revue Hermès et membre du Conseil éditorial de la revue Terrain. aniesu.giard@gmail.com

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