Résumés
Au sein de la production de Cesare Lombroso, La Femme criminelle, ouvrage consacré à la criminalité féminine qu’il publie avec Guglielmo Ferrero en 1893, marque le moment où le criminaliste italien intègre de façon systématique l’univers animal dans ses explications de la déviance. Il mobilise alors une théorie générale de l’évolution centrée sur la féminité. L’article interroge le fonctionnement de ce dispositif sur le plan théorique et via un exemple précis : les brigandes. Il suggère que les stratégies textuelles et visuelles de représentation, notamment de virilisation dont ces femmes font l’objet sont étroitement liées à la théorie de la « supériorité primitive de la femelle » et de l’indistinction entre les sexes chez les espèces animales « inférieures ». Paradoxalement, l’atavisme des criminelles les rapproche donc des qualités des hommes, en reprenant de façon perverse le chemin évolutif que la « femme normale », « homme arrêté dans son développement », a interrompu.
Criminal Woman [La Donna delinquente], Cesare Lombroso’s book on women criminals, published with Guglielmo Ferrero in 1893, marks the moment when the Italian criminologist first systematically integrated the animal world into his explanations of deviancy. At this time, he put forward a general theory of evolution based on femininity. This article queries the way this structure functions on the theoretical level, via a precise example: female brigands. It proposes that the textual and visual strategies of representing these women, notably their virilization, was closely linked to the theory of “the primitive superiority of the female” and the lack of distinction between the sexes in certain “lower” animal species. Paradoxically, the atavism of criminal women thus brought them closer to masculine features, making them throwbacks on the evolutionary path that the “normal woman”– “a man in a state of arrested development” – had interrupted.
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Notes de l’auteur
Cet article a été réalisé dans le cadre du projet PRIN 2017 (WLPTRL), Il brigantaggio rivisitato. Narrazioni, pratiche e usi politici nell’Italia moderna e contemporanea. Les auteurs ont discuté ensemble et partagé toutes les phases de la recherche, de la conception et de la rédaction de l’article ; la première partie (« Saisir le crime féminin entre délits animaux et évolution des espèces ») est à attribuer à Alessio Petrizzo, la seconde (« Animaliser, viriliser : brigandes en mot et en image ») à Maddalena Carli.
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Texte intégral en libre accès disponible sur le portail Cairn. Le texte intégral en libre accès sera disponible à cette adresse en janvier 2025.
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Plan
Saisir le crime féminin entre délits animaux et évolution des espèces
Animaliser, viriliser : brigandes en mot et en image
Aperçu du texte
Bandits et brigands ont longtemps peuplé les imaginaires de l’Europe moderne et contemporaine. Personnages troubles et violents, emblématiques de l’insécurité de ces routes où l’on risque à tout moment d’être victime de leurs agressions, ils sont transformés par les artistes de l’époque romantique en figures ambivalentes, susceptibles d’exprimer des valeurs positives. Le mythe, populaire et savant, du brigand-héros se diffuse dans l’Europe troublée des conquêtes de la Révolution et de l’Empire, mais c’est la Restauration qui marque l’apogée de la bandittimania et de sa double image, particulièrement dans le regard porté sur l’Italie. Voyageurs, peintres et écrivains étrangers expriment alors leur fascination pour cette forme de marginalité, certes criminelle, mais qui opère hors et contre les lois des États les plus décriés par les opinions publiques internationales, notamment celles des États pontificaux et du Royaume des Deux-Siciles.
Dans ces représentations littéraires, théâtrale...
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Pour citer cet article
Référence papier
Maddalena Carli et Alessio Petrizzo, « Abeilles, fourmis et brigandes », Clio, 55 | 2022, 113-139.
Référence électronique
Maddalena Carli et Alessio Petrizzo, « Abeilles, fourmis et brigandes », Clio [En ligne], 55 | 2022, mis en ligne le 01 janvier 2025, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/21564 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.21564
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Auteurs
Maddalena Carli est professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Teramo. Ses recherches portent sur les processus de construction nationale, sur l’histoire de l’Italie fasciste et sur l’usage politique et culturel des images dans l’Europe des xixe et xxe siècle. Parmi ses publications : Vedere il fascismo. Arte e politica nelle esposizioni del regime (1928-1942), Rome, Carocci, 2022 ; avec Nadia Pugliese, « Artificial man. Cesare Lombroso and the construction of the physical traits of atavism », Contemporanea, 3, 2021 ; « Patrimonialiser la déviance. Antagonismes et conflits autour de Cesare Lombroso et de sa collection muséale », Passés futurs, 6, 2019 ; avec Maria Stavrinaki (dir.), Artistes et partis. Esthétique et politique (1900-1945), Paris, Les Presses du réel, 2012. mcarli@unite.it
Alessio Petrizzo enseigne l’histoire contemporaine à l’Université de Padoue et travaille dans le cadre d’un projet national de recherche (PRIN) consacré au brigandage à l’Université de Bari. Spécialiste d’histoire politique et culturelle du long xixe siècle, ses recherches portent sur les processus de politisation, notamment informels ; sur les cultures visuelles, entre milieux savants et populaires ; sur la criminologie et sur le tatouage entre xixe et xxe siècle. Parmi ses parutions récentes : « Storia culturale, storia del Risorgimento: una riflessione », Passato e presente, 115, 2022 ; « Return to order, and material culture: missing objects, anti-Republican narratives and police practices in Rome after 1849 », dans E. Francia & C. Sorba (dir.), Political Objects in the Age of Revolutions: material culture, national identities, political practices, Roma, Viella, 2021 ; Icone politiche. Celebrità e nuovi media al tempo del Risorgimento, PubliPaolini, Mantova 2018 (avec Costanza Bertolotti & Gian Luca Fruci). Il a dirigé le numéro spécial « Visualità e socializzazione politica nel lungo Ottocento italiano », MEFRIM. Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée, 1, 2018. alepitierre@gmail.com
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