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Dossier

Le genre des « Biệt Động », commandos urbains de la guerre civile révolutionnaire (1945-1975)

The gender of the “Biệt Động”, urban commandos in the revolutionary civil war, Vietnam (1945-1975)
El género de los « Biệt Động », comandos urbanos de la guerra civil revolucionaria (1945-1975)
François Guillemot
p. 47-70

Résumés

Dans l’historiographie vietnamienne des années 1990, apparaît le terme « nữ », désignant le genre féminin pour souligner l’engagement spécifique des femmes dans la guerre, à l’égale de celui des hommes, voire au-delà de celui des hommes dans une facture d’héroïsation. À partir de nouveaux corpus d’histoire orale des combattantes et combattants clandestins dits des « Commandos de Saigon », l’article interroge les tensions de l’écriture d’une histoire des femmes en temps de guerre. En effet, penser le genre de l’indépendance, attentif aux mécanismes des dominations masculines, aide à construire une histoire de la guerre plus proche des réalités sociales, moins hagiographique.

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Texte intégral

Vivre éternellement avec la capitale

Vivre éternellement avec la capitale

© 1991, Club des Traditions militaires de Hồ Chí Minh-Ville.

1La guerre au Viêt-Nam a été longue et fratricide. Entre 1945, date de la révolution indépendantiste et 1989, date du retrait des forces vietnamiennes du Cambodge, le pays a traversé trois guerres majeures. La première, menée contre la France entre septembre 1945 et juillet 1954, est une guerre d’indépendance pour se libérer du joug colonial. La seconde est explicitement un « front chaud » de la Guerre froide, un conflit international qui dépasse les enjeux de libération nationale. La troisième, élargie à la péninsule Indochinoise entre trois États communistes découle de l’interventionnisme du Viêt-Nam au Cambodge. À chaque fois, mais surtout pour la première et la seconde, dont les buts ultimes restaient la réunification du territoire et de l’instauration du pouvoir révolutionnaire, le conflit fut doublé d’une guerre civile extrêmement meurtrière qui a laissé des traces profondes dans les paysages, les mentalités et les imaginaires des Vietnamiens.

  • 1 Guillemot 2014 : 109. Guerre totale (toàn diện), « sur tous les plans » selon les canons chinoi (...)
  • 2 Doan Cam Thi 2010.
  • 3 Turner Gottschang & Phan Thanh Hao 1998; Taylor 1999. La dernière étude importante en date retrac (...)
  • 4 Huynh Chau Nguyen 2013.
  • 5 Rollinde 2010.
  • 6 Voir les références bibliographiques citées dans Guillemot 2016.
  • 7 « Sur les pas des Jeunesses de choc. Pour une histoire genrée de la guerre du Viêt-Nam », interve (...)

2Dans une étude précédente nous avions exposé l’engagement massif des femmes du côté de la République démocratique du Viêt-Nam (RDVN) lorsque l’armée populaire s’est modernisée pour accomplir une guerre totale1. Les premières études dédiées aux femmes vietnamiennes en guerre sont apparues dans la littérature du pays après l’ouverture à partir de 19872 et aux États-Unis à l’issue du rapprochement vietnamo-américain3. Une décennie plus tard, la question des femmes engagées aux côtés de la République du Viêt-Nam a été abordée par la chercheuse Nathalie Huynh Chau Nguyen4, montrant qu’elles ont été à la fois « les actrices et les victimes » du conflit selon l’expression de Marguerite Rollinde5. Cependant, la question du genre pendant le conflit vietnamien entre 1945 et 1975 reste relativement peu investiguée6. Si la condition et l’engagement des femmes ont été étudiés depuis vingt ans, il reste de nombreuses recherches à mener à l’appui de nouvelles sources, avec la possibilité d’écrire une histoire genrée de la Piste Hồ Chí Minh7.

  • 8 Voir par exemple : FNL-Sud Vietnam, Au Sud-Vietnam, héroïques partisanes, Éditions Libération, 19 (...)
  • 9 Voir la notice « Guérillera », en ligne, dans mon corpus « Sources Biệt Động Sai Gon » [https:/ (...)

3En République socialiste du Viêt-Nam (RSVN) la presse, dans des articles commémoratifs, a mis progressivement en lumière le rôle des femmes dans le processus guerrier nord-vietnamien et dans la résistance sudiste. Des entretiens, des portraits, des exposés succincts non dénués de biais hagiographiques font sortir du silence de l’histoire, des femmes et des hommes, souvent issus des classes les plus pauvres, une histoire « des gens de peu » pris dans les tourments de la guerre révolutionnaire. En particulier, des femmes et des jeunes filles mènent dès leur adolescence la lutte « anti-américaine de salut national » selon la terminologie officielle. Dans la guerre irrégulière, l’expertise de ces femmes, leur faculté à se mouvoir, à passer inaperçues et à porter de rudes coups à l’adversaire ont été maintes fois soulignées dans le récit national de l’indépendance8. Dans l’historiographie des années 1990, apparaît le terme « nữ », désignant le genre féminin pour souligner l’engagement spécifique des femmes dans le combat, si l’on peut dire « à hauteur d’homme », à l’égale de celui des hommes, voire au-delà de celui des hommes dans une facture d’héroïsation. Le terme « nữ » est ainsi attribué aux groupes féminins engagés dans la guerre, comme les « nữ Thanh Niên Xung Phong » (TNXP), les femmes des Jeunesses de choc, les « nữ Biệt Động Sài Gòn », les femmes des commandos des forces spéciales de Saigon, ou encore les « nữ Du kích », guérilleras. Icônes de la guerre irrégulière, ces « héros » et « héroïnes » ont servi à illustrer la lutte patriotique et figurent sur des timbres, dans les manuels scolaires ou dans le paysage urbain contemporain. Au-delà des « exploits » rapportés régulièrement dans les récits officiels, cet article investigue un champ de la guerre de réunification au prisme du genre, celui des combattantes et combattants clandestins appartenant au cercle très fermé des « Commandos de Saigon »9.

  • 10 Bui Trân Phuong 2004.

4De fait, la connaissance de ces trajectoires « héroïques » nous renvoie immédiatement aux sources. Compte tenu du caractère confidentiel de leur lutte, dans quelle mesure une enquête historique sur les anciennes combattantes et vétérans irréguliers peut-elle être menée ? Quelles sont les sources écrites disponibles ? Une histoire orale est-elle aujourd’hui envisageable dans le contexte d’un État soucieux de préserver son histoire officielle ? Comment contourner l’héroïsation des personnages ?10 Écrire une histoire des femmes risquerait au fond d’emboiter le pas aux récits nationalistes sacrificiels. Au contraire, penser le genre de l’indépendance, attentif aux mécanismes des dominations masculines, aide à construire une histoire de la guerre plus proche des réalités sociales, moins hagiographique.

5Dans un premier temps, il s’agira de questionner nos sources – que nous rendons disponibles en ligne – et d’analyser le concept de « biệt động » et sa déclinaison genrée « nữ biệt động » [femme des commandos] inscrits dans la problématique d’une « guerre juste ». Notre second point s’intéressera aux origines de cette catégorisation, à travers la trajectoire de « volontaires de la mort » pendant la guerre d’Indochine (1945-1954), époque où se construit la figure du « biệt động » avec une forte implication des femmes. Dans un troisième temps, nous verrons comment l’intervention massive de l’armée américaine en soutien à la République du Viêt-Nam engendre au nom de « la violence révolutionnaire » une pratique intensive de la guerre irrégulière, au sein d’un État en proie à une guerre civile.

« Biệt Động » sources et concept : vers de nouvelles narrations genrées ?

  • 11 Nguyễn Đức Hùng (Tư Chu) 2015 [1998]. Récit du chef des commandos de Saigon.
  • 12 Cf. les propos de l’agent Viêt-Minh Hoàng dans Shaplen 1966 : 24.
  • 13 Voir les attaques à Saigon pendant l’été 1946. Ibid. :15.

6Sur le plan conceptuel, les « biệt động » (commandos) prennent leur forme définitive pendant la période dite de la résistance « antiaméricaine, de salut national » (chống Mỹ cứu nước) de 1959 à 1975 ; mais il a des racines ancrées dans les « commandos d’élimination des traîtres » créés par le parti communiste indochinois (PCI) avant 1945, opérant en milieu urbain, de jour comme de nuit et comprenant des femmes, des étudiants, des petites gens11. La logique du commando s’inscrit pleinement dans la théorie de la guerre juste par la violence armée, présentée comme une réaction légitime à la violence de guerre coloniale12. Mais pour la plupart des observateurs occidentaux, le terrorisme urbain conserve sa part de barbarie13.

  • 14 Nguyễn Thanh Xuân (30 avril 2005), cité dans Mã Thiện Đồng 2015 : [5].
  • 15 Hoàng Thị Thanh 1991 : 13.
  • 16 « Nhà sư “Biệt Động thành” » [La bonzesse des “Commandos urbains”] in Collectif 2010 : 182-18 (...)
  • 17 Nguyễn Thịnh 2016.
  • 18 « Gặp nữ biệt động Sài Gòn tại Ấn độ » 2012.

7À la question « qui sont-ils ? », Nguyễn Thanh Xuân (alias Bảy Bê), l’ancien responsable du Commando 5, propose une description sociologique succincte mais parlante de « cette petite société » acquise aux idéaux révolutionnaires : « vendeuse de gâteaux de riz, petit vendeur de journaux ou cireur de chaussures, chauffeur de taxi, cyclopousse, ouvrier ou fonctionnaire, collégien, étudiant »14. Dans une autre liste de métiers masculins, Hoàng Thị Thanh, femme vétéran de la révolution, cite également les marchandes ambulantes et les danseuses15. Les recrues sont aussi parfois bonzes comme l’atteste le cas du vénérable Thích Viên Hảo, membre des « Commandos de Saigon » de la zone 6 et pourvoyeur d’armes au milieu des années 1960, ou la bonzesse Diệu Thông organisatrice d’une attaque contre le Sénat en 196016. Pour autant les assignations sexuées ne bouleversent pas les rôles de genre, chaque personne contribue à la hauteur de son métier à la lutte globale pour l’indépendance. Ces mentions soulignent tout au plus que toutes ces femmes et hommes actifs au cœur de la ville peuvent devenir subitement les agents de la révolution. Ouvriers, intellectuels, marchands, toutes les classes sont concernées par la mobilisation patriotique. Cependant, la sociologie des « biệt động » repose aussi sur des réseaux familiaux et villageois, nécessaires pour maintenir une cohésion et garder le secret des missions comme l’illustre la lignée des Trần du village Nam Đào, situé aujourd’hui dans le hameau Tây B du district de Bình Trưng Tây dans le second arrondissement de Saigon17. Un ancien des commandos nommé Trần Nhương explique l’avantage de construire ce type de réseaux s’appuyant sur une lignée villageoise. L’ensemble de cette petite société connectée forme une redoutable armée invisible de tous âges plongée au cœur de l’activité terroriste urbaine. Par exemple, si Đoàn Thị Ánh Tuyết rejoint le groupe de Saigon Gia Định à l’âge de 13 ans, c’est sans doute parce que sa mère a élevé et nourri Nguyễn Văn Trỗi, l’icône de la résistance anti-américaine, combattant du FNL Sud Viêt-Nam, fusillé en 1964 par un peloton d’exécution à Saigon18. L’adhésion à l’idéal révolutionnaire apparaît ici comme une nécessité liée à l’auto-éducation des familles opposées au régime de Saigon et à la présence française puis américaine.

  • 19 Voir par exemple : Võ Thu Hương 2013. Récit destiné aux enfants basé sur l’histoire de Lê Thị T (...)

8Après la réunification du pays, entre 1975 et 1986, les publications restent modestes sur le contenu et visent des publics spécifiques : enfants, femmes ou anciens combattants19. En décembre 1986 avec l’avènement de la politique dite du Renouveau, initiée par le parti communiste vietnamien au pouvoir émerge le phénomène des « Biệt Động Sài Gòn », les commandos urbains du Việt Cộng à Saigon. Leur action clandestine au cœur de l’ennemi est notamment popularisée par une série éponyme de quatre épisodes diffusés à la télévision.

  • 20 Mã Thiện Đồng 2006 et 2015.
  • 21 Đặng Vương Hưng 2008. Sur le même registre, voir aussi Norland 2020.
  • 22 Trầm Hương 2008.
  • 23 Tá Lâm 22 mars 2012. Portrait de Lê Thị Thu Nguyệt par Trầm Hương, 23 novembre 2005.

9Dans le même temps, une histoire orale, sollicitée et contrôlée, voit le jour. L’écrivaine Mã Thiện Đồng publie en 2004 un recueil de récits qualifiés d’inédits sur les commandos. Son grand mérite est de faire surgir de l’histoire des figures féminines oubliées, ces « anges de la rue » engagées dans l’action dès l’adolescence20. En 2008, à l’occasion du quarantième anniversaire de l’Offensive du Tết de février 1968, Đặng Vương Hưng, un écrivain promoteur de récits mémoriels sur la guerre, retrace dans une biographie sous-titrée « roman documentaire » l’itinéraire marqué par de nombreuses péripéties de la femme-commando Đặng Hoàng Ánh, issue « d’une honorable famille »21. Cassant les codes du récit hagiographique, l’écrivaine Trầm Hương s’intéresse au destin tragique de ces partisanes pendant l’Offensive du Tết. Dans son roman Saigon ne dort pas la nuit, les événements historiques apparaissent comme une toile de fond permettant de mettre en lumière le sort des êtres humains22. Au total, depuis le début des années 1990, une vingtaine de monographies commémoratives se sont focalisées sur le phénomène « biệt động ». Avec l’avènement d’internet, surtout à partir des années 2010, des entretiens et des articles rapportent les récits de vie et faits guerriers de femmes membres des commandos qui, pour la plupart, ont enduré la torture23. Ces publications en ligne restent en général calées sur le calendrier mémoriel de la République socialiste du Viêt Nam célébrant la chute de Saigon le 30 avril 1975 ou l’Offensive du Tết en 1968.

10Si ces nouvelles sources apparaissent de prime abord fragiles car il s’agit le plus souvent de reconstructions réalisées dans un but commémoratif des décennies plus tard, elles racontent néanmoins une part relativement méconnue de la guerre. Elles offrent notamment un visage aux anonymes, mettent en avant des caractéristiques individuelles dans un conflit écrasé par le collectif, donnant à voir une humanité en guerre qui a été à l’heure du conflit submergée par la propagande d’État. En outre, les femmes réapparaissent dans leurs métiers ou leur environnement social et familial, prédisposition à un engagement radical.

  • 24 Dans son ouvrage Héroïques commandos, l’écrivain Thanh Giang consacre son dernier chapitre aux «  (...)
  • 25 Respectivement Lê Thị Thu Nguyệt et Phùng Ngọc Anh (Mã Thiện Đồng 2015 : 26-51, 52-72).

11Ces nouvelles narrations apparues au début des années 1990 ne sont pas d’emblée genrées même si les représentations féminines sont réintroduites dans une histoire militaire de la guerre du peuple presque exclusivement masculine jusqu’alors. Cependant, la nouvelle vague de publications parues dans les décennies 2000 et 2010 offre une meilleure place aux femmes et s’attachent comme le fait Mã Thiện Đồng à redonner une place importante aux femmes des commandos, activistes de condition modeste24. Ce nouvel intérêt n’évite pas le travers d’un vocabulaire emphatique sexué (par exemple « l’oiseau de fer » ou « la petite dragonne des rues »)25 ou parfois s’appuie sur le langage populaire pour « héroïser » le destin de ces femmes engagées très jeunes dans l’action révolutionnaire. En survalorisant le destin de quelques-unes de ces figures, la nouvelle production littéraire en fait désormais l’acmé de la guerre populaire.

Irrégulières de la Première guerre d’Indochine : aux origines du sacrifice volontaire

  • 26 Trần Hải Phụng 1992 : 55-59. Cette partie met l’accent sur l’action du détachement féminin Min (...)
  • 27 Trần Hải Phụng 1992 : 55-56.
  • 28 Thiên Dũng 2015 ; Xuân Hà 2019.

12Venant la plupart du temps de familles de révolutionnaires communistes et engagées par le Parti, des femmes se montrent particulièrement actives dans l’action subversive. Au début des années 1990, lorsque les combattant.es au Sud ont commencé à élaborer une histoire régionale de la révolution à travers les publications du Club des traditions militaires de Hồ Chí Minh-Ville, le rôle des jeunes femmes, agentes de liaison, pourvoyeuses d’armes, espionnes ou artilleuses a été particulièrement souligné26. Employant le vocabulaire de la biologie, les agentes de liaison sont assimilées « aux cellules reliant entre eux les vaisseaux sanguins de la résistance »27. Le corps social révolutionnaire est ainsi genré. Ces symboles de genre sont aussi perceptibles dans les surnoms populaires attribués aux agentes les plus dangereuses. À titre d’exemple, Nguyễn Thị Mai était surnommée « la barre de fer » (con thoi sắt), une expression exprimant à la fois sa détermination au combat et ses actions foudroyantes, suscitant la peur parmi la population urbaine28.

  • 29 Bành Lang 2011 [1999] : 18.
  • 30 La date diffère selon les sources : le 12 mars in Trân Hai Phung 1992 : 162 et Hồ Sĩ Thành 200 (...)
  • 31 Bành Lang 2011 [1999] : 18-19. Descriptions différentes in Trần Hải Phụng 1992 : 75 ; Hồ Sĩ (...)
  • 32 Goscha 2002.

13Alors qu’elles sont enrôlées très jeunes, des missions d’assassinat leur sont assignées. En 1946, une jeune lycéenne de 17 ans Nguyễn Thị Ngọc Lan, connue sous le pseudonyme Lan – Mê Linh, intègre l’escadron de reconnaissance politico-militaire du Viêt-Minh à Saigon placé sous la direction de Trần Phong et Nguyễn Đình Chính (alias Chín Heo)29. D’autres jeunes filles de son âge sont recrutées pour infiltrer l’ennemi ou commettre des attentats. Le comité directeur confie à Lan la charge d’un assassinat ciblé. Il s’agit d’abattre par tous les moyens Hiền Sĩ, rédacteur en chef du journal Phục Hưng (Renaissance), un quotidien nationaliste jugé influent et dangereux. L’affaire se révèle compliquée car l’homme, qui se déplace en voiture, est toujours accompagné de ses deux gardes du corps. Mais, alors qu’elle file cet homme depuis une semaine, une occasion se présente le 12 mars 1946 lorsque Hiền Sĩ, contrairement à ses habitudes, décide de se déplacer à pied toujours suivi par ses deux gardes30. Lan n’a reçu qu’une formation de quinze minutes pour se servir de son arme. Habillée d’une tunique traditionnelle et maquillée avec soin pour se fondre dans le paysage social de l’époque, son arme dans son sac à main, elle suit les trois hommes, dépasse les deux gardes qui ne se méfient pas de cette écolière et, de sang-froid, elle tire quatre balles dans le dos de Hiền Sĩ. L’homme s’écroule dans une mare de sang devant les deux gardes pétrifiés. Mais Lan n’a pas terminé sa mission, son revolver grippé, elle fonce vers Hiền Sĩ agonisant et, craignant que celui-ci ne survive, le frappe à la tête avec la crosse de son revolver31. Neutralisée puis arrêtée, elle est transportée au poste de police rue Catinat où elle est interrogée et torturée à de multiples reprises. Lan inaugure ainsi une campagne d’assassinats sous la direction du général Việt Minh Nguyễn Bình qui vise des personnalités politiques au Sud pendant la guerre d’Indochine32.

14En couverture d’une publication de 1991 du Club des traditions militaires du Sud, une femme déterminée habillée en tunique traditionnelle, tout comme Lan, tire sur deux militaires dont un français devant le marché central de Saigon. Cette image forte entend illustrer l’implication des femmes dans l’action directe contre les colonisateurs. La jeune femme est représentée en áo dài, la longue tunique, portée par les étudiantes ou les femmes de la bourgeoisie urbaine exprimant l’idée que l’adversaire peut être inquiété par une personne au-dessus de tout soupçon dans l’espace public. Le danger peut surgir du cœur de la ville et l’image incarne symboliquement l’insécurité de l’adversaire dans un lieu central, connu et très prisé des habitants.

  • 33 Hồ Sĩ Thành 2002 : 25-27 et Hồ Sĩ Thành 2007 : 13-21.
  • 34 Trần Hải Phụng 1992 : 163, 164 (schéma de l’attaque).
  • 35 Hồ Sĩ Thành 2002 : 25 et Hồ Sĩ Thành 2007 : 17. Il s’agit du même texte légèrement remanié.

15Cependant, la guerre irrégulière au cœur de la ville de Saigon ne vise pas que des militaires ou des personnalités politiques en vue, elle frappe aussi les populations française ou saïgonnaise aisées retranchées dans leurs quartiers. C’est ainsi que le 10 juin 1948, quatre jeunes combattantes appartenant la section Minh Khai du Việt Minh (Mạc Thị Lan, Nguyễn Thị Kim Dung, Bùi Thị Huệ et Hoàng Thị Thanh) et un enfant de 10 ans, accompagnant le groupe dans le but de déjouer l’attention des gardes, prennent place au milieu de la salle du cinéma Majestic. Le commando féminin, âgé de 15 ans à 27 ans, attend la fin de l’entracte à 20 h pour lancer trois grenades à l’intérieur de la salle provoquant de nombreux morts et blessés. Dans la cohue générale, elles parviennent à s’enfuir sauf Huệ qui est arrêtée. Deux autres membres de la section Minh Khai sont faites prisonnières plus tard sur dénonciation et lourdement condamnées33. L’histoire qui présente cette action comme « l’un des trois plus importants attentats à la grenade de la guerre d’Indochine »34 reste cependant assez peu précise sur les conséquences de l’action. Selon Hồ Sĩ Thành, on dénombre 50 morts ou blessés dont de nombreux militaires français35.

  • 36 Hồ Sĩ Thành 2007: 10.

16D’autres attentats à la grenade sont opérés en pleine ville par exemple celui impliquant Lan alias Mê Linh, dans son premier fait d’arme, et Bông contre le Coq d’or, un restaurant fréquenté par les Français, situé à l’angle des rues Catinat et D’Ormay. Les deux jeunes filles dégoupillent leurs grenades, les lancent dans le restaurant bondé et prennent la fuite36. Un modus operandi également rappelé lors d’une scène hors de Saigon. Au centre de repos médical du Cap Saint-Jacques sous pavillon de la Croix-Rouge, une attaque d’un commando Việt Minh se révèle particulièrement meurtrière. Elle est décrite par l’aviateur Paul Clary visiblement choqué par cette action en violation des conventions internationales de guerre :

Faisant irruption dans le mess des officiers et sous-officiers qui prenaient leur repas, ainsi que des familles, femmes et enfants, ils ont mitraillé à bout portant, après avoir jeté une soixantaine de grenades dont une partie n’explosa pas mais, le reste fut suffisamment meurtrier.

  • 37 Clary 2002: 77.

17Le carnage aurait fait 20 morts et 27 blessés « parmi les malades et les blessés en convalescence, traîtreusement agressés alors qu’ils étaient sans défense »37.

  • 38 Bong-Wright 2001: 40-41 (Nam Ly), 58 (Thu Cúc), 96-97 (Huệ).
  • 39 Xuân Phuong 2001 : 60-63. Norland (2020) détaille l’engagement des Saigon Sisters et démontre qu’ (...)

18Du côté des Vietnamiens, si l’on est choqué par la brutalité des actions contre des civils, la présence des femmes comme actrices d’opérations violentes au sein du Việt Minh apparaît comme une évidence. Bon nombre de familles sont divisées, une fille chez le Việt Minh, l’autre dans le parti nationaliste Đại Việt comme le rappelle Jackie Bong-Wright en évoquant le destin de ses trois sœurs dans ses mémoires38. D’une certaine façon, l’engagement pour l’indépendance passe au-delà des sexes. Mais les jeunes filles qui quittent le domicile familial, qui se séparent du cocon selon l’expression vietnamienne (thoát ly), le font parfois dans un geste émancipateur. Agir pour la révolution permet de briser le carcan patriarcal et les assignations sexuées de la société conservatrice. On peut ainsi échapper à sa condition, du moins le pense-t-on. C’est le pari que fait Xuân Phương à Huế contre l’avis de sa mère, un choix qu’elle ne regrette pas mais dont elle expose les dures implications sur le plan corporel (hygiène intime, perte des cheveux)39. Cet appel de la jungle résistante a un impact sur le plan opérationnel, l’engagement des femmes au sein des commandos du côté de la RDVN apparaît plus massif sans que des données chiffrées n’aient jamais encore été révélées par l’État-major de la République démocratique du Viêt-Nam, vainqueur en 1954.

Irrégulières dans la « lutte anti-américaine de salut national » : continuer et amplifier la résistance

19Dès 1959, la lutte armée reprend au Sud du 17e Parallèle et en 1964, après la chute du régime de Ngô Đình Diệm, les possibilités de déstabilisation de l’État sudiste sont démultipliées. Le chaos politique qui règne pendant trois ans à Saigon permet aux forces nordistes d’organiser les infiltrations d’espions et de monter des réseaux d’agents prêts à mener des actions subversives ou terroristes sur le territoire sudiste. Les « forces des Commandos de Saigon » sont d’ailleurs officiellement fondées en 1963. À partir de 1964, le cadre dans lequel il faut lire la guerre irrégulière est celui d’une guerre civile accrue entre Vietnamiens. Cependant le modus operandi de la lutte urbaine ne change pas fondamentalement. L’élite politique saïgonnaise est la cible d’attaques récurrentes dont l’objectif est de fragiliser le pouvoir, de le miner de l’intérieur pour finalement le renverser.

  • 40 Khôi Nguyên 2017.
  • 41 Cas de Nguyên Van Sam, membre du réseau F-100, chargé des opérations terroristes, in Fallaci 1971 (...)
  • 42 Autre cas, celui de Nguyên Van Tam, sous les ordres du précédent, Fallaci 1971 : 53-56. Voir auss (...)

20La tâche de renseignement des agents infiltrés ou des agents doubles est clé pour l’organisation de la lutte terroriste. Du côté du Front national de libération du Sud Viêt-Nam dit Việt Cộng, les moyens mis en œuvre font preuve d’imagination comme le rappelle le parcours d’un espion piqué aux hormones pour jouer le rôle d’une femme40. Ce cas, rapporté dans la revue des vétérans en 2017, démontre que la mission révolutionnaire peut s’appuyer sur la subversion des rôles de genre. Du côté de la police de Saigon, les infiltrations d’agents subversifs au sein de l’appareil administratif et militaire de la République du Viêt-Nam représentent pour la sécurité un enjeu de taille. Les responsables d’attentat sont pourchassés et, s’ils sont pris, torturés, exécutés ou maintenus en détention. La police recherche activement les snipers et les poseurs de bombes et il lui arrive de les capturer vivants41. Sous la torture et le chantage, certains craquent et révèlent les détails de leurs trajectoires meurtrières42.

  • 43 Mã Thiện Đồng 2015 : 26-51.
  • 44 Voir notre corpus, op. cit.
  • 45 Nguyễn Hồng 2016 : 14-15. Outre Nguyễn Thị Ba, le réseau d’espionnage H.63 de Pham Xuân Ẩn c (...)

21Parmi les petites mains du terrorisme urbain et de la résistance anti-américaine on compte un nombre important de femmes même si leur nombre réel est inconnu. Ce sont le plus souvent de jeunes filles enrôlées à 15 ans ou 16 ans, jouant le rôle de sages collégiennes, assignées à des missions à haut-risque à l’instar de celle de Lê Thị Thu Nguyệt « l’oiseau de fer ». Cette dernière attaque à la grenade une exposition d’armes lors de la fête nationale le 26 octobre 1962 sous la république de Ngô Đình Diệm (1955-1963)43. Avec les écrits de Mã Thiện Đồng et de Trầm Hương, basés sur des enquêtes auprès des anciennes recrues féminines des commandos, une nouvelle histoire s’élabore dans laquelle apparaît mieux le rôle des irrégulières, notamment leurs hésitations dans l’action terroriste, les risques encourus, les violences subies. À travers articles ou interviews, la presse retrace la vie dangereuse des filles des commandos44. Plusieurs figures féminines émergent parfois oubliées pendant des décennies. À titre d’exemple, si l’espion Phạm Xuân Ẩn a suscité l’écriture de nombreux articles et de plusieurs biographies, le rôle de Nguyễn Thị Ba, son agente de liaison, n’a presque jamais été souligné. Dans l’ombre du célèbre agent secret, elle joua cependant un rôle prépondérant45.

  • 46 Parfois nommée « Chín Nghĩa », « Chín » étant le numéro 9. « Chính Nghĩa » signifie « Juste (...)
  • 47 Tân Nguyên 2018.

22Lors de l’Offensive du Tết, une jeune fille de 19 ans se distingue parmi les 15 membres du commando qui attaque le Palais de l’Indépendance. À l’âge de 16 ans, surnommée « Juste cause » (Vũ Minh Nghĩa alias Chính Nghĩa)46, elle est recrutée au mois d’avril 1965 et reçoit une formation d’agent de renseignement de terrain. Ses supérieurs lui confient une carte de Saigon et une mobylette pour s’exercer à circuler dans la ville. Il s’agit de maîtriser l’espace urbain, de mémoriser les rues, les moindres ruelles utiles pour transporter des armes et du courrier entre le cœur de la ville et Củ Chi la base de résistance. Rapidement opérationnelle, elle participe le 16 août 1965 à l’attaque du Quartier général de la Police à Saigon. L’objectif d’assassinat du général Nguyễn Ngọc Loan est un échec, mais l’attaque du commando sert de répétition pour les futures offensives47.

  • 48 Tá Lâm 2012 ; Mã Thiện Đồng 2006 : 227-241 et Mã Thiện Đồng 2015 : 236-253.

23Le deuxième jour du Têt de 1968, Chính Nghĩa intègre le commando désigné pour mener une attaque d’envergure contre le Palais de l’Indépendance. Trois petits camions et deux Hondas sont lancés dans l’assaut. Le premier camion transportant près de 200 kg d’explosifs frappe le portail. Mais, sans renforts, le commando est décimé pour moitié, l’autre blessée. Faite prisonnière, torturée puis enfermée au bagne de Poulo Condore, Chính Nghĩa fut libérée en 197448. Mais elle ne fut pas la seule à participer aux attaques du Têt. Une unité des Commandos exclusivement féminine avait été créée au début de 1968 sous le nom de Lê Thị Riêng, une héroïne du parti arrêtée en mai 1967 et fusillée le 31 janvier 1968.

  • 49 Collectif 2008 [1998] : 146-147.
  • 50 Le Foll-Luciani 2016 : 37.
  • 51 Le Foll-Luciani 2016 : 38.
  • 52 Guillemot 2014 : 133 et note 151.

24Cette unité féminine de propagande armée, la première et la dernière de la période « anti-américaine », placée sous la direction de (Lê) Hồng Quân (« armée rouge »), distribuait des tracts dans les bus, dans les marchés, devant les cinémas, appelant la population à se soulever49. La création de cette unité répondait encore une fois à la volonté du Parti d’inclure les femmes dans le processus de lutte. Activistes de l’agit-prop urbaine, leur présence visait à produire un effet psychologique sur la population urbaine. À l’instar des indépendantistes algériennes, pour ces jeunes vietnamiennes « l’appropriation politique de la rue constitu[ait] une transgression importante »50. Et cette présence contestait l’autorité morale habituellement dédiée à la famille patriarcale vietnamienne. Dans le même temps, ce type d’agit-prop à découvert en pleine rue pouvait susciter un relais auprès d’autres femmes51. Cependant, il pouvait s’agir aussi d’une simple expérience car l’opération ne fut pas renouvelée. Les activistes furent-elles toutes emprisonnées et le réseau démantelé ? Y a-t-il eu un problème de recrutement pour ce type de missions dans la mesure où la frontière entre le volontariat et le recrutement était tenue ?52 Était-ce finalement trop dangereux ?

  • 53 Hoàng Phương 2015.

25Un précédent mérite d’être souligné à travers le cas des conductrices de camion sur la Piste Hồ Chí Minh. Issues principalement des groupements des Jeunesses de choc, elles avaient répondu présent lorsque le parti des travailleurs du Viêt-Nam (au Nord) décida en décembre 1967 de créer un peloton féminin de conductrices pour suppléer leurs homologues masculins. Les raisons de la fondation de ce corps ne sont pas très claires. Quoi qu’il en soit une unité de 40 conductrices fut mise sur pieds au terme de 45 jours et nuits d’apprentissage de la conduite et de réparation d’engins massifs. La mission attribuée à ce nouveau corps était le transport de marchandises et de munitions vers le sud puis le rapatriement de blessés vers le nord. Les conditions d’exercice du métier étaient effroyables, conduite de nuit sur un terrain accidenté, notamment sur la route n°9, axe transversal de la Piste Hồ Chí Minh particulièrement visé par les bombardements des B52. De petite taille, âgées de 17 ans à 20 ans, elles devaient adapter leur siège pour atteindre le volant et pouvoir conduire ces lourds engins. Il fallait être parfois à deux en cabine pour manier le véhicule. L’histoire héroïque qui s’est construite dans les années 2010 rappelle qu’elles ont toutes survécu sans s’attarder sur leur état de santé qui reste précaire53. Depuis la jungle, ces jeunes filles alimentaient en munitions d’autres filles jeunes chargées des coups de force en ville.

  • 54 Hồ Sĩ Thành 2002 : 163-165 (notice 95).
  • 55 Asselin 2018 : 155-162 (sur l’Offensive du Tết).
  • 56 Nguyễn Đức Hùng 2015 [1998] : 244-254.
  • 57 Asselin 2018 : 151-152. Son efficacité réelle est contestée par Prados 2009 : 327-328.

26L’historiographie sur l’action des commandos fait la part belle à la période comprise entre 1964 et 1968. Est-ce à dire que l’action des Biệt Động est inexistante après 1968 ? Ou comme le suggère cette question soulevée dans un manuel de Hồ Sĩ Thành : « Est-ce que la période après le Têt 1968 est une période post-Biệt Động ? »54. On peut trouver plusieurs raisons à cela. La première tient au fait que le FNL-SVN a engagé la majeure partie de ces forces dans la bataille et que le mouvement de résistance a subi de très nombreuses pertes (plus de 40 000 morts) comme l’attestent les études les plus récentes55. À Saigon, 104 partisans ont été mobilisés et sur les 82 combattants engagés dans l’assaut, 59 ont été tués et 12 arrêtés. Les 15 survivants étaient affectés à la logistique. Les pertes sont considérables56. Les effectifs pour maintenir la subversion à son plus haut niveau ont fondu et la population ne s’est pas ralliée aux insurgés ce qui obligea les responsables du Việt Cộng à repenser leur stratégie. La seconde raison peut s’expliquer par le changement de situation politico-militaire au Sud après le Tết. D’une part, le retrait des forces américaines est engagé, un retrait qu’il faut resituer dans le cadre plus général des négociations secrètes engagées entre la RDVN et les États-Unis. D’autre part, un puissant dispositif de sécurité pour anéantir la guérilla communiste est mis sur pied au Sud de 1968 à 1972. L’opération Phénix parvient à neutraliser une grande partie des réseaux du FNL au Sud. Il s’agit d’une opération vietnamo-américaine des plus brutales qui affaiblit un peu plus ce qu’il reste des forces vives du Việt Cộng57.

  • 58 Hồ Sĩ Thành 2002 : 169-171 (notice 99). Le récit de l’attaque du Dai Nam fait par Mã Thiện Đ (...)
  • 59 Hồ Sĩ Thành 2002. Néanmoins, les chiffres des personnes « diêt », détruites, semblent surévalu (...)
  • 60 Hồ Sĩ Thành 2002 : 171.

27Pourtant entre 1969 et 1975, quelques actions d’envergure sont rappelées dans l’historiographie officielle touchant, comme auparavant, autant des lieux que des personnes (civils, militaires ou personnalités clés de la République sudiste). Alors que les commandos ont accusé des pertes importantes lors de l’Offensive du Tết, des jeunes filles prennent la relève du terrorisme urbain. Dans les années 1970, deux figures marquantes continuent de faire trembler Saigon. Trần Thị Mai, âgée de 22 ans, lance des grenades et place des bombes dans des lieux publics. Le 20 janvier 1970, elle fait exploser le cinéma Đại Nam à l’aide de deux boîtes de lait Guigoz bourrées d’explosifs provoquant 70 victimes et le 14 mars renouvelle l’opération contre un hôtel boulevard Nguyễn Huệ à proximité de la salle Eden en plein centre-ville. Entre temps, le 7 février, elle avait provoqué la mort de 12 personnes dans un attentat à la grenade contre le siège d’une administration locale58. De son côté, Đoàn Thị Ánh Tuyết, âgé de 18 ans et appartenant à l’escouade N13, posa des bombes au cours de l’année 1970 dans trois administrations sud-vietnamiennes provoquant au total la mort de 32 personnes59. Pour leurs faits d’arme, les deux jeunes terroristes furent promues « Héroïnes des forces armées populaires » le 6 novembre 197860.

  • 61 Nguyễn Đình Thi 1974 : 14-15 (conditions de détention), 78, 95, 102-105, 110-113 (tortures), 30 (...)

28Cependant, le déroulement de la guerre combinant désormais diplomatie et offensives sur fond de retrait américain met quasiment un terme aux séries d’attentats retentissants des années 1964-1968. La recrudescence d’actions menées par un personnel féminin de plus en plus jeune est-elle liée à l’éradication d’hommes du FNL ? L’histoire démontre toutefois qu’à toutes les périodes entre 1945 et 1975, les femmes sont dans la lutte et tombent au même titre que les hommes. Lorsqu’elles sont suspectées d’espionnage, pistées et arrêtées, leur sort s’apparente à une terrible descente aux enfers en prison, sous la torture physique, comme le souligne un rapport édité en France en 1974 qui témoigne du sort de celles qui furent plongées dans les cages à tigres de Poulo Condor, l’ancien bagne colonial61.

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Le « Biệt Động » d’après-guerre, dépasser la construction d’une mythologie populaire

  • 62 Réalisé entre 1982 et 1986. Sur la chaîne YouTube le film affiche entre 2,3 et 3,8 millions de vu (...)

29En 1986, alors que le PCV s’apprête à engager la politique dite du Renouveau, un film en quatre épisodes du réalisateur Long Vân intitulé « Biệt Động Sài Gòn » est projeté au cinéma puis à la télévision vietnamienne62. Sur fond d’amourette romantique, le film dépeint les actions des commandos Việt Cộng à Saigon contre les forces américaines et sud-vietnamiennes couramment nommées sous le terme péjoratif « Mỹ-ngụy » (américano-fantoches). Chaque épisode débute par l’image d’un bouquet de fleurs plongé dans un vase estampillé de la 90e division de remplacement des forces américaines qui explose et donne le ton de la série. Tout au long des quatre épisodes, se multiplient les explosions, les scènes de bataille, d’attentats, d’attaques à la grenade ou au couteau. Comme pour les films d’espionnage, le focus est mis sur les techniques d’infiltration au sein de l’ennemi où les situations genrées ont leur place. Par exemple, Nguyễn Đức Chung (Tư Chu) le commandant en chef des commandos de Saigon et sa camarade Ngọc Mai jouent le rôle d’un riche couple capitaliste pour mener leurs opérations de subversion. Leur courage est souligné, les difficultés auxquels ils sont confrontés au quotidien sont mises en avant. Il s’agit d’un couple idéal conservant une part de romantisme. La forme que revêt l’ennemi est souvent caricaturale pour mieux mettre en avant la bravoure et le sacrifice des membres des commandos. Le film s’intéresse également à des figures secondaires, les petites mains indispensables lors des opérations de sabotage comme les enfants des rues mais sur lesquelles il reste une histoire à écrire.

  • 63 Bộ Quốc phòng 2004, entrée « Lực lượng Biệt Động thành phố Sài Gòn » : 623 ; Trần Hả (...)
  • 64 Hồ Sĩ Thành 2002 : 30 (notice 13). Un titre fut délivré au général Nguyễn Bình à peu près à (...)

30L’image d’Épinal du « Biệt Động » et le romantisme révolutionnaire ne permettent pas d’évacuer les problèmes auxquels ces irréguliers ont été confrontés après la guerre. À l’instar des Jeunesses de Choc, les « Biệt Động » ne dépendaient finalement d’aucune structure fermement établie. Du fait de la dissolution rapide des unités Biệt Động après la chute de Saigon dans le but de réunifier l’armée, les anciens membres des commandos se sont retrouvés bien seuls face au nouveau pouvoir. Plus exactement les structures de la résistance du FNL ayant été anéanties au cours de la guerre et ayant disparu de façon institutionnelle avec la réunification de 1976, la reconnaissance de leurs faits d’armes et de leur statut fut longue. Dans sa fabrique des héros populaires, l’État communiste, ne les a cependant pas oubliés. Le 20 octobre 1976, soit quelques mois après la réunification, les Forces des Commandos de Saigon-Gia Dinh recevaient collectivement la distinction d’unité héroïque des Forces armées populaires63. Cette distinction avait été attribuée dès septembre 1967 par le Parti pour le groupement F-100 des commandos appartenant au 5e régiment, responsable de nombreuses attaques. À partir des années 1990, des membres des commandos sont individuellement célébrés64.

  • 65 Trần Hải Phụng 2007 : 494, « Bảng thống kê các liệt sĩ (do TP. Hồ Chí Minh đang quản l (...)

31Sans la consultation des archives, nous ne saurons sans doute jamais dans le détail l’implication des femmes dans les différentes étapes de l’action terroriste menée à Saigon-Cholon pendant les trente ans d’un conflit fratricide. L’histoire hagiographique et le plus souvent tragique des « héros » et « héroïnes » des commandos conserve sa part d’ombre sur les défections, les ratés, les contraintes internes, les retournements de situation ou les aléas de l’action subversive. En 1994, les autorités militaires firent le décompte du nombre de martyrs engagés dans la lutte révolutionnaire de Saigon-Cholon : 38 581 « liệt sĩ » étaient ainsi officiellement répertoriés65. Parmi ces combattants civils ou militaires, des milliers ont agi au sein des commandos mais combien exactement ? Malgré l’importance de leur sacrifice, ils n’ont cependant jamais permis de faire basculer la ville dans l’action révolutionnaire jusqu’au renversement du pouvoir militaire sudiste par les divisions tankistes nord-vietnamiennes le 30 avril 1975.

  • 66 L’histoire de Saigon, Cholon, Gia Dinh en résistance, publiée en 2007 sous la direction de l’anci (...)
  • 67 À peine plus de trente noms de femmes ont été rapportés par les ouvrages et la presse vietnamienn (...)

32Les « martyrs » du Viêt-Công, femmes et hommes, sont aujourd’hui célébrés régulièrement à chaque décennie commémorative rappelant les grandes étapes de la guerre et de la révolution des années 1946, 1968, 1975. Les actions des commandos sont bien inscrites dans l’historiographie contrôlée et élaborée avec soin par l’État-Parti66. Pour autant, cinquante ans après l’Offensive du Tết, les victimes des attentats, les familles vietnamiennes endeuillées par le terrorisme urbain ne sont jamais évoquées, complices implicites d’un ennemi qu’il fallait frapper toujours et partout. Les nouveaux récits peinent encore à faire surgir les destins multiples et contrastés de la tragédie vietnamienne. Notre article pose ainsi plus de questions qu’il ne propose de réponses mais il insiste sur la nécessité de creuser cette perspective. Cette histoire pourrait-elle être menée alors que les principales « petites mains » des réseaux armés disparaissent un peu plus chaque année du paysage social vietnamien ?67 Elle ne manquerait pas d’intérêt pour mieux comprendre comment les assignations sexuées de la société traditionnelle vietnamienne ont été subverties par la guerre et comment l’émancipation promue par la propagande d’État s’est confrontée au virilisme de la période d’après-guerre.

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Notes

1 Guillemot 2014 : 109. Guerre totale (toàn diện), « sur tous les plans » selon les canons chinois.

2 Doan Cam Thi 2010.

3 Turner Gottschang & Phan Thanh Hao 1998; Taylor 1999. La dernière étude importante en date retrace l’engagement de neuf jeunes filles de la bourgeoisie saïgonnaise dans la résistance, voir Norland 2020.

4 Huynh Chau Nguyen 2013.

5 Rollinde 2010.

6 Voir les références bibliographiques citées dans Guillemot 2016.

7 « Sur les pas des Jeunesses de choc. Pour une histoire genrée de la guerre du Viêt-Nam », intervention au séminaire « Sociétés en guerre » du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA), vendredi 25 octobre 2019 [https://guerillera.hypotheses.org/4386].

8 Voir par exemple : FNL-Sud Vietnam, Au Sud-Vietnam, héroïques partisanes, Éditions Libération, 1966.

9 Voir la notice « Guérillera », en ligne, dans mon corpus « Sources Biệt Động Sai Gon » [https://guerillera.hypotheses.org/sources-biet-dong-sai-gon] (consulté le 3 mars 2021).

10 Bui Trân Phuong 2004.

11 Nguyễn Đức Hùng (Tư Chu) 2015 [1998]. Récit du chef des commandos de Saigon.

12 Cf. les propos de l’agent Viêt-Minh Hoàng dans Shaplen 1966 : 24.

13 Voir les attaques à Saigon pendant l’été 1946. Ibid. :15.

14 Nguyễn Thanh Xuân (30 avril 2005), cité dans Mã Thiện Đồng 2015 : [5].

15 Hoàng Thị Thanh 1991 : 13.

16 « Nhà sư “Biệt Động thành” » [La bonzesse des “Commandos urbains”] in Collectif 2010 : 182-183. Sur Diệu Thông, voir Hồ Sĩ Thành 2002 : 115-116 (notice 66). Elle servit de modèle pour incarner le rôle de la bonzesse Huyền Trang dans la série télévisée « Biệt Động Sài Gòn ».

17 Nguyễn Thịnh 2016.

18 « Gặp nữ biệt động Sài Gòn tại Ấn độ » 2012.

19 Voir par exemple : Võ Thu Hương 2013. Récit destiné aux enfants basé sur l’histoire de Lê Thị Thu Nguyệt.

20 Mã Thiện Đồng 2006 et 2015.

21 Đặng Vương Hưng 2008. Sur le même registre, voir aussi Norland 2020.

22 Trầm Hương 2008.

23 Tá Lâm 22 mars 2012. Portrait de Lê Thị Thu Nguyệt par Trầm Hương, 23 novembre 2005.

24 Dans son ouvrage Héroïques commandos, l’écrivain Thanh Giang consacre son dernier chapitre aux « Grandes et petites sœurs des commandos de la ville », Thang Giang 2015 [1992] : 243-281.

25 Respectivement Lê Thị Thu Nguyệt et Phùng Ngọc Anh (Mã Thiện Đồng 2015 : 26-51, 52-72).

26 Trần Hải Phụng 1992 : 55-59. Cette partie met l’accent sur l’action du détachement féminin Minh Khai pendant la première guerre d’Indochine.

27 Trần Hải Phụng 1992 : 55-56.

28 Thiên Dũng 2015 ; Xuân Hà 2019.

29 Bành Lang 2011 [1999] : 18.

30 La date diffère selon les sources : le 12 mars in Trân Hai Phung 1992 : 162 et Hồ Sĩ Thành 2002 : 22 ; le 18 février in Bành Lang 2011 [1999] : 20, note.

31 Bành Lang 2011 [1999] : 18-19. Descriptions différentes in Trần Hải Phụng 1992 : 75 ; Hồ Sĩ Thành 2002 : 21-23 ; Hồ Sĩ Thành 2007 : 7-12.

32 Goscha 2002.

33 Hồ Sĩ Thành 2002 : 25-27 et Hồ Sĩ Thành 2007 : 13-21.

34 Trần Hải Phụng 1992 : 163, 164 (schéma de l’attaque).

35 Hồ Sĩ Thành 2002 : 25 et Hồ Sĩ Thành 2007 : 17. Il s’agit du même texte légèrement remanié.

36 Hồ Sĩ Thành 2007: 10.

37 Clary 2002: 77.

38 Bong-Wright 2001: 40-41 (Nam Ly), 58 (Thu Cúc), 96-97 (Huệ).

39 Xuân Phuong 2001 : 60-63. Norland (2020) détaille l’engagement des Saigon Sisters et démontre qu’une autre histoire de la guerre et de la résistance peut être contée. Notons que ces deux récits sont produits par des femmes sur des femmes.

40 Khôi Nguyên 2017.

41 Cas de Nguyên Van Sam, membre du réseau F-100, chargé des opérations terroristes, in Fallaci 1971 : 53-56, 58-66.

42 Autre cas, celui de Nguyên Van Tam, sous les ordres du précédent, Fallaci 1971 : 53-56. Voir aussi sur cette même affaire : Moser 1968 : 19-29.

43 Mã Thiện Đồng 2015 : 26-51.

44 Voir notre corpus, op. cit.

45 Nguyễn Hồng 2016 : 14-15. Outre Nguyễn Thị Ba, le réseau d’espionnage H.63 de Pham Xuân Ẩn comprenait les agentes de liaison et espionnes suivantes : Nguyễn Thị Yên Thảo (Tám Thảo), Nguyễn Thị Ánh, Hà Thị Kiên (Nguyễn Văn Tàu 2016 : 9-44).

46 Parfois nommée « Chín Nghĩa », « Chín » étant le numéro 9. « Chính Nghĩa » signifie « Juste cause ».

47 Tân Nguyên 2018.

48 Tá Lâm 2012 ; Mã Thiện Đồng 2006 : 227-241 et Mã Thiện Đồng 2015 : 236-253.

49 Collectif 2008 [1998] : 146-147.

50 Le Foll-Luciani 2016 : 37.

51 Le Foll-Luciani 2016 : 38.

52 Guillemot 2014 : 133 et note 151.

53 Hoàng Phương 2015.

54 Hồ Sĩ Thành 2002 : 163-165 (notice 95).

55 Asselin 2018 : 155-162 (sur l’Offensive du Tết).

56 Nguyễn Đức Hùng 2015 [1998] : 244-254.

57 Asselin 2018 : 151-152. Son efficacité réelle est contestée par Prados 2009 : 327-328.

58 Hồ Sĩ Thành 2002 : 169-171 (notice 99). Le récit de l’attaque du Dai Nam fait par Mã Thiện Đồng expose l’amateurisme et le danger de l’opération pour les civils.

59 Hồ Sĩ Thành 2002. Néanmoins, les chiffres des personnes « diêt », détruites, semblent surévalués au regard des moyens artisanaux utilisés.

60 Hồ Sĩ Thành 2002 : 171.

61 Nguyễn Đình Thi 1974 : 14-15 (conditions de détention), 78, 95, 102-105, 110-113 (tortures), 304-305 (quartier des femmes, prison militaire de Nha Trang. En particulier, la presse vietnamienne souligne le calvaire de Nguyễn Thị Mai, de Chính Nghĩa et Phùng Ngọc Anh, plusieurs fois arrêtées et tortures). Voir aussi Fallaci 1971 : 58-59 rapportant le cas de Huỳnh Thị An.

62 Réalisé entre 1982 et 1986. Sur la chaîne YouTube le film affiche entre 2,3 et 3,8 millions de vues selon les épisodes (chiffres relevées le 16 mai 2020).

63 Bộ Quốc phòng 2004, entrée « Lực lượng Biệt Động thành phố Sài Gòn » : 623 ; Trần Hải Phụng 1992 : 492.

64 Hồ Sĩ Thành 2002 : 30 (notice 13). Un titre fut délivré au général Nguyễn Bình à peu près à la même époque : 12-13 (notice 4).

65 Trần Hải Phụng 2007 : 494, « Bảng thống kê các liệt sĩ (do TP. Hồ Chí Minh đang quản lý, tính đến ngày 27-7-1994) » [Table des statistiques des martyrs (gérées par Hô Chi Minh-Ville, arrêtées au 27 juillet 1994)].

66 L’histoire de Saigon, Cholon, Gia Dinh en résistance, publiée en 2007 sous la direction de l’ancien responsable des commandos Trần Hải Phụng en est une illustration convaincante.

67 À peine plus de trente noms de femmes ont été rapportés par les ouvrages et la presse vietnamienne.

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Table des illustrations

Titre Vivre éternellement avec la capitale
Crédits © 1991, Club des Traditions militaires de Hồ Chí Minh-Ville.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/19549/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 267k
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Pour citer cet article

Référence papier

François Guillemot, « Le genre des « Biệt Động », commandos urbains de la guerre civile révolutionnaire (1945-1975) »Clio, 53 | 2021, 47-70.

Référence électronique

François Guillemot, « Le genre des « Biệt Động », commandos urbains de la guerre civile révolutionnaire (1945-1975) »Clio [En ligne], 53 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/19549 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.19549

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Auteur

François Guillemot

François Guillemot est historien, ingénieur de recherche au CNRS, en charge de la documentation sur le Viêt-Nam et l’Asie du Sud-Est à l’Institut d’Asie orientale (IAO, CNRS, UMR 5062), École normale supérieure de Lyon. Auteur de plusieurs ouvrages sur le Viêt-Nam contemporain dont Viêt Nam, fractures d’une nation. Une histoire contemporaine de 1858 à nos jours (Paris, La Découverte, 2018) et Des Vietnamiennes dans la guerre civile, 1945-1975. L’autre moitié de la guerre (Paris, Les Indes savantes, 2014). Il mène des recherches sur la guerre civile vietnamienne, les mouvements nationalistes, le genre pendant la guerre du Viêt Nam. Il anime trois carnets de recherche sur Hypotheses.org : « Guérillera » (http://guerillera.hypotheses.org/) dédié à la problématique des femmes et de la guerre dans une perspective transnationale, « Mémoires d’Indochine » (https://indomemoires.hypotheses.org/) en accompagnement de son séminaire à l’ENS de Lyon et « Indochina Sources » (https://indosources.hypotheses.org/), dédié aux ressources en SHS sur la péninsule indochinoise. francois.guillemot[at]ens-lyon.fr

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