Simona Feci & Laura Schettini (a cura di), La Violenza contre le donne nella storia. Contesti, linguaggi, politiche del diritto (secoli xv-xxi)
Simona Feci & Laura Schettini (a cura di), La Violenza contre le donne nella storia. Contesti, linguaggi, politiche del diritto (secoli xv-xxi), Roma, Viella, 2017, 288 p.
Texte intégral
1L’ouvrage, publié sous la direction de Simona Feci et Laura Schettini, est le prolongement d’un colloque organisé par la Società Italiana delle Storiche (Société italienne des historiennes, association sœur de Mnémosyne) à Rome en 2015. Nos collègues italiennes souhaitaient apporter un regard historien sur les violences faites aux femmes, sujet qui connaissait alors, et en particulier autour de la notion de féminicide, une forte résonnance dans la péninsule. Le sujet n’était heureusement pas totalement neuf ; il avait déjà été l’objet, quelques années auparavant, d’une synthèse (Marco Cavina, Nozze di sangue storia della violenza coniugale, Laterza, 2011). Mais, d’une part, celui-ci adoptait principalement une approche juridique en remontant aux origines de la légitimation de la violence du mari dans une union établie comme inégalitaire ; d’autre part, de nombreuses recherches en cours justifiaient pleinement de favoriser ces nouveaux travaux et contribuer ainsi au débat scientifique. Publié deux ans plus tard, ce volume réunit treize contributions qui abordent dans l’Italie du xvie siècle à nos jours les différents aspects de ce qu’a été la violence faite aux femmes, essentiellement dans un contexte familial et privé.
2Dans l’introduction, Simona Feci et Laura Schettini éclairent parfaitement leurs intentions. Elles précisent combien il importe d’interroger l’histoire pour révéler les dynamiques sociales et culturelles de la violence conjugale afin de dépasser l’explication par une « nature » masculine empreinte d’instincts et de bestialité. D’être également attentif aux usages contemporains peu judicieux de l’Histoire, de ses simplifications hâtives, en particulier à propos de l’Islam. Pour les historiennes, l’enjeu était bien de réintroduire de la durée et du changement dans l’analyse des violences faites aux femmes.
3Une première partie intitulée « Contextes » compose ce regard en arrière à travers une diversité de situations qui, du xvie au xxe siècle, montrent combien la violence contre les femmes est d’abord une affaire de famille. Elle s’inscrit dans une relation asymétrique entre hommes et femmes au sein des couples et des familles. Cependant, malgré le nombre croissant d’études sur le sujet, il demeure très difficile d’évaluer quantitativement le phénomène pour les époques antérieures au xxie siècle. Sa persistance, au-delà de restitutions partielles, partiales et inégales par les sources à notre disposition, est incontestable, mais ces travaux soulignent, comme d’autres ailleurs en Europe, combien il y a, d’une part, toujours conscience de cette violence, d’autre part, combien le regard moral, la réponse juridique, la perception sociale ont changé depuis cinq siècles.
4Conscience de cette violence, mais seulement quand des femmes parviennent à rompre le silence qui leur est socialement imposé. En 1606, Antonia Sanvitale dénonce son mari Aurelio Dall’Armi, noble sénateur de Bologne, pour les sévices et la séquestration qu’il lui a fait subir, nous raconte Lucia Ferrante. Sur la place publique, de conjugale, l’affaire devient aussi politique. Emprisonnement, caution, procès pénal, tribunal ecclésiastique, jusqu’à une rixe fatale, l’enchevêtrement quasi exemplaire des juridictions, des pratiques, des jeux d’influence dans cette affaire montre combien la frontière privé/public est poreuse quand il s’agit de défendre une femme, une famille, un clan, ou un pouvoir. Ici le pouvoir pontifical y voit une possibilité de s’en prendre à un membre de la noblesse locale réputée trop insoumise. De quoi la violence interfamiliale est-elle une menace ? En analysant le regard porté par le célèbre juriste Prospero Farinacci (1544-1618) sur trois assassinats intrafamiliaux, d’un père, d’un frère ainé et d’une mère tous alors qualifiés de « parricide », Simona Feci nous fait mieux comprendre les mutations en cours ; la frontière discutée entre justice et vendetta, ou comment le périmètre de cette dernière autorise ou non à régler ses affaires « en famille », c’est-à-dire non à punir le criminel mais à racheter l’offense subie.
5Changement évident à l’échelle du xixe siècle pour Christel Radica qui montre combien les viols sur mineur.es se voient davantage condamnés par les tribunaux piémontais au fur et à mesure que « les enfants » sont considérés comme un bien national à protéger collectivement. C’est alors non au nom de l’enfance mais de la famille que les autorités post-unitaires en Sicile, tout en réagissant aux situations de violences conjugales qui leur sont signalées, se désengagent le plus souvent en encourageant la conciliation pour préserver « l’intérêt des familles » et le pouvoir du mari. Toujours en Sicile mais un siècle plus tard, Chiara Stagno, souligne l’ambivalence des femmes qui contribuent dans les familles mafieuses, archétype d’une domination masculine absolue, autant dans la sphère publique que privée, « la famille », à la transmission de ce modèle violent à leurs enfants.
6Dans la seconde partie intitulée « Politiques et droits », les autrices s’intéressent plus particulièrement à la période ouverte par les mouvements féministes des années 1970 et l’inscription de la lutte contre les violences faites aux femmes dans l’agenda, qu’il soit militant, institutionnel, juridique ou historiographique. Retour sur l’année 1976 qui voit la traduction en italien de l’ouvrage de Susan Brownmiller, Against our Will, sur lequel revient Susanna Mantioni, et la création du premier centre féministe contre les violences faites aux femmes, via del Governo Vecchio à Rome, retracée par Beatrice Pisa. Repères, théorique d’une part, de terrain de l’autre, d’un demi-siècle de mobilisation en Italie, comme dans bien d’autres pays et à l’échelle internationale. Car, comme le montrent plusieurs contributions, l’une des particularités de cette cause est sa dimension internationale. Mariagrazia Rossilli dresse un bilan de vingt ans de politiques européennes en matière de violence de genre soulignant combien le quasi-consensus en faveur d’une législation contraignante témoigne autant d’une prise de conscience de l’ampleur de ces violences que de l’urgence d’y mettre un terme. À propos des violences sexuelles en temps de conflit, Carmen Trimarchi s’intéresse à la résolution 1820 de l’ONU (2008) condamnant l’usage du viol comme arme de guerre : elle insiste sur le long processus enclenché depuis le début du xxe siècle qui ont fait sortir la violence sexuelle de « l’ère du silence ». Les deux dernières contributions reviennent sur les débuts de notre siècle, en questionnant d’une part les relations entre féminisme et justice, d’autre part les rhétoriques de la violence. Ilaria Boiano relève combien le recours croissant à la justice pénale des Italiennes s’est traduit par un infléchissement du discours juridique avec un affaiblissement des stéréotypes et préjugés de genre au profit d’une culture de l’indépendance et de la liberté des femmes. Enfin, en repartant du meurtre de Marie Trintignant, Cristrina Gamberi s’intéresse aux campagnes de prévention italiennes et les formes d’invisibilisation autant rhétorique que graphique du « tueur ».
7Au final, il s’agit d’un volume riche de ces études qui contribuent à affiner l’historicisation de ce phénomène et en percevoir, derrière les particularités nationales ou régionales, des inflexions communes à l’Europe, au moins occidentale. Ceci à condition d’être, comme le rappelle le sous-titre, particulièrement attentif aux mots, que ce soit par leur silence, leur précision juridique ou leur variabilité sociale.
Pour citer cet article
Référence papier
Fabrice Virgili, « Simona Feci & Laura Schettini (a cura di), La Violenza contre le donne nella storia. Contesti, linguaggi, politiche del diritto (secoli xv-xxi) », Clio, 52 | 2020, 283-286.
Référence électronique
Fabrice Virgili, « Simona Feci & Laura Schettini (a cura di), La Violenza contre le donne nella storia. Contesti, linguaggi, politiche del diritto (secoli xv-xxi) », Clio [En ligne], 52 | 2020, mis en ligne le 21 avril 2021, consulté le 17 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/18796 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.18796
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