Navigation – Plan du site

AccueilNuméros51VariaCelles qui sortent et celles qui ...

Varia

Celles qui sortent et celles qui restent. « Carrières asilaires » des femmes internées dans les asiles en France au xixe siècle

Those who leave and those who stay: the “asylum careers” of women interned in mental asylums in France in the early twentieth century
Solange Lapeyrière
p. 283-308

Résumés

Contrairement à une idée largement répandue, les femmes entraient en moins grand nombre que les hommes à l’asile, mais que leurs effectifs permanents y étaient plus importants. Les sureffectifs se fabriquaient à l’asile et la question se déplace alors sur ce qui y retenait ainsi les femmes un peu plus que les hommes, alors que médecins et familles développaient des stratégies pour faire sortir les intéressées, en particulier celles qui étaient dites « améliorées ». L’examen des processus de décisions tant des sorties que des maintiens à l’asile montre que c’est l’isolement ou au contraire, l’existence de ressources familiales qui s’avèrent décisives pour une décision de sortie. Cette enquête dévoile des logiques de genre qui ne sont pas propres à l’asile et renvoient, hors asile, aux rôles sociaux féminins de cette époque, à la question de l’autonomie et surtout du manque d’autonomie des femmes qui est renforcée par l’épisode asilaire et la fragilisation sociale qui s’ensuit.

Haut de page

Texte intégral

1Le destin des femmes internées dans les asiles au xixe siècle peut sembler un sujet clos tant il a suscité recherches, publications, romans et films. Les certitudes semblent solidement installées sur ce sujet. La croyance en la faiblesse éternelle des femmes aurait contribué à leur enfermement abusif et massif :

  • 1 Murat 2001 : 237.

Parce que leur affranchissement menace l’ordre public ou trouble l’ordre familial, les femmes revendiquant leur autonomie seront taxées d’aliénées, d’hystériques, de maniaques1.

  • 2 Entre 8 % et 10 % pour les années 1874 et 1886, Postel & Quetel, 1994 : 324.
  • 3 Ripa 1986 : 191.

2Enfin, elles sortaient si peu de ces asiles2, que l’on a fini par penser et dire qu’elles n’en sortaient pas : « La boucle est bouclée, l’asile est sans fin. La malade y meurt, y est enterrée comme dans son village »3.

  • 4 À cette époque, chaque année, environ dix mille femmes considérées comme « folles » ou « aliénées (...)
  • 5 Statistique générale de la France 1905 : tableau XII.

3Alors que je travaillais sur des cas de femmes internées au début du xxe siècle4, je fus confrontée à des résultats peu conformes à cette image classique de l’internement féminin. D’une part, les statistiques nationales indiquaient que, pour la période 1900-1914, les femmes entraient chaque année moins nombreuses que les hommes (47 % contre 53 %)5. D’autre part, en consultant les archives de quelques asiles parisiens je notais que, d’un asile à l’autre, nombre de patientes sortaient « guéries » ou « améliorées », « remises » à leur mari, à leurs parents ou à la « liberté » dans des proportions non négligeables.

  • 6 Lapeyrière 2017.

4J’ai poursuivi cette recherche pour dater l’origine de cette moindre entrée des femmes au cours du xixe siècle et tenter d’apprécier la réalité et l’ampleur de ces sorties. Cet article, en abordant ces deux questions, tente de comprendre la distorsion entre ces images prégnantes de l’internement des femmes au xixe siècle et les résultats d’enquêtes récentes qui donnent à apercevoir une autre réalité. Il s’appuie sur la consultation des statistiques, de 1838 (date de la création des asiles départementaux) jusqu’en 1914, et sur une enquête sur les parcours individuels de 1 200 femmes internées au début du xxe siècle6. Chemin faisant, cette enquête a permis de nuancer d’autres aspects peu connus des parcours de ces femmes et du rôle des familles dans leurs sorties de l’asile.

Le paradoxe des sureffectifs féminins au xixe siècle

  • 7 Statistique de la France 1856 : C4 : xxxii. Ce rapport est le premier à pratiquer les normes inte (...)

5Parallèlement à la loi de 1838 qui a mis en place l’organisation administrative et médicale des asiles départementaux, l’organisation de la statistique s’est dotée d’un cadre de méthodes, avec la publication régulière de tableaux analytiques assortis de commentaires des médecins et des inspecteurs des asiles. Le premier rapport statistique, en 1856, donne les proportions suivantes : pour 9 081 admissions dans les asiles de France, on comptait 4 790 hommes, soit 53 % du total des admissions et 4 291 femmes, soit 47 % de ce même total. D’après ce rapport, ces proportions existaient depuis 1842. Et l’auteur de conclure : « La folie est une maladie à laquelle l’homme serait plus prédisposé que la femme »7.

Un phénomène connu des directions des asiles

  • 8 Constans, Lunier & Dumesnil 1878 : 453.
  • 9 Lunier 1884.

6Tous les rapports des années suivantes jusqu’en 1914 énoncent le même constat. Celui de Constans, en 1878, observe que ce phénomène s’est ensuite poursuivi : « L’un de nous a calculé, pour une assez longue période finissant en 1870, qu’il y avait 117 admissions du sexe masculin contre 100 du sexe féminin »8. Quelques années plus tard, Lunier9 note la même tendance.

  • 10 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1904. Voir le graphique page suivan (...)

7À Paris, en 1904, le docteur V. Magnan, qui dirige alors le service centralisé des admissions pour tous les asiles du département de la Seine, dresse la courbe comparative des femmes et des hommes passés par son service depuis le 1er mai 186710. La proportion des hommes y est constamment supérieure à celle des femmes. Variant de 52 % à 60 % selon les années, elle est en moyenne de 56 % sur 34 années.

  • 11 Coffin 2000 : 164.

8Ainsi, tout au long du xixe siècle et jusqu’en 1914, les femmes ont été internées en asile en moindre proportion que les hommes. Ce fait est d’autant plus remarquable qu’elles étaient, déjà à cette époque, plus nombreuses que leurs homologues masculins dans la population nationale. Comme le souligne J.C. Coffin, les médecins avaient découvert au xixe siècle, suite au développement de la statistique, que si l’on s’en tenait aux chiffres des admissions, « les femmes étaient moins sujettes à la folie que les hommes »11.

  • 12 Toulouse, Dupouy & Moine 1930 ; Chapireau 2007.
  • 13 Guillemain 2018.

9Cette tendance s’est inversée après la Première Guerre mondiale : les femmes sont alors devenues plus nombreuses chaque année à entrer dans les hôpitaux psychiatriques12. Les années 1900-1914, sont souvent considérées comme le prolongement du xixe siècle. Dernièrement, Hervé Guillemain, en a encore fait la démonstration, tant par le taux de femmes internées supérieur à celui des hommes à partir de 1920 que par leur répartition dans la nosographie nouvelle13.

Fig. 1. Graphique établi par V. Magnan : « État des malades entrés à l’admission depuis le 1er mai 1867 »

Ce graphique nous indique comment, dans ce service, on suivait d’année en année, depuis 1867, le différentiel des effectifs d’admission entre les femmes (trait discontinu) et les hommes (trait continu). Le nombre de ces derniers étant régulièrement plus élevé que celui des femmes.

10Sur quelles données s’est alors fondée l’idée, tant répandue et bien installée dans l’historiographie, du sureffectif des femmes internées au xixe siècle ?

Les sureffectifs – féminins et masculins – se fabriquent à l’asile

11Dans les tableaux statistiques annuels produits de 1838 à 1914, deux colonnes rendent compte de l’état des effectifs des asiles en France. La colonne des « admissions » dénombre les entrées de l’année en cours, elle correspond à ce que l’on appelle aujourd’hui communément la demande sociale. La colonne des « effectifs en traitement au 31 décembre » représente, quant à elle, les effectifs encore présents à la fin de l’année, soit les lits occupés, quelle que soit la date d’entrée des patients.

Tableau 1 – Progression des admissions par année et des effectifs en traitement (1842-1905)

ADMISSIONS dans l’année

EFFECTIFS au 31/12

Hommes

Femmes

 % Femmes

Hommes

Femmes

 % femmes

1842

3 588

3 098

46 %

7 262

8018

52 %

1853

4 790

4 291

47 %

11 623

12172

51 %

1865

16 745

18135

52 %

1874

6 892

6 169

47 %

19 301

21509

53 %

1905

11 590

11 015

49 %

32 141

38552

55 %

  • 14 Statistique de la France 1856.
  • 15 Constans, Lunier & Dumesnil 1878.
  • 16 Statistique générale de la France 1906.

Sources : Années 1842 et 1853 : Statistiques des établissements d’aliénés14. Années 1865 et 1874, Rapport Constans15. Années 1905 : Statistiques annuelles des institutions d’assistance. France entière et tous types d’établissements. Tableau XII16.
Les pourcentages sont calculés en ligne, c’est-à-dire sur le total par année.

12Comme on le voit dans ce tableau, les effectifs au 31/12, femmes et hommes, sont toujours supérieurs à ceux des admissions. Le fait notoire est que les femmes sont dans ces colonnes en proportions plus importantes que les hommes. Je propose d’appeler « paradoxe des sureffectifs féminins » le double fait que les femmes entrent chaque année à l’asile en moins grand nombre que les hommes, avec 46 % à 49 % des effectifs à l’admission, alors qu’elles constituent la majorité des effectifs en traitement, de 51 % à 55 % selon les années. Les sureffectifs se fabriquent à l’asile, et chez les femmes de façon plus particulière.

13Au vu de ces résultats, on mesure à quel point le récit sur l’enfermement féminin est étroitement lié à la façon dont les effectifs sont dénommés, comptés et analysés. Les directions des asiles, dans leurs préoccupations gestionnaires, surveillaient avec inquiétude les coûts générés par les effectifs permanents. Nombre d’études ont retenu ces mêmes données pour souligner l’incessante augmentation des populations internées. La confusion entre ces deux types de données, les effectifs à l’admission et les effectifs permanents, alimente une image faussée de l’internement des femmes au xixe siècle.

14D’après les rapports médicaux de cette époque, la mortalité masculine nettement plus élevée et les taux de sortie des cas d’alcooliques seraient à l’origine de cette différence. Ces résultats nous invitent à réinterroger la fabrication des sureffectifs, en examinant les réalités sociales à même de rendre compte de ce phénomène, ainsi que les conditions institutionnelles (procédures d’entrée, de maintien et de sortie) et extra-institutionnelles (démographiques, socioéconomiques et socioculturelles) qui sont à l’œuvre dans les asiles de cette époque, et en particulier au sujet des femmes.

Diversité des parcours asilaires

  • 17 Goffman 1968 : 179-183.

15Le terme de carrière morale, conceptualisé par E. Goffman17 pour désigner la façon dont l’institution modifie et modèle le destin social de l’individu happé par elle, est un concept essentiel de cette enquête sur les parcours asilaires.

16Selon l’administration asilaire, cinq « mouvements » d’internés sont enregistrés chaque année : les sorties par « guérison » ou « amélioration », les « transfèrements » dans un autre asile, les « évasions » et enfin les « décès ». À chacun de ces mouvements correspond un type de décision. Seules les sorties guéries ou améliorées et l’évasion réussie sont de véritables sorties ; les premières sont décidées par les médecins et parfois par les familles. L’évasion est la seule sortie décidée par l’internée elle-même. Il y en avait très peu chez les femmes.

17Les non-sorties sont comptabilisées à partir des transferts et des décès. Les transferts étaient des décisions médicales et administratives qui consistaient à déplacer une internée dans un autre asile où elle poursuivait sa carrière asilaire. Quant aux décès, le fait qu’ils ne relèvent évidemment pas d’une décision médicale ne saurait occulter le fait que la défunte aura fait, chaque mois, l’objet d’une décision de maintien durant toute sa carrière.

18En associant les caractéristiques individuelles des patientes et les événements qui jalonnent leurs carrières ou les non-événements qui les prolongent indéfiniment, notre approche vise à une évaluation qualitative et quantifiée de la diversité de ces parcours. Elle aide également à comprendre les pratiques médicales et institutionnelles qui présidaient tout autant aux décisions de sortie qu’à celles répétées de maintien jusqu’à trépas.

Dispositif de l’enquête

L’enquête prosopographique porte sur un échantillon de 1189 femmes entrées dans quatre asiles publics, entre 1900 et 1914 : deux asiles de la Seine (Maison-Blanche et Ville-Evrard) et deux asiles en province (Le Vinatier à Bron et Montfavet à Avignon). Soit les parcours individuels de 1189 femmes auxquels s’ajoutent ceux de 150 femmes dans deux maisons de santé privées.

  • 18 Le placement volontaire selon la loi de 1838 est un placement décidé par un tiers, parent ou ami, (...)

L’enquête comprend deux volets :
– L’analyse des « carrières asilaires », les durées de séjour de chaque femme et l’issue de leur séjour. En prenant en compte les facteurs suivants : âge et état civil à l’entrée, métier, statut d’internée (d’office ou volontaire18), diagnostics à l’entrée et au cours du séjour, causes du décès.
– L’analyse du corpus des certificats médicaux, du suivi médical mensuel et des certificats de sortie, ainsi que des courriers échangés entre les internées, les familles, et les médecins et directeurs d’asile.

19Une des surprises de cette enquête concerne l’importance du nombre des sorties : 39 % des femmes sont sorties « guéries et améliorées ». Ce résultat est assez peu conforme à l’image de ces asiles dont on ne ressortait pratiquement pas.

Fig. 2. Répartition des trois types de destins asilaires.

Effectif des 1 189 femmes entrées entre 1900 et 1914.

  • 19 Annuaire statistique de la Ville de Paris 1905 : 554. Pour cette même année le taux de sortie gué (...)

20Ce taux de sortie, ainsi que ceux des transferts et des décès sont trois à quatre fois plus élevés que ceux fondés sur les statistiques de l’époque qui sont annuelles. Celles-ci faisaient état pour les asiles de la Seine en 1905, de 12 % de sorties (améliorées [8 %] et guéries [4 %]), 8 % de décès et autant de transferts19. Si l’on se réfère à l’ensemble des asiles départementaux pour la même année, le taux de sortie par guérison est de 3 % et celui de sortie par amélioration est de 4 %.

21Ces écarts de résultats entre notre enquête et les statistiques gestionnaires sont impressionnants. Ils s’expliquent par les différences entre les deux bases de référence sur laquelle ces mouvements sont comptés. Le taux issu des statistiques gestionnaires exprime les mouvements de tous les internés, pendant une année. Il est calculé sur la base des effectifs au 31/12. C’est un constat de la performance annuelle des asiles, il nous dit que sur un total de cent personnes en traitement, sept à huit personnes sont sorties pendant l’année de référence, guéries ou améliorées. Par contre, l’enquête prosopographique portant sur une collection d’individus suivis tout au long de leur carrière asilaire (en l’occurrence sur cinquante années), le taux calculé fournit une représentation des mouvements enregistrés pour chaque personne durant tout le cours de son internement. Il est calculé sur la base des effectifs à l’admission.

22Dans leurs rapports annuels, les médecins-chefs présentaient régulièrement ces mêmes différences de résultat entre les taux de sortie selon qu’ils se référaient à la population des « admissions dans l’année » ou à « la population traitée » :

  • 20 Rapport médical 1907. Asile public d’aliénés de Montdevergues-les-Roses à Avignon.

Les chiffres de sorties par guérison étant de 60 et le chiffre des sorties par amélioration étant de 81, nous obtenons un total de 141 sorties de bon aloi dont la proportion par rapport aux admissions est de 44,47 % et de 7,7 % par rapport à la population traitée20.

23Leurs remarques et nos résultats vont donc dans le même sens. Ainsi on peut considérer que le taux de 39 % représente non seulement la réalité des sorties de l’asile, mais qu’il donne aussi, de ce fait, l’estimation des « chances de sortie » des femmes entrant à l’asile à cette époque.

24Reste à comprendre les processus et les facteurs à l’œuvre dans ces décisions de sortie ou de maintien à l’asile.

Celles qui sortent

25Les procédures de sortie sont décrites très précisément dans la loi de 1838 qui prévoit deux régimes possibles en fonction du statut de la personne internée, défini lors de son admission.

26Pour les internés « volontaires », c’est-à-dire placés par un tiers, la personne qui a signé la demande d’internement paye les frais de pension et peut à tout moment retirer son parent, quels que soient son état et l’avis du médecin, sauf si le malade présente, d’après l’institution, une réelle dangerosité. Leurs certificats de sortie font clairement référence à cette souveraineté des familles, en l’occurrence, dans l’exemple suivant, suite à la demande du mari de cette jeune femme :

  • 21 Maison Blanche. N17. N° 139290.

27C. 38 ans, mariée, sans profession, placée volontaire en février 1909, sortie cinq mois après. « Légèrement améliorée, peut être rendue à son mari qui la réclame et s’engage à lui assurer les soins et la surveillance que son état nécessite encore ».21

28Dans d’autres circonstances comme la suivante, le médecin mentionne son désaccord dans le certificat de sortie :

29J. 48 ans, mariée, sans profession, placée volontaire en février 1909, sortie « améliorée » après une année :

  • 22 Maison Blanche. N17. N° 139113.

Le mari demande avec insistance à reprendre la malade malgré toutes les réserves que j’ai formulées au sujet d’une sortie non indiquée en ce moment. J’ajoute que la malade tout en étant turbulente, n’a pas commis d’actes de violences depuis qu’elle est à l’asile22.

  • 23 Loi du 30 juin 1838 sur les aliénés : articles 12 à 20.

30Par contre, pour les placés dits « d’office », internés par décision administrative (arrêté du préfet) et pris en charge financièrement par le département, en raison de leur éventuelle dangerosité, la décision de sortie appartient au médecin qui la transmet au préfet, lequel prononce ensuite « l’ordonnance » de sortie23.

  • 24 Le Vinatier. Q318. N° 12844.

31Marie, 34 ans, célibataire domestique, placée d’office en janvier 1900, pour « hystérie-épilepsie avec troubles psychiques ». Sortie guérie en mars 1904 : « Ne présente pas actuellement de troubles mentaux, (guérison) et peut être mise en liberté »24.

32Pour chaque sortie, le nom et le statut de la personne qui prend l’internée en charge, ainsi que son adresse, sont enregistrés dans le dossier individuel de la sortante. Il en va de même pour les quelques femmes à propos desquelles il est pourtant écrit qu’elles ont été « remises en liberté ».

Sortir « guéries » ou « améliorées » : des décisions négociées

33La distinction entre les sorties d’internées dites « guéries » et sorties d’internées dites « améliorées », articulée autour du degré de guérison, existe depuis l’origine du système asilaire mis en place en 1838. Dans les premiers temps, on parlait plutôt de sorties « avant guérison » ou « après guérison ». Le Dr Dupain, médecin-chef à Vaucluse décrit la façon dont cette notion est appréciée en situation.

  • 25 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1906 : 127.

Au point de vue clinique, les malades mises en liberté présentaient des degrés divers de performance psychique, depuis l’amélioration simple, plus ou moins marquée jusqu’à la guérison ou le retour à l’état mental habituel du sujet. Parfois cette amélioration est juste suffisante pour qu’il soit possible de donner satisfaction aux réclamations successives d’une famille qui insiste pour ramener chez elle sa malade25.

34L’usage de ces deux termes indique l’existence d’un espace d’appréciation autour de la notion de guérison ouvert par l’institution elle-même. Il est frappant de voir à quel point nombre de familles, en particulier celles qui se manifestaient pour faire sortir leurs parentes, attendaient et croyaient en la possibilité de la sortie et obtenaient gain de cause. Nombre de courriers présents dans les dossiers individuels en témoignent :

  • 26 Montfavet. R28. N° 2133.

Monsieur le médecin en chef
Depuis 4 mois que ma femme se trouve sous votre surveillance et soins (…) Ma femme me paraissant assez bien et tranquille, mes intentions seraient de la faire rentrer chez moi. Je viendrai donc la chercher moi-même, samedi 25 courant et vous prie de me faire tenir pour cette date un bulletin de sortie26.

35De fait, Madame A., 38 ans, sans profession, avec quatre enfants, était entrée, dans le cadre d’un placement volontaire fondé sur un diagnostic de « mélancolie avec idées de persécution ». Elle est sortie « légèrement améliorée, réclamée par son mari ».

36Le compagnon de Marie-Antoinette D., une veuve de 50 ans, cuisinière de son état, écrit au médecin-chef à trois reprises. Voici sa dernière missive. Sa compagne allait sortir dix jours après.

  • 27 Maison Blanche. D4X3-1058.

Monsieur Le Docteur
Je viens vous solliciter Monsieur Le Docteur pour que vous vouliez bien accorder à madame D. sa sortie définitive. Je la trouve à peu près rétablie et possédant en outre toute sa lucidité. (…) j’ai besoin de Madame D. pour mon intérieur, je suis seul et depuis 9 mois qu’elle est dans votre Asile tout a été négligé chez moi, il est donc de toute nécessité que vous m’accordiez sous peu cette sortie27.

  • 28 Joseph 1998.

37Ces courriers n’ont rien d’anecdotique. Leur présence dans les dossiers individuels des quatre asiles confirme que ces demandes faisaient partie des pratiques courantes. Sans les interventions insistantes et répétées des familles, nombre de sorties n’auraient pas eu lieu. Les familles qui écrivaient elles-mêmes ou par le truchement d’un écrivain public ou d’un proche savaient utiliser toutes les brèches possibles, toutes les possibilités ouvertes par le système, et faire usage de leurs droits. On dirait aujourd’hui qu’elles avaient acquis les compétences d’usagers de l’asile, selon un cadre d’analyse contemporain28 forgé justement dans les études portant sur les malades hospitalisés et leurs familles.

38Les sorties dites « améliorées » sont manifestement utilisées par les médecins et l’administration asilaire pour les cas où les circonstances familiales l’emportent dans le processus de décision. Cet espace de négociation était réservé aux placées volontaires. Mais à partir de 1890, une réforme émanant de la direction des asiles a mis en place une possibilité supplémentaire : les sorties « en congé » ou « à l’essai » pour les patientes placées d’office dont les familles s’engageaient à poursuivre les soins et la surveillance chez elles. Il y avait alors une réelle conviction que ce type de mesure était favorable à la guérison. Ces sorties étaient souvent confirmées ensuite en « sorties définitives ».

  • 29 Montfavet R78. N° 3058.

Rose, 55 ans, mariée, sans profession, placée d’office en août 1905. Sortie en congé en octobre 1906. « Actuellement plus calme et moins délirante. Son mari espérant que la vie de famille pourra lui être favorable demande instamment à la prendre en congé d’essai. Congé accordé pour 3 mois ; sortie conduite par son fils »29.

39Dans notre enquête, la proportion de sorties « améliorées » est nettement plus élevée (63 %) que celle des sorties « guéries » (37 %), phénomène confirmé au niveau national, dans des proportions analogues, pour les mêmes années. Ces taux ont évolué depuis 1853 et leur proportion s’est inversée : le taux de sortie « avant guérison » (43 %) était au début du xixe siècle inférieur à celui des sorties « après guérison » (67 %). En sus de la réforme de 1890, il faut sans doute voir en cela les effets de la contestation externe et interne des asiles sous la iiie République, ainsi que des incitations des préfets à « désencombrer » les services et réduire les coûts.

40Suivre une population d’interné.es de son entrée à sa sortie montre qu’il existait des marges de manœuvre dans les asiles du xixe siècle, système moins implacable, sur la question des sorties que ce qui en est dit.

  • 30 Le Bras 2014 : 111-115.
  • 31 Fauvel 2013 : 41.

41Comme l’a remarqué Anatole Le Bras, « la sortie de l’asile est un processus peu étudié par les historiens ». De ce fait, il est difficile de s’appuyer sur des données construites avec des méthodes permettant de faire des comparaisons rigoureuses. Pour l’asile de Quimper, il a calculé un taux de sortie qui passe de 37 % à 50 % des entrées, pour les hommes internés entre 1850 à 1900. Il a observé également la progression et l’importance des sorties « non guéries »30. Par ailleurs, Aude Fauvel souligne que l’on a sans doute jusqu’à présent « exagéré la rigidité du corps médical »31. Elle invite à relire cette histoire sous l’angle des « interactions médecins/patients », et l’on pourrait ajouter celui des interactions médecins/familles, les trois formant un triangle systémique dynamique.

Les bénéficiaires des sorties

  • 32 Tableau des maladies dites « curables et incurables » d’après le Dr Marie. Cité par Fauvel 2005 : (...)

42Les femmes qui sortaient de l’asile, en général dans les six premiers mois, tout au plus après deux semestres, comme le soulignent les rapports annuels des médecins, se répartissent dans toutes les classes d’âge, mais se concentrent de façon plus nette entre 33 et 54 ans. Elles présentent des pathologies considérées à l’époque comme « curables »32 : « état puerpéral, états aigus, maniaques, mélancoliques, confus et alcooliques, psychoses aiguës, délires transitoires… ». Comme l’expose le Dr Régis dans son Manuel pratique de médecine mentale, les manifestations aiguës de la folie pouvaient guérir :

  • 33 Régis 1892 : 52-55.

Seules les folies aiguës sont curables…/… Ordinairement c’est du deuxième mois au douzième mois que la guérison se manifeste, si elle doit survenir. Elles peuvent aussi passer à l’état chronique et cesser d’être curables…/… Plus la maladie est franchement aiguë, et plus le pronostic est favorable33.

43Les femmes mariées sont nettement plus nombreuses à sortir améliorées que les célibataires et les veuves. Il en est de même pour les femmes placées volontaires qui, « réclamées par leurs époux ou leurs familles », sortent dans des proportions supérieures aux placées d’office. Patricia Prestwich, dans son étude sur l’asile de Sainte-Anne, avait déjà remarqué que le taux de sortie des placés volontaires, tant hommes que femmes, était supérieur à celui des placés d’office. Pour cette auteure, à travers les transactions entre les familles et les médecins, on observait que :

  • 34 Prestwich 2003 : 96.

Les familles n’étaient pas si passives que cela. D’une certaine façon, c’est leur demande pour certains types de soins qui a aussi façonné la structure des institutions qui étaient en plein développement34. (ma trad.)

  • 35 Maison-Blanche. N7. N° 140774.

44Le fait d’avoir un métier n’apparaît pas de façon significative comme un facteur favorable à la sortie. Par contre, la promesse d’un emploi avec un logement peut s’avérer un facteur décisif propre à emporter la décision. C’est le cas des très rares jeunes femmes majeures, célibataires et ayant un métier, qui ont ainsi pu sortir. Comme Marie, âgée de vingt-cinq ans, célibataire et domestique à Paris, placée d’office, qui est sortie « améliorée » avec le certificat suivant : « Peut être remise à sa patronne qui la réclame et lui réserve une place de domestique »35.

45Enfin quelques rares femmes obtenaient de quitter l’asile grâce à leurs demandes répétées, à la saisine du procureur et à leur acharnement pour obtenir leur liberté et la fin de leur séquestration.

46Qu’en est-il maintenant de celles qui restaient des années à l’asile au point de constituer les sureffectifs féminins ?

« Celles qui restent » 

47En soulignant le facteur décisif de la mobilisation et des ressources familiales dans les décisions de sortie, l’analyse qui précède nous permet d’imaginer la situation de celles qui, sans doute améliorées ou guéries, sont restées à l’asile faute des ressources nécessaires pour appuyer et soutenir leur sortie éventuelle…

  • 36 Postel & Quetel 2012 : 203-214. Cette pathologie, suite neurologique de la syphilis, était alors (...)
  • 37 Tableau du Dr Marie, déjà cité ; Fauvel 2005 : 466-467.

48Si la médecine de l’époque considérait qu’il était possible de guérir de certaines maladies mentales, les connaissances, débats et diagnostics étaient largement dominés par la notion « d’incurabilité », attachée à certaines pathologies : « idiotie, imbécillité, manie et mélancolie chronique, paralysie générale36, délire systématisé de persécution, démence précoce, démence organique, démence sénile et présénile… »37. Cette notion englobait également celles et ceux qui, faute d’amélioration suffisante dans les premiers temps de leur internement, passaient dans la catégorie des malades dits « chroniques ».

49Les femmes de notre enquête qui sont entrées à l’asile entre 1900 et 1914 et n’en sont pas ressorties par la suite (61 %), se répartissent en deux catégories : celles qui sont restées et sont décédées dans le même asile (36 % des entrantes) et celles qui ont été transférées dans d’autres asiles (25 %) pour y poursuivre leurs carrières d’internées. Ces deux orientations ont un impact essentiel sur leurs conditions de vie quotidienne, les unes restant dans le même cadre à proximité de leurs familles, les autres étant dispersées dans divers asiles de province, éloignées de leurs familles et de plus en plus isolées.

Le sort des femmes maintenues à l’asile jusqu’à leur décès

  • 38 Internée en 1913 à l’âge de 50 ans, et décédée en 1943 à l’âge de 80 ans.

50Ce que nous savons des conditions de vie dans les asiles peut être décrit par deux images contrastées : d’une part, des conditions de vie misérables avec une hygiène déficiente et des maladies contagieuses sources d’une mortalité effrayante et, d’autre part, des femmes âgées y survivant tant bien que mal de très longues années, dont Camille Claudel38 est la figure emblématique.

51Les décisions de non-sorties s’élaboraient chaque mois, sans donner lieu à aucune inscription dans le registre. Les femmes maintenues à l’asile ne figuraient pas sur les listes mensuelles des guéries adressées par les médecins aux préfets. Elles n’étaient pas non plus réclamées par leurs familles. Leur maintien était simplement reconduit de mois en mois, sans faire l’objet d’aucune déclaration. Quelques traces écrites de ce processus de décision se trouvent parfois dans les notes médicales mensuelles des registres, dans les « certificats de situation » demandés par les préfets aux directions des asiles, et dans quelques courriers des médecins aux familles ou aux femmes ayant demandé à sortir. L’analyse de ces documents permet de repérer les circonstances qui semblent présider à ces décisions de maintien.

52En premier lieu, on observe des cas pour lesquels les verbatim relèvent la permanence, voire l’aggravation, des troubles mentaux et du comportement. Ces femmes sont décrites comme étant : « sans changement, toujours hallucinées, avec les mêmes préoccupations délirantes, en état de stupeur ou d’agitation, de plus en plus démentes, violentes… ». Autant de figures communes de ces écrits hospitaliers.

  • 39 Fauvel 2005 : 200-205.

53Une seconde série de verbatim associe deux remarques : un état relativement stabilisé : « s’occupe régulièrement, calme par intermittence, en bonne santé », et une « incapacité à se diriger seule dans la vie ». Cette dernière expression était courante dans les décisions d’internement et elle justifiait qu’une personne soit placée d’office et bénéficie donc de la gratuité. Mais lorsqu’elle est utilisée dans la décision de non-sortie, elle prend un sens différent. Elle peut signifier que l’amélioration n’a pas permis de retrouver une capacité suffisante à se diriger dans la vie et justifie la poursuite d’une prise en charge par le département. Elle peut aussi faire référence à un état de chronicité et de dépendance aggravées, que nombre de critiques de l’asile dénonçaient comme étant le résultat de l’internement lui-même. Deux revues, La Lanterne et L’infirmier, ou des pièces de théâtre et romans à succès39, se faisaient régulièrement l’écho de cette critique.

54Il y a enfin le cas de celles dont il est dit « qu’elles pourraient sortir si quelqu’un acceptait de s’en occuper ». Cette phrase est présente à l’identique, telle une litanie, dans les archives des quatre asiles observés. Elle témoigne à elle seule de l’importance de l’entourage socio-familial dans le processus de sortie. Ainsi nombre de femmes guéries ou dans un état d’amélioration suffisant pour sortir, mais ne disposant pas des ressources jugées indispensables pour ce faire, étaient maintenues à l’asile, au même titre que celles qui n’étaient pas en état de sortir. Je les ai nommées les améliorées de l’intérieur. En voici deux exemples :

  • 40 Le Vinatier. Q316. N° 11767.

55Aimée Marie B. 40 ans, célibataire, couturière, placée d’office le 23 janvier 1901. « 21 fév. 1901 – est atteinte de folie chronique… Incurable ». En 1924, cette malade est décrite « améliorée, tranquille, bonne travailleuse, inoffensive. Son maintien dans un asile d’aliénés ne serait pas indispensable si une autre formation hospitalière pouvait la recevoir, l’essai pourrait du moins être tenté. » Ensuite plus rien jusqu’à son décès en 1941, de « cachexie démentielle avec eschares »40.

  • 41 Montfavet. R78. N° 2990.

56Madeleine B. 39 ans, célibataire, infirmière placée d’office le 19 juin 1905. On relève dans les notes la concernant : « Même incohérence, même état », puis : « guérie de son accès hypocondriaque. Pourra sortir dès qu’elle sera guérie de sa fièvre typhoïde. Mais parce qu’elle n’a ni famille, ni ressources, il conviendrait de faire bénéficier cette fille de l’assistance à l’hospice car elle peut rendre des services soit comme infirmière, soit comme domestique ». Elle va rester encore quinze années et mourir à l’asile à 55 ans de tuberculose pulmonaire en 192041.

  • 42 Les différents projets de réforme de la loi de 1838 n’ont jamais abouti à un vote des deux chambr (...)

57Ces femmes faisaient l’objet d’un maintien silencieux, reconduit de mois en mois. Les notes médicales les concernant devenaient d’année en année de plus en plus succinctes : « pas de changement… idem…, id… ». Les visites et les courriers s’espaçaient, parents, maris et compagnons avaient vieilli, étaient décédés ou partis sans laisser d’adresse, avaient refait leur vie ailleurs. Nul ne les réclamait ni ne répondait aux courriers. On peut réellement parler d’un maintien à l’asile par résignation du corps médical, abandon progressif des familles et par les lenteurs et blocages à réformer les politiques de l’asile42.

58Ces améliorées de l’intérieur étaient réparties dans les quartiers des « tranquilles – travailleuses ». Elles s’occupaient à la couture et au ménage ou travaillaient pour les services généraux dans les cuisines, les ateliers de couture et les lingeries. Le travail des internés, femmes et hommes, a été, jusque dans les années 1970, une ressource économique pour les asiles et un mode de vie pour celles et ceux qui y ont passé de longues journées, durant de longues années.

  • 43 Asile de Ville-Evrard entre 1900 et 1910.

59Sur un échantillon de deux cents dossiers d’hommes internés43, je n’ai jamais rencontré cette petite phrase, « pourrait sortir si quelqu’un acceptait de s’en occuper », si courante dans les dossiers de femmes. La formule « remis en liberté » apparaît plus souvent dans leurs certificats de sortie que dans ceux des femmes. Les hommes seraient plus facilement crédités d’une capacité à retrouver du travail, un logement et des possibilités d’accueil à leur sortie. Il y aurait eu, de ce fait, moins de raisons de les retenir à l’asile.

  • 44 Rapport annuel sur le service des aliénés de la Seine. Dr Joffrey, 1900, Dr Sérieux 1903.

60Il faut aussi rappeler l’absence, à cette époque, de tout dispositif institutionnel offrant des alternatives à l’asile. Les initiatives privées étaient extrêmement rares et ne pouvaient toucher que des cas isolés. Quelques médecins réclamaient la création de « maisons de convalescence » où nombre de ces personnes auraient pu exercer une activité, avec plus de liberté, tout en disposant d’une surveillance médicale44.

Le sort particulier des transférées des asiles de la Seine

61Les asiles de la Seine ont instauré, dès 1844, une politique systématique de transferts dits « collectifs » vers quelques asiles de province pour les internés considérés comme incurables. Des contrats étaient passés, précisant le nombre de lits mis à leur disposition. L’objectif était double : éviter la construction de nouveaux établissements et réduire les frais de gestion, grâce à un prix de journée inférieur de moitié. Des convois étaient organisés plusieurs fois par an pour les y conduire. Des imprimés annonçaient sans ménagement cette décision à leurs destinataires :

Par suite de l’encombrement des Asiles d’aliénés de la Seine, l’Administration est dans la nécessité de transférer un certain nombre de malades dans les asiles de province… Madame X… sera dirigée le … sur l’Asile de xx…

En vous avisant de cette décision, je crois utile d’ajouter que vous pourrez avoir régulièrement des nouvelles de Mme X.

  • 45 Les taux de transfert étaient peut-être un peu plus élevés pour cette période du fait des évacuat (...)
  • 46 L’asile de Vaucluse était le troisième asile du département de la Seine. En 1937, il devient hôpi (...)
  • 47 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1900 : 131-143.

62D’après notre enquête, on peut estimer que le tiers des femmes entrant dans les asiles de la Seine faisait l’objet de ces transferts collectifs45. Le docteur Dupain, à Vaucluse46, constatait en 1900 qu’il avait transféré 202 malades sur les 825 femmes présentes dans son unité, soit le quart de sa population en traitement. Il estimait que « l’effectif du service s’accroîtrait d’un cinquième par an s’il n’y avait pas ces disparitions par transfèrement »47.

63Ces décisions étaient redoutées par les femmes internées et leurs familles. Certaines réussissaient à y échapper en menaçant « de tout casser » ou « de se tuer », comme en témoigne ce certificat de sortie :

  • 48 Ville-Evrard. R119. N° 34456.

Clotilde B. 40 ans, journalière, veuve, placée d’office et vivant avec Mr G. nommé son mari. « Suffisamment améliorée pour être rendue à son mari Mr G., qui la réclame d’autant plus qu’elle doit être transférée en province et qu’elle parle de se tuer si on l’emmène si loin »48.

64Les médecins devaient adresser au préfet une liste des transférables. Pour eux, il s’agissait de femmes dites « incurables ». Mais on mettait aussi sous cette étiquette les femmes les plus isolées, les moins soutenues et les moins visitées, celles qui n’avaient aucune chance de sortir un jour. Il s’avère que la moitié des transferts avaient lieu dès la première année, l’autre moitié dans les dix années suivantes. Les médecins devaient veiller à ne pas transférer trop vite ou trop massivement celles qui travaillaient dans les services généraux pour ne pas les désorganiser.

65Il n’est pas anodin de constater que les transferts étaient en proportion plus importante parmi les placées d’office. Les célibataires et les veuves y étaient de même surreprésentées. Les jeunes femmes atteintes de « débilité profonde » et de « démence précoce » ou les plus âgées atteintes de « délire systématisé » étaient très rapidement envoyées dans ces asiles. Ce sont là autant d’indices que ces transferts frappaient de façon prioritaire la population la plus vulnérable, démunie, isolée et sans défense face aux décisions de l’administration asilaire.

  • 49 Annuaire statistique de la ville de Paris 1907. En 1907, elles formaient plus de la moitié de leu (...)

66Ces femmes dispersées dans des asiles éloignés y poursuivaient leurs carrières. À quelques exceptions près, elles n’en sortaient pas jusqu’à leur décès. Elles figuraient sur un registre à part au compte du Service des asiles de la Seine qui en assurait la charge financière49.

67Le transfert était également, dans tous les asiles en France, une mesure administrative individuelle, lorsqu’une internée était renvoyée dans son département de référence qui devait en assumer la charge financière, ou lorsqu’étant de nationalité étrangère, elle était rapatriée dans son pays d’origine. C’était souvent le cas des domestiques et des journalières. Ces transferts peuvent être estimés, dans notre enquête, à 5 % des femmes internées.

68On l’aura compris, les asiles parisiens privilégiaient le traitement des nouveaux patients et cherchaient des solutions de repli pour ceux qu’ils appelaient les chroniques et les incurables. Sur le plan historique, ils représentent un lieu privilégié d’observation de ce système de relégation. Lorsque je travaillais sur ces archives, l’importance des transferts au fil des relevés était d’une telle évidence que, lorsque je notais des séjours de plus de six ans, j’imaginais qu’il s’agissait de femmes considérées comme étant de « bonnes travailleuses » indispensables ou bien de femmes « pistonnées » qui avaient pu échapper à un transfert…

69Lorsque l’on compare les parcours des femmes entrées dans les asiles de la Seine à ceux des femmes internées en province, on mesure dans le tableau qui suit, l’impact des transferts massifs sur leurs destins réciproques.

Tableau 2. Asiles de la Seine, asiles de province – Des destins différents.

Entrées

 % de sorties

 % de transferts

 % de décès à l’asile

Asiles Seine

680

33,2 %

39,3 %

27,5 %

Asiles Province

509

46,2 %

4,3 %

48,5 %

TOTAL

1189

39 %

25 %

36 %

Sources : Échantillon d’enquête, les pourcentages sont calculés en ligne par rapport au nombre de femmes entrées.

70Les asiles de la Seine affichent un taux de sortie et un taux de décès plus faibles que les asiles de province. Leurs transférées vont décéder ailleurs et ne sont donc pas comptabilisées dans les décès. On peut estimer, qu’en fait, 67 % des femmes qui y étaient internées décédaient dans cet asile et celui de leur transfert.

Les parcours asilaires, des plus courts aux plus longs

  • 50 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1905. Dr Briand, Villejuif : 186.

71On peut observer sur le graphique suivant, établi d’après les mêmes données, que nombre de décès survenaient la première année, avec un taux très voisin de 16 % dans les quatre asiles. Cette mortalité était régulièrement soulignée dans les rapports annuels des médecins des asiles : « La plus grande mortalité frappe entre plus d’un mois et moins de six mois »50. On ne retrouve pas ce même phénomène dans les maisons de santé privé. Ces décès ne sont pas liés à des états de folie. Ils sont manifestement liés à la misère, à l’épuisement, au grand âge et à la gravité de l’état de santé des femmes à leur arrivée dans ces établissements, et sans doute parfois au choc produit par cet internement.

  • 51 Von Bueltzingsloewen 2007.

72Par contre, les longues durées de séjour de plus de dix ans n’ont lieu que dans les asiles de province. Les très longues carrières, de plus de trente ans, comme celle de Camille Claudel, ne concernent que 2 % des effectifs entrés dans les deux asiles de province. Le cas d’Henriette D., qui a vécu soixante-dix ans à l’asile du Vinatier à Bron51, est d’une durée tout à fait exceptionnelle.

Fig. 3. Durées de séjour avant leur décès des 434 femmes décédées à l’asile

Les pourcentages de décès sont calculés respectivement sur 680 femmes entrées dans les deux asiles de la Seine et 509 femmes entrées dans les deux asiles de province.

73Ainsi les carrières de très longue durée, qui ont l’intérêt d’attirer l’attention sur les conditions qui les rendent possibles, ne peuvent en aucun cas être considérées comme la norme en matière d’internement féminin. À l’instar des « transférées », ces femmes qui ne sont jamais sorties de l’asile sont en majorité des célibataires, des veuves et des placées d’office, victimes de leurs moindres ressources et de leur isolement. Quelques formes de maladie telles que la « démence précoce » ou « le délire systématisé de persécution » sont également plus présentes dans ces cas de très longs séjours.

  • 52 Dupaquier 1988. Chiffre pour l’année 1910. L’espérance de vie des femmes était en 1910 de 52,4 an (...)
  • 53 Cette problématisation des catégories d’âge dans les études de genre est relativement récente et (...)

74Il faut enfin situer ces trajectoires individuelles dans le contexte démographique de l’époque. Le taux de veuvage des femmes était nettement plus élevé (12,1 %) que celui des hommes (4,9 %)52 et le fait qu’elles entraient de façon plus tardive à l’asile avait très probablement un impact sur leur isolement et leur moindre chance de sortie53. Ce phénomène était renforcé par le fait qu’elles avaient, à l’époque déjà, une espérance de vie plus longue que celle de leurs homologues masculins.

Les processus de décision au cœur des carrières asilaires

75Les parcours et destins des femmes internées étaient entièrement suspendus, à chaque étape de leur carrière asilaire, aux décisions de leurs familles, des médecins, des directions d’établissement, des préfets, ainsi qu’aux règles et lois organisant les asiles. Seuls les quelques rares cas d’évasion et de suicide réussis échappaient à leur autorité.

76L’analyse des statistiques asilaires confirme que, tout au long du xixe siècle, les femmes ont été régulièrement internées en moindre proportion que les hommes. Ce fait était bien connu des médecins et présent dans les commentaires de l’époque. Il a ensuite été négligé dans l’historiographie qui s’est construite principalement sur le fait que les femmes constituaient la majorité des effectifs en traitement. C’est ce que nous avons appelé le paradoxe des sureffectifs féminins pour souligner que ceux-ci se fabriquaient dans l’asile et pendant la période d’internement.

77Pour comprendre cette fabrication, seules les méthodes d’enquête prosopographique, en s’attachant aux parcours individuels des internées avec un recul temporel suffisant, permettent d’appréhender leur devenir. Les certificats de sortie, dans lesquels le médecin justifiait sa décision auprès des préfets, ainsi que les échanges de courrier entre les familles et les médecins, constituent des traces, au plus près des pratiques médicales et sociales, pour approcher les processus et critères de décision qui présidaient tant à la sortie qu’au maintien à l’asile.

*
**

78Au terme de cette enquête se dessine une diversité des parcours des femmes internées, ainsi que le constat d’un taux de sortie longtemps sous-estimé. De fait, dès la création des asiles en 1838, il était institué que l’on pouvait en sortir « avant » ou « après » guérison, et cette tendance s’est confirmée tout au long du xixe siècle avec l’augmentation notable de la proportion des sorties « améliorées » qui va l’emporter sur celle des sorties « guéries ». Les aliénistes et les directions asilaires ont manifestement été plus réceptifs aux stratégies familiales qu’on ne l’avait imaginé.

79Une autre surprise porte sur les durées de séjour, qu’il s’agisse du fait que les très longs séjours s’avéraient exceptionnels ou que les trois mouvements (sorties, décès et transferts) avaient lieu en majorité lors de la première année. Ces résultats font apparaître d’autres représentations inhabituelles des temporalités de l’asile, temps de la guérison, rythmes des prises de décision, durées des séjours, des temps passés en asile et des rythmes de l’activité médicale.

80Cette enquête sur les dossiers médicaux nous a permis de constater que, parmi les motifs d’une sortie éventuelle, c’est l’intervention et la présence de l’entourage familial de l’internée, avec ses ressources économiques et culturelles, qui figurent en tête de liste, concurrençant l’avis médical. Au-delà, la décision finale apparaît tenir à la façon dont les différents facteurs (âge, état civil, métier, statut de l’internement, type de pathologie, ressources) s’agencent, se compensent ou se cumulent dans une configuration spécifique faisant basculer la décision dans un sens ou dans l’autre. C’est ainsi que l’on peut repérer des combinaisons propices à une sortie alors que d’autres s’y opposent. Lorsqu’une femme célibataire de 40 ans n’ayant jamais travaillé, orpheline ou vivant chez ses parents devenus âgés, était diagnostiquée « débile, incapable de se diriger dans la vie », elle n’avait aucune chance de sortie, sauf à ce que d’aventure un autre parent ne se présente. Une femme du même âge, mais mariée et mère de famille, qui était internée pour « accès mélancolique, maniaque, délirant ou alcoolique », avait comparativement plus de chances de sortir « améliorée, reprise ou réclamée » par son mari, pour s’occuper de son ménage.

81On peut faire l’hypothèse qu’il y ait eu, sur les capacités de se « débrouiller » à la sortie de l’asile, des différences majeures d’appréciation lors de la prise de décision de sortie selon qu’il s’agissait de femmes ou d’hommes. Prudence et inquiétude sur les conditions de leurs sorties ont sans doute contribué à retenir à l’asile nombre de femmes. Leur statut social d’une part, et les représentations dominantes sur leurs supposées « incapacités » à « se diriger seules dans la vie », d’autre part, étaient bien à l’œuvre dans les décisions de non-sorties de l’asile. L’épisode asilaire accentuait leur fragilité sociale (perte d’emploi, de logement, de mobilier, placement des enfants à l’assistance publique, stigmatisation auprès de l’entourage), et donc leur dépendance. La sortie des femmes majeures, qu’elles soient célibataires ou mariées, avec ou sans métier, était très encadrée. Elles étaient remises à une personne qui devait les prendre en charge.

82Il faut aussi rappeler que l’asile départemental était la seule institution qui finançait la prise en charge des personnes, au nom de leur dangerosité éventuelle. Ce vide institutionnel a sans doute donné lieu à la rétention de nombreuses femmes pourtant reconnues comme relevant d’autres solutions que l’asile.

83Au final, il apparaît clairement que le statut social des femmes exerçait un effet majeur, non pas tant sur leur internement que sur les conditions de leur maintien à l’asile, contribuant à les y retenir plus longtemps et plus fermement que leurs homologues masculins. Ces résultats nous amènent, dans le sillage d’autres études récentes, à réévaluer nombre d’images et analyses portées sur la condition asilaire au xixe siècle, en particulier sur les pratiques de la société civile et des médecins à l’égard des femmes internées.

Haut de page

Bibliographie

Sources

Archives non imprimées, sous dérogation

Registres des lois et dossiers individuels des asiles de Maison-Blanche, Ville-Evrard, Le Vinatier, et Montfavet.

Archives imprimées

Annuaires statistiques de la Ville de Paris, 1900 à 1912, Paris, Masson.

Rapports annuels sur le service des aliénés du département de la Seine, 1851-1914, Montévrain Imprimerie
[https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/cb328481618/date].

Statistique de la France, 1856, Statistique des établissements d’aliénés : de 1842 à 1853 inclusivement, Strasbourg, Imprimerie administrative.

Statistique générale de la France, 1900-1907, Statistique annuelle des institutions d’assistance, Statistique des établissements d’aliénés, vol. 1844-1852, vol. 1860, Imprimerie nationale.

Constans A., Lunier J., Dumesnil O., 1878, Rapport général à Monsieur le Ministre de l’Intérieur sur le service des aliénés en 1874 par les inspecteurs généraux du service, Paris, Imprimerie nationale.

Lunier Ludger, 1884, « Du mouvement de l’aliénation mentale en France de 1835 à 1882 », Annales médico-psychologiques, n° 12.

Régis Emmanuel, 1892 et 1906, Manuel pratique de médecine mentale, Octave Doin Éditeur.

Bibliographie

Bozon Michel & Juliette Rennes, 2015, « Histoire des normes sexuelles : l’emprise de l’âge et du genre », Clio, Femmes, Genre, Histoire, 42, p. 7-23.

Chapireau François, 2007, « L’évolution du recours à l’hospitalisation psychiatrique au xxe siècle », La Documentation française, p. 127-143.

Coffin Jean-Christophe, 2000, « Sexe, hérédité et pathologies. Hypothèses, certitudes et interrogations de la médecine mentale, 1850-1890 », in Delphine Gardey & Ilana Löwy (dir.), L’Invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et masculin, Paris, Éditions des archives contemporaines, p. 159-186.

Dupaquier Jacques (dir.), 1988, Histoire de la population française, Tome 3, De 1879 à 1914, Paris, Presses universitaires de France.

Fauvel Aude, 2005, « Témoins aliénés et Bastilles modernes. Une histoire politique, sociale et culturelle des asiles en France (1800-1914) », thèse de doctorat en Histoire et Civilisations, sous la dir. de Jacqueline Carroy, Ehess.

Fauvel Aude, 2013, « Cerveaux fous et sexes faibles. Grande Bretagne 1860-1900 », Clio, Femmes, Genre, Histoire, 37, p. 41-64.

Goffman Erwin, 1968, Asiles. Études sur les conditions sociales des malades mentaux, Paris, Les Éditions de Minuit.

Guillemain Hervé, 2018, Schizophrènes au xxe siècle. Des effets secondaires de l’histoire, Paris, Alma Éditeur.

Joseph Isaac, 1998, Erving Goffman et la microsociologie, Paris, Presses universitaires de France.

Lapeyrière Solange, 2017, « Destins suspendus. Femmes internées dans les institutions asilaires au début du xxe siècle en France (1900-1914) », mémoire du diplôme de l’Ehess, sous la dir. de Juliette Rennes.

Le Bras Anatole, 2014, « Négocier l’internement. Les aliénés du Finistère entre familles, autorités et médecins (Asile saint Athanase, 1850-1900) », master d’histoire, Institut d’études politiques de Paris, sous la dir. de Paul-André Rosental.

Murat Laure, 2013 [2001]. La Maison du docteur Blanche, Paris, J.C. Lattes.

Postel Jacques & Claude Quetel, 2012, Nouvelle histoire de la Psychiatrie, Paris, Dunod.

Prestwich Patricia, 2003, « Family strategies and medical power: voluntary commital in Parisan Asylum 1876-1914 », in Roy Porter & David Wright (eds), The Confinement of the Insane: international perspectives, 1800-1965, Cambridge, Cambridge University Press, p. 79-99.

Ripa Yannick, 1986, La Ronde des folles. Femme, folie et internement au xixe siècle, Paris, Aubier.

Toulouse Édouard, Dupouy Roger & Marcel Moine, 1930, « Statistique de la psychopathie », Annales Médico-Psychologiques, 2, p. 392-406.

Von Bueltzingsloewen Isabelle, 2007, « À propos d’Henriette D. Les femmes et l’enfermement psychiatrique dans la France du xxe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 26, p. 89-106.

Haut de page

Notes

1 Murat 2001 : 237.

2 Entre 8 % et 10 % pour les années 1874 et 1886, Postel & Quetel, 1994 : 324.

3 Ripa 1986 : 191.

4 À cette époque, chaque année, environ dix mille femmes considérées comme « folles » ou « aliénées » faisaient l’objet d’une décision d’internement dans les asiles publics et privés en France.

5 Statistique générale de la France 1905 : tableau XII.

6 Lapeyrière 2017.

7 Statistique de la France 1856 : C4 : xxxii. Ce rapport est le premier à pratiquer les normes internationales adoptées par le congrès international de statistique de 1850. Il installe les bases de la statistique asilaire en France et donne des indications précieuses et rares sur la période qui suit la création des asiles en 1838 jusqu’en 1853.

8 Constans, Lunier & Dumesnil 1878 : 453.

9 Lunier 1884.

10 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1904. Voir le graphique page suivante.

11 Coffin 2000 : 164.

12 Toulouse, Dupouy & Moine 1930 ; Chapireau 2007.

13 Guillemain 2018.

14 Statistique de la France 1856.

15 Constans, Lunier & Dumesnil 1878.

16 Statistique générale de la France 1906.

17 Goffman 1968 : 179-183.

18 Le placement volontaire selon la loi de 1838 est un placement décidé par un tiers, parent ou ami, par opposition au placement « d’office » décidé par l’autorité administrative.

19 Annuaire statistique de la Ville de Paris 1905 : 554. Pour cette même année le taux de sortie guérie et améliorée, calculé sur les effectifs en traitement, est de 12 % pour les femmes et de 17 % pour les hommes.

20 Rapport médical 1907. Asile public d’aliénés de Montdevergues-les-Roses à Avignon.

21 Maison Blanche. N17. N° 139290.

22 Maison Blanche. N17. N° 139113.

23 Loi du 30 juin 1838 sur les aliénés : articles 12 à 20.

24 Le Vinatier. Q318. N° 12844.

25 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1906 : 127.

26 Montfavet. R28. N° 2133.

27 Maison Blanche. D4X3-1058.

28 Joseph 1998.

29 Montfavet R78. N° 3058.

30 Le Bras 2014 : 111-115.

31 Fauvel 2013 : 41.

32 Tableau des maladies dites « curables et incurables » d’après le Dr Marie. Cité par Fauvel 2005 : 466-467.

33 Régis 1892 : 52-55.

34 Prestwich 2003 : 96.

35 Maison-Blanche. N7. N° 140774.

36 Postel & Quetel 2012 : 203-214. Cette pathologie, suite neurologique de la syphilis, était alors sans traitement. Elle était caractérisée par un « affaiblissement des facultés mentales, un état délirant évoluant vers la déchéance physique, la démence, la paralysie et la mort ». 

37 Tableau du Dr Marie, déjà cité ; Fauvel 2005 : 466-467.

38 Internée en 1913 à l’âge de 50 ans, et décédée en 1943 à l’âge de 80 ans.

39 Fauvel 2005 : 200-205.

40 Le Vinatier. Q316. N° 11767.

41 Montfavet. R78. N° 2990.

42 Les différents projets de réforme de la loi de 1838 n’ont jamais abouti à un vote des deux chambres du Parlement. Il a fallu attendre 1990 pour une nouvelle loi d’orientation de la psychiatrie.

43 Asile de Ville-Evrard entre 1900 et 1910.

44 Rapport annuel sur le service des aliénés de la Seine. Dr Joffrey, 1900, Dr Sérieux 1903.

45 Les taux de transfert étaient peut-être un peu plus élevés pour cette période du fait des évacuations qui se sont produites avec l’arrivée de la guerre.

46 L’asile de Vaucluse était le troisième asile du département de la Seine. En 1937, il devient hôpital psychiatrique de Vaucluse puis de Perray-Vaucluse.

47 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1900 : 131-143.

48 Ville-Evrard. R119. N° 34456.

49 Annuaire statistique de la ville de Paris 1907. En 1907, elles formaient plus de la moitié de leurs effectifs féminins. On peut donc suivre leurs parcours dans le registre de ces asiles.

50 Rapport sur le service des aliénés du département de la Seine 1905. Dr Briand, Villejuif : 186.

51 Von Bueltzingsloewen 2007.

52 Dupaquier 1988. Chiffre pour l’année 1910. L’espérance de vie des femmes était en 1910 de 52,4 ans contre 48,5 pour les hommes.

53 Cette problématisation des catégories d’âge dans les études de genre est relativement récente et contribue à porter un regard nouveau sur nombre de phénomènes, en particulier dans les études de parcours. Cf. Bozon & Rennes, 2015.

Haut de page

Table des illustrations

Légende Ce graphique nous indique comment, dans ce service, on suivait d’année en année, depuis 1867, le différentiel des effectifs d’admission entre les femmes (trait discontinu) et les hommes (trait continu). Le nombre de ces derniers étant régulièrement plus élevé que celui des femmes.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/18399/img-2.png
Fichier image/png, 145k
Légende Effectif des 1 189 femmes entrées entre 1900 et 1914.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/18399/img-4.png
Fichier image/png, 22k
Légende Les pourcentages de décès sont calculés respectivement sur 680 femmes entrées dans les deux asiles de la Seine et 509 femmes entrées dans les deux asiles de province.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/18399/img-6.png
Fichier image/png, 28k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Solange Lapeyrière, « Celles qui sortent et celles qui restent. « Carrières asilaires » des femmes internées dans les asiles en France au xixe siècle »Clio, 51 | 2020, 283-308.

Référence électronique

Solange Lapeyrière, « Celles qui sortent et celles qui restent. « Carrières asilaires » des femmes internées dans les asiles en France au xixe siècle »Clio [En ligne], 51 | 2020, mis en ligne le 02 janvier 2023, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/18399 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.18399

Haut de page

Auteur

Solange Lapeyrière

Solange Lapeyrière, après une formation en psychologie du travail et ergonomie, a connu une carrière de consultante en entreprise avec des publications dans ce domaine. Elle vient de mener à l’EHESS, sous la direction de Juliette Rennes, une enquête d’histoire sociale sur les femmes internées en asile, Destins suspendus. Femmes internées dans les institutions asilaires au début du xxe siècle en France (1900-1914). Son mémoire a reçu le prix du mémoire du diplôme de l’EHESS pour l’année 2017. lapsol68@gmail.com

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search