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Dossier

Des Provinces-Unies à la vallée de l’Hudson. Réagencement de genre en Nouvelle-Néerlande (1624-1664)

From the United Provinces to Hudson Valley: reordering of gender relations in New Netherland (1624-1664)
Virginie Adane
p. 75-96

Résumés

L’étude de la Nouvelle-Néerlande permet de voir le rôle » joué par le genre dans la construction d’une société nouvelle. Les dynamiques migratoires mixtes qui caractérisent cette colonie donnent naissance à une société coloniale où la surreprésentation masculine est associée à un peuplement familial. Il en résulte une vulnérabilité exacerbée des femmes seules. Néanmoins, les transgressions sexuelles peuvent être lues comme autant de tentatives de se conformer à un ordre matrimonial. Le mariage apparaît non seulement comme une sécurité pour les femmes, mais également, par les réseaux de confiance qu’il permet de construire, comme un rouage essentiel au bon fonctionnement d’une société articulée autour de circulations atlantiques.

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Texte intégral

1En 1609, Henry Hudson remonte la rivière qui porte désormais son nom pour le compte des Provinces-Unies. Ce n’est cependant qu’une quinzaine d’années plus tard que les premiers groupes de migrants peuplent ce territoire afin d’y établir la Nouvelle-Néerlande – un territoire correspondant aux actuels États de New York, du New Jersey, du Delaware et d’une partie de la Pennsylvanie, mais dont l’essentiel du peuplement pionnier s’installe dans la vallée de l’Hudson et sur Long Island. Depuis 1621 en effet, la Compagnie néerlandaise des Indes Occidentales (WIC) a le monopole commercial sur la région et entreprend d’en organiser le peuplement. Plusieurs projets coloniaux se font alors concurrence au sein de la WIC. Outre le monopole de la compagnie sur la traite des pelleteries et la mise en place d’un fort au sud de Manhattan afin de protéger cette activité, certains de ses directeurs envisagent la mise en place d’une colonie de peuplement. Ces différents projets correspondent à différents profils migratoires d’hommes et de femmes qui voyagent seuls ou en famille.

  • 1 Fouché & Weber 2006 ; Green 2012 ; Guerry 2009 ; Hugon 2004 ; Lillo & Rygiel 2007.

2L’historiographie sur le genre et les migrations s’est considérablement étoffée en France ces dernières années, notamment à partir d’une réflexion sur les dynamiques migratoires coloniales et postcoloniales. L’articulation de ces deux notions a permis de déterminer des temporalités et des expériences migratoires différenciées pour les femmes et pour les hommes, une perspective très féconde pour identifier la place de chacun dans les activités qui ont contribué à former la société nouvelle de Nouvelle-Néerlande. La prise en compte, par la suite, du paradigme de genre a en effet permis d’identifier la construction d’une différenciation entre les sexes par l’expérience migratoire, par exemple dans le domaine du travail, de la sexualité ou pour envisager la situation coloniale et ses rapports de domination1. Dans le cas de l’Amérique coloniale, cette grille de lecture est porteuse de questionnements sur les circulations à l’échelle atlantique et sur la place des hommes et des femmes dans ces circulations.

  • 2 Gabaccia 2015 ; un panorama historiographique sur le genre et l’Atlantique est également proposé (...)
  • 3 Un point de vue réévalué depuis une quinzaine d’années : Schmidt 2004 ; Van den Heuvel 2007.

3Au xviie siècle, les migrations dans l’espace atlantique vont de pair avec la formation de sociétés composées de migrants volontaires, de personnes déplacées, réduites en esclavage, et de natifs2. À partir des archives administratives et judiciaires qui informent sur les interactions publiques entre les habitants de la colonie, l’article explore l’expérience des femmes européennes et éclaire les dynamiques de genre qui structurent la société nouvelle – qu’il s’agisse de la redistribution sexuée de la population, des comportements matrimoniaux et/ou sexuels des individus ou de l’encadrement par le pouvoir colonial des relations de genre. Dans le cas de la Nouvelle-Néerlande, cette réflexion implique également de prendre en compte l’impact du droit néerlandais, un droit romano-civiliste réputé pour garantir une certaine autonomie aux femmes3, dans la formation de la société nouvelle et dans les agencements des relations de genre entre migrants.

  • 4 Chlous et al. 2018 : 29.
  • 5 Schmidt 2004 ; Shattuck 1993 ; Van den Heuvel 2007.

4Cette réflexion s’articule autour de deux moments. La migration en elle-même, tout d’abord, en ce qu’elle permet d’identifier une répartition sexuée très déséquilibrée des migrants européens mais aussi de souligner que les migrations sont faites de circulations dans le monde atlantique, de « va-et-vient, retours, situations de transit, réorientations de trajectoires »4 qui contribuent à caractériser l’expérience des migrants, mais aussi des migrantes. Dans un second temps, l’attention portée à la formation de cette société nouvelle invite à réfléchir à la prise en charge et à l’insertion des femmes dans un monde social très masculin, façonné également par une relation complexe aux sociétés de départ. Les historiens des Provinces-Unies ont beaucoup débattu sur les prérogatives économiques dont jouissaient les femmes dans les sociétés portuaires ; il en a résulté un questionnement sur la transposition de ces prérogatives en Nouvelle-Néerlande et sur la liberté dont jouissaient, du fait de ces provisions du droit, les femmes5. Dans un contexte marqué par les trajectoires migratoires et la situation coloniale, ces provisions du droit contribuent à façonner les rapports sociaux de sexe, du fait de la diversité de la population, mais aussi des exigences normatives à l’œuvre dans la construction de la société nouvelle.

Migrer et circuler vers la Nouvelle-Néerlande

5En 1688, le gouverneur de New York dépêche le juge William Morris au domicile de Catlina Trico, alors âgée de 83 ans, afin de recueillir son témoignage quant à son arrivée dans la colonie soixante-cinq ans plus tôt, quand celle-ci était encore la Nouvelle-Néerlande :

  • 6 Plus vraisemblablement la ville de Pris dans le Hainaut, d’après Koenig & Nieuwenhuis 1996.
  • 7 New York State Archive [NYSA] A1894, vol. 35 (Dongan Papers), doc. 182. Édité dans Christoph 1993 (...)

Catelyn [sic] Trico, âgée d’environ 83 ans, née à Paris6, témoigne ici et déclare qu’en l’an 1623, elle vint en ce pays à bord d’un bateau nommé L’Unité [de Eendracht, traduit en anglais dans la déposition originale], dont le commandant de bord était Arien Jorise, appartenant à la Compagnie des Indes Occidentales, lequel bateau fut le premier à venir ici pour le compte de ladite Compagnie. Sitôt arrivés à Manhattan, maintenant nommée New York, ils envoyèrent deux familles et six hommes sur la rivière Hartford et deux familles et huit hommes sur la rivière Delaware et 8 hommes furent laissés à New York pour [en] prendre possession et le reste des passagers alla, à bord du bateau jusqu’à Albany, qu’ils baptisèrent Fort Orange7.

6Le recueil de cette déposition révèle une volonté précoce de documenter la formation de la société coloniale, antérieure à des entreprises mémorielles semblables au cours du xixe siècle. Outre les intentions de cette démarche et les lacunes possibles liées à la mémoire défaillante d’une personne âgée, ce témoignage s’avère éclairant sur le peuplement de la colonie au cours des premières années de son existence. D’après ce témoignage, les femmes entreprenant le voyage vers la Nouvelle-Néerlande, une traversée de l’Atlantique durant environ deux mois, le faisaient dans un cadre familial, en tant qu’épouses ou filles. La pionnière ne prend pas la peine de les distinguer au sein des familles dont elle parle. Les données quantitatives viennent étayer le témoignage de Catlina Trico.

Un déséquilibre sexué marqué

  • 8 Disponibles dans le fonds Van Rensselaer-Bowier des manuscrits de la famille Van Rensselaer, au S (...)
  • 9 O’Callaghan 1850, 3 : 52-63. Les estimations de population pour la Nouvelle-Néerlande en 1655 var (...)

7Deux types de migration caractérisent l’installation européenne en Nouvelle-Néerlande : des migrations familiales, témoins d’une volonté précoce de faire société, soutenue notamment par certains actionnaires de la WIC délimitant des seigneuries agricoles (ou patroonschappen) pour lesquelles ils engagent des colons chargés de travailler la terre ; par ailleurs, des migrations masculines composées de marins, de soldats au service de la WIC ou d’agents de négociants amstellodamois. Des listes de passagers des navires arrivant en Nouvelle-Néerlande permettent une reconstitution démographique quantitative assez précise des migrations vers cette colonie, dans la mesure de la documentation disponible – couvrant essentiellement deux périodes, la première de 1630 à 1644, la seconde de 1657 à 1664. Ces données ont notamment été compilées et éditées au xixe siècle, en plein essor des pratiques généalogiques, sous l’égide d’archivistes et historiens tels qu’Edmund Bailey O’Callaghan ou Arnold J.H. Van Laer. L’établissement de ces registres à partir des listes de passagers de navire visait alors à retrouver les premières occurrences dans les sources d’une présence familiale. Pour la première période, les archives de la famille Van Rensselaer fournissent des données démographiques pour quinze voyages vers le patroonschap de Rensselaerswijck, soit 174 migrants8. La deuxième période, allant de 1657 à 1664, date où la colonie passe sous souveraineté anglaise, permet de voir une importante croissance démographique de la colonie par rapport à la période précédente. Les listes de passagers de 35 navires ne fournissent alors de données que nominatives, et dans le cas de familles, seul le chef de feu est nommé. Les archives dont nous disposons permettent ainsi d’avoir des données pour 1 079 individus, soit environ 27 % des migrants venus des Provinces-Unies à cette époque9.

8Pour la période 1630-1644, sur 174 migrants, 123 sont nommés : 102 sont des jeunes hommes célibataires et seules deux femmes célibataires entreprennent le voyage, deux jeunes filles venues rejoindre leur père. Les 21 autres sont des chefs de feu ; notons qu’épouses et enfants demeurent anonymes.

9À partir de la fin des années 1650, le succès naissant de la colonie entraîne une plus importante migration familiale qui représente 70 % des migrations vers le territoire. De plus, il faut souligner l’arrivée de femmes célibataires, venues en tant qu’engagées ou domestiques pour la plupart, représentant 6 % du total des migrants. Néanmoins, si le peuplement familial prend de l’ampleur, l’autre profil de population représenté par les hommes seuls se maintient tout au long de la période néerlandaise et conduit à une surreprésentation masculine au sein du peuplement, qui ne se résorbe que vers la fin de la période.

  • 10 Boxer 1965 : 216.

10D’une manière générale, l’anonymat des femmes sur les listes de passagers tend à les invisibiliser du processus de migration et rend plus ardue une analyse de leur expérience de la traversée. Il ressort néanmoins que celles-ci traversent généralement l’Atlantique en famille, accompagnées d’un époux ou d’un père. Les témoignages insistent sur les conditions de vie très difficiles à bord des navires, les mœurs brutales et réputées dissolues des marins venant s’ajouter au manque d’hygiène, aux maladies, à l’absence d’air et d’espace. La présence d’un père ou d’un époux apparaît dans ce contexte comme une forme de protection10.

  • 11 Les archives dont nous disposons sur le navire Eendracht permettent de corriger le témoignage de (...)
  • 12 Transcription dans O’Callagan 1850, 3 : 49.
  • 13 Déposition transcrite dans Hastings 1940.

11Catlina Trico elle-même part d’Amsterdam le 25 janvier 162411 accompagnée de Joris Rapalje, avec lequel elle a convolé quatre jours avant le départ, le 21 janvier 1624. Son cas n’est pas isolé : en 1642, Trijntje Jochims épouse elle aussi Abraham Staes juste avant la traversée. Lorsque le gouverneur de New York, Thomas Dongan, reprend le témoignage de Catlina Trico en février 1685, il précise que sa déposition mentionnait la présence de quatre femmes célibataires sur le navire qui l’avait emmenée en Nouvelle-Néerlande, et que celles-ci furent « mariées en mer ». Si cette information n’apparaît pas en tant que telle dans la déposition écrite de Catlina Trico, nous pouvons faire l’hypothèse que cet ajout est le fruit d’un échange oral entre Trico et le juge Morris, chargé de sa déposition, dont il aurait ensuite rendu compte à Dongan12. Ces unions peuvent ainsi être vues comme une stratégie de protection pour des femmes entreprenant une migration outre-Atlantique. En 1709, Judith Bayard, née Verleth, évoque, quant à elle, la traversée de sa famille en 1650, dont la pénibilité est augmentée par la grossesse puis l’accouchement en mer d’une de ses belles-sœurs. Son père, Caspar Verleth, avait entrepris le voyage avec son épouse et plusieurs de leurs enfants, dont certains déjà mariés, d’autres en âge de l’être. Des sœurs de Judith étaient présentes à bord du navire, également adultes13. Pour pénible qu’ait pu être la traversée, elle n’était en tout cas pas une expérience solitaire la plupart du temps.

12À partir des années 1650, la colonie fait l’objet d’une campagne de promotion active. Des récits de voyage ont ainsi vocation à attirer la population : la « description de la Nouvelle-Néerlande » par Adriaen van der Donck en 1655 se veut ainsi un récit vantant les mérites de la colonie pour y attirer des migrants potentiels. Il propose notamment une description des populations amérindiennes insistant sur la disponibilité sexuelle des femmes, ce qui pourrait être vu comme un argument incitatif pour des migrants masculins :

  • 14 Van der Donck 2008 : 61 (85 dans le manuscrit original).

Parmi les Indiens, aucun mariage n’est si ferme ou si assujettissant qui ne puisse être dissous immédiatement et totalement par une ou les deux parties. […] J’ai vu des hommes changer de femme tous les ans, parfois sans raison14.

  • 15 Havard & Laugrand 2014 : 11-16
  • 16 Blom 2010 ; Van der Donck 2008 : 129 (92 dans le manuscrit original)

13Gilles Havard et Frédéric Laugrand ont souligné la façon dont cette apparente permissivité ressortit à des comportements codifiés bâtis sur des prescriptions strictes mais différentes de celles existant dans les sociétés européennes, notamment vis-à-vis des liens matrimoniaux15. Van der Donck cherche ainsi à rendre attractive la colonie en suggérant une forme d’exotisme amérindien. Celui-ci s’insère dans un discours où la colonie est présentée comme une opportunité pour les hommes qui souhaiteraient s’y installer et y trouveraient non seulement des ressources, mais des occasions d’enrichissement par le commerce16. En revanche, aucun argument spécifique n’est avancé pour stimuler une migration féminine.

  • 17 Jacobs 2005 [1999] : 5659.

14Vers la fin de la période néerlandaise, la WIC encadre cependant des programmes d’émigration visant à stimuler une plus grande mixité, comme par exemple le projet, développé entre 1650 et 1654, de faire venir à la colonie un contingent de 300 à 400 orphelins amstellodamois. Ce projet révèle une volonté de la part des dirigeants de la WIC d’organiser le peuplement de la colonie, en faisant venir des jeunes gens, mais aussi des jeunes filles ayant atteint la puberté. Néanmoins, il ne rencontre pas le succès escompté : seuls 26 à 50 orphelins, selon les sources, sont envoyés à La Nouvelle-Amsterdam en 165417.

Des circulations atlantiques

15La traversée unique et définitive n’est cependant pas la seule modalité de circulation des femmes dans l’espace atlantique.

  • 18 Danckaerts 1913.

16Certaines femmes faisant carrière dans le négoce pouvaient effectuer des allées et venues répétées entre l’Europe et l’Amérique. C’est le cas de Margaret Hardenbroek, venue initialement à la colonie en compagnie de son frère aîné, Abel, comme représentante d’un de ses cousins resté en Hollande. Par la suite, elle construit une carrière en son nom, en tant que marchande publique ou openbaar koopvrouw, et arme plusieurs navires à bord desquels elle effectue régulièrement des traversées, comme en témoignent en 1679 Jasper Danckaerts et Pieter Sluyter, deux labadistes – une secte protestante piétiste – ayant entrepris le voyage vers la colonie devenue New York afin d’étudier la possibilité d’établir une communauté religieuse dans la région. Leur traversée se fait à bord du Charles, dont « Margaret » (elle n’est nommée par ces derniers que par son prénom), accompagnée de son époux, est subrécargue : le récit fait ressortir l’autorité de Margaret Hardenbroek, une autorité reposant sur sa prise en main directe de ses affaires, et donc sur sa mobilité18.

  • 19 Van den Bogaert 2002-2003. La vie de Teuntje Straatmans est notamment documentée dans le journal (...)

17Le cas de Teuntje Straatmans, étudié par Annette Cramer van den Bogaerts, est également révélateur d’un monde colonial atlantique au sein duquel les circulations étaient courantes. Originaire d’Utrecht, Teuntje migre avec un premier époux en Nouvelle-Hollande, colonie fondée dans l’actuel Pernambouc, au Brésil. Elle y reste jusqu’au début des années 1650 et en part peu avant la prise de la colonie par les Portugais. À son départ, elle est mère de trois enfants, issus de trois mariages différents, elle a enterré deux époux et s’est, à chaque fois, remariée rapidement. Avec son troisième époux, Tieneman Jacobsen, elle se rend en Guadeloupe, avant de repartir quelques mois plus tard pour la Nouvelle-Néerlande. Elle s’y rend accompagnée de ses enfants, mais son époux reste aux Antilles, sans que la raison précise soit élucidée. Néanmoins, cette séparation prolongée conduit Teuntje à déclarer le décès de Jacobsen afin de convoler une quatrième fois à La Nouvelle-Amsterdam, avec Gabriel Corbesij, un soldat au service de la WIC, en 1657. Elle s’installe ensuite avec sa famille à Breuckelen, l’actuelle Brooklyn, où elle tient une ferme jusqu’à sa mort en 1662. Deux ans après son décès, le pasteur Henricus Selijns, alors qu’il cherchait à pourvoir à la situation des enfants de Teuntje, retrouve la trace de son troisième époux. Celui-ci s’était installé en Jamaïque et s’était abstenu de venir en Nouvelle-Néerlande lorsqu’il avait eu vent du remariage de Teuntje19. Il en ressort que la migration est loin d’être une trajectoire simple et suppose bien souvent des circulations dans le monde atlantique au gré des revers de fortune et des opportunités. Pour une femme, ces circulations sont associées à une présence masculine ; lorsque celle-ci fait défaut, trouver un époux dans un monde très masculin où les sollicitations sont nombreuses apparaît comme une nécessité.

Femmes et familles au cœur de la construction d’une société nouvelle

  • 20 Haks 1985.

18La migration façonne un peuplement colonial mettant les femmes à la fois dans une situation de vulnérabilité, du fait de la surreprésentation masculine et des sollicitations qui pouvaient s’ensuivre, et dans un cadre influencé par un modèle hollandais et calviniste où la famille nucléaire est un modèle social qui s’est imposé dès le xvie siècle, faisant du mariage une garantie morale et économique du bon fonctionnement de la société20.

  • 21 Cf. supra.
  • 22 Goodfriend 1992 : 16 ; de Voogd 2003 : 8788.

19Concernant le mariage, un droit inspiré des Ordonnances politiques de Hollande (1580) et de Zélande (1583) prévalait. Deux régimes maritaux étaient possibles, manus et usus, le second garantissant la séparation des patrimoines des époux ; de plus, il était possible pour ces femmes mariées de s’établir en tant que marchandes publiques et de mener des activités en propre. En raison de ces dispositions, une vieille tradition historiographique a longtemps perçu le droit hollandais et les sociétés qu’il régissait comme garantissant une réelle autonomie aux femmes, par rapport à d’autres sociétés européennes21. Cependant, les migrants sont d’origines diverses. Les premiers colons sont des réfugiés wallons ; il faut y ajouter des colons venus de France, de l’Empire, de Grande-Bretagne ou de Scandinavie pour ne mentionner que les populations européennes. Même au sein de la population venue des Provinces-Unies, beaucoup sont originaires de provinces peu urbanisées, notamment la Gueldre et la Groningue, où l’architecture sociale est différente de celle de la Hollande22. Le tout conduit à une mixité sociale marquée. Les personnes traversant l’Atlantique sont des agents au service de négociants plus importants restés en Europe, des marins, des employés de la WIC, soldats ou agriculteurs, tandis que les femmes viennent en tant qu’épouses, filles ou en tant qu’engagées. Dans ce contexte, la formation de la société coloniale peut être l’occasion d’une reconfiguration sociale.

20La diversité de la population, conjuguée au déséquilibre sexué, conduit à une déstabilisation des relations entre hommes et femmes, notamment en matière de mœurs et de mariage. Si ces relations sont cadrées par le droit, l’interprétation et l’utilisation de ses prescriptions s’avèrent très variables en fonction du lieu, des origines sociales ou culturelles, et des pratiques.

Femmes dans une société issue de migrations récentes : une vulnérabilité exacerbée ?

  • 23 Notons que depuis 1653, La Nouvelle-Amsterdam a obtenu de la WIC des institutions de gouvernement (...)
  • 24 New York Municipal Archives [NYMA], RNA (1653-1674), roll #1, entrées des 31/08, 21/09, 19/10/166 (...)

21Les archives judiciaires donnent accès aux sollicitations dont les femmes seules peuvent faire l’objet dans un monde social très masculin. Les femmes disponibles, inférieures en nombre, se trouvent très vite sollicitées, souvent en dehors des liens du mariage, au grand dam des administrateurs coloniaux. Les mobilités de part et d’autre de l’Atlantique facilitent certaines transgressions. Ainsi, en 1661, Geertruyt Wingers cherche à obtenir de Geleyn Verplanck l’assistance qu’il lui doit pour l’avoir mise enceinte sous fausse promesse de fiançailles. Geertruyt sollicite les bourgmestres et les échevins de La Nouvelle-Amsterdam afin d’éviter que Verplanck ne parte à Fort Orange sans honorer sa promesse ou lui verser une compensation23. La même année, Maria Besems cherche à faire valoir ses droits sur les biens laissés par Boudewijn van Nieuwlandt afin de subvenir aux besoins de l’enfant naturel qu’elle a eu avec ce dernier, mort en mer peu après l’avoir séduite24.

  • 25 Hufton 1991 ; Ulrich 1982 : 6.
  • 26 Données établies à partir de Purple 1890 : 9-15 ; les registres de publication des bans de l’Egli (...)
  • 27 Ibid.

22Outre un âge au premier mariage souvent inférieur à une moyenne européenne d’environ 23-26 ans25, les femmes sont l’objet de sollicitations et de violences sexuelles dès leur plus jeune âge, parfois même avant leur puberté. Concernant les mariages, pour la période 1639-1649, l’âge moyen au premier mariage est de 19 ans environ26. Les filles de Catlina Trico et Joris Rapalje, Sara et Janneke, sont ainsi mariées dès les âges de 14 et 13 ans respectivement ; lorsque Helena Applegate épouse Charles Morgan à l’âge de 18 ans en 1648, elle est déjà veuve d’un premier mariage, à l’âge de 16 ans27. En termes de violences sexuelles, Maria Barents n’est âgée que de onze ans, lorsque ses parents rapportent son viol auprès du bailli (fiscael en néerlandais) le 18 février 1648. Si les violences sexuelles sur fillettes ne sont pas propres au contexte colonial, on peut souligner la façon dont la jeunesse de la victime est mise en avant lorsque l’agresseur, Willem Gilfoort, argue n’avoir pas pu aller jusqu’au bout de son acte en raison d’une anatomie juvénile :

  • 28 NYSA A1809, vol. 4, doc. 361-362 ; trad. : Van Laer 1974 : 483.

Willem Gilfoort s’est laissé aller, en mai dernier, chez Isaac Allerton, à dévêtir avec force et violence une fille nommée Maria Barents, âgée de onze ans, à la jeter à terre dans le grenier et, ayant déboutonné son pantalon, à venir entre les jambes de ladite fille, essayant pendant un quart d’heure d’avoir un rapport charnel avec elle, mais, la fille étant trop jeune, fut rendu impuissant à accomplir son méchant dessein (…)28.

  • 29 NYSA A1809, vol. 4, doc. 361-362 ; trad. : Van Laer 1974 : 483484.
  • 30 Farge & Zemon Davis 1991 : 100106 ; Kloek, Teeuwen & Huisman 1994 : 87102.

23Cela permet à Gilfoort d’échapper à une accusation de viol. Par la suite, dans le jugement rendu par le directeur général de la colonie, il est précisé que Maria Barents a eu des rapports sexuels consentis avec un autre homme, une précision qui permet à l’agresseur de voir sa peine réduite en jetant le soupçon sur le non-consentement de la victime29. Par ailleurs, les groupes sociaux féminins les plus vulnérables et les plus isolés, notamment les servantes et les veuves démunies, le sont encore plus : le contexte portuaire de La Nouvelle-Amsterdam, les conditions de vie en milieu colonial et l’intensité des sollicitations masculines accentuent des schémas sociaux traditionnels en Europe30.

24C’est ainsi qu’une veuve est séduite par un marin, alors qu’il est en transit entre la Nouvelle-Néerlande et Curaçao. Le 17 octobre 1642, Jannitjen Martens, veuve de Tomas Mingal, s’en réfère aux autorités coloniales au sujet de Jan van Meppelen :

  • 31 NYSA A1809, vol. 4, doc. 143  ; trad. : Van Laer 1974 : 167168.

Jannitjen Martens, veuve de feu Jan Tomasz Mingal, déclare que Jan de Meppelen, capitaine du Sevenster, a promis de l’épouser, devant Dieu, et a, sous cette condition, eu une conversation charnelle avec elle, avec la promesse de van Meppelen qu’il ne la quitterait jamais et que les bans seraient publiés ici et qu’à leur arrivée à Curaçao, il l’épouserait là-bas31.

25Jan van Meppelen a pu jouer de sa mobilité pour échapper à une promesse de mariage importune – il offre ainsi de l’épouser à Curaçao tout en publiant les bans à La Nouvelle-Amsterdam, espérant sans doute que la distance lui permette de ne pas accomplir sa promesse. La nature de la relation entre les amants est du reste révélatrice de la situation de Jannitjen Martens :

  • 32 NYSA A1809, vol. 4, doc. 143  ; trad. : Van Laer 1974 : 167168.

Jan van Meppelen dit que le premier soir, quand il a demandé à partager la couche de Jannitjen Mertens, elle a demandé « As-tu l’intention de m’épouser ? » À quoi il a répondu « Penses-tu que j’aie d’autres intentions ? » ; n’ayant rien avec lui pour les lier32.

  • 33 Old First Reformed Church 1897: 133194.

26La requête de Jannitjen révèle un besoin de pallier une détresse liée au veuvage. La fréquence et la rapidité des remariages des veuves témoignent en effet de l’impact de la situation coloniale sur celles-ci. Ainsi, lorsque Catharine Lethie subit les remontrances du Consistoire de Breuckelen en juin 1663 pour s’être remariée trop vite après le décès de son époux, elle répond en arguant de son dénuement33. Le remariage répond autant à la nécessité, pour une veuve, de bénéficier du soutien financier et social d’un époux dans la colonie, qu’à sa soudaine disponibilité dans un monde où les femmes épousables sont peu nombreuses pour les hommes célibataires.

27De même, pour les engagées, placées sous la dépendance d’un maître, le mariage apparaît comme le moyen le plus rapide de se défaire de cette condition. Lorsque Rebecca Raetse, épouse de Jan Brent, est accusée d’adultère en septembre 1641, Margriet Fransum, comparaît :

  • 34 NYSA A1809, vol. 4, doc. 136, 137, 139; trad.: Van Laer 1974: 159160, 162.

Margriet Fransum déclare que Rebecka [sic] lui a dit avant d’être mariée qu’elle voulait jouer un tour à son époux et qu’elle ne resterait pas avec lui et que le mariage qui avait eu lieu dans cette église n’avait aucune valeur34.

  • 35 Van Deursen 1991 ; voir également Haks 1985.

28Le mariage de Rebecca Raetse apparaît comme un outil d’émancipation et comme le moyen le plus aisé pour une femme d’échapper à une situation de vulnérabilité. Cette observation fait écho à celle faite par l’historien néerlandais Arie van Deursen, lorsqu’il qualifie le mariage de « meilleure forme de sécurité sociale » pour une femme35. À ce titre, si les affaires de mœurs – notamment de séduction – apparaissent comme autant de transgressions à une norme matrimoniale bâtie sur le mariage et la famille nucléaire, on peut y voir des stratégies pour, au contraire, accéder au mariage et à la stabilité sociale qu’il pouvait procurer. L’apparente dissolution des mœurs peut ainsi être perçue comme une forme d’aspiration, du moins pour les femmes, à un ordre social perturbé par le contexte colonial.

29Le rapport aux normes sexuelles semble ainsi déstabilisé et sujet à de fréquentes transgressions. Le contexte migratoire et atlantique se traduit par une sollicitation plus précoce des femmes, comme en témoigne un âge plus bas au premier mariage, ainsi que par des transgressions facilitées par la distance et les circulations dans le monde colonial. Comme en Europe, les affaires de séduction traduisent une aspiration au mariage et à la sécurité fournie aux femmes par celui-ci ; cette sécurité apparaît d’autant plus nécessaire en contexte colonial, alors que la migration induit une reconfiguration de l’ancrage social et familial qui pouvait prévaloir dans l’ancien monde.

Endogamie, mariages à distance et réseaux familiaux

  • 36 Anderson 1991 ; Cressy 1987 ; Fischer 1989 ; Games 1999 ; Horn 1994 ; Moore 2007 ; on peut y ajou (...)

30Si les comportements matrimoniaux en Europe moderne étaient informés par un ancrage local, familial et communautaire, la migration outre-Atlantique, avec ce qu’elle apporte de diversité sociale, raciale et religieuse, est loin d’être un changement anodin. La question de cette distance a longtemps fait l’objet d’un débat, centré sur les colonies anglaises, concernant la rupture que pouvait constituer la traversée de l’Atlantique. Alors qu’une tradition historiographique états-unienne tendait à voir les sociétés coloniales formées comme des entités nouvelles et autonomes, fruit d’une rupture avec l’ancien monde, cette vision a été nuancée par une tradition britannique mettant l’accent sur les continuités entre les créations coloniales et l’Angleterre, que ce soit par le maintien de réseaux de sociabilités, par la tendance de certains des colons à retourner en Angleterre, ou par l’insistance sur un fonds culturel commun36. Alors même que la traversée de l’Atlantique prend deux mois, la distance et l’éloignement impliquent une redéfinition des relations avec les communautés de départ, notamment en termes de reproduction des pratiques matrimoniales endogames.

  • 37 Purple 1890 : 10‑30.
  • 38 Frijhoff 2007 : 364‑371.

31En Nouvelle-Néerlande, la seule autorité ecclésiastique est l’Église réformée, dépendant du consistoire d’Amsterdam. Un examen des registres de mariage entre 1639 et 1664 permet de déterminer la façon dont l’endogamie se trouve perturbée par la migration37. En effet, la plupart des registres – 325 sur les 451 enregistrés entre le 11 décembre 1639 et le 27 décembre 1664 – font état de l’origine géographique des mariés. Il s’avère néanmoins très difficile de mesurer avec précision l’endogamie géographique des époux. D’une part, on constate une grande diversité des origines géographiques déclarées, avec des degrés de précision tout aussi variables, allant de la mention d’un pays à celle d’un village précis. Ces origines déclarées couvrent un territoire très vaste englobant, outre les différentes provinces des Provinces-Unies, l’Empire, la Scandinavie, l’Angleterre, l’Écosse, la France, la Vénétie et d’autres aires coloniales. D’autre part, il arrive qu’une origine géographique masque des trajectoires migratoires complexes (notamment lorsque l’origine déclarée est Amsterdam ou Londres, deux grands ports européens de refuge). Dans ce contexte, seuls 28 mariages apparaissent unir des personnes de même origine géographique, mais il ressort surtout que la complexité des trajectoires migratoires de chacun rend difficile toute recension. Concernant la religion, des mariages interconfessionnels sont également observés. C’est le cas notamment du pasteur calviniste Bogardus avec la luthérienne Anneke Jans38.

32La migration en Amérique et la formation de la société coloniale remettent en question les pratiques endogames en vigueur dans les sociétés de départ ; en revanche, elle occasionne l’apparition d’un ancrage géographique néo-néerlandais qui tend à prendre de l’importance au fil du temps. Alors qu’on ne relève que quelques mentions ponctuelles d’une résidence en Nouvelle-Néerlande jusqu’en 1646 (11 entre 1639 et 1648), on en compte 17 entre 1649 et 1658, et 35 pour les seules années 1656-1664. Dès la fin des années 1650, la colonie n’est plus seulement un lieu de transit ou une étape commerciale mais bel et bien une société nouvelle où vit une communauté bien installée, organisée autour de réseaux matrimoniaux ou familiaux contribuant à structurer les relations de genre dans la colonie.

L’insertion des femmes dans des réseaux économiques familiaux

  • 39 NYSA A0270 vol. 2-3 ; trad. : Van Laer, Scott & Stryker-Rodda 1974 ; archives de Simon Hart à Ams (...)
  • 40 Marzagalli 2010.

33La formation d’une société nouvelle ne conduit pas à une rupture avec les sociétés de départ. Les archives des secrétaires coloniaux regorgent de procurations révélant les réseaux commerciaux qui existaient entre Amsterdam et la colonie39. Ces réseaux traditionnels permettent de voir l’importance des relations interpersonnelles dans les connexions transatlantiques, mais aussi la fréquence des séparations géographiques qui caractérisait certains mariages40. Une procuration représentant un transfert de confiance, le choix du destinataire n’était en effet pas anodin, surtout lorsqu’il s’agissait de quérir un traitement impayé par la Compagnie des Indes ou de collecter un héritage, et l’on faisait la plupart du temps appel à une personne prise dans un cercle de connaissances proches.

  • 41 Romney 2014 : 10. Cette perspective est à replacer dans une approche de microhistoire globale, vo (...)

34La distance occasionnée par la configuration coloniale conduit à un fonctionnement complémentaire entre époux. Alors que, dans la grande majorité des cas, le mari est en mer ou ailleurs dans la colonie, l’épouse prend en charge la partie sédentaire des affaires du foyer. Susannah Romney parle ainsi d’« empire intime » pour caractériser le fonctionnement atlantique et familial de réseaux marchands de Nouvelle-Néerlande41.

  • 42 Van den Heuvel 2007.
  • 43 NYMA, RNA (1653-1674), roll #1 ; Fernow 1897, 1.

35La famille apparaît comme un milieu de confiance, justifiant l’implication des épouses, mais aussi des mères ou des sœurs dans le commerce transatlantique, à des degrés divers. À Amsterdam, un époux pouvait établir une procuration permettant à sa femme de jouir des prérogatives d’une veuve pendant que son époux était en mer, obtenant le titre d’onbestorven weduwe, un aménagement typique d’une société marchande fondée sur le commerce maritime42. Ainsi, lorsque Christian Jacobsen Bakker décède à La Nouvelle-Amsterdam en avril 1655, sa femme et ses enfants vivent aux Provinces-Unies. Pendant le temps qu’il était resté à la colonie, son épouse avait pu mener ses propres affaires sans avoir à passer par l’aval de son mari, la circulation transatlantique de ses biens et informations ayant été confiée à un intermédiaire, Cornelis Martensen43.

  • 44 NYMA, RNA (1653-1674), roll #1 ; Fernow 1897, 1 : 275-421.
  • 45 Shattuck 1993 citée in Venema 2003 : 187.
  • 46 Dayton 1995 : 69‑71 ; Norton 1996 : 84‑89 ; Ulrich 1982 : 35‑50.

36En Nouvelle-Néerlande, ce sont surtout des procurations ponctuelles qui sont délivrées aux épouses, leur permettant de gérer des affaires alors que leur mari voyage soit au sein de la colonie, soit outre-Atlantique. Ces dispositions correspondent à une certaine distribution des rôles au sein du foyer, la plupart du temps entre une épouse sédentaire, gérant les finances du couple, et un époux voyageant soit en mer, soit entre Beverwijck et La Nouvelle-Amsterdam, voire dans des colonies voisines. Ainsi, des femmes comparaissent régulièrement à la place de leur époux pour répondre de litiges financiers ou commerciaux, et ce dès le début de la période. Pour la seule année 1655 à La Nouvelle-Amsterdam, par exemple, sur 93 affaires de comptes et affaires litigieux, vingt impliquent des femmes au nom de leur époux, pour régler ou confirmer leurs comptes, et dans quatre cas, des femmes comparaissent pour justifier de leurs propres comptes44. Treize de ces vingt comparutions de femmes à la place de leur époux ont lieu à partir du dernier tiers de novembre 1655, après les départs saisonniers en mer des hommes, à la fin de la saison de traite – ou handelstijd – qui dure de mai à novembre. Pour Beverwijck, sur 84 femmes comparaissant à la cour entre 1652 et 1660, 66 étaient mariées, dont quinze agissaient pour le compte d’époux absents, soit environ 23%45. À titre de comparaison, les territoires coloniaux soumis à un droit anglais, pourtant plus restrictif, donnent à voir une participation des femmes à l’économie du foyer selon des termes très semblables, phénomène commun aux sociétés coloniales à peuplement familial, où la distance et l’absence des hommes requièrent des aménagements46.

37Outre les provisions du droit garantissant une marge de manœuvre pour les femmes mariées, l’installation à la colonie relève d’une entreprise familiale, où hommes et femmes tiennent des rôles complémentaires, tant dans la gestion du foyer que dans l’articulation des circuits d’échanges dans un monde distendu et dilaté.

*
**

38L’étude des femmes dans les migrations et dans la société de Nouvelle-Néerlande permet de mettre en évidence le rôle du genre dans la formation d’une société coloniale nouvelle et dans le maintien de connexions atlantiques. La migration dans une société nouvelle produit certes une société déséquilibrée dans la répartition par sexe de la population. Néanmoins, une dynamique de migration familiale témoigne d’une volonté précoce de faire société, tant de la part des autorités coloniales qui stimulent ces migrations que des colons eux-mêmes, en façonnant rapidement un peuplement mixte et pérenne. Les transgressions morales et les sollicitations dont sont l’objet les femmes seules peuvent donner l’impression d’une société brutale pour celles-ci. Néanmoins, ces transgressions relèvent également d’aspirations à un cadre matrimonial et à la stabilité qu’il procure. En contexte colonial, ce besoin est accentué par les circulations et les migrations qui créent un monde social dilaté, où époux et familles sont séparés ; par ailleurs, si le lien avec les sociétés de départ est maintenu, cela n’empêche pas des redistributions dans les alliances matrimoniales au niveau local. La constitution de réseaux atlantiques permet en outre aux femmes de jouer un rôle-pivot dans le fonctionnement marchand de la colonie.

39L’attention a longtemps été portée sur le droit hollandais, permettant aux femmes mariées de conserver une relative autonomie. Au-delà des provisions du droit, les circulations atlantiques des hommes et des biens conditionnent les marges de manœuvre et la répartition des rôles de chacun et son insertion dans des réseaux de connaissances. La présence sur place de femmes et d’hommes dans des rôles complémentaires, l’enracinement de familles et la formation de réseaux commerciaux fondés sur la confiance, sont au cœur même d’un projet colonial bâti sur des échanges transatlantiques risqués et hasardeux. À partir de 1664, la Nouvelle-Néerlande change de souveraineté et devient New York : le déséquilibre sexué s’est alors atténué et la société coloniale est riche d’environ 9 000 âmes. Lors du changement de souveraineté de la colonie, l’insertion de la nouvelle élite anglaise dans ces réseaux d’interconnaissances bâtis sur l’intime et les liens familiaux s’avère être un outil crucial de domination pour le nouveau pouvoir.

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Bibliographie

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Notes

1 Fouché & Weber 2006 ; Green 2012 ; Guerry 2009 ; Hugon 2004 ; Lillo & Rygiel 2007.

2 Gabaccia 2015 ; un panorama historiographique sur le genre et l’Atlantique est également proposé par Ellen Hartigan-O’Connor pour Oxford Bibliographies : https://0-www-oxfordbibliographies-com.catalogue.libraries.london.ac.uk/view/document/obo-9780199730414/obo-9780199730414-0027.xml

3 Un point de vue réévalué depuis une quinzaine d’années : Schmidt 2004 ; Van den Heuvel 2007.

4 Chlous et al. 2018 : 29.

5 Schmidt 2004 ; Shattuck 1993 ; Van den Heuvel 2007.

6 Plus vraisemblablement la ville de Pris dans le Hainaut, d’après Koenig & Nieuwenhuis 1996.

7 New York State Archive [NYSA] A1894, vol. 35 (Dongan Papers), doc. 182. Édité dans Christoph 1993 : 216-217.

8 Disponibles dans le fonds Van Rensselaer-Bowier des manuscrits de la famille Van Rensselaer, au Scheepvart Museum à Amsterdam [cote Hs-0945 (I-III)] ; éditées dans Van Laer 1908 : 805-834.

9 O’Callaghan 1850, 3 : 52-63. Les estimations de population pour la Nouvelle-Néerlande en 1655 varient entre 2 000 et 3 500 habitants, la population totale en 1664 est estimée à 9 000 habitants ; sur le peuplement de la Nouvelle-Néerlande, voire l’étude de Rink 1981.

10 Boxer 1965 : 216.

11 Les archives dont nous disposons sur le navire Eendracht permettent de corriger le témoignage de Catlina Trico. Celui-ci part ainsi au début de l’année 1624. Macy 1999.

12 Transcription dans O’Callagan 1850, 3 : 49.

13 Déposition transcrite dans Hastings 1940.

14 Van der Donck 2008 : 61 (85 dans le manuscrit original).

15 Havard & Laugrand 2014 : 11-16

16 Blom 2010 ; Van der Donck 2008 : 129 (92 dans le manuscrit original)

17 Jacobs 2005 [1999] : 5659.

18 Danckaerts 1913.

19 Van den Bogaert 2002-2003. La vie de Teuntje Straatmans est notamment documentée dans le journal du pasteur Henricus Selijns, transcrit dans : Old First Reformed Church 1897.

20 Haks 1985.

21 Cf. supra.

22 Goodfriend 1992 : 16 ; de Voogd 2003 : 8788.

23 Notons que depuis 1653, La Nouvelle-Amsterdam a obtenu de la WIC des institutions de gouvernement et de justice locales.

24 New York Municipal Archives [NYMA], RNA (1653-1674), roll #1, entrées des 31/08, 21/09, 19/10/1660, 25/01, 8/02, 15/02, 22/02, 10/05, 21/05, 24/05, 7/06, 21/06, 5/07, 13/09, 21/09, 27/09, 1/10, 4/10, 11/10, 21/12/1661, 16/05, 6/06, 20/06, 27/06 et 29/06/1662. Fernow 1897, 3 : 197, 217, 233, 251, 262-263, 267, 269-270, 297-298, 307-308, 312, 315, 326, 337-338, 355, 361, 364-365, 369-370, 377, 379, 382, 427-429 ; 4 : 82-83, 100, 103-104, 105.

25 Hufton 1991 ; Ulrich 1982 : 6.

26 Données établies à partir de Purple 1890 : 9-15 ; les registres de publication des bans de l’Eglise Réformée sont établis à partir de 1639 ; ces données sont établies en prenant en compte les premiers mariages uniquement, et non les veuves.

27 Ibid.

28 NYSA A1809, vol. 4, doc. 361-362 ; trad. : Van Laer 1974 : 483.

29 NYSA A1809, vol. 4, doc. 361-362 ; trad. : Van Laer 1974 : 483484.

30 Farge & Zemon Davis 1991 : 100106 ; Kloek, Teeuwen & Huisman 1994 : 87102.

31 NYSA A1809, vol. 4, doc. 143  ; trad. : Van Laer 1974 : 167168.

32 NYSA A1809, vol. 4, doc. 143  ; trad. : Van Laer 1974 : 167168.

33 Old First Reformed Church 1897: 133194.

34 NYSA A1809, vol. 4, doc. 136, 137, 139; trad.: Van Laer 1974: 159160, 162.

35 Van Deursen 1991 ; voir également Haks 1985.

36 Anderson 1991 ; Cressy 1987 ; Fischer 1989 ; Games 1999 ; Horn 1994 ; Moore 2007 ; on peut y ajouter, à propos des migrations allemandes : Otterness 2004.

37 Purple 1890 : 10‑30.

38 Frijhoff 2007 : 364‑371.

39 NYSA A0270 vol. 2-3 ; trad. : Van Laer, Scott & Stryker-Rodda 1974 ; archives de Simon Hart à Amsterdam : Stadsarchief Amsterdam, 883-597 (transcription d’actes notariés).

40 Marzagalli 2010.

41 Romney 2014 : 10. Cette perspective est à replacer dans une approche de microhistoire globale, voir Bertrand & Calafat 2018.

42 Van den Heuvel 2007.

43 NYMA, RNA (1653-1674), roll #1 ; Fernow 1897, 1.

44 NYMA, RNA (1653-1674), roll #1 ; Fernow 1897, 1 : 275-421.

45 Shattuck 1993 citée in Venema 2003 : 187.

46 Dayton 1995 : 69‑71 ; Norton 1996 : 84‑89 ; Ulrich 1982 : 35‑50.

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Pour citer cet article

Référence papier

Virginie Adane, « Des Provinces-Unies à la vallée de l’Hudson. Réagencement de genre en Nouvelle-Néerlande (1624-1664) »Clio, 51 | 2020, 75-96.

Référence électronique

Virginie Adane, « Des Provinces-Unies à la vallée de l’Hudson. Réagencement de genre en Nouvelle-Néerlande (1624-1664) »Clio [En ligne], 51 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 14 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/18009 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.18009

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Auteur

Virginie Adane

Virginie Adane est maîtresse de conférences à l’université de Nantes et membre du CRHIA. Ses recherches sont centrées sur les relations de genre dans l’espace atlantique, et plus spécifiquement en Nouvelle-Néerlande / New York, terrain sur lequel elle a soutenu récemment une thèse intitulée Genre, pouvoir et relations marchandes dans une société coloniale multiculturelle. Nouvelle-Néerlande, New York (1630-1730). virginie.adane@gmail.com

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