Caroline zum Kolk & Kathleen Wilson-Chevalier (dir.), Femmes à la cour de France. Charges et fonctions xve-xixe siècle
Caroline zum KOLK & Kathleen WILSON-CHEVALIER (dir.), Femmes à la cour de France. Charges et fonctions XVe-XIXe siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2018, 404 p.
Texte intégral
1Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2018, 404 p.
2Cette collection d’essais commence avec une question provocatrice : d’autres cours d’Europe offrent-elles une place « aussi éminente » aux femmes que la cour de France à l’époque moderne ? Les études réunies ici montrent de façon évidente l’importance et la centralité des femmes à la cour de France, des reines et princesses au sommet du pouvoir jusqu’aux demoiselles de musique, nourrices, femmes d’officiels et autres. Cet ouvrage collectif met aussi en avant les fonctions complémentaires des femmes à la cour, véritables homologues des courtisans masculins. Les seize études de ce volume proviennent d’un colloque et comprennent à la fois des recherches prometteuses de jeunes chercheurs internationaux et celles de chercheurs plus établis dans leur domaine d’étude, à commencer par les deux directrices bien connues.
3Le volume est divisé en cinq parties. La première, intitulée « La présence féminine à la cour de France : évolution et cadres », comporte quatre chapitres se concentrant sur les grandes dames de la cour : les épouses, mères et sœurs du roi. De façon intéressante, la partie commence et finit avec deux études sur la maison de la reine, aux deux extrémités de l’époque moderne. Le premier chapitre examine l’évolution de la « cour des Dames » du Moyen Âge au xvie siècle (Caroline zum Kolk) tandis que le dernier, consacré à la période la plus contemporaine du volume se concentre sur la maison de l’impératrice Marie-Louise, consort puis régente, à la fin de l’Empire de Napoléon Ier (Charles-Éloi Vial). Entre les deux, deux chapitres se concentrent sur l’influence des mères et sœurs du roi à la cour durant le xvie siècle. Le premier montre la façon dont Anne de France et Louise de Savoie, régentes et actrices politiques, ont utilisé ces grandes maisons comme un symbole de leur pouvoir (Aubrée David-Chapy). Les annexes du chapitre contiennent des informations utiles sur le personnel de la maison d’Anne de France, démontrant l’élargissement de sa cour. Le chapitre suivant est axé sur la naissance de la cour des Bourbons, quand Catherine, sœur d’Henri IV, a pris le rôle de la première femme de la cour en l’absence d’une reine (Fanny Giraudier). Toutes les études de cette partie offrent de nouvelles perspectives sur les rôles détenus par les femmes et leurs maisons, grâce à l’examen de figures féminines de second plan et à l’analyse des réponses apportées par certaines femmes de pouvoir, notamment Catherine et Marie-Louise, en temps de crises dynastiques.
4La deuxième partie (« Travailler à la cour : charges et fonctions ») met l’accent sur les femmes de rang moins élevé. Les quatre études de cette partie examinent celles qui servent, notamment les femmes de chambre, les nourrices et les demoiselles de musique, révélant leur rôle vital. Elles montrent l’influence profonde que ces femmes ont eue grâce à leur proximité avec la famille royale, comme Madame de Beauvais, la première femme de chambre d’Anne d’Autriche (Olivier Mallick). En outre, plusieurs chapitres évoquent la question de la rémunération. Les pensions et autres avantages financiers sont notamment discutés dans les chapitres de Pascale Mormiche et de Benoît Carré. Même si certains rôles, comme ceux de nourrices et femmes de chambre, font partie des domaines naturellement attribués aux femmes, le cas des demoiselles de musique montre une augmentation progressive du nombre des femmes dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes (Youri Carbonnier).
5La partie suivante (« L’espace curial : usages et significations ») est la plus courte, avec seulement deux chapitres se concentrant plus particulièrement sur la question de l’espace à la cour. Élisabeth Narkin analyse les chambres attribuées aux gouvernantes et femmes de chambre des enfants royaux au xvie siècle. L’étude inclut quelques plans des appartements de Saint-Germain-en-Laye pour illustrer l’agencement des pièces et souligner l’importance de la proximité, tant pour avoir accès aux enfants royaux qu’à une certaine influence. De la même façon, tous les courtisans et ministres (et leurs femmes) à la cour voulaient obtenir des logements aussi spacieux et proches du roi que possible (Pauline Ferrier-Viaud).
6La pénultième partie revient sur le sujet des femmes de haut rang, les grandes aristocrates et princesses plutôt que les reines. Deux études offrent des analyses de différents modes d’influence politique. Celle de K. Wilson-Chevalier est une analyse approfondie du mécénat d’une princesse royale, Jeanne de France, duchesse de Bourbon. Elle met l’accent sur le Livre des faiz monseigneur saint Loys (ca 1480), soulignant les messages et motivations politiques de l’œuvre. Brian Sandberg, quant à lui, offre une étude des femmes de la famille Montmorency pendant les Guerres de religion et de leurs rôles importants à la cour. Il insiste en particulier sur la force de madame la connétable, Madeleine de Savoie, une matriarche impressionnante en ces temps tumultueux. Au lieu de se concentrer sur la cour royale, le dernier chapitre de cette partie est une étude comparative des femmes à la cour de Marguerite de Bourbon et Claude de Brosse, les deux épouses de Philippe de Bresse, frère du duc de Savoie durant la dernière moitié du xve siècle (Daniela Cereia).
7Finalement, la cinquième partie offre trois études sur les maîtresses – non seulement celles du roi, mais aussi celles qui participent de la pratique généralisée de l’adultère à la cour aux xviie et xviiie siècles (Pascal Firges). Naturellement, y figure un chapitre sur les maitresses bien-connues de Louis XIV (Flavie Leroux). Ici, comme l’avaient montré les études de la troisième partie, la configuration des logements permet d’exprimer le rang élevé des maîtresses, en particulier de Madame de Montespan et de Mademoiselle de la Vallière qui ont donné plusieurs enfants au roi. Le dernier chapitre vise à clarifier l’historiographie et les mythes populaires autour de la vie de Françoise de Foix, maîtresse de François Ier, affirmant qu’elle a été bien plus qu’un personnage tragique (Véronique Garrigues).
8Dans l’ensemble, cette collection d’essais contribue grandement à plusieurs domaines de recherche. Elle est, évidemment, un complément utile aux « court studies » ou études sur la cour, un domaine productif et foisonnant. Plus globalement, cet ouvrage collectif pourra aussi servir aux étudiants et chercheurs qui s’intéressent à l’histoire des femmes et à l’histoire de la France moderne. En définitive, même si l’ensemble est excellent, le seul reproche que l’on pourrait faire à l’ouvrage est un léger déséquilibre entre les périodes mentionnées – idéalement, il aurait fallu plus d’études sur le xviiie siècle pour contrebalancer celles qui se concentrent sur les périodes antérieures. Cela n’ôte rien à ces recherches intéressantes et originales qui soulignent la diversité des rôles tenus par les femmes à la cour de France.
Pour citer cet article
Référence électronique
Elena Woodacre, « Caroline zum Kolk & Kathleen Wilson-Chevalier (dir.), Femmes à la cour de France. Charges et fonctions xve-xixe siècle », Clio [En ligne], 51 | 2020, mis en ligne le 01 juillet 2020, consulté le 12 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/17987 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.17987
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