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Dossier

Mobilités et migrations féminines dans l’Antiquité romaine. Une histoire fragmentaire

Women’s mobility and migration in Roman Antiquity: a fragmentary history
Marie-Adeline Le Guennec
p. 33-52

Abstracts

Research into mobility and migration in Roman Antiquity has been particularly dynamic over the last thirty years. However, unlike the case for other historical eras, few gendered approaches to these phenomena in the Roman period have been published, and these have mostly focused on women’s practices and experiences in the context of mobility and/or migration. This paper starts with a brief account of the academic literature on this topic, before considering the various types of evidence available for the study of women’s mobility in the ancient Roman world, and on their strengths and weaknesses from a methodological point of view. The article willl concentrate on epigraphical evidence, making a case study of the city of Rome itself (late Republic – High Empire). It will draw on the inscriptions (mostly epitaphs) mentioning women who had moved, and probably migrated, from the provinces of Roman Empire to the Vrbs.

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Full text

  • 1 On rappellera ici la distinction opérée par Ch. Tilly (1978) au sujet des périodes modernes entre (...)
  • 2 Zelinsky 1971.
  • 3 De Ligt & Tacoma 2016 : 12-15.

1Les recherches sur les mobilités et les migrations1 dans l’Antiquité romaine font preuve d’un dynamisme marqué depuis une trentaine d’années, allant jusqu’à devenir une des orientations dominantes de la production scientifique actuelle en études anciennes. Ce renouveau historiographique contribue à mettre à bas le postulat selon lequel les sociétés de l’Antiquité méditerranéenne auraient été caractérisées par un idéal de sédentarité2. Toutefois, par comparaison avec ce qu’il en est pour des époques plus récentes, peu nombreux sont encore les travaux à aborder ces phénomènes sous l’angle du genre, et notamment à s’intéresser aux mobilités et aux migrations des femmes3.

2Après un bref bilan historiographique, cet article propose une réflexion méthodologique sur les sources à disposition pour faire l’histoire de ces circulations féminines à la période romaine, en se penchant en particulier sur le corpus épigraphique. Sera au centre de la réflexion le cas des inscriptions de la ville de Rome où apparaissent des femmes qui ont connu, à la fin de la République et au Haut-Empire, des épisodes de mobilité depuis les provinces de l’empire vers l’Vrbs, et sans doute même une migration durable, voire définitive.

Genre et circulations dans l’Antiquité romaine : une approche encore à ses prémices, un problème de sources

3La prise en compte des historiens pour une approche genrée des circulations à la période romaine, particulièrement manifeste depuis le début du xxie siècle, s’est orientée vers plusieurs perspectives d’études complémentaires, qui placent au cœur de l’analyse les mouvements des femmes.

  • 4 Holleran 2016 : 117-119.
  • 5 Noy 2000 : 60-63 ; de même, Hin 2013 : 234-245 et Tacoma 2016 : 106-141, qui s’appuient sur la do (...)
  • 6 Foubert 2011, sur la base des sources littéraires et épigraphiques ; voir aussi les remarques de (...)
  • 7 Foubert 2016, à partir des sources papyrologiques.
  • 8 Autour des cas de Vibia Pacata et de Iulia Lucilla, connues par des inscriptions (Foubert 2013).
  • 9 Cette notion est empruntée aux travaux du sociologue M. Mann (1986), « to express the extent to w (...)

4Des spécialistes de ces circulations ont ainsi choisi d’étendre explicitement leurs réflexions aux femmes autant qu’aux hommes, afin de sortir d’automatismes tacites identifiant les mobilités et les migrations aux seuls acteurs masculins, et dans le but de mettre au clair les éventuelles spécificités des expériences féminines en la matière. Par exemple, dans l’enquête qu’elle dédie aux mobilités de travail vers les mines de la péninsule Ibérique au Haut-Empire, C. Holleran mobilise des sources épigraphiques qui la conduisent à se pencher sur des parcours de femmes, isolées ou au sein de groupes familiaux, et à nuancer le schéma dominant du migrant « single adult male »4. Dans une autre perspective, les travaux de D. Noy sur les communautés étrangères de la ville de Rome intègrent des observations générales sur le sex-ratio des populations ayant migré vers l’Vrbs5. Les analyses de trajectoires individuelles se révèlent également fructueuses, dans la mesure où elles se fondent sur des sources textuelles assez riches pour permettre de dépasser les apories de la documentation habituelle. Les travaux relevant de cette orientation apparaissent aujourd’hui en plein essor : citons ceux de l’historienne néerlandaise L. Foubert sur les circulations des femmes de la famille impériale et des épouses de gouverneurs6, de femmes liées aux milieux marchands et militaires de l’Égypte romaine7 ou encore de voyageuses ayant transité par la province de Bretagne8. Enfin, des pistes d’étude émergent quant à la manière dont, dans le contexte culturel romain, le genre influait sur les représentations et les normes de la mobilité, selon des modalités qui variaient aussi en fonction des groupes sociaux. Il faut en particulier retenir en ce sens la contribution de G. Woolf sur le « social caging » qui, au sein au moins des couches supérieures de la société, aurait retenu les femmes romaines dans l’espace de la domus9 ; le principal contre-exemple est celui des circulations de femmes esclaves, qui apparaissent toutefois aussi contraintes que l’« assignation à résidence » des matrones.

  • 10 Cf. les bilans documentaires proposés par Noy 2000 : 4-10 et Tacoma 2016 : 16-26.

5Pour l’Antiquité romaine, le bilan encore relativement modeste des liens entre l’histoire du genre et l’histoire des circulations ne s’explique donc pas par un manque d’attention mutuelle entre les deux champs. Il a plutôt trait à la nature des sources disponibles, qui ne permettent pas de donner au sujet la même amplitude que pour d’autres périodes de l’histoire méditerranéenne10.

  • 11 Woolf 2013 : 360-362 ; Hin 2013 : 234-237 ; Prowse 2016 avec bibliographie et synthèse d’études d (...)
  • 12 Cf. par exemple Parker 2009 ; Foubert 2011.
  • 13 On exceptera le cas particulier des tablettes de Vindolanda, qui se rangent entre papyrologie et (...)

6Certes, des avancées majeures nous viennent actuellement de l’archéo-anthropologie funéraire. L’analyse des isotopes et du patrimoine génétique des défunts peut amener à isoler les changements durables de cadre de vie survenus au cours de leur existence, ce qui ouvre des pistes stimulantes sur l’origine, l’âge ou les groupes familiaux des migrants et des migrantes dans un espace donné11 ; toutefois, cette approche documentaire ne permet pas d’entrer plus avant dans les itinéraires, ni, bien sûr, dans les motifs et les perceptions des déplacements féminins ou masculins. À cette fin, des textes littéraires de toute nature (historiques, rhétoriques, poétiques, romanesques…) peuvent être convoqués : si les études qui leur sont consacrées s’avèrent riches d’informations12, ces textes touchent, pour les femmes plus encore que pour les hommes, aux élites sociales du monde romain, c’est-à-dire à un groupe très restreint de la population. Pour l’Occident romain, faute de documentation papyrologique comparable, par exemple, à celle de l’Égypte13, la majorité de la documentation exploitable reste alors de nature épigraphique : outre qu’elles offrent une assise sociale plus large que les textes littéraires, les inscriptions, en tant que mises en scène officielles, religieuses ou quotidiennes de soi à destination de la communauté, seraient peut-être plus à même de nous faire entrer dans les expériences de la mobilité et de la migration.

  • 14 Voir aussi les bilans méthodologiques (relatifs aux étrangers des deux sexes dans l’épigraphie) p (...)

7Se pose alors avec acuité la question de l’identification, dans ces inscriptions, d’individus venus d’ailleurs, de même que la restitution de leurs épisodes de mobilité/de migration. Or, dans cette perspective, la reconnaissance des femmes circulantes pose des problèmes méthodologiques accrus par rapport à celle des hommes : les critères d’analyse auxquels soumettre les documents ne revêtent pas tous le même degré de certitude, tandis que les observations auxquelles cette démarche permet d’aboutir restent finalement assez restreintes14.

  • 15 Gros 2010.
  • 16 Tacoma 2016 : 214-223.
  • 17 Noy 2000 ; voir aussi Tacoma 2016. Des recherches futures devront mettre à jour cette recension e (...)

8L’objet des considérations qui vont suivre est dès lors de pointer un certain nombre des apports, et dans les faits surtout des limites, de cette épigraphie des circulations féminines, en s’intéressant plus précisément au cas d’étude de la ville de Rome à la fin de la République et au Haut-Empire (ier s. av. J.-C.-iiie s. apr. J.-C.). De fait, à cette époque, l’Vrbs est une mégapole multiculturelle à son apogée, au centre de flux de nature et d’amplitude variées15. Elle a en outre fourni un matériel épigraphique surabondant, qui représente près du quart des inscriptions latines connues pour l’ensemble du monde romain antique, en plus d’un nombre important de textes grecs, voire, plus rarement, d’inscriptions rédigées dans d’autres langues du bassin méditerranéen16. De ce fait, les inscriptions relatives aux migrants, circulants et étrangers sont bien plus nombreuses pour la ville de Rome que partout ailleurs. Elles ont même pu faire l’objet de catalogues spécialisés, qui s’intéressent, selon une perspective que l’on conservera dans cette contribution, aux mouvements des provinces vers Rome : ceux-ci sont en effet généralement plus visibles, en particulier pour les femmes, que les circulations internes à la péninsule italienne. Cet article s’appuiera notamment sur la recension épigraphique des provinciaux de Rome établie par D. Noy, qui se compose dans sa grande majorité d’inscriptions funéraires, mais qui comprend également, dans une moindre proportion, des inscriptions votives et des graffitis : éclairé par d’autres références plus spécialisées et par d’autres approches documentaires, ce catalogue viendra nourrir nos réflexions sur la part des femmes au sein de cette population migrante17. Comment reconnaître dans ces inscriptions des non-Romaines (entendues ici dans un sens géographique) installées à Rome pour un temps plus ou moins long ? Et que peut-on savoir, au-delà du caractère répétitif et convenu des formulaires employés dans ces textes, des circulations de ces femmes ?

Identifier des femmes venues d’ailleurs dans les inscriptions : l’exemple de la ville de Rome

9Parmi ces documents, seuls quelques-uns évoquent explicitement le fait que l’on ait affaire à des femmes ayant voyagé ou migré vers Rome à un moment de leur existence. Ainsi, Valeria Lycisca rappelle sa trajectoire dans cette inscription des débuts du ier s. apr. J.-C., qu’elle fait réaliser de son vivant :

  • 18 Valeria Lycisca, affranchie d’une femme. À douze ans, je suis venue à Rome. Cette citoyenne qui m (...)

Valeria |(Gaiae) l(iberta) Lycisca. /
XII annorum nata /
Romam ueni. /
Quae mihi iur⌈a⌉ dedit ciuis dedit et /
mihi uiuae quo inferrer tum /
cum paruola facta c⌈i⌉ nis18.

  • 19 Noy 2000 : 309. Cet indice onomastique doit toutefois être accueilli avec prudence ; cf. infra.

10Les indications que contient le texte sont d’autant plus précieuses qu’elles sont rares : on apprend que la commanditaire de l’inscription est arrivée à Rome à l’âge de douze ans, selon toute probabilité comme esclave et donc sous la contrainte, qu’elle a été affranchie par sa domina, et qu’elle projetait de rester dans l’Vrbs, et même d’y mourir, ou que c’est du moins ce que prévoyait sa patronne en lui concédant un emplacement funéraire sur place. Cet épisode de migration originel apparaît aussi essentiel dans la définition de l’identité de Valeria Lycisca que l’accession aux droits civiques par l’affranchissement évoquée à la l. 4 : il est mis en valeur par l’emploi de lettres de taille plus importante pour la phrase XII annorum nata / Romam ueni. En revanche, nous ignorons un élément crucial de ce parcours : son lieu d’origine, même si le cognomen (surnom) Lycisca, qui constituait le nom de l’esclave avant sa libération, pourrait à la rigueur suggérer une provenance orientale, à savoir de Lycie, au sud de l’actuelle Turquie19.

  • 20 Cf. CIL, VI, 17130 (CLE, 963) ; CIL, VI, 3452 (CLE, 476).
  • 21 Lassère 2005 : 1, 128-140.
  • 22 Voir par exemple le cas d’une negotiatrix en vin et en huile venue de la province de Bétique, don (...)
  • 23 À Rome, on pensera aux membres de la garde prétorienne : originellement recrutés parmi les Italie (...)

11Au-delà de ces documents très particuliers, qui restent peu fréquents tant pour les hommes que pour les femmes20, les attestations les plus solides sont offertes par les textes où est mentionnée, à la suite de la séquence onomastique, l’origine d’une femme, dédicante ou plus souvent encore dédicataire de l’inscription. Cette précision, facultative, apparaît en effet réservée aux allogènes21 : dans la pratique, elle concerne surtout des marchands et des commerçants, parmi lesquels on peut trouver des femmes22, mais aussi des militaires, nécessairement de sexe masculin23. À Rome comme ailleurs, l’origo constitue le critère d’identification le plus opérant : dans la recension établie par D. Noy, elle vaut ainsi pour près de 80% des 110 femmes retenues pour la période allant de la fin du ier s. av. J.C. au iiis. apr. J.-C.

12Cette origo peut être signalée par la mention simple du nom de la cité ou de la province de provenance. C’est par exemple le cas dans l’inscription suivante, datant du iie s. apr. J.-C. :

  • 24 À Marcus Petronius Honoratus, fils de Marcus, de la tribu Quirina, préfet de la première cohorte (...)

M(arco) Petronio M(arci) [f(ilio)] /
Quir(ina tribu) Honorato, /
praef(ecto) coh(ortis) I Raetoru[m] /
trib(uno) militum leg(ionis) [I] /
Mineruiae P(iae) F(idelis) praef(ecto) /
alae Aug(ustae) II P(iae) F(idelis) Thracu[m] /
proc(uratori) monetae proc(uratori) X[X] /
hered(itatium) proc(uratori) prouinci[ae] /
Belgicae et duarum /
Germaniarum proc(uratori) /
a rationibus Aug(usti). /
Iulius Lupercus et Clau[dia] /
Victorina ex Belgica /
Treueri amico optimo et praesidio su[o]24.

13Ce lieu de provenance est souvent précédé de périphrases du type nata/natione/origine/domo (« née à »/ « de nation »/ « d’origine »/ « de résidence ») en latin, ou πατρίς/γένει/χωρίου (« de patrie », « de souche », « de région ») en grec. Dans une épitaphe fragmentaire de 47 av. J.-C., il est par exemple question de l’affranchie Numitoria Philumina natione Phrygia, originaire de Phrygie, une zone de la province romaine d’Asie, et de Numitoria Erotis, venue de la région de Carthage (natione Punica) :

  • 25 Caius César étant dictateur pour la deuxième fois et Marcus Antonius maître de la cavalerie, l’em (...)

C(aio) Caesare dict(atore) iter(um), M(arco) Antonio mag(istro) eq(uitum), /
sepulcri loc[us] emptus/ 
de Q(uinto) Modio L(uci) f(ilio) Qui(rina tribu). In /
fronte pedes XXIIII, in agrum pedes XXIIII. /
C(aius) Numitorius C(ai) l(ibertus) Nicanor /
nation
e T<h>ebaeus, medicus /
ocularius, /
Numitoria C(ai) l(iberta) /
Philumina natione P<h>rugia, /
C(aius) Numitorius C(ai) l(ibertus) Stabilio /
natione uerna. //
P(ublius) Opitreius C(ai) l(ibertus) Butas /
nation
e Smurnaeus. //
Fundamentum /
posuerunt. In suo //
sepulcro sepelita /
est Numitoria C(ai) l(iberta) //

Erotis natio(ne) Punica /
Q(uintus) Numitorius C(ai) l(ibertus) Isio //
[[---]] / ibei sepultus / est25.

  • 26 CIL, VI, 6507.
  • 27 À l’exemple de ce qu’il en est dans une inscription tardive d’Acelum, dans la regio X, où une fem (...)

14L’origine peut enfin être exprimée par un adjectif ethnique d’acception plus ou moins précise, à l’instar d’une inscription où la défunte Prima est dite Afra, Africaine, sans plus d’indications sur la province, la région, ni a fortiori la cité où elle était née au sein de l’Afrique romaine26. À défaut de cette précision, on peut parfois proposer d’étendre la recension aux femmes apparaissant dans les inscriptions aux côtés de non-Romains, eux-mêmes identifiables par la mention de leur origo. Ce raisonnement apparaît particulièrement solide lorsque l’on a affaire à des mères ou à des sœurs d’individus allogènes, dont il est probable qu’elles partageaient l’origine, et, le cas échéant, la mobilité. Citons par exemple l’inscription suivante, d’après laquelle on peut supposer que Iulia Quartia était venue depuis Reii Apollinares (Riez), en Gaule narbonnaise, jusqu’à Rome, où elle rappelle le souvenir de ses deux enfants morts loin du foyer d’origine de la famille27 :

  • 28 Aux Dieux Mânes de Titus Lucconius Quartinus, soldat de la neuvième cohorte prétorienne dans la c (...)

D(is) M(anibus) /
T(iti) Lucconi Quartini /
mil(itis) coh(ortis) IX pr(aetoriae) |(centuria) Vlp(i), /
u(ixit) a(nnos) XXV, mil(itauit) a(nnos) VI ; /
et T(iti) Lucconi /
Paterni mil(itis) coh(ortis) XII /
urb(anae) |(centuria) Valeri, u(ixit) a(nnos) XXI /
mil(itauit) m(enses) IIII domo /
Reis Apollinarib(us). /
Iulia Quartia /
mat(er) f(ecit)28.

  • 29 Noy 2000 : 68-71.
  • 30 Cf. CIL, VI, 3308 = ILS, 2210 ; 21758. M. Carroll (2009) n’évoque du reste pas cette possibilité (...)

15Iulia Quartia s’était-elle rendue dans l’Vrbs à l’occasion de la mort d’un ou de ses deux fils ? Au sujet d’inscriptions de ce type, D. Noy29 se prononce plutôt en faveur de l’hypothèse selon laquelle les prétoriens faisaient venir de leur vivant leurs mères ou leurs sœurs à Rome (voire, à partir au moins des réformes de Septime Sévère, leurs épouses, même s’il est peu probable qu’ils aient déjà été mariés au moment de leur enrôlement, survenant dans la moyenne entre 17 ans et 20 ans). À moins d’admettre, enfin, que cette mère ait pu régler les détails de l’inscription depuis la Narbonnaise et la faire exécuter à Rome : des configurations semblables sont en effet parfois attestées dans les inscriptions, soit du fait de la distance, soit en vertu de clauses testamentaires, mais dans ce cas, le tiers à qui est confié cette responsabilité est généralement cité dans le texte30. Ce document est ainsi représentatif des hésitations qui peuvent surgir lorsque l’on tente de restituer les parcours individuels à l’échelle d’une famille.

  • 31 Tacoma 2016 : 129-130.

16Pour les conjointes et les filles de ces allogènes, si elles ne sont pas explicitement associées à leur origine étrangère, la situation est plus incertaine encore, car rien n’empêchait l’existence de couples et de familles géographiquement mixtes31. Une bonne illustration des difficultés interprétatives auxquelles se heurtent fréquemment les commentateurs est fournie par l’inscription suivante, datant du ier s. apr. J.-C. :

  • 32 Ci-gisent Lucius Arlenus Demetrius, affranchi de Lucius, originaire de Cilicie, négociant en mant (...)

Hic siti sunt /
L(ucius) Arlenus L(uci) l(ibertus) /
Demetrius /
nat(ione) Cilix /
negotiat(or) sagar(ius). //
Arlena L(uci) l(iberta) /
Rufa, /
coniunx. //
L(ucius) Arlenus L(uci) l(ibertus) /
Artemidorus /
nat(ione) Paphlago /
mercator sagarius. //
Helenus et Nice liberti d(ederunt)32.

  • 33 Treggiari 1991 : 120.

17On a ici affaire à deux hommes originaires de zones distinctes de l’Orient romain : l’un, de la Cilicie, en Anatolie méridionale, l’autre, de la Paphlagonie, sur les rives du Pont-Euxin. Les défunts officiaient à Rome dans le commerce de la saga, une sorte de tunique, et étaient selon toute vraisemblance impliqués dans la même affaire d’import-export. Une femme est mentionnée à leurs côtés en tant qu’épouse du premier défunt, sans qu’aucune origine ne lui soit attribuée. Ces affranchis paraissent en outre dépendre du même patron, Lucius, mais la possibilité reste ouverte que l’un d’entre eux ait libéré l’un ou l’autre de ses camarades : cette hypothèse est particulièrement vraisemblable dans le cas de la femme, dans la mesure où l’affranchissement pour mariage est fréquent au Haut-Empire et constitue même un motif de libération précoce33. Dans une configuration comme dans l’autre, il est possible qu’Arlena Rufa ait été originaire des zones orientales de l’empire comme son époux et le partenaire commercial de ce dernier, Lucius Arlenus Artermidore, mais rien n’interdit qu’elle soit née à Rome, voire ailleurs.

  • 34 Kajanto 1980. Des descendants nés à Rome d’émigrés hellénophones peuvent en effet conserver le gr (...)
  • 35 IGUR, 1202, l. 1-3.
  • 36 Cf. Solin 1996 ; Lassère 2005 : 1, 137-140.
  • 37 Noy 2000 : 6. On pourra mettre ce point en parallèle avec le maintien de l’emploi de cognomina à (...)

18Dans les inscriptions de l’Vrbs, l’usage d’une langue autre que le latin, le plus souvent du grec, constitue également un marqueur pertinent, en particulier lorsqu’il se double d’une mention d’origine34 : ainsi en va-t-il par exemple du cas d’Elpis, dont l’inscription funéraire rappelle qu’elle est πατρὶς δ’Ἀσίης προὔχουσα Λαοδίκει’ (« avec pour patrie Laodicée, qui l’emporte en Asie35 »). En revanche, le port d’un ethnique en nom unique ou en cognomen est un indice bien plus aléatoire s’il n’est pas assorti d’informations plus probantes, en particulier pour des esclaves ou des affranchis : en effet, l’emploi de noms grecs ou orientaux était particulièrement prisé par les propriétaires pour (re)nommer leurs serui et seruae36, quelle que soit l’origine réelle de l’individu et quand bien même serait-il né au domicile de son maître. Même dans le cas d’un rapport direct entre le nom et l’origine, rien n’interdit en outre que l’on ait affaire à des descendants d’immigrés continuant de porter une part de leur culture familiale dans leur onomastique37.

  • 38 Ainsi par exemple, dans CIL, I2, 3018 a, la présence à Rome de M. Pullius Laetus, de la tribu Arn (...)
  • 39 Dans leur cas, la tribu apparaît essentiellement dans l’épigraphie provinciale, où elle constitue (...)

19Des indications utiles pourraient en théorie être fournies par la mention de la tribu (une circonscription administrative à laquelle étaient rattachés les citoyens romains en fonction de leur lieu de naissance ou de résidence, même si ce critère géographique connut de nombreuses exceptions) : en effet, l’appartenance à une tribu non-romaine peut parfois être interprétée comme le signe d’une mobilité ou d’une migration vers l’Vrbs38. Ce critère, souvent sujet à caution, est complètement inopérant pour les esclaves et les pérégrines (c’est-à-dire les résidentes libres de l’empire qui ne possédaient pas la citoyenneté romaine), puisque celles-ci sont dépourvues de tribu ; mais il vaut aussi difficilement pour les affranchies, le plus souvent inscrites dans la tribu Palatina au Haut-Empire, et encore plus rarement pour les Romaines de naissance libre (les « ingénues ») dont la tribu n’est qu’exceptionnellement précisée dans les inscriptions39.

Les provinciaux de Rome : un monde d’hommes ?

  • 40 Noy 2000 : 60-61.
  • 41 Noy 2000 : 63-67 ; Tacoma 2016 : 115-117 ; Hin 2013 : 238-239.
  • 42 Cf. Noy 2000 : 63.
  • 43 Hin 2013 : 245-250.
  • 44 Noy 2000 : 60-61.

20On le voit, le repérage de femmes allogènes dans les inscriptions est une démarche semée d’embûches, dont les résultats doivent être considérés avec circonspection. Sur la base des critères que nous venons de mettre au jour (et donc surtout de la mention de l’origine), D. Noy parvient à une recension de 110 femmes issues des provinces à Rome, pour la période allant de la fin du ier s. av. J.-C. au iiie s. apr. J.-C. L’observation la plus importante à laquelle mène ce chiffre serait celle d’un lourd déséquilibre entre les sexes dans cette part de la population de l’Vrbs venue d’ailleurs. En effet, même en ne prenant pas en compte les militaires, qui, puisque nécessairement de sexe masculin, fausseraient ce rapport, à cette centaine de femmes correspondent dans les inscriptions près de quatre fois plus d’hommes (399 au total selon ce même auteur, soit un sex-ratio de 3,62 hommes pour une femme durant la fin de la République et au Haut-Empire)40. Ajouté aux caractéristiques de la pyramide des âges de cette population, qui voit dominer comme âge du décès, chez les hommes comme chez les femmes, la tranche des 20-30 ans41, cela nous ramènerait donc à la domination du schéma du « single adult male » évoqué supra au sujet de la péninsule Ibérique42. Cette disparité entre les sexes aurait alors des implications fortes quant à la typologie des circulations vers Rome ainsi que pour la démographie de l’Vrbs43. On pourrait en outre être tenté d’établir des comparaisons avec d’autres contextes géographiques de l’Empire romain, telle la proportion d’une femme venue d’ailleurs pour 22 hommes dans les inscriptions des Germanies, ou inversement d’une femme venue d’ailleurs pour 1,57 homme dans les inscriptions de Grèce44. Ces différentes observations doivent toutefois être mises en perspective, pour des raisons qui apparaissent de nouveau liées à la nature des sources convoquées.

  • 45 Keegan 2014. Plus largement, au sujet des lacunes et des biais documentaires auxquels se heurte l (...)
  • 46 Hin 2013 : 240.
  • 47 Noy 2000 : 74.
  • 48 Noy 2000 : 72 ; Handley 2011 : 38.
  • 49 Voir aussi Tacoma 2016 : 118.
  • 50 Pour le cas de la ville de Rome, une quarantaine d’individus, dont douze femmes, répartis sur tro (...)

21Le recours aux inscriptions, bien qu’incontournable, ne manque en effet pas d’induire dès le départ un risque de biais dans ce sex-ratio, dans la mesure où les femmes avaient moins accès que les hommes à la production d’inscriptions, pour des raisons tant financières que socioculturelles45. En outre, il y a fort à parier qu’une part importante des circulantes et des migrantes échappe au crible de la recension épigraphique. D’abord parce que l’origine des femmes était moins fréquemment mentionnée que celle des hommes dans les inscriptions46, mais surtout du fait des conditions dans lesquelles elles nous apparaissent dans ces textes. En effet, plus que les hommes, les femmes tendent à commémorer ou être commémorées dans le cadre de leur couple. Or dans ce cas, si ce n’est pas leur migration mais celle de leur époux qui est évoquée, nous ne pouvons, comme nous l’avons vu, que rarement nous prononcer avec certitude sur leur origine locale ou allogène47. De plus, il est possible que les enfants de ces femmes aient été enclins à taire la naissance provinciale de leurs mères (une remarque qui vaudrait aussi, du reste, pour les pères), ce qui expliquerait le faible nombre d’inscriptions dédiées par des descendants directs au sein du corpus48. De manière plus générale, il est difficile d’estimer l’impact sur ces résultats du trafic servile qui était, pour un nombre très élevé d’individus venus d’ailleurs, la cause de leur présence à Rome : la probabilité est en effet grande qu’une proportion importante de ces esclaves, et en particulier parmi eux des femmes, n’aient pas fait l’objet de commémorations épigraphiques et aient donc simplement disparu de notre documentation49. Ainsi, tout porterait à croire que les chiffres auxquels nous mène l’étude des inscriptions ne donnent qu’une vision partielle du sex-ratio effectif des migrations et des mobilités vers Rome à la fin de la République et au Haut-Empire : par comparaison, les nécropoles du suburbium de Rome qui ont fait l’objet d’analyses archéo-anthropologiques présentent seulement 1,5 fois plus d’hommes migrants que de femmes, mais il est vrai que l’on raisonne sur des échantillons bien plus restreints50.

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  • 51 Noy 2000 : 76-78.
  • 52 Cf. toutefois CIL, VI, 1801 = ILS, 854 ; CIL, VI, 2954 = ILS, 2137.
  • 53 Noy 2000 : 64-65 ; Tacoma 2016 : 110-111 et 129-130.
  • 54 AE, 1928, 9 ; CIL, VI, 6340.
  • 55 CIL, VI, 10127 = ILS, 5262 ; CIL, VI, 10110 = ILS, 5216, où Ecloga, sans doute esclave, exerçait (...)

22Pour conclure, que peut-on donc savoir de ces femmes venues des provinces que nous fait connaître l’épigraphie de l’Vrbs, que leur nombre ait été sous-évalué en raison des biais de la documentation ou qu’elles aient été effectivement moins nombreuses que les hommes ? D’abord, soulignons que nous avons pour une large majorité affaire, dans les inscriptions de Rome, à des « ingénues » et à des affranchies, de manière certaine ou probable51. Les pérégrines sont peu nombreuses, sans doute du fait de la diffusion rapide de la citoyenneté romaine dans les provinces52 : elles disparaissent complètement après 212, avec l’octroi du statut de citoyen à l’ensemble des habitants libres de l’empire. La prégnance des affranchies au sein de la population migrante marque, en creux, l’incidence des mobilités serviles sur la présence de non-Romains sur le sol de l’Vrbs, même si les esclaves demeurent peu visibles dans les inscriptions. Du reste, les provinces d’origine les plus fréquentes pour ces femmes sont l’Asie, l’Hispanie, et la Syrie, c’est-à-dire des provenances que l’on peut mettre en rapport avec le trafic des esclaves. La majorité de ces femmes venues d’ailleurs est commémorée (et donc décédée) avant d’avoir atteint 40 ans, en particulier dans la tranche d’âge 20-30 ans, et apparaît intégrée à des groupes familiaux (essentiellement le couple et/ou la famille nucléaire), même s’il n’est que rarement possible de déterminer si une union précédait, provoquait ou suivait l’épisode de mobilité53. Quelques activités professionnelles sont attestées, de manière très sporadique toutefois : deux quasillariae (fileuses) de statut servile54, et deux actrices, esclaves ou affranchies55.

  • 56 Sauf exception telle que celle de Valeria Lycisca, et plus largement dans le cas de commémoration (...)
  • 57 De rares inscriptions livrent des informations à ce sujet, mais elles concernent toutes des homme (...)
  • 58 Aubert 1994.
  • 59 Tacoma 2016 : 131.

23Dans l’état actuel des recherches, il est généralement impossible d’aller au-delà de ces quelques considérations générales, notamment pour préciser la typologie des circulations féminines concernées, depuis le simple voyage jusqu’à la migration définitive. La nature funéraire du corpus pris en considération dans cet article invite certes à penser que l’on a le plus souvent affaire à des déplacements de longue durée, qui justifient davantage que des trajets ponctuels le fait que la dédicace de l’épitaphe ait eu lieu loin de l’endroit d’origine. En revanche, dans la plupart des cas56, la temporalité, les conditions et le devenir prévu de la migration nous échappent totalement : était-elle à sens unique ou un retour était-il envisagé ? Rome était-elle la destination finale de la mobilité, ou une étape dans un parcours plus vaste, en particulier dans le cadre de migrations de travail57 ? La situation est toutefois en quelque sorte simplifiée par le fait que nous avons affaire, pour l’essentiel, à des femmes d’origine servile. Esclaves ou affranchies, leur mobilité n’était pas libre, y compris une fois la liberté retrouvée, du fait des contreparties dues à leur ancien propriétaire : ce lien retenait hommes et femmes à Rome, si le patronus ne décidait pas tout bonnement de les envoyer travailler au loin pour son compte58. Une fois ces charges acquittées, l’affranchi(e) était certes libre de repartir dans sa région d’origine ou vers d’autres horizons, à condition néanmoins que le bénéfice économique, familial ou personnel escompté par ce mouvement ultérieur l’emporte sur la rupture des liens noués à Rome, parfois sur l’espace de plusieurs décennies. Comme le montrent les nombreux affranchis commémorés dans les columbaria romains de leurs anciens maîtres, sans doute seule une minorité d’entre eux, hommes comme femmes, revoyait-elle sa terre de naissance avant de mourir59. La mobilité (et son interruption) constitue dès lors des entrées particulièrement intéressantes pour mieux comprendre l’impact, à la période romaine, de la condition servile sur les destinées individuelles des esclaves et des affranchi(e)s, et ce tout au long des âges de la vie. Plus largement, ces conclusions invitent sans doute, pour des raisons documentaires, à renoncer à vouloir traiter « en bloc » des migrations et des mobilités masculines et féminines : les études consacrées à des groupes spécifiques de circulants, dont la mobilité est particulièrement visible dans des sources de nature variée, marchandes et marchands, soldats et leurs familles, esclaves des deux sexes, entre autres, semblent s’avérer propices à enrichissement dans les années à venir, à condition d’être explicitement et systématiquement étendues aux femmes autant qu’aux hommes, à tout le moins autant que nous le permet la documentation.

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Bibliography

Sources

Abréviations des corpus épigraphiques

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Notes

1 On rappellera ici la distinction opérée par Ch. Tilly (1978) au sujet des périodes modernes entre la « mobilité » au sens large et la « migration », plus circonscrite. Cette distinction tient, dans la perspective de l’auteur, aux critères de la distance et surtout du degré de déracinement culturel et social induit par les pratiques de déplacement, dans l’idée notamment que les migrations viseraient à une installation définitive. De nombreux historiens du monde romain se sont inspirés de ces catégories : ainsi Mihailescu-Bîrliba 2011 ; au sujet de la ville de Rome, Noy 2000 : 53-56 et surtout, dans une perspective plus critique, De Ligt & Tacoma 2016 : 7-8. Toutefois, les facteurs de différenciation retenus par l’historien, tout particulièrement ceux liés au cadre spatio-temporel des circulations, sont difficiles à mettre en place pour des sources anciennes qui restent le plus souvent muettes à ce sujet.

2 Zelinsky 1971.

3 De Ligt & Tacoma 2016 : 12-15.

4 Holleran 2016 : 117-119.

5 Noy 2000 : 60-63 ; de même, Hin 2013 : 234-245 et Tacoma 2016 : 106-141, qui s’appuient sur la documentation réunie par D. Noy ; Ricci 2005 et 2006.

6 Foubert 2011, sur la base des sources littéraires et épigraphiques ; voir aussi les remarques de synthèse proposées par Gourevitch & Raepsaet-Charlier 2001 : 259-261.

7 Foubert 2016, à partir des sources papyrologiques.

8 Autour des cas de Vibia Pacata et de Iulia Lucilla, connues par des inscriptions (Foubert 2013).

9 Cette notion est empruntée aux travaux du sociologue M. Mann (1986), « to express the extent to which particular configurations of social power limit or permit social and geographical mobility » (Woolf 2013 : 353). Cf. Isayev 2017 : 32-34 au sujet de l’Italie à la période républicaine.

10 Cf. les bilans documentaires proposés par Noy 2000 : 4-10 et Tacoma 2016 : 16-26.

11 Woolf 2013 : 360-362 ; Hin 2013 : 234-237 ; Prowse 2016 avec bibliographie et synthèse d’études de cas.

12 Cf. par exemple Parker 2009 ; Foubert 2011.

13 On exceptera le cas particulier des tablettes de Vindolanda, qui se rangent entre papyrologie et épigraphie (Greene 2013).

14 Voir aussi les bilans méthodologiques (relatifs aux étrangers des deux sexes dans l’épigraphie) proposés par Noy 2000 ; Bruun 2016 ; Tacoma 2016 ; Handley 2011 pour la période tardive, durant laquelle les critères d’identification évoluent.

15 Gros 2010.

16 Tacoma 2016 : 214-223.

17 Noy 2000 ; voir aussi Tacoma 2016. Des recherches futures devront mettre à jour cette recension en tenant compte des découvertes documentaires des vingt dernières années, mais surtout à y intégrer les Italiens. Pour d’autres régions de l’empire, qui n’offrent toutefois qu’une documentation très restreinte par comparaison avec celle de l’Vrbs, voir par exemple Haley 1991 (péninsule Ibérique) ; Wierschowski 2001 (Gaules) ; Lassère 2006 (provinces africaines) ; Handley 2011 (Occident tardif, hors Rome).

18 Valeria Lycisca, affranchie d’une femme. À douze ans, je suis venue à Rome. Cette citoyenne qui m’a donné des droits, m’a aussi donné de mon vivant un endroit où être portée quand je serai devenue une petite cendre. CIL, VI, 28228 (CLE, 1054).

19 Noy 2000 : 309. Cet indice onomastique doit toutefois être accueilli avec prudence ; cf. infra.

20 Cf. CIL, VI, 17130 (CLE, 963) ; CIL, VI, 3452 (CLE, 476).

21 Lassère 2005 : 1, 128-140.

22 Voir par exemple le cas d’une negotiatrix en vin et en huile venue de la province de Bétique, dont le nom ne nous a pas été conservé (AE, 1973, 71 = AE, 2001, 518). Voir Pavis d’Escurac 1988.

23 À Rome, on pensera aux membres de la garde prétorienne : originellement recrutés parmi les Italiens puis dans les provinces à partir du iiie s. apr. J.-C., ils pouvaient choisir, une fois libérés de leurs années de service, de rester dans l’Vrbs (Ricci 2018 : 132-133).

24 À Marcus Petronius Honoratus, fils de Marcus, de la tribu Quirina, préfet de la première cohorte des Rhètes, tribun militaire de la première légion Minervia Pia Fidelis, préfet de l’aile des Thraces de la deuxième légion Augusta Pia Fidelis, procurateur de la monnaie, procurateur du xxe des héritages, procurateur de la province de Belgique et des deux Germanies, procurateur des finances de l’Empereur. Iulius Lupercus et Claudia Victorina, de Belgique, Trévires, au meilleur des amis et à leur chef. CIL, VI, 1625 a = CIL, VI, 31834 a.

25 Caius César étant dictateur pour la deuxième fois et Marcus Antonius maître de la cavalerie, l’emplacement du tombeau a été acheté à Quintus Modius, fils de Lucius, de la tribu Quirina. En façade vingt-quatre pieds, en profondeur vingt-quatre pieds. Caius Numitorius Nicanor, affranchi de Caius, originaire de Thèbes, médecin oculiste, Numitoria Philumina, affranchie de Caius, originaire de Phrygie, Caius Numitorius Stabilio, affranchi de Caius, originaire d’ici, Publius Opitreius Butas, affranchi de Caius, originaire de Smyrne. [...] Ils ont fait poser la base. A été ensevelie dans son tombeau Numitoria Erotis affranchie de Caius […] d’origine punique. Quintus Numitorius Isio, affranchi de Caius. [...] a été enseveli ici. CIL, I2, 2965 a.

26 CIL, VI, 6507.

27 À l’exemple de ce qu’il en est dans une inscription tardive d’Acelum, dans la regio X, où une femme du nom de Martina dit avoir parcouru tout le chemin depuis la Gaule pour venir honorer la mémoire de son défunt mari (CIL, V, 2108 ; Handley 2011 : 54 ; de manière plus générale, Tacoma 2016 : 122-123).

28 Aux Dieux Mânes de Titus Lucconius Quartinus, soldat de la neuvième cohorte prétorienne dans la centurie d’Ulpius (il a vécu vingt-cinq ans et fait six ans de service) ; et de Titus Lucconius Paternus, soldat de la douzième cohorte urbaine dans la centurie de Valerius (il a vécu vingt-et-un ans et a fait quatre mois de service), venus de Reii Apollinares. Iulia Quartia, leur mère, a fait faire ce monument (CIL, VI, 2714).

29 Noy 2000 : 68-71.

30 Cf. CIL, VI, 3308 = ILS, 2210 ; 21758. M. Carroll (2009) n’évoque du reste pas cette possibilité dans son étude des modes de commémoration des soldats morts au loin.

31 Tacoma 2016 : 129-130.

32 Ci-gisent Lucius Arlenus Demetrius, affranchi de Lucius, originaire de Cilicie, négociant en manteaux. Arlena Rufa, affranchie de Lucius, son épouse. Lucius Arlenus Artemidore, affranchi de Lucius, originaire de Paphlagonie, marchand de manteaux. Helenus et Nice leurs affranchis ont donné ce monument. CIL, VI, 9675 = ILS, 7577.

33 Treggiari 1991 : 120.

34 Kajanto 1980. Des descendants nés à Rome d’émigrés hellénophones peuvent en effet conserver le grec comme langue de culture, y compris dans les inscriptions ; le grec était de même privilégié par les communautés juives de l’Vrbs (Noy 2000 : 171-176).

35 IGUR, 1202, l. 1-3.

36 Cf. Solin 1996 ; Lassère 2005 : 1, 137-140.

37 Noy 2000 : 6. On pourra mettre ce point en parallèle avec le maintien de l’emploi de cognomina à connotation grecque ou orientale pour des descendants d’affranchis, là où l’historiographie a longtemps soutenu que l’adoption d’un cognomen latin était de rigueur pour effacer la « macule servile » (Thylander 1952).

38 Ainsi par exemple, dans CIL, I2, 3018 a, la présence à Rome de M. Pullius Laetus, de la tribu Arnensis, celle de l’Étrurie méridionale, doit être interprétée comme le signe de son changement de résidence, ce que confirme l’emploi de l’ethnique Frentranus à la suite de la séquence onomastique : Lassère 2005 : 1, 123.

39 Dans leur cas, la tribu apparaît essentiellement dans l’épigraphie provinciale, où elle constitue un signe de distinction à l’égard des pérégrines (Lassère 2005 : 1, 116).

40 Noy 2000 : 60-61.

41 Noy 2000 : 63-67 ; Tacoma 2016 : 115-117 ; Hin 2013 : 238-239.

42 Cf. Noy 2000 : 63.

43 Hin 2013 : 245-250.

44 Noy 2000 : 60-61.

45 Keegan 2014. Plus largement, au sujet des lacunes et des biais documentaires auxquels se heurte l’histoire des femmes pour l’Antiquité romaine, voir Gourevitch & Raepsaet-Charlier 2001 : 25-28.

46 Hin 2013 : 240.

47 Noy 2000 : 74.

48 Noy 2000 : 72 ; Handley 2011 : 38.

49 Voir aussi Tacoma 2016 : 118.

50 Pour le cas de la ville de Rome, une quarantaine d’individus, dont douze femmes, répartis sur trois sites funéraires situés à proximité de l’Vrbs (Prowse 2016 : 212-213). On y ajoutera, pour un site (Isola Sacra), l’existence de huit individus (dont cinq femmes) nés dans la zone de Rome, qui ont ensuite émigré avant de revenir vers leur région d’origine, où ils sont finalement morts (Hin 2013 : 236-237).

51 Noy 2000 : 76-78.

52 Cf. toutefois CIL, VI, 1801 = ILS, 854 ; CIL, VI, 2954 = ILS, 2137.

53 Noy 2000 : 64-65 ; Tacoma 2016 : 110-111 et 129-130.

54 AE, 1928, 9 ; CIL, VI, 6340.

55 CIL, VI, 10127 = ILS, 5262 ; CIL, VI, 10110 = ILS, 5216, où Ecloga, sans doute esclave, exerçait son activité de mime au service du roi Juba II de Maurétanie.

56 Sauf exception telle que celle de Valeria Lycisca, et plus largement dans le cas de commémorations inter uiuos. L. E. Tacoma (2016 : 138) souligne également que pour les allogènes ayant atteint un âge avancé au moment de leur décès, il est probable que la migration était désormais perçue comme définitive, par choix ou par nécessité.

57 De rares inscriptions livrent des informations à ce sujet, mais elles concernent toutes des hommes : voir Ricci 2005 : 27.

58 Aubert 1994.

59 Tacoma 2016 : 131.

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References

Bibliographical reference

Marie-Adeline Le Guennec, “Mobilités et migrations féminines dans l’Antiquité romaine. Une histoire fragmentaire”Clio, 51 | 2020, 33-52.

Electronic reference

Marie-Adeline Le Guennec, “Mobilités et migrations féminines dans l’Antiquité romaine. Une histoire fragmentaire”Clio [Online], 51 | 2020, Online since 02 January 2023, connection on 08 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/17796; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.17796

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About the author

Marie-Adeline Le Guennec

Marie-Adeline Le Guennec est ancienne membre de l’École française de Rome (2015-2019), professeure d’histoire romaine à l’Université du Québec à Montréal et chercheuse associée au laboratoire HiSoMA (UMR 5189). Elle travaille sur les pratiques d’accueil et les mobilités dans l’Occident romain (République – Antiquité tardive). leguennec.marieadeline@gmail.com

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