Navigation – Plan du site

AccueilNuméros50Compléments en ligne : Clio a luKaren Offen, The Woman Question i...

Compléments en ligne : Clio a lu

Karen Offen, The Woman Question in France 1400-1870 et Karen Offen, Debating the Woman Question in the French Third Republic, 1870-1920

Cambridge, Cambridge University Press, 2017, 286 p. et Cambridge, Cambridge University Press, coll. « New Studies in European History », 2018, 694 p.
Anne Cova
Référence(s) :

Karen Offen, The Woman Question in France 1400-1870, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, 286 p.

Karen Offen, Debating the Woman Question in the French Third Republic, 1870-1920, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « New Studies in European History », 2018, 694 p.

Texte intégral

1Ces deux excellents ouvrages forment un continuum bien qu’ils puissent être lus séparément. En effet, ils portent sur des périodes différentes : 1400-1870 et 1870-1920 mais qui se suivent et traitent du même thème : « The Woman Question in France ». De plus, l’architecture de chaque livre est identique et débute par plusieurs pages de citations de protagonistes de l’époque, ce qui d’emblée rend la lecture vivante et nous fait comprendre que l’accent est mis sur les voix des femmes et dans une moindre mesure sur celles des hommes. Admirablement rédigés, de manière très claire, ces ouvrages ont pour auteure Karen Offen qui est internationalement connue comme une grande spécialiste de l’histoire des femmes et en particulier de l’histoire des femmes en France. Innombrables sont ses publications mais ces deux livres constituent une somme inédite de plus de quatre décennies de recherche dans les archives et bibliothèques aux quatre coins du monde. Les notes de bas de pages sont extrêmement abondantes et constituent à elles seules une autre lecture possible que les spécialistes apprécieront puisqu’il y est amplement question de débats historiographiques. Cependant, ces ouvrages ne sont pas réservés à des expert.es mais se destinent à un public plus large car rédigés de manière accessible. En effet, Karen Offen n’élude aucun débat et bien au contraire tient à clarifier la terminologie employée et les concepts utilisés. Ce véritable tour de force est magistralement réussi puisqu’il s’agit à la fois d’ouvrages de synthèse tout en étant détaillés et fondés sur de nombreuses sources et sur une bibliographie quasi exhaustive. Au total, ce sont 980 pages réparties de façon inégale : le premier livre porte sur près de cinq siècles et compte 286 pages alors que le second qui couvre cinquante ans comprend 694 pages. Tous deux possèdent une chronologie très utile et détaillée à la fin de chaque ouvrage. On regrettera l’absence d’une bibliographie même si – et il convient d’insister – les notes de bas de page sont tellement nombreuses qu’en établir une aurait été une tâche laborieuse mais néanmoins réalisable dès lors que limitée à une bibliographie sélective. L’agencement de ces ouvrages aurait également gagné à être différent : pourquoi ne pas les regrouper en un unique volume ce qui aurait permis d’éviter les répétitions notamment dans la préface. D’autant plus, que l’auteure insiste sur le fait que « No aspect of the debates on the woman question actually began with the Third Republic » (p. X de The Woman Question in France 1400-1870). Dès lors, il aurait pu être judicieux de les fondre en un seul livre. En effet, certaines questions cruciales posées dans le premier ouvrage trouvent une réponse à la fin du second volume, telle « Was the “woman question,” ultimately, a Man Problem, an unresolvable problem of male identity and anxieties about masculinity ? » (p. 35 du premier volume). Question réitérante dans le second ouvrage : « Is it then the case that what was long called the “woman question” is really the “man problem” ? » et la réponse affirmative en citant à l’appui Natalie Clifford Barney : « “One must liberate man from man” and “There is no enemy sex ; the enemy of man is man himself” » (p. 629). Il est probable que des contraintes éditoriales ne se prêtaient pas à la publication d’un unique volume puisqu’ils sont parus à un an d’intervalle et pas dans la même collection de la prestigieuse maison d’édition Cambridge University Press : le premier ouvrage a été publié en 2017 et le second en 2018 (collection New Studies in European History).

2The Woman Question in France 1400-1870 porte sur une longue période qui débute au Moyen Âge et se clôt au xixe siècle. Le livre est divisé en sept chapitres qui traitent de multiples thèmes où se détachent les questions relatives à l’éducation et au travail des femmes, abordées respectivement dans les chapitres 4 et 6 qui sont presque deux fois plus longs que les autres chapitres. L’introduction générale du livre expose notamment les objectifs, la méthodologie et la terminologie et est particulièrement didactique et de lecture fondamentale pour les non spécialistes ainsi que pour les expert(es) puisque Karen Offen y retrace les nombreux débats historiographiques. Au fil de la lecture, on est frappé par l’érudition de l’auteure qui narre avec aisance près de cinq siècles d’histoire. Bien entendu, Karen Offen est tributaire de nombre de travaux qu’elle ne manque pas de citer mais sa capacité de synthèse sans perdre le fil conducteur et en mettant l’accent sur le politique reste impressionnante. Elle a déjà habitué ses lecteurs et lectrices à des recherches approfondies sur la longue durée avec son ouvrage European Feminisms (1700-1950) qui portait en sous-titre « A political history » et a été traduit en français. L’insistance sur le politique est récurrente dans The Woman Question in France 1400-1870 puisque les deux premiers chapitres montrent comment les femmes en ont été exclues. Karen Offen explique aussi longuement les implications politiques des termes suivants : « “the woman question”, “woman”, “gender”, “feminism” and “feminist”, “misogyny”, “bourgeois” and “bourgeoise”, and “sociopolitical” » (p. 12). Dans l’impossibilité de citer tous les noms des protagonistes mentionnés, on se reportera à l’index qui est à la fois thématique et onomastique – où se détache une myriade de noms de femmes et d’hommes : Julie-Victoire Daubié, Maria Deraismes, Jenny P. d’Héricourt, Ernest Legouvé, Jules Michelet, Christine de Pizan, Pauline Roland pour n’en citer que quelques un.es. Le chapitre 5 sur la naissance de l’histoire des femmes en France est particulièrement intéressant.

3Le second ouvrage intitulé Debating the Woman Question in the French Third Republic, 1870-1920 est composé de quinze chapitres partagés entre quatre grandes périodes : années 1870-1889, 1890-1900, 1901-1914 et 1914-1920 qui couvrent « the explosion of debates on the woman question during the first fifty years of the Third Republic » (p. ix) et remettent en cause les traditionnelles coupures chronologiques : 1870-1914 ou 1870-1940. De fait, l’intégralité de la Troisième République n’est pas traitée puisque le récit s’achève avec le cinquantième anniversaire de celle-ci. Cependant, quelques brèves incursions postérieures dans le dernier chapitre prolongent le récit jusqu’à la publication du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, en 1949. Tout au long du livre, l’accent est mis sur les diverses formes de contestation et de résistance des activistes. Ainsi, justice est rendue à Hubertine Auclert en tant que pionnière, dès les années 1880, de l’emploi du mot féminisme compris comme la défense des droits des femmes et de leur émancipation. Karen Offen explique les différentes acceptions des adjectifs accolés au terme féministe « “familial feminists,” “integral feminists,” “Christian feminists,” “socialist feminists,” “bourgeois feminists,” “radical feminists,” and, of course, “male-feminists” » (p. 171). Les thèmes étudiés sont légion : avortement, contraception, dépopulation, éducation, famille, maternité, prostitution, sexualité, travail, recherche en paternité, vote des femmes, etc. Une chronologie fine permet de saisir le cheminement de ces idées et leur évolution au gré des années. À noter l’absence d’une liste avec la signification des sigles employés qui faciliterait la lecture aux non spécialistes. Des dates clefs sont mises en exergue telle celle de 1889 qui voit l’organisation de deux congrès sur les femmes à l’occasion de l’exposition universelle qui se tient à Paris : le congrès français et international du Droit des femmes et le congrès des Œuvres et institutions féminines (chapitre 4). La pléthore des associations, fédérées pour certaines au sein du Conseil national des femmes françaises (CNFF) fondé en 1901 à Paris, retient l’attention de Karen Offen (chapitre 9). Le droit de vote des femmes obtenu seulement en 1944 et la lancinante question « “Why did it take so long for women in France to obtain the vote ?” » (p. 490) est traitée dans maints chapitres. Ainsi, à la question du retard français Karen Offen répond (p. 615) : « Yet the political and economic climate of the 1920s and 1930s was unhospitable, to say the least ». L’obtention du droit de vote des femmes était conçue notamment comme un moyen par les féministes de l’époque d’obtenir d’autres réformes.

4Invitation à un dialogue avec les spécialistes, ces ouvrages de synthèse visent également un public plus vaste. Les deux livres feront date et peuvent d’ores et déjà être classés comme des travaux de référence. Si Karen Offen s’est concentrée principalement sur les archives françaises, belges et suisses en raison du thème étudié, ces livres exemplaires sont sans nul doute des modèles à suivre afin de stimuler des recherches dans d’autres pays.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Cova, « Karen Offen, The Woman Question in France 1400-1870 et Karen Offen, Debating the Woman Question in the French Third Republic, 1870-1920 »Clio [En ligne], 50 | 2019, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 13 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/17604 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.17604

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search