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Quitter les siens. Mariage, migration et genre au haut Moyen Âge

Leaving home: marriage, migration and gender in the Early Middle Ages
Emmanuelle Santinelli-Foltz
p. 249-273

Résumés

Les stratégies matrimoniales élitaires entraînent des migrations d’individus des deux sexes, non seulement du conjoint qui rejoint l’autre, mais aussi de toutes sortes de personnes de milieux sociaux différents qui l’accompagnent. Ces migrations ne touchent cependant pas de la même manière hommes et femmes, même si certains aspects présentent des points communs. Il s’agit donc de les analyser, en plaçant le genre au cœur de la réflexion. Elles seront envisagées, dans le royaume des Francs du haut Moyen Âge, d’abord en amont, pour comprendre comment elles sont décidées et réalisées, puis en aval, pour en saisir les conséquences en matière d’identité et d’intégration.

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Texte intégral

  • 1 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317 (trad., t. II, p. 68). La traduction est personnelle.

[Le roi Chilpéric] ordonna de prendre de nombreux domestiques sur les domaines du fisc […] pour les envoyer avec sa fille [chez les Goths]1.

  • 2 Le Jan 1995 : 287-327 et Aurell 2013.
  • 3 Le Jan 2001a : 40-42 ; Arnoux 2010 : 61-71. L’approche genrée des déplacements est ignorée dans l (...)
  • 4 Pour l’époque contemporaine, voir Williams 2010 ; Groes & Fernandez 2018 (partie I) et, centrées (...)
  • 5 Le Jan 1995 : 287.

1C’est ainsi que Grégoire, évêque de Tours (573-594), débute, dans ses Dix livres d’histoires, sa longue description du départ de la princesse mérovingienne Rigonthe pour rejoindre le prince wisigoth auquel elle a été mariée. Au haut Moyen Âge, le mariage s’inscrit dans les stratégies familiales et conforte les alliances entre les groupes qui, dans les élites, contrôlent des territoires différents, parfois éloignés. L’un des époux, le plus souvent la femme dans une société qui privilégie la résidence virilocale, doit donc quitter sa famille, la région où le pouvoir de celle-ci est ancré, voire son royaume, pour rejoindre son conjoint et s’établir ailleurs, comme c’est le cas pour Rigonthe, fille du roi franc de Neustrie Chilpéric (561-584) et de Frédégonde, envoyée en Espagne pour y épouser Récarède, fils du roi des Wisigoths. Si les enjeux et les visées des stratégies matrimoniales élitaires, ainsi que les contraintes qui pèsent sur elles, sont aujourd’hui mieux connues2, leur approche par le biais du genre est beaucoup plus récente et ponctuelle et leur étude sous l’angle des migrations quasi inexistante3, du moins pour l’époque médiévale4. Les médiévistes insistent certes, à la suite des anthropologues, sur l’échange des femmes entre les groupes familiaux5, mais peu sur les déplacements que cela entraine – non seulement pour la mariée, mais aussi, à sa suite, pour toutes sortes d’individus des deux sexes, en particulier issus de la domesticité, ce dont témoigne Grégoire de Tours à la fin du vie siècle pour Rigonthe –, ni donc sur leurs conséquences démographiques, sociales et culturelles. En outre, la capacité des femmes à hériter des terres, puis à partir du xe siècle du pouvoir princier et seigneurial, aboutit parfois à des migrations masculines consécutives au mariage, généralement passées sous silence au profit de l’opportunité dont bénéficie le mari pour accroître son pouvoir. Il est vrai que la documentation écrite qui s’attache principalement à préciser les droits et le degré de puissance des uns et des autres, ou du moins la perception qu’en ont les auteurs, se contente le plus souvent d’enregistrer tel mariage, sans autres précisions. Pourtant, quelques allusions éparses, dans les chroniques et histoires, à l’image de celle de Grégoire de Tours, voire dans les sources hagiographiques, poétiques et diplomatiques, invitent à s’interroger sur ces pratiques dans le royaume des Francs entre le vie siècle et le xiie siècle : de quelle manière interviennent les deux sexes pour décider, organiser, accepter ou subir de telles migrations ? Comment hommes et femmes vivent-ils la séparation, qu’ils partent ou qu’ils restent ? Quelles sont les répercussions de ces déplacements sur les identités féminines et masculines ? Le genre intervient-il pour expliquer la reconnaissance ou le refus de l’altérité, de la part des accueillant.es comme des arrivant.es, ainsi que la capacité d’intégration des nouveaux et nouvelles venu.es dans un cadre de vie différent ? Les transformations des structures de parenté qui prennent une organisation plus verticale à partir de la fin du ixe siècle modifient-elles les pratiques ? L’article se propose, en plaçant le genre au cœur de la réflexion, d’analyser en amont et en aval les caractéristiques des migrations liées à un mariage, telles qu’elles sont présentées par la documentation : d’une part, leur décision et leur réalisation ; d’autre part, leurs conséquences en matière d’identité et d’intégration.

Décider, organiser et vivre les migrations liées aux stratégies matrimoniales

2Dans la mesure où les stratégies matrimoniales élitaires conduisent à la mobilité de l’un des époux, mais aussi d’autres personnes, il importe d’analyser dans une perspective genrée non seulement qui est concerné – qu’il s’agisse de décider, de subir ou d’accompagner –, mais aussi de quelle manière se réalise le déplacement et comment est vécue la séparation, tant par celles et ceux qui partent que par celles et ceux qui restent.

Des migrations plus souvent féminines que masculines

  • 6 Wolfram 1990: 326-330; Wood 1994: 43; Santinelli-Foltz 2018a: 199.
  • 7 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 209-210). Voir Dumézil 2008 : 113-123 et 16 (...)
  • 8 Le Jan 2001a : 40-41 (mariage d’Ogive et Charles le Simple en 919 ; de Gerberge et Louis IV en 93 (...)
  • 9 Le Jan 1995 : 313-326 ; Lett 2013 : 352-353 et 355.
  • 10 Hucbald de Saint-Amand, Vita Rictrudis, c. 2, col. 831 (originaire de Gascogne), c. 5, col. 833 ( (...)
  • 11 Dhondt 1964-1965 : 39.
  • 12 Gislebert de Mons, c. 123, p. 191-192 (trad., p. 319-323). Voir Santinelli-Foltz 2010 : 67.
  • 13 Lachaud 2013 : 119-120 ; Lett 2013 : 355.

3Tout au long du haut Moyen Âge, comme à d’autres époques, les stratégies familiales conduisent les individus, femmes principalement, à quitter leur famille pour rejoindre celle de leur conjoint et donc parfois, notamment pour les élites – seules véritablement éclairées par la documentation –, à passer d’un royaume à l’autre, ou du moins d’une région à l’autre. Ainsi, au tournant du ve siècle et du vie siècle, dans le contexte des mariages politiques conclus entre les principales puissances barbares établies en Occident, visant à établir une sorte de statu quo entre elles, Audoflède, sœur de Clovis, quitte le royaume des Francs pour rejoindre la cour des Ostrogoths (en Italie), les deux filles de Théodoric, Thiugigothe et Ostrogothe, le royaume des Ostrogoths pour gagner respectivement celui des Wisigoths (en Aquitaine et une partie de l’Espagne) et celui des Burgondes (dans le sud-est de la Gaule) et Clotilde, celui des Burgondes pour celui des Francs (entre Loire et Rhin)6. Aux générations suivantes, plusieurs mariages sont conclus entre les familles royales franques et wisigothiques, ce qui conduit des princesses mérovingiennes à partir pour l’Espagne, à l’image de Rigonthe, et inversement des princesses wisigothiques à s’installer dans les cours franques, comme Brunehaut et Galesvinthe, mariées aux rois Sigebert (561-575) et Chilpéric (561-584), contrôlant respectivement l’Austrasie et la Neustrie7. Aux siècles suivants, pour ne prendre que quelques exemples parmi les femmes épousées par les rois francs, Ogive, épouse de Charles le Simple (898-922), est originaire du Wessex, Gerberge, mariée à son fils Louis IV (936-954), provient de Germanie, et Anne, unie à Henri Ier (1031-1060), arrive de la principauté de Kiev8. Toutes les reines ne viennent pas forcément de contrées lointaines : les mariages relèvent des stratégies politiques, visant principalement à créer ou renforcer des alliances, tout en tenant davantage compte à partir de l’époque carolingienne des interdits de parenté étendus par l’Église9, mais sans se soucier des distances – ce qui n’exclut pas des préoccupations territoriales –, ni des conséquences de l’expatriation. Il en est de même dans les élites aristocratiques : au viie siècle, Rictrude, originaire de Gascogne, vient s’installer chez son mari, possessionné en Artois10 ; au xe siècle, Rozala, fille du roi d’Italie Bérenger II et de Willa, rejoint la Flandre pour y épouser le comte Arnoul II11 ; à la fin du xiie siècle, Marie, mariée à Baudouin VI, quitte la Champagne pour le Hainaut12. Les stratégies conduisent néanmoins parfois les élites à privilégier l’endogamie géographique (à des échelles variables) pour renforcer leur assise locale13.

  • 14 Annales de Saint-Aubin, a. 1043, p. 4 ; Chronique de Saint-Maixent, a. 1044, p. 123. Voir Santine (...)
  • 15 Richer, III, 92-93, t. II, p. 116-119. Voir Santinelli-Foltz 2013a : 10-13.
  • 16 Lambert d’Ardres, c. 93, p. 605.
  • 17 Duby 1996 : 1390-1394.
  • 18 Le Jan 1995 : 264.
  • 19 Sur la participation du mariage aux compétitions élitaires, Santinelli-Foltz 2018b.

4Dans une société dominée par les hommes, les stratégies apparaissent d’abord comme celles des hommes. On ne saurait cependant opposer migrations féminines et stratégies masculines. D’une part, si la documentation se focalise sur les hommes, leurs choix et leurs gestes, cela n’exclut pas la participation des femmes aux décisions ni leur association aux actes. D’ailleurs, lorsque le veuvage ou d’autres circonstances l’exigent, les femmes se substituent à leur mari et se comportent de manière similaire, en particulier pour décider du mariage de leurs enfants et donc des migrations plus ou moins lointaines qui en découlent pour les filles. Ainsi en est-il pour Agnès, veuve du duc Guillaume V d’Aquitaine († 1030), même si elle y associe son second mari, Geoffroi Martel comte d’Anjou : pour les sources angevines et poitevines, c’est elle qui se charge de négocier, dans les années 1043-1044, le mariage de ses deux fils, pour renforcer leur pouvoir régional, et de sa fille pour accroître le prestige familial sur l’échiquier international : celle-ci, mariée à l’empereur Henri III, quitte le sud-ouest de la Francie pour la Germanie ; le mariage du second fils, Gui-Geoffroi, alors duc de Gascogne, est négocié avec une autre veuve, la comtesse Aïna de Périgord14, qui envoie sa fille dans une cour princière beaucoup plus proche. D’autre part, si la résidence virilocale, c’est-à-dire l’établissement du couple dans une maison qui relève du patrimoine du mari, constitue la norme et explique que l’expatriation soit plus souvent le fait des femmes que des hommes, il arrive que ce soit le mari qui vienne s’établir chez sa femme, pour tirer profit des biens, des droits et, à partir du xe siècle, du pouvoir qu’elle détient. En 980, Louis V est ainsi conduit par son père Lothaire (et probablement sa mère Emma) en Aquitaine, où il est marié à Adélaïde, veuve d’Étienne de Brioude puis de Raimond de Toulouse, donc détentrice à ce double titre de revenus, d’alliés et de fidèles dans ces régions, ce qui doit permettre au jeune roi, selon Richer, « de soumettre à sa domination tout à la fois l’ensemble de l’Aquitaine et la Gothie, après avoir transféré les places les plus fortifiées du droit de sa nouvelle épouse au sien »15. À la fin du xiie siècle, à un échelon social et géographique plus petit, Lambert d’Ardres explique que le jeune Arnoul de Guînes recherche les grâces d’Ide, héritière du comté de Boulogne, pour posséder, en devenant son mari, la terre de Boulogne et la dignité comtale16. Ses manœuvres n’aboutissent pas, mais ses tentatives, alors qu’il est en conflit avec son père, laissent supposer qu’il projetait de s’établir dans le comté de Boulogne, au moins jusqu’à ce qu’il récupère l’héritage paternel17. L’organisation progressive, à partir de la fin du ixe siècle, des groupements de parenté en lignages, privilégiant la transmission du patrimoine et des fonctions en ligne directe ainsi que la primogéniture, masculine et à défaut féminine, favorise la chasse aux héritières, dont le nombre s’est multiplié en même temps que les cas d’expatriation masculine, définitive pour les cadets et temporaire pour les aînés. Les déplacements dans ce contexte sont cependant beaucoup plus proches pour les hommes qui ne peuvent s’imposer sans bénéficier de relations personnelles, que pour les femmes qui ne sont pas soumises aux mêmes impératifs. Ils sont aussi présentés différemment : alors que pour les femmes, ils symbolisent le passage d’une tutelle (père, frère ou oncle), à une autre (mari)18, pour les hommes, ils apparaissent comme une victoire permettant à celui qui s’est imposé, dans le cadre des compétitions élitaires19, d’afficher le surcroît de pouvoir et de prestige procuré par le mariage.

Des migrations en cortèges ostentatoires

  • 20 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 318-319 (trad. t. 2, p. 69-70).
  • 21 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 210).
  • 22 Fortunat, VI, 5, t. II, p. 69.
  • 23 Fortunat, « Introduction », p. XXIII.
  • 24 Guillaume de Poitiers, I, 22, p. 50-51.
  • 25 Richer, III, 93, p. 118-119.
  • 26 Entre autres, Des sociétés en mouvement (2010), « Introduction », p. 13-14 et partie 3 « Circulat (...)
  • 27 Grégoire de Tours, VII, 9, p. 331 (trad., t. II, p. 84-85).

5La documentation qui s’intéresse principalement aux enjeux de pouvoir enregistre fréquemment les mariages, mais sans préciser comment les époux en viennent à se retrouver concrètement. Elle fait néanmoins parfois allusion au cortège qui conduit l’un des conjoints, le plus souvent la femme, chez l’autre. Pour Rigonthe, Grégoire de Tours évoque, outre les charriots dans lesquels étaient placés de nombreux domestiques, les cinquante autres nécessaires pour transporter les multiples richesses offertes à la princesse par son père, sa mère et les Francs, auxquelles s’ajoutent de nombreux chevaux, mais aussi une escorte de plus de 4 000 personnes20. Comme fréquemment au Moyen Âge, les chiffres ne visent pas tant à enregistrer des effectifs réels qu’à traduire des ordres de grandeur, et donc ici l’importance du cortège. Moins prolixe pour Brunehaut et Galswinthe, parce que cela ne participe pas au message qu’il veut faire passer, l’auteur n’en précise pas moins que les princesses wisigothiques ont été envoyées par leur père à leurs futurs maris, avec de nombreux présents et de grandes richesses, ce qui suppose des chariots pour les transporter et des troupes pour les protéger21. Fortunat qui a vu passer à Poitiers le cortège de Galesvinthe, transportée dans une « tour d’argent roulante », vante sa « pompe royale »22 : si ses poèmes sont l’occasion de souligner sa culture, celle de ses commanditaires et de leurs destinataires, et de flatter les uns ou les autres, il ne peut s’éloigner trop de la réalité dans cette élégie composée peu après l’assassinat de Galesvinthe et destinée à consoler sa mère et sa sœur23. Au xie siècle, Guillaume de Poitiers, contemporain des événements et probablement témoin, rapporte que le puissant Baudouin V de Flandre (et certainement son épouse Adèle) conduit « avec dignité » sa fille, Mathilde, en Ponthieu pour la remettre à son futur mari, le duc Guillaume de Normandie24, ce qui implique la présence, avec la famille princière flamande, de parents, alliés, fidèles et compagnons armés. C’est aussi en cortège que, dans le cas d’une résidence uxorilocale, le futur mari rejoint sa femme, à l’image de Louis V, conduit en Aquitaine en 980 par son père le roi Lothaire qui emporte les insignes royaux, accompagné d’une nombreuse cavalerie et de chariots chargés de nourritures en abondance, si l’on en croit Richer contemporain des faits25. S’il n’y a pas de distinction entre les sexes ni d’évolution sur la manière d’organiser ces migrations, c’est parce que, dans une société où le pouvoir est ostentatoire, ces cortèges constituent autant d’occasions de manifester la puissance26 : non seulement dans les contrées traversées, mais aussi dans les régions d’accueil. Grégoire de Tours rapporte ainsi qu’à l’approche du royaume des Wisigoths, Rigonthe et les siens se préoccupent de redonner au cortège, éprouvé par le voyage, toute l’élégance qui convient pour imposer le respect à leur arrivée dans leur nouvelle patrie27.

  • 28 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317 (trad., t. II, p. 68).
  • 29 Fortunat, VI, 5, t. II, p. 70-71.
  • 30 Raoul Glaber, III, 40, p. 219.
  • 31 Sur la distinction migration collective / individuelle et spontanée / contrainte, Des sociétés en (...)
  • 32 Arnoux 2010.

6Une partie du cortège s’en retourne, mais une autre reste : les futures épouses, et en moins grand nombre les futurs époux, ne sont pas seuls à être concernés par les migrations liées aux stratégies matrimoniales élitaires. Ils s’installent, en effet, à la cour de leur conjoint.e avec des fidèles, laïcs et religieux, hommes et femmes, ainsi que des domestiques des deux sexes, tout autant expatriés qu’eux, destinés à leur service, en même temps qu’à faciliter la transition de leur maîtresse – ou maître – d’une cour à l’autre. Selon Grégoire de Tours, parmi ceux qui sont contraints de partir avec Rigonthe, il y a des domestiques, mais aussi des individus de « meilleure naissance », pourvus de biens dont ils disposent avant de partir, ce qui prouve que le départ est considéré comme définitif28 : les premiers sont soumis au bon vouloir du roi, les seconds ne peuvent s’opposer à ses ordres, sans remettre en cause son autorité, à leurs dépens et à ceux de leur famille. L’auteur, qui n’aime pas Chilpéric, se plait à détailler le cortège de toutes celles et ceux qui ont été obligés de suivre sa fille pour insister sur sa tyrannie. Il n’en demeure pas moins que des individus des deux sexes ont accompagné Rigonthe de bon ou mauvais gré. Plus précis, Fortunat, contemporain de Grégoire de Tours, mentionne la nourrice de Galesvinthe qui a accompagné – sans préciser si c’est spontanément ou contrainte – la princesse dans sa nouvelle patrie et s’est engagée auprès de la reine des Wisigoths à veiller sur sa fille29. Au xie siècle, Raoul Glaber, contemporain des faits, évoque les nombreux gens du Midi qui ont accompagné à la cour capétienne Constance d’Arles au moment de son mariage avec le roi Robert le Pieux30. Les migrations liées au mariage relèvent donc des migrations à la fois individuelles (du ou de la marié.e) et collectives (de celles et ceux qui les accompagnent). Elles mêlent aussi migrations spontanées et contraintes31, mobilités choisies et subies32.

Des séparations douloureuses ?

  • 33 Sur la participation des deux sexes aux stratégies familiales, Santinelli-Foltz 2013b et 2018b.
  • 34 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317-318 (trad., t. II, p. 68-69).
  • 35 Fortunat, VI, 5, t. II, p. 61-68.
  • 36 Sur le langage des larmes et son approche genrée, Santinelli-Foltz 2003 : 30-39.
  • 37 George 1992 : 96-101 ; Davis 1967.
  • 38 Voir ci-dessus.
  • 39 Fortunat a pu en être informé par la sœur de Galesvinthe, Brunehaut, que l’auteur a rencontrée. L (...)
  • 40 Sur des scènes d’adieux comparables lors du départ pour la première croisade, Santinelli-Foltz 20 (...)
  • 41 Le Jan 2001a : 40. Il existe des exceptions : Anne de Kiev finit par retourner en Russie (Dhondt (...)
  • 42 Lett 2009 : 328-329. Sur la nature des relations en fonction de la distance géographique (p. 332- (...)
  • 43 Cas de Gerberge étudié par Régine Le Jan : les voyages de la reine en Germanie pour solliciter l’ (...)
  • 44 Grégoire de Tours, III, 10, p. 106-107 (trad., t. I, p. 151).
  • 45 Gerbert d’Aurillac, 97, t. I, p. 233-235.

7La documentation s’intéresse peu aux états d’âmes de celles et ceux concernés, au-delà du mariage, par une séparation, puisque cela n’intervient pas dans la définition des stratégies. Si les autorités religieuses exigent, plus fermement à partir de l’époque carolingienne, le consentement des époux pour que le mariage soit légitime, sa validité repose d’abord, avant comme après, sur l’accord des familles, composées d’hommes et de femmes33, et la norme veut que chacun.e se soumette au rôle attendu pour défendre les intérêts du groupe. Cela ne signifie cependant pas que tous acceptent impassiblement la séparation. Grégoire de Tours évoque les adieux de Rigonthe à ses parents et l’élite franque réunie pour l’occasion, au milieu « des larmes et des baisers ». Il mentionne aussi les pleurs (flentes), les gémissements (gemitus) et les lamentations (planctus) des domestiques séparés de leurs parents pour l’accompagner34, ce qui correspond au vocabulaire du deuil. Fortunat rappelle, dans son poème composé à la mort de Galesvinthe, le moment où Chilpéric l’a demandée en mariage et décrit la frayeur éprouvée par la princesse à l’idée de s’expatrier, la souffrance de sa mère, la reine Goisvinthe, qui ne sait si elle reverra sa fille, de même que les gémissements (gemitus) de la mère et de la fille et les larmes (fletus, lacrimae) maternelles qui se propagent ensuite aux grands, aux domestiques, au palais, à la ville, au roi35. La tristesse et la souffrance, liées à la séparation, sont partagées par les deux sexes, même si la documentation se focalise plus souvent sur le comportement des femmes36. C’est le cas ici, où le poète, mobilisant les ressources de la rhétorique antique des lamentations37, met en scène la douleur de la mère et de la fille, ce qui le conduit à construire les querelae (plaintes) prononcées par l’une et l’autre, imaginées de toute pièce, mais dans la mesure où il s’agit d’un poème de consolation destiné notamment à Goisvinthe38, il ne peut inventer de l’attachement39 et donc de la souffrance, là où il n’y aurait qu’indifférence. Pour autant, il est difficile de saisir la réalité des sentiments, du fait que l’on ne sait pas si les auteurs reflètent des situations réelles ou idéales, et quand bien même ce serait des scènes réelles, si les individus se comportent conformément à leur ressenti ou à ce que les conventions exigent d’eux40. Il n’empêche que le mariage est le plus souvent « un voyage sans retour »41, ce qui explique que la séparation qui en résulte puisse être assimilée à celle provoquée par la mort. Toute relation n’est cependant pas rompue avec les consanguins, le statut d’épouse se combinant avec celui de fille et de sœur42. Si la distance, autant parfois que les rapports de pouvoir43, peut limiter – sans les exclure – les visites familiales, les liens sont conservés, ne serait-ce que par le biais d’envoyés, comme ceux adressés par Clotilde, fille de Clovis et Clotilde, à son frère Childebert44 en 531, ou de missives, comme celle écrite par Gerbert d’Aurillac fin 986-début 987, au nom de la reine Emma, à sa mère l’impératrice Adélaïde45. La question de la séparation ne se pose cependant pas de la même manière pour celles et ceux qui partent et celles et ceux qui restent, dont certains et surtout certaines ont souvent vécu l’expérience des premier.es : pour celles et ceux qui partent, s’ajoute à l’abandon d’un entourage familier la perspective de rejoindre un cadre plus ou moins inconnu, dans lequel il leur faut trouver leur place.

S’intégrer, en affirmant ou modifiant son identité

  • 46 Sur l’altérité, approche générale de Wieviorka & Ohana (2001) et Ferréol & Jucquois (2003) et, ce (...)

8L’arrivée dans un nouvel environnement implique une capacité d’adaptation à l’autre46, que l’arrivant soit homme ou femme. Dans les élites royales et aristocratiques, comme les migrations liées au mariage affectent davantage les femmes que les hommes et que la plupart des femmes sont vouées au mariage, celles-ci sont le plus souvent amenées à connaître ce type d’expérience, alors que ce n’est le fait que d’une minorité d’hommes qui arrivent par ailleurs dans leur nouveau milieu pourvus de leur supériorité masculine, contrairement aux femmes dont on attend la soumission au mari. Il en résulte des modalités d’intégration différentes pour l’un et l’autre sexe, mais aussi selon les femmes, davantage concernées et mieux éclairées, avec des résultats variables, fonction de multiples paramètres, en particulier la nature de l’accueil qui leur est réservé par le mari et son entourage. Il s’agit de les préciser en soulignant de quelle manière ils influent sur les caractères identitaires du nouveau membre de la famille, mais aussi sur l’identité et le comportement de celles et ceux qui l’accompagnent, même si la documentation reste le plus souvent encore plus discrète à leur sujet.

Mariage, cérémonie d’accueil ou rassemblement politique ?

  • 47 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 210).
  • 48 Fortunat, V, 1, t. II, p. 44.
  • 49 Sur ce poème, Dumézil 2008 : 117-119.
  • 50 Gislebert de Mons, c. 123, p. 192 (trad. p. 323).
  • 51 Richer, III, 94, t. II, p. 118-119.

9L’accueil de la nouvelle venue, voire du nouveau venu, en même temps que les noces donnent lieu à des festivités, régulièrement évoquées par les sources, puisqu’elles témoignent des alliances et sont l’occasion de rassembler les groupes qui y affichent leur puissance, voire d’honorer celui de l’épousé.e qui y participe. À la fin du vie siècle, Grégoire de Tours précise que Sigebert a réuni les grands pour l’occasion et organisé un banquet et que Galesvinthe, lorsqu’elle arriva auprès de Chilpéric, fut accueillie « avec beaucoup honneur »47. Fortunat confirme le faste déployé pour le mariage de Sigebert et Brunehaut auquel il a assisté48 : le poème récité à cette occasion est certes un panégyrique, mais il ne peut déformer complètement la réalité, même s’il flatte49. À la fin du xiie siècle, Gislebert de Mons, lui aussi certainement témoin, mentionne les réjouissances organisées à Valenciennes à l’occasion du mariage de Baudouin VI et de Marie de Champagne qui vient d’arriver à la cour hainuyère, auxquelles participent une assistance nombreuse50. Richer qui écrit à la fin du xe siècle montre qu’il en est de même lorsqu’il s’agit d’accueillir un marié plutôt qu’une mariée : Adélaïde, reçoit son futur époux et sa suite « avec grand apparat »51. Si ces rassemblements festifs participent à la représentation du pouvoir, ils sont aussi l’occasion pour l’épousé.e de rencontrer les élites de sa nouvelle patrie et de nouer les premiers liens, essentiels pour favoriser son intégration.

  • 52 Fortunat, V, 1, t. II, p. 44-45.
  • 53 Le Jan 2013 : 34-37 et Santinelli 2020.
  • 54 Le Jan 1995 : 348.
  • 55 Richer III, 95, t. II, p. 120-121. Sur les causes, Santinelli 2013a : 10-17.

10Pour autant, ces festivités qui célèbrent l’union d’un couple et l’arrivée d’un nouveau membre dans la famille ne signifient pas que celui ou celle, ainsi accueilli.e, trouve facilement sa place ni qu’on lui permet de la trouver véritablement. Si l’on en croit Grégoire de Tours, le prestige des deux princesses wisigothiques, ainsi que la rivalité entre les deux frères Sigebert et Chilpéric, conduisent certes à l’organisation de cérémonies fastueuses par l’un et l’autre roi, mais, dans un cas, la mariée – Brunehaut – parvient à s’intégrer à la cour royale, alors que dans l’autre, Galesvinthe est négligée par le roi et finit peu après par être assassinée. L’auteur avance un des éléments explicatifs : Sigebert se distingue des autres rois mérovingiens polygames par sa volonté de respecter la monogamie, ce que confirme Fortunat52, alors que Chilpéric néglige Galesvinthe au profit de Frédégonde, ce qui ne permet pas à la première de s’affirmer comme elle le souhaiterait. Dans une société où la polygynie masculine est fréquente dans les élites, parce qu’elle participe à la compétition que se livrent rois et aristocrates, l’intégration de la mariée dans sa nouvelle patrie implique d’abord qu’elle parvienne à s’imposer comme partenaire à son mari et à rivaliser avec les autres femmes de son entourage. À partir de l’époque carolingienne, le discours plus ferme en faveur de la monogamie conduit à renforcer la position de l’épouse légitime, sans pour autant faire disparaître la polygynie53. L’insertion dans le nouveau groupe familial peut cependant être remise en cause en cas de stérilité du couple, puisque l’épouse qui en est considérée comme seule responsable est alors souvent répudiée54. Si les choses se présentent différemment lorsque c’est un homme qui vient s’établir chez sa femme, cela ne signifie cependant pas que l’intégration est toujours gagnée d’avance. Si l’on en croit Richer, la mésentente du jeune Louis V avec Adélaïde conduit le roi Lothaire à venir rechercher son fils en Aquitaine deux ans après son mariage et son installation55.

L’intégration dans une nouvelle famille et une nouvelle patrie

  • 56 Pour une approche anthropologique, Todd 1994.
  • 57 Richer III, 95, t. II, p. 120-121.
  • 58 Frédégaire, IV, 30, p. 94-95. L’auteur qui écrit en 660, enregistre le mariage en 607 et la répud (...)
  • 59 Coens 1926 : 112 et 114 ; Venarde 2001 : 359.
  • 60 Drogon de Saint-Winoc, c. 2-3, éd. p. 128 (trad., p. 364). 
  • 61 Joye 2010 : 79-81.
  • 62 Drogon de Saint-Winoc, c. 3, éd. p. 128 (trad., p. 364). Voir Santinelli-Foltz, 2018b : 162-163.
  • 63 Bürher-Thierry 1992 : 299 ; Jong 2009 : 41-42 et 195-200.
  • 64 Guibert de Nogent, I, 12, p. 76-85.
  • 65 Santinelli 2020.

11L’intégration exige plus ou moins d’efforts selon le sexe de l’arrivant, mais aussi en fonction du contexte, voire d’autres critères56. Lorsque le nouveau venu est un homme, il compte sur l’ancrage local de sa femme, que cela soit par le biais de son patrimoine ou de son réseau d’alliance et de fidélité, mais il est perçu comme le fondateur d’une nouvelle lignée, dont il fixe les traits. Pour Richer, il ne fait guère de doute que l’abandon par Louis V de la tenue des gens de sa patrie pour celle d’étrangers57, est révélateur de son incapacité à imposer son autorité. Quand, cas plus fréquent, c’est une femme qui arrive dans la maison de son mari, on attend d’elle qu’elle s’intègre dans la famille de celui-ci, ce qui implique de composer avec le reste de la parenté, en particulier la mère de l’époux si elle est toujours en vie. Si la nouvelle épouse, quelle que soit son origine géographique et la distance parcourue, n’est pas forcément toujours perçue par sa belle-famille comme une étrangère dont il faut se méfier, il arrive néanmoins qu’elle soit victime de persécutions plus ou moins importantes, souvent davantage liées cependant à des tensions intrafamiliales qu’à des incompatibilités de personnes. Si l’on en croit la chronique de Frédégaire, qui rapporte les faits un demi-siècle après, la princesse wisigothique Ermenberge aurait eu à souffrir des manœuvres de la sœur (Théodelane) et de la grand-mère (Brunehaut) du roi Thierry qui aurait fini par la renvoyer en Espagne sans avoir consommé le mariage58. Il reste cependant difficile de saisir précisément ce qui se cache derrière ces rivalités et pourquoi Brunehaut, probablement partie prenante de cette union compte tenu à la fois de son autorité et de son origine wisigothique, se serait ensuite acharnée contre sa compatriote. Si l’arrivée d’une nouvelle venue provoque une rupture des équilibres familiaux, il y a très certainement d’autres enjeux, peut-être liés ici à un intérêt moins important pour une alliance avec les Wisigoths. De même, la Vie de Godelive, rédigée vers 1084 par Drogon, moine à Saint-Winock de Bergues, contemporain des faits59, précise que la haine de Berthold pour son épouse est attisée par la mère de celui-ci. Au-delà du discours sur la haine habituelle des belles-mères pour leurs belles-filles60, liées à la redéfinition de la place de la mère après le mariage de son fils61, il y a probablement surtout la contestation d’un mariage avec « une femme d’une autre patrie », sur lequel la mère de Berthold n’a pas été consultée62. Si la documentation met en avant les compétitions qui opposent belles-mères et belles-filles, il arrive que les difficultés rencontrées par l’épouse soient dues à d’autres parents. Les accusations d’adultère portées à l’encontre de l’impératrice Judith au ixe siècle sont ainsi aujourd’hui interprétées comme l’un des moyens utilisés par Lothaire – fils aîné de l’empereur Louis le Pieux issu d’un premier mariage – et ses partisans pour éliminer la faction proche de Judith qui tendait à monopoliser l’accès à l’empereur63. Guibert de Nogent mentionne, au début du xiie siècle, dans son autobiographie, les pressions subies par sa mère de la part de ses parents par alliance parce qu’elle tardait à donner naissance aux enfants attendus et qu’ils espéraient ainsi se débarrasser d’une épouse considérée comme stérile64. La belle-famille n’a probablement le plus souvent aucune raison d’accueillir avec réticence celle qui symbolise une alliance. L’intégration se traduit alors par la gestion complémentaire par le couple de la vie quotidienne pour défendre les intérêts familiaux, ainsi que par l’inhumation de l’épouse dans un lieu lié à sa famille par alliance, même lorsqu’elle est parfois originaire d’une région proche, ce qui garde la mémoire de son assimilation par le groupe familial65.

  • 66 Richer, III, 95, p. 120-121.
  • 67 Santinelli-Foltz 2003 : 205-207. Pour les xiie-xiiie siècles dans les royaumes de Castille et Léo (...)
  • 68 Sur les différentes formes de dotation de l’épouse, leurs évolutions et leurs sens au haut Moyen (...)

12Être accepté.e dans un groupe est une chose, s’y imposer en est une autre. Cela implique certains éléments communs aux deux sexes, puisque l’exercice du pouvoir repose sur des fondements similaires, en particulier une forte personnalité et des biens qui permettent de créer un réseau de fidélité et d’alliance dans la nouvelle patrie. Richer souligne pour Louis V que son manque de ressources et de forces militaires ne lui permet pas de s’imposer66. Pour les femmes, la dot constituée par les parents est sur ce plan essentiel : si elle participe au fonctionnement du couple, elle reste la propriété de l’épouse et lui permet de bénéficier d’une certaine marge de manœuvre67. S’y ajoutent les biens donnés par le mari, dont la nature et l’importance sont par ailleurs révélatrices de la place octroyée à l’épouse dans sa nouvelle famille68. D’autres éléments sont cependant spécifiques à chacun des sexes : la place de l’épouse n’est pas assurée tant qu’elle n’a pas mis au monde les enfants qui doivent contribuer à perpétuer la lignée ; le mari doit s’illustrer par ses capacités militaires, dans une société où le pouvoir s’impose par les armes.

  • 69 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 210).
  • 70 Grégoire de Tours, II, 29, p. 74 (trad., t. I, p. 117).
  • 71 Vie de sainte Geneviève, c. 26 et 56 ; Wood 1994 : 40-45 ; Isaïa 2010 : 96-100 et 105-113.
  • 72 Favrod 1997 : 245-247 et p. 368-370.
  • 73 Raoul Glaber, III, 40, p. 218-219.
  • 74 Raoul Glaber, III, 32, p. 202-203.
  • 75 Sur les relations de ce couple, Santinelli-Foltz 2013b : 89-91.

13La volonté de s’intégrer nécessite parfois, pour les femmes, d’abandonner une part de leur identité, ce qui n’est pas le cas pour les hommes qui imposent leurs référents identitaires en même temps que leur autorité : Brunehaut et Galesvinthe ont ainsi dû renoncer à leur religion pour se convertir au catholicisme69, pratiqué par les rois mérovingiens. Il est difficile cependant de savoir si ce renoncement est vécu comme un déchirement ou s’il est accepté comme témoignage de la volonté d’intégrer le groupe. Le cas de Galesvinthe montre cependant que cela n’est pas suffisant. Toutes les différences ne sont pas pour autant proscrites. Elles constituent même parfois un atout. Clotilde reste chrétienne, alors que son époux est païen70. Il est vrai que Clovis et plus généralement les élites franques cohabitent et collaborent alors avec les élites gallo-romaines chrétiennes71, mais le choix peut aussi s’expliquer par la volonté d’imiter la cour burgonde – dont est originaire Clotilde – qui s’est illustrée par des couples royaux de religions différentes, ce qui permet, avec un fonctionnement complémentaire, de favoriser les liens avec les fidèles et les institutions de plusieurs confessions72. Les différences, sans être proscrites, ne sont cependant pas toujours vues positivement. Raoul Glaber critique ainsi, au xie siècle, la mode méridionale que la reine Constance, originaire de Provence, a introduite à la cour capétienne et qui a connu un véritable succès, au grand désespoir de l’auteur qui n’y voit que débauche et impiété73. Il condamne conjointement le roi et la reine, mais comme il a expliqué, dans un passage précédent, que la reine dominait son mari74, c’est un moyen de montrer à quels désordres aboutit le non-respect de la hiérarchie entre les sexes que tout mari doit imposer : c’est certes la reine qui a introduit ces nouvelles pratiques, mais c’est parce que le roi n’a pas su les interdire à sa femme – et son entourage – qu’elles se sont diffusées75.

Contrainte ou opportunité pour l’entourage ?

  • 76 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317 (trad., t. II, p. 68).

14Les migrations liées aux stratégies matrimoniales élitaires ne posent pas seulement la question de l’intégration du conjoint expatrié, mais aussi celle de tous les individus qui l’ont accompagné, même si c’est différemment selon leur milieu social et le moment où ils migrent. Si les élites n’ont pas véritablement beaucoup plus le choix d’accompagner ou non l’expatrié.e que les dépendants, leur marge de manœuvre est cependant un peu plus large et leur intégration étroitement liée à celle de l’individu suivi. Certes, la documentation fournit peu de données sur ce dernier point, mais divers indices peuvent le laisser supposer. L’acceptation d’un nouveau membre du groupe implique celle de son entourage, alors que par ailleurs l’épousé.e parvient à s’imposer dans son nouvel univers en s’appuyant sur ses fidèles, à commencer par ses compatriotes qui lui sont liés depuis plus longtemps : cela implique de leur confier des fonctions, laïques ou religieuses, dans la patrie d’accueil, voire de négocier leur mariage avec des élites locales, ce qui contribue, d’une façon comme d’une autre, à leur insertion. Les élites, masculines comme féminines, habituées à se montrer mobiles pour servir les puissants là où leur présence est nécessaire, apparaissent capables d’adaptation. Pour les dépendant.es contraint.es au départ, sans autre option sinon que de se donner la mort, d’après Grégoire de Tours76, et sans moyens pour projeter un éventuel retour, il n’y a pas d’autre solution que de s’établir dans la patrie où ils ou elles sont arrivé.es. Leur intégration à la domesticité locale le facilite, sans que cela soit simple pour autant. La mobilité subie n’exclut pas l’intégration, voire même une intégration réussie.

  • 77 Santinelli-Foltz 2018a : 210-215.
  • 78 Gislebert de Mons, c. 147, p. 225 (trad., p. 385).
  • 79 Gislebert de Mons, c. 117, p. 180 (trad., p. 299).
  • 80 Voir aussi Le Jan 1995 : 308-309.

15En outre, pour une partie des élites, la migration à la suite du mariage d’une femme, voire d’un homme, issu du groupe auquel elles sont liées, ne relève pas forcément de la contrainte ou du moins ne comporte pas que des aspects négatifs, compte tenu des opportunités qu’elle peut permettre, ce qui explique qu’elle ait pu avoir lieu immédiatement, mais aussi quelque temps après. Ainsi en est-il au début de la période envisagée pour plusieurs clercs originaires de Burgondie qui, proches de Clotilde, ont fait carrière dans le royaume des Francs, sans que l’on sache s’ils y sont arrivés avec le cortège qui a accompagné la princesse burgonde jusqu’à la cour de Clovis ou s’ils l’ont rejointe plus tard, à sa demande ou de leur propre gré en espérant pouvoir compter sur son soutien77. Clotilde qui exerce le pouvoir depuis la mort de Clovis au nom de ses fils s’appuie sur des fidèles d’origines diverses (franque, gallo-romaine, mais aussi burgonde), notamment pour relayer son autorité à l’échelon local. Sa capacité à promouvoir les carrières justifie la migration de celles et ceux qui ont cherché à en tirer profit, moins fréquente pour les femmes que pour les hommes, plus mobiles lorsqu’il s’agit d’obtenir une promotion. De même, à la fin de la période, le mariage en 1169, de Baudouin V de Hainaut avec Marguerite de Flandre renforce les liens du comte avec l’élite flamande78, ce qui contribue à expliquer que certains aient rejoint la cour hainuyère, où leur promotion s’est trouvée favorisée. C’est le cas de Gossuin de Wavrin, si l’on en croit Gislebert de Mons : preux chevalier flamand ayant tué un sergent du comte de Flandre, il se réfugie, en 1185, auprès du comte de Hainaut qui le retient parmi ses compagnons d’armes et lui donne sa cousine Ada en mariage, ainsi que des terres en fief lige79. C’est, pour Baudouin V, une stratégie pour s’attacher plus fermement ce nouveau fidèle et, pour Gossuin, un moyen, non seulement de s’intégrer dans cette principauté qui l’a accueilli, mais aussi de s’élever dans la hiérarchie élitaire en se liant à la famille comtale. Si le mariage conduit les femmes à la mobilité, c’est l’inverse pour les hommes : l’arrivée dans une nouvelle région les mène au mariage pour favoriser leur établissement80.

*
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16Dans les élites royales et aristocratiques du haut Moyen Âge, les migrations liées aux stratégies matrimoniales affectent donc différemment hommes et femmes, même si certains aspects présentent des points communs. Quelques distinctions et similitudes, qui ne connaissent pas d’évolution majeure au cours de la période envisagée, ressortent de l’analyse. D’une part, dans une société qui privilégie la virilocalité, la mobilité liée au mariage concerne essentiellement les femmes, mais celles-ci sont généralement accompagnées par des individus des deux sexes, issus de milieux diversifiés, ce qui transforme des migrations individuelles en migrations collectives moins affectées par le genre. Elle conduit cependant parfois à des migrations s’étalant dans le temps qui affectent davantage les hommes que les femmes, pour tirer profit de la position acquise par une – plus souvent qu’un – compatriote dans sa nouvelle patrie. D’autre part, ces migrations n’ont pas le même sens, selon que la mobilité matrimoniale concerne une femme ou, plus rarement, un homme, ce qui se traduit par des conséquences différentes : les femmes qui quittent leur famille pour aller s’établir dans une autre passent d’une tutelle masculine (consanguine) à une autre (affine) et sont invitées à composer avec les membres du groupe dans lequel elles arrivent et parfois à renoncer à une part de leur identité ; les hommes qui viennent s’établir chez leur épouse, minoritaires – même s’ils sont un peu plus nombreux à partir du xe siècle –, imposent leur autorité et leurs référents identitaires. Pour autant, même si la société est dominée par les hommes, les femmes n’en participent pas moins aux décisions et, lorsque les circonstances les conduisent à exercer l’autorité, elles usent des mêmes stratégies que les hommes, notamment matrimoniales, qui conduisent aux mêmes types de mobilités. Par ailleurs, dans la mesure où les femmes participent à la puissance du groupe auquel elles appartiennent et où le pouvoir est ostentatoire, le déplacement se fait avec la même volonté démonstrative pour les deux sexes. Enfin, si les hommes bénéficient d’une marge de manœuvre un peu plus large que les femmes en matière de stratégies matrimoniales, les deux sexes se conforment, en règle générale, aux choix retenus par les membres du groupe pour défendre ses intérêts et les acceptent de bon ou mauvais gré, ce qui rend difficile la distinction entre migrations subies et choisies. En revanche, pour celles et ceux qui relèvent de l’autorité de la mariée ou, plus rarement, du marié et l’accompagnent dans sa nouvelle patrie, il s’agit le plus souvent d’une migration contrainte, ce qui n’empêche l’intégration dans le nouvel environnement. Si le genre est un paramètre à prendre en compte dans l’analyse de ce type de migration, il n’est cependant pas le seul : le statut social, mais aussi la personnalité des individus et le contexte dans lequel ils évoluent notamment contribuent à expliquer les contraintes, la marge de manœuvre ou le degré d’intégration.

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Notes

1 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317 (trad., t. II, p. 68). La traduction est personnelle.

2 Le Jan 1995 : 287-327 et Aurell 2013.

3 Le Jan 2001a : 40-42 ; Arnoux 2010 : 61-71. L’approche genrée des déplacements est ignorée dans le colloque « Voyages et voyageurs au Moyen Âge » (1996), ponctuelle dans le colloque « Des sociétés en mouvement » (2010).

4 Pour l’époque contemporaine, voir Williams 2010 ; Groes & Fernandez 2018 (partie I) et, centrées sur l’Asie, Palriwala & Uberoi 2008.

5 Le Jan 1995 : 287.

6 Wolfram 1990: 326-330; Wood 1994: 43; Santinelli-Foltz 2018a: 199.

7 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 209-210). Voir Dumézil 2008 : 113-123 et 160-162.

8 Le Jan 2001a : 40-41 (mariage d’Ogive et Charles le Simple en 919 ; de Gerberge et Louis IV en 939) ; Dhondt 1964-1965 : 56-58 et Settipani 2013 : 55-67 (mariage d’Anne et Henri en 1051)

9 Le Jan 1995 : 313-326 ; Lett 2013 : 352-353 et 355.

10 Hucbald de Saint-Amand, Vita Rictrudis, c. 2, col. 831 (originaire de Gascogne), c. 5, col. 833 (mariage), c. 7, col. 835 (possessions et résidence en Artois).

11 Dhondt 1964-1965 : 39.

12 Gislebert de Mons, c. 123, p. 191-192 (trad., p. 319-323). Voir Santinelli-Foltz 2010 : 67.

13 Lachaud 2013 : 119-120 ; Lett 2013 : 355.

14 Annales de Saint-Aubin, a. 1043, p. 4 ; Chronique de Saint-Maixent, a. 1044, p. 123. Voir Santinelli-Foltz 2003 : 222-223 et Soulard-Berger 1992 : 48-50.

15 Richer, III, 92-93, t. II, p. 116-119. Voir Santinelli-Foltz 2013a : 10-13.

16 Lambert d’Ardres, c. 93, p. 605.

17 Duby 1996 : 1390-1394.

18 Le Jan 1995 : 264.

19 Sur la participation du mariage aux compétitions élitaires, Santinelli-Foltz 2018b.

20 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 318-319 (trad. t. 2, p. 69-70).

21 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 210).

22 Fortunat, VI, 5, t. II, p. 69.

23 Fortunat, « Introduction », p. XXIII.

24 Guillaume de Poitiers, I, 22, p. 50-51.

25 Richer, III, 93, p. 118-119.

26 Entre autres, Des sociétés en mouvement (2010), « Introduction », p. 13-14 et partie 3 « Circulation des détenteurs d’autorité ». Sur le cortège nuptial symbolisant la place que chacun occupe, en même temps que le caractère publique de l’union, à Florence comme à Rome à la fin du Moyen Âge, Klapisch-Zuber 1990a : 145-146 et 1990b : 157-158.

27 Grégoire de Tours, VII, 9, p. 331 (trad., t. II, p. 84-85).

28 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317 (trad., t. II, p. 68).

29 Fortunat, VI, 5, t. II, p. 70-71.

30 Raoul Glaber, III, 40, p. 219.

31 Sur la distinction migration collective / individuelle et spontanée / contrainte, Des sociétés en mouvement (2010), « Introduction », p. 12-13.

32 Arnoux 2010.

33 Sur la participation des deux sexes aux stratégies familiales, Santinelli-Foltz 2013b et 2018b.

34 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317-318 (trad., t. II, p. 68-69).

35 Fortunat, VI, 5, t. II, p. 61-68.

36 Sur le langage des larmes et son approche genrée, Santinelli-Foltz 2003 : 30-39.

37 George 1992 : 96-101 ; Davis 1967.

38 Voir ci-dessus.

39 Fortunat a pu en être informé par la sœur de Galesvinthe, Brunehaut, que l’auteur a rencontrée. L’affection qui lie parents et enfants au Moyen Âge n’a cependant rien d’exceptionnel : Réal 2001 : 430-453 ; Alexandre-Bidon & Lett 2014 : 99-102 et 105-108.

40 Sur des scènes d’adieux comparables lors du départ pour la première croisade, Santinelli-Foltz 2009 : 203-204. Sur les pleurs des mariées, attestés à Florence à la fin du Moyen Âge, le jour des noces, voir Klapisch-Zuber 1990b : 157.

41 Le Jan 2001a : 40. Il existe des exceptions : Anne de Kiev finit par retourner en Russie (Dhondt 1964-1965 : 60). René Germain qui étudie la fin du Moyen Âge oppose les déplacements définitifs (dont relève le mariage) et temporaires (pour des missions diverses) : Germain 1996 : 56. Voir Des sociétés en mouvement (2010) : 10.

42 Lett 2009 : 328-329. Sur la nature des relations en fonction de la distance géographique (p. 332-333) et de la place dans le cycle de la vie (p. 341), pour le début du xive siècle dans les Marches italiennes.

43 Cas de Gerberge étudié par Régine Le Jan : les voyages de la reine en Germanie pour solliciter l’aide de son frère Otton cessent quand la position de Louis IV se renforce dans le royaume franc, dans la mesure où les déplacements royaux à l’étranger constituent des aveux de faiblesse (Le Jan 2001a : 49-50).

44 Grégoire de Tours, III, 10, p. 106-107 (trad., t. I, p. 151).

45 Gerbert d’Aurillac, 97, t. I, p. 233-235.

46 Sur l’altérité, approche générale de Wieviorka & Ohana (2001) et Ferréol & Jucquois (2003) et, centrée sur le Moyen Âge, de Josserand & Pysiak (2017).

47 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 210).

48 Fortunat, V, 1, t. II, p. 44.

49 Sur ce poème, Dumézil 2008 : 117-119.

50 Gislebert de Mons, c. 123, p. 192 (trad. p. 323).

51 Richer, III, 94, t. II, p. 118-119.

52 Fortunat, V, 1, t. II, p. 44-45.

53 Le Jan 2013 : 34-37 et Santinelli 2020.

54 Le Jan 1995 : 348.

55 Richer III, 95, t. II, p. 120-121. Sur les causes, Santinelli 2013a : 10-17.

56 Pour une approche anthropologique, Todd 1994.

57 Richer III, 95, t. II, p. 120-121.

58 Frédégaire, IV, 30, p. 94-95. L’auteur qui écrit en 660, enregistre le mariage en 607 et la répudiation un an plus tard. Pour Jonas de Bobbio, dans la Vie de saint Colomban écrite vers 640, Brunehaut préférait que son petit-fils ait des concubines plutôt qu’une épouse légitime qui diminuerait son autorité à la cour : I, 18, éd. p. 86 (trad. t. I, p. 135).

59 Coens 1926 : 112 et 114 ; Venarde 2001 : 359.

60 Drogon de Saint-Winoc, c. 2-3, éd. p. 128 (trad., p. 364). 

61 Joye 2010 : 79-81.

62 Drogon de Saint-Winoc, c. 3, éd. p. 128 (trad., p. 364). Voir Santinelli-Foltz, 2018b : 162-163.

63 Bürher-Thierry 1992 : 299 ; Jong 2009 : 41-42 et 195-200.

64 Guibert de Nogent, I, 12, p. 76-85.

65 Santinelli 2020.

66 Richer, III, 95, p. 120-121.

67 Santinelli-Foltz 2003 : 205-207. Pour les xiie-xiiie siècles dans les royaumes de Castille et Léon, Rodriguez 2013 : 174-181 ; dans la principauté de Morée, Ortega 2013 : 202-204 ; pour la fin du Moyen Âge en Italie, Klapisch-Zuber 1990d.

68 Sur les différentes formes de dotation de l’épouse, leurs évolutions et leurs sens au haut Moyen Âge, Bougard, Feller & Le Jan 2002 ; Le Jan 2001b et c ; pour les xiie-xiiie siècles dans les royaumes de Castille et Léon, Rodriguez 2013 : 174-181 ; dans la principauté de Morée, Ortega 2013 : 204-205 ; pour la fin du Moyen Âge en Italie, Klapisch-Zuber 1990c.

69 Grégoire de Tours, IV, 27-28, p. 160 (trad., t. I, p. 210).

70 Grégoire de Tours, II, 29, p. 74 (trad., t. I, p. 117).

71 Vie de sainte Geneviève, c. 26 et 56 ; Wood 1994 : 40-45 ; Isaïa 2010 : 96-100 et 105-113.

72 Favrod 1997 : 245-247 et p. 368-370.

73 Raoul Glaber, III, 40, p. 218-219.

74 Raoul Glaber, III, 32, p. 202-203.

75 Sur les relations de ce couple, Santinelli-Foltz 2013b : 89-91.

76 Grégoire de Tours, VI, 45, p. 317 (trad., t. II, p. 68).

77 Santinelli-Foltz 2018a : 210-215.

78 Gislebert de Mons, c. 147, p. 225 (trad., p. 385).

79 Gislebert de Mons, c. 117, p. 180 (trad., p. 299).

80 Voir aussi Le Jan 1995 : 308-309.

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Pour citer cet article

Référence papier

Emmanuelle Santinelli-Foltz, « Quitter les siens. Mariage, migration et genre au haut Moyen Âge »Clio, 50 | 2019, 249-273.

Référence électronique

Emmanuelle Santinelli-Foltz, « Quitter les siens. Mariage, migration et genre au haut Moyen Âge »Clio [En ligne], 50 | 2019, mis en ligne le 02 janvier 2023, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/17442 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.17442

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Auteur

Emmanuelle Santinelli-Foltz

Emmanuelle Santinelli-Foltz est professeure d’histoire médiévale à l’université polytechnique des Hauts-de-France, Calhiste (EA 4343). Elle a publié Des femmes éplorées ? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Âge, Lille, 2003 et a dirigé ou co-dirigé, Répudiation, séparation, divorce dans l’Occident médiéval, Valenciennes, 2007 ; avec A. Nayt-Dubois, Femmes de pouvoir et pouvoir des femmes dans l’Occident médiéval et moderne, Valenciennes, 2009 ; avec S. Joye et G. Bührer-Thierry, « Le couple dans le monde franc (ve-xiie siècle) », Médiévales, n° 65 (automne 2013). emma.santinellifoltz@gmail.com

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