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Transition de l’époque soviétique à la période post-soviétique au prisme de biographies singulières

Individual biographies and the post-Soviet transition
Veronika Kushtanina
p. 239-259

Résumés

À partir de 79 récits biographiques recueillis principalement à Moscou auprès d’hommes et de femmes qui ont terminé leurs études au plus tard à la fin des années 1980, l’auteure s’intéresse aux liens entre les transitions macrosociales et les bifurcations biographiques. L’article analyse dans un premier temps l’évolution des modèles socioculturels de parcours de vie en Russie soviétique et post-soviétique et met en lumière le passage d’un parcours de vie asexué à une forte sexuation des parcours de vie. Dans un second temps, il montre comment chez les femmes le fait d’adhérer au modèle familial avec une forte distinction de rôles genrés a façonné des récits hors Histoire et chez les hommes des récits de rupture biographique associée au changement d’époque.

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Texte intégral

Je remercie M. Claro de m’avoir incitée à écrire enfin ce texte, J. Pagis d’avoir discuté la première version et C. Charlap pour sa relecture fine et enthousiaste.

  • 2 Heurtaux & Pellen (dir.) 2009 ; Duprat-Kushtanina & Vapné 2015.
  • 3 Elder 1981 ; Mannheim 1990 [1928] ; Martenot & Cavalli 2014.
  • 4 Leclerc-Olive 1997.

1Dans les manuels d’histoire publiés à travers le monde, le passage de l’ère soviétique à l’époque post-soviétique est présenté comme un événement majeur de la fin du xxe siècle. Néanmoins, les travaux qui étudient les expériences des individus qui ont traversé cette période relativisent largement cette rupture historique2. Comment expliquer que les vécus soient divers – le fait que pour certains la vie a changé du jour au lendemain, tandis que pour d’autres aucun événement biographique ne se rattache à cette période ? L’hypothèse la plus souvent avancée est qu’il existe un âge de réminiscence, situé généralement entre 10 ans et 30 ans : un événement historique vécu à cet âge aurait tendance à être considéré ensuite comme marquant3. Les recherches qui avancent cette hypothèse partent d’une interrogation sur des événements déjà considérés comme importants tandis que ma démarche consiste, au contraire, à analyser les événements qui surgissent spontanément dans les récits biographiques. Je propose donc d’explorer une autre piste. Si l’on admet qu’un événement ne devient biographique qu’à la condition d’être inscrit dans son parcours de vie par la personne concernée4, il semble important de contextualiser les récits de la période transitoire par rapport à l’ensemble du parcours de vie des narrateurs. Par période transitoire, j’entends le temps relativement court qui a cumulé des transitions économiques (de l’économie planifiée à celle de marché), politiques (d’un régime « autoritaire » à un autre, « démocratique ») et sociales (aggravation des inégalités sociales et crise de l’État-providence) marquant la fin de l’ère soviétique et le début de la période post-soviétique. Je définis les bornes de la période de manière empirique : de 1985 (la Pérestroïka) à tout événement relié par le narrateur à la transition politique, sociale ou économique.

  • 5 Lenel 2003.
  • 6 Ricœur 1983.
  • 7 Bessin, Bidart & Grossetti (dir.) 2009.

2Les parcours de vie sont vus en sociologie comme un cheminement d’une vie concrète et des « modèles socioculturels qui organisent la trajectoire de la vie des individus dans une société et une période historique données »5. J’essaierai de mettre en tension ces deux dimensions des parcours afin d’interroger les « mises en intrigue »6 des continuités ou des bifurcations biographiques7 coïncidant plus ou moins avec la période transitoire. L’article s’interroge, d’une part, sur les évolutions de modèles socioculturels de parcours de vie et, d’autre part, sur les liens entre les changements de modèles de parcours de vie et des bifurcations biographiques.

  • 8 Bessin & Gaudart 2009.
  • 9 Le volet français a été intitulé « Étude des relations familiales et inter-générationnelles » (...)

3Je propose une lecture transversale de trois recherches qui ont en commun une même méthode d’entretien biographique et un même intérêt pour les temporalités sexuées8, conduites principalement à Moscou. La première enquête, effectuée en 2005-2006 auprès de 15 hommes et femmes, portait sur les manières de vivre l’âge de la retraite dans les professions intellectuelles. La deuxième abordait les relations intergénérationnelles dans des familles de milieux sociaux variés (2007-2009, 86 entretiens). La troisième (2012-2013) s’intéressait au parcours de vie de personnes sans enfant de différents milieux sociaux (30 entretiens). Dans ces trois corpus, j’ai sélectionné les récits de ceux et celles qui ont terminé leurs études au plus tard au milieu des années 1980, soit 79 narrations biographiques d’hommes et de femmes nés entre 1917 et 1966. J’ai également fait un traitement statistique des données de la 1re vague de Generations and Gender Survey (GGS) effectuée en Russie en 2004. Les enquêtes à passages répétés GGS abordent un spectre large de questions relatives aux parcours familiaux et professionnels. Elles ont été réalisées dans une vingtaine de pays européens selon le même questionnaire9, en trois vagues espacées de trois ans. L’enquête russe a été menée auprès d’un échantillon de 11 261 personnes résidant en ménage ordinaire, représentatif de la population de 18 ans à 79 ans.

Modèles socioculturels de parcours de vie

  • 10 Bessin 1997.

4Concernant les modèles de parcours de vie en Russie, il est possible de retracer les mêmes tendances que celles constatées en France et dans les autres pays occidentaux : d’abord, une mise en place d’un parcours de vie en trois temps – jeunesse, âge adulte, vieillesse – avec une grande stabilité professionnelle et familiale à l’âge adulte, et un effritement de ce modèle dominant, par la suite10.

Vers un modèle unique de parcours de vie : synchronisation des temps masculins et féminins

5Dans les années 1920-1950, le modèle de parcours de vie ternaire se met en place : études – vie active – retraite, pour les hommes comme pour les femmes.

  • 11 Kuznecova 1980 : 20-21.
  • 12 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 30-31.
  • 13 Kuznecova 1980 : 20-21.
  • 14 Il’in 1996 : 229.

6Dès sa création, l’État soviétique a pris des mesures pour augmenter le volume de la main-d’œuvre et pour améliorer le niveau de formation, notamment celui des femmes. Si en 1897, presque toutes les femmes de milieu rural et la moitié des citadines étaient illettrées11, en 1939, 82 % des femmes de 9 ans à 49 ans savaient lire et écrire12. Jusqu’à la révolution, les universités étaient interdites aux femmes. Si en 1897, en Russie, il n’y avait que 4 femmes ingénieurs13, à la fin des années 1980, 58 % des ingénieurs soviétiques étaient des femmes14.

  • 15 Gruzdeva & Čertihina 1983.
  • 16 Castel 2003.
  • 17 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 11.
  • 18 Emploi + études.
  • 19 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 27.
  • 20 Teplova 2007.

7L’allongement des études et la généralisation du travail des femmes ont ainsi instauré un premier seuil d’âge, définissant l’âge adulte comme l’âge de l’activité professionnelle quasi-ininterrompue pour les deux sexes. Les congés maternité (56 jours avant et après l’accouchement) et le congé parental (non rémunéré et presque pas utilisé15) demeurent inchangés jusqu’au début des années 1980. L’embauche se faisait par « distribution » – un accord entre l’institution de formation et l’employeur. Il s’agissait d’une entrée assurée dans le salariat16 à la sortie de la formation, avec embauche à temps plein pour une durée indéterminée. À la fin des années 1970, seuls 0,5 % des ouvrier.ères et des employé.es travaillaient à temps partiel17. Les services médicaux et parfois le logement, les crèches, ainsi que d’autres bénéfices sociaux, venaient avec l’emploi. La politique de l’État stigmatisait les personnes refusant le modèle salarial, ce dont témoignent plusieurs grands procès pour « oisiveté ». Ces politiques ont abouti à un taux d’emploi18 des femmes de 18 ans à 55 ans de 90-92 % dans les années 197019 et de 99,97 % à la fin de l’ère soviétique20.

  • 21 Yvert-Jalu 2008 : 329.
  • 22 Ces générations connaissent déjà la baisse du nombre d’enfant. La proportion de parents d’enfa (...)
  • 23 Pour les femmes nées dans les années 1930, l’âge moyen à la naissance du premier enfant était (...)

8Dans mon corpus, on retrouve un discours propre aux générations de femmes nées dans les années 1920-1930, qui ont profité de la démocratisation de l’enseignement supérieur en cette période de l’après-guerre21 et ont été très engagées dans leur carrière. La prédominance du travail sur la famille se traduisait notamment par la planification des naissances. Zoâ (née en 1934, informaticienne à la retraite) a eu son fils unique22 à l’âge de 34 ans23, ce qu’elle explique par des ennuis avec sa thèse ayant retardé sa maternité. Sa collègue Veronika (née en 1931) souligne cette prépondérance du travail à travers les horaires : « Je ne rentrais qu’à 20-21 heures, et parfois je ne rentrais que le lendemain ».

  • 24 Čebotarev 1978 : 22.

9De l’autre côté du parcours de vie, la retraite pour les salarié.es non-agricoles a vu le jour dans les années 1950. La loi de 1956 interdisant le paiement de la pension aux retraités qui continuaient de travailler, le taux des actifs parmi les personnes ayant l’âge de la retraite s’est réduit à 19 % chez les hommes et moins de 5 % chez les femmes, vers 197024.

  • 25 Annexes.
  • 26 1,5 divorce pour mille habitants en 1960 (Surinov & Zbarskaâ 2010 : 116).
  • 27 La procédure a été rendue plus difficile après 1936 ; les tribunaux ont ensuite assoupli leurs (...)

10La synchronisation se fait également dans le domaine familial : entre les générations des années 1920 et celles des années 1960, on constate une réduction de l’écart entre l’âge au premier mariage et l’âge à la naissance du premier enfant entre les plus et les moins diplômés, ceci pour les deux sexes25. Les divorces, légalisés depuis les années 1920, demeurent rares26 jusqu’aux années 196027. Il s’agit donc de parcours aux calendriers synchronisés et sécurisés, c’est-à-dire avec des transitions assurées, prévisibles et irréversibles, ceci dans le domaine professionnel comme familial.

11L’idée d’un parcours de vie uniforme est présente même dans les témoignages de la génération entrée dans la vie adulte au début des années 1980 :

C’était l’époque soviétique où tout était pareil pour tout le monde. […] Et nous, nous vivions comme tout le monde : après le bac, la fac ; après la fac, le mariage ; les enfants, obligatoirement au cours des deux premières années. […] Et maintenant, tout est différent (Elena, née en 1958, comptable).

  • 28 Gender and Generation Survey (CGS).
  • 29 Fitzpatrick 1999 ; Yurchak 2006.

12Ce témoignage souligne bien la forte synchronisation des parcours et la scansion nette des étapes : pour les générations des années 1920-1950, on constate un écart de moins de 1,5 an entre l’âge au premier mariage et celui à la naissance du premier enfant28. Enfin, être « comme tout le monde » implique un horizon du possible bien limité : « Et avant, tout était pareil, personne n’avait rien d’extraordinaire », continue Elena. Les écrits sur l’homo sovieticus29 mettent en lumière de grandes attentes des citoyens soviétiques vis-à-vis de l’État en matière de services sociaux, car il s’agissait de suivre des parcours prévisibles (dont les limites étaient bien claires en amont) en s’inscrivant sur de nombreuses listes d’attente pour accéder aux biens mobiliers et immobiliers.

Diversification des parcours

  • 30 Bessin 1994.

13Vers le milieu des années 1980, les parcours de vie commencent à se détacher du modèle unique basé sur l’âge adulte dédié quasi-exclusivement à l’activité salariale. La diversification des parcours de vie a été le fruit de processus divers échelonnés sur au moins 10-15 ans, avec une accélération en 1990-1995. Comme en France30, la désinstitutionalisation du parcours de vie ternaire en Russie passe par quatre processus :

    • 31 Annexes.

    Désynchronisation des calendriers : les écarts entre les âges au premier mariage et à la naissance du premier enfant entre les hommes et les femmes les plus et les moins diplômés augmentent à partir des générations des années 197031.

    • 32 Bessin 1994.
    • 33 Solodnikov & Solodnikova 2009.
    • 34 Maleva & Sinâvskaâ 2008.
    • 35 Encore en 2010, la pension nette moyenne constituait 36 % du salaire moyen (Rosstat, Institut (...)

    Déchronologisation : un effacement des seuils d’âge32. Les enquêtes conduites en Russie au début des années 2000, révèlent un grand flou : la fin de l’enfance se situe entre 13 ans et 18 ans et le passage à la vieillesse est fixé entre 35 ans et 70 ans33. En effet, à partir du début des années 1990, le taux d’activité professionnelle des retraités augmente, particulièrement pour les plus diplômés34, ce qui est lié au faible niveau des retraites35 et au rétablissement du droit de travailler après l’âge légal, en cumulant les deux revenus.

    • 36 Gordon & Klopov 2000.
    • 37 Ibid.
    • 38 Kapelûšnikov 2001 : 66-67.
    • 39 Gordon & Klopov 2000.
    • 40 Ibid.
    • 41 Calculé à partir des données de Surinov & Zbarskaâ (dir.) 2010 : 116.

    Déstandardisation : la succession des étapes n’a plus de caractère obligatoire. D’une part, le salariat dans le secteur public a cédé la place à une diversité de formes d’emploi, souvent précaires. La part des employé.es du secteur public est passée de 83 % en 1990 à 38 % en 1998 ; la part des employés du privé (secteur créé en 1985) durant la même période a augmenté de 12,5 % à 43 %36. En même temps, ont proliféré les statuts précaires : emploi non déclaré, à temps partiel ou en intérim37. En outre, pour la période 1992-1999, la baisse des salaires réels est estimée à 67 % (33 % en 1992, un peu plus de 25 % en 1995 et plus de 30 % en 1998-1999)38. La population répondait à cette situation de deux manières : par cumul d’emplois et/ou changement de métier. Les enquêtes montrent qu’en 1993-1997, 10 % à 18 % des répondants avaient au moins deux emplois39 et 40 % ont changé de métier, ceci pour la moitié d’entre eux durant les trois années précédentes40. Par ailleurs, si la période soviétique se caractérisait par des parcours professionnels avec peu d’employeurs, voire un seul, les récits montrent qu’à partir des années 1980-1990, se multiplient les parcours marqués par un changement fréquent d’employeur. D’autre part, dans le domaine familial, on observe la fragilisation du mariage : le seuil de 40 divorces pour 100 mariages a été franchi en 198441.

    • 42 Zaharov 2009.
    • 43 Annexes.

    Déhiérarchisation : le parcours de vie des femmes n’est plus nécessairement organisé par le travail. Dans les représentations, les événements familiaux deviennent déterminants pour leurs parcours : 55 % des interviewées désignent la mise en couple comme le seuil de l’âge adulte et 64 %, l’entrée en maternité42. Par ailleurs, l’emploi ne garantit plus l’accès aux biens sociaux : la propriété privée du logement a été instaurée en 1990 et l’accès aux services sociaux assurés par l’employeur s’est considérablement réduit au début des années 199043.

  • 44 Yvert-Jalu 2008.
  • 45 Barsukova 2001.
  • 46 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 75-78.
  • 47 Zaharov 2006.
  • 48 Zdravomyslova 2003 : 18.
  • 49 GGS.
  • 50 Teplova 2007.
  • 51 Ibid.
  • 52 Ibid.
  • 53 Annexes.
  • 54 Teplova 2007.

14Si l’Union soviétique prétendait être le pays de l’égalité entre hommes et femmes44, ceci n’a jamais vraiment été le cas. Dans le domaine professionnel, à partir des années 1970, on constate une désillusion face aux inégalités de statut persistantes45. Dans la sphère familiale, les enquêtes de budgets-temps montrent que l’égalité n’a jamais existé46. En outre, à partir du début des années 1980, voient le jour de nouvelles politiques familiales. Le congé maternité (avec le maintien du salaire) atteint alors 112 jours (156 depuis 1990). Le congé parental, au moins en partie rémunéré, passe à 12 mois (18 mois depuis 1989) tandis que le congé parental, sans rémunération mais sans rupture d’ancienneté, atteint trois ans47. Les représentations suivent ce revirement : déjà au début des années 1990, 90 % d’un échantillon de citadins des âges actifs considéraient qu’il était préférable qu’un enfant soit gardé par la mère jusqu’à l’âge de trois ans48. La maternité devient un temps en soi, marquant une césure dans la carrière professionnelle : le recours au congé parental est la norme statistique depuis 199049. Enfin, à partir du début des années 1990, le système de crèches et d’écoles maternelles, auparavant à la charge de grandes entreprises, connaît une dégradation importante50. Tous ces processus aboutissent à une baisse de l’activité des femmes : 87 % des 18-55 ans en 199451. Parmi les femmes mariées, le taux de celles qui sont au foyer atteint 30 % en 1994 et 37 % en 200152. En outre, le temps de travail des hommes, en baisse jusqu’au milieu des années 1980, augmente pour atteindre une moyenne de 44,2 heures par semaine en 1997-1998, tandis que le temps de travail des femmes diminue et se fixe à 32,7 heures par semaine53, ou encore moins lorsqu’elles ont un enfant de moins de sept ans (âge de la scolarisation obligatoire)54.

  • 55 Teplova 2007 ; Zdravomyslova 2003.
  • 56 Zdravomyslova 2003 : 26-27.
  • 57 Solodnikov & Solodikova 2010.

15Au sein des couples, on constate alors un retour au modèle « Monsieur gagne-pain et Madame (en partie) au foyer »55, qui se voit renforcé par un écart de salaire entre les sexes d’au moins 30 %56. Se dessinent alors deux modèles de parcours de vie, en fonction de la division des tâches au sein des couples. Axés sur la vie professionnelle et ayant pour objectif de procurer un revenu pour la famille, les parcours masculins impliquent un changement relativement fréquent d’employeur afin d’assurer un maintien de revenu car les non-paiements de salaires deviennent fréquents. Une étude sur les changements d’emploi57 souligne ainsi la prédominance de la motivation financière chez les hommes exprimée sous l’angle du devoir familial. Les parcours féminins sont, quant à eux, marqués par une certaine continuité professionnelle, avec souvent un maintien dans le secteur public, et la disponibilité pour la famille comme assignation dominante.

Modèles socioculturels de parcours et récits biographiques

  • 58 Leclerc-Olive 1997.

16Ce détachement du modèle de parcours en trois temps avec domination du travail salarial stable à l’âge adulte n’a pas concerné toutes les franges de la population au même moment. Il s’agit alors d’analyser comment le type de parcours emprunté peut être lié à la présence ou non de la période transitoire comme événement biographique58 dans un récit.

Récit biographique hors Histoire

  • 59 Je n’ai retrouvé ce genre de discours que chez un seul interlocuteur masculin, l’unique homme (...)

17Le discours biographique hors Histoire est particulièrement présent dans les récits des mères de famille, installées dans la même ville au moins depuis le début des années 1980. Dans leur narration, le temps historique est absent, les événements (déménagements, changements d’emploi, retraite) étant définis uniquement par leur vie familiale et non par le contexte sociohistorique ; les rares dates ne font que servir de repères chronologiques59.

18Le contraste genré des récits est particulièrement saisissant si l’on compare les entretiens conduits au sein des couples (interrogés séparément). Elena (née en 1958) a toujours travaillé comme comptable et n’a connu que deux employeurs : une institution publique et une entreprise privée (depuis 1999). En parlant de la période qui m’intéresse, elle évoque surtout l’enfance de sa progéniture et le fait que rester dans le public lui permettait d’avoir de longues vacances. Les événements macrosociaux sont absents de son récit. Le mari d’Elena, au contraire, met en récit une bifurcation biographique expliquée par le contexte macrosocial :

J’ai fait une formation pour devenir chauffeur et je travaillais dans la logistique des expéditions de l’Académie des sciences. C’était un travail très intéressant, peut-être… mes années les plus heureuses. […] Et quand les changements sociaux ont commencé, il a fallu… il s’est trouvé que le travail que nous faisions, personne n’en avait besoin. Il a fallu gagner de l’argent. […] Voilà tout. Je travaille actuellement dans une usine, un vrai prolétaire. (Nikolaï, né en 1957)

19Les soucis financiers ne sont jamais présents dans les récits des femmes qui produisent un discours hors Histoire, comme si leur revenu n’avait pas d’importance. Leurs changements d’emploi, plutôt rares, sont expliqués par l’intérêt du travail, les horaires plus compatibles avec la vie familiale et le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail.

20Pour les générations plus âgées, nées dans les années 1920-1930, dont l’arrivée à l’âge de la retraite a coïncidé avec la période transitoire, les clivages genrés sont tout aussi frappants. Les hommes racontent une fin de carrière difficile avec une baisse brutale de revenus, un sentiment d’inutilité et de dévalorisation sociale. Les femmes sont rares à produire ce genre de discours. La plupart d’entre elles sont restées au même poste jusqu’à la retraite. Elles sont nombreuses à expliquer le départ à la retraite par la nécessité de garder les petits-enfants :

[Mon fils] a dû dire : « Maman, [ma femme] veut travailler ». […] Parce qu’après l’école, elle n’avait pas travaillé. […] Je comprenais qu’elle devait commencer par quelque chose et moi, il semblait qu’il fallait que je change de voie. (Valentina, née en 1937, ingénieure)

21D’autres ne se sont pas senties légitimes pour continuer lorsque le travail se faisait rare : « Il s’est trouvé qu’il fallait réduire le budget et licencier quelqu’un. Je me considérais comme quelqu’un d’aisé, mon mari a un bon salaire, donc je me disais que je partirais sans faire de vague » (Irina, née en 1933, rédactrice). En revanche, l’époux d’Irina, rédacteur en chef d’une maison d’édition, est toujours en activité.

  • 60 Nazarova 2007 : 194, 229.

22Ces femmes qui racontent leur vie sans faire référence à la période historique présentent des caractéristiques particulières. Elles sont nées dans la ville qu’elles habitent ou elles y sont arrivées avant la fin des années 1980, à l’époque où le logement était accessible par l’emploi ou par la municipalité. Elles sont mariées et pour la plupart ont des enfants. Celles qui sont nées à partir de la fin des années 1950 ont profité du changement des politiques familiales des années 1980 et ont pris un congé parental, voire ont été (ou sont toujours) mères au foyer, quel que soit leur niveau de diplôme. Elles ont connu peu d’employeurs, voire un seul, et travaillent pour la plupart dans un secteur public, généralement féminisé, et donnant des revenus relativement faibles mais stables60.

23Ces femmes en couple se détachent du modèle de parcours asexué de la période soviétique. Les jeunes mères se positionnent dès la naissance de leur premier enfant sur une trajectoire où la disponibilité familiale prévaudra sur les objectifs professionnels, voire sur le revenu. Le parcours de vie de ces femmes se construit par opposition au parcours de leur mère, jugée peu présente pour les enfants. Pour Natalia (née en 1958, au foyer, médecin de formation), sa mère, médecin de 83 ans toujours en activité, a servi de contre-exemple :

Elle a toujours travaillé très dur. [Pause] Parce qu’en fait, c’est une profession qui exige d’y mettre toutes les forces. Effectivement, je l’ai ressenti moi aussi que… travailler comme il faut… et en même temps s’occuper de la famille, c’est impossible.

  • 61 Zdravomyslova & Temkina 2003.
  • 62 Zdravomyslova 2003.

24Lorsque Natalia raconte son enfance, elle parle surtout de sa grand-mère maternelle. Natalia est devenue mère à une époque où les représentations ont commencé à changer : on tend désormais à accorder la responsabilité des enfants principalement à la mère61 et à critiquer les crèches et les écoles maternelles pour leur manque de personnel et d’attention vis-à-vis des enfants62. Le mari de Natalia ne voulait pas que leurs deux filles fréquentent l’école maternelle ; elles ont été scolarisées à partir de sept ans.

  • 63 Zdravomyslova & Temkina 2003.

25Pour les mères de famille de tous les milieux, le passage d’un parcours marqué par un investissement professionnel vers un parcours davantage orienté vers la famille s’est donc fait d’une génération à l’autre. Si la prise de congé parental ou le statut de mère au foyer sont conditionnés par les politiques publiques et la disparition de l’obligation légale à travailler63, les femmes devenues mères à partir du milieu des années 1980 se voient portées par ces changements dès l’entrée en maternité et de ce fait, ne les perçoivent pas comme un changement dans leur parcours, ce qui expliquerait leur récit hors Histoire.

Histoire et récits de rupture biographique

  • 64 Il’in 1996.

26À l’opposé, on retrouve des parcours fortement marqués par une rupture coïncidant avec la période transitoire. Ces parcours se caractérisent par un changement fréquent d’emplois, souvent sans beaucoup de lien avec la formation initiale, parfois avec un passage au statut d’indépendant. Les rares récits qui présentent ce genre de bifurcation professionnelle de manière positive concernent des hommes (pères de famille) et plus rarement des femmes (non mariées et sans enfant), devenus indépendants et ayant connu du succès, au moins pendant un certain temps. Ce sont des personnes ayant investi l’entreprenariat, illégal auparavant64, pour gagner leur vie et être « libre et indépendant.e », comme le formule Ekaterina (née en 1961, en couple avec une femme). Après quelques années de travail comme chef de wagon de train, elle a souhaité avoir un métier « créatif ». En 1985-1986, toujours célibataire, elle a fait une formation dans la coiffure :

J’ai travaillé pendant 6 mois dans un salon de coiffure, mais le travail en équipe ne me plaisait pas et j’ai décidé d’évoluer. […] J’ai été la première à Moscou à placer des annonces publicitaires dans des journaux – il n’y avait pas encore d’Internet – à proposer les services de coiffure à domicile. […] Tout Moscou était à moi. Depuis, j’ai ma clientèle, j’ai certains clients depuis 20 ans.

27Ce genre de « discours glorieux », de mise en intrigue de la période transitoire comme une ouverture des horizons est très rare dans mon corpus. Pour la plupart de mes interlocuteurs qui parlent d’une bifurcation, il s’agissait d’une rupture subie.

  • 65 Gordon & Klopov 2000.

28Ces bifurcations professionnelles de masse ont pour origine une crise du secteur public provoquant une baisse des revenus dans des secteurs entiers (armement, culture, médecine, enseignement, etc.)65. Ce n’est pas pour autant que tout le monde a connu une bifurcation. Les mères de famille sont restées pour la plupart sur des postes peu rémunérés. Il est revenu ainsi à leur conjoint ou aux femmes célibataires d’assumer le rôle de gagne-pain. Dimitri (né en 1949) raconte son parcours professionnel en commençant par la fin du service militaire :

J’ai été embauché par une fondation artistique comme dessinateur industriel. J’y ai travaillé pendant 10 ans, je suis parti pour un institut de recherche pareil comme dessinateur industriel, c’était plus près de la maison et un peu mieux, côté financier. À l’époque, je touchais à peu près 250 roubles. À l’époque c’était une bonne paie, vraiment bonne. J’y ai passé 10 ans, je pense. Et puis, cela a commencé, tout ça – la mésaventure. Bref… Il n’y avait plus de travail, on m’a proposé d’être responsable du service technique de l’institut. J’y suis resté presque 10 ans. […] Notre service a été licencié pour manque de financement. Et voilà tout. 2 ans au chômage. Mais en fait, je travaillais également ici [au théâtre en tant qu’électricien].

29Une rupture vers 1989 marque ainsi pour Dimitri une perte de maîtrise sur son parcours professionnel (c’est lui qui a décidé du premier changement d’emploi) et une mobilité sociale descendante avec passage par chômage et cumul d’emplois, toujours d’actualité lorsque je le rencontre en 2008.

  • 66 Prokofieva & Terskikh 1997.

30En outre, la transition vers l’économie du marché a impliqué une dévalorisation de l’expérience professionnelle acquise sous le socialisme66. Les informaticiens ont fait face à un renouveau des ordinateurs et des logiciels en 1993, ce qui a provoqué le départ à la retraite de six sur huit de mes interlocuteurs concernés. Les deux seuls hommes (les deux mariés) sont restés en activité car ils ont réussi à maîtriser les nouveaux outils et à multiplier les contrats dans le privé. D’ailleurs, les seules femmes de la génération des années 1930 qui produisent des discours de rupture proches de ceux de leurs homologues masculins sont informaticiennes : « Nous étions des femmes émancipées : comment peut-on partir à la retraite quand on a encore des forces et un travail intéressant ? » (Veronika). Aucune de ces six femmes n’a pourtant cherché un nouvel emploi, se repliant sur sa famille. Privatisé dès la fin des années 1980, le milieu de l’informatique semble d’ailleurs particulier : les femmes plus jeunes y connaissent de nombreux changements d’emploi.

31Les rares femmes ayant changé d’emploi peu avant la retraite sont issues de milieux populaires. Elles ont terminé leur carrière dans une industrie classée “à risque” ou dans une zone géographique du Nord, pour avoir le droit à une retraite anticipée et une pension plus importante. Pour les autres, une division du travail semble avoir cours dans les couples de seniors de tout milieu : retraite pour les femmes et pour les hommes, une carrière prolongée au-delà de l’âge légal avec souvent un enchaînement de plusieurs emplois pour lesquels ils peuvent être surqualifiés. Armen (né en 1932) a été ingénieur jusqu’à l’âge de la retraite (60 ans), il a été ensuite licencié et pendant encore quatre ans, il faisait des « petits boulots de rien du tout » en travaillant entre autres comme vigile.

  • 67 Grossetti 2006.
  • 68 Bensa & Fassin 2002.

32Il s’agit généralement de changement biographique de type « modèle de crise », marqué par l’imprévisibilité au plus haut degré – celle du moment et des conséquences67. La bifurcation a été lancée pour certains par un licenciement dû à la restructuration ou à la faillite de leur employeur. Pour nombre d’entre eux, elle s’est basée surtout sur une perception de sa situation comme intolérable, le travail ne correspondant plus aux attentes en termes de revenu ou de conditions. Ilya (né en 1959, trader) a fait sa thèse, travaillait dans un institut de recherche et se voyait suivre cette voie jusqu’à la retraite, mais « la dégradation des conditions du travail était évidente, […] les autorités ont cessé de s’intéresser non seulement à notre travail, mais aussi à tout travail de ce type et puis, des problèmes purement matériels ». Cette « rupture d’intelligibilité »68, constatée par les hommes de mon corpus, les laissait désarmés face aux exigences économiques et l’impossibilité d’y parvenir avec les moyens acquis à travers leur socialisation professionnelle impliquait ainsi une bifurcation.

*

  • 69 Heurtaux & Pellen (dir.) 2009.
  • 70 Oeser 2015.
  • 71 Ibid.

33L’analyse des récits biographiques de la période de la transition post-soviétique en Russie proposée ici prolonge la perspective des travaux mettant en exergue les écarts entre l’Histoire et l’histoire personnelle69 ou familiale70. Dans mon corpus, la part de ceux qui relatent leur vie hors Histoire est importante. En outre, tout comme le montre A. Oeser71 pour le passé nazi en Allemagne, le traitement de la mémoire n’est pas identique même au sein d’une seule famille. J’ai pu constater des discours très différents au sein des couples, basés sur une division genrée du travail. Depuis les années 1980, les hommes mariés se voient assignés au rôle de pourvoyeur principal, voire unique, de la famille et leur parcours de vie est ainsi marqué par les aléas du passage à l’économie de marché, qui constitue une vraie bifurcation pour la quasi-totalité d’entre eux. En revanche, les femmes, assignées à la disponibilité familiale, sont moins touchées par les exigences économiques et donc, pour elles, la période transitoire ne constitue souvent pas un événement biographique.

34En outre, réfléchir aux continuités et bifurcations biographiques nous amène à interroger les façons de passer d’un modèle socioculturel de parcours de vie à un autre. Il est possible d’avancer l’hypothèse que la mise en récit d’une bifurcation témoigne d’un changement de modèle au sein même d’un parcours de vie. Il s’agit du passage d’un parcours sécurisé et prévisible à un parcours précarisé, expérience généralement difficile et touchant surtout les personnes qui se voient assignées à la responsabilité financière pour elles-mêmes et leurs proches, ce qui est le cas des hommes en couple ou des femmes célibataires. En revanche, le passage de modèle d’un parcours de « femme soviétique » extrêmement investie dans le travail à un modèle de « Madame (en partie) au foyer », observé depuis la fin de la période soviétique, se fait d’une génération à l’autre, ce qui expliquerait la tendance à laisser de côté l’Histoire de la période transitoire dans les récits biographiques.

35Enfin, si le type de narration mettant en scène une bifurcation lors de la période transitoire se présente comme masculin, cette affirmation devrait être nuancée. Ce type de récit semble être typique pour les hommes mariés, mais aussi les femmes qui s’écartent du modèle « traditionnel » de la famille – célibataires et homosexuelles.

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Annexe

Écart d’âge au premier mariage entre les diplômé.es du supérieur et les personnes moins diplômées72, par sexe et génération

Écart d’âge au premier mariage entre les diplômé.es du supérieur et les personnes moins diplômées72, par sexe et génération

Écart d’âge à la naissance du premier enfant entre les diplômé.es du supérieur et les personnes moins diplômées, par sexe et génération

Écart d’âge à la naissance du premier enfant entre les diplômé.es du supérieur et les personnes moins diplômées, par sexe et génération

Employé.es ayant des bénéfices sociaux assurés par l’employeur73 ( %)

1992

1995

Services médicaux

50

42

Vacances

63

32

Vacances pour les enfants

55

34

Ecole maternelle

52

33

Cantine

25

21

Produits alimentaires

34

14

Logement

39

10

Produits industriels

31

7

Temps de travail de la population urbaine, heures par semaine74

1923

1965

1986

1997-1998

Hommes

52,2

43,1

43,5

44,2

Femmes

54,4

40,3

40,0

32,7

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Notes

2 Heurtaux & Pellen (dir.) 2009 ; Duprat-Kushtanina & Vapné 2015.

3 Elder 1981 ; Mannheim 1990 [1928] ; Martenot & Cavalli 2014.

4 Leclerc-Olive 1997.

5 Lenel 2003.

6 Ricœur 1983.

7 Bessin, Bidart & Grossetti (dir.) 2009.

8 Bessin & Gaudart 2009.

9 Le volet français a été intitulé « Étude des relations familiales et inter-générationnelles » (ERFI). Pour le questionnaire de la 1re vague, voir Régnier-Loilier 2006.

10 Bessin 1997.

11 Kuznecova 1980 : 20-21.

12 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 30-31.

13 Kuznecova 1980 : 20-21.

14 Il’in 1996 : 229.

15 Gruzdeva & Čertihina 1983.

16 Castel 2003.

17 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 11.

18 Emploi + études.

19 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 27.

20 Teplova 2007.

21 Yvert-Jalu 2008 : 329.

22 Ces générations connaissent déjà la baisse du nombre d’enfant. La proportion de parents d’enfant unique passe de 28 % pour ceux nés dans les années 1920 à 41 % pour ceux nés dans les années 1960 (GGS).

23 Pour les femmes nées dans les années 1930, l’âge moyen à la naissance du premier enfant était 24,9 ans, et 25,8 ans pour les diplômées du supérieur (annexes).

24 Čebotarev 1978 : 22.

25 Annexes.

26 1,5 divorce pour mille habitants en 1960 (Surinov & Zbarskaâ 2010 : 116).

27 La procédure a été rendue plus difficile après 1936 ; les tribunaux ont ensuite assoupli leurs pratiques pendant les années 1960, cette simplification a été légitimée par un décret (1965) et le nouveau Code de la famille (1968) (Field 2007).

28 Gender and Generation Survey (CGS).

29 Fitzpatrick 1999 ; Yurchak 2006.

30 Bessin 1994.

31 Annexes.

32 Bessin 1994.

33 Solodnikov & Solodnikova 2009.

34 Maleva & Sinâvskaâ 2008.

35 Encore en 2010, la pension nette moyenne constituait 36 % du salaire moyen (Rosstat, Institut russe de statistique).

36 Gordon & Klopov 2000.

37 Ibid.

38 Kapelûšnikov 2001 : 66-67.

39 Gordon & Klopov 2000.

40 Ibid.

41 Calculé à partir des données de Surinov & Zbarskaâ (dir.) 2010 : 116.

42 Zaharov 2009.

43 Annexes.

44 Yvert-Jalu 2008.

45 Barsukova 2001.

46 Gruzdeva & Čertihina 1983 : 75-78.

47 Zaharov 2006.

48 Zdravomyslova 2003 : 18.

49 GGS.

50 Teplova 2007.

51 Ibid.

52 Ibid.

53 Annexes.

54 Teplova 2007.

55 Teplova 2007 ; Zdravomyslova 2003.

56 Zdravomyslova 2003 : 26-27.

57 Solodnikov & Solodikova 2010.

58 Leclerc-Olive 1997.

59 Je n’ai retrouvé ce genre de discours que chez un seul interlocuteur masculin, l’unique homme célibataire sans enfant de mon corpus.

60 Nazarova 2007 : 194, 229.

61 Zdravomyslova & Temkina 2003.

62 Zdravomyslova 2003.

63 Zdravomyslova & Temkina 2003.

64 Il’in 1996.

65 Gordon & Klopov 2000.

66 Prokofieva & Terskikh 1997.

67 Grossetti 2006.

68 Bensa & Fassin 2002.

69 Heurtaux & Pellen (dir.) 2009.

70 Oeser 2015.

71 Ibid.

72 Dans cette catégorie, j’ai regroupé les personnes dont le niveau de diplôme ne dépasse pas le baccalauréat. Pour certaines générations ce sont les bacheliers qui ont le calendrier le plus avancé, mais pour la plupart, ce sont les personnes n’ayant pas achevé les études secondaires.

73 Kapelûšnikov 2001 : 76.

74 Patrušev 1996, 1999.

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Table des illustrations

Titre Écart d’âge au premier mariage entre les diplômé.es du supérieur et les personnes moins diplômées72, par sexe et génération
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Titre Écart d’âge à la naissance du premier enfant entre les diplômé.es du supérieur et les personnes moins diplômées, par sexe et génération
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Pour citer cet article

Référence papier

Veronika Kushtanina, « Transition de l’époque soviétique à la période post-soviétique au prisme de biographies singulières »Clio, 49 | 2019, 239-259.

Référence électronique

Veronika Kushtanina, « Transition de l’époque soviétique à la période post-soviétique au prisme de biographies singulières »Clio [En ligne], 49 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/16541 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.16541

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Auteur

Veronika Kushtanina

Kushtanina Veronika est sociologue, maître de conférences à l’université de Bourgogne Franche-Comté, rattachée au Laboratoire de sociologie et d’anthropologie (LASA). Elle a mené une thèse en sociologie sur la grand-parentalité en France et en Russie. Ses travaux actuels portent sur les âges de la vie et les parcours biographiques, analysés au prisme des rôles et des relations familiaux, des maladies chroniques et des troubles ainsi que du care. veronika.kushtanina@gmail.com

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