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Actualité de la recherche

Éthiques et politiques du care. Cartographie d’une catégorie critique

The ethics and politics of care. Mapping a critical category
Caroline Ibos
p. 181-219

Résumés

À partir d’une critique des éthiques libérales et des modes de légitimation des inégalités sociales, les recherches sur le care ont constitué depuis une dizaine d’années en France un champ de recherches dialoguant avec les travaux de féministes étatsuniennes et notamment ceux de Carol Gilligan et Joan Tronto. Centrée sur la conception d’un sujet ontologiquement vulnérable et relationnel, cette perspective du care a affirmé l’importance morale et politique du souci d’autrui dans la préservation d’un monde commun. Des travaux transdisciplinaires se sont ainsi saisis de voix étouffées ou minorées par le genre, la classe ou la race ; voix des domestiques, des aides-soignantes, des « femmes de réconfort » ou des personnes en situation de handicap. Ces travaux ont exploré des questions dévalorisées par les sciences sociales, comme le soin non médical, la dépendance ou les multiples attachements des humains aux non-humains.

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Texte intégral

  • 1 Cassin (dir.) 2004 et Cassin 2014 : 26.
  • 2 Held 2006 : 30 ; L’équivalent de « care » le plus couramment employé en français est le mot «  (...)

1Emprunté à la langue anglaise, le mot care est un « intraduisible » ce qui, selon Barbara Cassin, « n’est pas ce que l’on ne traduit pas mais ce que l’on ne cesse de (ne pas) traduire »1. À partir d’un « nœud d’intraductibilité » sans cesse réexaminé s’est constitué un réseau terminologique étendu : soin, responsabilité, attention, souci des autres, sollicitude, maintenance, portance, présence... Les multiples ramifications de ce réseau montrent la richesse sémantique du mot-notion et leur étude permet d’explorer les liens ainsi noués entre langue, catégorie de pensée et perception des faits sociaux. Car aucun mot français ne rend précisément ni les nuances, ni la polysémie, ni les implications du terme anglais « care »2 ; et l’article qui vient en français le substantiver, là où le mot anglais « care » est aussi un verbe, l’assimile de manière abusive à un concept ou à un objet précis : dire « le » care est toujours un abus de langage, un appauvrissement, pour désigner une perspective analytique et les faits sociaux, apparemment dispersés dans l’indétermination ordinaire, auxquels cette perspective donne sens.

  • 3 Baier 1987.

2Dans les usages académiques, le mot care renvoie tout d’abord à une réflexion éthique qui confère une forme discursive à des voix morales absentes, à des questions obscurcies ou illégitimes dans les sciences humaines et sociales. Les éthiques du care s’opposent aux éthiques libérales dominantes centrées autour d’un modèle normatif de justice dont les valeurs universelles s’appliquent à un sujet à la fois abstrait et arbitrairement supposé autonome, soit sans inscriptions sociales. Les éthiques du care sont contextualistes, ce qui signifie qu’elles font surgir les problèmes moraux de la matérialité de situations spécifiques et complexes. De plus, elles n’effacent pas, mais, bien au contraire, valorisent les liens d’interdépendance entre des personnes perçues comme ontologiquement vulnérables. Et, si elles ne rejettent pas la pertinence de la justice pour la morale, elles considèrent que la morale ne se limite pas à la justice3. Au-delà des perspectives éthiques, le terme care englobe un ensemble de travaux ancrés dans des disciplines différentes et centrés sur les systèmes et les formes de dévalorisation sociale qui ont marginalisé les activités liées au souci des autres. Ainsi, si l’histoire semble d’emblée primordiale pour les études de care, c’est que celles-ci exigent de connaître les conditions historiques d’une division sociale et morale du travail en vertu de laquelle ces activités et les personnes chargées de les effectuer ont été infériorisées. Et dire que le care est intraduisible ne signifie pas que, une fois que nous l’avons nommé, nous ne puissions repérer qu’il a bien été au centre des préoccupations et des réflexions. C’est bien dans cet après-coup que l’histoire peut ressaisir les formes et les structures, les continuités et les ruptures, en quelque sorte les mailles du care.

  • 4 Les collaborations entre des chercheur.euses français.es et canadien.nes se renforcent comme l (...)
  • 5 Paperman & Molinier 2013 : 7.

3Cet état des travaux et des perspectives de recherche sur le care sera mené depuis le champ académique français. D’abord inspirées par les recherches anglophones, les études de care y connaissent, depuis une décennie, une certaine fortune et s’ouvrent à d’autres dialogues que l’influence étatsunienne4. Comment parler d’un champ de recherche transdisciplinaire et peu institutionnalisé, dont les enjeux et les perspectives sont souvent mal compris, voire caricaturés ?5 Pourtant, malgré leur diversité, ces travaux s’appuient sur une communauté de références et, loin d’être isolés, ils s’inscrivent dans un tournant épistémologique plus global. Ils partagent en outre une perspective critique qui, ébranlant certains modèles en rend intelligibles d’autres. Ces convergences ne doivent néanmoins pas masquer que les études de care dessinent dès leur origine un champ de recherche ouvert et dissensuel, où les attaches disciplinaires n’ont pas totalement disparu et dont les prémisses, les méthodes et les résultats donnent lieu à des controverses. Pour finir cette présentation, j’esquisserai quelques terrains de recherches qui attestent l’originalité et la vigueur des études françaises de care.

Perspectives épistémologiques

  • 6 Paperman & Laugier 2005.
  • 7 « L’éthique du care : nouvelles questions, nouvelles frontières. 10 ans après Le souci des aut (...)
  • 8 Molinier, Laugier & Paperman 2009 ; Laugier 2012 ; Molinier 2013 ; Paperman 2013a ; Damamme, H (...)
  • 9 Brugère 2006, 2008.
  • 10 Brugère 2017 [2011].
  • 11 Il s’agit de « Care studies » aux Presses universitaires de France et « Perspectives du care » (...)
  • 12 Fabienne Brugère (2011) a ainsi contribué à intégrer l’éthique du care dans le programme de Ma (...)
  • 13 Chavel 2009 ; Marzi 2015.
  • 14 Parmi ces projets, je citerai : Sandra Laugier, Pascale Molinier, Patricia Paperman, « Éthique (...)
  • 15 Parmi ces colloques, je citerai ; Sandra Laugier, Pascale Molinier et Patricia Paperman, « Car (...)
  • 16 Patricia Paperman, séminaire « Care, genre, justice », EHESS, 2006-20015 – Caroline Ibos, Patr (...)

4Si leur histoire reste à faire, les études de care se déploient en France à partir de l’introduction de travaux anglophones. En 2005, dans un livre précurseur, la philosophe Sandra Laugier, la psychologue Pascale Molinier et la sociologue Patricia Paperman présentent le débat étatsunien de la fin du xxe siècle confrontant l’éthique du care aux éthiques libérales et le font résonner dans le contexte français6. Depuis plus d’une décennie, dans des ouvrages collectifs, des séminaires ou des colloques internationaux7, toutes trois développent un paradigme du care à partir d’une ethnographie de la morale ordinaire8. Au même moment, en janvier 2006, Fabienne Brugère publie dans la revue Esprit un article dans lequel elle convoque ces mêmes travaux étatsuniens et, dans un ouvrage publié peu après, elle nomme « éthique de la sollicitude » une conception différente de l’action morale, fondée sur l’expérience des femmes9. Fabienne Brugère œuvrera également à la reconnaissance académique du care, notamment en publiant dans la collection « Que sais-je ? » le volume consacré à cette éthique10 et en codirigeant avec Claude Gautier deux collections importantes11. Tout en introduisant le care dans le débat académique et politique français12, Fabienne Brugère, Sandra Laugier, Pascale Molinier et Patricia Paperman ont encouragé, à la faveur de direction de thèses remarquées13, de projets collectifs14, de colloques15, de dossiers de revues et de cycles de séminaires16, des recherches à distance de la philosophie morale ou de la sociologie politique institutionnellement dominantes. C’est donc grâce à leurs travaux précurseurs et à leur engagement que les études de care ont progressivement constitué en France un champ de recherche particulièrement vivant.

  • 17 Gilligan 1977.
  • 18 Gilligan [2008] 1982.

5Bien qu’ancrés originellement dans des disciplines différentes, les travaux sur le care se réfèrent à des textes communs et notamment à deux textes écrits par des universitaires étatsuniennes, Carol Gilligan et Joan Tronto, qui seront (re)traduits en France en 2008 et 2009. À la fin des années soixante-dix, au cours de ses recherches en psychologie morale, Carol Gilligan élabore une éthique critique des éthiques majoritaires, qu’elle nomme « éthique du care »17. Dans un ouvrage intitulé In a Different Voice18, elle conteste la théorie de Lawrence Kohlberg, célèbre professeur de psychologie de l’université d’Harvard, qui établit une échelle du développement moral axée sur la maîtrise de principes rationnels capables d’articuler une éthique universelle. Or, testée sur des adolescent.e.s à partir de dilemmes théoriques, cette expérience favorise empiriquement les garçons qui, dans les résultats, apparaissent moralement supérieurs aux filles... Sceptique, Carol Gilligan s’est attachée à déconstruire les biais épistémologiques du protocole qui, selon elle, ne permet pas de saisir une voix morale alternative principalement portée par les femmes. Elle établit ainsi que les rôles sociaux et le genre des vertus incitent les femmes à privilégier leurs responsabilités envers les proches, à les protéger de la souffrance et à combler leurs besoins, toutes choses qui leur semblent plus urgentes et plus appropriées que l’application de normes morales abstraites. Traduit en français pour la première fois en 1986 sous le titre ambigu Une si grande différence, ce texte de Gilligan dont l’influence avait été considérable aux États-Unis ne suscita en France qu’un intérêt limité. Republié en 2008 sous son titre original Une voix différente, dans une traduction revue par Vanessa Nurock et précédé d’une introduction de Sandra Laugier et de Patricia Paperman, il est aujourd’hui devenu une référence majeure des études de care.

  • 19 Tronto & Fisher 1990 ; Tronto 2009 ; Ibos 2018.

6Dans cette catégorie, il faut lui adjoindre l’ouvrage de Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique de care, publié aux États-Unis en 1993, traduit en français en 2009 et qui marque un tournant dans les études de care. Joan Tronto articule la perspective éthique du care à une critique d’inspiration marxiste des inégalités et des structures du pouvoir, afin de construire un modèle analytique global. Selon elle, si les sujets sociaux dépendent les uns des autres pour que leurs besoins primordiaux soient satisfaits, savoir qui les comble et comment sont des questions éthiques et politiques centrales. Au plan éthique, la responsabilité en revient certainement à celui ou celle qui perçoit le besoin d’autrui et doit y répondre. Or, dans les sociétés néo-libérales contemporaines, cette capacité à percevoir est déléguée aux personnes dévalorisées, en sorte que l’action morale et la subordination politique s’enchevêtrent étroitement. Constatant le cercle vicieux de la dévalorisation des activités de care et des personnes qui en sont chargées, Joan Tronto construit un cadre qu’elle qualifie d’« holistique » et dont l’enjeu est la juste répartition du « fardeau » des activités de care, qu’elle décrit comme « activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible »19.

  • 20 Gilligan, Hoschild & Tronto 2013.
  • 21 Nurock 2010 ; Garrau & Le Goff 2010 et 2012.

7En 2010, Sandra Laugier, Pascale Molinier et Patricia Paperman réuniront Carol Gilligan et Joan Tronto dans un colloque fédérateur qui donnera lieu à une publication dont le titre, Contre l’indifférence des privilégiés, est une citation tirée d’Un monde vulnérable20. Il n’est de séminaire, de colloque, de numéros de revues, de notices encyclopédiques, d’ouvrages collectifs et même d’articles de presse mobilisant le care qui ne se réfère aux œuvres de ces deux théoriciennes. Leur importance dans l’historiographie française du care est confirmée par les travaux qui leur sont consacrés21, bien que cette double filiation assumée n’épuise pas les sources anglophones des travaux français qui s’adossent à une constellation d’auteures, au premier rang desquelles les philosophes Martha Nussbaum et Eva Kittay, ou les sociologues Arlie Hochschild et Evelyn Nakano-Glenn.

  • 22 Nussbaum 1986.
  • 23 Paperman & Laugier 2005 : 281 et sq.
  • 24 Fineman 2004.
  • 25 Brugère 2006 : 140.

8La référence explicite au champ étatsunien n’est pas le seul point de convergence des études de care qui s’accordent également sur quelques hypothèses prioritaires. Tout d’abord, elles définissent le sujet social comme ontologiquement vulnérable. En écho à Martha Nussbaum22 pour qui la vulnérabilité est un rapport au monde, Patricia Paperman rappelle que « les gens vulnérables n’ont rien d’exceptionnel » et que cette vulnérabilité primordiale inscrit le sujet dans les réseaux d’interdépendance que la perspective du care révèle23. Ce sujet moral est également un sujet social, c’est-à-dire relationnel, en sorte que les études de care rejettent ce que Martha Fineman24 appelle le « mythe de l’autonomie » de l’individu promue par les éthiques libérales. De plus, ces travaux saisissent l’éthique au travers de pratiques, reprenant l’hypothèse de Joan Tronto pour laquelle un principe universaliste tel que « Il faut se soucier de ceux qui nous entourent et de ceux avec lesquels nous formons une société » n’a aucune valeur morale tant qu’il ne se traduit dans des conduites appropriées. Enfin, le féminisme constitue une attache théorique et politique transversale puisque la perspective du care vise à faire résonner des voix socialement étouffées, au premier rang desquelles celles des femmes. Le champ du care est donc celui d’une revanche de l’expérience des femmes, injustement enfermées dans la sphère privée et associées à des valeurs tenues pour insignifiantes. Pour le dire dans les termes de Fabienne Brugère, le care permet de « réarmer » le féminisme25.

Un concept né dans la crise du libéralisme

  • 26 Ehrenreich & Hochschild (eds) 2003 ; Nakano-Glenn 2007 ; Sassen 2009.
  • 27 Lovell et al. 2013.

9Parce que les paradigmes gagnent en intelligibilité lorsqu’on les contextualise, le développement des études de care mérite d’être situé dans le double contexte étatsunien et français. L’émergence du care aux États-Unis dans les années 1980 est souvent corrélée à deux phénomènes : l’effacement de l’État providence, acté par les réformes néolibérales instaurées par Ronald Reagan, et l’engagement croissant des femmes dans le travail salarié. Sans enjeu politique lorsqu’elles étaient en partie financées par des programmes sociaux et assumées gratuitement dans la sphère privée par les femmes, les activités de soutien à la vie des personnes les plus vulnérables constituent progressivement un problème crucial. Cette question devient d’autant plus sensible que, paradoxalement, le nombre de personnes fragiles ou dépendantes augmente à la faveur des progrès médicaux. Or, cette crise du soin qui exigeait de repenser le partage entre l’action publique et les responsabilités individuelles fut résolue par l’exploitation informelle de travailleurs et surtout de travailleuses, souvent migrantes et exclues de la citoyenneté. Des chercheuses ont alors interrogé la mutation des cadres sociaux et normatifs organisant le soin d’autrui26. Quels sont les besoins physiques et émotionnels légitimement pris en charge et de quelle manière ? Qui les assume et pour quels bénéficiaires ? Dans la décennie qui sépare les travaux de Carol Gilligan de ceux de Joan Tronto, ces questions sont devenues centrales et le langage du care a permis de les formuler comme des problèmes indissociablement sociaux et moraux, qui en appellent à une responsabilité collective. De plus, au tournant d’un deuxième millénaire symboliquement inauguré le 11 septembre 2001, la perception de la vulnérabilité du sujet se diffuse dans un monde où non seulement la loi du marché rend la vie périlleuse, mais sur lequel pèse la double menace du terrorisme et des désastres environnementaux27.

  • 28 hooks 1984 ; Riley 1988 ; Combahee River Collective 1997.
  • 29 Andersen & Hill (eds) 1992.
  • 30 Tronto 2009 [1993].

10L’émergence des éthiques du care doit également être comprise dans le contexte de tensions internes au féminisme et de revendications réunies sous le terme générique de Black feminism. Dans les années 1980, les féministes africaines américaines, chicanas ou nées dans le troisième monde, dont les voix (différentes) commencent à se faire entendre, reprochent au féminisme majoritaire d’avoir pris pour sujet exclusif les femmes blanches des classes moyennes, d’avoir universalisé leur situation et rejeté dans les marges les multiples expériences des autres femmes28. Le Black feminism vient briser la fiction d’un collectif unifié des femmes et contraint à repenser la domination de genre sans l’isoler d’autres rapports de pouvoir incluant notamment la classe sociale et la race29. Or la posture du care (saisir des voix morales différentes) incite à déconstruire comment les femmes blanches des classes moyennes ont pu conquérir des privilèges partiels, en bénéficiant notamment du travail invisible et peu rémunéré de femmes – et d’hommes – socialement infériorisé·e·s et éventuellement racisé·e·s. Joan Tronto argue ainsi que, souhaitant s’affranchir de toute dépendance visible jugée avilissante, les membres les plus privilégiés de la société contribuent à la marginalisation du care et à la dévalorisation anthropologique, morale et politique de celles (et ceux) qui le prennent en charge30.

  • 31 Espinola 2012.
  • 32 Hardings 1986 et 1987.
  • 33 Harraway 1988 ; Collins 2009.
  • 34 Tronto 1993.

11Dans le contexte scientifique étatsunien, les travaux sur le care se sont également nourris du renouvellement épistémologique de la « situated knowledge », terme traduit en français par « épistémologie du point de vue » ou « connaissance des savoirs situés »31. Ces épistémologies issues d’une critique féministe des sciences remettent en cause la norme de la neutralité axiologique32. Elles révèlent les biais par lesquels une recherche apparemment neutre traduit en réalité le point de vue et les intérêts des groupes socialement les plus puissants33. Solidaires de ce mouvement, les éthiques du care s’affirment contextualistes et singularistes : à la différence des éthiques libérales qui valorisent une prétendue impartialité, elles attachent de l’importance aux contextes, à la matérialité des situations et aux récits subjectifs qui permettent de formuler les questions morales. Ainsi, les solutions que le care inspire privilégient ce que Dona Harraway appelle des « perspectives partielles », ne renoncent pas au tragique, ne présument pas que tous les dilemmes moraux trouvent des solutions parfaites et intègrent la possibilité du « moindre mal ». Joan Tronto34 affirme que les éthiques libérales renforcent en réalité la légitimité morale des privilégiés à être privilégiés, tandis qu’elles rejettent les plus vulnérables aux marges d’une prétendue communauté des égaux. Car leur « impartialité », déduite de l’affirmation de l’égalité de droits entre les personnes, les conduit à rationaliser les inégalités de fait, à les justifier par les supposées défaillances morales ou cognitives des personnes défavorisées. Ainsi, selon Joan Tronto, la capacité à énoncer un jugement moral universalisable contribue en réalité à masquer les inégalités.

  • 35 Damamme & Paperman 2009 ; Ibos 2012a.

12En France, les études de care se déploient dans un contexte académique et politique quelque peu différent. À la faveur d’enquêtes prenant au sérieux les expériences et les récits des personnes subalternes35, elles sont devenues l’un des vecteurs des épistémologies du point de vue, qui demeurent très minoritaires tant elles contreviennent aux traditions françaises dominantes, de leurs fondements positivistes à leurs développements structuralistes. Pour Patricia Paperman :

  • 36 Paperman 2013a : 53-54.

[…] l’abandon d’une posture monologique est une condition de l’enquête dans la perspective du care […] La connaissance ne peut être produite par un sujet occupant une position d’observateur qui lui permettrait d’accéder à la “vérité” […] Le défi qu’adresse le care aux sciences sociales est d’abord épistémologique36.

  • 37 Molinier 2016 : 127.
  • 38 Pelletier & Bonelli 2010.
  • 39 Voir sur ce point le rapport fait à Nicole Ameline, ministre chargée de la parité (Milewski et (...)
  • 40 Méda & Périvier 2007.
  • 41 Méda 2008 [2001] ; Falquet et al. 2010 ; Hirata 2011.
  • 42 Scrinzi 2009 ; Makridou 2014.
  • 43 Crenshaw 2005 [1994].
  • 44 Paperman & Laugier 2005.

13Et Pascale Molinier ne dit pas autre chose lorsqu’elle affirme que « écouter la voix des travailleuses du care, c’est prendre le risque de perdre ses privilèges, y compris épistémiques »37. Moins centrées sur la critique du néolibéralisme, dont les formes sont plus tardives et plus insidieuses qu’aux États-Unis38, ces recherches se déploient alors que le travail, et d’abord celui des femmes, se précarise39. Or, par le jeu de différents dispositifs publics, le secteur des « services à la personne » fournit des emplois dégradés qui renforcent des logiques de discriminations et d’exclusion sociale40. Articulés au courant féministe de la sociologie du travail41, les éthiques du care inspirent alors des recherches empiriques sur la précarisation des emplois féminins, corrélées à une critique de la division internationale du travail et de la violence des assignations de sexe et de race42. Comme aux États-Unis, mais par l’entrée académique et non politique, les études de care assimilent donc les outils du féminisme intersectionnel, dont l’un des textes de référence43 est d’ailleurs traduit en français quelques mois avant la publication de l’ouvrage pionnier précité dirigé par Patricia Paperman et Sandra Laugier44.

  • 45 Nurock 2010 ; Raid 2017 ; Ferrarese 2018.
  • 46 Brugère 2017 [2011] : 85.
  • 47 Ibid. : 120.
  • 48 Hochschild 1979.
  • 49 Le Groupe de sociologie politique était une unité de recherche de l’EHESS fondée au milieu des (...)
  • 50 Paperman 2000.
  • 51 Paperman 2013 a et b.
  • 52 Ahmed 2004 ; Ticineto Clough & Halley (eds) 2007.
  • 53 Molinier 2000.

14La cartographie française des études de care reste par ailleurs profondément influencée par les recherches respectives de celles qui les ont introduites. Ainsi, Sandra Laugier n’a pas seulement contribué à leur émergence en France. Ses travaux antérieurs sur le pragmatisme américain l’ont conduite à travailler sur des auteurs également critiques des éthiques libérales, telles que Cora Diamond, Iris Young ou Anette Baier dont elle a traduit ou diffusé les œuvres. Reliant ainsi le care à d’autres théories morales alternatives et critiques, sa perspective a suscité les travaux importants d’une nouvelle génération de philosophes45. Les recherches sur le care de Fabienne Brugère s’inscrivent dans sa réflexion plus large sur le tournant néolibéral-néoconservateur qui a mené à une « extinction » de la démocratie46 et invitent à élaborer une « démocratie sensible »47. Avant ses travaux sur le care, s’appuyant notamment sur la notion de travail émotionnel élaborée par Arlie Hochschild48, Patricia Paperman avait, au sein du Groupe de sociologie morale et politique49, contribué à la réappréciation de la sensibilité dans le monde social, connectant une sociologie pragmatique des émotions à une critique de la domination50. Ses travaux affirment, contre le seul recours à la raison et au calcul, l’importance de l’émotion et de l’imagination pour performer un rapport moral au monde51. Ils croisent ainsi l’Affective turn qui, dès le début du xxie siècle, infléchit la théorie critique52 et relancent le dialogue entre sociologie et philosophie. Dix ans avant la publication du Souci des autres, Pascale Molinier menait déjà des recherches-actions sur la souffrance psychique au travail des personnels subalternes dans les établissements de soin53. Toutes ces pistes ont essaimé sur un espace transdisciplinaire et propice au développement d’une pensée critique.

Potentialités critiques

15Épicentre des études de care, la réflexion éthique s’appuie sur la redéfinition du sujet moral, qu’elle considère comme sensible et relationnel, pour développer une critique de l’organisation sociale et des rapports de domination. Cette perspective du care est potentiellement subversive puisqu’elle opère des renversements et des décentrements dans l’ordre institué de l’importance des personnes, des valeurs et des sentiments.

  • 54 Rawls 1987 [1971], 1995 [1993].
  • 55 Gilligan 2008 [1982].
  • 56 Laugier 2010.

16Les travaux de Carol Gilligan comme ceux de Joan Tronto entendaient formuler une critique féministe de la Théorie de la justice de John Rawls qui, en se fondant sur la tradition libérale du contrat social, proposait une alternative néokantienne aux doctrines utilitaristes54. Selon John Rawls, une société juste est une société fondée sur la liberté d’individus égaux en droits, liberté que seul le respect de principes universalisables ne peut limiter. Or, les éthiques du care contestent la prémisse même de l’éthique de la justice rawlsienne, soit la conception d’un sujet moral envisagé comme solitaire et détaché de tout enjeu social particulier. Dans Une voix différente, Carol Gilligan illustre par une expérience la distinction originelle entre éthique du care et éthique de la justice. On demande à Jake et Amy, deux enfants de sexe différent, du même âge (11 ans) et doués de capacités cognitives équivalentes, de résoudre un dilemme classique en psychologie morale. Très malade, la femme de Heinz risque de mourir si l’on ne lui administre pas des médicaments que Heinz est trop pauvre pour acheter. Ce dernier doit-il voler les médicaments à la pharmacie afin de sauver sa femme ? Jake affirme que Heinz doit voler le médicament et que, s’il est jugé, le jury comprendra son action et l’acquittera. Plus hésitante, Amy juge prioritaire d’éviter que Heinz aille en prison, car alors il ne pourra plus prendre soin de sa femme malade. Dès lors, selon elle, la meilleure solution morale consiste à ce que Heinz tente de convaincre le pharmacien de lui donner le médicament. Jake analyse le dilemme comme un conflit de hiérarchie entre des droits subjectifs : il est juste de faire primer le droit de vivre sur le droit de propriété. Amy refuse de le résoudre d’une manière purement logique et le retraduit dans les termes d’un récit singulier. Selon elle, tous les acteurs du drame doivent, par le dialogue, trouver la solution la plus satisfaisante. Son raisonnement moral s’enracine dans une vision du monde « constitué de relations humaines qui se tissent et dont la trame forme un tout cohérent, et non pas d’individus isolés et indépendants dont les relations sont régies par un système de règles »55. Carol Gilligan déplace le centre de gravité de la morale, en soulignant l’importance primordiale de la préservation et de l’entretien des relations pour la vie humaine comme pour la société dans son ensemble. Ainsi, « le care est une révolution »56, car il contraint à intégrer au cœur de la morale des données tirées de la vie ordinaire et à écouter la voix des personnes dominées, et notamment des femmes.

  • 57 Tronto 2009 [1993] : 49.

17Joan Tronto propose que l’éthique du care « déplace (des) frontières morales » : la première frontière est celle établie entre la morale et la politique qui exclut l’égalité réelle de la sphère de la justice ; la seconde frontière est celle qui sépare la vie publique de la vie privée, car le care a été traditionnellement associé aux valeurs et à l’expérience des femmes dans la sphère privée, ce qui l’a dévalué ; la troisième frontière est celle qui hiérarchise moralement les puissants et les subalternes en sorte que les premiers imposent aux seconds les normes de la défense de leurs intérêts et la satisfaction de leurs besoins57. Si sa perspective engage à reconnaître la place centrale du care pour le bien commun, elle constate que le processus du care est éclaté entre de multiples pratiques et acteurs, pourvoyeurs ou bénéficiaires, ce qui contribue à diluer son importance et à masquer ses effets politiques. Pour les ressaisir, Joan Tronto propose de réarticuler les quatre « phases » du care, analytiquement distinctes mais en pratique enchevêtrées : « se soucier de », soit l’attention à autrui ; « prendre en charge », soit la responsabilité envers autrui ; « prendre soin », soit l’implication sensible dans la relation qui mobilise des compétences éthiques et pratiques ; « recevoir le care », soit l’inclusion du point de vue des destinataires de l’action. Pour la philosophe, les deux premières phases permettent de préserver les intérêts des privilégiés, tandis que les deux secondes impliquent les personnes socialement marginalisées. Une plus grande justice sociale exige ainsi de rééquilibrer l’attention accordée aux besoins et aux valeurs des personnes, quelle que soit leur position sociale.

  • 58 Paperman 2015 : 37.
  • 59 Martin 2008.
  • 60 Campani 2011 ; Bezzi & Papa 2016.
  • 61 Weber, Trabut & Billaud 2014.

18Les travaux français ont notamment exploré deux ressorts critiques du care : la mise au jour du care comme processus social global et les formes sociopolitiques de la subordination du travail domestique. Prendre en compte le processus de care vise à « relier les fragments disloqués du care en un ensemble intelligible »58 et à dévoiler les rapports de pouvoir qui le fragmentent et l’invisibilisent. À partir d’ancrages disciplinaires différents, Claude Martin et Florence Weber reconstituent les circuits de la prise en charge des personnes qui, dans leur vie quotidienne, ont un besoin vital de soutien. Leurs travaux retracent les modalités complexes de partage des charges financières, matérielles, affectives et morales entre les différents acteurs : familles, associations, travailleuses à domicile, État. Leurs résultats s’accordent à signaler l’importance des réseaux informels de proximité dans la prise en charge des personnes vulnérables et le poids du travail des femmes dans ces configurations. Comparant la prise en charge du bien-être physique et émotionnel des personnes dépendantes dans différents États européens, Claude Martin amorce une critique des États providence dont l’action soutient un modèle androcentré, déléguant prioritairement le fardeau du care à des femmes en situation politique ou économique fragile59. Ainsi, l’Italie, confrontée au vieillissement de sa population, a encouragé le développement du travail dissimulé et l’exploitation des badanti, femmes pauvres, souvent migrantes irrégulières, qui habitent au domicile des personnes dont elles s’occupent60. Différemment, la France prétend promouvoir les personnes travaillant dans le domaine du care par leur professionnalisation, tout en maintenant des rémunérations très faibles. C’est ce point que Florence Weber élucide : comment expliquer la faible rémunération des aides à domicile dans le contexte d’une forte demande sociale alors que leur travail exige savoir-faire et compétences ?61 Sa démarche ethnographique, qui croise les différentes échelles de l’économie domestique, des politiques étatiques et de leur mise en œuvre locale par les acteurs privés et publics, souligne les tensions entre les principes politiques, les critères administratifs et les normes professionnelles. Or, ces conflits normatifs ne sont jamais résolus au bénéfice des travailleuses. Si l’on se réfère au modèle de Joan Tronto, ces travaux analysent l’avantage accordé aux besoins de care portés par les classes moyennes sur la reconnaissance de travailleuses subalternes.

  • 62 Nakano-Glenn 1986 et 1992.
  • 63 Parrenas 2001 et 2002.
  • 64 Sassen 2003 et 2009 : 192-195.
  • 65 Hochschild 2000.
  • 66 Ibos 2012b.
  • 67 Joseph 2017.
  • 68 Falquet et al. 2010.
  • 69 Le Petitcorps 2013.
  • 70 Ibos 2012a et 2016 ; Younes & Molinier 2017.
  • 71 Horn 1975 ; McBride 1976 ; Sutherland 1981 ; Fairchilds 1984 ; Piette 2000.
  • 72 Haskins & Lowrie 2015.
  • 73 Hoerder, Nederveen & Neunsinger 2015.

19Un ensemble de travaux transnationaux a par ailleurs relancé une réflexion sur les domesticités, examinant les modèles de subordination intersectionnelle et leurs enjeux éthiques à partir de la distribution du travail de care dans la globalisation postcoloniale. Les recherches sociohistoriques d’Evelyn Nakano-Glenn ont inauguré cette analyse des structures politiques des domesticités. À partir des biographies de trois générations de femmes japonaises-américaines travaillant dans le service domestique à San Francisco entre 1900 et 1970, elle analyse les liens entre le genre, les transformations de l’économie et la segmentation raciale du marché du travail62. Aujourd’hui, dans les pays du premier monde et dans un contexte politique pourtant de plus en plus défavorable aux migrations internationales, des femmes racisées se trouvent toujours massivement en charge du travail domestique et des personnes vulnérables. Ce phénomène illustre la routine du cercle vicieux de la dévalorisation du travail du care par lequel des personnes vulnérables s’occupent d’autres personnes vulnérables. Des recherches empiriques menées sur la société française font écho aux travaux de Saskia Sassen, Arlie Hochschild ou Rhacel Parrenas63. Saskia Sassen souligne une rupture dans les migrations de genre, liées à la mondialisation qui crée une « nouvelle classe des désavantagées », constituée de femmes privées de droits politiques, isolées et peu susceptibles de stratégies collectives64. Pour décrire et analyser les réseaux transnationaux informels par lesquels, les femmes se délèguent les unes aux autres le soin des personnes vulnérables, la sociologue étatsunienne Arlie Hochschild a proposé la notion de « chaînes de care mondialisées »65. Ces chaînes commencent dans les pays pauvres, se terminent dans le premier monde et permettent de relier dans la même boucle politique des situations apparemment éclatées66. Pour Rose-Myrlie Joseph, qui travaille sur les migrations féminines liées au care entre Haïti et la France, « les femmes paysannes (haïtiennes) deviennent des travailleuses domestiques à Port-au-Prince, ce qui permet à leurs patronnes de s’investir dans le travail non domestique et d’accéder à la migration internationale. En France, celles-ci deviennent à leur tour des travailleuses domestiques et permettent à leurs patronnes françaises de s’investir dans le travail non domestique »67. En France, ce concept de « chaînes de care mondialisées » a inspiré à la fois une analyse systémique des migrations de care68 et des approches ethnographiques précises soulignant les capacités d’action et les formes de résistance des femmes impliquées dans ces chaînes69. Finalement, c’est toute une sociologie politique des domesticités postcoloniales qui émerge à partir de l’étude de relations traversées par le pouvoir, les résistances à l’oppression et les sentiments ; relations entre les travailleuses et leurs employeurs mais aussi entre elles et leurs familles transnationales70. Ces recherches françaises s’appuient sur un corpus de travaux historiques jusque-là peu mobilisés en sociologie politique, mais que les outils du care et la déconstruction des frontières entre espace privé et espace public, entre activité productive et reproductive, entre travail marchand et non marchand, entre émotions et rationalité, incitent à retravailler à partir du politique71. Et les croisements entre migrations, colonialisme et domesticités inspirent aujourd’hui d’ambitieux projets d’historien·ne·s72. Parmi ceux-ci, un récent volume collectif tente une histoire globale des travailleur·euse·s domestiques et du care entre les xviie et xxie siècles, réunissant des contributions qui connectent l’étude des circulations économiques et culturelles aux contextes locaux du service domestique73. L’informalité du travail, les arrangements entre les patron.nes et les travailleur.euses, les pratiques de résistance dans l’intimité sont saisies dans leurs continuités et leurs discontinuités. S’il ne fallait citer qu’un seul article de cet ouvrage, ce serait celui de Shireen Ally qui, à partir de trois portraits de domestiques et de trois types de subordination (l’esclavage, la servilité et le service), recompose trois siècles de relations entre maître.esses et servantes en Afrique du Sud.

Débats et controverses

  • 74 Pattaroni 2009.
  • 75 Ledoux 2013 : 87.
  • 76 Scott 1988 [1986].
  • 77 Laugier 2012.
  • 78 Okano 2016.

20La jeune histoire des études de care montre l’importance pour leur développement des critiques constructives qui leur furent adressées ainsi que de controverses qui ont engendré des contre-argumentations. L’une des critiques, récurrente, concerne leurs frontières floues : le champ du care est alternativement jugé trop vaste ou trop étroit. Ce caractère inassignable du care est souvent corrélé à l’impossibilité d’en donner une définition substantielle précise, ce qui invaliderait ses propriétés heuristiques74. Ainsi, pour Clémence Ledoux, le care serait un concept « ambigu », car le « périmètre de ses bénéficiaires et de ses activités » est mouvant : si tout peut relever du care, « de l’entretien des routes à la préparation des repas », si le care est partout, il risque de se dissoudre75. Pour repousser cette critique, il convient de rappeler que le care – très comparable en cela au genre – est une perspective analytique qui, par définition, n’a ni objets assignés ni « périmètre »76. On peut ainsi penser que ce que cette perspective permet de capter varie dans le temps et dans l’espace, ce qui encourage les approches historiques et comparatives. Les études de care se sont déployées non pas selon une logique additionnelle, qui consisterait à ajouter les objets du care les uns aux autres, mais selon une logique extensive, visant à élargir la compréhension des relations impliquant de prendre soin les un.es des autres. Ainsi, Carol Gilligan a pensé initialement le care comme une éthique de la vie ordinaire visant à préserver les formes de vie importantes pour les personnes. En révélant les biais politiques et les failles des éthiques libérales, Joan Tronto a étendu cette éthique de proximité à l’analyse des rapports sociaux, soulignant que les relations et les interdépendances sont aussi inscrites dans les structures du pouvoir. Dans un troisième moment, la perspective du care a intégré l’analyse des relations entre les personnes et les animaux, les personnes et l’environnement77. Aujourd’hui, dans des travaux très pionniers, l’éthique du care est convoquée pour repenser des questions de relations internationales et de justice globale. Ainsi, dans ses recherches sur les femmes de réconfort pendant la Seconde Guerre mondiale, la philosophe japonaise Yayo Okano affirme que le sexisme et le colonialisme ancrés dans le droit international ont empêché la reconnaissance d’un système d’esclavage sexuel massif dont l’État japonais refuse toujours toute responsabilité légale ou politique78. Selon Okano, bien plus que l’éthique des droits, l’éthique du care permet de comprendre pourquoi les survivantes de ces crimes ont mis plus de quarante ans à faire entendre leurs voix que la communauté internationale a cherché à étouffer. Le care semble aussi la seule perspective éthique susceptible de penser la réparation des victimes non pas au travers d’actes symboliques mais d’une véritable attention et d’une prise en charge de la souffrance.

  • 79 Brugère 2011.
  • 80 Destremeau & Georges (dir.) 2017.
  • 81 Bourgault & Perreault (dir.) 2015.
  • 82 Avril 2018 : 207.
  • 83 Ibos 2012a ; Molinier 2013.
  • 84 McClintock 1995 : 268.

21La critique d’un care trop polysémique ou trop imprécis permet de distinguer au moins deux usages scientifiques différents du concept de care. Un premier ensemble de recherches, transdisciplinaires et que nous privilégions dans cette présentation, associe systématiquement le care à une réflexion éthique et critique. Mais d’autres travaux utilisent couramment le terme care comme l’ensemble des activités liées au soin et substituent à la perspective critique une sociologie d’objet. Dissocié de l’éthique, le care pourrait alors « faire l’objet d’un usage néolibéral où le soin prend seulement sa place dans le cadre d’une rationalité marchande globalisante »79 jusqu’à être qualifié de « face morale du capitalisme »80. Or la différence entre ces deux types d’usages du care n’est pas toujours claire puisque de nombreux travaux associent implicitement l’approche critique et l’approche substantielle, englobant dans le care « l’ensemble des services affectifs et sexuels fournis dans un rapport d’interdépendance »81. Également sceptique envers cette sociologie d’objet, Christelle Avril adresse aux analyses mobilisant le care une objection légèrement différente. En se fondant sur ses recherches empiriques menées sur les aides à domicile, elle reproche au « travail du care » de mettre en exergue « l’amour dans le travail » et de conférer au travail pénible fait par ces femmes de « milieux populaires » une « connotation positive »82. Cette observation mérite d’être nuancée. Tout d’abord, l’éthique du care exprime moins l’amour que la sensibilité et la responsabilité envers autrui : or, nous pouvons être touchés par une personne ou nous sentir responsable d’elle sans l’aimer ; c’est précisément pourquoi le care est, au-delà des sentiments éprouvés, une éthique et non une simple réaction. Ensuite, lorsque les sociologues du care se saisissent de l’amour que les travailleuses disent (parfois) ressentir pour celles et ceux dont elles s’occupent, c’est pour le réinscrire dans une analyse des relations socialement contextualisées. Le langage de l’amour peut par exemple exprimer le sens et la valeur qu’elles donnent à leur travail et qui leur permet d’opposer leur résistance subjective au sale boulot, à l’oppression et à la déshumanisation83. Il peut même être un instrument de lutte et d’empuissancement dans des rapports de domination de classe et de race : Anne McClintock qualifie ainsi de « secret colonial » le fait que des femmes du groupe subordonné aient pu exercer, par la force des liens d’affection, un pouvoir sur les enfants du groupe dominant84. L’idiome de l’amour n’est donc pas nécessairement la fausse conscience qui viendrait enchanter le travail pénible : il peut traduire des capacités d’autonomie, de résistance et d’action.

  • 85 Tronto 2009 [1993] : 41.
  • 86 Tronto 2013.
  • 87 Ibid.
  • 88 Ogien & Laugier 2014.

22Réciproquement à la critique d’un care trop flou, les disciples des éthiques libérales tentent de le réduire à la peau de chagrin d’une morale de proximité. Précisément, dans ses premiers textes, Joan Tronto pointait comme possible un tel rétrécissement, parce que l’on se soucie d’abord de ceux qui sont culturellement, émotionnellement et physiquement proches de nous85. Aussi, dans des travaux ultérieurs, elle s’est attachée à analyser comment, en tant qu’éthique particulariste, il pourrait fournir une base morale suffisamment robuste pour aborder des questions de justice posées à l’échelle mondiale et notamment des questions de justice environnementale86. Selon Joan Tronto, les relations de care peuvent s’étendre à des entités plus larges que la communauté immédiate parce que la responsabilité envers autrui peut inclure, au-delà des frontières nationales, des êtres humains menacés, mais également des vivants non humains et des objets inanimés. Ce n’est pas alors la commune humanité qui fonde la responsabilité et l’obligation morale, mais l’engagement dans une relation particulière, enracinée dans des attachements à l’histoire ou à la nature. Et toujours selon Joan Tronto, le care pourrait même être plus contraignant que les éthiques universalistes pour penser et assumer des responsabilités globales, car une conception relationnelle de la responsabilité permettrait mieux aux individus de comprendre leurs devoirs à l’égard d’êtres éloignés mais concrets, que des éthiques fondées sur des liens universels mais abstraits87. Ainsi, le périmètre de la responsabilité envers autrui n’est pas limité et peut se constituer, au-delà du proche, dans l’espace de solidarités à la fois ancrées et déterritorialisées88.

  • 89 Pour une analyse particulièrement claire de cette controverse, consulter Garrau & Le Goff 2010
  • 90 Noddigs 1984.
  • 91 Ruddick 1995.
  • 92 McKinnon 1987 ; Dietz 1998.
  • 93 Gilligan 1995.
  • 94 Tronto 2009 [1993].
  • 95 Garrau & Le Goff 2010 ; Laugier 2011b.
  • 96 Reverby 1987 : 198 et sq.

23Nées de la confrontation qui opposa l’éthique du care aux éthiques libérales, les études de care n’ont cessé de se structurer autour de controverses majeures. La première d’entre elles a opposé deux interprétations divergentes des travaux de Carol Gilligan selon qu’ils affirmeraient une critique féminine ou une éthique féministe89. Reliant les dispositions éthiques propres au care à des vertus naturellement féminines liées, les recherches de Nel Noddigs ont défini l’éthique du care à partir d’une relation de soin, d’attention et d’abnégation dont la dyade mère-enfant serait le modèle90. Ces travaux sont prolongés par ceux de Sarah Ruddick, qui certes considèrent le maternage comme un rôle social, mais défendent également une conception normative de l’organisation sociale fondée sur la complémentarité des rôles de sexes sans en interroger la construction91. Dans ces cas, l’éthique du care essentialise une distinction morale entre le masculin et le féminin et, reconnaissant aux femmes des attitudes morales aussi naturelles que spécifiques, elle durcirait les stéréotypes sociaux associant les femmes aux sentiments plus qu’à la raison, et aux valeurs privées plus que publiques92. Plus de dix ans après la publication d’Une voix différente, Carol Gilligan dissipera définitivement les soupçons et affirmera que « son » éthique du care est bien une éthique féministe et non pas féminine93. Elle rappelle n’avoir à aucun moment écrit que le care était naturellement féminin mais constaté empiriquement la corrélation entre les raisonnements moraux d’adolescentes et l’éthique alternative qu’elle a appelée « éthique du care ». Joan Tronto94 ne contestera pas cette constatation empirique mais l’interprétera différemment, proposant d’effacer le sexe au profit du genre et de la classe, en corrélant la différence morale à la position dans la société. Les données collectées par Carol Gilligan invitent alors à interroger les mécanismes sociaux de la transmission des normes et des assignations à la sollicitude et aux tâches de soin. Et la compréhension de la dévalorisation du care en appelle à déconstruire les identités sociales masculines et féminines et à s’emparer du genre comme rapport de domination95. En ce sens, les travaux historiques de Susan Reverby sur le genre des vertus dans la société américaine à l’époque contemporaine semblent particulièrement éclairants pour comprendre la fabrique culturelle du soin désintéressé des femmes comme preuve de l’amour familial96.

  • 97 Laugier 2010 : 112.

24Dans le contexte français caractérisé par une polarisation aiguë du champ du féminisme entre approches matérialistes et différentialistes, l’éthique du care fut parfois qualifiée d’« ambiguë ». Pour Sandra Laugier, le care est au contraire une « radicalisation du féminisme »97. D’abord, le féminisme des éthiques du care tient à leur critique des théories de la justice parce que ces dernières promeuvent des valeurs privilégiant le patriarcat. Mais, de manière plus subversive, l’idée d’une morale féminine est selon elle féministe :

  • 98 Ibid. : 113.

[…] il s’agit de revendiquer une autre forme de moralité, une voix différente qui est présente en chacun mais qui est précisément négligée parce qu’elle est d’abord, empiriquement, celle des femmes, et concerne des activités féminines au sens où elles sont réalisées principalement par des femmes98.

  • 99 Garrau & Le Goff 2010 ; Damamme 2012.
  • 100 Bessin 2014 : 2.
  • 101 Laugier 2011a ; Raïd 2015.
  • 102 Ferrarese 2009.
  • 103 Garrau 2013 : 141.

25Une controverse particulièrement stimulante s’est nouée autour des tensions entre trois des notions centrales du care que sont la vulnérabilité, la dépendance et l’interdépendance99. Du point de vue de la logique du care, ces trois notions semblent liées : notre vulnérabilité ontologique nous rend dépendants et fonde notre obligation morale de soutien à autrui. Cette figure de la vulnérabilité partagée a permis de pointer l’imposture de la norme d’un sujet autosuffisant, en soulignant que même les plus puissants sont pris dans des réseaux de dépendance. Marc Bessin invite en ce sens à penser les « parcours de vie » comme des processus de circulation de care100. Immanente à l’expérience indissociablement morale et sociale du sujet, la vulnérabilité ne caractérise pas seulement ce dernier, mais également les relations intersubjectives ainsi que celles qui relient les personnes humaines aux animaux et à la nature. Toutes ces relations sont toujours précaires et leur possible destruction renforce la vulnérabilité des personnes en sorte que les manières dont elles s’ordonnent – soit les formes de vie – doivent être protégées101. Toutefois, la reconnaissance de la vulnérabilité, de la dépendance et de l’interdépendance comme invariants anthropologiques pose des dilemmes éthiques autant qu’épistémologiques. Car certaines formes de vulnérabilité apparaissent plus radicales que d’autres et certaines formes de dépendance plus tragiques. Estelle Ferrarese souligne ainsi que pour Carol Gilligan et Joan Tronto, la vulnérabilité est moins une disponibilité à la blessure (sens étymologique) que le risque d’être abandonné : le sujet vulnérable est celui qui dépend du geste d’autrui pour la satisfaction de ses besoins primordiaux102. En revanche, pour Martha Nussbaum, la vulnérabilité anthropologique est un « entre-deux entre autonomie et dépendance », puisque l’être humain est à la fois capable et vulnérable103. Il s’agirait alors de distinguer la vulnérabilité constitutive de cet humain qui l’expose à la souffrance et qui est une condition commune, et la vulnérabilité induite par certaines formes d’organisation sociale, contingente, et qui ne concerne pas tous les humains de manière égale.

  • 104 Kittay 1999.
  • 105 Damamme & Paperman 2009.
  • 106 Kittay 1999.

26La situation des personnes extrêmement dépendantes a permis de réarticuler ces tensions entre dépendance et interdépendance. Pour Eva Kittay, la dépendance radicale des personnes en situation de handicap est différente de la commune interdépendance parce qu’elle ordonne de penser la responsabilité envers autrui sans réciprocité, dans un sens unilatéral que les éthiques libérales excluent radicalement, mais que la focalisation de l’éthique du care sur l’interdépendance tempère également104. À partir d’une ethnographie de la prise en charge de personnes très dépendantes par des membres de leurs familles, Aurélie Damamme et Patricia Paperman ont réexaminé les enjeux de justice liés au fardeau du care105. Elles montrent ainsi comment, dans la profondeur des rapports sociaux, le care est traversé par le pouvoir : les abus de pouvoir sont certes toujours possibles quand le bénéficiaire du soin ne peut pas exprimer ses propres besoins, mais les personnes pourvoyeuses de soin peuvent également se sentir abandonnées et exploitées, et cela même lorsque leur activité se déploie au sein des familles. Leurs résultats donnent raison aux recherches spéculatives d’Eva Kittay lorsqu’elle affirme la complexité du soin aux personnes en situation de dépendance extrême qui constitue une véritable épreuve pour la démocratie : d’un côté le soutien institutionnel en leur faveur est une question de justice et d’un autre côté, les personnes pourvoyeuses du care ne doivent pas être abandonnées et doivent également bénéficier de soutien matériel et émotionnel pour déployer leurs compétences106. Si elles ne reçoivent aucune attention, elles peuvent se sentir rejetées de la pleine citoyenneté et également exclues des valeurs fondamentales de la démocratie. C’est donc la dépendance même au care qui apparaît être une communauté de destin.

Retours de terrains : le care au cas par cas

27Parallèlement à la réflexion éthique et épistémologique, l’approche du care a également permis, en renversant les points de vue et en prêtant attention à des expériences minoritaires, de reproblématiser des pratiques et des savoirs, de repérer des attachements non vus, de rompre avec des stéréotypes. J’ai évoqué le renouvellement de l’étude des domesticités, du genre des migrations ou du soin dispensé aux personnes très dépendantes. Je présenterai désormais trois terrains (ré)ouverts par la perspective du care : le travail du soin non médical dans les institutions médicales ; les relations entre les humains, les animaux et l’environnement ; et l’art comme souci d’autrui et entretien du monde commun.

Le travail du care

  • 107 Molinier 2013, 2016.
  • 108 Galerand & Kergoat 2008.
  • 109 Dammame, Hirata & Molinier 2017.
  • 110 Molinier 2006 et 2010 : 160.
  • 111 Molinier 2010 : 158.
  • 112 Hirata 2011.
  • 113 Rossigneux-Méheust 2018.

28À partir de recherches-actions dans des hôpitaux ou des maisons de retraite, Pascale Molinier a mené des enquêtes au plus près du travail de soin non curatif, en prenant au sérieux les exigences normatives de celles qui l’assument, aides-soignantes ou femmes de service. Cette ethnographie morale des relations de soin lui a permis de construire un cadre d’analyse articulant la psychodynamique du travail et la perspective du care107. Les travailleuses qu’elle a observées, souvent issues des classes populaires ou des groupes minoritaires, maintiennent un monde vivable pour des personnes humaines si diminuées qu’elles sont parfois abandonnées par leurs proches. Et bien que socialement dévalorisées, ces activités sur lesquelles nous fermons les yeux tant elles semblent insoutenables, possèdent à leurs yeux une valeur, qui n’est ni marchande ni instrumentale, mais morale108. Or, le langage de leur engagement moral est celui de l’attachement, en sorte que ce que l’on qualifie intuitivement de « sentiments » (aimer les vieillards ou les malades) comme s’ils étaient spontanés, relève en réalité d’attitudes éthiques élaborées dans le cadre du travail109. Au ras des rapports sociaux, les enquêtes de Pascale Molinier analysent la texture de cet « ineffable » travail du care : « accumulation de petits riens », « savoir-faire discrets », « accordages affectifs », il tire paradoxalement son efficacité de son effacement en tant que travail ; invisible et échappant au calcul et au marché, il n’est pas estimable110. Il génère en outre des sentiments et des émotions ambivalentes : de l’affection, du chagrin, mais aussi de l’agressivité ou du dégoût. Or, et c’est là un autre apport important des recherches de Pascale Molinier, pour être supportable et ne pas dégénérer en violence, cette instabilité émotionnelle doit s’adosser à une organisation collective du travail, ce qui semble en pratique difficile, car la faible légitimité sociale des travailleuses fait obstacle à la réflexion institutionnelle. Pascale Molinier prolonge alors son ethnographie morale du travail par une réflexion sur ce que pourrait être une organisation « caring », qui considèrerait à la fois le bien-être des patients et des travailleuses. Elle constate que « de l’après-guerre aux années 1980, la nécessité de développer des formes d’attention aux personnes a été au cœur d’une vaste réflexion portant sur ce qui, dans le soin, ne relevait pas strictement du curatif »111. Elle a coordonné une série d’enquêtes comparatives avec Helena Hirata qui ancre sa sociologie de la division internationale et sexuelle du travail dans trois terrains principaux : la France, le Brésil et le Japon112. Leurs résultats soulignent les récurrences dans les tâches matérielles et le travail émotionnel sollicité par le soin non curatif, mais aussi d’importantes variations contextuelles liées notamment aux différences de l’action publique, des modalités de la formation professionnelle et des structures familiales et informelles impliquées dans le travail du care. Sur ces thèmes, des recherches historiques, comme celles de Mathilde Rossigneux-Méheust sur la fin de vie des classes populaires au xixe siècle, qui interrogent la construction de l’action publique pour prendre en charge des populations vulnérables, contribuent à reconstituer une sociogenèse du soin non curatif comme problème public113.

Les humains, les animaux et l’environnement

  • 114 Laugier 2012 : 12.
  • 115 Raid 2012.
  • 116 Raid 2015.

29Sandra Laugier rappelle que « si la vulnérabilité, au sens premier, s’entend comme une disponibilité à la blessure, elle définit la vulnérabilité humaine comme rappel de sa condition d’animal »114. En soulignant l’importance des relations et des attachements, l’éthique du care introduit ainsi au cœur de l’interrogation morale les liens des humains à l’environnement, au monde animal et même, au-delà, au monde des inanimés. Elle permet alors de reformuler les enjeux de l’éthique animale ou environnementale différemment des éthiques kantiennes ou utilitaristes, pour sortir d’une conception purement instrumentale de la nature. Sandra Laugier montre les limites du traitement des animaux uniquement en termes de droits, qui se concentre exclusivement sur les problèmes posés par leur souffrance et leur mort. Car penser les animaux comme détenteurs de droits subjectifs consiste à protéger leur existence au nom de qualités qu’ils partagent avec les humains, par exemple le développement moral ou la sensibilité. Or, selon Sandra Laugier, ce qui fonde l’attitude morale ordinaire envers les animaux n’est pas la ressemblance avec les humains, mais la relation que ceux-ci entretiennent avec eux : le concept qui engendre l’action morale n’est donc pas le concept de droit mais de responsabilité. Layla Raid souligne que nous n’avons d’ailleurs pas un rapport unique avec « les » animaux comme catégorie globale, mais des relations très différentes avec des catégories d’animaux très différents115. L’éthique du care valorise cette attention particulière non pas à l’ensemble des animaux ou des lieux, mais à tel animal dont il s’agit de prendre soin même lorsque sa vie n’est pas menacée, à telle vallée ou à telle rivière qu’il s’agit de préserver. Et ce type d’attachement permet de comprendre les relations de nombreux peuples à la nature et aux animaux, alors que le modèle moral rationaliste, qui empêche de saisir de telles conceptions éthiques, pourrait conduire à penser que ces peuples sont dépourvus de sens moral116.

  • 117 Larrère 2012 ; Plumwood 2015 [1998].
  • 118 Hache 2015 ; Morin 2016.
  • 119 Warren 1998.

30Par leur ancrage féministe et leur conception non instrumentale des animaux et de la nature, les éthiques du care se rapprochent de certaines analyses écoféministes117. Pour ces dernières, le patriarcat est un système de domination qui englobe l’exploitation non seulement des femmes, des esclaves et des peuples colonisés mais aussi de la nature. Le double enjeu de l’écoféminisme est donc d’affranchir le féminin de son association au « naturel » et de repenser la domination humaine sur la nature, en explorant la complexité et la richesse des liens entre les humains et les non-humains irréductibles à de simples ressources118. Les éthiques du care partagent cette double focalisation, d’abord sur les liens particuliers et les responsabilités entre humains et non humains, mais aussi sur le pouvoir patriarcal119.

L’art, la littérature et le care

  • 120 Deschênes 2015.
  • 121 Hêtu & Snauwaert 2018.
  • 122 Gilligan 2008 [1982].
  • 123 Laugier 2009 : 84.
  • 124 Nussbaum 1995 et 2003.
  • 125 De Falco 2016.

31Les liens entre les éthiques de care et la littérature peuvent surprendre, car la création ne saurait être soumise à un programme moral120 ; pourtant un corpus croissant de recherches menées en philosophie ou en études littéraires les explorent121. Dès ses premiers travaux, notant que l’éthique du care constitue les problèmes moraux par le langage, Carol Gilligan s’est intéressée au récit122. Ainsi, dans le dilemme de Heinz, Amy construit un cadre narratif qui permet au problème moral de surgir et d’être formulé dans toute sa complexité. Et c’est par ce récit qu’elle imagine une solution qui va bien au-delà d’une réponse à une équation logique. Pour le dire dans les termes de Sandra Laugier, « c’est dans l’usage du langage […] que s’élabore la vision morale d’une personne, sa texture d’être »123. En lien avec ses travaux sur les inégalités et les capabilités, Martha Nussbaum s’est attachée à montrer le pouvoir d’initiation à l’empathie des textes littéraires qui plus que tous les autres, philosophiques ou politiques, suscitent la faculté de se mettre dans la peau d’autrui124. Le care littéraire est aussi l’objet d’approches thématiques, comme pour Amelia De Falco qui documente les relations de care dans la fiction, alors décrites dans toutes leurs ambivalences et de tous les points de vue125. En cela heuristique, la littérature permet d’écrire les émotions et le détail des situations singulières et d’approfondir l’expérience de la vulnérabilité d’une manière inaccessible aux textes académiques.

  • 126 Tronto 2009 [1993] : 145.
  • 127 Ibos 2019.

32Les relations entre l’art et l’éthique du care ont pour l’instant été peu explorées dans le monde anglophone. On peut expliquer ce point aveugle par l’analyse de Joan Tronto selon laquelle « créer une œuvre d’art ne relève pas du care » parce que l’activité créatrice « n’a pas pour but le maintien, la perpétuation ou la réparation de notre monde »126. Lorsqu’elle écrit cela, Joan Tronto reste pourtant prisonnière du stéréotype de l’artiste démiurgique dont l’art, autonome et autotélique, exclurait toute préoccupation éthique. Or, des travaux récents consacrés aux œuvres d’artistes féministes montrent que l’entretien matériel et émotionnel du monde commun peut être au centre de projets artistiques127. Ainsi, décidant de faire du travail domestique sa pratique artistique, l’artiste étatsunienne Mierle Laderman Ukeles lava inlassablement le sol dans les musées sous les yeux indifférents des visiteurs ; dans une performance qui dura plusieurs années, elle serra les mains de milliers d’éboueurs en les remerciant de « garder la ville de New York en vie » ; dans un bidonville du New Jersey, elle transforma, avec les riverains et en identifiant leurs besoins, une décharge publique en espace de vie. Dans son Manifeste pour un art de la maintenance, elle écrit, en 1969 : « lundi matin, après la révolution, qui s’occupera des poubelles ? » et semble adresser une question à laquelle vingt ans plus tard, Joan Tronto, en comprenant les multiples implications, tentera de répondre.

33Cet état des travaux souligne l’importance des sciences sociales pour les éthiques du care. Sans recherche historique, sans enquête sociologique, sans terrain ethnographique, la plupart des hypothèses au cœur du care resteraient abstraites et programmatiques, alors même qu’il s’est constitué sur la critique de l’abstraction des éthiques libérales. Pour revenir au dilemme de Heinz, une approche totalement contextualiste consisterait à se demander de quelle maladie souffre la femme de Heinz, pourquoi cette famille n’a pas d’assurance sociale et pourquoi Heinz est lui-même trop pauvre pour acheter des médicaments. Savoir dans quelle Histoire cette histoire se passe permettrait de déplacer la question de la moralité de la décision à la situation de Heinz, et de penser la malchance comme une question de justice et non pas de hasard. Le care s’enracine dans l’histoire des attachements, des formes sociales de la vulnérabilité, des dépendances et des interdépendances, de la distribution du fardeau du souci d’autrui.

  • 128 Philippe 2018.

34Si cette perspective inspire des travaux novateurs, elle pose aux historien.nes des problèmes spécifiques. Une première difficulté est d’ordre méthodologique : faire, par exemple, l’histoire du soin non curatif, c’est prendre le risque de décontextualiser le passé en le soumettant à des catégories contemporaines. Une seconde difficulté, empirique, concerne les sources, car non seulement il semble particulièrement difficile de documenter l’immatériel (les sentiments ou les émotions passés), mais encore, le point de vue des personnes subalternes laisse particulièrement peu de traces matérielles. En ce sens, je citerai le magnifique objet entre histoire de l’art populaire et histoire sociale que constitue la collection des Black dolls de Deborah Neff, exposée au printemps 2018 par Nora Philippe à la Maison Rouge128. En achetant depuis plusieurs décennies dans des vide-greniers des poupées noires confectionnées avec des bas et des chiffons, Deborah Neff a fait émerger un mystérieux corpus. En les recoupant avec des archives intimes (photographies et lettres de famille également exposées), il apparaît que ces poupées ont été cousues entre 1840 et 1940 par des domestiques africaines américaines, pour leurs enfants – dont elles étaient le plus souvent séparées –, ou pour les enfants blancs dont elles s’occupaient. Toutes différentes, ces poupées ont pour point commun des lèvres brodées qui ne sourient pas, en sorte que l’on ne peut les confondre avec les poupées « black face » des Blancs. Le regard du care permet de saisir et d’analyser ces œuvres de femmes réduites au silence indissociablement comme un geste de tendresse et un acte de résistance.

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Notes

1 Cassin (dir.) 2004 et Cassin 2014 : 26.

2 Held 2006 : 30 ; L’équivalent de « care » le plus couramment employé en français est le mot « soin ». Pourtant, et malgré la polysémie de ce terme (acte thérapeutique, acte d’entretien ou d’attention envers une personne ou une chose), il ne contient pas la même complexité sémantique que le mot « care ». Selon l’analyse de Marie Carrière, « le verbe d’action, to care pourrait vouloir dire préférer quelque chose, se sentir concerné ou avoir du souci ; care to : avoir envie ; to care about : donner l’attention, aimer ; to take care : soigner ; to care for : éprouver de l’affection, de l’attachement ou de l’amour. Son substantif signifie tout à la fois l’inquiétude, la responsabilité, la précaution, le problème pris en main, sans oublier ses formes composées dénotant santé (health care) ; soins du corps (body care) ; travail social (care worker) ; garderie (child care) ; famille d’accueil (foster care) ; colis de ravitaillement (care package) ; tendresse (loving care) ; obstétrie (maternity care) ; soins de longue durée (long-term care). Comme ses formes négatives – to not care, to not take care, to be careless –, ubiquistes dans le parler anglais usuel, la notion du care occupe une place fondamentale dans nos vies non seulement intimes mais sociales aussi, et politiques » (Carrière 2018 : 2).

3 Baier 1987.

4 Les collaborations entre des chercheur.euses français.es et canadien.nes se renforcent comme l’a montré un récent colloque tenu à Paris le 18 octobre 2018, « Care : résistance et démocratie », organisé par des équipes françaises (Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris – CRESSPA, Paris 8) et canadiennes (Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités – CIRCEM, université d’Ottawa).

5 Paperman & Molinier 2013 : 7.

6 Paperman & Laugier 2005.

7 « L’éthique du care : nouvelles questions, nouvelles frontières. 10 ans après Le souci des autres », colloque international organisé par l’UMR LEGS (CNRS – université Paris 8 Saint-Denis – université Paris Ouest). Comité d’organisation : Patricia Paperman, Kamila Bouchemal, Fabienne Brugère, Sandra Laugier, Pascale Molinier.

8 Molinier, Laugier & Paperman 2009 ; Laugier 2012 ; Molinier 2013 ; Paperman 2013a ; Damamme, Hirata & Molinier 2017.

9 Brugère 2006, 2008.

10 Brugère 2017 [2011].

11 Il s’agit de « Care studies » aux Presses universitaires de France et « Perspectives du care » aux Éditions de l’ENS.

12 Fabienne Brugère (2011) a ainsi contribué à intégrer l’éthique du care dans le programme de Martine Aubry lors de la campagne d’investiture du parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2012. Dans un entretien publié sur le site Mediapart le 2 avril 2010, Martine Aubry en appelle ainsi à une « société du soin mutuel » qu’elle reprend dans un article publié le 6 juin 2010 dans Le Monde Magazine : « Le “care”, c’est une société d’émancipation ».

13 Chavel 2009 ; Marzi 2015.

14 Parmi ces projets, je citerai : Sandra Laugier, Pascale Molinier, Patricia Paperman, « Éthique et politique du care », programme interdisciplinaire ACI TTT financé par le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur (Institut Marcel Mauss – EHESS, CURAPP – université Picardie Jules Vernes, CREPHINAT-université de Bordeaux III, EHSBM-UPJV), 2005-2007 ; Sandra Laugier, Pascale Molinier, Patricia Paperman, Programme ANR « Blanc », Le travail du care : familles, institutions, situations de crise, CNRS, EHESS, Délégation régionale Nord-Pas-de-Calais et Picardie, 2007-2010 ; Caroline Ibos et Patricia Paperman, « Le genre des déchets. Une question de care et de justice », GIS Genre, 2015.

15 Parmi ces colloques, je citerai ; Sandra Laugier, Pascale Molinier et Patricia Paperman, « Care éthique, sciences sociales », 10-11 juin 2010, université Panthéon-Sorbonne ; Caroline Ibos, Sarah Roshem et Barbara Formis, « Art & Care », Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Institut ACTE, 4 et 5 décembre 2014 ; Patricia Paperman, Kamila Bouchemal, Fabienne Brugère, Sandra Laugier et Pascale Molinier, « L’éthique du care : nouvelles questions, nouvelles frontières. 10 ans après Le souci des autres », 16 et 17 juin 2016, Maison des Sciences de l’Homme – Paris-Nord.

16 Patricia Paperman, séminaire « Care, genre, justice », EHESS, 2006-20015 – Caroline Ibos, Patricia Paperman et Layla Raid, « Éthique du care et violence », séminaire du Laboratoire d’études de genre et de sexualité (LEGS), 2016-2018.

17 Gilligan 1977.

18 Gilligan [2008] 1982.

19 Tronto & Fisher 1990 ; Tronto 2009 ; Ibos 2018.

20 Gilligan, Hoschild & Tronto 2013.

21 Nurock 2010 ; Garrau & Le Goff 2010 et 2012.

22 Nussbaum 1986.

23 Paperman & Laugier 2005 : 281 et sq.

24 Fineman 2004.

25 Brugère 2006 : 140.

26 Ehrenreich & Hochschild (eds) 2003 ; Nakano-Glenn 2007 ; Sassen 2009.

27 Lovell et al. 2013.

28 hooks 1984 ; Riley 1988 ; Combahee River Collective 1997.

29 Andersen & Hill (eds) 1992.

30 Tronto 2009 [1993].

31 Espinola 2012.

32 Hardings 1986 et 1987.

33 Harraway 1988 ; Collins 2009.

34 Tronto 1993.

35 Damamme & Paperman 2009 ; Ibos 2012a.

36 Paperman 2013a : 53-54.

37 Molinier 2016 : 127.

38 Pelletier & Bonelli 2010.

39 Voir sur ce point le rapport fait à Nicole Ameline, ministre chargée de la parité (Milewski et al. 2005 ; Hirata 2011 : 44).

40 Méda & Périvier 2007.

41 Méda 2008 [2001] ; Falquet et al. 2010 ; Hirata 2011.

42 Scrinzi 2009 ; Makridou 2014.

43 Crenshaw 2005 [1994].

44 Paperman & Laugier 2005.

45 Nurock 2010 ; Raid 2017 ; Ferrarese 2018.

46 Brugère 2017 [2011] : 85.

47 Ibid. : 120.

48 Hochschild 1979.

49 Le Groupe de sociologie politique était une unité de recherche de l’EHESS fondée au milieu des années 1980 par Luc Boltanski, Michael Pollack et Laurent Thévenot et où plusieurs chercheuses travaillant aujourd’hui sur les éthiques du care se sont rencontrées.

50 Paperman 2000.

51 Paperman 2013 a et b.

52 Ahmed 2004 ; Ticineto Clough & Halley (eds) 2007.

53 Molinier 2000.

54 Rawls 1987 [1971], 1995 [1993].

55 Gilligan 2008 [1982].

56 Laugier 2010.

57 Tronto 2009 [1993] : 49.

58 Paperman 2015 : 37.

59 Martin 2008.

60 Campani 2011 ; Bezzi & Papa 2016.

61 Weber, Trabut & Billaud 2014.

62 Nakano-Glenn 1986 et 1992.

63 Parrenas 2001 et 2002.

64 Sassen 2003 et 2009 : 192-195.

65 Hochschild 2000.

66 Ibos 2012b.

67 Joseph 2017.

68 Falquet et al. 2010.

69 Le Petitcorps 2013.

70 Ibos 2012a et 2016 ; Younes & Molinier 2017.

71 Horn 1975 ; McBride 1976 ; Sutherland 1981 ; Fairchilds 1984 ; Piette 2000.

72 Haskins & Lowrie 2015.

73 Hoerder, Nederveen & Neunsinger 2015.

74 Pattaroni 2009.

75 Ledoux 2013 : 87.

76 Scott 1988 [1986].

77 Laugier 2012.

78 Okano 2016.

79 Brugère 2011.

80 Destremeau & Georges (dir.) 2017.

81 Bourgault & Perreault (dir.) 2015.

82 Avril 2018 : 207.

83 Ibos 2012a ; Molinier 2013.

84 McClintock 1995 : 268.

85 Tronto 2009 [1993] : 41.

86 Tronto 2013.

87 Ibid.

88 Ogien & Laugier 2014.

89 Pour une analyse particulièrement claire de cette controverse, consulter Garrau & Le Goff 2010.

90 Noddigs 1984.

91 Ruddick 1995.

92 McKinnon 1987 ; Dietz 1998.

93 Gilligan 1995.

94 Tronto 2009 [1993].

95 Garrau & Le Goff 2010 ; Laugier 2011b.

96 Reverby 1987 : 198 et sq.

97 Laugier 2010 : 112.

98 Ibid. : 113.

99 Garrau & Le Goff 2010 ; Damamme 2012.

100 Bessin 2014 : 2.

101 Laugier 2011a ; Raïd 2015.

102 Ferrarese 2009.

103 Garrau 2013 : 141.

104 Kittay 1999.

105 Damamme & Paperman 2009.

106 Kittay 1999.

107 Molinier 2013, 2016.

108 Galerand & Kergoat 2008.

109 Dammame, Hirata & Molinier 2017.

110 Molinier 2006 et 2010 : 160.

111 Molinier 2010 : 158.

112 Hirata 2011.

113 Rossigneux-Méheust 2018.

114 Laugier 2012 : 12.

115 Raid 2012.

116 Raid 2015.

117 Larrère 2012 ; Plumwood 2015 [1998].

118 Hache 2015 ; Morin 2016.

119 Warren 1998.

120 Deschênes 2015.

121 Hêtu & Snauwaert 2018.

122 Gilligan 2008 [1982].

123 Laugier 2009 : 84.

124 Nussbaum 1995 et 2003.

125 De Falco 2016.

126 Tronto 2009 [1993] : 145.

127 Ibos 2019.

128 Philippe 2018.

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Pour citer cet article

Référence papier

Caroline Ibos, « Éthiques et politiques du care. Cartographie d’une catégorie critique »Clio, 49 | 2019, 181-219.

Référence électronique

Caroline Ibos, « Éthiques et politiques du care. Cartographie d’une catégorie critique »Clio [En ligne], 49 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/16440 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.16440

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Auteur

Caroline Ibos

Ibos Caroline est politiste, maîtresse de conférences à l’université Rennes 2, chercheuse au LEGS et membre du comité de rédaction de la revue Les Cahiers du genre. Elle travaille sur la sociologie des domesticités et des subalternités contemporaines. Elle a notamment publié Qui gardera nos enfants. Les nounous et les mères, une enquête (Flammarion, 2012) et, avec Aurélie Damamme, Pascale Molinier et Patricia Paperman, Idées reçues sur le care (Cavalier Bleu, 2019). caroline.ibos@gmail.com

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Droits d’auteur

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