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Dossier

Entre le transporteur et l’infirmière : conflits de genre autour de la définition d’un care ambulancier (1939-1973)

Stretcher-bearers and nurses : gender conflicts in the definition of care in the French ambulance service (1939-1973)
Charles-Antoine Wanecq
p. 115-135

Résumés

Rouage essentiel du soin dans des sociétés médicalisées, l’ambulancier-ère accomplit des tâches qui relèvent a priori de registres divers : conduire, brancarder, pratiquer les gestes de premiers secours, assister le malade… Cet article propose de saisir le processus de construction de la profession d’ambulancier à travers le prisme du genre, en portant une attention particulière aux conductrices-ambulancières de la Croix-Rouge française. Ces femmes, engagées en 1939 pour répondre aux besoins du temps de guerre, apparaissent comme des pionnières de la codification de la profession qui a été réglementée en France au tournant des années 1970, alors même qu’elles soient minoritaires dans la profession. Retracer quelques jalons de leur histoire permet alors de mettre au jour ce paradoxe et d’interroger la place du conflit de genre dans la définition d’un care ambulancier.

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Texte intégral

  • 1 Loi n° 70-615 du 10 juillet 1970 relative à l’agrément des entreprises de transport sanitaire.
  • 2 On pourra se reporter avec profit à Scrinzi 2016.

1Créées en 1939 pour les besoins du temps de guerre, les sections de conductrices-ambulancières de la Croix-Rouge française peuvent être considérées comme une matrice de la profession d’ambulancier, réglementée au début des années 19701. Elles constituent une expérience originale de codification d’un métier de service à la personne forgé par des femmes, mais exercé majoritairement par des hommes, qui participe à la délimitation d’une activité de care. Du care, compris comme l’attention et la précaution accordées aux personnes en état de dépendance2 (blessés, malades chroniques, personnes âgées ou handicapées), il en est a priori question dans tous les aspects du métier : brancardage, mise en condition dans le véhicule, aide aux démarches administratives à l’entrée à l’hôpital, mais aussi marques d’attention à la personne, discussion et réconfort.

  • 3 Leroux-Hugon 1987. Cet article est paru dans un numéro consacré aux « métiers de femmes ».
  • 4 Battagliola 2004 ; pour une mise au point théorique récente, voir Albert, Plumauzille & Ville (...)
  • 5 Lalandre 2009.
  • 6 Lhuilier 2005.
  • 7 Arborio 1995.

2Deux ensembles de travaux permettent de cadrer l’analyse de la production d’un care ambulancier. D’abord, l’historiographie a depuis longtemps déjà mis en évidence le rôle du genre dans le processus de catégorisation et de hiérarchisation du personnel de soin non médical entrepris à la fin du xixe siècle, notamment autour de la figure des infirmières3. Plus largement, l’histoire des femmes a permis de mettre en lumière des formes de travail qui, en dehors du salariat, n’étaient jusqu’alors pas considérées comme des activités laborieuses4. Ensuite, comme le soulignent les sociologues de la santé, les ambulanciers cherchent à résoudre la position subalterne qu’ils occupent dans la chaîne des soins par une reconnaissance de leur maîtrise des gestes d’urgence et de leur rôle dans l’organisation des secours, mais aussi par la qualité de leur relation avec le patient5. Ces éléments leur permettent de compenser le manque de considération dont ils sont l’objet et de s’insérer dans la division du travail : cette réappropriation subjective dans le rapport aux patients leur donne la possibilité de lutter contre le déclassement objectif engendré par le « sale boulot »6. À la différence des aides-soignantes7, dont le titre est créé de toutes pièces par l’administration, le monde des ambulanciers de l’après-guerre, très disparate, s’organise pour la reconnaissance de son activité et l’octroi d’un statut social et juridique.

  • 8 Ceci renvoie à la transition entre « métiers modestes et professions prétentieuses », Hughes 1 (...)
  • 9 Rasera & Renahy 2013.

3La professionnalisation des ambulanciers s’inscrit dans une lutte pour la détermination des frontières d’un secteur d’activités à la marge de celui des taxis et autres transporteurs d’un côté, des infirmières et des professionnels de la santé de l’autre8, fondé sur un ensemble de savoirs et de compétences. Le transport sanitaire repose ainsi sur deux types de savoir-faire complémentaires, mais parfois perçus comme contradictoires : alors que le brancardage et la conduite de personnes vulnérables supposent force physique et courage, propres à mettre en scène des formes de virilité9, l’exercice du métier d’ambulancier nécessite aussi des qualités d’attention et de soin. Les ambulanciers n’ont-ils alors qu’un rôle transitoire, de trait d’union entre un service sanitaire et un autre, qui renvoie à la fonction de transporteur ? Ou bien participent-ils pleinement au processus de soin ? C’est entre ces deux visions, défendues par les professionnels eux-mêmes, que se cristallise la tension pour la définition d’un corpus réglementaire de la profession entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début des années 1970, lorsque la loi sur le transport sanitaire (1970) et son décret d’application (1973) fixent les modalités d’exercice de la profession. Ainsi, l’analyse historienne des conditions de travail des conductrices-ambulancières de la Croix-Rouge révèle les recompositions du secteur de la santé et les tensions liées au genre dans la professionnalisation d’un métier du care.

  • 10 L’Ordre de Malte organise quelques sessions de formation à partir de 1967 à Paris, tandis que (...)
  • 11 Piernas 2007.

4L’alternative entre le soin et le transport recoupe pour partie une autre forme de hiérarchisation des rôles dans l’espace social, illustré par le cas des conductrices-ambulancières de la Croix-Rouge : en raison de leur origine sociale – elles sont issues en grande partie du monde des élites catholiques –, du prestige de la Croix-Rouge dans le paysage associatif et de l’expérience de guerre initiale du groupe des conductrices-ambulancières, celles-ci se trouvent dans une position paradoxale par rapport aux autres ambulanciers. Détentrices de compétences spécifiques et d’un capital social, symbolique et mémoriel fort, les conductrices-ambulancières, dont le recrutement tend peu à peu à se diversifier après-guerre, deviennent tout à fait minoritaires dans un secteur professionnel en pleine croissance à partir de la fin des années 1950. Avant la loi de 1970, elles sont pourtant les seules – ou presque10 – à proposer une formation spécialement consacrée à l’activité ambulancière, gage de qualité du service de leurs quinze sections réparties sur le territoire métropolitain, qui ne représente guère que 200 ambulancières sur plus de 5 000 transporteurs sanitaires du secteur privé11. Ces spécificités ne font qu’accroître leur marginalité dans le milieu. Dans cet article, il sera donc question des stratégies mises en œuvre par la Croix-Rouge pour contrôler l’accès à un secteur d’activité en retravaillant les normes en matière de division sexuelle du travail.

Aux origines d’un care ambulancier : une histoire genrée

  • 12 Thébaud 2014.
  • 13 Thébaud 2013.

5La naissance de la fonction d’ambulancière s’est organisée à partir d’une répartition genrée des activités en temps de guerre : tandis que les hommes combattent, les femmes participent à la réparation des combattants en se consacrant à des fonctions de soin12. En 1914 déjà, le modèle de l’infirmière de la Croix-Rouge assistant le soldat blessé est devenu emblématique d’une forme de charité désintéressée venant au secours des malheurs de la nation. Au début de la Seconde Guerre mondiale, une dimension nouvelle apparaît à travers la figure de la conductrice-ambulancière : les femmes prennent part aussi au transport des blessés, en conduisant les ambulances, appelées souvent encore « voitures d’ambulance » pour les distinguer des infirmeries de campagne mobiles, désignées alors comme ambulances13. Cette fonction correspond à un déplacement des frontières du genre en temps de guerre qui, nous le verrons, se prolonge jusqu’à la fin du conflit. En subvertissant les codes sociaux, les conductrices assument une forme de synthèse entre la virilité, associée à l’activité de conduire, et la féminité, qui rendrait naturellement apte au soin.

La féminisation d’une activité masculine en temps de guerre

  • 14 Capdevila 2000.
  • 15 Prévot 2010.

6Parmi les nombreuses formes d’engagement au service des blessés, l’historiographie a eu tendance à se focaliser sur l’incorporation des femmes dans l’armée et à leur expérience combattante comme épisode de transgression et de brouillage des assignations de genre14. L’entrée de femmes dans un milieu masculin provoque une réinterprétation de la représentation du rôle des hommes et des femmes. Bien qu’elles participent à une forme traditionnelle de division du travail traditionnelle en situation de guerre, les ambulancières interrogent les catégories de genre par l’exercice de fonctions jusqu’alors assumées par des hommes15.

  • 16 Monsuez 2007.
  • 17 Hampton 2006.
  • 18 Jauneau 2012.
  • 19 Pour avoir un aperçu de la cartographie de ces groupes, voir Miot 2013.
  • 20 Le Crom 2008.
  • 21 Jean Orselli estime que « la proportion des femmes ayant le permis est inférieure à 10 % du to (...)

7Si l’entrée en scène de ces femmes permet de pallier la pénurie de véhicules de l’armée dont les commandes n’avaient pas été traitées à temps par les constructeurs automobiles, elle interroge aussi les modalités d’accès à un certain type d’activités16. Parmi l’ensemble de groupes féminins engagés pour le soin et le transport des blessés, comme les célèbres Rochambelles accompagnant la 2e DB17 et dont le souvenir a été davantage entretenu18, les ambulancières de la Croix-Rouge sont des volontaires civiles, qui se mettent temporairement à la disposition de la hiérarchie militaire19. Après l’armistice, certaines continuent à suivre les armées au Levant et en Finlande, mais la plupart choisissent de servir sur le territoire français pour répondre aux besoins des civils au cours de la période d’Occupation. Pour remplir cette nouvelle fonction philanthropique, les sociétés de Croix-Rouge, unifiées par Vichy en 1940, comptent alors sur leurs réseaux au sein de la bourgeoisie et de la noblesse20, milieux dans lesquels davantage de femmes sont titulaires du permis de conduire21. C’est d’abord à la notion de dévouement que fait appel la directrice du service lorsqu’elle s’adresse aux nouvelles recrues :

  • 22 Discours de Madame de Peyerimhoff, le 13 avril 1944 [Archives de la Croix-Rouge française (CRF (...)

Votre rôle n’est pas seulement de courage et d’adresse, il est aussi moral ; il faut savoir se pencher sur les douleurs humaines et trouver le mot qui apaise et qui réconforte. Celui-là, ne s’apprend pas, mais il monte tout droit de l’âme. Et c’est sans doute pour cela, qu’on a choisi pour le métier de brancardier et de chauffeur de faibles femmes22.

  • 23 Une histoire sociale de ce groupe de femmes reste à mener. L’objectif de cet article est plutô (...)
  • 24 Hutchinson 1996.

8Cependant, au-delà de la référence chrétienne du sacrifice, sans doute très présente dans l’environnement familial de nombreuses conductrices filles ou sœurs de militaires23, ces jeunes femmes doivent faire la preuve de leur endurance et de leur sang-froid. Le dévouement et le permis de conduire ne sauraient suffire à faire de ces femmes de bonnes conductrices-ambulancières. Elles doivent d’abord apparaître suffisamment résistantes, physiquement et psychologiquement, pour affronter les tâches qui leur seront confiées. Cette résistance est mise à l’épreuve lors du dépôt de la candidature et de l’examen d’entrée à la formation. Le care de ces ambulancières retravaille donc le motif de la charité traditionnelle24 : alors que la dimension soignante est au cœur de l’action des ambulancières, le fait de conduire constitue assurément une mutation de la figure de l’engagement féminin.

De l’engagement à la formation : l’apprentissage du care

9Après les premières expériences de 1939-1940, il apparaît très vite que le transport et le soin de malades et blessés nécessitent un certain nombre de qualités et un apprentissage de techniques de care progressivement codifiées pendant la guerre. Les contours de l’activité de care semblent donc progressivement définis en fonction des besoins, mais aussi du rôle assigné à ces conductrices en tant que femmes.

  • 25 Guichard-Claudic & Kergoat 2007.
  • 26 Rennes 2016.

10Puisque ce sont des femmes, la direction de la Croix-Rouge met en évidence de soi-disant qualités féminines de douceur, d’écoute et d’empathie, relevant de la logique du care. Mais d’autres activités mettent en œuvre d’autres aptitudes. Le brancardage, par exemple, instaure une situation de corps à corps, présente des champs de bataille aux hôpitaux contemporains, qui accompagne souvent une conception différentialiste des métiers : aux femmes, les tâches de soin, aux hommes, le transport et le porter25. L’accès à la fonction d’ambulancière se trouve donc conditionnée par des limites d’ordre physique, pour la pratique du brancardage en particulier, comme chez les sapeurs-pompiers : ainsi les conductrices recrutées doivent mesurer au moins 1,53 mètre et peser au moins 50 kilogrammes. Dans le même temps, l’accent est mis sur la nécessaire formation aux techniques et aux éléments associés à une pratique masculine, notamment pour l’entretien du véhicule et l’orientation à l’aide de cartes. Confier à des femmes des tâches traditionnellement accomplies par des hommes expose celles-là à la critique et suppose qu’elles acquièrent des compétences dont elles ne seraient naturellement pas dotées, contrairement à ceux-ci26. C’est ce qui conduit à la mise en place d’une formation à partir de février 1942. Vingt sessions de cours se succèdent à Paris pendant la guerre, à partir de février 1942, tandis que 45 sessions se déroulent dans 25 villes de province.

  • 27 Il s’agit de l’étude de « fléaux sociaux », tels que l’alcoolisme, la tuberculose, le cancer, (...)
  • 28 Gabarit des véhicules, éclairage, signaux sonores, plaques, croisements et dépassements, bifur (...)
  • 29 Lecture de carte, géodésie, topographie, échelles…

11Au cours des six semaines de cours, suivies de six semaines de stage dans une section, les élèves conductrices reçoivent un enseignement très dense de secourisme et de secourisme social27, de circulation routière28, de topographie29 et de mécanique. La pluralité des rôles que doit assumer la conductrice apparaît très nettement dans les discours prononcés par la directrice du service à la fin des sessions de formation :

  • 30 Discours de Madame de Peyerimhoff, le 18 février 1943 [Archives CRF, 02Q051].

Vous devez, bien entendu, savoir très bien conduire, puisque, faute de carburant nous sommes hors d’état de vous perfectionner ; vous devez être l’infirmière vigilante auprès du blessé, du malade que vous transportez ; vous devez être la mécanicienne attentive au matériel rare et précieux qui vous est confié ; la secrétaire intelligente à la disposition de tel Comité de Croix-Rouge. […] Mais est-ce un métier que vous cherchez ? Non ! Un métier, vous le trouverez ailleurs ; ici, voyez-vous, c’est un sacerdoce que vous devez exercer30.

12Véritables pionnières, les ambulancières se voient confier une tâche totale de réconfort et de secours auprès des malades, blessés de guerre et des bombardements, qui dépasse le cadre de normes professionnelles. L’affirmation de l’expertise ambulancière est pour partie forgée par la construction d’une identité par la Croix-Rouge, dont les conductrices sont les ambassadrices. D’un point de vue institutionnel, les conductrices-ambulancières dépendent directement du siège parisien et non des comités locaux des villes dans lesquelles elles sont implantées. Encadrées par une direction nationale énergique, elles entretiennent donc l’image de femmes indépendantes et libres, tout en incarnant l’esprit et les valeurs de la Croix-Rouge dont elles arborent le symbole au volant de leur véhicule.

  • 31 Tripier 2010.
  • 32 Parmi d’autres témoignages, celui de Cécile Armagnac permet de saisir les tensions qui entoure (...)
  • 33 Cité par Thébaud 2014 ; Roberts 1994.

13La neutralisation de leur féminité est un des ressorts de ce processus31. En premier lieu, le port de l’uniforme en constitue un marqueur, bien que la veste, la cravate et la jupe ne soient pas toujours, d’après les conductrices, la tenue la plus confortable et la mieux adaptée aux missions qui leur sont confiées. D’autre part, la vie en section, en dehors de leur famille et à l’écart des hommes, contribue dans un même mouvement à les désexualiser et à nourrir des fantasmes32. Les sections de conductrices regroupent ainsi des jeunes femmes célibataires, vivant en communauté sous le même toit. Ce mode de vie fait écho au modèle de la femme seule, « active mais célibataire et chaste, qui permet aux Français de négocier le changement, de réconcilier l’ancien idéal domestique avec l’organisation sociale changeante »33. Défini par Mary Louise Roberts pour imaginer le féminin à la suite de la Première Guerre mondiale, ce type convient tout à fait à la situation des conductrices en 1945, appelées à jouer un rôle nouveau dans le contexte de structuration de la protection sociale par un État qui compte sur le champ associatif, la Croix-Rouge en particulier.

L’affirmation d’une expertise ambulancière par les conductrices de la Croix-Rouge

14Les conductrices-ambulancières, par leur formation et leur expérience récente, apparaissent au lendemain de la guerre comme des actrices du champ sanitaire, valorisées localement pour leurs compétences et le service qu’elles rendent à des populations fragilisées. Leurs sections ne subsistent cependant que dans quelques villes de métropole et de l’Union française où quelques conductrices recrutées pendant la guerre choisissent de s’engager durablement, alors que le secteur professionnel des transports se reconstitue lentement mais sûrement. La Croix-Rouge s’impose alors face au monde disparate – mais très masculin – des ambulanciers privés comme la seule structure où est dispensé, par des femmes et pour des femmes, un enseignement pour l’exercice du métier : elle contribue par-là à la stabilisation d’un corpus de savoirs et de compétences liées au transport des personnes vulnérables. La reconnaissance d’une spécificité de l’activité ambulancière de la Croix-Rouge peut donc s’analyser en termes de lutte sur un marché, celui du transport sanitaire, autant que selon une perspective genrée.

Des marginales dans un secteur en recomposition

15Après-guerre, la pratique du transport des malades se transforme sous l’effet de deux phénomènes : les mutations importantes que connaît l’hôpital public (hospitalisation de plus courte durée, consultations externes, examens) et l’augmentation rapide et importante du nombre d’accidentés de la route dans les années 1950 et 1960. Les besoins sont de plus en plus assurés par des entrepreneurs qui transportent des malades dans le prolongement d’une activité principale, qui s’installent également dans les villes où existent des sections de Croix-Rouge, en raison de l’accroissement de la demande. Dans le champ sanitaire et social, l’activité des conductrices ambulancières ne se limite pas au transport des malades et blessés, puisqu’elles participent également aux consultations de nourrissons, au transport de produits sanguins et au radiodépistage de la tuberculose, missions qui se situent nettement plus dans le milieu médico-social que celui du transport.

  • 34 Rapport d’inspection de la section de Metz de Mademoiselle Croizier à la direction de la Secti (...)
  • 35 Lettre d’I. Evain, SAS Metz, à la directrice du SAS, le 16 février 1952 [Archives CRF, 02Q400]

16Dans les villes où elles sont implantées, les conductrices-ambulancières, soutenues par les pouvoirs publics, sont souvent dans une situation de monopole. La qualité de la formation, le sérieux des conductrices et la réputation de l’association jouent en leur faveur. Les sections de Toulon et de Mâcon sont utilisées pour le service de ramassage des blessés de Police-Secours, tandis qu’à Metz, les conductrices se voient confier la mission de transporter les médecins de garde la nuit au domicile des malades sur demande du commissariat, service pour lequel elle reçoit une importante subvention34. La Croix-Rouge peut ainsi être choisie par la municipalité afin de régler un conflit avec une entreprise locale dont les services sont peu appréciés de la population ou ne permettent pas d’assurer une mission de service public. Ainsi à Metz, le seul ambulancier installé dans la ville refuse de sortir la nuit, le dimanche et les jours fériés, ce qui conduit la Sécurité Sociale à ne rembourser que les transports sanitaires effectués par la Croix-Rouge et même à lui proposer un prêt pour l’achat d’un véhicule supplémentaire35. La Croix-Rouge est amenée à définir la place de ses conductrices au sein d’une nébuleuse d’institutions à dominante masculine.

  • 36 Une analyse plus fine du fichier des conductrices, conservé aux archives de la Croix-Rouge fra (...)
  • 37 Neiertz 1999.

17Alors que le service a formé 1 200 ambulancières pendant la guerre, la Direction des conductrices ne prépare plus à partir de janvier 1947 que le personnel nécessaire au maintien de son service réduit de 200 conductrices, soit 30 nouvelles conductrices formées au cours d’une session annuelle à Paris. La Croix-Rouge, dont le fonctionnement se démocratise au lendemain de la guerre, diversifie alors le recrutement de ses conductrices qui ne proviennent plus seulement de la noblesse ou de la bourgeoisie : rémunéré, le travail d’ambulancière attire désormais des jeunes filles célibataires de la classe moyenne qui voient dans cette formation et cette activité l’opportunité de s’émanciper de la vie familiale et d’apprendre un métier36. Pourtant, les sections de conductrices conservent un fonctionnement très proche de celui qui a été instauré en temps de guerre, fondé sur une vie communautaire très règlementée, gage d’une grande disponibilité propre à répondre aux appels d’urgence. L’utilisation des conductrices dans la réserve en temps de guerre, en vertu d’un accord passé avec l’armée, permet de s’opposer aux revendications de la Fédération nationale des transporteurs routiers qui, dès 1949, dénonce la concurrence que l’association fait subir aux professionnels du transport37. Un accord avec la Fédération limite à quinze le nombre de sections et précise le rôle de réserve que jouent les conductrices ambulancières pour éviter de les voir empiéter sur leur secteur d’activité. L’organisation de la Croix-Rouge, en raison de ces spécificités, se trouve pour partie écartée du marché du transport sanitaire. Le modèle de la femme ambulancière dévouée aux urgences du temps de guerre, largement entretenu par la Croix-Rouge française après 1945, se fissure à mesure que le métier s’adapte à de nouveaux besoins et que la vision du monde des nouvelles recrues s’éloigne de celle des pionnières.

Une division du travail de care

  • 38 Molinier, Laugier & Paperman 2009.

18Ainsi, tandis qu’elles sont formées pour cette activité, les conductrices-ambulancières sont loin d’être les seules à assurer en France le transport des malades et blessés. Les conductrices de la Croix-Rouge apparaissent alors comme de véritables techniciennes du care. La notion de « vocation », souvent mise en avant par les instances dirigeantes, permet d’insister sur une forme de don de soi ou d’investissement à l’œuvre dans les activités de care et que la professionnalisation peine à entretenir38.

  • 39 Note sur le transport des malades et des blessés, René Coirier, 1er avril 1959 [AN 20040090/28 (...)

19Cette fonction fait intervenir un ensemble d’acteurs disparates39, parmi lesquels les forces de l’ordre jouent un rôle important dans le ramassage des blessés de la route, par souci de protection de la vie humaine et de maintien de l’ordre public. Pour les cas d’urgence, les qualités mises en avant par la plupart des ambulanciers sont leur disponibilité, leur proximité et leur rapidité. En l’absence d’un système d’alerte efficace, en effet, les premiers témoins emportent le blessé vers l’hôpital, à condition, si possible, d’avoir un véhicule assez vaste pouvant contenir un brancard. C’est ce qui amène un très grand nombre de commerçants, d’épiciers, de garagistes, de taxis, à devenirs des ambulanciers occasionnels, en particulier dans le monde rural. Dans la plupart des régions françaises, même si des comités locaux de Croix-Rouge existent, les ambulancières sont rares. Il n’empêche que, dans les villes où elles sont implantées, l’essor des entreprises privées en raison d’une demande soutenue contribue à renforcer les tensions. La disponibilité des ambulanciers correspond souvent à une répartition genrée des tâches dans le couple : il n’est pas rare en effet que l’épouse d’un transporteur assure le secrétariat et les tâches administratives, tandis que le mari se rend sur les lieux de l’accident où il a été appelé pour conduire la victime, le plus vite possible, vers un établissement de soins. La disponibilité des ambulancières de la Croix-Rouge n’est pas liée au genre mais plutôt à l’organisation qui régit la vie des sections.

  • 40 Hochschild 2003.

20Une section fonctionne en effet comme une sorte d’isolat, séparant les conductrices du reste du monde et même des autres activités locales de la Croix-Rouge. En effet, chacune des sections dépend directement de la direction nationale située à Paris, sans que les chefs de sections n’aient à rendre de compte aux présidents des comités locaux (à l’échelle d’une ville ou d’un canton) et des comités départementaux, en grande majorité des hommes. Il arrive d’ailleurs que des chefs de section soient en conflit ouvert avec certains d’entre eux et en appellent à la direction parisienne pour aplanir les tensions. À l’intérieur de la section, modèle proche de celui de la caserne ou de la communauté religieuse, la vie est caractérisée par une grande promiscuité et par le respect d’un règlement intérieur auquel chacune est soumise. Cette vie de section, close sur elle-même, joue sans doute un rôle spécifique dans la répartition genrée des activités de care. En effet, le métier de conductrice crée une forme de care tout à fait spécifique, qui n’est pas concentré sur des activités domestiques, mais s’exerce à l’extérieur, entre le domicile des malades et le lieu de soins. Si l’ambulance apparaît comme le lieu où la conductrice exerce son « travail émotionnel »40, tout en maîtrisant la conduite du véhicule, la section fonctionne comme un espace de formation constante, de protection et de récupération.

  • 41 Entretien téléphonique avec Madame Bernadette de Lavenère, le 12 janvier 2018.
  • 42 Morel 2014.

21Cependant, l’image d’une vocation ambulancière, entretenue par les instances dirigeantes et les chefs de section, s’estompe à l’examen des rares statistiques disponibles dans les archives du service. Pour une jeune femme, l’entrée dans un service de la Croix-Rouge est souvent l’occasion de commencer une carrière dans le milieu sanitaire et social – 6 % des conductrices formées entre 1958 et 1968 ont quitté le service pour reprendre des études d’infirmières – voire de se réorienter après un échec au diplôme d’infirmière41. Plus de la moitié des inscrites aux sessions de formation de 1967 sont mineures, 88 % ont moins de 26 ans. Enfin, 54 % des conductrices en service en 1968 ont moins de deux ans d’ancienneté, signe d’un fort turn over, caractéristique de la profession en raison de la pénibilité du travail42.

Fig 1 : Parcours suivi par les conductrices formées entre 1958 et 1968

Fig 1 : Parcours suivi par les conductrices formées entre 1958 et 1968

Source : Session de perfectionnement, 20-21-22 novembre 1968, Archives CRF, 02 Q 106

  • 43 Entretien avec Christian Corcket, le 16 juin 2016.
  • 44 Rasera & Renahy 2013.
  • 45 Note de Melle Rouanet, SAS Montpellier, à la direction de la SAS, le 22 septembre 1969 [Archiv (...)
  • 46 Censé protéger les femmes, il révèle aussi la pérennité d’une conception différenciée du trava (...)
  • 47 « Quatre femmes créent leur travail : actives, pleines d’initiatives et responsables. La preuv (...)
  • 48 Papayanis 1993.

22La définition d’un care ambulancier par la Croix-Rouge retravaille ainsi les stéréotypes de genre. Comme l’indique Christian Corcket, qui a participé aux débats sur la formation des ambulanciers dans les années 1960 en tant que représentant syndical, il était alors demandé à l’ambulancier d’être « grand, fort et bête »43. Pour les jeunes femmes de la Croix-Rouge, surtout issues d’un milieu social aisé ou, à défaut, engagées dans une association prestigieuse, cela représente un enjeu spécifique. Au conflit de genre se superpose un conflit de classe : face à ces femmes, le milieu ambulancier est par ailleurs très nettement composé d’hommes peu qualifiés issus des classes populaires. Pour ces derniers, la force, associée à une forme de virilité, compense l’absence de formation44. Dans les conflits qui opposent la Croix-Rouge au monde des entreprises privées, l’argument de la force physique et de la pénibilité du travail est d’ailleurs utilisé par le syndicat des ambulanciers de Montpellier pour dénoncer les pratiques de la Croix-Rouge. Invoquant l’interdiction, inscrite dans le Code du Travail, de faire porter au personnel féminin des fardeaux de plus de 25 kilogrammes, les représentants syndicaux écrivent à l’inspection du travail qui convoque la cheffe de section45. Cet argument a la vie longue46, puisqu’il semble toujours mobilisé par des chefs d’entreprise au début des années 1980 pour refuser d’embaucher des femmes : le président d’un syndicat départemental essaierait ainsi de détourner les femmes de l’accès au métier au prétexte qu’elles seraient incapables de soulever des corps lourds et auraient « la tête à autre chose »47. L’utilisation de ces stéréotypes de genre renvoie en miroir aux stéréotypes que l’historiographie a déjà mis en évidence sur la perception négative des professionnels du transport : la profession de cocher puis de chauffeur, exclusivement masculine au début du siècle, regrouperait des individus de mauvaise réputation, sournois, malhonnêtes et généralement ivres48. Ces préjugés s’appliquent toujours à certains ambulanciers privés si l’on en juge par les plaintes conservées dans les archives du ministère de la Santé. Les actrices du care, quant à elles, sont censées incarner une forme de douceur et de probité. Cette dichotomie semble se prolonger entre les conductrices de la Croix-Rouge et les ambulanciers privés quand le transport sanitaire se développe comme une activité à part entière.

La professionnalisation, résultat d’une lutte genrée autour d’un care ambulancier

23La professionnalisation des ambulanciers apparaît finalement comme le résultat ou le prolongement d’un conflit sur la question du genre. Bien que les conductrices de la Croix-Rouge n’occupent qu’une place marginale dans le total des transporteurs sanitaires, elles représentent un modèle pour le ministère de la Santé et pour les pouvoirs locaux (municipalités, caisses d’assurance maladie) qui valorisent ces femmes entraînées et exemplaires, face à des entrepreneurs considérés comme des éléments turbulents et peu capables de compassion.

Le care en concurrence

24Dès les années 1960, les entrepreneurs privés dénoncent la concurrence déloyale que font peser les sections de Croix-Rouge sur l’ensemble de la profession : derrière des arguments d’ordre économique, les transporteurs privés manifestent un complexe, celui d’être relégués au second plan dans la hiérarchie qui est en train de se mettre en place par l’administration de la Santé :

Il ne s’agit plus d’une œuvre de bienfaisance, d’un élément de sécurité ou d’un instrument d’instruction de conductrices, il s’agit d’une affaire importante (dispensée d’imposition) et dont le succès provient d’une concurrence déloyale. […] Ainsi nous en arrivons au véritable scandale. Pendant que vos voitures sillonnent les routes et gagnent de l’ARGENT, c’est nous, ambulanciers privés qui allons chercher les petits vieux dans les taudis, soulageons les pauvres et fréquentons les centres d’accueil et d’hébergement... […]

  • 49 Lettre du président du Syndicat des ambulanciers de l’Hérault à la Direction des conductrices, (...)

Déplacez-la dans une région où l’initiative privée est déficiente, affectez-là au ramassage des blessés sur les routes avec les CRS, faites leur faire la collecte du sang, tout ce qui correspond à votre raison d’être, mais, je vous en prie, laissez-nous le droit de vivre car c’est un droit fondamental que nous sommes bien décidés à défendre49.

  • 50 Lettre du président de la Croix-Rouge française aux présidents des conseils départementaux aya (...)

25Beaucoup d’ambulanciers privés sont alors pris dans une contradiction : la dimension exaltante du métier, notamment les cas d’urgence qui attirent beaucoup de jeunes hommes dans les années 1960, est en décalage avec leurs pratiques quotidiennes, souvent limitées au transport de personnes âgées sur de petites distances. Ils subissent alors un déclassement dans la division morale du travail, les activités leur apparaissant comme les plus nobles – et les plus rentables – étant accaparées par les conductrices de la Croix-Rouge. Le syndicat de Montpellier reçoit le soutien de la Fédération nationale des transporteurs routiers, qui passe convention avec la Croix-Rouge en 1964 : le texte prévoit de bloquer l’expansion des sections ambulancières dans d’autres villes de France. L’association prend alors l’engagement de ne pas en créer de nouvelles, de ne pas augmenter le nombre d’ambulances dans chacune des sections et de former des ambulanciers privés50. Derrière des arguments d’ordre économique, ce conflit local souligne la concurrence en termes de savoir-faire et de prestige que fait peser la Croix-Rouge sur le milieu des ambulanciers, ce dont les dirigeants de l’association sont bien conscients.

  • 51 Convention avec les centres hospitaliers de Montpellier en juillet 1966, Toulouse et Mulhouse (...)
  • 52 La section est passée effectivement de six à huit voitures d’ambulances pour l’acheminement de (...)

26Compétent, le personnel de la Croix-Rouge, très contrôlé par sa direction, est bien vu des pouvoirs publics qui lui confient de nombreuses missions, notamment dans le cadre de la politique de secours aux blessés de la route. Dans les villes où existent des sections de conductrices-ambulancières, celles-ci sont associées à la création des premiers Services mobiles de réanimation et d’urgence (SMUR) à partir de 1965. Par la qualité de leur formation, elles apparaissent souvent comme les seules directement capables d’assurer un tel service, en lien avec médecins et internes, d’autant plus que le fonctionnement des sections permet une grande disponibilité propre à répondre aux urgences51. Ceci leur vaut d’ailleurs un procès en 1971 à Montpellier, où le syndicat d’ambulanciers privés dénonce l’augmentation du nombre de véhicules dont dispose la section, au mépris de la convention passée avec la Fédération nationale des transporteurs routiers52. Les tensions grandissent ainsi à partir de 1966 entre entrepreneurs privés, associations et services publics, sous l’effet de la règlementation du secours d’urgence par le ministère de la Santé.

Étatisation du care ambulancier

27Au tournant des années 1970, les conductrices-ambulancières se trouvent dans une situation paradoxale : alors que la profession est organisée par une loi qui définit des normes et une formation sur le modèle de la Croix-Rouge, la forme de vie en sections est atteinte par les contestations de 1968. Sous la forme de pétitions, les conductrices d’une section se mobilisent pour réclamer l’assouplissement de leurs conditions d’exercice, en utilisant le droit du travail. Ceci conduit à l’emploi d’auxiliaires, toujours exclusivement des femmes, qui choisissent d’assurer leur service en vivant en dehors de la section. Pourtant, les représentants du ministère de la Santé continuent de mettre en valeur la spécificité de ce modèle, notamment en termes de genre, comme on peut le lire dans le Bulletin Officiel de la Croix-Rouge en 1970 :

Le caractère féminin de ses équipages. Est-ce un inconvenient ?

  • 53 Coirier 1970.

Je ne le crois pas. Il est classique d’affirmer que la femme est naturellement prédisposée à s’occuper des gens qui souffrent. Et elle supplée éventuellement à son manque de force par la finesse d’esprit, l’intuition, l’habileté, qui lui permettent de triompher des difficultés qui se présentent à elle53.

  • 54 Gilligan 2008.
  • 55 Lettre du secrétaire général de la Croix-Rouge française au directeur général de la Santé (min (...)

28Dans la rhétorique développée par l’association, le care fonctionne alors comme une disposition éthique54. Au tournant des années 1970, lorsque le ministère de la Santé élabore la règlementation de la profession, la question de l’attention et de la proximité du malade et du soignant est au cœur des débats auxquels prennent part les acteurs du transport sanitaire. Ainsi, l’idée de séparer le patient du conducteur est défendue par les médecins et ambulanciers, mais non par les représentants de la Croix-Rouge. Si les premiers entendent faire de l’ambulance un lieu spécifique dédié au soin et de consacrer le véhicule au transport sanitaire à l’exception de toute autre activité, les seconds se montrent réticents, « la séparation intérieure rendant difficile le contact humain permanent de la conductrice ambulancière avec son malade, contact et surveillance qui font partie de sa mission »55. Cependant, le décret d’application de la loi de 1970, adopté en 1973, consacre le modèle de formation initié par la Croix-Rouge et le pose comme référent commun pour la formation de tous les personnels. Les racines genrées des enseignements prodigués par l’association depuis 1939 sont alors ignorées par la plupart des acteurs du champ.

*

29La force de la Croix-Rouge française dans le secteur sanitaire et social et le prestige de son corps de conductrices-ambulancières expliquent en partie la prise en compte relativement tardive de l’État de la question du transport des malades. L’association a ainsi pu faire dominer le modèle d’organisation des conductrices-ambulancières dans les limites qui lui étaient pourtant fixées par les contraintes du marché et de la négociation syndicale. Pourtant, l’État, qui apparaît comme un agenceur du care, valorise ce modèle au moment où s’opère la règlementation de la profession. Derrière des recompositions portées par des arguments d’ordres économique, politique et juridique, l’argument du genre et celui de la distinction sociale des professionnels demeurent en filigrane. La formation aux techniques d’un care ambulancier, gage de la professionnalisation des ambulanciers, leur permet alors de retravailler l’image de métier modeste qui leur est assignée. La standardisation de la profession d’ambulancier correspond à la phase de montée en puissance du ministère de la Santé qui valorise la formation de la Croix-Rouge tout en laissant décliner le modèle des sections de conductrices, par le compromis instauré avec les transporteurs privés et les sapeurs-pompiers. Ainsi, la question de la répartition sexuelle des activités apparaît comme un élément fort de structuration d’un care ambulancier, avant de se trouver posée sous un nouveau jour lorsque les sections de Croix-Rouge, largement déficitaires, sont dissoutes au tournant des années 1990.

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Notes

1 Loi n° 70-615 du 10 juillet 1970 relative à l’agrément des entreprises de transport sanitaire.

2 On pourra se reporter avec profit à Scrinzi 2016.

3 Leroux-Hugon 1987. Cet article est paru dans un numéro consacré aux « métiers de femmes ».

4 Battagliola 2004 ; pour une mise au point théorique récente, voir Albert, Plumauzille & Ville 2017.

5 Lalandre 2009.

6 Lhuilier 2005.

7 Arborio 1995.

8 Ceci renvoie à la transition entre « métiers modestes et professions prétentieuses », Hughes 1996.

9 Rasera & Renahy 2013.

10 L’Ordre de Malte organise quelques sessions de formation à partir de 1967 à Paris, tandis que certains syndicats d’ambulanciers demandent à leurs membres d’être titulaires du brevet national de secourisme instauré en 1966.

11 Piernas 2007.

12 Thébaud 2014.

13 Thébaud 2013.

14 Capdevila 2000.

15 Prévot 2010.

16 Monsuez 2007.

17 Hampton 2006.

18 Jauneau 2012.

19 Pour avoir un aperçu de la cartographie de ces groupes, voir Miot 2013.

20 Le Crom 2008.

21 Jean Orselli estime que « la proportion des femmes ayant le permis est inférieure à 10 % du total des titulaires en 1939 ». Voir aussi Scharff 1992.

22 Discours de Madame de Peyerimhoff, le 13 avril 1944 [Archives de la Croix-Rouge française (CRF), 02Q051].

23 Une histoire sociale de ce groupe de femmes reste à mener. L’objectif de cet article est plutôt de montrer leur rôle dans la codification d’un travail de care.

24 Hutchinson 1996.

25 Guichard-Claudic & Kergoat 2007.

26 Rennes 2016.

27 Il s’agit de l’étude de « fléaux sociaux », tels que l’alcoolisme, la tuberculose, le cancer, les maladies vénériennes…

28 Gabarit des véhicules, éclairage, signaux sonores, plaques, croisements et dépassements, bifurcations, croisées de chemins et carrefours, priorité de passage, stationnement des véhicules, vitesse…

29 Lecture de carte, géodésie, topographie, échelles…

30 Discours de Madame de Peyerimhoff, le 18 février 1943 [Archives CRF, 02Q051].

31 Tripier 2010.

32 Parmi d’autres témoignages, celui de Cécile Armagnac permet de saisir les tensions qui entourent la vie en section (Armagnac 1994).

33 Cité par Thébaud 2014 ; Roberts 1994.

34 Rapport d’inspection de la section de Metz de Mademoiselle Croizier à la direction de la Section automobile sanitaire (SAS), le 19 septembre 1952 [Archives CRF, 02Q400].

35 Lettre d’I. Evain, SAS Metz, à la directrice du SAS, le 16 février 1952 [Archives CRF, 02Q400].

36 Une analyse plus fine du fichier des conductrices, conservé aux archives de la Croix-Rouge française, permettrait de préciser ce propos et de saisir les mutations sur l’ensemble de la période.

37 Neiertz 1999.

38 Molinier, Laugier & Paperman 2009.

39 Note sur le transport des malades et des blessés, René Coirier, 1er avril 1959 [AN 20040090/28]. À la suite d’un recensement effectué par le ministère de la Santé, il apparaît que 6 111 véhicules effectuant des transports de blessés sont recensés, appartenant à des entreprises privées, des associations, des municipalités, des hôpitaux, à la police et à la gendarmerie.

40 Hochschild 2003.

41 Entretien téléphonique avec Madame Bernadette de Lavenère, le 12 janvier 2018.

42 Morel 2014.

43 Entretien avec Christian Corcket, le 16 juin 2016.

44 Rasera & Renahy 2013.

45 Note de Melle Rouanet, SAS Montpellier, à la direction de la SAS, le 22 septembre 1969 [Archives CRF 02Q407].

46 Censé protéger les femmes, il révèle aussi la pérennité d’une conception différenciée du travail, également sous-jacent dans la loi de 1892. Zancarini-Fournel 1995.

47 « Quatre femmes créent leur travail : actives, pleines d’initiatives et responsables. La preuve !... », Des femmes en mouvements hebdo, n° 80, 26 février 1982, p. 18-19 [Archives CRF, 02Q020].

48 Papayanis 1993.

49 Lettre du président du Syndicat des ambulanciers de l’Hérault à la Direction des conductrices, le 30 novembre 1962 [Archives CRF, 02Q407].

50 Lettre du président de la Croix-Rouge française aux présidents des conseils départementaux ayant une SAS, le 9 novembre 1964 [Archives CRF, 02Q313].

51 Convention avec les centres hospitaliers de Montpellier en juillet 1966, Toulouse et Mulhouse en 1967, Strasbourg en 1969, Rouen en 1969 pour l’hôpital de Petit-Quevilly, Clermont-Ferrand en 1970, Toulon et Metz en 1971, Rennes et Poitiers en 1972 (mais ne dure pas forcément, dénoncé à Mulhouse, Metz dès 1970 et 1973, Toulon par exemple) ; demande de l’Assistance publique à Paris en 1972.

52 La section est passée effectivement de six à huit voitures d’ambulances pour l’acheminement des blessés de la route vers le centre hospitalier régional de Montpellier.

53 Coirier 1970.

54 Gilligan 2008.

55 Lettre du secrétaire général de la Croix-Rouge française au directeur général de la Santé (ministère de la Santé), le 28 décembre 1970 [AN 20040090/31].

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Table des illustrations

Titre Fig 1 : Parcours suivi par les conductrices formées entre 1958 et 1968
Légende Source : Session de perfectionnement, 20-21-22 novembre 1968, Archives CRF, 02 Q 106
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/16252/img-1.png
Fichier image/png, 19k
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Pour citer cet article

Référence papier

Charles-Antoine Wanecq, « Entre le transporteur et l’infirmière : conflits de genre autour de la définition d’un care ambulancier (1939-1973) »Clio, 49 | 2019, 115-135.

Référence électronique

Charles-Antoine Wanecq, « Entre le transporteur et l’infirmière : conflits de genre autour de la définition d’un care ambulancier (1939-1973) »Clio [En ligne], 49 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/16252 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.16252

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Auteur

Charles-Antoine Wanecq

Wanecq Charles-Antoine est docteur en histoire à l’IEP de Paris. Au croisement de l’histoire de la santé et des politiques publiques, il a soutenu en 2018 une thèse intitulée « Sauver, protéger et soigner. Une histoire des secours d’urgence en France (années 1920-années 1980) » sous la dir. de Paul-André Rosenthal. charlesantoine.wanecq@sciencespo.fr

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