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Dossier

Comment être « l’amie » des familles populaires : la relation de care chez les assistantes sociales de l’entre-deux-guerres, entre vocation et formation

Forming “friendships” with working-class families: social workers and care in the interwar period in France, between vocation and training
Lola Zappi
p. 93-113

Résumés

L’objet de cet article est de se demander comment les assistantes sociales de l’entre-deux-guerres envisagent les enjeux de la relation de care qui les lie aux usagers des services sociaux. Les assistantes ont en effet un rôle double : prendre soin des familles populaires mais aussi les surveiller et les contrôler. Comment concilient-elles ces impératifs paradoxaux en cherchant la « bonne distance » avec leur public ? Pour répondre à cette question, nous nous tournons vers les archives de la formation professionnelle. En effet, les écoles de service social contribuent à définir les attentes de la relation de care et à établir le cadre dans lequel prennent place ces interactions. Nous nous penchons dans un premier temps sur le discours de la vocation chez les postulantes au métier d’assistante, puis sur la manière dont la formation professionnelle régule ces aspirations. Nous concluons sur la force de la notion de care, qui permet de penser l’imbrication entre rapports de domination et bienveillance envers autrui.

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Texte intégral

  • 1 L’Association est créée en 1922 par Juliette Delagrange, surintendante d’usine. Ses archives s (...)

1Au printemps 1930, l’Association des travailleuses sociales1 lance un concours visant à récompenser la meilleure monographie d’une famille ouvrière. Le règlement du concours réclame que cette famille soit suivie depuis deux ans au moins par l’assistante sociale auteure du texte :

  • 2 Association des travailleuses sociales, « Médaille d’Or Anne Murray Dike », 1931, Melun, Impri (...)

Pour qu’une visiteuse y voie clair à propos d’[une famille], ce n’est pas trop, à coup sûr, des deux ans de travail suivi […]. Mais encore, au cours de ces deux ans, faut-il que la visiteuse soit devenue l’amie discrète à qui sont allées bien des confidences, qui les a recueillies, qui y a réfléchi. La lente connaissance qu’elle a acquise ainsi, reçue dans cette famille, des habitudes qui la maintiennent, des forces instinctives ou des forces spirituelles qui la meuvent, c’est le fondement le plus sûr et le plus durable de son action sur elle2.

2L’Association des travailleuses sociales se fait ainsi le relais d’un ethos professionnel mis en avant par l’ensemble des actrices et acteurs du service social comme la condition essentielle d’exercice du métier d’assistante : la capacité à être l’« amie » des familles populaires, à s’attirer leur sympathie et leurs confidences, afin de pouvoir au mieux mener sa mission d’aide et d’accompagnement auprès de ces dernières.

  • 3 Guerrand & Rupp 1978.

3Le service social, ensemble d’initiatives privées nées au tournant des années 1910, se structure dans l’entre-deux-guerres en se présentant comme un outil nouveau de traitement de la question sociale. Face à la logique de la bienfaisance par l’aumône et l’assistance immédiate se développe l’idée que la lutte contre les fléaux sociaux ne pourra passer que par une responsabilisation des ouvriers et un apprentissage de la prévoyance3. Selon la logique de l’action sociale, cette politique doit être encouragée par un accompagnement à l’échelle individuelle, mis en œuvre non plus par des dames d’œuvres bénévoles mais par des professionnelles dotées d’une formation technique : les assistantes sociales. Leur nombre augmente rapidement pendant l’entre-deux-guerres. D’une petite dizaine de jeunes filles par promotion dans les premières années, les écoles de service social voient leurs rangs tripler en une décennie, et la région parisienne compte environ un millier d’assistantes et infirmières-visiteuses dans les années 1930. Les services sociaux se multiplient dans de nombreux domaines : prévention de la santé, entreprises, services sociaux municipaux, etc. Les travailleuses sociales deviennent progressivement des figures familières pour les familles de classes populaires et s’imposent comme des agents institutionnels intermédiaires participant à la mise en œuvre de l’État social.

  • 4 Foucault 1975 ; Donzelot 1977.
  • 5 Verdès-Leroux 1978.
  • 6 Knibiehler 1980 ; Rater-Garcette 1996 ; Fourcaut 1982. Voir également les travaux du Réseau Hi (...)
  • 7 Downs 2002 [1995] ; Cohen 1995.

4L’historiographie des années 1970 a, dans la lignée des travaux de Michel Foucault et davantage encore de Jacques Donzelot, critiqué la fonction des assistantes sociales en les présentant comme des agents du contrôle social exercé sur les classes populaires4. Des auteurs comme Jeannine Verdès-Leroux ont repris cette problématique en cherchant à montrer comment « l’équipement idéologique » des assistantes sociales participe de ce phénomène : l’insistance mise sur la relation interindividuelle entre assistantes et assistés, le vocabulaire de l’amitié, seraient une manière d’aplanir les antagonismes de classe et d’invisibiliser les rapports de pouvoir à l’œuvre dans la relation d’assistance5. À l’inverse, les travaux des années 1980 ont tenté de porter un autre regard sur la figure de l’assistante sociale en prêtant attention à l’émergence de cette profession féminine et à l’agency que cette carrière apportait à des femmes issues de la bourgeoisie, quitte à en oublier le rapport ambigu du service social avec ses usagers6. Plus récemment, Laura Lee Downs de même qu’Yves Cohen se sont penchés sur une figure spécifique d’assistante sociale en entreprise, la surintendante d’usine, cherchant à déterminer comment ces dernières devaient personnaliser, par leur fonction et leur position hiérarchique au sein de l’entreprise, le lien entre le patronat et les ouvriers. Leurs travaux participent à une nouvelle approche plus centrée sur les acteurs et leurs positions respectives au sein de l’espace social de l’entreprise. Laura Lee Downs centre son analyse sur l’ambiguïté induite par la position de classe des surintendantes tandis qu’Yves Cohen inscrit son étude dans une histoire des cultures et pratiques d’autorité7.

  • 8 La question de la « bonne distance » irrigue de nombreux métiers du care contraignant aidants (...)

5L’approche par la notion de care permet d’apporter une dimension supplémentaire à la compréhension des rapports entre travailleuses sociales et personnes sous leur charge : en prenant en compte la part émotionnelle guidant les assistantes sociales dans l’exercice de leur métier, l’épistémologie du care met en évidence comment rapports de pouvoir et soin de l’autre peuvent être imbriqués. Popularisé en France par les travaux de Pascale Molinier, le care peut se définir comme l’ensemble des activités, rémunérées ou non, tournées vers la sollicitude et le soin des autres. L’étude historique du métier d’assistante sociale invite à ajouter une dimension à cette définition : le travail de care des assistantes sociales de l’entre-deux-guerres est indissociable d’une entreprise morale de « rééducation » et de « redressement moral » des usagers de classe populaire, afin de lutter contre le relâchement des mœurs et l’imprévoyance censés les caractériser. La relation de care se déploie ainsi, chez les assistantes sociales, dans une tension permanente entre des injonctions contradictoires. Comment être à la fois une figure tutélaire et une figure amicale envers les familles prises en charge ? Comment concilier l’autorité relative à sa fonction et la bienveillance censée incarner le métier d’assistante sociale ? En somme, comment trouver la « bonne distance » à adopter vis-à-vis de son public ?8

  • 9 Le terme d’ethnographie morale est employé par Daniel Cefaï et Édouard Gardella pour analyser (...)
  • 10 Voir par exemple Knibiehler 1984 ; Gardey 2001. Le travail de Nathalie Sage-Pranchère se pench (...)
  • 11 Avril 2014 ; Weber, Trabut & Billaud (dir.) 2014. Il importe néanmoins de citer des travaux ay (...)
  • 12 Notre travail de thèse prend appui sur l’étude de deux des principales écoles parisiennes de f (...)

6Nous nous emploierons dans cet article à interroger comment la formation professionnelle au métier d’assistante s’est emparée de cet enjeu de la relation avec l’usager et a contribué à modeler les attentes des assistantes sociales vis-à-vis de la relation de care. En menant une « ethnographie morale » du métier d’assistante9, nous souhaitons montrer que ces enjeux sont au cœur de la fabrique de la profession. Pourtant, ils constituent un angle mort historiographique. L’histoire du travail des femmes a en effet peu interrogé la dimension émotionnelle du rapport à l’usager dans des métiers pourtant massivement tournés vers la prise en charge d’autrui, sans doute par peur d’essentialiser l’analyse des professions féminines10. Si la sociologie des métiers du care a mis une telle problématique au cœur de nombreux travaux, ces derniers se sont avant tout centrés sur l’étude interactionniste de la pratique des travailleuses du care, avalisant implicitement l’idée que la formation professionnelle importait peu chez des travailleuses peu qualifiées11. Trois raisons justifient cependant de se tourner vers les sources de la formation des assistantes de l’entre-deux-guerres. D’abord, le milieu réformateur du service social se structure autour des écoles de formation, où se révèlent ainsi tous les enjeux liés à cette profession naissante12. Ensuite, les écoles sont obnubilées par la recherche de la « bonne distance » censée définir l’idéal de la relation d’assistance et participent en cela à l’apprentissage des codes de savoir-être du métier. Enfin, ces sources permettent de saisir la subjectivité des assistantes sociales elles-mêmes, tandis qu’elles ont laissé peu de traces écrites. Comment les jeunes assistantes sociales se tournant vers ce métier envisagent-elles leur relation avec les familles populaires qu’elles se destinent à prendre en charge ? Comment les écoles de formation participent-elles à modeler ces attentes selon les logiques normatives du service social ? Comment les assistantes confrontées par leurs stages de terrain pour la première fois à leur public apprennent-elles à trouver leur place dans cette relation de care ? Nous nous demanderons ensuite comment les postulantes mobilisent, à travers le registre de la vocation, leur volonté de se mettre au service des familles de milieux populaires. Les écoles de service social, en se donnant pour mission de transformer la vocation en profession, s’emparent de l’enjeu de la relation avec l’usager pour en dessiner les attentes normatives et transmettre les savoirs-être de la « bonne distance ».

Servir la famille ouvrière : le discours du dévouement aux autres chez les postulantes au service social

  • 13 Dupeyrat 1934 : 45-46.

Dieu qui venait de faire comprendre à la jeune fille où puiser la paix, lui tenait par surcroit en réserve la plus belle part humaine. Il devait conduire Anne au but, le vrai but qu’elle avait toujours rêvé : l’action directe au sein même du peuple le plus humble, le plus souffrant. Sa première année de formation sociale lui avait fait entrevoir ce peuple qu’elle aimait, qu’elle avait toujours instinctivement aimé. […] Il restait en elle une soif avide de ceux qui étaient les déshérités d’ici-bas, l’humble troupeau des miséreux.

Élisabeth Dupeyrat, Ceux-là… mes frères…
(Journal d’une travailleuse sociale)
, 193413

  • 14 Dupeyrat 1934 : 14.

7La volonté de dévouer sa vie aux familles de milieux populaires est au cœur du discours de la vocation chez les assistantes sociales de l’entre-deux-guerres. Élisabeth Dupeyrat, infirmière-visiteuse mais également romancière et essayiste, fait partie des rares figures de travailleuses sociales ayant laissé une trace par la littérature. Dans Ceux là… mes frères… (Journal d’une travailleuse sociale), une autobiographie fictionnelle, elle retrace l’itinéraire d’Anne, jeune fille de la bourgeoisie provinciale se destinant à une vie de travailleuse sociale. Dès son enfance, la petite Anne se sent intimement appelée vers le dévouement aux autres et en particulier aux plus démunis. Élisabeth Dupeyrat, profondément influencée par le catholicisme, inscrit cette vocation dans la foi religieuse et la tradition biblique du don de soi aux pauvres. À l’adolescence, poussée par un désir religieux d’« agir et aimer »14, Anne se sent tiraillée entre la perspective d’une carrière de missionnaire et le choix du service social qu’elle décide finalement d’embrasser.

  • 15 Sur l’histoire des Filles de la Charité, voir Jusseaume 2016 et l’article de Brejon de Lavergn (...)
  • 16 Viollet 1931.

8L’auteure n’est pas la seule à faire le parallèle entre la vocation apostolique des missionnaires et celles des assistantes sociales, bien que les acteurs du service social revendiquent la neutralité religieuse de leur action. Cette comparaison en appelle ainsi à une autre figure féminine pionnière du travail de care : les Sœurs de la Charité, membres de congrégations religieuses spécialisées dans la visite et le soin aux pauvres devenues des figures majeures de l’activité caritative au xixe siècle15. D’autres préfèrent mettre en avant la séparation entre l’action spirituelle et sociale, tel l’abbé Viollet, fondateur de nombreuses associations familiales et sociales, qui sécularise son discours en insistant sur « l’amour » comme qualité essentielle du travailleur social16. Qu’ils mobilisent un registre chrétien ou laïc, ces discours de la vocation en appellent donc à un ethos professionnel revendiquant un élan spontané vers autrui et une vocation caractérisée avant tout par un engagement émotionnel.

  • 17 Association des travailleuses sociales [AN 208/AS (XXIII) / 1]

9Cet engagement fort implique également une part d’abnégation. L’analogie entre les Sœurs et les travailleuses sociales comprend en effet parfois l’idée que ces deux voies impliquent le sacrifice du célibat et le choix de consacrer sa vie à la famille des autres plutôt qu’à la sienne propre. Bien que toutes les travailleuses sociales ne restent pas célibataires, embrasser cette profession complique cependant fortement la possibilité de créer une famille. Le mariage, et surtout la maternité, interrompent bien souvent pour plusieurs années voire définitivement les carrières des assistantes sociales, comme le montrent les correspondances conservées dans les dossiers d’élèves des écoles de service social. À ce titre, la profession de foi de l’Association des travailleuses sociales, qui a « pour but de grouper les femmes qui consacrent leur vie à l’hygiène, l’éducation et l’assistance sociales », n’est pas seulement une figure de style17.

  • 18 Guerrand & Rupp 1978.
  • 19 Cholvy & Hilaire 1986.
  • 20 Dessertine et al. 2004.

10Cette « mission » professionnelle comme alternative à la mission religieuse n’est cependant pas uniquement un engagement émotionnel de dévouement aux autres mais également un engagement social, en ce qu’il est destiné à plus démuni que soi. Si le vocable chrétien d’Élisabeth Dupeyrat s’attache au soin des pauvres, les services sociaux de l’entre-deux-guerres convoitent en réalité un public plus large s’étendant à l’ensemble des milieux populaires. Cette focalisation sur les classes populaires est un héritage en effet non seulement de la pratique charitable du xixe siècle mais également des milieux réformateurs engagés dans la lutte hygiéniste contre les fléaux sociaux, dont se réclament les services sociaux. Les origines idéologiques du service social, et en particulier la forte influence du christianisme social en son sein, participent de cette focalisation sur les milieux populaires18. Les actrices et acteurs du service social emploient le terme générique de « milieux ouvriers » pour désigner leur public, s’inspirant du mouvement du Sillon pour qui les conséquences négatives de la modernité industrielle se traduisent dans l’apparition de cette classe nouvelle subissant tous les maux du paupérisme et du déracinement19. Mais le service social puise également au sein du mouvement des premiers centres sociaux, qui voient dans l’action sociale un moyen de parvenir au rapprochement entre classes sociales en « allant » aux ouvriers20. En devenant les « amies » des familles ouvrières, les assistantes sociales remplissent ce double rôle de lutte contre le paupérisme et de rapprochement entre classes.

  • 21 Archives privées de l’École supérieure de travail social (ETSUP), anciennement École des surin (...)

11Ce discours d’une vocation à servir les classes ouvrières, si présent chez les acteurs du service social, se retrouve-t-il chez les aspirantes au métier d’assistante sociale ? Si peu de travailleuses sociales ont laissé des écrits, nous disposons cependant d’une autre source pour approcher ces questions. L’École des surintendantes d’usines et de services sociaux a en effet conservé, au sein de ses dossiers d’élèves, les fiches de candidature des postulantes qui proposent, parmi les différentes rubriques, de renseigner le « motif de la demande » d’inscription à l’École21. Si celui-ci n’est pas toujours indiqué, ses recensions permettent néanmoins d’identifier des grandes tendances parmi les réponses.

  • 22 Dossier de Suzanne L., Carton 17e/18e/19e session, Archives privées de l’ETSUP.

12Les années 1920 sont les plus fortement marquées par le vocabulaire du souci et du soin aux autres : le motif « servir les autres » revient ainsi le plus fréquemment, de même que le désir de se rendre « utile ». C’est également dans les années 1920 que l’on retrouve le plus de mentions d’un ciblage spécifique de la classe ouvrière comme destinataire de ces soins. Suzanne M., postulante à la fin de l’année 1928, argue ainsi de son désir de « se rendre utile dans les populations ouvrières tout particulièrement auprès des enfants »22.

Fig 1 : Motif des demandes des postulantes à l’École des surintendantes et des services sociaux dans l’entre-deux-guerres

Fig 1 : Motif des demandes des postulantes à l’École des surintendantes et des services sociaux dans l’entre-deux-guerres

L’échantillon est constitué de cent dossiers de postulantes à l’École des surintendantes et des services sociaux de l’entre-deux-guerres, à partir des cartons des différentes promotions conservés par l’École, en sélectionnant vingt dossiers par intervalle de quatre à cinq ans entre chaque promotion. Les « motifs de la demande » de chaque postulante ont été codés en décomposant la demande en plusieurs motifs pouvant se combiner entre eux, d’où un nombre total de motifs par année de motifs parfois supérieur à vingt.

  • 23 Nous employons le féminin pluriel car la direction des écoles de service social est majoritair (...)

13La part du sentiment religieux dans cette orientation est difficile à évaluer, faute d’apparaître, mais nous savons que 60 % des postulantes signalent leur appartenance à la religion chrétienne, dont une très grande majorité de catholiques. À l’inverse, les années 1930 sont marquées par une plus grande standardisation des réponses autour de l’intérêt pour le service social et la volonté d’avoir une situation professionnelle, atténuant le registre du sacrifice dans le don de soi. Cette standardisation répond à l’évolution des attentes des écoles. Dans les années 1920, pionnières et pionniers du service social fondant des écoles de formation s’inquiètent en effet de ce que la structuration du service social comme domaine d’activité à part entière dans le monde du travail ne puisse atténuer la force de la vocation chez les postulantes. Il est d’ailleurs significatif que les postulantes de 1920 renseignent encore massivement le motif de leur demande, tandis que cette tendance s’étiole dès 1924. Dans les années 1930 cependant, les directrices23 des écoles de service social sécularisent le discours de la vocation en transformant sa dimension sacrificielle en un « goût » du service social compatible avec la professionnalisation du métier d’assistante.

  • 24 Archives privées de l’École pratique de service social (EPSS), échantillon réalisé à partir d’ (...)

14Néanmoins, la volonté d’engagement au service des autres, et en particulier des classes populaires, se retrouve dans les activités antérieures exercées par ces femmes. À l’École pratique de service social (EPSS), une des questions de la fiche d’admission interroge les postulantes sur leur expérience antérieure relative au service social24. Les réponses mettent en évidence qu’un grand nombre de postulantes n’arrivent pas sans expérience lorsqu’elles décident de se tourner vers la profession d’assistante sociale. Plusieurs ont ainsi eu un engagement de jeunesse dans des organismes d’action sociale : 20 % des postulantes sont passées par le scoutisme, tandis que 26 % ont effectué des activités bénévoles ou potentiellement rémunérées dans des patronages et des œuvres sociales, notamment dans des structures spécialisées dans la prise en charge de l’enfance. Les renseignements sur les activités antérieures demandées à l’École des surintendantes portent quant à eux plus spécifiquement sur les activités professionnelles et laissent entrevoir l’importance des métiers du care dans ces trajectoires. Parmi les postulantes déclarant avoir exercé une activité professionnelle antérieure, 20 % ont en effet travaillé comme infirmières, un pourcentage équivalent ont exercé dans des œuvres sociales et encore un autre cinquième ont été institutrice ou professeure.

15Le discours de l’engagement personnel et émotionnel au service des autres est ainsi à prendre au sérieux pour comprendre le choix de ces femmes de se tourner vers le métier d’assistante sociale. Les écoles de service social mobilisent également cette rhétorique de la volonté de servir, tout en se donnant pour objectif, au travers de leur programme de formation, de la canaliser et de la professionnaliser.

Enseigner la « bonne distance » dans la relation d’assistance : le rôle des écoles de service social dans l’appréhension du travail de care

  • 25 Rapport de Mme Campinchi, Association de l’École Pratique de Service Social, année scolaire 19 (...)

Il est rare qu’une jeune fille vienne à nous sans éprouver déjà une vocation intérieure étayée sur un idéal moral. Il ne semble pas que l’on puisse choisir, sans aspirations personnelles, une carrière uniquement tournée vers autrui. Parfois, cet élan ne s’est pas encore manifesté, et ce sont les premiers mois d’initiation au Service Social qui le révèlent, qui le dégagent. Quelquefois encore, les dispositions altruistes ont besoin d’être orientées, disciplinées par les difficultés, les échecs qui savent les éprouver, sans en éteindre la flamme.

Hélène Campinchi,
secrétaire générale de l’École pratique de service social, 193725

  • 26 Molinier 2004.
  • 27 Cette estimation est fondée à partir des programmes de deux écoles de service social de l’entr (...)

16Dans un article consacré à « l’éthique du dévouement », Pascale Molinier invite à réfléchir à l’impossible traduction en français du terme de care, rappelant notamment que « la sollicitude ou le dévouement, retenus pour traduire ethics of care, […] font l’impasse sur l’idée fondamentale que le souci de l’autre implique du travail »26. Or, c’est justement à l’impact émotionnel du travail de care que se confrontent en premier lieu les élèves assistantes sociales lors de leur formation professionnelle. La particularité des écoles de service social est de proposer un programme tourné autant vers la formation théorique que vers la pratique et qui place ainsi les étudiantes au contact de leur public-cible. Au sein d’une scolarité de deux années, les élèves assistantes sociales effectuent par cumul entre six et dix mois de stages de terrain au sein de divers services sociaux27. Ces expériences sont relatées à travers deux sources complémentaires : le rapport de stage fourni par l’élève à l’issue de son terrain et le rapport d’évaluation de l’élève rédigé par la monitrice du service.

  • 28 Simone Crapuchet, dans un article 1987 analysant les origines sociales des élèves de plusieurs (...)

17Les assistantes sociales sont peu familières du type de situations sociales auquel elles sont amenées à se confronter. Les dossiers d’étudiantes de l’École des surintendantes et de l’École pratique de service social ne permettent d’approcher la sociologie des jeunes assistantes sociales que par des mentions lacunaires de la profession des parents et du niveau de diplôme de la postulante au moment de son entrée à l’école qui révèlent une sociologie variée – allant des filles de petits commerçants ayant un simple diplôme de brevet élémentaire aux filles d’industriels et de hauts fonctionnaires diplômées du baccalauréat – mais néanmoins dominée par la bourgeoisie28. Le choc produit par la rencontre avec un public-cible des franges fragilisées des milieux populaires revient régulièrement dans les rapports de stage. Lors de son stage au Service Social à l’Hôpital, qui constitue sa première expérience de visites aux familles, Mlle Hélène L. note ainsi :

  • 29 Dossier d’Hélène L., promotion 1926-1928, Archives privées de l’EPSS.

[…] l’impression générale est navrante, que de misères l’on rencontre : situations matérielles précaires, ménages désorganisés, femmes abandonnées pour lesquelles l’enfant ou les enfants sont une charge beaucoup trop lourde ! Souvent je suis sortie de ces visites me demandant comment des gens aussi déshérités à tous points de vue peuvent supporter l’existence29.

  • 30 Hoschild 2017 [1983].
  • 31 Germaine Baïla, 1941, Monographie professionnelle de l’assistante sociale de tribunal de Mineu (...)

18La monitrice du stage, invitée dans son rapport à indiquer la principale lacune de sa stagiaire, note qu’elle « a un peu trop de sensibilité ». La rencontre avec des cas de grande misère conduit également les assistantes sociales à se confronter à l’une des limites de leur métier : l’impossibilité, dans certains cas, d’espérer à leur seule échelle pouvoir résoudre ces situations. Les rapports de stages mentionnent ainsi régulièrement l’« angoisse » ou l’« anxiété » éprouvée par les jeunes assistantes face à des situations impliquant leur responsabilité morale à défaut de leur responsabilité civile ou pénale. L’apprentissage du métier d’assistante consiste donc à maîtriser ces émotions, ce que la sociologue Arlie Russell Hochschild appelle « le travail émotionnel »30. En 1941, Germaine Baïla, assistante au service social assistant le tribunal pour enfants de la Seine, rédige une « Monographie de l’assistante sociale » listant les qualités nécessaires à celles souhaitant embrasser cette profession. Concernant les « aptitudes psychiques », l’auteure insiste sur la nécessité d’avoir un « équilibre mental et nerveux particulièrement bon (la profession comporte un surmenage nerveux constant). Pas d’hyperémotivité, pas de timidité, pas de troubles de l’humeur, pas de tendance à la dépression »31.

19Ce travail émotionnel est un processus individuel autant qu’institutionnel, les écoles de service social participant activement à l’apprentissage de la régulation des sentiments. Les cours dispensés se donnent pour mission de présenter des cas de familles socialement éprouvées afin de préparer les élèves à ces situations. Cette hyper-focalisation sur les cas de figure les plus tragiques peuvent participer à décontenancer, voire désabuser les futures assistantes, comme cette élève de l’EPSS relevant à propos de la formation de l’école :

  • 32 Dossier de Geneviève R., promotion 1932-1934, Archives privées de l’EPSS.

[…] parfois j’ai un peu une impression de chaos, et de perdre la notion du réel. À force d’entendre parler d’enfants anormaux, de familles organisées irrégulièrement, matériellement et moralement, on se demande si la première notion de normal qu’on avait est toujours exacte32.

  • 33 Dossier de Monique R., promotion 1935-1937, Archives privées de l’EPSS.
  • 34 Molinier 2009.

20La désensibilisation progressive consiste également en un mécanisme de défense acquis par l’expérience de la pratique des stages, comme le remarque une autre élève de l’EPSS après son stage au service social du tribunal : « Tout d’abord, cela a été très dur. Hélas ! ... ou heureusement ! l’habitude joue son rôle », écrit-elle dans son rapport de stage33. Cet apprentissage fait partie de la « bonne distance » évoquée par Pascale Molinier à propos d’infirmières en pédiatrie qui, pour réguler les émotions produites face à la gestion de maladies infantiles graves, gardent une certaine distance avec leurs patients34.

  • 35 Albert & Rossigneux-Méheust 2013.
  • 36 Geremek 1987.

21Mais l’apprentissage de la bonne distance ne se résume pas uniquement à la désensibilisation face aux situations difficiles. Il concerne aussi la normalisation de la relation entre l’assistante et ses « clients », selon l’appellation donnée aux usagers du service social. Car si les assistantes sociales doivent être les « amies » des familles populaires, ce que ne remet pas en cause leur formation professionnelle, leur rôle est également un rôle de contrôle et de surveillance de ces dernières. Cette fonction double renvoie à la manière dont le service social perçoit les classes populaires dont il s’occupe. S’il se donne pour objectif de lutter contre le paupérisme et les fléaux sociaux dans les milieux ouvriers, ces derniers sont néanmoins jugés partiellement responsables des maux dont ils souffrent. L’action sociale menée par les assistantes est donc très empreinte d’une visée de moralisation des pratiques des familles populaires35. Le présupposé que les milieux populaires sont plus prompts à la « déficience morale » conduit également à une grande méfiance de la part des acteurs du service social qui s’occupent de fournir une aide matérielle et financière à leurs « clients » et deviennent ainsi soupçonneux que certains en profitent à mauvais escient. Pour cela, avant toute décision de s’occuper d’une famille, les assistantes mènent une enquête sociale à son sujet, chargée d’évaluer ses ressources mais également de débusquer d’éventuelles mauvaises habitudes de vie telles que le détournement d’aides sociales, l’alcoolisme ou encore la négligence de l’éducation des enfants36.

  • 37 Dossier d’Hélène P., promotion 1926-1928, Archives privées de l’EPSS.
  • 38 Dossier de Madeleine G., 1930-1932, Archives privées de l’EPSS.
  • 39 Dossier de Jeannine M., promotion 1932-1934, Archives privées de l’EPSS.
  • 40 Dossier d’Antoinette D., promotion 1931-1933, Archives privées de l’EPSS.
  • 41 Yves Cohen a montré comment les surintendantes développent à propos de leur fonction un discou (...)

22Ce rôle double d’assistance et de contrôle conduit les écoles de service social à enjoindre leurs élèves assistantes à une plus grande distance et une plus grande méfiance envers les familles ouvrières que ne le véhicule le discours de la vocation. Les écoles contribuent ainsi à définir un « savoir-être » de la relation d’assistance fondé sur la notion de bonne distance. Les évaluations fournies par les maîtresses de stage à propos de leurs stagiaires sont révélatrices de cette attention portée avant tout aux compétences relationnelles des jeunes assistantes sociales et à leur capacité à respecter la bonne distance avec leurs clients. Les assistantes doivent avoir des qualités facilitant le contact humain, telles que « l’affabilité et l’aisance qui sont les qualités primordiales de la visiteuse »37 tandis que l’« apparence de froideur » d’une stagiaire « l’empêchera », craint la monitrice, « de faire du bon travail familial »38. Mais la capacité à nouer un contact chaleureux est insuffisante, notamment auprès de services sociaux spécialisés dans le travail d’enquête et de contrôle. Ainsi, la monitrice du Service social de l’enfance, enquêtant pour le compte du tribunal pour enfants, estime-t-elle que sa stagiaire fait preuve de trop de « timidité » pour avoir l’autorité nécessaire sur les familles enquêtées, bien que « son bon contact avec les familles dont elle sait gagner la confiance nous fait penser qu’elle réussirait dans un travail auprès des familles pour lesquelles des problèmes aigus ne se posent pas habituellement »39. À l’inverse, ce même service vante les qualités d’une stagiaire ayant su faire preuve de « fermeté » mais dont « nous avons pu contrôler qu’elle était aimée des familles (populaires ou bourgeoises) »40. Le mélange de bienveillance et de fermeté est donc nécessaire pour pouvoir adopter une posture d’autorité envers les familles populaires sous sa charge. Outre son utilité dans le processus d’enquête, l’autorité est également nécessaire dans les services sociaux où les assistantes occupent une position directement hiérarchique par rapport aux usagers, telles que les surintendantes exerçant en usine41. Les exigences de savoir-être des services sociaux mettent cependant en évidence un paradoxe : ces derniers semblent estimer que la bonne distance dépend de compétences et de qualités innées alors même que les écoles de service social contribuent cependant à l’apprentissage des normes nécessaires à sa mise en place.

  • 42 Laura Lee Downs, à propos des surintendantes exerçant en usine, remarque que les patrons d’usi (...)
  • 43 Memmi 2016.
  • 44 Laura Lee Downs note à propos des surintendantes que le topos de la figure maternelle et du li (...)
  • 45 Skeggs 2015 [1997].
  • 46 Dossier de Suzanne L., promotion 1927-1928, Archives privées de l’EPSS.

23Le statut social des assistantes sociales de l’entre-deux-guerres favorise ce processus de mise à distance, car la distance sociale favorise la distance relationnelle42. À l’inverse, les travaux sur les métiers contemporains du care, portant sur des professionnelles à faible statut social, mettent en évidence la difficulté pour ces dernières d’imposer une mise à distance dans la relation nouée avec leurs clients. Dominique Memmi rappelle ainsi que les aides à domicile subissent une très forte injonction à engager un lien émotionnel avec leurs clients dans un « régime de domination à tonalité quasi familiale »43. Les assistantes sociales de l’entre-deux-guerres, par la distance sociale qui les sépare de leur public, sont peu enclines à considérer les familles populaires dont elles s’occupent comme leur propre « famille » et ce vocabulaire disparaît tout à fait dans les rapports de stage, bien que persiste celui de l’amitié44. Beverley Skeggs à propos des auxiliaires de puériculture en Angleterre a montré comment ces jeunes femmes, elles-mêmes issues de milieux populaires, surinvestissaient dans le soin de l’apparence et les signes extérieures de la féminité pour se distinguer des femmes de classes populaires45. Point de tel besoin pour les assistantes de l’entre-deux-guerres. Les signes de distinction sociale, qu’ils soient vestimentaires ou comportementaux, sont au contraire fortement déconseillés : les différences de classe sont perçues comme un obstacle à la relation assistantielle pouvant placer les usagers sur la défensive. Dans un devoir portant sur la conduite à tenir lors de la première visite à la famille, Suzanne L., élève à l’EPSS, recommande de se « conduire, en paroles et en gestes, dans la plus infâme chambre d’hôtel meublé comme dans un salon » afin de « traiter les gens non en inférieurs, non en obligés mais en égaux » sans prendre en compte ce que de tels comportements peuvent induire de malaise chez les usagers peu habitués aux conventions sociales bourgeoises46.

24Qu’il s’agisse d’encourager les étudiantes à tisser des liens avec leurs usagers comme de leur enseigner une certaine distance critique, la formation au service social fait donc l’impasse sur une composante essentielle de la relation de care : la réaction des usagers eux-mêmes, et le positionnement des familles populaires face à cette nouvelle « amie » qui leur est présentée. Malgré cela, l’ambiguïté de la relation d’assistance portée par le service social conduit à un exercice de contorsion qui n’est pas sans gêner les apprenties assistantes, comme cette élève de l’EPSS qui remarque à propos de l’enquête :

  • 47 Dossier de Mlle Marcelle H., promotion 1935-1937, Mémoire « Le rôle de l’assistante sociale da (...)

[…] essayer d’être l’ami de quelqu’un tout en étant son espion paraît d’abord paradoxal et la dualité du rôle de l’assistante est bien près de manquer alors de sincérité47.

  • 48 Dossier de Mlle R., promotion 1932-1934, Archives privées de l’EPSS.
  • 49 Verdès-Leroux 1978.

25La pratique des stages conduit cependant rapidement à l’apprentissage de la défiance : interrogée dans un devoir à comparer « l’image que vous vous faisiez du service social avant d’entrer à l’école […] avec votre point de vue actuel », une étudiante examine de manière critique sa vision de la relation d’assistance qu’elle envisageait « d’une façon un peu empathique […], avec souvent des cas d’aspect tragiques auxquels il fallait remédier […] par un contact très étroit et une forte influence personnelle », tandis que l’expérience des stages lui aurait appris que de « la part des intéressés, on se heurte parfois à une inertie et une négligence très difficile ou même impossible à vaincre »48. Ainsi, les historiens du contrôle social n’ont pas tort lorsqu’ils critiquent, comme Jeannine Verdès-Leroux, la manière dont le métier d’assistante sociale s’est construit historiquement par la légitimation d’une surveillance morale sur les classes populaires ; mais en négligeant la dynamique de la formation professionnelle, ils oublient dans cette analyse une information cruciale49. En effet, le cadre de référence idéologique consistant à justifier le contrôle des familles populaires n’est pas une donnée immuable, qui serait présente de manière innée chez toutes les postulantes au service social : bien au contraire, elle constitue un processus dynamique d’apprentissage, transmis par les écoles de formation et progressivement intériorisé par les travailleuses sociales.

*

26Les sources de la formation au service social, à condition de se tourner vers les sources de la pratique (fiches de candidature, rapports de stage), se révèlent un outil précieux pour aborder les enjeux de la relation de care telle qu’envisagée par les assistantes sociales et l’ensemble de ceux et celles qui les forment dans leur métier. La volonté de se lier aux familles populaires guide en effet le choix de nombreuses jeunes femmes de se tourner vers cette profession. Les sources de la formation permettent cependant de mettre en évidence que la relation de care fait l’objet d’un processus d’apprentissage régulé par les institutions de formation et caractérisé par la recherche de la « bonne distance » avec l’usager.

27Ainsi, mobiliser le concept de care dans une histoire des assistantes sociales permet de constater que celui-ci s’applique aussi bien aux métiers peu qualifiés de service à la personne, pour lesquels elle l’a été jusqu’ici, qu’aux acteurs institutionnels dotés d’une autorité statutaire. Les professeurs, les juges des tutelles, les agents de probation sont autant de métiers engagés dans une relation de care avec leurs usagers. Nous espérons par cet article encourager historiens et sociologues de l’encadrement social à s’emparer de cet outil qui, loin d’aplanir les rapports de pouvoir existant au sein de la relation institutionnelle, permet au contraire d’apporter une nouvelle dimension à l’histoire du contrôle social en la reliant à une histoire des émotions.

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Notes

1 L’Association est créée en 1922 par Juliette Delagrange, surintendante d’usine. Ses archives sont conservées aux Archives nationales, sous l’entrée 208 AS (XXIII).

2 Association des travailleuses sociales, « Médaille d’Or Anne Murray Dike », 1931, Melun, Imprimerie administrative, p. 23 [AN 208/AS (XXIII)].

3 Guerrand & Rupp 1978.

4 Foucault 1975 ; Donzelot 1977.

5 Verdès-Leroux 1978.

6 Knibiehler 1980 ; Rater-Garcette 1996 ; Fourcaut 1982. Voir également les travaux du Réseau Histoire du travail social dans la revue Vie sociale : Bouquet & Garcette 2013.

7 Downs 2002 [1995] ; Cohen 1995.

8 La question de la « bonne distance » irrigue de nombreux métiers du care contraignant aidants et aidés à la coprésence et l’interdépendance dans une situation de « domination rapprochée » (Memmi 2016) ; Ibos 2009.

9 Le terme d’ethnographie morale est employé par Daniel Cefaï et Édouard Gardella pour analyser l’engagement de care dans le cadre des services d’urgence (Cefaï & Gardella 2011). Didier Fassin quant à lui l’utilise également pour dresser une « histoire morale » des politiques humanitaires visant à comprendre les raisons de l’engagement de ces acteurs (Fassin 2010).

10 Voir par exemple Knibiehler 1984 ; Gardey 2001. Le travail de Nathalie Sage-Pranchère se penche néanmoins sur l’injonction à la sollicitude dans la formation professionnelle des sages-femmes (Sage-Pranchère 2017).

11 Avril 2014 ; Weber, Trabut & Billaud (dir.) 2014. Il importe néanmoins de citer des travaux ayant porté attention, dans leurs démarches, à la thématique de la formation professionnelle : Skeggs 2015 [1997] ; Scrinzi 2013.

12 Notre travail de thèse prend appui sur l’étude de deux des principales écoles parisiennes de formation au service social : l’École des surintendantes et des services sociaux et l’École pratique de service social. Leurs archives (programmes de cours, dossiers d’élèves) sont conservées au sein des écoles qui existent encore aujourd’hui, l’École des surintendantes et des services sociaux étant devenue l’École supérieure de travail social (ETSUP).

13 Dupeyrat 1934 : 45-46.

14 Dupeyrat 1934 : 14.

15 Sur l’histoire des Filles de la Charité, voir Jusseaume 2016 et l’article de Brejon de Lavergnée, « Un care charitable ? Enquête sur le travail des religieuses en milieu urbain au xixe siècle », dans ce numéro.

16 Viollet 1931.

17 Association des travailleuses sociales [AN 208/AS (XXIII) / 1]

18 Guerrand & Rupp 1978.

19 Cholvy & Hilaire 1986.

20 Dessertine et al. 2004.

21 Archives privées de l’École supérieure de travail social (ETSUP), anciennement École des surintendantes et des services sociaux.

22 Dossier de Suzanne L., Carton 17e/18e/19e session, Archives privées de l’ETSUP.

23 Nous employons le féminin pluriel car la direction des écoles de service social est majoritairement assurée par des femmes.

24 Archives privées de l’École pratique de service social (EPSS), échantillon réalisé à partir d’un tirage de 100 dossiers d’élèves entrées à l’EPSS entre 1919 et 1939.

25 Rapport de Mme Campinchi, Association de l’École Pratique de Service Social, année scolaire 1937-1938, p. 19 [AN (F/17/17888)].

26 Molinier 2004.

27 Cette estimation est fondée à partir des programmes de deux écoles de service social de l’entre-deux-guerres : l’École des surintendantes et des services sociaux et l’École Pro Gallia, dont les programmes sont conservés aux archives privées de l’ETSUP. Nous n’avons pas retrouvé les programmes de l’École pratique de service social.

28 Simone Crapuchet, dans un article 1987 analysant les origines sociales des élèves de plusieurs écoles de service social à Paris et en province à partir de la profession des pères, trouve la même gamme variée de situations sociales allant de la classe moyenne à la grande bourgeoisie avec une nette dominante d’élèves issues « des couches sociales les plus élevées », particulièrement dans les écoles parisiennes (Crapuchet 1987 : 422).

29 Dossier d’Hélène L., promotion 1926-1928, Archives privées de l’EPSS.

30 Hoschild 2017 [1983].

31 Germaine Baïla, 1941, Monographie professionnelle de l’assistante sociale de tribunal de Mineurs, document cité par Bonnot 1997 : 87-88.

32 Dossier de Geneviève R., promotion 1932-1934, Archives privées de l’EPSS.

33 Dossier de Monique R., promotion 1935-1937, Archives privées de l’EPSS.

34 Molinier 2009.

35 Albert & Rossigneux-Méheust 2013.

36 Geremek 1987.

37 Dossier d’Hélène P., promotion 1926-1928, Archives privées de l’EPSS.

38 Dossier de Madeleine G., 1930-1932, Archives privées de l’EPSS.

39 Dossier de Jeannine M., promotion 1932-1934, Archives privées de l’EPSS.

40 Dossier d’Antoinette D., promotion 1931-1933, Archives privées de l’EPSS.

41 Yves Cohen a montré comment les surintendantes développent à propos de leur fonction un discours se référant à Hubert Lyautey et sa vision du commandement devant mêler autorité statutaire et « rôle social » attentif au bien-être de ses subordonnés, Cohen 1995.

42 Laura Lee Downs, à propos des surintendantes exerçant en usine, remarque que les patrons d’usine employant des surintendantes comptaient sur l’autorité hiérarchique de ces dernières pour éviter que ne se créent « des liens de sororité trop forts » entre surintendantes et ouvrières, et estimaient qui plus est que « seule la différence de classe pouvait conférer cette autorité indispensable », Downs 2002 [1995], p. 264-265.

43 Memmi 2016.

44 Laura Lee Downs note à propos des surintendantes que le topos de la figure maternelle et du lien mère-fille unissant la surintendante aux ouvrières revient sans cesse dans les écrits consacrés à ce métier, mais oublie de distinguer qu’il s’agit de discours tenus par les patrons d’usine et non par les surintendantes elles-mêmes, Downs 1993.

45 Skeggs 2015 [1997].

46 Dossier de Suzanne L., promotion 1927-1928, Archives privées de l’EPSS.

47 Dossier de Mlle Marcelle H., promotion 1935-1937, Mémoire « Le rôle de l’assistante sociale dans les familles suivies par le tribunal pour enfants », p. 7, Archives privées de l’EPSS.

48 Dossier de Mlle R., promotion 1932-1934, Archives privées de l’EPSS.

49 Verdès-Leroux 1978.

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Table des illustrations

Titre Fig 1 : Motif des demandes des postulantes à l’École des surintendantes et des services sociaux dans l’entre-deux-guerres
Légende L’échantillon est constitué de cent dossiers de postulantes à l’École des surintendantes et des services sociaux de l’entre-deux-guerres, à partir des cartons des différentes promotions conservés par l’École, en sélectionnant vingt dossiers par intervalle de quatre à cinq ans entre chaque promotion. Les « motifs de la demande » de chaque postulante ont été codés en décomposant la demande en plusieurs motifs pouvant se combiner entre eux, d’où un nombre total de motifs par année de motifs parfois supérieur à vingt.
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Pour citer cet article

Référence papier

Lola Zappi, « Comment être « l’amie » des familles populaires : la relation de care chez les assistantes sociales de l’entre-deux-guerres, entre vocation et formation »Clio, 49 | 2019, 93-113.

Référence électronique

Lola Zappi, « Comment être « l’amie » des familles populaires : la relation de care chez les assistantes sociales de l’entre-deux-guerres, entre vocation et formation »Clio [En ligne], 49 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/16222 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.16222

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Auteur

Lola Zappi

Zappi Lola est doctorante en histoire au Centre d’Histoire de Sciences Po. Son travail porte sur l’émergence du service social dans les années d’entre-deux-guerres et sur la relation d’assistance nouée entre les travailleuses sociales et les personnes assistées. Elle a publié : « Jeunes travailleurs, jeunes consommateurs. Les enquêtes sociales et la place des jeunes au sein des familles de milieux populaires », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 35, 2017/1, p. 81-101. lola.zappi@gmail.com

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