Mémoires de la Marquise de la Ferrières, née en 1748, recueillis par le Vicomte Henri Frotier de la Messelière, présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Éditions Les Gorgones, Collection « Dire l'histoire », 1998, XXXI-105 p.
Texte intégral
1Agréable à lire, plein de vivacité et de détails parlants, ce petit texte nous entraîne dans l'univers de la noblesse poitevine, à laquelle appartient l'auteur par sa naissance et son mariage. Univers qui, à première vue, paraît assez éloigné de celui décrit par exemple dans les Mémoires de Madame Roland ou de Victorine de Chastenay, deux filles des Lumières assoiffées de lectures les ouvrant au monde et aux idées du siècle, rêvant de philosophie et de Républiques antiques. Rien de tel dans le présent récit. Et c'est d'ailleurs ce qui fait son principal intérêt : en nous rappelant la diversité du siècle, il nous invite à relativiser l'impact des Lumières, à prendre en compte la multiplicité des voies et des formes de leur diffusion. Dans une famille où l'on ne trouve pas de livres « sérieux » mais juste « quelques romans de Marivaux », l'instruction de la petite fille est assez négligée : ce qui compte dans son éducation n'est pas la culture de l'esprit mais plutôt les « talents » (danse, musique et chant), l'apparence (beauté et parure) et les bonnes manières. Pourvue de tout cela et d'une solide fortune, la jeune fille est un beau parti et son mariage est conclu en 1766. Mariage arrangé, où il est avant tout question de naissance et de fortune, ce qu'approuve pleinement la future mariée, qui redoute toute mésalliance, doute qu'un mariage d'inclination soit gage de bonheur et se dit persuadée que les parents savent mieux que les enfants ce qui leur convient. Il est vrai que son union fut heureuse car les époux ont la chance de se plaire et de s'aimer. En homme des Lumières cultivé, le marquis désire une compagne avec laquelle il puisse partager ses intérêts et ne peut se contenter d'une « jolie femme dont la tête est vide d'idées et de connaissances ». Il va donc « former l'esprit » de son épouse ; ce rôle du mari éducateur de sa femme moins instruite se retrouve dans plusieurs couples du temps. Le récit fourmille des joies et des peines qui font la vie d'une noble provinciale : ameublement de la maison, visites chez les uns et les autres, bals et réceptions, voyages à Paris, gestion du patrimoine, soucis financiers, crainte d'être défigurée par la variole, naissances, éducation des enfants… Rien en revanche sur les événements politiques, la marquise restant fermée sur son petit monde, sa famille, ses relations, jusqu'à l'irruption brutale du monde extérieur en 1788. Tout en regrettant l'accent mis sur les détails généalogiques dans les notes et en se demandant à quoi sert une table des matières non paginée, on peut se réjouir de la reéédition de ces Mémoires.
Pour citer cet article
Référence papier
Dominique Godineau, « Mémoires de la Marquise de la Ferrières, née en 1748, recueillis par le Vicomte Henri Frotier de la Messelière, présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Éditions Les Gorgones, Collection « Dire l'histoire », 1998, XXXI-105 p. », Clio, 13 | 2001, 253-254.
Référence électronique
Dominique Godineau, « Mémoires de la Marquise de la Ferrières, née en 1748, recueillis par le Vicomte Henri Frotier de la Messelière, présentés par Hélène Mathurin, Bonnes, Éditions Les Gorgones, Collection « Dire l'histoire », 1998, XXXI-105 p. », Clio [En ligne], 13 | 2001, mis en ligne le 19 mars 2003, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/153 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.153
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page