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Travailler ou danser. L’iconographie des dix vierges (Pays-Bas, xvie-xviie siècle)

Working or dancing: iconography of the Ten Virgins (Netherlands, 16th-17th centuries)
Marina Nordera
p. 199-213

Résumés

Cette contribution analyse les déclinaisons du thème iconographique de la parabole des dix vierges dans des estampes produites entre les xvie et xviie siècles aux Pays-Bas. Issues d’un processus culturel complexe de production et réception, ces artefacts culturels constituent un exemple significatif de la mise en œuvre d’un discours moralisateur de nature confessionnelle au service de la transformation du système de valeurs d’une population urbaine caractérisée par des changements significatifs dans les structures économiques et sociales de la modernité, dans lesquelles les hommes et les femmes ne cessent de négocier leurs relations et leurs rôles sociaux. L’opposition symbolique entre l’image positive des femmes qui travaillent et celle négative des femmes qui dansent qui émerge de l’analyse, permet d’éclairer la complexité de l’articulation entre les représentations sociales de la danse et du genre que cette opposition implique et produit.

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Texte intégral

  • 1 Dans cet article, l’analyse fine des images est fondée sur une observation de la représentation d (...)
  • 2 Sur la culture de la danse et des bonnes manières aux Pays-Bas au xviie siècle voir Roodemburg 20 (...)

1À travers l’analyse des déclinaisons du thème iconographique de la parabole des dix vierges dans des estampes produites entre les xvie et xviie siècles aux Pays-Bas, cette contribution interroge l’opposition symbolique entre l’image positive des femmes qui travaillent et celle négative des femmes qui dansent, afin d’éclairer la complexité de l’articulation entre les représentations sociales de la danse et du genre que cette opposition implique et produit. En particulier, par une analyse fine des figures et des compositions1, je propose d’une part d’identifier les stratégies par lesquelles les artistes jouent avec les facettes contrastées d’une certaine culture visuelle, et d’autre part d’étudier les références aux pratiques sociales de la danse dont ils partagent l’expérience corporelle et perceptive avec les lecteurs/ spectateurs2. Enfin, j’émets l’hypothèse que le recours à ce sujet biblique, non seulement contribue à l’élaboration et à la diffusion des instances moralisatrices portées par le discours chrétien reformé, et plus spécifiquement calviniste, sur (contre) la danse, mais œuvre à la construction progressive des valeurs fondatrices d’une société urbaine moderne et à l’articulation des rapports sociaux de sexe instaurés en son sein.

Figures féminines de l’industrie et de la dissipation

  • 3 Matthieu 25 : 1-13.
  • 4 Sur la tradition iconographique liée à cette parabole voir Aboudrar 2002 ; De Fourna 1845 : 217-2 (...)
  • 5 Pieter Bruegel l’ancien (vers 1525-1569), Les vierges sages et les vierges folles, 1560-1563 ca. (...)

2Le texte évangélique de la parabole3 ne fait aucune allusion aux activités qui occuperaient les dix vierges pendant qu’elles attendent l’arrivée de l’époux. Généralement l’iconographie d’époque médiévale et moderne les représente en train de dormir à côté de leurs lampes, de les porter ou de s’y affairer4. Pieter Bruegel l’ancien semble être le premier à inclure une scène de danse opposée à une scène de travail dans une mise en image de la parabole (Fig. 1) qui l’actualise dans son propre temps et lui attribue une fonction d’éducation sociale et morale5.

Fig. 1. Pieter Bruegel l’ancien, Les vierges sages et les vierges folles, 1560-1563 ca.

Fig. 1. Pieter Bruegel l’ancien, Les vierges sages et les vierges folles, 1560-1563 ca.

© BnF, Gallica.

  • 6 Kavaler (1999) démontre que Brueghel s’appuie sur les récits des paraboles pour construire des pr (...)

3Assises ou debout, les cinq vierges sages sont occupées dans les activités féminines de cardage, filage, mise en écheveaux des fils dévidés pour le tissage, lavage ou teinture et couture. Leur attitude est toute en retenue et l’attention qu’elles portent à leur tâche est palpable. Les outils et les gestes techniques qui s’y réfèrent sont décrits minutieusement grâce aux lampes qui irradient ostensiblement la lumière. À l’opposé, une des cinq vierges folles joue de la cornemuse pendant que les autres entrelacent une danse se tenant par la main, deux à deux, un couple passant sous les bras soulevés en arche de l’autre. L’impulsion inscrite dans leur posture préfigure le saut. Une tension dynamique intense est indiquée dans l’effort de la figure à droite qui traîne énergiquement l’autre et l’oblige à se pencher en avant jusqu’au déséquilibre. Le lecteur/spectateur en est lui-même déstabilisé. La danse vive, déchainée et chaotique des vierges folles, se déploie dans l’obscurité, les lampes étant abandonnées à terre, éteintes. La partie supérieure de l’organisation quadripartite de la composition suggère que l’industrie des vierges sages favorise leur accès à la demeure du seigneur, alors que la dissipation des vierges folles le ferme à toujours6.

  • 7 Ce processus a été mis en lumière par Alpers 1972-1973 et 1983. Selon Sullivan (1994), Brueghel r (...)
  • 8 Sur l’éducation du corps féminin par la danse, voir Nordera 2004 et 2017.
  • 9 Pour un plus ample développement sur l’iconographie du Jugement dernier dans cette aire culturell (...)
  • 10 Sur les rapports entre les œuvres de Brueghel et les dynamiques sociales de son temps voir Sellin (...)

4Les corps féminins instables et mal maîtrisés imaginés par Brueghel pour les vierges folles rappellent les scènes festives de ses fresques de la vie rurale, où, grâce au clivage entre ville et campagne, les danses des paysans deviennent l’objet de la dérision et de la réprobation morale de la société urbaine à laquelle la production visuelle de l’artiste s’adresse principalement. La danse des vierges folles contribue ainsi à élaborer ex negativo le processus d’intériorisation des nouvelles normes corporelles et les valeurs comportementales de la civilité, y compris pour ce qui concerne la construction des rôles et des rapports sociaux de sexe7. La formalisation des savoirs pratiques du corps par la production de manuels et traités de danse et l’activité des maîtres à danser ont largement contribué à ce processus, façonnant le contrôle des gestes, la retenue et le redressement de la posture pour tous ceux qui participent au bal, les femmes en particulier8. De plus, dans la culture visuelle du spectateur, la composition quadripartite de l’estampe renvoie aux représentations flamandes du Jugement dernier, où les damnés se trouvent en bas à droite9. Les vierges folles assument ainsi une connotation négative, elles sont à condamner parce qu’elles consomment leur énergie corporelle dans un dérèglement gestuel et perceptif qui ne peut que conduire à une dissipation collective de forces productives et morales, et qui aura des répercussions sur la société dans son ensemble. Au contraire, les vierges sages, en accomplissant les tâches de préparation des fils pour le tissage sur le métier qui était l’apanage des hommes dans la division du travail au sein de l’industrie textile, contribuent à la réalisation des activités productives qui structurent le développement d’une nouvelle société fondée sur l’éthique du travail et sur l’esprit d’entreprise10.

La complexité de la réception : entre séduction du regard et discours moral

  • 11 Jan Pieterszoom Saenredam (Zaandam 1565-Assendelft 1607) est un dessinateur, graveur et cartograp (...)

5Au premier plan d’une estampe de Jan Saenredam11 (Fig. 2) une charmante jeune femme pose ses pieds gracieusement relevés en demi-pointe sur un livre ouvert. Elle se tient ainsi, droite, suspendue, en équilibre stable, épanouie, habitée par une élégance nonchalante, les paupières baissées, les lèvres traversées par un léger sourire. Les draperies de sa jupe et de son écharpe retiennent l’inertie d’un mouvement, un changement soudain de direction ou l’ébauche d’un tour advenu depuis peu. L’adhérence du corset à la peau souligne la rondeur sculptée des seins et les mamelons érigés, suggérant l’excitation provoquée par la plénitude de l’élan dynamique, ou par une présence masculine qui apparaît à sa droite. En équilibre sur une jambe, ce jeune homme lève les yeux vers une coupe qu’il soulève d’un geste élégant, presque maniéré. La jeune femme et le jeune homme ne se regardent pas, mais leurs doigts s’entrelacent délicatement pendant qu’un flutiste les accompagne. Il n’y a aucun doute : ce jeune couple danse. Au sol, pas loin d’eux, une amphore renversée se vide de son contenu. Tout autour, dans un jardin qui s’ouvre sur un paysage naturel luxuriant, des couples s’abandonnent à des gestes voluptueux, pendant qu’une danse en chaine défile en arrière-plan.

Fig. 2. Jean Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles (planches n°2 et n°1 sur une série de 5 planches), 1606.

Fig. 2. Jean Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles (planches n°2 et n°1 sur une série de 5 planches), 1606.

© Art Institute Chicago.

  • 12 Jan Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles, pl. 2 « Les vierges folles », 1606. Légen (...)

6Un premier regard posé sur l’exubérance des figures et sur la dynamique générale de la composition, y reconnaît une invitation joyeuse et désinhibée à l’hédonisme. La figure féminine qui occupe le centre de la scène exprime à elle seule une apologie de la sensualité et de la vitalité du corps en mouvement représentée par la danse. Mais un regard plus attentif révèle qu’elle danse sur la Biblia Sacra ouverte à la page de la parabole de dix vierges. Ce détail et le texte latin qui accompagne l’image, nous obligent à la lire autrement12 : après une description dont le ton fait écho à l’atmosphère enjouée créée par la composition, dans la dernière ligne le texte exprime une mise en garde contre les activités qui mènent au mépris de la norme, qu’elle soit séculaire ou divine.

  • 13 La réception est d’autant plus complexe qu’elle implique la maîtrise à la fois de la lecture et d (...)
  • 14 L’expression est proposée par Sluijter (2001) en relation aux débats concernant la réception des (...)
  • 15 Comme Brueghel, Saenredam ajoute des éléments contextuels et des actions exogènes au récit évangé (...)
  • 16 Légende : « Vivendi recte, sapere est, et principium et fons: / Hinc ardens virtutis Amor, devota (...)

7L’articulation entre texte et image est source d’une réception ambiguë et contradictoire : que l’on soit femme ou homme, que l’on sache lire ou pas, on y voit en premier lieu un plaisir sensoriel et un désir de partage du mouvement fondés sur l’empathie kinesthésique13. La fonction moralisatrice du texte émerge seulement dans un deuxième temps par l’identification du thème iconographique combinée à la compréhension fine de la légende qui l’accompagne. Cette « complexité de la réception »14 que l’artiste graveur démontre savoir bien maîtriser et exploiter, est accrue par les variables figuratives renvoyant à des assignations de genre non ambiguës fondées sur la séduction du corps féminin face au regard masculin. Cette estampe est la deuxième d’une série de cinq15 et s’inscrit en contrepoint de la première, où une figure centrale, assise, attire l’attention des autres sur un livre ouvert, la Bible notamment (fig. 3). Des fuseaux et un panier d’olives sont abandonnés au sol, comme si la lecture du livre sacré ne constituait qu’une pause au cours des occupations féminines de la cueillette et du filage. À l’arrière-plan un rassemblement de notables, soldats et quelques femmes, porte son attention à un prédicateur qui gesticule sur un tréteau. La légende, cette fois-ci, insiste sur la connaissance des textes sacrés et de leur exégèse comme principe et source d’une vie honnête : le fait que les vierges sages aient œuvré avec sagesse et prudence afin de se procurer l’huile pour alimenter les lampes, enseigne que cultiver l’espoir, l’amour et la foi ouvre l’accès au règne des cieux16.

Fig. 3. Jean Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles (planches n°2 et n°1 sur une série de 5 planches), 1606.

Fig. 3. Jean Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles (planches n°2 et n°1 sur une série de 5 planches), 1606.

© Art Institute Chicago.

  • 17 Le calvinisme s’étend de la Suisse et la France aux Pays-Bas à partir de 1550 et devient la confe (...)
  • 18 Clive 1961. La différentiation entre les confessions reformées en Europe est toujours sujette à d (...)
  • 19 Écrit en français par Jean Taffin (1529-1601) pendant qu’il était pasteur à Amsterdam et publié à (...)

8La série des dix vierges a été réalisée par Saenredam en fin de carrière, au tout début du xviie siècle, dans une période de large diffusion du calvinisme au Pays-Bas17. Bien que largement pratiquée dans des formes variées selon les contextes et les occasions, l’activité de la danse a fait l’objet de réprobation de la part des églises reformées néerlandaises18, parce qu’elle était censée éveiller la sensualité et le désir non seulement de celles et ceux qui dansent ensemble, mais aussi de celles et ceux qui regardent danser, de manières différentes selon leur âge, genre et rôle dans la société. En particulier, la planche 2 de Saenredam met en image presque littéralement les pratiques festives que le théologien calviniste wallon Jean Taffin condamne dans le chapitre « Des danses » de son Traicté de l’amendement de vie19.

  • 20 Taffin Jean, 1596, Traicté de l’amendement de vie, Genève, Pierre de de Sainct-André, p. 270-1.

Il n’y a raison d’approuver les danses, qui se font de notre temps entre les Chrétiens à notre grande honte et confusion ; quand hommes et femmes, compagnons et jeunes filles, mêlez ensemble, dansent avec beaucoup de légèretés, vanités, signes et gestes ressentant la lubricité, soit au son d’instruments, soit chansons ordinairement peu honnêtes, et servant comme d’allumettes à paillardise seulement pour prendre et donner plaisir20.

9La plupart des exemples évoqués dans ses argumentations concernent la danse en couple, où les hommes : « ayans déjà banqueté avec femmes et filles, les choisissent, prennent par la main, les promènent en la danse, les approchent, les baisent, leur montrent leur disposition en gambadant, la femme ou la fille répondant de même ». Ce passage décrit avec précision la structure typique, entre autres, de la gaillarde, introduite par une invitation, une promenade, des salutations et constituée par des variations de sauts alternées entre homme et femme sur le modèle du dialogue. Les pas, les mouvements et les figures de cette forme de danse y sont décrits avec réalisme et interprétés comme l’expression de la perte de la raison.

Les sauts, gambades, tourdions, virevoltes, démarches : se reculer, puis s’avancer, se guinder en l’air, faire la roue, battre la terre des pieds, et autres semblables légèretés, folies et vanités, ne représentent-elles point plutôt une personne troublée d’entendement, ou forcenée.

  • 21 Pour un développement ultérieur de l’association symbolique de longue durée entre femme, danse et (...)

10Si danser est une folie, il n’est donc pas surprenant de retrouver la danse parmi les activités attribuées aux vierges folles dans la tradition iconographique qui est l’objet de cette étude. Et, bien que les dangers de la danse ne se différencient pas selon le genre, la mise en garde de Taffin, s’appuyant sur les auctoritates religieuses, s’adresse tout particulièrement aux femmes, accusées de se servir de la danse pour exposer leur corps aux regards masculins21.

  • 22 Taffin, op. cit., p. 277.

Or cette modestie est requise surtout aux femmes, comme dit le même Apôtre au même lieu. Et ailleurs il conjoint la vergogne avec la modestie. Comme aussi il n’y a celui, qui ne blâmera les femmes et les filles hardies, effrontées, légères, folâtres, et affétées : tous lesquels vices néanmoins, sont les ornements des danseresses. La fille, dit S. Ambroise, bien apprise ne désire, ni de regarder, ni d’être regardée. C’est pour faire monstre de leurs personnes, et être prisées en leurs vanités, légèretés et gestes, de quoi toute femme et fille de bien, devrait être autant éloignée, comme elle désire être Chrétienne et avoir réputation être modeste, chaste et vertueuse22.

11Les qualités de mouvement exigées pour la femme par les traités de danse et de bienséance d’époque moderne sont la modestie, la mesure, la gravité et la retenue, signes extérieurs de la vertu intérieure selon les règles disciplinaires d’origine monastique sur lesquelles l’humanisme a construit les normes de l’éducation féminine. Y compris quand elle danse, la femme doit apprendre à simuler son invisibilité. Par le mépris de ces règles et de la parole sacrée, la fille qui danse sur la Bible incarne une apologie du spectacle, elle expose sans honte la plénitude de son corps en mouvement en captant les regards masculins pour une invitation au plaisir.

12Dans cette œuvre tardive de Saenredam se manifeste la complexité d’une modalité figurative qui, tout en se basant sur une approche sensuelle et kinesthésique de la représentation qui magnifie le pouvoir du corps et du regard à la manière des visions allégoriques et mythologiques chéries par l’école maniériste néerlandaise et son cercle humaniste, joue sur le renversement entre jouissance esthétique de la vision et signification morale. Il s’agit de transmettre des valeurs qui mettent le texte biblique et la parole qui l’accompagne au centre de l’attention du lecteur/spectateur, homme ou femme imprégné-e du discours calviniste et danseur-se lui/elle-même de ces mêmes danses.

La domestication vertueuse du corps dansant

  • 23 Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles, série de 4 planc (...)

13Dans la deuxième planche du cycle gravé par Crijspin de Passe d’après Martin de Vos23, les vierges folles sont représentées dans un espace intérieur sobre, éclairé par les torches que deux domestiques tiennent en remplacement des lampes éteintes (fig. 4). Les vêtements des hommes et des femmes sont extrêmement raffinés et dénotent la nature festive, urbaine et civilisée de la scène.

Fig. 4. Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles ; planche 1/4.

Fig. 4. Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles ; planche 1/4.

© Rijksmuseum, Amsterdam.

  • 24 Il est possible de rapprocher les deux figures dansantes de celles que Leone Pallavicino a gravée (...)

14Une des vierges folles danse avec un homme en premier plan : l’élégance de la tenue ainsi que la distance entre le corps des deux danseurs qui ne se touchent pas sont désormais le fruit d’une formalisation des pratiques corporelles et de l’intériorisation des normes. Leurs postures et attitudes rappellent celles du style savant qui, grâce à la circulation des traités et des maîtres à danser italiens, avait eu large diffusion auprès de l’élite européenne24. Deux vierges jouent du clavecin et du luth, instruments qui appartiennent à la tradition savante ; une autre (dont la robe est plus simple, une professionnelle, une « danseresse », une réminiscence antique ?) chante en s’accompagnant d’un tambourin. La scène répond aux règles de la bienséance, exception faite pour l’étreinte amoureuse à laquelle s’abandonne en arrière-plan la cinquième vierge folle. Dans la planche qui leur est dédiée (fig. 5 – cahier couleur), les vierges sages sont occupées dans la lecture (d’un livre qui n’est pas identifié comme la Bible et qui provoque une expression amusée sur le visage de la lectrice), l’écriture (littéraire ou comptable ?), la filature, la couture et enfin le tissage sur le métier (généralement réservé aux hommes dans l’industrie textile). Ces activités s’apparentent ici aux occupations des hommes et des femmes de la classe moyenne bien affirmées dans la société.

Fig. 5 Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles ; planche 2/4.

Fig. 5 Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles ; planche 2/4.

© Rijksmuseum, Amsterdam.

  • 25 Franits 1993 et 1997.

15Les deux planches de Crijspin de Passe témoignent d’un contraste moins marqué entre les comportements des vierges sages et folles (mais aussi des hommes et des femmes), résultat de strates successives de sémantisation dans le processus de « domestication virtuose »25. Ces deux planches sont un double miroir dans lequel les femmes peuvent s’identifier dans un rôle social actif où cohabitent le travail manuel, la construction d’un savoir technique ou livresque, la gestion des affaires domestiques ou du commerce familial, la maîtrise d’un instrument musical et une danse qui est l’expression de l’intériorisation réussie des normes. Dans ce cadre, la moralisation des corps et la confessionnalisation des âmes par le contrôle des pratiques de danse et leur représentation sont plus affirmées au xvie siècle dans un contexte de conquête des âmes et de conflits religieux, qu’au xviie siècle quand la morale publique se sécularise progressivement dans le climat social apaisé et de liberté confessionnelle acquise au cours de l’âge d’or de cette aire culturelle.

  • 26 Veldman 1992 et 2006.

16Les raisons de la présence inédite d’images du travail dans ce thème iconographique selon Ilja Veldman sont à rechercher en premier lieu dans les changements sociaux et dans l’accélération intense du développement économique aux Pays-Bas, qui figuraient parmi les régions les plus urbanisées et les plus densément peuplées d’Europe à cette période26. Le travail, l’épargne et la diligence acquièrent ainsi une valeur positive dans la construction des qualités morales d’une population urbaine constituée pour la plupart et de plus en plus par une classe moyenne d’artisans et commerçants et par une élite de professionnels. Les artisans qui contribuent à la production et diffusion d’artefacts (industrie textile et imprimerie notamment), organisés en corporations, installent les ateliers ou les commerces dans les maisons ou à proximité, impliquant les femmes dans des activités à la fois domestiques et productives, qui contribuent à l’augmentation de la richesse et du capital.

17D’autre part, en complément et contrepoint à l’hypothèse de Veldman, les raisons de la présence inédite d’images de danse dans ce thème iconographique sont le résultat de la diffusion et de la formalisation progressive des pratiques corporelles qui contribuent à civiliser les loisirs et à intégrer la danse parmi les occupations de la classe moyenne, y compris pour les femmes. Cette société élabore des formes de sociabilité comme le bal, qui participent à sa structuration, et l’éducation du corps devient ainsi un autre aspect de l’occupation des femmes en vue de la construction de la domesticité vertueuse. Le potentiel destructif de l’expression corporelle et gestuelle féminine dans la danse est canalisé par la discipline du corps et mise au service de la structuration de cette société, qui se fonde sur la stabilité de la famille en tant que socle des entreprises productives artisanales et marchandes. Le traitement spécifique du thème iconographique des dix vierges constitue ici un exemple significatif de la mise en œuvre d’un discours moralisateur de nature confessionnelle au service de la transformation du système de valeurs d’une population urbaine caractérisée par des changements significatifs dans les structures économiques et sociales de la modernité, dans lesquelles les hommes et les femmes ne cessent de négocier leurs relations et leurs rôles. Issues d’un processus culturel complexe de production et réception dans lequel les artistes ne sont pas les seuls agents, outils privilégiés de diffusion et transmission de normes, valeurs et représentations grâce aux modes rapides de reproduction, commercialisation et diffusion, les estampes se révèlent ainsi des sources remarquables pour écrire l’histoire culturelle des articulations entre danse et genre.

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Bibliographie

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Notes

1 Dans cet article, l’analyse fine des images est fondée sur une observation de la représentation du corps qui identifie des paramètres du mouvement tels que l’organisation de la posture, la gestion du poids, le tonus musculaire, la mémoire corporelle, l’intersubjectivité et la perception. Elle implique aussi les notions de kinesthésie et de contagion gravitaire dans la réception de l’image par celui ou celle qui la regarde et profite de mon expérience professionnelle de danseuse dans l’étude, l’incorporation et la restitution des pratiques et des savoirs transmis par les écrits techniques de la danse d’époque moderne en Europe.

2 Sur la culture de la danse et des bonnes manières aux Pays-Bas au xviie siècle voir Roodemburg 2000 et 2007. Bien qu’aucun traité de danse ou d’autres sources techniques permettant de reconnaître une spécificité des pratiques dansées dans cette aire culturelle à cette époque ne nous soient parvenues, il semble possible
– comme je l’ai proposé ailleurs (Nordera 2007) – d’identifier une koiné de la danse en Europe à cette période, au moins pour certaines danses de couple qui circulent dans les milieux nobles et la classe moyenne, cette même partie de la société qui consomme les artefacts visuels faisant l’objet de cet article. La présence de maîtres de danse italiens aux Pays-Bas et dans les Flandres attestée par le maître à danser italien Cesare Negri (Cesare Appiano à Anvers, Giovanni Antonio Valchiera et Cesare Augusto Parmegiano dans les Flandres) vient à l’appui de cette hypothèse. Cette koiné se réfère aux pratiques de danse décrites en France par Thoinot Arbeau (1597) et en Italie par Fabritio Caroso (1581, 1600) et Cesare Negri (1602), pour ne citer que les sources principales. Sur la diffusion du « style italien » en Europe voir aussi Sparti 2015.

3 Matthieu 25 : 1-13.

4 Sur la tradition iconographique liée à cette parabole voir Aboudrar 2002 ; De Fourna 1845 : 217-218.

5 Pieter Bruegel l’ancien (vers 1525-1569), Les vierges sages et les vierges folles, 1560-1563 ca. Légende : « Date nobis de oleo vestro, quia lampades nostrae extinguntur / nequaquam, nequando, non sufficiat nobis et vobis » ; « Ecce sponsus venit exit obviam ei. » (« Donnez-nous votre huile, parce que nos lampes sont éteintes / non ! de peur que ça ne suffise ni à vous ni à nous » ; « Voici l’époux, sortez à sa rencontre »).

6 Kavaler (1999) démontre que Brueghel s’appuie sur les récits des paraboles pour construire des programmes iconographiques touchant aux transformations et aux conflits sociaux qui troublent son temps.

7 Ce processus a été mis en lumière par Alpers 1972-1973 et 1983. Selon Sullivan (1994), Brueghel répondrait ainsi à la demande de consommation d’images de la société urbaine, en contribuant au processus de « production du vernaculaire ». Plus généralement sur la production d’estampes aux Pays-Bas, voir Riggs & Silver 1993.

8 Sur l’éducation du corps féminin par la danse, voir Nordera 2004 et 2017.

9 Pour un plus ample développement sur l’iconographie du Jugement dernier dans cette aire culturelle voir Harbison 1976.

10 Sur les rapports entre les œuvres de Brueghel et les dynamiques sociales de son temps voir Sellink 2007 : 159.

11 Jan Pieterszoom Saenredam (Zaandam 1565-Assendelft 1607) est un dessinateur, graveur et cartographe néerlandais, père du plus connu peintre Pieter Jansz Saenredam (Schwartz & Bok 1990). Il travaille dans l’atelier de Hendrick Goltzius à Haarlem, puis il ouvre son atelier à Assendelft.

12 Jan Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles, pl. 2 « Les vierges folles », 1606. Légende : « Exultant fatuae lascivo in amore puellae / Haec amat amplexus, alternaque brachia versat, / Pars pedibus plaudent choreas, et carmina dicunt. / Parsque coronato per roscida pascua curru / Effusis raptant equis ; pictisque morantur / porticibus lususque serunt genialibus horas. / Illa tumet gestu molli, castique pudoris / prodiga, palladios afundit stulta liquores. / Contemptu subeunte levi legisque, Deique. »
« Des jeunes filles insensées s’ébattent dans leur amour folâtre / L’une aime l’étreinte, et passe de bras en bras. / Certaines dansent en chœur en frappant du pied et en chantant des vers. / D’autres, sur un char couvert de guirlandes, / dévalent à bride abattue les pâturages humides de rosée ; / elles s’attardent sous les portiques décorés, / et mêlent leurs jeux aux plaisirs nuptiaux. / Une d’elles s’épanouit en un geste souple, / et sans ménager la caste pudeur, renverse le liquide huileux, l’insensée. / Ainsi surgit le mépris frivole de la Loi, et de Dieu. »

13 La réception est d’autant plus complexe qu’elle implique la maîtrise à la fois de la lecture et de la langue latine qui n’était pas à la portée de tous. Si la lecture et l’écriture étaient assez largement maitrisées, le latin et la culture classique étaient enseignés dans les écoles paroissiales et publiques, et, dès la fin du xvie siècle, dans les chambres de rhétorique qui proposaient une approche à la culture classique pour les membres de la classe mercantile qui n’avaient pas eu accès au latin. La population de ces différentes écoles était majoritairement masculine.

14 L’expression est proposée par Sluijter (2001) en relation aux débats concernant la réception des images véhiculées par les estampes néerlandaises et flamandes de l’âge d’or à cause de l’ambiguïté de traitement de certains thèmes iconographiques, et notamment ceux d’inspiration religieuse.

15 Comme Brueghel, Saenredam ajoute des éléments contextuels et des actions exogènes au récit évangélique et développe ainsi un programme iconographique spécifique : les vierges sages prennent une pause dans leurs occupations féminines pour lire la Bible (pl. 1), tandis que les folles dansent et font l’amour. En dansant, l’une d’elles renverse le récipient d’huile (pl. 2). Les sages se préparent à rencontrer l’époux (pl. 3) et se rendent à sa demeure ou elles sont bien accueillies (pl. 4). Les vierges folles, obligées à un détour pour se procurer l’huile (pl. 3, arrière-plan) arrivent trop tard et trouvent la porte fermée (pl. 5).

16 Légende : « Vivendi recte, sapere est, et principium et fons: / Hinc ardens virtutis Amor, devotaque sacris / Mens studys Diae scrutari oracula legis / Prudentes animi iubet et tractare Puellas : / (Nec calathi neglectus bonos, operumve Minervae) / Et monitus audire pios, vocemque docentis. / His, latices stillant nunquam fallentis olivae / SPES, AMOR, alma FIDES, rutilam spectantibus aetram ; / Quos Pater aetheres celestûm destinat oris. / T. Schrevelius. » L’auteur des légendes est Theodorus Schrevelius (1572-1649), humaniste, traducteur et directeur de l’école latine de Harlem ville où il fréquentait les artistes de l’école maniériste au sein de laquelle Saenredam s’est formé.

17 Le calvinisme s’étend de la Suisse et la France aux Pays-Bas à partir de 1550 et devient la confession majoritaire vers la fin du siècle et au cours du suivant, bien que des divergences internes se manifestent entre strictes et modérés. Les discours calvinistes sont un des moteurs principaux de la guerre des 80 ans contre les Espagnols (1568-1648). Après que les Provinces-Unies s’organisent en République (1588), l’Église réformée est reconnue et rattachée aux autorités séculières en 1618, avec garantie de liberté religieuse individuelle.

18 Clive 1961. La différentiation entre les confessions reformées en Europe est toujours sujette à discussion entre les spécialistes (Hsia 1989 et 1998). Concernant l’attitude envers la danse, je m’en tiens à quelques éléments pertinents pour l’analyse des exemples traités et je renvoie à Arcangeli 2000 ; Ruel 2006 et 2017 ; Wagner 1997.

19 Écrit en français par Jean Taffin (1529-1601) pendant qu’il était pasteur à Amsterdam et publié à Genève en 1594, il est traduit en anglais (1595), néerlandais (1595, réédité en 1628 et 1659) et latin (1602). Ruel (2006 : 139-141) précise qu’il s’inspire largement du Traité des danses de Lambert Daneau (Genève 1579) pour ce qui concerne les argumentations théologiques calvinistes, mais les références aux pratiques sont actualisées en fonction du contexte. Bien que les informations biographiques sur Jan Saenredam soient très limitées, les études concernant son fils sont unanimes en indiquant qu’il a grandi dans un contexte familial de stricte confession calviniste (Schwartz & Bok 1990 ; Dyrness 2004). La relation entre la série des dix vierges de Saenredam et le texte de Taffin n’est pas prouvée, mais le rapprochement de ces deux productions culturelles me semble pertinent sur le plan des pratiques et des imaginaires corporels qu’elles mobilisent.

20 Taffin Jean, 1596, Traicté de l’amendement de vie, Genève, Pierre de de Sainct-André, p. 270-1.

21 Pour un développement ultérieur de l’association symbolique de longue durée entre femme, danse et folie voir Nordera 2012 et 2017.

22 Taffin, op. cit., p. 277.

23 Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles, série de 4 planches, entre 1589 et 1611. Légende : « Lux nulla ubi est, densas tenebras esse ibi certum est. Libidinem carnis sequens sua. Sine dubio praecepta negligit Dei : ideoque Luce et Oleo privatur sacro. / Media Ministri nocte sed vox intonat : Jam dormientes sedulo expergiscite, Sponsoque alacres obviam procedite Oboedit huic pars sana : stertit altera. / Quinque sapiente per Fidem ecce Virgines Operaque justa Lampades curant suas, (Quae vasa sunt virtutum ego inquam Lampades, Quibus usui ese proximo queant suo. Quid stultus hic grex orginum ? Ah sun lampades vavuae Oleo ipsaru, Fidem Virtutibus Operum bonorum cassam in ore sedulo um habent comes Dilectioni nam Fides ». À noter que dans le tableau Les vierges folles et les vierges sages de Martin de Vos dont cette estampe semble dépendre, daté entre 1550 et 1600 et conservé au Musée Jeanne-d’Aboville de La Fère (Aisne), la danse n’est pas mise en avant.

24 Il est possible de rapprocher les deux figures dansantes de celles que Leone Pallavicino a gravées sur un dessin de Giovanni Mauro della Rovere pour Le Gratie d’Amore de Cesare Negri. La position de l’homme correspond à celle du groppo, Negri 1602 : 68.

25 Franits 1993 et 1997.

26 Veldman 1992 et 2006.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Pieter Bruegel l’ancien, Les vierges sages et les vierges folles, 1560-1563 ca.
Crédits © BnF, Gallica.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/13766/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 144k
Titre Fig. 2. Jean Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles (planches n°2 et n°1 sur une série de 5 planches), 1606.
Crédits © Art Institute Chicago.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/13766/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 3,0M
Titre Fig. 3. Jean Saenredam, Les vierges sages et les vierges folles (planches n°2 et n°1 sur une série de 5 planches), 1606.
Crédits © Art Institute Chicago.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/13766/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 3,1M
Titre Fig. 4. Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles ; planche 1/4.
Crédits © Rijksmuseum, Amsterdam.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/13766/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 5,4M
Titre Fig. 5 Crispin de Passe d’après Martin de Vos, Les vierges sages et les vierges folles ; planche 2/4.
Crédits © Rijksmuseum, Amsterdam.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/13766/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 5,1M
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Pour citer cet article

Référence papier

Marina Nordera, « Travailler ou danser. L’iconographie des dix vierges (Pays-Bas, xvie-xviie siècle) »Clio, 46 | 2017, 199-213.

Référence électronique

Marina Nordera, « Travailler ou danser. L’iconographie des dix vierges (Pays-Bas, xvie-xviie siècle) »Clio [En ligne], 46 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2020, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/13766 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.13766

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Auteur

Marina Nordera

Nordera Marina est danseuse, historienne de la danse et, depuis 2002, professeure et membre du Centre transdisciplinaire d’épistémologie de la littérature et des arts vivants (CTEL – EA 6307) à l’Université Côte d’Azur. Ses recherches et son enseignement portent sur l’histoire du corps et de la danse en Europe à l’époque moderne et sur les méthodologies transdisciplinaires de la recherche. Elle s’intéresse aux articulations entre les savoirs techniques, artistiques et théoriques en danse, ainsi qu’à leur transmission et circulation. Elle explore les questions de l’archive et de la mémoire, ainsi que les croisements entre les études de genre et les études en danse. L’ensemble de son activité de recherche est imprégné par son expérience artistique.Elle a communiqué et publié les résultats de ses recherches en français, italien, anglais, espagnol, et dirigé avec S. Franco Dance Discourses. Keywords for Methodologies in Dance Research (Routledge, 2007) et Ricordanze. Memoria in movimento e coreografie della storia (UTET, 2010) ; avec R. Martin, Les Arts de la scène à l’épreuve de l’histoire (H. Champion, 2011), avec H. Marquié, « Perspectives genrées sur les femmes dans l’histoire de la danse », Recherches en danse, 3, 2015 ; avec F. Fratagnoli et P. Veroli, « Ramifications. Méthodologies dans les études en danse (France-Italie) », Recherches en danse, 5, 2016. Elle est membre fondatrice de l’association des Chercheurs en Danse (aCD). Contact : marinordera@gmail.com

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