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Dossier

Les patrons célestes des filles et des garçons au baptistère de Florence (xive-xve siècle)

Patron saints of girl and boy infants at the Florence Baptistery (14th to 15th century)
Christiane Klapisch-Zuber
p. 61-83

Résumés

Attribuer un nom de saint ou de sainte au baptisé.e revient-il à affirmer un lien particulier du ou des parents avec ce saint, ou à instituer une relation de patronage entre ce dernier et l’enfant baptisé ? S’agit-il de proposer à celui-ci un modèle moral et religieux, auquel cas les pratiques italiennes de féminisation des noms de saints masculins paraissent peu cohérentes avec cette aspiration ? Ou les donneurs du nom prétendent-ils d’abord honorer le saint et en recevoir eux-mêmes en retour « honneur et profit », consolidant ainsi le lien avec le saint grâce au nom qu’ils ont reporté sur leur enfant ? Et en quoi le patronage recherché à travers le nom diffère-t-il selon le sexe de l’enfant ? À partir des registres de baptême et des livres de famille florentins entre les xive et xve siècles, l’article contribue au débat portant sur les différences dans la nomination entre le sud méditerranéen et les contrées d’Europe plus au nord.

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Texte intégral

  • 1 « ... ebbe fra ll’altre sue figliuole in un medesimo anno in questo modo, una a dì 5 di maggio 13 (...)

1Selon l’un de ses descendants qui vivait vers 1500, Bartolomeo fils de messire Maffeo Tedaldi († vers 1340) « eut trois fils mâles et onze filles à Pise [...] Entre autres filles, il en eut deux la même année, l’une le 5 mai 1306, puis [sa femme] en fit une autre le 30 août 1306 ; à la première il donna pour nom Pisa, peut-être pour s’attirer la bienveillance des Pisans ; à la seconde, il donna pour nom Fina, comme si, s’adressant à sa femme, il lui disait : “Après tant de filles, comme s’il ne te suffisait pas d’en avoir fait autant, tu m’en fais encore deux en quatre mois” »1.

  • 2 Fina n’est pas un nom inconnu dans la Toscane florentine. Au catasto de 1427-1430, on le rencontr (...)

2En attribuant à son ancêtre une irritation, qui lui paraissait légitime, le rédacteur de cette notice aurait pu s’aviser que la sainte Fina de San Gimignano, dont la réputation dépassait largement la ville où elle était morte, était une référence plus honorable que le mauvais jeu de mot qu’il attribuait au père, après avoir sans doute mal compris les dates de naissance des deux filles2. Dans la mémoire familiale de ce Florentin, le patronage de la sainte accordé à la cadette était totalement oblitéré par une explication qui lui était apparue attirante autant que plausible. Mais ce qui surprend plus encore est que le nom attribué à la seconde lui ait semblé aussi justifié que le soutien espéré des Pisans par l’entremise du nom de la fille précédente, une confiance que les pratiques de la nomination, en Toscane, attestent largement.

3Si l’on admet, avec les contemporains de notre chroniqueur, que le nom reçu à la naissance crée un lien entre l’enfant qui le reçoit et la personne qui a déjà porté le nom – qu’elle soit présente ou passée, un membre de la parenté, un saint ou un parent spirituel voire une communauté comme Pise... –, l’anecdote intéresse aussi l’histoire du genre. Car les personnes qui choisissent le nom et à travers lui la nature du lien qu’elles privilégient, ne peuvent ignorer le sexe de l’enfant baptisé. On s’interrogera ici sur les effets attendus du port d’un nom en fonction du sexe de l’enfant.

Une révolution inachevée

  • 3 On consultera les nombreux volumes de la collection Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne, (...)
  • 4 Rolker 2014 : 81-82.

4La fin du Moyen Âge est le théâtre de ce qu’on a qualifié de « révolution anthroponymique » mais, en Italie, cette révolution est loin d’être achevée aux xive-xve siècles3. On a observé depuis longtemps moins la restriction du vivier de noms pouvant être donnés à la naissance que la concentration des choix sur un nombre plus étroit de noms, où les noms chrétiens empiètent de façon décisive à partir des xiiie-xive siècles sur la place des prénoms plus anciens. Alors que 297 personnes pouvaient porter au xe siècle jusqu’à 259 noms différents, ce nombre se réduit à une cinquantaine dans la ville de Constance à la fin du Moyen Âge4. Les changements qui résultent de ces évolutions portent donc à la fois sur la nature du nom donné au baptême et, en corollaire, sur le nombre et les références des noms dont un individu est porteur : plus large, en effet, le nombre des individus homonymes dans une communauté donnée, plus pressant le besoin de qualifier les gens par d’autres appellations.

  • 5 Brattô 1955.
  • 6 Fabbri 2014.
  • 7 Klapisch-Zuber 2009.
  • 8 Cicchetti & Mordenti 1984 ; Cazalé & Klapisch-Zuber 2004.

5En Italie, on dispose au xve siècle d’un matériel très prometteur pour une recherche sur la nomination et la Toscane a été dès longtemps un lieu d’observation avantagé par sa riche documentation5. À Florence, par exemple, des registres de baptêmes sont tenus depuis le milieu du Quattrocento, à Sienne, depuis la fin du xive siècle6, etc. Une enquête menée sur la première année de l’enregistrement florentin concernant environ 1 900 enfants éclaire les choix opérés dans les premiers jours de leur vie. Outre ces registres baptismaux, qu’ils aient été tenus à l’initiative de la commune ou de l’église locale7, le catasto
– un grand recensement fiscal inauguré en 1427 –, déploie toute la panoplie des prénoms et surnoms dont on use dans la pratique, c’est-à-dire des noms modifiés par l’usage depuis le baptême. L’un et l’autre types de document permettent d’observer les baptisés nés à tous les niveaux de la société urbaine. S’ajoutent à ces sources les livres dits de famille tenus en abondance dans la bourgeoisie florentine – appelons-les pour faire vite les ricordanze8 – qui donnent de précieuses informations sur l’orientation des choix des parents à la naissance de leurs enfants, sur les dévotions et les impératifs familiaux qui les guident et justifient leurs préférences onomastiques.

  • 9 Cf. pour la Toscane Brattö 1955.

6Depuis la fin du xive siècle, les registres de baptisés en Toscane montrent, d’une part, que des noms tirés des évangiles, ceux des apôtres et de grands saints et martyrs des premiers temps chrétiens ont certes été introduits dans le stock de prénoms, mais que, peu nombreux au début du xive siècle, ils voisinent encore au tournant du xve avec une nébuleuse de noms d’origine germanique ou latine, de trempe littéraire ou historique. Ceux-là possèdent parfois un caractère auguratif ou moral qui les rapproche du stock expressément chrétien, mais ils rappellent également des noms de puissants et de souverains, ils perpétuent et reproduisent des noms d’ancêtres qui échappent à l’empreinte religieuse que l’Église s’efforce désormais de leur donner aux fonts baptismaux9.

7La lente christianisation des noms personnels, du reste, ne peut se comprendre sans qu’on tienne compte de l’autre tendance qui s’exprime dans l’anthroponymie, à savoir la multiplication des références individuelles plus haut rapidement évoquée. Jusque vers les xie-xiie siècles avait généralement prévalu en Occident un spectre très large de noms personnels, ouvert à l’invention, qui marquait le nom unique porté par un individu, mais autour du xie siècle, le besoin se fit sentir – au moins dans les classes dirigeantes – d’affirmer le caractère lignager, le plus souvent patrilinéaire, de l’appartenance d’une personne. Dans l’ensemble de la population, les homonymies toujours plus fréquentes exigèrent en l’absence de groupe de parenté hérité, que fût signalée la place de l’individu dans la société, par sa filiation immédiate, son métier etc. En Italie du Centre-Nord, l’immense majorité des hommes, au xive siècle, se contente ainsi d’une désignation comportant un prénom – ou son diminutif –, voire un sobriquet, et d’une référence au prénom paternel introduit par la préposition « di » marquant la filiation, autrement dit d’un patronyme au sens étroit. De noms de famille héréditaires, il n’en existe guère que dans les milieux participant d’une façon ou l’autre aux affaires publiques, que ces familles appartiennent aux aristocraties anciennes ou émergent depuis peu sur le devant des scènes citadines.

  • 10 On note par exemple en 1427 une Brigliadoro, une Belcolore côté femmes, et un Altobianc, Arendevo (...)
  • 11 Tels que Bencivenni, Benvenuto, Belcolore, Bonavere, Bonfigliolo, Boninsegna, Bonvicino, etc.
  • 12 Parmi les contribuables des classes d’âge de plus de vingt ans au catasto florentin de 1427.

8Dans les registres du baptistère central de la ville, on compte beaucoup moins de ces prénoms forgés ad libitum10 ou de ceux dits « de bon augure », introduits par Ben- ou Bon-11, qui se retrouvent encore, quoique minoritaires, au catasto de 1427 dans les générations nées au tournant des xive-xve siècles12. L’évolution se poursuit à des rythmes variés selon les milieux sociaux jusqu’au concile de Trente, à partir duquel les pasteurs veillent de plus près à christianiser l’appellation de leurs ouailles.

Les donneurs de nom

  • 13 Klapisch-Zuber 1985a, 1985b.
  • 14 Klapisch-Zuber 1980. Cette crainte est répandue dans nombre de sociétés, mais peu en France ; au (...)
  • 15 Rolker 2014 : 81-82.

9Par quels canaux cette « révolution » s’est-elle imposée ? Il faut ici revenir sur les pratiques toscanes de la dation du nom à l’orée de la vie d’un enfant. À la différence d’autres régions d’Europe – la France, l’Allemagne, l’Angleterre... – le parrainage est hors de cause en Toscane, à la fin du Moyen Âge. Le choix du nom personnel revient sans conteste aux parents charnels et, à l’intérieur du couple, au père surtout, encore que la mère puisse suggérer expressément un nom. Ainsi, les parrains et marraines, eux-mêmes choisis presque exclusivement hors de la parenté, ne font qu’énoncer au baptême le nom choisi par les parents et ne transmettent pas le leur. La transmission de noms familiaux, tirés de la ligne paternelle ou maternelle de l’enfant, est du seul ressort de ses géniteurs. Comme on n’observe pas ici de report systématique du prénom du parrain sur le baptisé, on ne retrouve pas ces ribambelles de Jean ou de Catherine homonymes de leurs parrains – ou d’autres parents – accumulées au sein d’une même famille, voire d’une même fratrie comme en Angleterre ou en France13. S’ajoute en Italie du Centre-nord le fait qu’on évite soigneusement de reporter sur un enfant le nom d’un parent vivant car l’on craint de créer entre eux une rivalité mortelle14. Toutes ces particularités contribuent à la persistance de l’éparpillement des noms de baptême, car l’absence de règles conduisant à la reproduction mécanique des prénoms des donneurs du nom et la liberté de choix laissée aux géniteurs italiens ont ralenti le processus de concentration observable sous d’autres cieux. Il faut à Florence, en 1427, une douzaine de noms pour désigner la moitié des chefs de famille florentins mâles, quand de trois à cinq suffisent dans la plupart des villes et des villages d’Europe15.

  • 16 La Roncière 1975 et 1998 ; Bortolami 1997.

10La christianisation des noms de baptême s’appuie sur la doctrine de la communion des saints et de leur intercession, et la prédication la promeut, au xiiie siècle, jusqu’au fond des campagnes16. La responsabilité des donneurs de nom est donc grande. Comment s’en acquittent-ils et quelle idée se font-ils de la participation des fidèles ordinaires à cette communauté ? Quels espoirs projettent-ils dans l’enfant quand ils le nomment ? Précisons dans cette perspective le problème soulevé plus haut par le cas de la jeune Fina : si le saint ou l’entité quelconque à qui l’on recommande un baptisé et qui lui prête son nom est invité par ce fait même à en assurer la protection, alors des interprétations du type de celles données par le mémorialiste Tedaldi des années 1500 sont à replacer dans un contexte de croyances polymorphes. Nommer sa fille « Fina » par boutade, ou par dévotion à une sainte respectée, relève d’attitudes différentes face à la petite fille mais non exclusives l’une de l’autre. Ce nom, réinterprété deux siècles après qu’il fut donné, exprime des valeurs parentales négatives, réaffirmées ici sur un mode grinçant qui se veut plaisant – autrement dit, les filles ne servent pas à grand-chose dans la perpétuation de leur famille, mieux vaut ne pas en mettre trop au monde, point ! Mais en dépit de l’apparent rejet parental, la fillette est également placée par le nom qu’elle reçoit dans un champ de forces religieuses où intervient le patron spirituel. Les objectifs purement familiaux de l’imposition du nom se révèlent d’abord comme en négatif, et reflètent le dépit d’une continuité familiale compromise ; mais, quoique de façon moins explicite, ils traduisent aussi l’espérance mise dans une sainte qui aidera la nouvelle chrétienne à faire son salut.

11La question revient ainsi à savoir si et comment l’homonymie avec un saint, imposée par les parents, fonde un rapport direct de patronage spirituel aux xive-xve siècles entre le baptisé et son saint patron et si la relation change de façon décisive avec le sexe du baptisé.

  • 17 Plus de 150 livres étudiés ; une liste minimale dans Klapisch-Zuber 1990 (Annexe).
  • 18 La moitié des invocations du xive siècle reste succincte, elle s’adresse à Dieu, ou à Dieu et à l (...)

12Un point préliminaire doit être éclairci. La dévotion qui conduit nombre de parents à choisir le nom d’un saint pour leur enfant préexistait-elle à l’occasion – sa naissance –, qui lui a permis de s’exprimer ? Les invocations qui ouvrent les livres personnels des Florentins offrent des indications utiles. Il en ressort que le lien entre le nom porté par l’auteur du livre et l’introduction du saint homonyme, « avocat » du fidèle, dans le groupe de saints invoqué se consolide au cours du xve siècle. La proportion d’auteurs de ricordanze17 qui nomment un saint homonyme parmi ceux qui sont invoqués passe de 9% au xive siècle à 30% dans la première moitié du xve et à 53% après 1450. Certes, durant cette longue période, les invocations des livres de famille multiplient les références aux saints et il en résulte que les chances augmentent qu’y apparaisse le saint de même nom que le rédacteur du livre18. La meilleure visibilité de ce dernier parmi les puissances célestes invoquées n’est pourtant pas le fruit du hasard : le saint patron prend tout son sens dans un contexte religieux où s’affirme l’association établie par l’Église entre la communauté des saints et la diffusion de leurs noms dans les rangs des fidèles.

  • 19 Banderaio est le nom de son métier : confectionneur de bannières.
  • 20 « ... lo arcangelo Rafaelo mio avoghatto », ASF, San Paolo, 129, Ricordanze di Bartolomeo di Lore (...)

13Tempérons cependant cette première conclusion par deux remarques. On note d’abord que nombre de Florentins invoquent un saint très explicitement présenté comme leur patron sans pour autant en porter le nom : ainsi de « l’archange Raphaël mon avocat » invoqué par le Florentin « Bartolomeo di Lorenzo di Bartolomeo banderaio »19, ou de « saint Julien avocat de ma famille » mentionné par le Pisan Antonio di ser Giovanni da Rosignano20.

  • 21 Piero occupe le 15e rang en 1260, le 5e en 1427 et le 4e en 1451.
  • 22 Paul occupe le 17e rang en 1427 et le 15e en 1451.
  • 23 Au catasto de 1427, sont enregistrés 114 Zanobi et 20 Zanobia parmi les chefs de famille.
  • 24 La Roncière 1975.

14Une seconde observation porte sur la hiérarchie des saints et des saintes invoqués dans les livres de famille. Elle n’est que faiblement corrélée à la hiérarchie des noms les plus fréquemment utilisés. Par exemple, Marie Madeleine qui est la première des saintes invoquées s’efface parmi les noms féminins donnés au baptême et cède la première place à Catherine, qui la devance de loin. Des saintes plus obscures, comme Reparata, patronne de la ville dont le nom n’est presque jamais donné à une baptisée, figurent en revanche très souvent dans les invocations. Il en va de même du côté des garçons. Certes Jean Baptiste, patron de Florence, figure dans les invocations une fois sur deux et entraîne derrière lui, en quatrième position, son homonyme l’apôtre évangéliste ; à eux deux ils viennent aussi en première position des noms de baptême des petits Florentins et renvoient plus loin saint Antoine qui, avant 1450, est le prénom masculin le plus courant. Mais deux grands saints comme Pierre et Paul, binôme du reste indissociable dans les livres de famille qui les placent au deuxième et au troisième rang des saints invoqués, sont moins – pour Pierre21 – et beaucoup moins – pour Paul22 – représentés dans l’ensemble des prénoms portés au xve siècle ou attribués au baptême. Comme sainte Reparata, saint Zanobi – l’autre ancien patron de la ville – et sa parèdre Zanobia sont plus souvent invoqués qu’honorés aux fonts baptismaux23. En revanche, après 1450, un saint « moderne » de l’importance de saint François, qui ne s’élève que lentement dans la hiérarchie des invocations où il végète au sixième rang, voit son nom passer au deuxième dans l’ensemble des noms de baptême masculins24. Alors que le porteur du nom d’un saint paraît se sentir plus étroitement lié à celui-ci au cours du xve siècle, l’effet de ces dévotions et des liens personnels de patronage qu’elles induisent se répercute avec un certain délai dans les équilibres internes des groupes de noms attribués et portés.

Ancêtres et saints

  • 25 Dupâquier, Bideau & Ducreux 1984.
  • 26 ASF, Conventi soppressi, 102, 485, f° 22v. Sur les procédures de nomination à Florence, voir Klap (...)
  • 27 « Camilla il suo diritto nome e Romolla », 28 février 1497, ASF, Acquisti e Doni 190, 3, f° 20r, (...)
  • 28 Mitterauer 1993.

15Pour mieux préciser l’importance acquise dans la société florentine par les patronages célestes et l’influence que le sexe de l’enfant a pu exercer sur leur choix, il faut enfin évoquer brièvement les pratiques prévalant dans l’attribution des noms de baptême dans cette partie de l’Italie. On peut en effet parler au pluriel de ces noms car l’usage d’en donner plusieurs, fréquent dès la fin du xive siècle, est généralisé à Florence au milieu du xve, bien avant que l’usage s’en établisse dans le reste de l’Europe25. Voici comment un Florentin, Filippo di Gherardo Nozzi, les résume quand lui naît en 1374 un fils mâle après sept filles. « Nous lui avons donné pour nom Otto pour nos ancêtres », écrit-il, « et Michele et Bartolomeo pour honorer Dieu et les saints »26. L’articulation entre les trois noms attribués au nouveau-né est ici bien analysée. Le premier nom, ce « nom droit »27 sous lequel l’enfant sera identifié et appelé dans la vie courante, fait ouvertement référence aux ancêtres. Les noms qui suivent, des noms plus « secrets » qui ne seront pas exhibés, sont là pour faire honneur à Dieu et à sa cour céleste. Noms de dévotion contre noms familiaux, saints contre ancêtres28 : il faut insister sur le fait qu’à Florence le double ou triple, voire quadruple ensemble de références onomastiques donne la préséance à celui qui rappelle les racines du baptisé dans sa parenté et qu’à la fin du Moyen Âge le nom de l’aïeul « refait » dans le petit-fils peut très bien ne pas être celui d’un saint : l’« Otto » de notre exemple est un de ces vieux noms germaniques
– nom impérial, nom de puissant au demeurant – qui ne refluent que lentement de la scène onomastique toscane. Quant aux noms donnés en deuxième ou troisième position chez les Nozzi, ils accueillent le baptisé dans un groupe d’homonymes rassemblé autour d’un saint.

16Les filles reçoivent certes des noms d’aïeules comme leurs frères ceux d’ancêtres mâles, mais lorsque les parents ont épuisé les rappels des aïeux les plus proches, ils se tournent vers des noms féminins qui parlent plus à leur imagination qu’à leur mémoire des traditions familiales. Et dans les deux cas, ces noms de baptême sont beaucoup moins christianisés que ceux de leurs fils.

17Les livres de famille confirment que la dévotion personnelle des parents s’exprime rarement dans le premier de ces prénoms, sauf, on va le voir, lorsqu’un engagement solennel préside à leur choix. Notons aussitôt que lorsque la dévotion oriente celui-ci au détriment de noms provenant de la tradition familiale, le phénomène concerne deux fois plus souvent les garçons que les filles. Dans les livres où un père de famille commente sa décision, 17% de l’ensemble des noms masculins contre 9% des noms féminins sont justifiés par sa dévotion envers un saint ou une sainte particulière. Une dévotion justifiant les noms donnés en deuxième ou troisième place intéresse à l’inverse les filles autant, voire plus que les garçons. Parmi ces noms secondaires plus « secrets », ces noms que l’usage ne reprend pas dans la vie courante, la proportion de ceux d’aïeux de l’enfant tombe à 30% pour les garçons et à 18% pour les filles, tandis que les trois quarts des noms secondaires masculins et quatre sur cinq de ceux des filles sont expliqués par un rapport de patronage céleste désiré ou accidentel.

  • 29 Cette précision est tirée de documents bolonais et lucquois, et une seule fois de documents conce (...)
  • 30 À propos de l’attention portée au calendrier, voir Trexler 1980 : 73-87.
  • 31 On sait peu de choses sur la célébration de sa fête (l’onomastico) par le porteur du nom d’un sai (...)

18Au total, la moitié des noms secondaires justifiés dans les livres de famille a pour origine une dévotion avouée des parents. Lorsqu’ils ne font pas référence à un ancêtre de l’autre lignée non encore honorée dans le nom principal, les autres noms secondaires semblent souvent imposés par le déroulement de la liturgie du baptême : le nom du saint du jour est en effet attribué à la porte de l’église, alors que le « nom droit » est exprimé et conféré aux fonts baptismaux29. Il semble que les fidèles aient laissé le hasard du jour de ce sacrement pour décider d’un patronage30. Si des Florentins et des Florentines considéraient comme leur patron spirituel le saint dont ils avaient reçu le nom en seconde position, ce nom qui resterait caché pourrait acquérir toute son importance aux yeux de son porteur quand celui-ci aurait eu l’occasion d’en vérifier le pouvoir31.

19Il faut enfin souligner que la multiplication des prénoms de baptême, précoce en Italie au regard du reste de l’Europe, a peut-être apporté une réponse, encouragée par les églises locales, à la primauté que les fidèles accordaient aux ancêtres sur les saints. Puisqu’il fallait christianiser la nomination, les prénoms secondaires offraient un refuge acceptable à de saints patrons s’effaçant discrètement derrière la parenté et néanmoins présents.

Des dévotions ciblées

  • 32 Lett 2007 : 410-411.
  • 33 « ... perché lo botamo a san Piero Martire per cinque anni » (7 nov. 1440), ASF, Conventi soppres (...)
  • 34 « ...a ire vestito di biancho a revenrenza di santo Piero martero, che chosì lo botò la Ghostanza (...)
  • 35 « a riverenzia di S. Francesco mio divoto, e posimi in quore che, a onore di santo Francesco, io (...)
  • 36 Francesco Giovanni écrit à propos d’un fils cadet : « e puosigli nome Piero a riverentia di san P (...)

20À la différence des ancêtres ou des autres parents récemment décédés dont on « refaisait » le nom dans un nouveau-né, le don du nom d’un saint n’était senti comme obligatoire que lorsqu’il dérivait d’un engagement personnel de l’un ou l’autre parent, d’un vœu formulé lors d’une maladie, d’un accident, d’un accouchement difficile. « Vouer » un enfant à un saint, comme dans l’Antiquité à un dieu, c’était le sacraliser et s’engager pleinement à accomplir la rétribution promise au saint pour en obtenir la faveur : les « petits Nicolas » des Marches sont ainsi nommés parce que leurs parents les ont voués au bienheureux Nicolas de Tolentino qui les a sauvés32. Car cette rétribution consistait généralement à donner le nom du saint à l’enfant. Giovanni Bandini appelle son sixième fils Piero Andrea « parce que nous l’avons voué à saint Pierre Martyr pour cinq ans »33. Ilarione Bardi « voue » un fils baptisé le 3 juillet 1429 « à aller vêtu de blanc par respect pour saint Pierre Martyr à qui Gostanza [la mère] l’a voué »34. En effet, le vœu implique parfois le port d’une robe religieuse de l’ordre du saint protecteur : au Museo antoniano de Padoue on peut en voir plusieurs, de bure noire ou brune, encore portées il n’y a pas si longtemps par des enfants voués. D’autres parents vont plus loin et promettent de faire plus tard de l’enfant un religieux de l’ordre du saint éponyme : le Siennois Cristoforo Guidini, grand ami de sainte Catherine, mais plus porté vers les franciscains que les dominicains, fait baptiser un fils le 30 octobre 1380 du nom de Francesco « par respect pour saint François dont je suis dévot, et je me suis promis d’en faire un frère de son ordre, et ainsi ferai-je »35. Le vœu peut même toucher l’enfant qui suivra la naissance qui l’a auparavant occasionné : à propos d’un fils cadet, Francesco Giovanni écrit qu’il « lui a donné pour nom Pierre, en respect de saint Pierre Martyr envers qui [ma femme] s’était engagée à donner ce nom depuis la naissance de Giantomaso [le fils précédent] »36.

  • 37 Sur l’âge des entrées au couvent Trexler 1971 ; Brucker 1990 ; Molho 1989 : 13-17 ; Klapisch-Zube (...)

21On notera qu’aucun de ces quelques cas de « noms ex voto » ne concerne une fille et je ne connais pas de ricordanze qui mentionnent une fille vouée à un saint ou une sainte. Une telle différence entre filles et garçons est sans doute motivée par les expectatives parentales fortement genrées. Vouer un garçon à un saint et à son ordre, c’est en effet faire un bien plus grand sacrifice que ne serait le même engagement pour une fille, c’est renoncer à un héritier porteur de la survie familiale. La fille, en revanche, recevra de toute façon un mari en chair et en os ou, à défaut, un époux céleste en entrant dans un couvent et sera perdue pour la propagation de la lignée ; et son avenir se décidera quelques années après sa naissance, en fonction de sa beauté et de sa santé37.

  • 38 Chabot 2011 : chap. III.

22Ce genre de protection « négociée », qui réclame du saint un effort particulier contre la promesse parentale de lui manifester dévotion et honneur par le report de son nom sur l’enfant, a des effets mal mesurables sur le cours ultérieur des choses, sur la revendication d’un patronage direct assumé par l’enfant devenu grand. Ces rapports ne sont-ils pas bien fragiles puisque l’enfant appartient au groupe formel de clients homonymes du saint dont il porte le nom du seul fait qu’il l’a reçu dans l’innocence de l’enfance, par le geste d’un père ayant une dévotion personnelle pour ce saint ? Que cherche-t-on, au surplus, à obtenir ou à conserver de la personne – saint ou aïeul – dont le nom attribué à l’enfant perpétuera la présence auprès et dans le baptisé ? À la différence des sociétés où le nom reçu désigne l’héritier ou l’héritière dans sa lignée paternelle ou maternelle, le port d’un nom « refait » ne comporte, en Toscane et à cette époque, aucun avantage : le droit local prévoit le partage entre héritiers mâles des biens paternels, dont il exclut les filles dotées – mariées ou religieuses –, et restreint même les droits de celles-ci sur l’héritage des biens maternels38.

23Les témoignages des ricordanze sont laconiques ou ambigus sur ce point. Certes les parents parlent de l’« honneur » qu’ils veulent manifester à un saint ou une sainte en donnant leur nom à un enfant, mais sans préciser le contenu du mot. L’« honneur » d’un saint réside certainement dans le nombre de ses fidèles et l’accroître y contribue. Comme, en retour, le saint veillera sur l’enfant, les parents entendent s’en assurer la bienveillance en l’honorant. Mais leur usage, souvent altéré, de son nom pourra-t-il avoir les effets attendus ?

Noms de saints altérés et noms de fantaisie pour les filles

  • 39 Ces proportions se réduisent un peu dans les familles aisées ou riches (identifiées par un nom de (...)

24Revenons à l’ensemble des premiers noms. Nous avons vu que les filles reçoivent le nom d’une sainte moins souvent que leurs frères ne sont appelés d’après un saint. La dévotion de leurs parents s’exprime en effet plus rarement par le canal du premier prénom de la baptisée. Cette surprenante discrimination est tout à fait visible en 1450-1451, soit la première année de l’enregistrement des baptêmes qui couvre l’ensemble des classes sociales. Près de 90% des noms masculins contre 71% des noms féminins sont authentiquement chrétiens, tirés du Nouveau Testament ou des vies de saints39. Il est hors de doute que le panthéon céleste est marqué d’un rapport de masculinité déséquilibré à l’avantage des hommes. Cette distorsion éclate dans les invocations des livres de famille florentins : leurs auteurs, tous masculins, n’y invoquent que seize saintes contre cinquante-trois saints différents.

  • 40 Trente-huit des noms chrétiens féminins sont des noms d’apôtres ou de saints féminisés.

25Les parents florentins aggravent leur cas en attribuant à leurs filles des noms de saints mâles féminisés dans une bonne proportion des noms de filles chrétiens40. En dépit des recommandations de l’Église les parents toscans offrent volontiers comme patronnes à leurs filles de fausses saintes, des saints travestis en femmes, alors que la réciproque est rare.

  • 41 Thiers 1697 [1679] : vol. II, l. 1, chap. X, 118 ; Burguière 1980 : 39-40 ; Maurel 1992.
  • 42 Ibid. : 119.
  • 43 Trexler 1971 ; Herlihy 1988 : 576.

26Au xviie siècle, l’abbé Thiers, grand pourfendeur, dans le sillage de la Contre-Réforme, des superstitions entachant la doctrine et l’éthique chrétiennes, s’élève contre les survivances barbares héritées du Moyen Âge en matière de nomination. Il fustige en particulier les glissements de genre dans les noms de saints attribués à des filles car il « ne trouve aucun de ces noms dans les martyrologes des Églises »41. L’abbé s’élève aussi contre les noms diminués de saintes : il est défendu, écrit-il, « aux pareins et aux mareines d’imposer aux filles des noms qui ne sont que des diminutifs de Saintes, sans qu’aucune sainte se trouve avoir été ainsi appelée ». Dans les deux cas, « comment les filles pourront-elles imiter les vertus et espérer la protection des saintes qui ne sont point, qui n’ont jamais été [...], telles que sainte Michelle, [...], sainte Tomine, sainte Philipotte, et les autres ? »42. Ne pas respecter leur intégrité, c’est non seulement manquer de respect au saint et peut-être aliéner sa bienveillance mais renoncer à offrir à l’enfant un exemple dans sa perfection. Si les synodes de Florence et Fiesole au xive-xve siècle n’abordent pas le problème des noms de baptême, le saint archevêque de Florence, Antonin, recommande dans sa Somme théologique d’éviter les noms païens « comme Pyramides, Palamides, Lancelot », les noms « diminués comme « Nanni, Thoma, Maso, Pippo » et ceux qui ne veulent rien dire « comme Bland, Lapo, Ginevra, etc. »43.

  • 44 Herlihy 1988 : 574. Beaucoup plus que l’Allemagne, voir Rolker 2014 : 92-93.
  • 45 Des noms du type Nanna, Gianna, Vanna (diminutifs de Giovanna), Checca (Francesca), Nencia (Loren (...)

27Au xve siècle, la ville de Florence, comme le reste de l’Italie du Centre-nord et la France, semble facilement accepter la féminisation des noms masculins44. Au catasto de 1427, on repère parfois un garçon prénommé Caterino, Appolonio ou Margherito, mais infiniment plus souvent une fille nommée Antonia, Giovanna, Francesca voire Vangelista, Andrea, Luca ou Giusaffa : les noms de saints féminisés ainsi que leurs diminutifs sont légion. Au total, sur les quelque 1 600 Florentines chefs de famille en 1427, des veuves pour la plupart, nées avant 1400, 424 portent des noms féminisés d’apôtres et de saints personnages du Nouveau Testament. Beaucoup, en outre, se contentent de diminutifs tels que Vanna ou Nanna (pour Giovanna), Nencia (pour Lorenza), Lena (pour Maddalena) etc., ce que l’usage quotidien post-baptismal enregistré par le catasto peut évidemment expliquer. Pourtant, même au baptistère, vers le milieu du siècle, non seulement les noms de saints féminisés sont parfaitement admis mais les diminutifs et autres hypocoristiques ne sont pas totalement évités : des formes tronquées, diminutives, abrégées, contractées affectent les noms de grands saints ou saintes dans plus des deux tiers des noms donnés au baptême à des filles45. Il n’en va pas de même pour les garçons, où les formes diminutives non seulement sont plus rares mais rarement liées à des noms chrétiens. Les renvois à un saint patron observent ainsi avec plus de vigilance l’intégrité genrée et onomastique du personnage sacré lorsque son client spirituel porteur de son nom est un garçon alors qu’au baptême d’une fille le père emprunte librement les noms de l’autre sexe, y compris sous des formes abâtardies qui flattent l’oreille ou l’imagination.

  • 46 Dix-sept chefs de famille masculins seulement se prénomment Romolo en 1427. Sur la progression de (...)
  • 47 Sur la diffusion de Romolo/a et l’identité civique que le nom confère, Boutier 1988.
  • 48 Klapisch-Zuber 1997.

28La féminisation d’un nom de saint doit-elle, au reste, se lire avec la lorgnette de l’abbé Thiers ? Est-ce dévaloriser le saint patron que de lui conférer le genre féminin ? Le cas d’un prénom très particulier en fait douter. Saint Romolo était le patron traditionnel de la ville de Fiesole, longtemps rivale de Florence. Pour une raison mal éclaircie, et alors qu’il était très peu fréquent dans l’onomastique florentine du début du xve siècle, il est entre 1470 et 1520 progressivement attribué, en deuxième, troisième ou même quatrième position, aux baptisés, garçons ou filles, de Florence et de sa banlieue46. L’une des motivations est sans doute d’ordre civique47, mais on ne peut négliger le fait que le saint protégeait les enfants des convulsions du nourrisson, interprétées comme une manifestation du « haut mal » (mal maestro), l’épilepsie48. La féminisation de son nom à l’intention des bébés féminins nommés Romola incorporait à leur féminité le même pouvoir protecteur qui était accordé aux garçons. Et il en allait à peu près de même avec tous ces noms de saints mâles féminisés. Pour démentir l’abbé Thiers : le pouvoir prophylactique d’un saint n’avait pas de sexe. Une protection plus générale était assurée par les anges gardiens, Michel, Gabriel et Raphaël, dont le culte se répand au xve siècle et dont il devint bon de doter les garçons, mais aussi les filles – usage réprouvé par l’abbé Thiers – en nom de baptême principal ou secondaire.

29Des autres noms donnés au baptistère San Giovanni en 1450-1451, près de 10% des masculins mais autour de 30% des féminins ne font aucune référence aux saints. Et parmi ces noms peu chrétiens, ceux des garçons reflètent l’attachement à la tradition « germanique » et historique du nom, alors que ceux des filles, plus « littéraires », reflètent l’héritage courtois ou poétique, ou encore valorisent les qualités attendues d’une femme, promettant aux filles un bel avenir matrimonial. Car les noms masculins et féminins se différencient enfin par un dernier trait. En 1450-1451, les noms auguratifs ont disparu du stock masculin : il n’y reste guère que quelque Bonaccorso ou Benvenuto hérités d’un ancêtre. Au contraire, la variété des noms de ce type encore attribués à des filles donne une idée des qualités que le père voulait induire dans l’enfant en la nommant : des qualités physiques, descriptives ou de bon augure, telles que Bella, Candida, Moretta ; des vertus morales évoquant douceur, sérénité, soumission (Felice, Serena, Buona, Speranza, Costanza...) ; des allusions à la littérature courtoise comme Gentile, Selvaggia, etc. Qu’ils soient séducteurs ou sérieux, ces noms trahissent la préoccupation paternelle majeure : faciliter l’établissement de leur fille, son mariage et une vie conjugale sans heurts. Pas plus que pour les diminutifs de noms de saints ou de saintes, les qualités allant dans ce sens n’instaurent de liens spirituels privilégiés avec un saint patron. En somme, le nom d’une fille semble suffire à provoquer l’avenir qu’on lui souhaite mais efface le pouvoir mystérieux et sacré de l’intercession des saints.

  • 49 Voir Klapisch-Zuber 1985a, 1985b, 2007.

30Tous ces indices, indirects ou combinés à partir de sources différentes, s’accordent pour suggérer que les implications sociales et spirituelles du fait de porter un nom sont perçues très différemment selon que le nouveau-né est de sexe masculin ou féminin. Rappelons que cette conclusion s’applique aussi dans le choix des parrains de baptême : au moins dans les familles florentines des gens de bien, les filles reçoivent un nombre inférieur de parrains, et bien souvent des parrains ou des marraines moins honorables49. Le respect limité pour l’intégrité onomastique du saint dont on « refait » le nom dans une fille, la préférence marquée pour des noms féminins sans auréole chrétienne, en même temps que la faiblesse des liens de compérage noués autour du baptême d’une fille : tout cela pose abruptement le problème de ce qu’on espère pour un enfant, mais aussi de ce qu’on attend de lui. Si donner le nom d’un saint, dont le pouvoir a déjà été éprouvé, signifie le forcer à continuer d’agir en faveur du dévot et de son fils ; si en somme cela entend le lier à son fidèle à travers le nom que celui-ci lui a emprunté – alors il est clair que les parents florentins implorent moins l’intervention des puissances célestes quand leur grâce retombera sur une fille. Une fille, une femme reçoivent et confèrent moins d’honneur à leurs géniteurs, parrains et patrons. Dans les réseaux de patronage spirituel comme dans ceux relevant du monde, elles restent des clientes de second plan.

Les noms de religion

  • 50 Lowe 1998 et 2003 : 65 ; Strocchia 2002 ; voir pour l’Allemagne Rolker 2011.
  • 51 Strocchia 2002 : 228.
  • 52 Brucker 1990 : 46.

31En va-t-il de même avec les noms de religion, ceux que prennent les jeunes filles à leur entrée dans un couvent ? Bien qu’une historienne des couvents féminins italiens de la Renaissance écrive qu’« on ne sait pratiquement rien sur les mécanismes gouvernant le choix des noms de religion », ses travaux et ceux de Sharon Strocchia en ont éclairé des aspects intéressants tant à Florence qu’à Rome et Venise50. L’attribution d’un nom nouveau, qui est généralement décidé par le chapitre des sœurs de la nouvelle religieuse51, en sanctionne le changement de statut à sa prise de l’habit (vestitio) ou à celle du voile (velazione) et à sa profession, de même que la jeune épousée sera publiquement reconnue et intitulée non seulement comme la fille de son père mais comme la femme d’un mari dont elle ajoutera les noms à sa propre désignation. Ce changement de nom ne s’installe que progressivement après 1450 dans les habitudes des couvents féminins, alors que les religieux conservent plus durablement leur nom de baptême. Seuls résistent un temps les couvents féminins les plus anciens, attachés à leurs traditions et observant moins sévèrement la clôture. Vers 1500, tous cependant observent la re-nomination des nouvelles sœurs. L’afflux des novices, souvent homonymes, après 1470 oblige à les distinguer par un nouveau nom : en 1427, la ville de Florence et ses faubourgs comptaient environ 900 religieuses, elles sont plus de 2 500 en 151552.

  • 53 Strocchia 2002 : 231.

32Les exemples analysés par Sharon Strocchia montrent les similitudes du stock de noms choisis lors de l’entrée au couvent avec celui des baptisées restées dans le monde. On aurait pensé que le patronage spirituel et le prénom de religion choisis par l’institution religieuse où entrait une nouvelle moniale privilégieraient les références chrétiennes. Or, dans le couvent bénédictin réformé des Murate (les « emmurées ») de Florence, la typologie des noms choisis est plus variée qu’on ne l’attendrait : en 1470, les deux tiers des noms des 136 moniales sont repris de saints des premiers temps chrétiens, d’anges, de personnages de l’Ancien Testament ou de saints et saintes plus récents, mais un bon quart n’écarte ni la valeur augurative du nom ni la palette des vertus féminines, la gamme des pierres précieuses ou des noms toscans traditionnels qui caractérisent les noms des laïques. Et ces noms de religion respectent peu l’intégrité genrée des saints : apôtres, prophètes sont allègrement féminisés comme dans la société environnante53. Les noms de saintes martyres, Catherine en tête, et de matriarches de l’Ancien testament sont fréquemment retenus, mais les saintes locales se font difficilement une place dans cet éventail religieux, exactement comme dans la société environnante.

  • 54 En 1543, les noms de vertus, les noms auguratifs qui sont encore un peu plus nombreux font aussi (...)
  • 55 Lowe 2003 : 65.
  • 56 Strocchia 2002 : 236-239.
  • 57 Strocchia 2002 : 220 ; Lowe 2003 : 240.

33La place réservée à des prénoms non chrétiens – une place encore accrue au milieu du xvie siècle – témoigne de l’emprise du système de l’anthroponymie féminine propre à la société globale sur les re-nominations des religieuses54. On pourrait en dire autant du fait qu’il n’est pas rare non plus que la nouvelle moniale reçoive sans plus d’imagination le nom du saint célébré le jour de sa prise d’habit55. Cette emprise s’exprime surtout dans la propension très marquée à « refaire » une religieuse décédée dans une nouvelle moniale en lui réattribuant son nom, à l’instar des laïcs qui « refont » un parent mort, voire un ancêtre plus lointain, dans l’enfant qui vient à naître56. Le « recyclage » d’une religieuse décédée dans une nouvelle entrante se conforme de la sorte à la nécessité de raviver en les redisant par le nom les filiations importantes, ici toutes spirituelles. Cette observation ne saurait écarter l’idée que les couvents féminins aient surtout cherché à consolider leur identité propre en gérant un stock de noms qui leur étaient devenus chers. On note enfin l’évitement de noms d’entités sacrées trop élevées dans la hiérarchie céleste. Aux Murate, le nom de Marie n’est adopté successivement après 1534 que par des abbesses, qui le prennent à leur élection, à l’instar des abbés qui singent eux-mêmes le changement de nom des papes nouvellement élus57.

  • 58 Lowe 1998.

34Ces coïncidences ne sont pas fortuites. Kate Lowe l’a souligné, les étapes de la consécration des vierges épouses du Christ se calquent sur les rituels civils du mariage, en dépit des protestations de l’Église, et sur sa liturgie58. On s’étonne moins, dans ces conditions, que la prise de nom des filles mises au couvent reflète les pratiques du monde qu’elles quittent et que les exemples de saintes ou de vertus que leur nouveau nom leur propose reproduisent ce que leurs éducateurs leur prêchent depuis l’enfance : la soumission, l’obéissance, le contrôle de leurs pulsions, la chasteté bien sûr, toutes vertus passives que leurs modèles de saints et de saintes, voire les exemples de matrones antiques, leur inculqueront à leur tour.

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Notes

1 « ... ebbe fra ll’altre sue figliuole in un medesimo anno in questo modo, una a dì 5 di maggio 1306 e poi ne fecie una altra a dì 30 d’agosto 1306 ; alla prima pose nome Pisa, e forse per recharsi i Pixani benevoli ; alla seconda pose nome Fina, quaxi parlando alla donna, e dicendoli : “In fine a ttante femmine, che non ti bastò averne fatte tante, che tu me ne fai due in quattro mesi” » ; Archivio di Stato, Florence (abr. ASF), Strozziane II, 1.

2 Fina n’est pas un nom inconnu dans la Toscane florentine. Au catasto de 1427-1430, on le rencontre chez cinq femmes chefs de famille ; la version masculine, Fino, apparaît 19 fois.

3 On consultera les nombreux volumes de la collection Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne, résultant des travaux de l’équipe dirigée par Monique Bourin, Tours, 1990-1997. Sur les prénoms en Toscane, Herlihy 1988. Sur le nom de famille, Molho 1998.

4 Rolker 2014 : 81-82.

5 Brattô 1955.

6 Fabbri 2014.

7 Klapisch-Zuber 2009.

8 Cicchetti & Mordenti 1984 ; Cazalé & Klapisch-Zuber 2004.

9 Cf. pour la Toscane Brattö 1955.

10 On note par exemple en 1427 une Brigliadoro, une Belcolore côté femmes, et un Altobianc, Arendevole, Malacresta, Orabuono, Riccuomo.

11 Tels que Bencivenni, Benvenuto, Belcolore, Bonavere, Bonfigliolo, Boninsegna, Bonvicino, etc.

12 Parmi les contribuables des classes d’âge de plus de vingt ans au catasto florentin de 1427.

13 Klapisch-Zuber 1985a, 1985b.

14 Klapisch-Zuber 1980. Cette crainte est répandue dans nombre de sociétés, mais peu en France ; au xviie siècle, l’abbé Thiers la mentionne en Irlande comme une « divination » superstitieuse : « ... les Irlandais sont si superstitieux, qu’ils n’osent donner à leurs enfans les noms de leurs parens qui vivent, crainte d’en raccourcir les jours ». Thiers 1697 [1679] : vol. II, l. 1, chap. X, 113-114.

15 Rolker 2014 : 81-82.

16 La Roncière 1975 et 1998 ; Bortolami 1997.

17 Plus de 150 livres étudiés ; une liste minimale dans Klapisch-Zuber 1990 (Annexe).

18 La moitié des invocations du xive siècle reste succincte, elle s’adresse à Dieu, ou à Dieu et à la Vierge. Au xve siècle elles sont plus prolixes : 62,5 % avant 1450 et 71 % après invoquent aussi saints et saintes. Quelques auteurs de livres de famille montrent de plus une préoccupation quasi obsessionnelle de n’oublier aucun élu au ciel et ne se contentent pas de supplier « toute la cour du Paradis » de veiller sur leurs intérêts mais énumèrent cohorte par cohorte les anges, les ermites, les prophètes, les martyrs... Je n’ai tenu compte dans ces calculs que des saints et des saintes dûment identifiés.

19 Banderaio est le nom de son métier : confectionneur de bannières.

20 « ... lo arcangelo Rafaelo mio avoghatto », ASF, San Paolo, 129, Ricordanze di Bartolomeo di Lorenzo di Bartolomeo banderaio, 1514-1538, f° non numéroté ; « ... santo Giuliano avocato de la mia casa », Archivio di Stato, Pise, Opera del Duomo, 1281, Ricordanze di Antonio di ser Giovanni di Rosignano, 1361-1402, f° 1.

21 Piero occupe le 15e rang en 1260, le 5e en 1427 et le 4e en 1451.

22 Paul occupe le 17e rang en 1427 et le 15e en 1451.

23 Au catasto de 1427, sont enregistrés 114 Zanobi et 20 Zanobia parmi les chefs de famille.

24 La Roncière 1975.

25 Dupâquier, Bideau & Ducreux 1984.

26 ASF, Conventi soppressi, 102, 485, f° 22v. Sur les procédures de nomination à Florence, voir Klapisch-Zuber 1980.

27 « Camilla il suo diritto nome e Romolla », 28 février 1497, ASF, Acquisti e Doni 190, 3, f° 20r, Ricordanze di Giovanni di Guido Baldovinetti. La même expression est utilisée en 1542 à Vérone, Cicchetti & Mordenti 1984 : 1142.

28 Mitterauer 1993.

29 Cette précision est tirée de documents bolonais et lucquois, et une seule fois de documents concernant un baptême florentin. Lowe (2003 : 65) a observé un usage analogue à la prise d’habit (vestitio) d’une clarisse romaine renommée Orsola le 20 septembre 1556, jour de la fête de sainte Ursule.

30 À propos de l’attention portée au calendrier, voir Trexler 1980 : 73-87.

31 On sait peu de choses sur la célébration de sa fête (l’onomastico) par le porteur du nom d’un saint à Florence. Sur les « conditions et obstacles » à définir l’anniversaire tel que nous l’entendons, voir Schmitt 2009 : chap. II, 45-62.

32 Lett 2007 : 410-411.

33 « ... perché lo botamo a san Piero Martire per cinque anni » (7 nov. 1440), ASF, Conventi soppressi, 102, 82, f° 7v.

34 « ...a ire vestito di biancho a revenrenza di santo Piero martero, che chosì lo botò la Ghostanza [la mère] », ASF, Conventi soppressi, 79, 119, f° 253v. Ce saint dominicain portait en effet la robe blanche de son ordre.

35 « a riverenzia di S. Francesco mio divoto, e posimi in quore che, a onore di santo Francesco, io el farei frate dell’ordine suo, e così voglio che sia », Archivio storico itliano, IV, 1843, p. 44. Sur Guidini, secrétaire et traducteur de Catherine de Sienne, voir Vauchez 2015 : 52-53.

36 Francesco Giovanni écrit à propos d’un fils cadet : « e puosigli nome Piero a riverentia di san Piero Martire a chui ella [sa femme] era botata di porre detto nome in fino quando nacque Giantomaso » (26 mars 1443 ; ASF, Strozziane II, 26, f° 25.

37 Sur l’âge des entrées au couvent Trexler 1971 ; Brucker 1990 ; Molho 1989 : 13-17 ; Klapisch-Zuber 2000.

38 Chabot 2011 : chap. III.

39 Ces proportions se réduisent un peu dans les familles aisées ou riches (identifiées par un nom de famille héréditaire) qui sont plus attachées aux noms traditionnels présents dans leur stock familial et chez qui le sens de la continuité généalogique incite davantage à se référer à ce stock pour « refaire » les ancêtres. Les proportions y touchent 84 % des garçons et 65 % des filles, la dissymétrie entre les sexes restant donc à peu près la même.

40 Trente-huit des noms chrétiens féminins sont des noms d’apôtres ou de saints féminisés.

41 Thiers 1697 [1679] : vol. II, l. 1, chap. X, 118 ; Burguière 1980 : 39-40 ; Maurel 1992.

42 Ibid. : 119.

43 Trexler 1971 ; Herlihy 1988 : 576.

44 Herlihy 1988 : 574. Beaucoup plus que l’Allemagne, voir Rolker 2014 : 92-93.

45 Des noms du type Nanna, Gianna, Vanna (diminutifs de Giovanna), Checca (Francesca), Nencia (Lorenza), Pippa (Filippa), Papera, Tita et Fhita (Margherita), Masa (Tommasa), Mea (Bartolomea), Betta (Elisabetta) etc. sont tous présents dans les registres de baptêmes de 1450-1451.

46 Dix-sept chefs de famille masculins seulement se prénomment Romolo en 1427. Sur la progression de l’usage après 1470, Klapisch-Zuber 1997 : 6.

47 Sur la diffusion de Romolo/a et l’identité civique que le nom confère, Boutier 1988.

48 Klapisch-Zuber 1997.

49 Voir Klapisch-Zuber 1985a, 1985b, 2007.

50 Lowe 1998 et 2003 : 65 ; Strocchia 2002 ; voir pour l’Allemagne Rolker 2011.

51 Strocchia 2002 : 228.

52 Brucker 1990 : 46.

53 Strocchia 2002 : 231.

54 En 1543, les noms de vertus, les noms auguratifs qui sont encore un peu plus nombreux font aussi une place plus grande à des noms tirés de l’Antiquité classique, souvent masculins et féminisés, suivant en cela la mode générale ; Strocchia 2002 : 233 ; Lowe 2003 : 163.

55 Lowe 2003 : 65.

56 Strocchia 2002 : 236-239.

57 Strocchia 2002 : 220 ; Lowe 2003 : 240.

58 Lowe 1998.

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Pour citer cet article

Référence papier

Christiane Klapisch-Zuber, « Les patrons célestes des filles et des garçons au baptistère de Florence (xive-xve siècle) »Clio, 45 | 2017, 61-83.

Référence électronique

Christiane Klapisch-Zuber, « Les patrons célestes des filles et des garçons au baptistère de Florence (xive-xve siècle) »Clio [En ligne], 45 | 2017, mis en ligne le 01 mai 2020, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/13491 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.13491

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Auteur

Christiane Klapisch-Zuber

Directrice d’études honoraire à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Elle a publié de nombreuses études sur la population et la famille italiennes, dont (avec David Herlihy) Les Toscans et leurs familles (1978), et des essais sur les femmes dans l’Italie du Moyen Âge et de la Renaissance (La Maison et le nom. Stratégies et rituels dans l'Italie de la Renaissance, 1990). Elle a coédité plusieurs ouvrages, dont l’Histoire de la famille (1986) ; l’Histoire des femmes en Occident, II : Le Moyen Âge (1991) ; la Storia delle donne in Italia. Storia del matrimonio (1996). Son dernier livre tente une confrontation entre images, textes, société et justice (Le Voleur de paradis. Le Bon larron dans l’art et la société, Alma éd., 2015). Klapisch[@]ehess.fr

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