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Clio a lu « Genre et religion »

Laura S. Schor, The Best School in Jerusalem. Annie Landau’s School for Girls (1900-1960)

Waltham [Mass.], Brandeis University Press, coll. « HBI Series on Jewish Women », 2013
Vincent Vilmain
p. 315-317
Référence(s) :

Laura S. Schor, The Best School in Jerusalem. Annie Landau’s School for Girls (1900-1960), Waltham [Mass.], Brandeis University Press, coll. « HBI Series on Jewish Women », 2013, 299 p.

Texte intégral

1Ni tout à fait une biographie, ni non plus l’histoire d’une institution, l’ouvrage de Laura S. Schor constitue cependant une entrée passionnante dans une histoire à plusieurs facettes couvrant l’histoire urbaine de Jérusalem, celle des luttes politiques au sein du judaïsme dans le cadre palestinien, celle de l’éducation des filles mais aussi celle d’une forme bourgeoise de féminisme.

2Fondée en 1854, dans la foulée du développement d’une philanthropie juive attentive, depuis l’affaire de Damas (1840), au sort des juifs d’Orient, l’Evelina de Rothschild School for Girls (du nom de la fille de Lionel de Rothschild décédée précocement) fut d’abord accolée à l’hôpital fondé par la famille. Le projet initial, plus charitable qu’éducatif, était d’offrir aux élèves des repas dignes de ce nom. L’école quitta ensuite avec l’hôpital l’espace exigu de la vieille ville pour rejoindre la rue des prophètes au début des années 1890. Fortunée Behar, une ancienne institutrice de l’Alliance israélite universelle à Constantinople, en est la première directrice en 1889. Sous sa direction, l’Evelina de Rothschild School for Girls augmente son nombre d’élèves, ouvre un Kindergarten et déménage à nouveau en 1896 dans des locaux beaucoup plus grands à Frutiger House, lesquels permettent de diversifier l’enseignement offert aux jeunes filles. À la même date, l’Anglo-Jewish Association (aja) récupère la gestion de l’école jusqu’alors dévolue à la branche française de la famille de Rothschild. L’association entend alors aligner l’enseignement de l’école sur le modèle anglais. C’est une jeune institutrice, Annie Landau, arrivée en 1899, qui assure le changement auquel s’opposait Fortunée Behar.

3Née en 1873 du mariage de Marcus Landau, originaire de Moguilev dans l’Empire russe, et de Chaya Kohn, une jeune femme originaire de Bavière, Annie Landau est éduquée dans le respect de l’orthodoxie juive mais aussi au contact de la modernité européenne. C’est ce double attachement qu’elle s’efforce ensuite de transmettre. Après avoir étudié en Angleterre et à Francfort au sein d’institutions influencées par l’enseignement de Samson Raphaël Hirsch, Annie Landau est nommée institutrice à Jérusalem. Devenue directrice en 1900, elle œuvre à l’anglicisation de l’école, abandonne le français pour l’anglais, tout en introduisant l’hébreu comme langue vivante, celle-ci constituant un dénominateur commun aux différents migrants juifs en Palestine. Annie Landau met en place un cursus scolaire plus clair et plus évolutif. Elle opère un tri au sein de l’équipe éducative privilégiant des enseignants compétents et à temps plein afin d’augmenter leur investissement. Enfin, elle assainit la gestion financière de l’établissement. Si elle réussit à faire de son école le fleuron de l’aja – en 1924, l’Evelina de Rothschild School for Girls représente 75% du budget éducatif de l’association –, elle s’assure aussi de nouvelles sources de revenus auprès de donateurs privés et pousse les familles les plus riches à payer des frais d’inscription.

4Si la Première Guerre mondiale est désastreuse pour l’école qui doit fermer ses portes en 1917, la période mandataire en constitue l’apogée. Réfugiée en Egypte en 1915 où elle avait organisé une école pour les Juifs qui avaient fui la Palestine, Annie Landau revient à Jérusalem dans la foulée d’Allenby et s’attache à relancer immédiatement son établissement. Elle prend alors à bras le corps le problème de la prostitution devenue endémique chez les jeunes filles juives de la ville. Résistant aux pressions des ultra-orthodoxes qui réprouvent certaines matières profanes ainsi que la pratique sportive, comme à celles des sionistes qui s’emportent contre le statut de seconde langue accordée à l’hébreu, Annie Landau renforce l’inscription de son établissement dans les normes éducatives britanniques, suivant la réforme anglaise de 1922, et prépare ses élèves à plusieurs diplômes qui leur permettent de s’employer facilement dans l’administration britannique ou dans des entreprises anglo-saxonnes présentes en Palestine. Elle relance également son salon où elle démontre son attachement à l’Empire britannique, organisant notamment des réceptions à l’occasion des couronnements d’Edouard viii et de Georges vi, au grand dam des sionistes. Son opposition au nationalisme la conduit à interdire à ses élèves toute implication dans une association politique mais ne l’empêche pas d’avoir des amitiés sionistes. Comme le montre l’étude que Laura S. Schor fait du School Magazine lancé par Annie Landau en 1935, l’idéologie gagne auprès de ses élèves qui développent certains topoi sionistes comme le culte de l’oranger ou plus globalement celui de la terre qui revit au contact des colons sionistes.

5L’école subit les contrecoups des événements des années 1930 qui se déroulent en Palestine ou en Europe. Annie Landau œuvre à l’accueil de nouvelles élèves venues d’Hébron dont la communauté a été massacrée lors des émeutes de 1929, ou d’Allemagne après 1933, ouvrant des classes spéciales pour permettre aux réfugiées de rattraper leur retard en anglais comme en hébreu. La Seconde Guerre mondiale a finalement moins d’impact que la première sur l’Evelina de Rothschild School for Girls qui reste ouverte malgré des problèmes financiers liés aux taxes sur la fortune levées dans le Royaume-Uni en guerre. Annie Landau réussit néanmoins à maintenir son école ouverte. Elle décède en 1945 laissant à son assistante Ethel Levy la direction d’une école directement menacée par les événements palestiniens. Située dans un quartier particulièrement exposé, l’école est endommagée par l’explosion d’un véhicule piégé en 1946. Comme les déplacements des élèves sont compliqués par les nombreux barrages dressés par les autorités britanniques, Ethel Levy choisit de la déménager à Rehavia. Dans cette situation, la politique de neutralité politique de l’école s’infléchit largement. Ethel Levy autorise les plus âgées des élèves à participer aux entraînements à la défense passive organisés par l’Agence juive. Avec le départ des autorités britanniques, la directrice est contrainte de revoir la politique de l’école dont les élèves sont désormais préparées au Bagrout, l’examen de fin d’études secondaires israélien ; la nouvelle charte de l’école prévoit de renforcer la religion juive dans le cœur des jeunes filles, mais aussi de former des citoyennes israéliennes. En 1953, l’école intègre le système étatico-religieux. Souffrant d’une forte baisse de ses effectifs, elle fusionne avec le lycée Ephrata, alors qu’Ethel Levy se retire en 1960.

6Fondé sur des documents d’archives issus de fonds variés et sur des entretiens avec d’anciennes élèves, l’ouvrage de Laura S. Schor s’inscrit dans une nouvelle historiographie qui a su, ces quinze dernières années, à la suite notamment des ouvrages de Margalith Shilo, renouveler l’histoire juive en Palestine aussi bien sur le plan du genre que sur celui de la politique, en s’intéressant à ses marges.

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Pour citer cet article

Référence papier

Vincent Vilmain, « Laura S. Schor, The Best School in Jerusalem. Annie Landau’s School for Girls (1900-1960) »Clio, 44 | 2016, 315-317.

Référence électronique

Vincent Vilmain, « Laura S. Schor, The Best School in Jerusalem. Annie Landau’s School for Girls (1900-1960) »Clio [En ligne], 44 | 2016, mis en ligne le 01 décembre 2016, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/13358 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.13358

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Auteur

Vincent Vilmain

UMR 6258 CERHIO, Université du Maine

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