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Droit civil et genre en Europe au xixe siècle

Women’s Rights in Civil Law in Europe (nineteenth century)
Ute Gerhard
Traduction de Valentine Meunier
p. 250-273

Résumés

Le Code civil français, premier code libéral et bourgeois d’Europe, passe, en raison de sa clarté systématique et de sa langue, pour un modèle de législation moderne. En outre, il eut une influence durable parce qu’il est resté en vigueur dans de nombreux pays d’Europe après la fin des conquêtes napoléoniennes. Pourtant, en comparaison avec d’autres codifications européennes et avec le droit coutumier de son temps, le Code français se caractérise, dans le droit conjugal et familial, par des règles particulièrement rigides consolidant la domination masculine. L’article propose une analyse comparée de certains aspects du droit civil qui ont eu et ont encore un impact considérable sur la vie des femmes et sur l’histoire des mouvements féministes. Il se demande pourquoi les Françaises, qui se sont fait entendre plus tôt que d’autres dans leur lutte pour les droits des femmes qu’elles revendiquaient comme des droits humains, ont paradoxalement obtenu la reconnaissance de leur égale citoyenneté relativement tard (en 1944 seulement) par rapport aux autres pays européens.

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Notes de la rédaction

Ce texte est traduit de l’allemand.

Texte intégral

La revue remercie l’Institut historique allemand de Paris d’avoir financé la traduction de cet article issu d’une conférence prononcée dans le cadre d’un séminaire en partenariat avec le LabEx EHNE (Écrire une histoire nouvelle de l’Europe). La traduction a bénéficié également de la relecture d’Anne-Laure Briatte-Peters, germaniste et membre du LabEx, et de celle de Françoise Thébaud.

1Les femmes, les féministes, mais aussi les mouvements féministes entretiennent une relation ambivalente avec le droit. Cette défiance n’étonne guère, tant l’histoire des femmes montre que leurs rapports avec la justice ont d’abord et essentiellement été des rapports d’injustice. Dans son essai sur la « Culture féminine » (1902), Georg Simmel se montre compréhensif sur l’« hostilité des femmes à l’égard du droit », quand il écrit :

  • 1 Simmel 1985 : 94.

La fréquente opposition de celles-ci aux normes et sentences juridiques ne signifie pas toujours, loin s’en faut, une hostilité à l’égard du droit en général, mais bien à l’égard du droit masculin, le seul en notre possession, qui nous paraît donc être le droit tout court1.

2D’un autre côté, si les mouvements féministes modernes ont investi l’espace public, c’est d’abord et avant tout en tant que mouvements de défense des droits et pour revendiquer l’égalité des droits. Pour preuve, l’irruption des femmes dans la Révolution française, avec le contre-projet d’Olympe de Gouges (1791) à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou, l’année suivante, la Vindication of the Rights of Woman de Mary Wollstonecraft. C’est vrai également des militantes de la révolution de 1848 qui participent au « réveil de la liberté » dans toute l’Europe, réclament des libertés politiques et le droit de participer à la démocratie, combattent dès cette époque l’incapacité de la femme mariée et de la mère ainsi que les contraintes liées aux mariages de convenance. À l’échelle internationale, cette observation s’applique aussi aux mouvements féministes européens et américains, qui, structurés en associations, luttent à la fin du xixe siècle en organisant des manifestations géantes et en inventant de nouvelles formes de désobéissance civile pour obtenir le droit de vote et améliorer leurs droits civils, en particulier leurs droits familiaux.

  • 2 Ce qui vaut aussi par exemple pour Fraisse & Perrot 1991 qui ne contient qu’une seule contributio (...)

3L’ambivalence ou la « dialectique du droit », instrument de domination, appareil de contrainte, mais aussi moteur et levier indispensable pour affranchir de la dépendance et de l’oppression, rend les rapports juridiques aussi intéressants que cruciaux. Force est de remarquer toutefois que les questions juridiques sont en règle générale négligées dans l’histoire des femmes et du genre2 ou qu’elles semblent être un thème marginal réservé à des spécialistes – ce qui est vrai également de l’histoire du droit en général et de sa place dans l’histoire des sociétés.

  • 3 Cf. Rosanvallon 1992 : 145 ; Offen 1998 : 47-70 ; Reynolds 1998 : 71-84 ; Bard 2008 : 110 sq.

4Les pages suivantes voudraient faire ressortir l’importance du droit, du régime juridique et des discours juridiques pour la condition féminine en général et l’histoire des mouvements féministes en particulier. En gardant toutefois à l’esprit que le droit, et tout spécialement les textes législatifs, ne reflètent pas la réalité juridique. Outre l’application concrète des lois, ce sont plutôt de nombreux autres facteurs – représentations ou discours politiques, culturels et sociaux – qui déterminent la vie des femmes et les rapports de genre. Pourtant il reste encore à expliquer pourquoi les Françaises, qui furent les premières à réclamer des droits humains pour les femmes, n’ont obtenu d’égalité juridique avec les hommes, en droit public (droit de vote) comme privé (droit de la famille), qu’après la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire plus tardivement que dans beaucoup d’autres pays. Comparé à d’autres systèmes juridiques européens, le Code civil de 1804 (Cc), premier code libéral et bourgeois d’Europe qui allait servir de modèle à la législation moderne, se distingue en effet par ses dispositions particulièrement rigides et misogynes en droit de la famille. L’approche comparée ci-dessous permet d’examiner dans quelle mesure cette dureté législative et les injustices continuelles à l’encontre des femmes dans le droit français ont durablement entravé la capacité d’exercice des femmes ainsi que le mouvement féministe, et en quoi elles expliquent le retard français3 en matière de droits des femmes.

Remarques préliminaires

  • 4 Fehrenbach 1973 : 9 ; cf. aussi Général de Montholon, Récit de captivité de l’Empereur Napoléon à (...)

5La difficulté d’une comparaison juridique européenne réside dans la diversité et la profusion des sources du droit avant leur standardisation par les codes nationaux. À cet égard, le Code civil est un modèle et un « instrument de propagande », comme l’écrit Napoléon en 1808 : « [Il] a plus fait pour étendre et consolider mon régime en Europe que les plus grandes victoires de mes armes »4. Rappelons qu’après le Congrès de Vienne en 1815, la carte du droit en Europe offre l’image d’une mosaïque hétéroclite dans laquelle les coutumes, transmises sous forme de droit commun (ius commune), ont été supplantées au fil des siècles par des statuts locaux, les lois des différents États (principautés) ou remplacées – souvent progressivement – par les codifications susmentionnées. Ainsi, sur le seul territoire de l’ancien Saint Empire romain germanique, 39 principautés ou villes libres, en sus des grandes puissances autrichienne et prussienne, briguent la souveraineté juridique au sein de la Confédération germanique après le Congrès de Vienne. Dans l’Empire austro-hongrois également, l’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (ABGB – Code civil général de l’Empire d’Autriche) de 1811 n’entre en vigueur que dans les États centraux de l’Empire, raison pour laquelle d’autres lois s’appliquent dans les nouveaux territoires acquis après 1815, tels que le Tyrol et la Lombardie-Vénétie, et a fortiori dans ceux obtenus après les partages de la Pologne. Le Code civil est l’exemple paradigmatique de l’importance transnationale d’une source du droit, dont la géographie reflète les conquêtes napoléoniennes pendant une grande partie du xixe siècle, restant en vigueur dans ces territoires après la fin de la domination française – souvent sous une forme à peine modifiée. Ce particularisme, typique du xixe siècle, pose aux contemporains un problème d’insécurité juridique et de manque de connaissances du droit local ou régional. Mais pas seulement aux contemporains, tant il est difficile aujourd’hui de se faire une idée d’ensemble.

6La présentation qui suit, synthétique, distingue quatre familles juridiques : le droit français, germano-autrichien, anglais et scandinave, soit les principaux systèmes juridiques. Ce faisant, elle renonce à évoquer le droit coutumier encore en vigueur dans de nombreuses régions d’Europe centrale jusqu’au xixe siècle, sous la forme de droit commun, ainsi que le droit canon qui détermina particulièrement le droit matrimonial. Elle se limite également aux questions juridiques essentielles pour les femmes : les rapports conjugaux, les relations des époux avec leurs enfants (puissance parentale), le divorce, le statut de la mère non mariée et de ses enfants. In fine, elle esquisse les combats juridiques des mouvements féministes à la fin du xixe siècle et avance certaines thèses en guise de conclusion.

La femme comme sujet de droit

  • 5 Cf. Steinbrügge 1987 : 19.
  • 6 Pizan 1986 [1405] ; cf. Gössmann 1988.
  • 7 Dilcher 1997 : 55-72.
  • 8 Wunder 1992 et 1997.

7La question de savoir si les « femmes sont des êtres humains », conclusion éclairée de Poullain de la Barre dans son célèbre essai De l’égalité des deux sexes rédigé en 16735, constitue une querelle de savants depuis le xve siècle, dite querelle des femmes6. Le fait est indéniable à partir de la fin du xviiie siècle et des bouleversements déclenchés par la Révolution française. Dans la société d’ordres, le statut juridique, des hommes comme des femmes, s’inscrivait dans un « système juridique inégalitaire »7 davantage déterminé par le rang social, les privilèges – ceux des femmes de la noblesse par exemple avec leurs droits seigneuriaux et successoraux spécifiques – que par le genre8. Mais il existait simultanément des règles d’exclusion s’appliquant à toutes les femmes, célibataires comme mariées, qui ont fait de leur sujétion et de leur privation de droits une coutume naturelle pendant de nombreux siècles. C’est ainsi que, conformément à la tradition juridique romaine compilée dans le corpus iuris civilis, la plupart des régions d’Europe du Sud, mais aussi le droit écrit français de l’Ancien Régime, limitaient la capacité juridique et la capacité d’exercice des femmes par l’institution du Senatus consultum velleianum (Sénatus-Consulte Velléien). Ce dernier énonçait que les femmes ne pouvaient pas s’obliger pour autrui dans les relations commerciales ou devant un tribunal. Le cas typique était qu’elles n’étaient pas autorisées à se porter caution ou à faire un prêt. De même, leurs déclarations en tant que témoin lors d’un procès n’étaient pas valables. La règle était considérée comme un « bienfait », parce qu’une femme pouvait refuser a posteriori d’assumer l’obligation sous forme d’objection.

  • 9 Cf. Holthöfer 1997 ; Sabean 1997.
  • 10 Dilcher 1997 : 67 ; Schötz 2004 ; sur la France, Viollet 1966 [1905] : 320.

8Là où régnait le droit germanique, c’est-à-dire de l’Europe centrale à la Scandinavie, existait l’institution juridique de la tutelle sur les femmes (munt ou cura sexus)9, qui imposait à toutes les femmes adultes, mariées ou non, de se faire représenter par un conseil juridique masculin pour tout acte juridique, en particulier devant un tribunal. Règle qui impliquait que sans conseil ou « avocat », la femme était frappée d’incapacité de contracter comme d’ester en justice, la tutelle et la privation de droits prenant ici aussi diverses formes. En général, les femmes exerçant un commerce ou un métier10, veuves comprises, étaient exemptées de cette règle.

  • 11 Kraut 1847 : vol. 2, 320 ; cf. aussi Gerhard 1990 : 150-154.
  • 12 Wieacker 1974.
  • 13 Gerhard 1978 : 187.
  • 14 Grimm 1987 : 33.

9Les justifications de ces deux institutions juridiques étaient loin d’être bienveillantes et évoluèrent au fil des siècles. Le droit coutumier limita d’abord la capacité d’exercice des femmes au motif de l’absence de facultés intellectuelles, de leur frivolité et de leur manque de fiabilité (imbecillitas, fragilitas et infirmitas sexus). À partir du xviiie siècle, cette tutelle fut légitimée par la volonté de protéger les femmes de la duperie et de garantir leurs droits, eu égard à leur « inexpérience » et à leur manque de discernement dans les affaires complexes des transactions juridiques11. Avec la Révolution française et la Déclaration des droits de l’homme, ces arguments sont progressivement remis en cause. Tous les codes juridiques postérieurs posent ainsi « le principe » de l’égalité des droits de la femme non mariée, même s’il n’est pas explicitement énoncé. Cette mise sur un pied d’égalité de la femme non mariée découle en réalité uniquement de la contradiction entre, d’une part, le postulat de « l’égalité des sexes » (Code prussien de 1794, I, § 24) ou de l’assurance que « Tout Français jouira des droits civils » (art. 8, Cc) [ou encore du discours « Tout homme (a des droits innés)... » (§ 16, ABGB autrichien)] que l’on trouve dans les parties « générales » ou introductives des codes, et, de l’autre, le traitement particulier réservé aux femmes en droit de la famille, qui discrimine les femmes mariées et les aliène au pouvoir de décision ou à l’autorité de leur époux (cura maritalis, Ehevogtei en droit germanique). Le droit privé, en l’occurrence le droit familial, est ainsi la source principale et décisive du droit permettant de saisir l’ordre de genre dans la société moderne et bourgeoise, guidée par des principes libéraux. Bien que le système de droit privé, qui structure la société industrielle en garantissant la liberté et la propriété12, ait pris sa source dans la fiction de l’égalité entre toutes les parties concernées, le droit familial créa un droit d’exception pour les femmes mariées13, une « enclave de droit inégalitaire » qui allait régir la vie de ces dernières jusqu’au milieu du xxe siècle14.

Les droits de la femme dans cinq systèmes juridiques différents

Le Code civil français de 1804

  • 15 Holthöfer 1982 : 884.
  • 16 Wieacker 1967 : 346 et 501.

10Le Code civil de Napoléon est unanimement considéré comme « un chef-d’œuvre de l’art législatif libéral » et comme un « document d’ampleur nationale ».15 En abolissant radicalement les privilèges d’ordre et en supprimant les compétences ecclésiastiques en droit civil, ce premier Code civil, avec ses principes fondamentaux libéraux garantissant la liberté et la propriété, offre le cadre juridique approprié à l’avènement d’une société de marché et de propriétaires. Il entame une marche triomphale dans les pays conquis par Napoléon et appose son empreinte sur les systèmes juridiques de nombreux pays européens, latins en particulier, mais aussi dans la plupart des régions des anciennes colonies françaises d’Amérique du Nord, d’Afrique et du Proche-Orient, soit parce qu’il y est conservé, soit parce qu’il sert de modèle et de référence pour les codes suivants16.

  • 17 Garaud 1978 : 47-48 ; cf. particulièrement Huussen Jr. 1979.
  • 18 Sagnac 1979 [1898] : 301 ; Holthöfer 1982.

11Ce succès du Code civil comporte un revers : le statut indigne des femmes dans le droit conjugal et matrimonial qui peut être interprété comme une réaction patriarcale aux amples droits de liberté et d’égalité acquis pendant la Révolution ainsi qu’aux revendications d’égalité des femmes. En effet, le droit intermédiaire, c’est-à-dire les réformes juridiques en vigueur durant la brève période entre 1789 et 1804 (1795 en réalité), avait codifié certaines libertés et égalités, y compris des femmes et des jeunes filles, qui renversaient l’ordre de genre et le système social en place. Parmi ces dernières, il faut citer l’introduction du mariage civil et donc la destitution de l’Église et de sa juridiction en matière d’affaires conjugales et familiales, ainsi que plusieurs dispositions égalitaires pour les femmes, comme la majorité matrimoniale et donc l’émancipation de la puissance paternelle à 21 ans et l’égalité de traitement en cas d’adultère17. L’introduction de la liberté de divorce dans le décret du septembre 1792 fut célébrée comme un acte de libération, car elle autorisait entre autres le divorce par consentement mutuel. Le décret du 4 juin 1793 qui introduisit l’égalité en matière de succession, non seulement entre fils et filles, mais aussi entre enfants légitimes et enfants « naturels », c’est-à-dire nés hors des liens du mariage, fut tout aussi révolutionnaire. Toutefois un second décret, en date du 2 novembre 1793, restreignit à nouveau l’égalité des enfants « naturels », en limitant l’égalité des droits aux enfants librement reconnus par leur père. Ainsi, « l’égalité absolue dans les relations conjugales a fui comme un rêve »18. Un constat valable dès l’automne 1793, après l’interdiction des clubs féminins et lorsque, au même moment, Olympe de Gouges, Madame Roland, la reine Marie-Antoinette et d’innombrables autres femmes furent victimes de la Terreur révolutionnaire.

12Dès qu’on loue le caractère systématique de la codification française, la clarté de l’énoncé et l’élégance de ses formulations, on cite à preuve le romancier Stendhal qui, dit-on, lisait chaque matin le Code civil avant de se mettre au travail, « pour prendre le ton »19. Il s’inspirait précisément du paragraphe qui expose l’absence complète de droits de la femme mariée, l’article 21320. En vigueur jusqu’en 1938, cet article énonce : « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari ». Il en résulte que la femme est à tous égards placée sous la puissance maritale ; elle n’est pas une personne juridique indépendante. Elle doit obtenir l’autorisation de son mari pour chaque acte juridique et en toute affaire, que ce soit pour diriger son ménage ou pour exercer une activité commerciale indépendante. Elle ne peut ester en justice ni contracter (art. 214-226). Elle peut posséder des biens, mais pas en acquérir, ni en disposer, ni encore bénéficier des revenus de sa propre activité. Même lorsque les époux vivent sous le régime des biens séparés, l’épouse ne peut disposer des biens fonciers qui lui appartenaient sans le consentement de son mari (art. 217). La puissance maritale s’étend en effet tout autant à la personne qu’aux biens de la femme et il est impossible de modifier cette situation par contrat (art. 1388). Seules les marchandes publiques peuvent contracter des obligations sans autorisation maritale (art. 220). Quant à la puissance paternelle, exclusive et illimitée, elle est particulièrement impitoyable (art. 371 sq.) : « Désobéir c’est un sacrilège »21. Un père dispose de moyens de correction et peut faire emprisonner un enfant (art. 375/377). Les conditions du divorce, autorisé jusqu’en 1816 puis interdit jusqu’en 1884, sont également inégalitaires. L’adultère marital ne peut constituer un motif de divorce qu’à la seule condition qu’il soit commis au domicile conjugal (art. 229-233). En revanche, le mari trompé peut obtenir le divorce pour tout adultère et même tuer impunément sa femme infidèle s’il la surprend en flagrant délit (art. 324 du Code pénal en réf. à l’art. 336)22. Jean-Étienne Portalis, le père du droit de la famille du Code civil, justifia longuement la logique de cette sujétion de la femme dans un système républicain, en s’appuyant sur Rousseau. Portalis affirma notamment :

  • 23 D’après Conrad 1957 : 269.

Ce n’est pas… notre injustice, mais le tempérament naturel qui assujettit les femmes à des obligations plus strictes pour leur bienfait et le salut de la société… La puissance maritale, la puissance paternelle sont des institutions républicaines. Dans les républiques (contrairement aux monarchies), on consolide la puissance domestique pour atténuer la puissance politique et civile en toute sécurité23.

  • 24 Weber 1971 [1907] : 318-320.
  • 25 Viollet 1966 [1905] : 511.
  • 26 Lefaucheur 2013 : 88.
  • 27 Lefaucheur 2013 : 90-104.

13L’absence de droits des mères non mariées et de leurs enfants dans le droit civil français est sans égale dans l’ensemble des systèmes juridiques de l’époque24. Le fondement de cette injustice réside dans l’interdiction faite à la femme non mariée et à son enfant d’avoir recours à une indemnité ou à une pension alimentaire et de poursuivre en justice le père de l’enfant naturel pour les obtenir. Inconnue du droit écrit comme du droit coutumier de l’Ancien Régime, la règle selon laquelle « La recherche de la paternité est interdite » (art. 340) fut inventée par les législateurs révolutionnaires (décret du 2 novembre 1793). Après l’introduction de la liberté de divorce pendant la Révolution qui accordait les mêmes droits de succession aux enfants légitimes et naturels (1792), “on” s’inquiéta après coup de ces innovations. « Elles exposaient les plus honnêtes familles, non plus seulement à des chantages scandaleux, mais à des spoliations monstrueuses »25. On sacrifia donc « l’honneur des femmes » sur l’autel de la « liberté des pères »26. Cette règle est reprise sur ordre exprès de Napoléon dans l’art. 338 du Code civil et implique que l’enfant illégitime n’a aucun recours juridique contre son père, sauf si ce dernier a reconnu expressément l’enfant conçu hors mariage, mais non adultérin, et pourvoit à son entretien (reconnaissance ou possession d’état). La mère ne possède aucun droit et ne bénéficie d’aucune aide publique. Pour empêcher toutefois les avortements et les infanticides, on institue le système de l’accouchement secret (ou sous X), crée des hospices accueillant les enfants abandonnés et des tours d’abandon. Ces mesures sont judiciairement homologuées jusqu’au milieu du siècle et tolérées pour des raisons de politique démographique – après 1870 également pour des considérations patriotiques. Il faudra de longues luttes du mouvement féministe pour que l’art. 338 soit amendé – mais pas abrogé – en 1912. L’interdiction de recherche de paternité n’allait être levée qu’en 1972 et les enfants naturels n’obtiennent une égalité juridique intégrale qu’en 2003 et 200527.

Le Code prussien de 1794 (ALR)

  • 28 Cf. Coing 1980 ; pour ce qui suit, Gerhard 1988 et 2000.

14Il n’est pas facile de comparer la situation juridique des femmes en Allemagne et en France, puisqu’il n’existe pas d’Allemagne unifiée avant 1871 et pas de Code civil uniformisé avant 1900. Le particularisme juridique, ce morcellement déconcertant du droit, typique du xixe siècle, s’explique par la séparation des pouvoirs au sein de la Confédération germanique et le laborieux processus d’unification du droit après la fondation de l’Empire en 1871, achevé seulement en 1900 avec l’entrée en vigueur du Code civil (Bürgerliches Gesetzbuch – BGB). La majorité de la population de l’Empire allemand n’est pas régie par le Code prussien de 179428, mais celui-ci constitue la référence des discours des juristes. Il représente un perfectionnement du droit allemand et sert de base à la codification du BGB, raison pour laquelle il est présenté ici.

  • 29 Wieacker 1967 : 322 sq. Cf. Koselleck 1975 : 23-24.
  • 30 Schlosser 1970 [1789] : 279.

15Après de longs préliminaires, le Code prussien (Preußisches Allgemeines Landrecht, ALR) voit le jour pendant une période de transition. Mélange d’absolutisme éclairé, de dirigisme des autorités et de bienveillance paternaliste, il prend une position intermédiaire entre le droit civil et celui de la société d’ordres. Abondant en détail et hautement complexe (il contient le droit public général, le droit civil et des dispositions pénales formulées en plus de 19 000 paragraphes), il est d’abord boycotté et massivement décrié par les juristes29. Il est par ailleurs étonnamment favorable aux femmes et à leurs droits. C’est pourquoi les commentateurs ne mirent pas longtemps à craindre que ce code ne fît bientôt « de la Prusse un véritable paradis des femmes »30.

  • 31 Cf. Hattenhauer 1970 ; Conrad 1957 : 233-270 ; Gerhard 1978 : 174 sq.

16Néanmoins, en dépit de l’égalité des sexes explicitement énoncée (§ 24 I.1), l’homme est ici aussi « le chef de la communauté conjugale ». Il décide du domicile, du nom et de la condition du couple, gère et est le seul usufruitier du patrimoine commun (§§ 184sq. II.1). Cependant, la femme peut partiellement contracter, elle possède le mandat domestique ou « pouvoir des clés » (Schlüsselgewalt) et elle est une personne juridique indépendante en cas d’empêchement de son mari. Elle peut en outre disposer de ses propres biens, lorsqu’ils lui sont « réservés » par contrat (§§ 205, 208 II.1)31.

  • 32 Harms-Ziegler 1997 : 331 ; voir aussi Harms-Ziegler 1991.

17À l’instar du Code civil, l’ALR définit le mariage comme un contrat civil et rejette à la fois la conception du droit canon considérant le mariage comme un sacrement et la juridiction ecclésiastique. Cela explique que le droit du divorce y est particulièrement libéral, autorisant, outre les motifs usuels (adultère, abandon prémédité, manquement aux devoirs conjugaux, etc.), le divorce pour « incompatibilité d’humeur » de l’un des conjoints (§§ 668 sq. II.1). Mais ce sont surtout les larges droits accordés aux mères non mariées et à leurs enfants, vis-à-vis des pères, mais aussi des parents du géniteur, c’est-à-dire des grands-parents, qui font de l’ALR un code bienveillant et favorable aux femmes. Il accorde ainsi une pension alimentaire et des frais de couches, mais aussi une indemnité égale à celle d’une femme divorcée ayant obtenu gain de cause, lorsque le mariage a été promis à la femme (§§ 1028-9, 1049 II.1 et 592 sq. II.2). « La lutte contre la discrimination des mères célibataires (faisait ainsi en Prusse)… partie d’un contre-projet à l’univers de l’Ancien Régime »32.

  • 33 Cf. Gerhard 1978 : 147sq. ; Blasius 1987.
  • 34 D’après Conrad 1962 : 322.

18Dès le début, ces réglementations suscitent le scandale et sont jugées « laxistes » et « frivoles » par les conservateurs comme par le clergé de Prusse et d’ailleurs, au motif que les relations illégitimes mettent en péril l’ordre fondamental de la société bourgeoise : la famille. Vers le milieu du xixe siècle, d’éminents juristes, tels que C.F. von Savigny, ministre de la Justice de Prusse, parviennent à s’allier avec une coalition de conservateurs et d’ecclésiastiques pour imposer une réforme du divorce qui complique considérablement la procédure et autorise même la pénalisation d’office du conjoint fautif33. De plus, après l’échec de la révolution de 1848, les membres de la Chambre haute de Prusse, se référant explicitement aux directives du Code civil, adoptent une loi qui rogne considérablement les droits de la mère non mariée. Cette loi autorise en particulier l’exception plurium concubentium – cas où on affirme que la mère a eu des rapports avec d’autres hommes – et supprime la responsabilité des grands-parents. Conjointement, les droits de propriété de la femme mariée sont abrogés et remplacés dans la doctrine juridique dominante par des présomptions qui la désavantagent. Autant de détériorations reprises dans le BGB de 1900, malgré des protestations massives et récurrentes du mouvement féministe alors en plein essor. Les considérants du BGB soulignent ainsi que les droits d’une fiancée à qui l’on a promis le mariage ne sont plus compatibles avec la « dignité du mariage »34. Avec un simple décalage chronologique sur le Code civil, l’embourgeoisement de la société allemande au cours du xixe siècle s’accompagne de l’instauration, favorisée par les juristes, d’un nouveau patriarcat bourgeois, qui, en défendant l’institution du mariage, s’empêtre dans des contradictions croissantes en ce qui concerne l’égalité des femmes.

Le Code civil général de l’empire d’Autriche de 1811 (ABGB)

  • 35 Flossmann 1997 : 295.

19L’ABGB, rédigé sous les règnes de l’Impératrice Marie-Thérèse et de ses successeurs Joseph II et Léopold II, est lui aussi un produit de l’absolutisme éclairé qui cherche à unifier la diversité des sources juridiques dans les pays habsbourgeois – un État multiethnique qui s’étend de la Hongrie à la Galicie et à l’Italie du Nord (Lombardie et Vénétie). Il aspire également à transcender « les “mauvaises” traditions charriées par la société d’ordres féodale » grâce à l’idée de l’égalité des droits de l’homme35.

  • 36 Flossmann 2006 : 93 sq.
  • 37 Flossmann 2006 : 99.

20Le Code civil autrichien offre aux femmes une autonomie certaine (§§ 91 sq.), au regard des autres grandes codifications civiles. Dans ce code en effet, la femme mariée peut, tout comme la femme célibataire, ester en justice et contracter. Il existe toutefois des exceptions qui se muent souvent en règle au fil du xixe siècle. Dans le droit autrichien, l’homme est également le « chef de la famille », mais ne possède pas de « puissance » maritale sur la femme. Il lui revient en outre de « diriger le ménage ». Cela signifie que la femme mariée doit accepter la concurrence du droit de représentation de son époux dans l’exercice de ses affaires ou dans la libre disposition de ses biens. Mais ici comme ailleurs, la sujétion juridique de l’épouse, au nom de la différence « naturelle » des sexes, devient graduellement « l’opinion dominante » dans les commentaires des juristes36. En dépit de la séparation des biens, entérinée par la loi, et donc des droits de propriété accordés aux femmes (§§ 1237-8), la présomption s’impose progressivement et « naturellement » que la femme mariée, en vertu d’un accord tacite, transfère l’administration de ses biens à son époux. C’est ainsi que s’instaure un « patriarcat éducatif bienveillant »37.

  • 38 Il existait des dispositions spécifiques pour les juifs (§§ 126 sq.). Un mariage civil d’urgence (...)

21À la différence de ses homologues français et allemand, l’ABGB laisse le ressort du mariage au prêtre catholique ou au pasteur protestant38. Le divorce reste interdit aux catholiques (§ 111), alors qu’il est possible pour les « chrétiens non catholiques et les juifs » (§§ 115, 123). Ces dispositions permettent ainsi à l’Église de continuer à régir le droit matrimonial, c’est-à-dire à ériger des obstacles à l’union conjugale, à édicter des exceptions sur l’interdiction de divorce et à autoriser la séparation de lit et de table. Cette pérennisation du droit canon catholique, qui considère les « mariages clandestins » comme des quasi-mariages, n’empêche toutefois pas le code autrichien d’être remarquablement bienveillant envers les enfants illégitimes et leurs mères (§§ 161-171). Il prévoit ainsi un entretien et une éducation convenables de la mère et l’enfant, ce dernier étant toutefois exclu de la succession et de la parenté paternelle.

La Common law anglaise

  • 39 Blackstone 1745 : 442 cité dans Vogel 1990 : 219.
  • 40 Probert 2013.

22Le statut des femmes au xixe siècle dans la Common law contraste fortement avec les institutions juridiques précédentes de l’Angleterre, avec sa Constitution parlementaire, avec le principe de la séparation des pouvoirs et la garantie constitutionnelle de la propriété. Dans le droit médiéval anglais, la femme non mariée était un sujet de droit indépendant ; en se mariant, elle perdait sa capacité d’exercice. Jusqu’au xixe siècle, le mariage était donc synonyme pour elle de « mort civique », conformément à la sentence, si souvent citée, de William Blackstone dans ses Commentaries on the Laws of England (1765-1769) : « By marriage, the husband and wife are one person, and the husband is that person » [Par le mariage, mari et femme ne sont plus qu’une seule et même personne, et cette personne est le mari]39. L’époux anglais possédait donc un droit sur la personne de sa femme, ses acquisitions et sa propriété, qui s’appelait « coverture » et impliquait que la femme perdait sa personnalité juridique. De même, la puissance parentale revenait au seul père. Le mariage restait placé sous l’autorité de l’Église d’Angleterre (hormis pour les juifs et les quakers), le divorce autorisé uniquement sur requête individuelle et acte du Parlement d’Angleterre40.

  • 41 Probert 2013 : 173.

23Au demeurant, il n’existait pas de codification uniformisée et donc de droit familial en Angleterre ou dans ses colonies renégates qui avaient déclaré leur indépendance en 1776, c’est-à-dire aux États-Unis. Au Moyen Âge tardif, le droit s’était constitué à partir de compilations d’affaires juridiques et de décisions judiciaires, interprétées par la jurisprudence des tribunaux royaux et développées d’affaire en affaire (case law). Au début du xixe siècle, les tribunaux commencent à élaborer des principes d’équité (equity courts), qui adoucissent certaines dispositions, par exemple en matière de droits sur les biens. Des lois spécifiques telles que les Dower Acts (dowry = dot) ou la Divorce Matrimonial Causes Act de 1857 accordent également des droits de propriété aux femmes ou autorisent le divorce pour des motifs déterminés41. En comparaison des codifications européennes, l’absence marquante de droits pour les femmes mariées dans un siècle marqué par l‘industrialisation et le développement du commerce, nécessite de plus en plus de justifications, plus encore aux États-Unis, qui s’étaient séparés de l’Angleterre au nom de la liberté.

  • 42 Mill 1869. Cet ouvrage, qu’il a reconnu avoir écrit avec Harriet Taylor, devient rapidement un be (...)
  • 43 Cornish 1982, III/2 : 2217-2279.
  • 44 Pour les États-Unis, Basch 1982.

24L’essor du mouvement féministe anglais à partir de 1870 et l’apparition des premières initiatives sur le droit de vote, appuyées par le parlementaire John Stuart Mill42, débouchent sur l’adoption de diverses « Married Women’s Property Acts ». Dans un premier temps, ces lois garantissent uniquement le patrimoine familial de la femme mariée43, sans postuler son égalité juridique. Mais cette émancipation juridique en matière de patrimoine, au sens de la théorie de l’individualisme possessif, crée des conditions plus favorables pour les femmes, puisque la théorie libérale lie la liberté individuelle à la capacité de disposer de ses biens44. Alors que les femmes obtiennent le droit de vote en Angleterre dès 1919 (ou 1928), il faut attendre la fin des années 1960 et plusieurs étapes législatives pour que le droit de la famille accorde l’égalité juridique à la femme mariée.

L’espace juridique scandinave

  • 45 Tamm 1987 : 3-18.
  • 46 Tamm 1987 : 11.
  • 47 Dübeck1987 : 37 ; Holthöfer 1997 : 446.
  • 48 Regner/Hirschfeldt 1987 : 247/248.
  • 49 Sandvik 1987 : 392.
  • 50 Dübeck 1987 : 37.
  • 51 Cf. Wetterberg 2013.

25Le droit comparé et l’histoire du droit considèrent les pays nordiques comme un espace juridique spécifique45, qui se distingue par des interprétations pragmatiques et des réformes concrètes et pratiques. La coopération législative à l’œuvre depuis la fin du xixe siècle permet d’unifier d’abord le droit des affaires et celui des contrats. L’unification du droit de la famille se heurte à de plus grandes difficultés dues aux spécificités culturelles de l’ordre juridique46Dans les pays nordiques comme ailleurs, la tutelle des femmes, célibataires ou mariées, est abrogée au milieu du xixe siècle seulement – pour les femmes non mariées en 1857 au Danemark, 1863 en Norvège et en Suède, 1864 en Finlande47Les droits de propriété et l’égalité en matière de succession sont comparativement accordés aux femmes mariées relativement tôt, en Suède en 1845 par le biais des biens réservés assurés par le contrat de mariage et en 1874 en vertu de biens acquis par leurs activités professionnelles48, en Norvège en 188849 et au Danemark en 189950L’obtention précoce du droit de vote – entre 1906 (Finlande) et 1919 (Suède) – accélère sans doute l’égalité de principe des femmes dans le droit privé, c’est-à-dire matrimonial et familial (1920 en Suède, 1925 au Danemark, 1927 en Norvège, 1929 en Finlande). Il faudrait s’arrêter en détail sur le contexte politique de ces conquêtes juridiques, mais aussi sur les alliances et les structures politiques conjoncturelles pour expliquer cette évolution particulière51Un fait décisif ici est que les femmes furent indispensables à la fois dans la transition accélérée de la société agraire vers la société industrielle et dans le processus de formation nationale. Les féministes parvinrent avant tout à former des alliances avec le mouvement ouvrier ou les socialistes, et donc à sortir bien plus vite de l’ère du patriarcat bourgeois.

Bref aperçu sur les luttes juridiques des femmes et principales conclusions

  • 52 Versions française et allemande in Burmeister 1999 ; cf. Gerhard 1990 : 263-269.
  • 53 Wollstonecraft 1985 [1792].

26Cette comparaison met en lumière la diversité et la complexité des normes juridiques ainsi que leur importance pour le statut des femmes en Europe, notamment les décalages chronologiques et retards en matière de conquêtes juridiques. La Révolution française, pendant laquelle Olympe de Gouges (1791)52 et Mary Wollstonecraft (1792)53 inaugurent les discours contemporains sur l’égalité et/ou la différence, constitue en quelque sorte le point de départ des luttes pour l’égalité des droits de l’homme et de la femme aux yeux du féminisme moderne, voire de toutes les femmes d’Europe et du monde. Jusqu’au milieu du xixe siècle, ce sont toujours des Françaises qui savent traduire leurs expériences d’injustice en langage juridique et les lier à une critique radicale de la société, que ce soit dans la foulée de la révolution de juillet 1830 ou de celle de février 1848. Cette dernière embrase au demeurant toute l’Europe. Presque simultanément, les peuples de tous les États européens s’élèvent contre le despotisme féodal et la réaction et s’engagent en faveur de l’union nationale, de constitutions démocratiques et de la justice sociale. À Paris, comme à Berlin, Vienne, Milan, Venise, Lemberg ou Prague, les femmes participent partout à ce « réveil de la liberté ». Elles revendiquent une participation démocratique, l’égalité sociale, le droit de vote universel, fondent des associations de femmes et d’ouvrières et tissent des réseaux internationaux, qui s’étendent jusqu’aux États-Unis et aux rédactrices de la « Déclaration de sentiments » (Declaration of Sentiments) de la convention de Seneca Falls. En témoignent les nouveaux médias, une presse foisonnante enfin libérée de la censure, ainsi que les correspondances personnelles ou les lectures communes.

  • 54 Par exemple Offen 2000 ; Gerhard 2012.

27En Europe, ces mouvements féministes organisés commencent par essuyer plusieurs échecs : les pouvoirs réactionnaires excluent explicitement les femmes de l’activité politique et des droits civils dans leurs Constitutions « imposées » après 1850 (en interdisant durablement les associations politiques féminines et leur presse). Les événements de 1848 marquent toutefois le début d’une nouvelle ère, tant, malgré l’échec rapide de la révolution, la catégorie de « sexe » devient un objet politique et tant le langage politique, les horizons de pensée (Denkmöglichkeiten) et les attentes à l’égard d’un nouveau système politique se transforment. Tout ce que les pionnières du mouvement féministe ont dit, revendiqué, reconnu et combattu – le discours sur les droits de la femme et l’égalité de la femme en tant que citoyenne et sujet de droit – fait désormais le tour du monde, fait partie d’une histoire du féminisme, qui peut se déployer dans d’autres contextes, époques, sens et avec une autre efficacité. Les pages imparties ici excluant de poursuivre cette histoire du mouvement féministe54, synthétisons nos conclusions sous forme de thèses.

  • 55 Vogel 1997 : 284.
  • 56 Grimm 1987 : 33.

281. Au-delà de la diversité des sources du droit, des constitutions et des conditions politiques générales, le résultat d’une comparaison juridique des droits des femmes au xixe siècle donne à réfléchir. En effet, bien que l’égalité de principe entre les sexes soit posée dans toutes les codifications civiles, « l’autorité du mari » ou « la domination de l’homme dans le foyer » est devenue la norme directrice du droit de la famille. Au début de ce même siècle pourtant, la forme traditionnelle de l’ordre de genre paraissait fragile, codifiée sous des formes différentes et semblait ouvrir des marges de manœuvre. Pourtant, quel que soit le discours étudié, toutes les théories de la société d’émanation libérale, républicaine ou conservatrice définissent la famille comme le fondement de la communauté et la pierre angulaire de l’État, principes qui servent à légitimer le maintien des femmes à l’écart de la sphère politique et leur responsabilité en matière d’enfants et de famille. À partir du milieu du siècle, le droit contribue massivement, et ce, à l’échelle internationale, à donner une nouvelle légitimation à la prédominance de l’homme dans le couple. En faisant du mariage une institution, il enracine même un système fondé sur la hiérarchie des sexes et un nouveau « patriarcat bourgeois » dans le droit civil. Avec une grande sagacité juridique et une application résolue de la philosophie bourgeoise des genres, le Code civil ouvre une voie dans laquelle d’autres s’engouffrent. On peut par conséquent en conclure que « plus le droit privé s’embourgeoisa, se détacha de différenciations fondées sur la religion ou les ordres… plus le mariage (et la femme avec lui) se retrouva à l’écart des droits octroyés par les normes juridiques »55 et tomba dans « une enclave de droit inégalitaire »56 qui allait perdurer jusqu’au xxe siècle.

  • 57 Pour les détails, cf. Bard 2008 : 119 et 180-181.

292. La constitution des États, leur évolution historique et leurs politiques créèrent des « structures conjoncturelles politiques » différentes et non simultanées permettant l’éclosion de contestations politiques ou de mouvements sociaux, tout particulièrement pendant des périodes de troubles ou de révolutions. Ce modèle correspond à l’histoire constitutionnelle de nombreux pays : les Allemandes obtiennent le droit de vote après la défaite de 1918 et l’effondrement de l’Empire, ce que les féministes de l’époque qualifient de « faillite de la domination masculine » (Helene Stöcker). Les Allemandes de l’Est comme de l’Ouest n’obtiennent toutefois l’égalité en droit civil qu’après la Seconde Guerre mondiale. Il est bien connu que les Françaises obtiennent le droit de vote sur ordonnance de Charles de Gaulle en 194457.

Toutes les sociétés instituent leurs propres contraintes systémiques et leurs logiques politiques. Dans le système parlementaire anglais, précoce et jugé exemplaire, les épouses britanniques deviennent tardivement et progressivement des sujets de droit dotés de la capacité juridique et de droits de propriété. Faits qui peuvent sans doute s’expliquer en partie par le gradualisme de l’évolution juridique anglaise, qui ne s’appuie pas sur une Constitution ou des codifications écrites, mais a été forgée au cas par cas par la jurisprudence. Un autre paradoxe de l’histoire juridique des femmes n’en reste pas moins que ce parlementarisme anglais s’est montré particulièrement brutal et intransigeant vis-à-vis du mouvement électoral des suffragettes, célèbre dans le monde entier.

  • 58 Picq 2011 : 424.

303. Il reste à expliquer pourquoi le mouvement féministe français échoua régulièrement à se faire entendre, et ce, même après avoir prouvé sa loyauté envers la iiiRépublique et alors qu’il réclama précocement, et à maintes reprises, des droits pour les femmes. Je pense qu’on peut considérer le Code civil comme une forte réaction patriarcale au droit intermédiaire, donc aux droits de liberté et d’égalité acquis pendant la Révolution, ainsi qu’aux revendications radicales d’égalité de la part des femmes. Cette contre-offensive patriarcale a été plus dure et plus despotique en France que dans d’autres pays européens dans lesquels le droit à l’égard des femmes était teinté d’un paternalisme plutôt bienveillant, parce que dans ces pays les droits des femmes n’étaient pas encore à l’ordre du jour. Par ailleurs, avant de pouvoir envisager une action collective sociale ou politique, les femmes devaient d’abord se libérer du despotisme marital. Au vu des entraves juridiques civiles en France, ceci exigeait une radicalité individuelle, qui suscita en retour une réaction misogyne plus ou moins vive chez leurs adversaires politiques. Ce ne serait donc pas tant une « faiblesse » du mouvement féministe français qui expliquerait le « retard » français, mais – entre autres – la radicalité particulière des figures de proue du féminisme, un « style révolutionnaire » comme « héritage »58 politique du féminisme français. À l’opposé, le pragmatisme des mouvements féministes scandinaves, apparus bien plus tardivement sur la scène politique, permit manifestement d’atteindre plus vite l’égalité politique et civique (entre 1906 et 1929).

314. À partir de la fin du xixe siècle, les relations internationales et les organisations féministes du monde entier furent un pilier et un moteur important de la lutte pour les droits des femmes. Les minorités, que constituèrent les féministes dans leurs propres pays, y trouvèrent une tribune, un lieu d’échange et un soutien politique, qui leur permirent de comparer leurs positions juridiques. En raison de querelles intestines, les féministes françaises, qui furent pourtant les premières à organiser un Congrès international du droit des femmes à Paris en 1878, rejoignirent tardivement les organisations internationales telles que l’International Council of Women (ICW) créé en 1888 ou l’International Women’s Suffrage Alliance (IWSA) créée en 1904, et perdirent le rôle dirigeant au profit des Américaines. Depuis cette époque toutefois, le statut juridique de la femme devint une pierre d’achoppement du rapport de force international qui, à la fin des années 1930, obligea à mettre en œuvre des réformes progressives, y compris du Code civil français.

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Notes

1 Simmel 1985 : 94.

2 Ce qui vaut aussi par exemple pour Fraisse & Perrot 1991 qui ne contient qu’une seule contribution, peu satisfaisante, sur « Les contradictions du droit » (Nicole Arnaud-Duc).

3 Cf. Rosanvallon 1992 : 145 ; Offen 1998 : 47-70 ; Reynolds 1998 : 71-84 ; Bard 2008 : 110 sq.

4 Fehrenbach 1973 : 9 ; cf. aussi Général de Montholon, Récit de captivité de l’Empereur Napoléon à Sainte-Hélène, cité par Saada 2012 : 25.

5 Cf. Steinbrügge 1987 : 19.

6 Pizan 1986 [1405] ; cf. Gössmann 1988.

7 Dilcher 1997 : 55-72.

8 Wunder 1992 et 1997.

9 Cf. Holthöfer 1997 ; Sabean 1997.

10 Dilcher 1997 : 67 ; Schötz 2004 ; sur la France, Viollet 1966 [1905] : 320.

11 Kraut 1847 : vol. 2, 320 ; cf. aussi Gerhard 1990 : 150-154.

12 Wieacker 1974.

13 Gerhard 1978 : 187.

14 Grimm 1987 : 33.

15 Holthöfer 1982 : 884.

16 Wieacker 1967 : 346 et 501.

17 Garaud 1978 : 47-48 ; cf. particulièrement Huussen Jr. 1979.

18 Sagnac 1979 [1898] : 301 ; Holthöfer 1982.

19 Ferid 1971 : 128.

20 On trouvera le Code civil de 1804 sur le site Gallica de la BnF : http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k1061517/f1.image (NDT).

21 Cf. Sagnac 1979 : 363.

22 Code pénal de 1810 en ligne sur :
http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_3.htm (NDT).

23 D’après Conrad 1957 : 269.

24 Weber 1971 [1907] : 318-320.

25 Viollet 1966 [1905] : 511.

26 Lefaucheur 2013 : 88.

27 Lefaucheur 2013 : 90-104.

28 Cf. Coing 1980 ; pour ce qui suit, Gerhard 1988 et 2000.

29 Wieacker 1967 : 322 sq. Cf. Koselleck 1975 : 23-24.

30 Schlosser 1970 [1789] : 279.

31 Cf. Hattenhauer 1970 ; Conrad 1957 : 233-270 ; Gerhard 1978 : 174 sq.

32 Harms-Ziegler 1997 : 331 ; voir aussi Harms-Ziegler 1991.

33 Cf. Gerhard 1978 : 147sq. ; Blasius 1987.

34 D’après Conrad 1962 : 322.

35 Flossmann 1997 : 295.

36 Flossmann 2006 : 93 sq.

37 Flossmann 2006 : 99.

38 Il existait des dispositions spécifiques pour les juifs (§§ 126 sq.). Un mariage civil d’urgence fut introduit en 1855 pour les couples mixtes sans confession.

39 Blackstone 1745 : 442 cité dans Vogel 1990 : 219.

40 Probert 2013.

41 Probert 2013 : 173.

42 Mill 1869. Cet ouvrage, qu’il a reconnu avoir écrit avec Harriet Taylor, devient rapidement un best-seller au sein des mouvements féministes européens et américains.

43 Cornish 1982, III/2 : 2217-2279.

44 Pour les États-Unis, Basch 1982.

45 Tamm 1987 : 3-18.

46 Tamm 1987 : 11.

47 Dübeck1987 : 37 ; Holthöfer 1997 : 446.

48 Regner/Hirschfeldt 1987 : 247/248.

49 Sandvik 1987 : 392.

50 Dübeck 1987 : 37.

51 Cf. Wetterberg 2013.

52 Versions française et allemande in Burmeister 1999 ; cf. Gerhard 1990 : 263-269.

53 Wollstonecraft 1985 [1792].

54 Par exemple Offen 2000 ; Gerhard 2012.

55 Vogel 1997 : 284.

56 Grimm 1987 : 33.

57 Pour les détails, cf. Bard 2008 : 119 et 180-181.

58 Picq 2011 : 424.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ute Gerhard, « Droit civil et genre en Europe au xixe siècle »Clio, 43 | 2016, 250-273.

Référence électronique

Ute Gerhard, « Droit civil et genre en Europe au xixe siècle »Clio [En ligne], 43 | 2016, mis en ligne le 01 juin 2019, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/13020 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.13020

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Auteur

Ute Gerhard

Professeure émérite de sociologie à l’Université de Francfort-sur-le-Main. Elle codirige le Centre Cornelia Goethe d’études sur les femmes et les rapports de genre de l’Université. Ses recherches portent sur l’histoire et la théorie du féminisme, les politiques sociales et d’égalité, l’histoire juridique et la sociologie du droit. Parmi ses publications : « Mouvements féministes et citoyenneté en Allemagne », Cahiers du Genre, 2011/3, « Genre, politiques sociales et citoyenneté » ; Frauenbewegung und Feminismus. Eine Geschichte seit 1789, München 2009 ; Debating Women’s Equality. Toward a Feminist Theory of Law from a European Perspective, New Brunswick, NJ, 2001.
utegerhard@arcor.de

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