Christiane Klapisch-Zuber (dir.), Les femmes dans l’espace nord-méditerranéen
Christiane Klapisch-Zuber (dir.), Les femmes dans l’espace nord-méditerranéen, dans Études roussilllonnaises, revue d’histoire et d’archéologie méditerranéennes, t. XXV, 2013, 183 p.
Texte intégral
1La revue des Études roussillonnaises propose pour son tome XXV un recueil d’articles consacré aux femmes dans l’espace nord-méditerranéen. Il ne s’agit pas ici d’un ouvrage de synthèse, mais de dix-huit contributions qui abordent selon différents points de vue des aspects de la vie des femmes de l’aristocratie, des sociétés urbanisées et des élites citadines de Catalogne, du Languedoc et de Provence, avec quelques incursions vers l’Italie et la Grèce. Si quelques figures contemporaines sont présentes, le Moyen-Âge et l’époque moderne se taillent la part du lion.
2Les approches sont diverses : biographiques, sémantiques, économiques, sociales et anthropologiques, mais il existe bien un lien conducteur entre elles qui est l’interrogation sur la capacité des femmes à se voir reconnaître une part d’autonomie.
3La première partie du volume est consacrée au statut juridique des femmes et aux contraintes qu’il leur impose, mais aussi aux stratégies qu’elles déploient pour agir au cœur de la société comme le montre Emmanuelle Santinelli au travers des chartes languedociennes des IXe-XIIe siècles. Leurs legs les montrent soucieuses de construire une memoria familiale déjà centrée sur le couple et la famille étroite. Pour les derniers siècles du Moyen-Âge, Cécile Béghin met en avant l’activité économique des Montpelliéraines qui n’abandonnent pas la gestion de leurs biens mais s’en occupent avec compétence. Une thématique que reprend Marie-Claude Marandet pour le Toulousain, en soulignant davantage le poids de la tutelle maritale.
4Des femmes de pouvoir sont présentées dans la deuxième partie. Au travers de sources hagiographiques, Georges Sidéris évoque la vie de deux femmes de l’aristocratie byzantine, qui participent pleinement d’une culture du pouvoir et de l’autorité. Hélène Debax montre combien le vocabulaire féodal intègre les femmes du Languedoc et de la Catalogne aux XIe et XIIe siècles au sein des réseaux de pouvoir. Cette potestas féminine s’illustre par les sceaux des femmes de la noblesse provençale aux XIIe et XIIIe siècles, figurées à cheval avec l’épée et l’étendard, étudiées par Laure Verdon. Enjeu entre deux lignages, la courte vie d’Aliénor du Portugal, reine d’Aragon pour quelques mois de 1347-1348, est évoquée par Ana Maria Scabra Rodrigues ; elle offre une image plus traditionnelle de la femme soumise aux enjeux politiques, à l’inverse de Dona Leonor Lopez de Cordoba, présentée par Béatrice Leroy, une dame de la haute aristocratie castillane 1412-1420 qui joue un rôle essentiel dans la vie politique de son royaume.
5La troisième partie intitulée « Univers féminin » montre l’emprise des représentations sur la conduite attendue des femmes, comme ces esclaves nourrices de la couronne d’Aragon évoquées par Rebecca Winer, qui provoquent tout un débat entre hommes sur la bonne et la mauvaise maternité. Véronique Lamazou-Duplan traque les indices d’un univers féminin des femmes de notables toulousains de la fin du Moyen Âge à travers des inventaires après décès. Étudiant quelques parcours de veuves montpelliéraines, Kay Reyerson revient sur la relative liberté dont elles jouissent au sein de la classe marchande.
6Dans la partie intitulée « Se choisir », sont abordés les itinéraires de femmes qui, par leurs choix, se sont construites un destin inattendu, par exemple les trois filles du riche médecin juif Abram de Draguignan étudiées par Danièle Iancu-Agou, qui, par leurs conversions et leurs mariages se sont intégrées aux élites chrétiennes de la société provençale, ou encore les Vénitiennes, nobles ou issues du peuple qui au xvie siècle font le choix de la Réforme protestante évoquées par Federica Ambrosini. Tiziana Plebani décrit une autre révolte du XVIIIe siècle, celle des enfants vénitiens contre leurs parents, pour décider du choix de leurs conjoints.
7Une dernière partie s’intéresse aux substrats idéologiques des représentations des Méditerranéennes. Eleftheria Zeri montre comment au XIXe siècle se crée sous la plume d’intellectuels grecs le mythe d’un « droit hellénistique » égalitariste et libéral offrant aux femmes une réelle liberté en opposition à leur sort sous l’occupation ottomane. Corinne Doumenc traque les archétypes féminins et les clichés locaux sur la femme catalane au travers des monuments publics érigés à Perpignan au XIXe siècle. Odile Courtois s’intéresse à la place de la femme catalane dans l’œuvre de la romancière Montserrat Roig (1945-1991).
8De cette grande diversité d’approches ressortent quelques traits communs, comme la prégnance d’un droit romain qui tend à exclure les femmes de la sphère publique. Mais ce modèle patriarcal est constamment remis en cause par les initiatives féminines, stratégies frontales ou de contournement des règles, plus ou moins efficaces selon les périodes.
Pour citer cet article
Référence papier
Sophie Cassagnes-Brouquet, « Christiane Klapisch-Zuber (dir.), Les femmes dans l’espace nord-méditerranéen », Clio, 42 | 2015, 302-302.
Référence électronique
Sophie Cassagnes-Brouquet, « Christiane Klapisch-Zuber (dir.), Les femmes dans l’espace nord-méditerranéen », Clio [En ligne], 42 | 2015, mis en ligne le 06 janvier 2016, consulté le 03 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/12673 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.12673
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