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CLIO a lu

Virginie De LUCA, Catherine ROLLET, La pouponnière de Porchefontaine. L'expérience d'une institution sanitaire et sociale, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999, 210 p. P. DONATI, S. MOLLO, A. NORVEZ, C. ROLLET, Les centres maternels, réalités et enjeux éducatifs, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999, 314 p.

Agnès Fine
p. 250-252

Texte intégral

1Ces deux livres, parus en même temps et dans la même collection, sont le résultat d'une recherche collective sur les centres maternels, menée par une équipe de sociologues et d'historiens, dirigée par C. Rollet dont on connaît les solides travaux personnels sur l'histoire de la politique à l'égard de la petite enfance sous la Troisième République. Les deux ouvrages se complètent parfaitement dans la mesure où la lecture du premier, une monographie historique sur l'un des plus anciens et des plus célèbres centres maternels, permet de mieux comprendre le fonctionnement actuel de ces institutions d'encadrement de la maternité des femmes célibataires. Elles étaient au nombre de 120 en 1994 et recevaient alors 3574 femmes (avec leur enfant).

2Virginie De Luca et Catherine Rollet, historiennes et démographes, font l'histoire détaillée de La pouponnière de Porchefontaine, depuis son ouverture en 1891 jusqu'au milieu des années 1970. Elles retracent le contexte de sa création : la naissance et le développement de la puériculture, la reconnaissance du pastorisme et celle du solidarisme, doctrine politique devenue la philosophie officielle de la Troisième République, qui souhaitait la multiplication des associations œuvrant pour la solidarité envers les plus démunis. Cette institution, implantée dans un quartier populaire de Versailles, dont l'objectif est d'aider les mères célibataires et de sauver les nourrissons menacés par la très forte mortalité infantile de l'époque, est l'œuvre de femmes philanthropes, bénéficiant des conseils d'hygiénistes éminents et de l'appui de Zola. Elle sera longtemps érigée en modèle, d'où l'intérêt d'analyser les principes qui ont présidé à sa création et son fonctionnement. Le système mis en œuvre est le suivant : ce sont des « filles-mères » qui s'occupent des petits pensionnaires parisiens que leurs mères, le plus souvent légitimes, mais actives, ne peuvent elles-mêmes nourrir. Elles le font en même temps qu'elles élèvent leur propre enfant sous la surveillance d'un médecin attaché à l'établissement. Les « filles-mères » ainsi recrutées doivent allaiter leur enfant durant au moins six mois. Leur enfant est ensuite progressivement sevré quand on leur confie un autre nourrisson, un pensionnaire, qu'elles allaitent alors entièrement. La nourrice a en outre la charge d'un troisième enfant qui est, quant à lui, entièrement sevré (une très belle photo des années 1895 montre une nourrice portant dans ses bras ses trois bébés revêtus de leur uniforme, une petite robe écossaise). Ce sont donc trois enfants dont les âges varient entre un jour et six ans qui sont confiés à la nourrice, moyennant 30 francs par mois. Ce salaire constitue une petite épargne qui, une fois la femme sortie de l'établissement, l'aidera à vivre en attendant qu'elle trouve un emploi : le plus souvent, elle est placée comme domestique ou cuisinière. On voit que dès l'époque de sa création, l'institution a le souci de la « réinsertion » sociale de la mère, mais en réalité, l'intérêt dominant de ses promoteurs est, à cette époque, la survie de l'enfant : d'où un souci obsessionnel de l'hygiène, compréhensible mais très contraignant, qui règle strictement le fonctionnement du Centre. Porchefontaine est une mise en pratique des acquis de la science hygiénique de l'époque, qui parvient finalement à convaincre les décideurs politiques de son utilité. Des maisons maternelles sont créées et le Code de la Famille de 1939 rend obligatoire l'entretien d'au moins une institution de ce type dans le cadre départemental (le but explicite du gouvernement de Vichy est de lutter contre l'avortement et l'infanticide).

3Cent ans après leur création, un peu plus de cinquante ans après l'octroi de leur statut obligatoire, quel peut être l'intérêt de tels établissements dans la société française actuelle ? Telle est la question centrale de l'étude sociologique très fouillée qui fait l'objet du second livre. La première partie fait une synthèse très utile du cadre légal qui a fait des centres maternels une pièce du dispositif de protection de l'enfance et de la maternité. Les deuxième et troisièmes parties présentent les résultats d'une enquête micro-sociologique menée d'une part auprès de professionnels, d'autre part auprès de femmes hébergées dans quelques centres de la région parisienne. L'enquête vise à recueillir des informations aussi bien sur les pratiques (modes d'intervention auprès des femmes et des enfants, organisation du travail) que sur les représentations et les systèmes de références. L'ensemble est passionnant, en particulier l'analyse du discours des professionnels, qui permet d'approfondir la question des objectifs éducatifs des centres maternels, des actions qui y sont menées, des difficultés rencontrées et des ouvertures suggérées. Si jusqu'au milieu du siècle, la protection de l'enfant est au centre de l'institution, il semble qu'aujourd'hui l'insertion des jeunes femmes isolées et dans le besoin sont considérées comme devant être traitées en priorité, avant celles touchant directement la relation mère-enfant. Cependant de manière subtile, les auteurs montrent que les deux objectifs, favoriser l'insertion sociale et professionnelle de la mère, favoriser l'établissement du lien mère/enfant, sont tout à la fois liés, mais aussi séparables, l'accent pouvant être mis sur l'un ou l'autre pôle selon les institutions et les professionnels. Le temps relativement court passé par les jeunes mères dans l'institution rend difficile la mise en place d'aides à la « restructuration » de la personnalité de ces jeunes femmes très marquées par une histoire personnelle difficile. La psychologie et la psychanalyse sont devenues aujourd'hui les références théoriques essentielles des travailleurs sociaux en charge de ces jeunes mères. Educateurs et puéricultrices, directeurs et auxiliaires, l'ensemble du personnel pense son intervention dans le cadre de ces références : on cherche à structurer, à cadrer, à mettre de l'ordre dans des vies marquées par la violence, la confusion et le chaos.

4On lira avec un très grand intérêt cette analyse fouillée du fonctionnement d'une institution qui, replacée dans une histoire centenaire, est très révélatrice de l'évolution des rapports entre État, famille, maternité et enfance.

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Pour citer cet article

Référence papier

Agnès Fine, « Virginie De LUCA, Catherine ROLLET, La pouponnière de Porchefontaine. L'expérience d'une institution sanitaire et sociale, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999, 210 p. P. DONATI, S. MOLLO, A. NORVEZ, C. ROLLET, Les centres maternels, réalités et enjeux éducatifs, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999, 314 p. »Clio, 14 | 2001, 250-252.

Référence électronique

Agnès Fine, « Virginie De LUCA, Catherine ROLLET, La pouponnière de Porchefontaine. L'expérience d'une institution sanitaire et sociale, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999, 210 p. P. DONATI, S. MOLLO, A. NORVEZ, C. ROLLET, Les centres maternels, réalités et enjeux éducatifs, Paris, L'Harmattan, coll. Logiques sociales, 1999, 314 p. »Clio [En ligne], 14 | 2001, mis en ligne le 19 mars 2003, consulté le 06 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/124 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.124

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Agnès Fine

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