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Benoîte Cadeau-Fessel et la naissance de la profession de sage-femme

Pérou, xixe siècle
Benoîte Cadeau-Fessel and the birth of the midwifery profession in nineteenth-century Peru
Lissell Quiroz-Pérez
p. 225-247

Résumés

La première maternité du monde hispanique est fondée à Lima en 1826 grâce notamment à l’action d’une sage-femme française, Benoîte Cadeau-Fessel. Celle-ci a fait ses études à la maternité de Port-Royal et souhaite diriger une institution de ce type dans le Nouveau Monde. Madame Fessel arrive à Lima accompagnée de son mari et y crée une maternité. Particulièrement dynamique et entreprenante, elle forme des étudiantes péruviennes à la théorie et à la clinique et organise la profession de sage-femme. Les femmes ainsi formées s’érigent rapidement en spécialistes de l’obstétrique et se revendiquent plus compétentes que les accoucheuses traditionnelles et les médecins. Les sages-femmes formées à la maternité de Lima acquièrent une reconnaissance sociale qui leur permet d’asseoir leur expertise en matière d’accouchement, grâce à l’autorité scientifique et professionnelle de Madame Fessel.

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Texte intégral

  • 1 Depuis la fin des années 1990, cette histoire est d’une grande vitalité à l’échelle de tout l’ens (...)
  • 2 Thébaud 2004 : 58.
  • 3 Gélis 1984, 1988 ; Knibiehler 1980, 2007 ; Thébaud 2005.

1L’histoire de la maternité dans le monde hispano-américain est encore à faire. Il est vrai que cette question attire peu l’attention des historiens alors même que l’histoire des femmes du monde hispanique est en plein essor1. Dans les années 1980, Françoise Thébaud soulignait que l’histoire de la maternité était un terrain à peine défriché2 : cette remarque est encore d’actualité dans le cas de l’Amérique latine. Or la naissance et l’accouchement ont une histoire, comme l’ont montré les travaux d’historiens comme Jacques Gélis ou Yvonne Knibiehler3.

  • 4 Cet article porte sur l’histoire de la maternité péruvienne en milieu urbain, espace pour lequel (...)
  • 5 Lanning 1985 : 95.
  • 6 Basadre 1963 : 513.
  • 7 Le thème de la dépopulation est présent dans beaucoup d’États – y compris la France – à la même é (...)
  • 8 Cette évolution est celle qui est le plus étudiée dans l’aire hispanique : Ortiz Gómez 1992 ; Car (...)

2Le xixe siècle apparaît comme un moment charnière dans l’histoire de la maternité du monde hispanique. Jusqu’aux dernières décennies du xviiie siècle, la naissance se déroule dans un univers presque exclusivement féminin car l’obstétrique hispanique ne connaît pas l’essor qu’on observe ailleurs, en France et en Angleterre notamment. Les médecins manquent de compétence en la matière tandis que la pudeur des femmes, dans un contexte très marqué par la religion catholique, restreint longtemps la présence masculine auprès des parturientes. Ce phénomène est encore plus marqué dans les territoires américains où la médecine européenne s’y importe avec un décalage temporaire4. Le changement de paradigme sur la naissance se produit à l’époque des Lumières hispaniques et des réformes bourboniennes, à savoir dans la seconde moitié du xviiie siècle. La profession médicale est de plus en plus valorisée tandis que la Monarchie s’attelle à encadrer l’exercice des matrones. En 1750, la Couronne ordonne que les matrones soient examinées par le Collège des médecins (Protomedicato) et charge certains professeurs de rédiger des livrets à leur intention5. Ces ordres n’ont pas le temps d’être appliqués dans les vice-royautés américaines, en proie à des troubles politiques qui se soldent par la séparation d’avec l’Espagne et la naissance d’États indépendants. Au Pérou, les hommes des Lumières, très intéressés par la médecine, arrivent au pouvoir dans les années 1820. Ils se trouvent face à une situation démographique qui leur semble critique : en 1836, le pays compte près de 1,4 million d’habitants pour une superficie un peu supérieure à celle du Pérou actuel6. Le thème de la dépopulation devient donc pour les élites au pouvoir un sujet qui les hante tout au long du xixe siècle7. C’est pourquoi leur intérêt pour la maternité s’accroît tandis que les matrones sont de plus en plus contestées dans leur pratique. Dans un siècle marqué par le développement de la médecine et du courant hygiéniste, les accoucheuses traditionnelles sont dénigrées et taxées d’ignares, sales et grossières. Ceci explique l’émergence de la figure de la sage-femme, instruite, qui dispose d’un savoir obstétrique élémentaire tout en étant subordonnée au médecin qui sait et dirige l’action en dernière instance8. L’activité des sages-femmes se déploie essentiellement dans le cadre de maternités qui servent de lieu de formation et d’exercice de leur profession. Comment et à quel moment se produit ce changement majeur dans l’histoire de l’obstétrique et de la naissance ? L’étude du cas péruvien donne un éclairage tout à fait intéressant de la question.

  • 9 Morales Suárez 2009 : 271-277.
  • 10 Nari 2004 : 121-122.
  • 11 Les armées du général San Martín libèrent le Pérou en 1821. Mais les royalistes conservent un bas (...)

3 L’histoire de la maternité de Lima est originale à plusieurs titres. Elle est la première maternité hispano-américaine qui associe un enseignement clinique à une école de sages-femmes selon le modèle français de la maternité de Port-Royal. À Mexico, il faut attendre les années 1860 pour voir l’érection de la Casa de Maternidad grâce notamment à l’action de l’impératrice Carlota, épouse de Maximilien Ier9. À Buenos Aires, ce n’est que dans les années 1890 que des hôpitaux de la ville se dotent de sections destinées aux femmes enceintes et aux accouchements10. Lima dispose d’une maternité dès 1826 au moment même où le Pérou installe ses premières institutions républicaines, après de longues années de guerre d’indépendance11. La précocité de cette fondation tient à la conjonction de plusieurs facteurs dont l’un des plus importants est l’arrivée au Pérou en 1826 d’une sage-femme hors du commun. Benoîte Cadeau-Fessel, appelée « Madama Fessel » au Pérou, a en effet apporté une grande contribution à l’histoire de l’obstétrique péruvienne.

  • 12 Cadeau-Fessel 1825, 1827a, 1827b, 1830a et 1830b.
  • 13 Il s’agit essentiellement de la correspondance administrative émanant du ministère de la Justice, (...)

4 Plusieurs sources permettent de saisir le déroulement de cette histoire. Contrairement à son mari médecin qui est resté dans l’ombre, Benoîte Cadeau-Fessel, a écrit beaucoup durant ses années d’exil12. Femme dynamique et infatigable, elle a laissé un certain nombre d’écrits – manuels destinés à ses élèves et aux femmes enceintes ou comptes rendus détaillés de ses observations cliniques. On peut ajouter à cela des documents administratifs relatifs à la maternité de Lima qui se trouvent aux Archives nationales péruviennes13.

  • 14 Walzer Leavitt 1986.
  • 15 Gélis 1988 : 490.

5 L’histoire de la fondation de la maternité de Lima permet d’aborder plusieurs sujets. Il s’agit tout d’abord de saisir la nouvelle attitude d’une société face à la naissance, qui, d’une affaire privée, évolue vers un sujet d’intérêt public alors même que les médecins portent un intérêt croissant dans la période périnatale. Dans ce contexte, les sages-femmes, comme le montre l’exemple de Madame Fessel, adoptent un discours scientifique et médical pour pouvoir s’imposer et légitimer leur place centrale dans le déroulement de la grossesse et de l’accouchement. Le xixe siècle se présente comme un moment essentiel de cette redistribution des cartes. Les sages-femmes péruviennes, en adoptant les préceptes médicaux et en créant une profession qualifiée et reconnue par toute la société instruite de leur pays, sont parvenues à conserver une position privilégiée dans le milieu médical, contrairement à ce qui se passe chez leur grand voisin du nord, les États-Unis, où les sages-femmes sont écartées des maternités au profit des médecins14. Suivre la genèse de cette institution suppose également de s’intéresser à l’histoire de la médecine qui, tout en luttant contre les épidémies, a bouleversé ses pratiques en matière d’obstétrique et a permis la naissance de disciplines comme la gynécologie et la pédiatrie. Plus largement, l’étude de la maternité de Lima s’insère dans l’histoire de la formation de l’État et de la nation. La place charnière qu’occupe la maternité de Lima en tant qu’institution de bienfaisance, école de sages-femmes et lieu d’expérimentation des politiques publiques de santé la situe au cœur de l’histoire politique, sociale et culturelle du xixe siècle hispano-américain. Dans ce tourbillon d’expériences et de réformes, la trajectoire de Madame Fessel permet de saisir tous les enjeux de cette nouvelle « manière d’être au monde »15.

Une « Madame Lachapelle » au Pérou

  • 16 Beauvalet-Boutouyrie 1999.
  • 17 Cadeau-Fessel 1825 : II.
  • 18 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 112.
  • 19 Cadeau-Fessel 1825 : I.
  • 20 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 127.
  • 21 Son ouvrage Consejos a las mujeres encinta (op. cit.) s’achève par un hommage à Marie-Louise Lach (...)

6Benoîte Pauline Cadeau est née à Lyon en 1792. Elle fait des études de sage-femme à l’hospice de la maternité de Paris (maternité de Port-Royal) qui a ouvert ses portes en 1802. Elle a reçu par conséquent une formation de qualité qui associe théorie et pratique16. Son apprentissage s’est déroulé à la Faculté de médecine de Paris entre le 1er juillet 1816 et le 30 juin 181817. Sage-femme de première classe, elle est habilitée à exercer dans toute la France, contrairement aux sages-femmes de deuxième classe formées dans les hospices départementaux18. Comme le souligne Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, la sélection et la formation rigoureuse des élèves en font alors un corps d’élite. Les sages-femmes sont pleinement conscientes de ce fait, à l’instar de Benoîte Cadeau. Partout où elle va, la sage-femme met en avant son diplôme de la maternité de Paris ainsi que les différents prix obtenus durant son apprentissage, à savoir la médaille d’obstétrique, le premier prix d’observation sur les différents caractères du vaccin et le premier prix de botanique19. Ces prix ont été mis en place à l’École de la Maternité pour tester les connaissances des élèves mais aussi pour favoriser l’émulation entre elles. Les lauréates s’assurent ainsi la reconnaissance à la fois de leurs pairs et de leurs supérieurs – sage-femme en chef et médecin en chef. Benoîte Cadeau devait être destinée à faire une très bonne carrière, d’autant plus qu’elle a été l’élève d’une sage-femme en chef très active, Marie-Louise Lachapelle (1769-1821), qui a joué un rôle capital dans l’organisation et la réputation de l’école. Cette femme est devenue célèbre par la qualité de son enseignement, sa compétence mais aussi son dévouement et le réconfort moral donné aux femmes dont elle avait la charge20. Benoîte Cadeau semble vouer une grande admiration à cette accoucheuse qu’elle cite souvent et dont elle se réclame la disciple21.

  • 22 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 129.
  • 23 Cadeau-Fessel 1825.
  • 24 Cárdenas Castillo 2010.

7La place de sage-femme en chef à la maternité de Paris est cependant difficile à obtenir. Benoîte Cadeau a peut-être souhaité occuper la place de son mentor mais Marie-Louise Lachapelle avait déjà choisi celle qui lui succèderait, une ancienne élève de la promotion de Cadeau, Clémentine Hucherard22. Or à cette époque, le Nouveau Monde attire de nombreux Européens par les perspectives qu’offrent les États d’Amérique en formation. Benoîte Cadeau et son époux, Jean-Baptiste Fessel, médecin et officier de santé, partent ainsi pour la Nouvelle-Orléans en 1823. Cette ville a dû être choisie pour sa proximité culturelle avec la France et pour les contacts qu’y ont les médecins français. Madame Fessel emmène ainsi avec elle des lettres de recommandation rédigées par le professeur de la Faculté de médecine de Paris, Antoine Dubois, adressées à Alexandre Labranche et à son fils Octave, président de la chambre des représentants de Louisiane. Elle dispose également d’une lettre très élogieuse du professeur Dubois adressée au médecin secrétaire de la Société de Médecine de la Nouvelle-Orléans23. Le projet du couple est de fonder une maternité à la Nouvelle-Orléans selon le modèle de celle de Paris. Les espoirs de Madame Fessel sont néanmoins assez vite déçus : le climat, explique-t-elle, ne lui convient guère. Il est probable aussi qu’elle n’ait pas obtenu l’accueil escompté. Les Fessel prennent alors la route du Sud et s’installent à Guadalajara (ville du nord-ouest de Mexico). Le 16 décembre 1824, Madame Fessel présente au Cabildo (gouvernement municipal) une demande de création d’une école de sages-femmes, ce qui prouve qu’elle ne souhaite pas seulement exercer sa profession à titre privé mais qu’elle désire devenir sage-femme en chef d’une maternité comme celle de Paris. Son représentant dans la ville, le conseiller municipal (regidor) Juan de Dios Cañedo, se charge de défendre le dossier24. Le projet n’est pas accepté. Madame Fessel a néanmoins le temps de rédiger un petit ouvrage intitulé Conseils aux femmes enceintes, traduit en espagnol et publié à Guadalajara. En dépit de l’enthousiasme de la Française et de l’énergie déployée pour défendre le dossier, les Fessel doivent se résigner à quitter le Mexique.

  • 25 Hipólito Unanue a en effet publié de nombreux articles sur ces sujets dans le Mercurio Peruano (1 (...)
  • 26 Le Tribunal du Protomedicato est l’héritier du Real Tribunal du Protomedicato, créé en Espagne au (...)
  • 27 Décret du 10 octobre 1826 disponible dans « Archivo digital de la legislación en el Perú » (www.c (...)
  • 28 « Expediente de Mme Benita Paulina Cadeau de Fessel seguido en 1836 sobre la venta de sus bienes (...)

8 On ignore pourquoi le couple choisit le Pérou comme nouvelle destination. Mais le fait est qu’en 1826, il se trouve à Lima. Or Madame Fessel arrive à point nommé dans cette ville. Les guerres d’indépendance enfin achevées, les autorités publiques peuvent s’atteler à ériger de nouvelles institutions républicaines. Le plus important médecin péruvien de l’époque, Hipólito Unanue – médecin personnel de Simón Bolívar – est alors ministre des Finances. Or, il s’était fait connaître par son combat contre les matrones et son intérêt pour la lutte contre les maladies enfantines25. Dès leur arrivée à Lima, les Fessel présentent leurs diplômes et références académiques au Tribunal del Protomedicato, c’est-à-dire le Collège des médecins chargé de contrôler l’exercice des professions de santé26. Le secrétaire général du tribunal Miguel Tafur y Zea (1766-1833), docteur en médecine, recteur de l’Université de Lima est lui-même un ami personnel et un collaborateur d’Hipólito Unanue. Grâce à l’appui de ces deux personnages, le dossier de Madame Fessel est accepté. La sage-femme obtient de surcroît le soutien de l’État péruvien qui proclame un décret établissant la maternité de Lima27. Sans plus attendre, les Fessel s’installent dans les locaux d’un ancien hôpital militaire en attendant que le gouvernement péruvien aménage et inaugure officiellement la maternité28.

  • 29 Cadeau-Fessel 1826.
  • 30 Ibid.

9 Au sein du couple, c’est Madame Fessel qui est la plus active et entreprenante. Elle n’hésite pas à multiplier les imprimés alors même que, de son propre aveu, elle ne possède pas parfaitement la langue espagnole. Ainsi, aussitôt après avoir obtenu l’autorisation d’exercer émise par le Collège des médecins, elle publie un tract annonçant l’ouverture d’un cours d’obstétrique29. À plusieurs reprises, elle envoie des articles aux principaux journaux de Lima pour expliquer sa démarche et défendre sa profession. En dehors de son activité professionnelle, elle trouve le temps de rédiger des ouvrages d’obstétrique : en dix ans, elle en publie cinq30. Son mari semble l’accompagner et lui servir de garant dans son entreprise.

  • 31 Rabí Chara 2004 : 45.
  • 32 À titre de comparaison, le salaire annuel d’un ministre est de 5 500 pesos, celui d’un magistrat (...)
  • 33 Carrasco 1826.

10Madame Fessel doit néanmoins attendre presque trois ans pour voir l’installation définitive de la Casa de Maternidad. En mai 1830, les Fessel quittent leur clinique pour un édifice jouxtant l’Hôpital des femmes (Hospital de la Caridad). La directrice reçoit 1000 pesos pour aménager et équiper les locaux. Le gouvernement alloue à la maternité un budget annuel de 3 600 pesos, divisé en trois parts égales31. Le premier tiers est destiné à l’entretien des locaux, le second est destiné aux bourses pour les étudiantes et le troisième correspond au salaire annuel de la directrice32. Par ailleurs, le gouvernement péruvien verse à la maternité une prime de 4 000 pesos. Bien que la somme allouée ne soit pas à la hauteur de leurs espérances, les Fessel assument la direction de la Maternité et l’organisent à leur guise, Madame Fessel en tant que directrice et son mari en qualité de médecin en chef33.

Une formation théorique et une pratique novatrice dans le monde hispanique

  • 34 Rabí Chara 2004 : 49.

11La maternité de Lima accueille ainsi des élèves sages-femmes logées et nourries. Comme il y a pour l’heure beaucoup moins de candidates qu’à Paris (où l’on compte une soixantaine par promotion), les huit bourses accordées par le gouvernement péruvien suffisent amplement à couvrir les besoins. La première promotion compte cinq sages-femmes qui prêtent serment officiellement devant le Tribunal du Protomedicato en 183334. Ces femmes ont reçu une formation de qualité qui les distingue ouvertement des autres praticiens. Les parturientes étaient jusque-là assistées par des matrones lors de l’accouchement et dans les cas les plus difficiles par des médecins et des chirurgiens. Ces deux groupes de personnes apparaissent néanmoins limités dans leur pratique. Les matrones étaient souvent proches des accouchées mais des connaissances théoriques précises – notamment celles qui concernent l’anatomie – leur faisaient défaut. De leur côté, les médecins et les chirurgiens ne pouvaient pas toujours mettre en pratique leur savoir théorique car les parturientes les regardaient souvent avec méfiance et elles n’avaient recours à leurs services qu’en cas d’extrême urgence.

  • 35 Cadeau-Fessel 1830b : V.
  • 36 Cadeau-Fessel 1830b : 5.

12 Madame Fessel entend occuper cette brèche. D’un côté elle s’efforce de bien distinguer les sages-femmes des matrones. La Française n’éprouve à leur égard que « pitié car, dépourvues de toute instruction, elles sont absolument incapables d’abréger les douleurs et la durée de l’accouchement ainsi que de savoir comment et quand naîtra l’innocente créature exposée à périr entre leurs mains […] »35. Dans les textes qu’elle a écrits, la sage-femme s’applique à montrer le caractère empirique voire superstitieux de la pratique des recibidoras (celles qui reçoivent). Elle présente ainsi le cas d’une femme souffrant d’une rétention du placenta vingt-quatre heures après son accouchement. La matrone avait tenté de faire expulser le placenta en lui faisant des lavements et des fumigations. Ces remèdes s’étant révélés infructueux, elle coiffe la parturiente d’un chapeau noir et lui demande de souffler dans un tube, action censée avoir des vertus efficaces dans le cas de rétention du placenta36. Madame Fessel ne s’en remet pas pour autant au savoir théorique des médecins, fait d’autant plus étonnant que son mari est lui-même le médecin en chef de la maternité de Lima. Dans son activité d’assistance aux femmes en couches, la sage-femme affirme haut et fort sa compétence en la matière, car elle sait celle des médecins péruviens nettement insuffisante en matière d’obstétrique, surtout en raison de leur manque d’expérience clinique :

  • 37 Cadeau-Fessel 1830b : V.

Sans vouloir mépriser ni diminuer le mérite d’aucune des personnes qui exercent l’honorable profession médicale à Lima, il serait aisé de prouver que cette ville ne compte pas d’accoucheurs dotés des connaissances positives qu’exige cette profession, à moins que l’on veuille supposer que l’incertitude, la témérité voire le hasard, puissent suppléer les sages et indispensables préceptes de la théorie appliquée à la saine pratique37.

13Mais la sage-femme ne s’arrête pas là. Les médecins, malgré les connaissances scientifiques qu’ils possèdent, ne doivent pas avoir la charge des accouchements. Elle est très claire sur ce point. Ses conseils aux femmes enceintes, écrits en 1825, s’ouvrent par une citation de l’ouvrage de Philippe Hecquet intitulé De l’Indécence aux hommes d’accoucher les femmes (1707). Au moment de conclure, elle emprunte une citation à l’ouvrage de Pierre Roussel, Le Système physique et moral de la femme. Elle reprend ainsi à son compte les phrases du célèbre médecin :

  • 38 Roussel 1803 : 217.

quoique la fonction d’accoucher tienne à l’art de guérir, elle n’est pas faite pour être exercée par des hommes. Le caractère de cette fonction, les connaissances peu étendues qu’elle demande, la confiance plus entière et plus absolue que doivent naturellement avoir les unes pour les autres des personnes du même sexe ; enfin tout y appelle les femmes : cet emploi semble leur être propre ; elles ont tous les avantages nécessaires pour le remplir avec succès38.

  • 39 Ortiz Gómez 1992 ; Marland 1993 ; Rattner Gelbart 1998.
  • 40 L’usage de ce terme s’est perpétué dans le lexique péruvien et le mot apparaît aujourd’hui encore (...)

14Madame Fessel considère par conséquent que l’accouchement doit rester dans la sphère féminine tout en accordant aux sages-femmes une place prépondérante. Toute son œuvre atteste de cette volonté d’ériger le métier de sage-femme au niveau d’un art, c’est-à-dire un métier exigeant une aptitude, une technique et des connaissances particulières. C’est pourquoi elle s’inscrit dans la lignée des accoucheuses qui ont contribué grandement aux progrès de la science obstétricale, telles que Louise Bourgeois (1563-1636), sage-femme de Marie de Médicis, Marguerite du Tertre de la Marche (1638-1706), sage-femme en chef de l’Hôtel-Dieu, Angélique Marguerite le Boursier du Coudray (1712-1789), première sage-femme à utiliser des mannequins dans ses cours d’accouchement, Marie-Jonet Dugés (1730-1797), Marie-Louise Lachapelle (1769-1821) et Marie Anne Victorine Boivin (1773-1847), toutes trois sages-femmes en chef dans des hôpitaux parisiens. Cette revendication de filiation n’est pas propre à Madame Fessel comme le montrent d’autres travaux sur les accoucheuses européennes39. À l’instar de ces sages-femmes, Madame Fessel souhaite former des spécialistes de l’art d’accoucher qui rompent avec la façon traditionnelle de mettre au monde. La sage-femme et ses disciples commencent par introduire un néologisme dans la langue espagnole, le terme obstetriz (terme dérivé du latin obstetrix)40. Cette façon de s’auto-désigner n’est pas anodine. Elle témoigne de la volonté de Madame Fessel de souligner la scientificité de sa profession :

  • 41 Cadeau-Fessel 1827a : « Prólogo ».

Il faut avouer que l’art des accouchements ne peut s’apprendre que dans une école. Il est en effet indispensable, pour sauver la mère et son enfant, d’avoir assisté à la démonstration pratique des diverses positions du fœtus ainsi qu’à celle des instruments nécessaires aux accouchements contre nature et laborieux. Leur maniement ne peut s’acquérir sans l’utilisation d’un mannequin ni l’étude des pièces anatomiques, disponibles pour apprendre les manipulations41.

15Les jeunes femmes qui entrent à l’École de la maternité ont déjà une formation préalable, suivie dans des écoles ou auprès de précepteurs, ce qui n’est pas donné à toutes les femmes péruviennes du xixe siècle. Plus encore que les hommes qui désirent intégrer la faculté de médecine, les candidates doivent prouver leurs qualités non seulement intellectuelles mais également morales. Pour toutes ces raisons, les élèves sages-femmes sont avant tout issues du milieu de la petite bourgeoisie. À cette spécificité socio-économique s’ajoute une autre, celle des origines ethniques. Les obstetrices péruviennes sont des femmes blanches ou métisses, contrastant avec les matrones, qui, dans une large majorité, sont indiennes, noires ou mulâtresses. Ces différents éléments participent à la distinction sociale des sages-femmes. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que la société péruvienne du xixe siècle est très hiérarchisée et marquée par des clivages ethniques et sociaux.

  • 42 Il s’agit là d’un autre trait spécifique de la formation des sages-femmes péruviennes. Partout ai (...)
  • 43 Il ne s’agit pas là d’une demande trop exigeante. Les élites péruviennes éprouvent un grand attac (...)
  • 44 Archivo de la Beneficencia de Lima 1836.

16Comme à Paris, la connaissance de l’anatomie se trouve au cœur de l’enseignement de la maternité péruvienne. Le programme d’études des élèves sages-femmes correspond au cours d’obstétrique des étudiants de la faculté de médecine de Lima, à ceci près qu’elles font en quatre ans ce que les garçons font en un42. Comme ces derniers, elles traitent des accouchements naturels et compliqués, des maladies des parturientes et celles des nouveau-nés. Madame Fessel exige de ses élèves la maîtrise du français pour pouvoir lire les œuvres des grands obstétriciens qui, pour la plupart, ont écrit dans cette langue43. Ainsi, dans la bibliothèque de la maternité de Lima figurent les ouvrages de Claude-Martin Gardien (Traité des Accouchements, des maladies des femmes, de l’éducation médicinale et des maladies propres à cet âge, Paris, 1807, 4 vol. in 8°) et de Jean-Louis Baudelocque (Principes sur l’art des accouchements, par demandes et réponses, en faveur des élèves sages-femmes, 4e éd., Paris, 1812), de Joseph Capuron (Cours théorique et pratique des accouchements, Paris, 1811 ; et Traité des maladies des femmes, depuis la puberté jusqu’à l’âge critique inclusivement, Paris, 1812). À ces ouvrages s’ajoutent d’autres plus anciens tels ceux d’André Levret (L’Art des accouchemens, démontré par des principes de physique et de méchanique, pour servir d’introduction et de base à des leçons particulières, 3e éd., Paris, 1766 ; et Observations sur les causes et les accidens de plusieurs accouchemens laborieux. Suite des Observations…, Paris, 1780). On trouve enfin dans la bibliothèque les livres de deux auteurs non français : William Smellie (Observations sur les accouchements, ou Suite de la théorie et pratique de cet art, Paris, 1777) et de Joan Georg Roederer (De Axi Pelvis Programma quo… Ad orationem benevole audientiam invitat, et simul lections suas denuo indicit, Göttingen, 1751). À ces œuvres s’ajoutent les manuels rédigés par les sages-femmes : celui de Mme Lachapelle (Pratique des accouchemens ou Mémoires et observations choisies sur les points les plus importans de l’art, Paris, 1821) ainsi que ceux de Madame Fessel traduits en espagnol (Consejos a las mujeres encinta, Guadalajara, 1825 ; Curso elemental de partos, Lima, 1827 ; et Práctica de partos, Lima, 1830)44.

  • 45 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 163.
  • 46 Archivo de la Beneficencia de Lima 1836.
  • 47 Nous avons accès à ces critiques principalement à travers la presse médicale dans les articles co (...)

17La méthode d’enseignement associe des aspects classiques et d’autres plus novateurs. Elle fait d’abord appel à la mémorisation et à la répétition, les élèves sages-femmes devant apprendre par cœur des réponses à des questions présentées en cours, l’objectif étant de créer des automatismes. Comme cela se fait à la maternité de Port-Royal, la répétition s’inscrit dans un système d’enseignement mutuel, les élèves plus avancées enseignant aux plus novices45. Mais Madame Fessel insère, à côté de l’exercice souvent fastidieux et abstrait de la mémorisation, des travaux pratiques. La sage-femme s’appuie en effet sur des mannequins et sur des planches qu’elle a fait expressément emmener depuis la France. Elle présente même à ses étudiantes des fœtus conservés dans du vin46. Les cours ont lieu dans l’amphithéâtre de l’École de Médecine, où ils sont dispensés par le médecin en chef et la sage-femme en chef. Cette formation théorique distingue fortement les sages-femmes – premières femmes à suivre des cours à l’université et à côtoyer les étudiants en médecine – du reste de la population féminine. Ce franchissement des frontières peut engendrer une attitude de suspicion et de jalousie de la part de certains membres du corps médical qui tentent de les dénigrer en critiquant leur manque de culture et d’instruction47. Cette méfiance s’explique aussi par le fait que les sages-femmes possèdent une expérience clinique qui fait défaut même aux plus grands médecins de l’époque. Durant les quatre années que dure leur formation, les élèves sages-femmes assistent entre quarante et une centaine d’accouchements tandis que les étudiants en dernière année de médecine doivent se contenter de voir tout au plus une dizaine de cas. À cette pratique certaine s’ajoute un regard particulier sur les parturientes.

Accompagner et soulager les femmes en couches

  • 48 Cadeau-Fessel 1826.

18Contrairement aux médecins, y compris les spécialistes en obstétrique, Madame Fessel ne voit pas les femmes comme des cas expérimentaux. Elle ne cherche pas non plus forcément à augmenter la natalité du Pérou. Elle est animée, dit-elle, depuis son adolescence, par le « désir d’amoindrir les maux qui, par malheur, accompagnent le respectable nom de mère »48. Que la parturiente soit indienne, noire, blanche, riche ou pauvre, mariée ou non, la sage-femme ne la juge pas, elle compatit en suivant fidèlement l’exemple de Madame Lachapelle. Ce qui ressort de l’étude des quarante-cinq cas cliniques que Madame Fessel présente dans l’un de ses ouvrages, c’est le profond respect qu’elle manifeste pour les femmes en détresse qui se trouvent face à elle. Lorsqu’elle arrive au chevet des femmes qui souffrent depuis des heures voire des jours et qui sont désespérées, elle s’empresse de les calmer et de les soutenir moralement.

Ce que la sage-femme française souhaite avant tout est de lutter contre des pratiques d’un autre âge. Madame Fessel s’oppose fermement à de telles pratiques surtout parce que sous prétexte d’accélérer le déroulement de l’accouchement, les matrones peuvent commettre des gestes aux conséquences irréparables comme elle le souligne dans l’un de ses ouvrages :

  • 49 Cadeau-Fessel 1830b : 5.

Dans mon Cours élémentaire d’accouchements à l’usage des élèves de la maternité de Lima, j’ai déjà fait allusion à la supposée vertu magique du chapeau noir et du tube dans les cas de rétention du placenta. Les personnes éclairées de cette capitale considèrent toutes ces misérables bêtises comme étant dignes de compassion. Mais il existe une autre coutume qui mériterait la plus attentive vigilance de la police car elle tend ni plus ni moins qu’à gâcher pour toujours la malheureuse vie de celle avec laquelle on s’exerce en lui coupant le périnée avec les ongles ou avec un morceau de verre. Or l’un des principaux préceptes de l’art des accouchements au moment où la tête veut sortir, est de soutenir fermement et avec le plus grand soin le périnée afin d’empêcher le déchirement de cette zone qui ne cicatrise jamais49.

  • 50 Cadeau-Fessel 1830b : 43-44.

19 Malheureusement, elle le déplore souvent, la sage-femme n’est appelée que lorsque l’accouchement se complique d’après elle par le manque de connaissances médicales des recibidoras. Madame Fessel raconte ainsi l’histoire d’une jeune employée domestique qui avait fait appel à une matrone pour l’aider à accoucher. Après douze heures de travail et de douleurs intenses, cette dernière fait appel à « deux Noirs vigoureux » pour secouer la parturiente de manière, pense-t-elle, à aider à l’expulsion du bébé. Mais quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle aperçoit une tumeur de la taille d’une tête d’enfant sortant par la vulve. La matrone, effrayée par ce qu’elle croit être un monstre, se sauve rapidement en laissant la jeune femme aux prises avec ses douleurs et sa frayeur. C’est à ce moment-là qu’intervient Madame Fessel. Au toucher, elle découvre que la tumeur n’est autre qu’une protubérance formée par la poche des eaux50.

  • 51 Lebrun 1995.

20 En bonne disciple de Baudelocque et de Madame Lachapelle, Madame Fessel accorde une grande importance à l’observation. L’accouchement étant pour elle une fonction naturelle, elle considère qu’il faut, dans la mesure du possible, laisser la nature suivre son cours. Dans tous les cas d’intervention qu’elle rapporte, la sage-femme commence par s’enquérir de la santé de la parturiente puis elle procède systématiquement au toucher vaginal pour déterminer l’état de la patiente. À la lecture de ses observations, il ressort que la Française est tout à fait compétente et possède un savoir-faire indéniable. Son geste est sûr et précis. Grâce à l’observation et au toucher, elle diagnostique rapidement le problème dont souffre la femme en couches qui se trouve face à elle. La faiblesse vient plutôt de la thérapeutique utilisée pour combattre les douleurs, les fièvres et les hémorragies. Les remèdes, qui n’ont que très peu évolué depuis le xviie siècle, se centrent sur les saignées, les lavements et toute une pharmacopée à base de plantes51. Mais les médecins de l’époque ne font guère mieux et Madame Fessel est dans ce cas redevable de la médecine de son temps. Or, observer ne signifie pas attendre trop longtemps pour intervenir. Contrairement à l’opinion d’un grand nombre de médecins péruviens, elle se dit adversaire de la « méthode expectante » et milite en faveur d’une « médecine active » qui défend l’intervention chirurgicale en cas de nécessité. Et Madame Fessel expose son point de vue en s’appuyant sur des références scientifiques de la même manière que le ferait un médecin. Dotée de fait d’un fort caractère, la sage-femme n’est pas intimidée par la présence de médecins au chevet des accouchées, aussi réputés soient-ils, ou de personnes reconnues socialement. C’est le cas lors d’une de ses interventions auprès d’une jeune femme de bonne famille, Mme Castañeda, dont le bébé se présentait par le siège. La famille et le médecin appelé pour assister Mme Castañeda se refusent à toute intervention, alors que Madame Fessel préconise de faire basculer, à l’aide de sa main, le fœtus pour lui faciliter le passage :

  • 52 Cadeau-Fessel 1830b : IV-V.

À maintes reprises je dis à ces messieurs que s’ils m’empêchaient de profiter de ces instants favorables, il ne serait probablement plus possible de faire cette manipulation. Mais ils s’obstinèrent tous à la retarder. A midi je demandai une consultation, et les médecins qui ne se réunirent qu’à cinq heures du soir, dirent qu’il fallait attendre jusqu’à neuf heures. Mais durant ce long laps de temps, la parturiente fut assaillie par des convulsions et dès lors, toute tentative pour extraire le fœtus fut inutile. Je me séparai le lendemain de cette intéressante jeune femme avec l’âme transpercée de douleur et deux jours plus tard, elle paya, à cause des faux conseillers, le dernier tribut dû à la nature52.

21Ainsi, Madame Fessel se trouve dans une position inconfortable. D’un côté, elle est sûre de son savoir et de son savoir-faire obstétriques. Mais elle se trouve face à une société hostile à la reconnaissance de sa supériorité professionnelle par rapport aux médecins. En dépit de sa personnalité affirmée, elle se retrouve en position subordonnée par rapport au corps médical. Imposer son autorité professionnelle relève par conséquent d’un combat de tous les instants.

Les aléas de la construction d’une autorité

22La renommée de Madame Fessel croît malgré tout à Lima et elle s’étend peu à peu au reste du pays. Le développement de la presse et la diffusion de l’imprimé jouent un rôle capital dans la popularité de la sage-femme. Les familles des femmes secourues manifestent leur gratitude par des papiers publiés dans les journaux tandis que Madame Fessel diffuse par écrit les cas qu’elle a été amenée à traiter. Informées des compétences de la sage-femme française, les Liméniennes de tout niveau social la sollicitent de plus en plus. Les médecins font de même surtout lorsqu’il s’agit d’accouchements difficiles et compliqués. Madame Fessel souligne qu’elle a été appelée à plusieurs reprises dans les hôpitaux pour opérer devant les médecins dans des cas d’accouchements contre nature.

  • 53 Cadeau-Fessel 1830b : 91.

23 Mais cette popularité suscite également l’envie et la méfiance du corps médical. La personnalité de Madame Fessel dérange certainement les médecins. Alors que son mari est le médecin en chef de la maternité, c’est elle qui dispose de la plus grande compétence en matière d’obstétrique. La sage-femme expose publiquement le détail scientifique des situations dans lesquelles elle a été amenée à intervenir tandis que le docteur Fessel ne nous a laissé que des textes rédigés en défense de son épouse. Madame Fessel présente ainsi des traits de caractère censés être plutôt masculins : elle est audacieuse, sûre d’elle-même, fière de sa profession et ne se sent pas sur ce plan-là inférieure aux médecins. D’un point de vue anthropologique, elle est « active », caractère essentiellement réservé aux hommes. Tout se passe comme si l’accès à la profession de sage-femme lui avait donné une marge de liberté lui permettant une affirmation de soi interdite jusque-là aux femmes. Et dans une société très conservatrice comme l’est la société péruvienne du début du xixe siècle, cette manière d’être pose problème aux hommes et plus particulièrement aux médecins qui la côtoient. Ainsi, malgré son savoir-faire, Madame Fessel se trouve subordonnée aux médecins, même si ceux-ci sont moins compétents qu’elle. On le voit nettement dans un récit très détaillé que la sage-femme fait d’un accouchement avec des complications. Après l’observation de la patiente, Doña Rosa González, Madame Fessel comprend que le fœtus est mort et qu’il sera très difficile qu’il sorte étant donné l’étroitesse du bassin de la parturiente. On appelle alors les médecins : ils sont cinq à se présenter dont M. Fessel. Ces derniers se réunissent, débattent et ne parviennent pas à se mettre d’accord quant à la suite à donner, tandis que la sage-femme essaie de soulager les atroces douleurs qui assaillent Doña Rosa. Ils décident finalement qu’il faut perforer le crâne du fœtus pour que la tête puisse passer par le bassin. S’agissant là d’une intervention chirurgicale, l’opération doit être réalisée par un médecin. Or, les cinq médecins se soustraient à leur devoir. M. Fessel demande simplement la signature d’une décharge pour que sa femme puisse opérer sans risque de poursuites judiciaires postérieures. Madame Fessel se retrouve seule face à la parturiente et c’est elle qui procède à l’intervention. Celle-ci se solde par le décès de la jeune femme53. La famille de Doña Rosa semble s’interroger sur la pertinence de l’intervention médicale, ce qui pousse les médecins à craindre des poursuites judiciaires. De manière tout à fait prévisible, la sage-femme apparaît ensuite comme la seule responsable de la mort de Doña Rosa. M. Fessel organise la défense de sa femme et l’entourage de Doña Rosa n’entame finalement aucune procédure judiciaire.

  • 54 Cadeau-Fessel 1830a : 23.
  • 55 Cadeau-Fessel 1827b.
  • 56 Ibid.

24 On peut voir, à travers cet exemple, la difficulté pour Madame Fessel de se construire une autorité. La sage-femme semble bien consciente de cet enjeu. Elle – qui cherche à affirmer la place prépondérante des femmes dans « l’art le plus utile à l’humanité » et donc d’une certaine manière dans la polis – constate amèrement qu’il est difficile de lutter contre la « médisance du peuple de Lima »54. Nombreux sont ceux en effet qui se méfient du pouvoir que peuvent acquérir les sages-femmes et qui jugent tout à fait inutile de leur accorder une Maternité et une école. Ainsi, un après son arrivée au Pérou, le Cabildo (la municipalité) de Lima nomme, comme il est habituel, une commission chargée d’inspecter les hôpitaux dont il a la charge. Le rapport de la commission accable Madame Fessel : il souligne qu’elle dispose « d’appartements magnifiques, avec tout le confort possible ainsi que d’une rente considérable »55. En réalité, comme le rappelle Madame Fessel, l’inspection est réalisée avant la promulgation du décret fixant le salaire de la sage-femme : celle-ci ne recevait donc aucun émolument de l’État à ce moment-là. En revanche, Madame Fessel n’a pas hésité à débourser 1 430 pesos pour installer sa clinique et faire acheminer depuis la France le matériel nécessaire pour enseigner l’obstétrique à ses élèves56.

25 En dépit de ces critiques, l’œuvre de Madame Fessel porte ses fruits. Dix ans après son arrivée au Pérou, la maternité de Lima est la seule institution de ce type en Amérique latine. Même si le budget alloué est modeste et si les paiements se font en retard, le gouvernement soutient et s’appuie sur cette institution dans ses projets de lutte contre la dépopulation qui inquiète plusieurs des nouveaux États latino-américains.

26Le nombre d’accouchements à la maternité de Lima est encore limité – une centaine par an – mais il progresse régulièrement. La première promotion de sages-femmes péruviennes prête serment devant le Collège des médecins en 1833. Entre cette date et la fin du xixe siècle, plus de deux cents jeunes femmes obtiennent leur diplôme dans cette institution. Et la maternité de Lima devient à son tour un modèle dans le monde andin. En effet, deux sages-femmes formées par Madame Fessel quittent le Pérou pour établir deux maternités selon le modèle liménien, l’une à Quito (Équateur) et l’autre à La Paz (Bolivie).

  • 57 Costa Ardúz 2005 : 528.
  • 58 Quiroz-Pérez 2012.
  • 59 Faure 2005.

27En raison de problèmes de santé, Benoîte Pauline Fessel doit quitter de manière définitive le Pérou en 1836. Ce qu’elle laisse est loin d’être négligeable. Sa forte personnalité, sa capacité professionnelle et son expérience sont de plus en plus reconnues au Pérou et dans les pays limitrophes. Ainsi, en 1836, le général Santa Cruz, président du Haut-Pérou, est au courant de l’œuvre accomplie par Madame Fessel à Lima57. Il se charge lui-même d’organiser le recrutement de Juana Reyes, formée à la maternité de Lima. Les historiens de la médecine péruvienne – eux-mêmes souvent médecins et plus intéressés par le rôle joué par leurs confrères dans l’histoire – réservent dans leurs ouvrages un développement à l’œuvre de la sage-femme française. Seules deux femmes du xixe siècle ont mérité cet honneur : Madame Fessel et Laura Rodríguez Dulanto, première femme médecin du Pérou. Par ailleurs, la maternité de Lima, se perpétue et s’inscrit comme la principale institution obstétricale péruvienne. L’héritage de Benoîte Pauline Fessel réside également dans la constitution d’une nouvelle profession, celle des sages-femmes diplômées. Ces femmes se distinguent par exemple des sages-femmes espagnoles et nord-américaines. Alors que dans ces espaces, les sages-femmes sont rapidement placées dans une position nettement subordonnée par rapport aux médecins, les obstetrices péruviennes parviennent à conquérir une certaine autonomie58. Comme dans le cas français étudié par Olivier Faure, l’histoire des sages-femmes péruviennes montre que le premier xixe siècle n’est pas de façon univoque un moment de mise au pas des accoucheuses diplômées59. Ces dernières trouvent dans cette profession un moyen de s’émanciper et d’agir dans la polis, notamment dans les espaces périurbains et ruraux. Cette importance est perceptible dans les régions andines et amazoniennes péruviennes jusqu’à nos jours.

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Bibliographie

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Notes

1 Depuis la fin des années 1990, cette histoire est d’une grande vitalité à l’échelle de tout l’ensemble régional comme le montrent les publications récentes : Garrido González 1997 ; Andreo García 2002 ; Morant Deusa 2005-2008.

2 Thébaud 2004 : 58.

3 Gélis 1984, 1988 ; Knibiehler 1980, 2007 ; Thébaud 2005.

4 Cet article porte sur l’histoire de la maternité péruvienne en milieu urbain, espace pour lequel nous disposons de sources. Car pour le monde indien du xixe siècle, nous manquons cruellement de documentation. Dans les espaces andins et amazoniens, la séparation des sexes au moment de l’accouchement est peut-être moins marquée, ne serait-ce qu’en raison de l’importance que les guérisseurs et les chamanes ont dans certaines contrées, et ceci jusqu’à nos jours, mais nous n’avons pas de sources qui nous permettent de l’affirmer. En milieu urbain et à Lima plus particulièrement, les sources ne font allusion qu’à des matrones et des guérisseuses.

5 Lanning 1985 : 95.

6 Basadre 1963 : 513.

7 Le thème de la dépopulation est présent dans beaucoup d’États – y compris la France – à la même époque. Mais le problème se pose avec plus d’acuité dans le cas d’un nouvel État comme le Pérou. À cette époque la France compte plus de 30 millions d’habitants, l’Espagne plus de 11 et le Mexique près de 8.

8 Cette évolution est celle qui est le plus étudiée dans l’aire hispanique : Ortiz Gómez 1992 ; Carrillo 1999 ; Diaz Robles & Oropeza Sandoval 2007 ; Restrepo 2006 ; Zárate 2007 ; Quiroz-Pérez 2012.

9 Morales Suárez 2009 : 271-277.

10 Nari 2004 : 121-122.

11 Les armées du général San Martín libèrent le Pérou en 1821. Mais les royalistes conservent un bastion loyaliste et les guerres se poursuivent jusqu’en décembre 1824. Celles-ci s’achèvent par l’instauration définitive de la République.

12 Cadeau-Fessel 1825, 1827a, 1827b, 1830a et 1830b.

13 Il s’agit essentiellement de la correspondance administrative émanant du ministère de la Justice, Bienfaisance et Instruction en lien avec la fondation de la maternité.

14 Walzer Leavitt 1986.

15 Gélis 1988 : 490.

16 Beauvalet-Boutouyrie 1999.

17 Cadeau-Fessel 1825 : II.

18 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 112.

19 Cadeau-Fessel 1825 : I.

20 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 127.

21 Son ouvrage Consejos a las mujeres encinta (op. cit.) s’achève par un hommage à Marie-Louise Lachapelle : « Lorsque je me souviens d’une femme aussi digne, laquelle guida tout particulièrement mes études dans l’art obstétrique, modèle de bienfaisance et dont la modestie n’est égalée que par sa science, je ne peux retenir mes larmes de tristesse et de gratitude ».

22 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 129.

23 Cadeau-Fessel 1825.

24 Cárdenas Castillo 2010.

25 Hipólito Unanue a en effet publié de nombreux articles sur ces sujets dans le Mercurio Peruano (1790-1795) ainsi que dans ses Observations sur le climat de Lima (Observaciones sobre el clima de Lima) de 1806.

26 Le Tribunal du Protomedicato est l’héritier du Real Tribunal du Protomedicato, créé en Espagne au xve siècle et étendu aux colonies. En Amérique, seules les deux capitales des plus anciennes vice-royautés, Mexico et Lima, ont obtenu le droit de créer une corporation de ce type. Au Pérou, elle subsiste jusqu’au milieu du xixe siècle.

27 Décret du 10 octobre 1826 disponible dans « Archivo digital de la legislación en el Perú » (www.congreso.gob.pe, consulté le 15/04/11).

28 « Expediente de Mme Benita Paulina Cadeau de Fessel seguido en 1836 sobre la venta de sus bienes y libros, antes de marcharse a Francia » reproduit dans Rabi Chara 2004 : 38.

29 Cadeau-Fessel 1826.

30 Ibid.

31 Rabí Chara 2004 : 45.

32 À titre de comparaison, le salaire annuel d’un ministre est de 5 500 pesos, celui d’un magistrat est de 4 000 pesos, celui d’un employé ministériel de 1 000 pesos et celui d’un concierge de 400 pesos. Dans sa Reflexión sobre la organización de la Maternidad o Escuela de Partos en Lima (Cadeau-Fessel 1827 : 101), Madame Fessel compare le salaire de la sage-femme en chef de la maternité de Paris et le sien, bien plus modeste.

33 Carrasco 1826.

34 Rabí Chara 2004 : 49.

35 Cadeau-Fessel 1830b : V.

36 Cadeau-Fessel 1830b : 5.

37 Cadeau-Fessel 1830b : V.

38 Roussel 1803 : 217.

39 Ortiz Gómez 1992 ; Marland 1993 ; Rattner Gelbart 1998.

40 L’usage de ce terme s’est perpétué dans le lexique péruvien et le mot apparaît aujourd’hui encore comme un régionalisme (américanisme) dans le vocabulaire espagnol contemporain.

41 Cadeau-Fessel 1827a : « Prólogo ».

42 Il s’agit là d’un autre trait spécifique de la formation des sages-femmes péruviennes. Partout ailleurs, à Paris comme à Madrid ou à Mexico, les études des sages-femmes se font en deux ou trois ans, contre quatre au Pérou.

43 Il ne s’agit pas là d’une demande trop exigeante. Les élites péruviennes éprouvent un grand attachement pour le français. Les hommes politiques, les juristes mais aussi les médecins sont quasiment tous bilingues. On constate d’ailleurs un développement très important de l’apprentissage du français et de l’anglais au xixe siècle au détriment de celui du latin, langue du savoir durant la période coloniale. Voir Lissell Quiroz-Pérez, « L’Université de Lima à la fin du xviiie siècle », mémoire de maîtrise sous la direction de François-Xavier Guerra, Université de Paris I, 1996.

44 Archivo de la Beneficencia de Lima 1836.

45 Beauvalet-Boutouyrie 1999 : 163.

46 Archivo de la Beneficencia de Lima 1836.

47 Nous avons accès à ces critiques principalement à travers la presse médicale dans les articles consacrés à la maternité de Lima.

48 Cadeau-Fessel 1826.

49 Cadeau-Fessel 1830b : 5.

50 Cadeau-Fessel 1830b : 43-44.

51 Lebrun 1995.

52 Cadeau-Fessel 1830b : IV-V.

53 Cadeau-Fessel 1830b : 91.

54 Cadeau-Fessel 1830a : 23.

55 Cadeau-Fessel 1827b.

56 Ibid.

57 Costa Ardúz 2005 : 528.

58 Quiroz-Pérez 2012.

59 Faure 2005.

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Pour citer cet article

Référence papier

Lissell Quiroz-Pérez, « Benoîte Cadeau-Fessel et la naissance de la profession de sage-femme »Clio, 40 | 2014, 225-247.

Référence électronique

Lissell Quiroz-Pérez, « Benoîte Cadeau-Fessel et la naissance de la profession de sage-femme »Clio [En ligne], 40 | 2014, mis en ligne le 26 novembre 2017, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/12169 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.12169

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Auteur

Lissell Quiroz-Pérez

Maîtresse de conférences en civilisation latino-américaine à l’université de Rouen. Sa thèse d’histoire, soutenue en 2009 a pour titre : « Du service du Roi au service de la République. Haute magistrature et construction de l’État au Pérou (1810-1870) ». Ses travaux portent sur l’histoire de la justice, de la santé, des femmes et de la maternité dans le Pérou contemporain (xixe-xxe siècle).
lissell.quiroz-perez@univ-rouen.fr

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