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Le Tribunal international des femmes de Tokyo en 2000. Une réponse féministe au révisionnisme ?

The Women’s International War Crimes Tribunal (Tokyo, 2000): a feminist answer to historical revisionism?
Christine Lévy
p. 129-150

Résumés

L’article examine les conditions qui ont permis la tenue du Tribunal international des femmes de Tokyo pour juger du système de l’esclavage sexuel institué par l’armée impériale japonaise pendant la guerre d’Asie-Pacifique (1937-1945). Il considère qu’il a été à la fois une réponse aux besoins des victimes et au révisionnisme ambiant sur les questions des violences commises pendant la guerre d’Asie-Pacifique et jugées lors du procès militaire de Tokyo en 1946-1948. Moment important pour la reconnaissance et la condamnation des violences exercées à l’encontre des femmes en temps de guerre et lors des conflits armés, il est à la fois l’aboutissement de nouveaux paradigmes en histoire des femmes et histoire orale, et le point de départ pour un soutien actif aux femmes victimes de violence.

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Texte intégral

  • 1 The Women’s International War Crimes Tribunal for the Trial of Japan’s Military Sexual Slavery, Nih (...)
  • 2 vaww-net 2002.
  • 3 http://vawwrac.org/?page_id=213 (consulté le 24 juin 2013).
  • 4 La création de la Cour pénale internationale fut entérinée avec le vote du Statut de Rome lors de l (...)

1Du 8 au 12 décembre 2000, pendant quatre jours se tint à Tokyo, le Tribunal international des femmes sur les crimes de guerre et l’esclavage sexuel de l’armée japonaise (infra Tribunal international des femmes)1. Le réseau vaww-net (Violence Against Women in War Network)2, le principal initiateur3, s’était constitué à la suite d’une conférence internationale à Tokyo, en 1997. Celle-ci avait réuni une quarantaine de militantes de vingt pays différents pour débattre des atrocités commises contre les femmes dans les conflits armés, faisant écho à la sensibilisation de l’opinion internationale à ce type de crimes, suite aux événements de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda4. Ce procès fut le point d’orgue d’une décennie de prise de paroles des anciennes femmes de réconfort.

Pourquoi un nouveau procès à Tokyo ?

Des violences sexuelles passées sous silence

  • 5 L’historien Yoshimi Yoshiaki a fait état des archives qui attestent ces premières installations en (...)
  • 6 Le terme ianfu est un euphémisme qui désigne les femmes contraintes au « service sexuel » dans les (...)
  • 7 Gyokusai (« joyau pulvérisé ») : utilisé par le Conseil suprême de la Guerre pour parler de l’anéan (...)
  • 8 Parfois, des ianfu japonaises conseillèrent aux Coréennes de se rendre (Senda 1973 : 133), pensant (...)

2Dès 1932, et de façon systématique à partir de 19385, le Japon a organisé des « maisons de réconfort » en déportant de divers pays asiatiques des jeunes femmes dont une majorité de Coréennes, dans les bordels militaires de campagne des territoires occupés. Désignées sous l’euphémisme de « femmes de réconfort » (ianfu)6, le nombre de ces jeunes filles et femmes conduites dans les zones de guerre par mensonge, tromperie, violence ou contrainte, au fur et à mesure de l’extension du conflit, a augmenté, et ce, jusqu’à la défaite du Japon. En cas d’évacuation de l’armée, ces femmes étaient abandonnées, mais il arrivait aussi qu’elles soient assassinées dans le cadre de « suicides collectifs » – gyokusai7 – qui marquèrent la période de fin de guerre comme à Saipan8.

  • 9 Un article publié dans l’Asahi shinbun daté du 13 octobre 2013, révèle que le ministère des Affaire (...)

3Or, bien que les faits aient été connus au moment du procès de Tokyo (Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient – TMIEO – qui se tint du 3 mai 1946 au 4 novembre 1948), l’affaire fut largement passée sous silence, les violences sexuelles envers les femmes n’étant pas reconnues comme des crimes de guerre en tant que tels. Sur le plan international, si l’article 46 des « Lois et coutumes de la guerre sur terre » (droit de La Haye, 1907) permettait de condamner le viol, c’était au nom de l’atteinte portée à l’honneur de la famille. À l’époque, les procureurs des Pays-Bas, de la Chine et de la France, avaient alors fourni des preuves écrites des violences infligées aux « femmes de réconfort » en Indonésie, au Timor oriental, en Chine et en Indochine. Ces violences commises avaient aussi été condamnées lors des procès des criminels de guerre de classe B et C en Chine et à Guam, à Saigon, etc. Mais seul le sort des femmes des pays alliés avait été pris en compte. Pendant près de cinquante ans, les femmes des pays d’Asie furent condamnées au silence dans leurs pays d’origine, et continuent de l’être à ce jour comme en Indonésie9 ou en Malaisie où seule une femme s’est manifestée comme ancienne ianfu. Les traités bilatéraux entre la Corée et le Japon signés en 1965 passent complètement sous silence leur existence.

  • 10 Dirigée par le général Chun Doo-hwan (1931- ) à la suite de la dictature du président Park Chung-he (...)

4Comment au Japon même, cette expérience vécue par des millions de soldats fut-elle ignorée pendant si longtemps ? Mythifiée à travers certaines représentations littéraires ou cinématographiques, c’est seulement à partir du début des années 1970, que son ampleur et son horreur sont révélées, avec la publication de l’essai de Senda Kakô, journaliste d’investigation. Il est le premier à avoir introduit le terme de jûgun-ianfu (femme de réconfort au service de l’armée), en 1973. Son enquête menée en Corée après la reprise des relations diplomatiques entre le Japon et la Corée, devint un best-seller. Il servit de base à de nombreux écrits publiés ultérieurement sur cette question, en japonais ou en anglais, il fut traduit également en coréen. Mais en Corée même, il a fallu attendre le mouvement de démocratisation des années 1980 pour que les historiens coréens s’y intéressent. Militante des droits des femmes, l’historienne Yun Jeong-ok joua un rôle pionnier en publiant son enquête en janvier 1990 dans le journal Hankyoreh, créé en 1987 par des journalistes d’opposition réprimés sous la dictature militaire10.

Sortir de l’oubli : une décennie de révélations, de revendications et de controverses

5Si l’existence des femmes de réconfort n’était pas totalement ignorée par les historiens, c’est seulement à partir des années 1990 que leur histoire occupe une place particulière dans les débats politiques et idéologiques au Japon.

  • 11 En les noyant dans cette appellation générale qui peut donc inclure des femmes qui ont travaillé en (...)
  • 12 The Korean Council for the Women Drafted for Military Sexual Slavery by Japan. En coréen et en japo (...)
  • 13 Ces 7 revendications étaient :
    La reconnaissance du caractère forcé du recrutement des ianfu.
    Des ex (...)

6En mai 1990, à l’occasion de la visite du président coréen au Japon, les organisations de femmes coréennes exigèrent réparation pour les femmes enrôlées dans les « corps de volontaires féminins », les teishintai, euphémisme en Corée du Sud et du Nord, pour désigner les ianfu11. Le 6 juin 1990, la réponse niant toute responsabilité directe de l’armée d’un membre du gouvernement japonais à la question du sénateur socialiste Motooka Shôji, souleva la colère en Corée du Sud et entraîna de vives réactions au Japon. Face au gouvernement japonais qui affirmait que ces femmes n’avaient été recrutées que par des hommes d’affaires privés, trente-sept groupes féministes coréens formèrent le Conseil coréen des anciennes déportées pour l’esclavage sexuelle de l’armée japonaise12 et présentèrent leurs sept revendications dans une lettre adressée au gouvernement japonais13. Kim Hak-sun (1924-1997) fut la première à venir témoigner à Tokyo même, en 1991, devant une salle comble remplie de journalistes. Elle intenta un procès contre l’État japonais, dans le cadre d’une action collective avec d’anciens déportés de travail au Japon.

  • 14 Parti au pouvoir depuis 1955.
  • 15 Josei no tameno ajia heiwa kokumin kikin en japonais.

7Pour les soutenir, l’opposition japonaise se mobilisa en exigeant la création d’une commission d’enquête gouvernementale. La visite en Corée du Sud du Premier ministre Miyazawa en 1992 se fit dans cette atmosphère tendue. Le chef du gouvernement japonais exprima ses regrets et promit à l’issue de cette visite de créer une commission d’enquête. Ses conclusions sont résumées en 1993 dans la déclaration Kôno, alors secrétaire général du cabinet du Premier ministre, et membre du parti libéral-démocrate (PLD)14. Cette déclaration qui reconnaît l’implication directe ou indirecte de l’armée impériale japonaise « dans l’établissement, la gestion, le transport des femmes de réconfort » ainsi que le caractère forcé de leur recrutement, fut considérée comme un événement historique. En 1995, dans le cadre d’un Plan d’échanges pour la paix et l’amitié, lors du 50e anniversaire de la fin de la guerre, la création d’un fonds de compensation semi-privé, connu sous le nom de Asian Women’s Funds (infra Fonds pour les femmes asiatiques)15, fut annoncée, dans un climat tendu, à l’initiative de Murayama Tomiichi, Premier ministre socialiste du gouvernement de coalition de la première et brève période d’alternance politique depuis 1948. Ce fonds fut critiqué par le Conseil des anciennes femmes de réconfort de Corée pour son caractère semi privé. L’appel lancé à la générosité du public, la gestion par des bénévoles constituaient à leurs yeux une opération de charité alors qu’elles exigeaient une réparation officielle de la part du gouvernement.

  • 16 Ancien militaire, il fut démis de ses fonctions au bout de 11 jours pour ses déclarations révisionn (...)
  • 17 Hata 1999.
  • 18 Yoshimi 1992.
  • 19 Nanta 2001.

8De l’autre côté, la droite du PLD se mobilisait activement contre cette reconnaissance de l’implication de l’armée japonaise. Certains membres du gouvernement japonais affirmèrent dès 1994, que les ianfu s’étaient prostituées volontairement : avec le retour à la tête du courant le plus droitier du parti libéral-démocrate (PLD), la « déclaration Kôno » fut critiquée pour avoir été trop loin ; les propos du ministre de la Justice, Nagano Shigeto16, en 1994, était une expression de ce recul et le point de départ d’une offensive révisionniste qui n’a cessé de s’organiser depuis pour nier la véracité de leurs témoignages. Elle se manifeste d’une part dans une campagne d’insultes à l’égard des anciennes ianfu à travers la toile et des manga, et d’autre part par des travaux d’historiens proches des hommes politiques de droite ou d’extrême-droite, comme ceux de l’historien Hata Ikuhiko17 qui s’oppose notamment aux conclusions de Yoshimi Yoshiaki18, professeur à l’Université Chûô19. De façon constante depuis plus de deux décennies, la droite et l’extrême-droite répètent à l’envi qu’il n’existe aucune preuve de coercition exercée à l’encontre de ces femmes, comme le fait régulièrement Abe Shinzô, Premier ministre revenu au pouvoir depuis les élections de décembre 2012. Les tenants des courants révisionnistes sur l’histoire de la guerre sino-japonaise de quinze ans (1931-1945) et d’Asie-Pacifique (1937-1945) se mobilisent contre l’approche féministe de l’histoire en remettant en cause la validité des témoignages des anciennes ianfu, par une campagne de calomnies systématiques contre celles-ci. Ces polémiques qui portent sur l’interprétation de l’histoire sont étroitement liées à l’antagonisme entre les forces qui œuvrent pour la transformation du Japon en un pays « normal », c’est-à-dire armé, débarrassé de l’article 9 de la Constitution de 1946, qui proclame la renonciation perpétuelle à la guerre, et celles qui, fidèles à un pacifisme de l’après-guerre veulent faire prévaloir leur point de vue et résister à leur marginalisation.

Convergence des critiques nationales et internationales

  • 20 Elle a été nommée Secrétaire générale adjointe, Représentante spéciale pour les enfants et les conf (...)
  • 21 De nombreux spécialistes sont critiques quant au contenu de ce rapport, basé sur l’ouvrage de Georg (...)
  • 22 http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/0/3d25270b5fa3ea998025665f0032f220
  • 23 Ce rapport fut également l’objet de critiques : en particulier, la référence (inexacte) à une décla (...)
  • 24 C’est un tribunal d’opinion fondé par Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre en novembre 1966 suite à (...)

9Deux mouvements convergent, l’un pacifiste, l’autre féministe dans la dénonciation internationale des violences faites aux femmes. Les étapes les plus significatives du soutien de la communauté internationale à cette cause sont les rapports successifs produits par diverses commissions de l’ONU. Le premier d’entre eux est présenté en 1993, par Theo Van Boven, rapporteur spécial de la sous-commission de l’ONU sur la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités. Il y emploie pour la première fois l’expression d’« esclaves sexuelles » à propos du système mis en place par l’armée impériale japonaise (ONU, E/CN.4/Sub.2/1993/8). Puis, la Conférence mondiale sur les droits de l’homme à Vienne, en 1993, reconnaît que les violations des droits fondamentaux des femmes dans les situations de conflit armé enfreignent les principes fondateurs des droits de la personne humaine. En 1995, le plan d’action adopté lors de la Conférence mondiale de Pékin sur les femmes spécifie que les violences faites aux femmes dans les conflits armés constituent des crimes de guerre, et exhorte les pays concernés à mener des enquêtes complètes, à indemniser les victimes, à leur présenter des excuses dignes de ce nom, et à poursuivre les criminels en justice. En 1996, Coomaraswamy20 (E/CN.4/1996/53/Add.1) rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes, inclut dans son rapport des recommandations adressées au gouvernement japonais pour qu’il apporte satisfaction aux revendications des femmes de réconfort21. En 1998, Gay J. McDougall22, rapporteuse spéciale d’un groupe de travail sur les viols systématiques et l’esclavage sexuel relevant du « Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes et la protection des minorités » de la Commission des droits humains de l’ONU23, souligne la nécessité de rompre le cercle vicieux généré par l’absence de répression des violences sexuelles commises en temps de guerre. Ces différents rapports apportent une caution internationale à la mobilisation engagée autour des survivantes coréennes par les organisations féministes coréennes et japonaises. Mais au Japon même, leurs actions en justice se soldent par des échecs répétés, d’où la naissance du projet de tenir un Tribunal international d’opinion, sur le modèle du tribunal Russell24.

Le Tribunal international des femmes et ses objectifs

  • 25 Ses initiatrices sont la représentante du Conseil coréen des anciennes femmes de réconfort, Yun Chu (...)

10Le 8 décembre 2000, 1 300 personnes assistèrent à l’ouverture du procès dans la salle principale du Kudan-kaikan à Tokyo, un grand bâtiment au corps occidental et au toit de style sino-japonais, dessiné par l’architecte Kawamoto Ryôichi en 1934. Ce tribunal ne relève ni de l’ordre judiciaire d’un ou de plusieurs États, ni d’une organisation internationale, mais est un tribunal d’opinion créé par la volonté militante de ses initiateurs25 de révéler la vérité au grand jour et de rappeler les règles de droit international applicables à des événements qui interpellent l’opinion publique. Le rôle du Tribunal a été de faire entendre les voix des anciennes femmes de réconfort. La brièveté de sa tenue – rappelons que le Tribunal militaire international de Tokyo a duré 28 mois – montre qu’il s’est agi avant tout de créer un événement médiatique.

La charte, les procureurs et les juges

  • 26 Actuellement président de la Cour suprême du Kenya.

11La Charte du « Tribunal international des femmes » fut élaborée par le Comité international d’organisation (voir infra) et approuvé par les juges choisis par les organisateurs en fonction de leur notoriété internationale pour leur implication dans la lutte contre les violences faites aux femmes : Gabrielle Kirk McDonald, ancienne présidente du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Carmen Argibay, membre de la Cour Suprême d’Argentine et présidente de l’association internationale des femmes juges, Christine Chinkin, professeure de droit international à Londres, membre de nombreuses missions d’observation de l’ONU, et de Willy Mutunga26, président du barreau kenyan, et de la Commission des droits de l’homme du Kenya.

  • 27 « Annexe 2 – Charter of The Women’s International War Crimes Tribunal On Japan’s Military Sexual Sl (...)

12La Charte27 établit la juridiction du tribunal pour juger des crimes contre l’humanité qui comprennent les crimes sexuels. Elle donne pour obligation de déterminer la culpabilité ou non des accusés sur la base des preuves apportées, mais l’article 14 de la Charte précise qu’il est possible de déclarer l’indétermination du fait de la destruction massive des documents à la défaite. De fait, c’est la responsabilité de l’empereur qui occupe la place centrale de ce procès. L’empereur est accusé d’avoir permis la perpétuation du système de l’esclavage sexuel par son silence.

  • 28 Les pays représentés étaient au nombre de dix : le Japon, la Corée du Sud, la Corée du Nord, les Ph (...)
  • 29 Elle fut conseiller légal du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Tribunal péna (...)

13Les groupes des procureurs des différents pays asiatiques28, sont composés de spécialistes de la question des violences commises à l’égard des femmes, ou de représentants impliqués dans la défense des femmes de réconfort. Ils étaient représentés par les procureures en chef Patricia Viseur Sellers29 et Usitinia Dolgopol. Dans leurs réquisitoires, celles-ci demandent à ce que le jugement soit rendu en application des lois en vigueur à l’époque. Elles énumèrent les lois internationales de l’époque que le gouvernement et l’armée japonais avaient transgressées. Elles insistent sur le fait que le déni et le silence du gouvernement japonais perpétuent cette violation des lois internationales. Patricia Viseur Sellers termine son réquisitoire en soulignant que le Fonds pour les femmes asiatiques ne constitue pas une réponse appropriée de la part du gouvernement japonais, et qu’elle attend de la Cour des recommandations pour des réparations justes et satisfaisantes pour les victimes.

  • 30 Le TPIY a condamné trois serbes militaires pour avoir utilisé le viol comme arme de terreur et comm (...)

14Le Comité d’organisation avait tenu à rassembler des personnalités des cinq continents à travers ce procès. En sollicitant des professionnelles de haut niveau de la justice internationale, il montrait qu’il voulait faire de ce procès non seulement une tribune pour dénoncer des crimes sexuels, mais aussi en faire une étape pour l’adoption de lois internationales pour condamner les violences faites aux femmes en temps de guerre. Rappelons que le premier jugement à qualifier le viol comme crime contre l’humanité fut celui prononcé par le Tribunal pénal international pour la Yougoslavie en 200130, dans le cadre du procès Foca.

  • 31 Notion de droit interne anglo-américain désignant la faculté attribuée à une personnalité ou à un o (...)

15Trois Amicus curiae31, trois avocats venaient pallier l’absence de tout représentant du gouvernement japonais qui avait ignoré l’invitation du Tribunal, afin d’exposer préalablement les arguments pour la défense.

Les témoins

  • 32 Il faut noter que beaucoup de faux témoignages ont été avancés, sans qu’ils fassent l’objet de sanc (...)
  • 33 Cinq juges (Inde, France, Hollande, Australie et des Philippines) furent en désaccord sur la senten (...)

16Le but du Tribunal était de placer les victimes au centre du dispositif, en réponse au courant révisionniste qui reprenait les divers arguments avancés par la défense pendant le procès de Tokyo de 1946-194832, ainsi que le jugement séparé du juge indien Radhabinod Pal pour qui le véritable tort du Japon aurait consisté non dans les crimes de guerre, mais dans le fait de s’être attaqué aux colonies des puissances occidentales33. Tout en se référant aux nouveaux paradigmes de l’historiographie postcoloniale, le Tribunal tenait à réaffirmer les principes des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, rejetant tout amalgame éventuel entre ses critiques contre le colonialisme et celles des courants révisionnistes qui affirmaient que le Japon avait voulu libérer les colonies du continent asiatique du joug des impérialismes occidentaux. Par ailleurs, les militants et avocats qui s’étaient engagés dans cette cause, voyaient aussi une occasion de montrer que même le droit international avait reproduit dans son fonctionnement certaines valeurs politiques liées à l’européocentrisme, à la domination masculine, ignorant totalement les femmes autochtones réduites à l’esclavage. Donner une portée internationale à leur dénonciation fut une véritable catharsis proposée aux victimes.

  • 34 Voi Ajia 1997.

17Les moments forts du Tribunal furent en effet les témoignages de ces femmes34. Trente-cinq des soixante-quatre plaignantes représentant huit pays, ont pu prendre part au procès pour témoigner. Des projections vidéo permettaient de pallier l’absence de celles qui ne pouvaient pas se déplacer. Toutes témoignèrent en leur nom propre. L’une d’entre elles, une Chinoise, Wan Ai-hua, qui avait 14 ans au moment des faits, et dont les séquelles physiques étaient particulièrement graves, fut littéralement terrassée par ses souvenirs, et dut être hospitalisée (témoignage relaté aux §s 168-169). Les récits se succédèrent pour raconter les mois et les mois, voire les années et les années de calvaires qui avaient suivi un viol commis alors qu’elles étaient pour certaines encore impubères, sous la menace des armes, devant la famille ou après le meurtre de membres de la famille. Marta Abu Bere du Timor, emmenée avec une amie aussi jeune qu’elle, devait travailler le jour au service des soldats, et le soir supporter les viols répétés. Les tentatives de résistance étaient très durement réprimées. Song Shin-do (1922- ) fut tatouée d’un prénom japonais (Kaneko) au bras gauche, et garda de nombreuses séquelles : perte de l’ouïe (oreille gauche), cicatrices de coups de sabre à la cuisse et au bas-ventre ; après un calvaire de plus de sept années, transbordée d’une « station de réconfort » à une autre, elle avait perdu toute confiance en l’être humain. Elle eut le sentiment d’avoir retrouvé un peu de sa dignité humaine en entamant un procès, en se faisant entendre, en partageant avec d’autres personnes ses souffrances. Maria Rosa Luna Henson (1927- ) fut enfermée pendant neuf mois dans un des cagibis du centre d’abattage, où elle devait recevoir, de deux heures de l’après-midi à dix heures du soir, une file ininterrompue de soldats. Accusée d’avoir prévenu des villageois d’une offensive de l’armée japonaise, elle fut torturée, et finalement sauvée in extremis par des membres de la guérilla philippine.

18À côté de ces témoignages poignants et bouleversants, la Cour entendit des historiens, des psychologues et des avocats ayant défendu les victimes dans les procès de la décennie 1990. Le tribunal donna la parole à deux anciens soldats, Kaneko Yasuji (1920- ) et Suzuki Yoshio (1920- ), d’anciens prisonniers revenus au Japon en 1956, et membres de l’Association des rapatriés de Chine (Chûkiren)35 créée en 1957. Le premier recueil de témoignages rappelant les crimes de guerre commis en Chine, publié par cette association en 195736, avait été vivement attaqué par les associations d’anciens combattants. Leurs témoignages furent dès lors mal accueillis par l’opinion publique qui y voyait la main de la propagande communiste. Mais les enquêtes menées dans le Shanxi dans les décennies 1990 et 2000, qui révèlent combien les viols collectifs furent nombreux en Chine37 ne font que corroborer leurs témoignages. Leurs dépositions au procès réfutaient l’argument légitimant la réquisition de femmes comme un moyen de prévention des viols. Ils insistèrent sur le fait que cette politique n’avait pas supprimé les viols collectifs. Ils expliquèrent que le règlement officiel punissait les viols, mais ceux-ci étaient tolérés, voire parfois encouragés pour démoraliser et humilier l’ennemi38.

Le réquisitoire, les accusés et le jugement : l’enjeu de la figure de l’empereur

19Si le but explicite de ce tribunal est de rompre le silence et de dénoncer la « culture de l’impunité » (§ 9), il est organisé aussi en réponse à l’offensive révisionniste que nous avons présentée ci-dessus. Cette volonté explique la référence centrale du Tribunal international des femmes au Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient (explicité dans les §s 81 à 83), bien qu’il lui soit reproché de ne pas avoir jugé les crimes sexuels envers les femmes. En effet, le procès de Tokyo de 1946-1948, y est considéré comme l’acte fondateur d’un nouveau régime démocratique, au même titre que la nouvelle Constitution démocratique et pacifiste de 1946. Le Tribunal a voulu démontrer la responsabilité de l’armée et de l’État japonais, dans le même esprit que les procès de Nuremberg ou de Tokyo, en jugeant non des crimes provoqués par des individus dans les circonstances exceptionnelles engendrées par la guerre, mais en sanctionnant l’existence d’un crime organisé et systématique.

Qui sont les accusés ?

  • 39 Ancien gouverneur de Taiwan, arrêté à la défaite à Shanghai, il s’est suicidé en 1946.
  • 40 Condamné à perpétuité, il est libéré en 1955 sous le gouvernement Hatoyama.
  • 41 Condamné à mort et exécuté en 1948.
  • 42 Gouverneur général de Taiwan en 1937, arrêté comme criminel de guerre, il est relâché avant le proc (...)
  • 43 Condamné à mort et exécuté en 1948, responsable du massacre de Nankin.
  • 44 Commandant de l’armée japonaise de la Chine du Nord. Mort en prison en Malaisie.
  • 45 Général et homme politique, il fut Premier ministre de 1941 à 1944. Condamné et exécuté en décembre (...)
  • 46 Général condamné à perpétuité, il décède en prison.
  • 47 Bix 2000 ; Dower 1999.
  • 48 Par exemple, en 1990, le maire de Nagasaki, Hitoshi Motoshima, avait été la cible d’une attaque par (...)
  • 49 Thomann 2007 ; Nanta 2001.

20Les accusés sont l’empereur Hirohito (1901-1989), le général Andô Rikichi (1884-1946)39, Hata Shunroku (1879-1962)40, Itagaki Seishirô (1885)1948)41, Kobayashi Seizô (1877-1962)42, Matsui Iwane (1878-1948)43, Terauchi Hisauchi (1879-1946)44, Tôjô Hideki (1884-1948)45, Umezu Yoshijirô (1882-1949)46. Yamashita Tomoyuki, connu sous le nom de « Tigre de Malaisie », et exécuté en 1946 aux Philippines, est accusé pour sa responsabilité dans l’affaire des viols collectifs commis à Mapanique (Philippines). Tous les accusés sont des hommes condamnés en 1948, soit exécutés, soit décédés depuis, à l’exclusion de l’empereur, exonéré lors du procès à la défaite. Celui-ci, on le sait, fut épargné pour des raisons politiques, MacArthur ayant réussi à imposer son point de vue. En échange, il fut obtenu de l’empereur qu’il renonce à son statut divin par sa déclaration radiodiffusée au Japon le 1er janvier 1946. Pour rendre acceptable cette non inculpation de l’empereur, celui-ci fut présenté comme une autorité purement symbolique, tenu à l’écart des affaires du monde, sans aucun pouvoir de décision. Cela exigea une certaine coopération des accusés eux-mêmes, tout autant que la non-comparution des proches de l’empereur directement compromis47. Dans le Japon de l’après-guerre, la question eut tendance à devenir un tabou bien gardé par l’intimidation systématique de la part des activistes de l’extrême-droite48. Très paradoxalement, la fin de la guerre froide n’a pas ouvert la voie vers un consensus sur la question de la responsabilité japonaise de la guerre. À côté de certains signes d’apaisement, un nouveau révisionnisme, très populaire, illustré par un personnage comme Kobayashi Yoshinori49, auteur de mangas à succès, remettait en cause dans les mêmes termes que ses prédécesseurs le procès de Tokyo. L’enjeu du Tribunal international des femmes fut tout autant de réaffirmer les responsabilités politiques des accusés de 1948, dans les crimes liés à l’institution de l’esclavage sexuel et de viols, que de rappeler la responsabilité centrale de l’empereur, y compris sous cet aspect.

21La liste des accusés avait été établie par les procureurs des différents pays. Ainsi, si on note un absent notable parmi les principaux accusés, Okamura Yasuji50, considéré d’après les archives comme l’instigateur du système des maisons de réconfort51, celui-ci figure néanmoins dans une liste séparée d’accusés, établie par les procureurs chinois et coréens ; notons également qu’il est cité dans la description historique de la mise en place des maisons de réconfort (§142 à 200). On mesure combien ce Tribunal international des femmes de Tokyo se considère héritier à la fois du Tribunal militaire pour l’Extrême-Orient et de la critique émise par la gauche et l’extrême-gauche sur l’exemption de l’empereur. Le chef d’accusation comme le jugement rendu52 l’illustre.

Le jugement

22Le quatrième jour, le tribunal rendit le jugement. Celui-ci fut publié dans un texte final le 4 décembre 2001 à La Hague. L’empereur Hirohito fut jugé coupable de négligence criminelle selon l’alinéa 2 de l’article 3 de la Charte du Tribunal. Le général Matsui fut reconnu coupable de participation au système d’esclavage sexuel, selon l’alinéa 1 du même article 3. L’annonce de la culpabilité fut un moment de joie intense, de manifestations de grande satisfaction de la part de victimes et de tout l’auditoire.

23Le sentiment d’être reconnues par une communauté internationale représentait à la fois une catharsis et un soutien moral, un encouragement à poursuivre l’action. Ce tribunal rendit un jugement qui, certes, n’avait aucune force exécutoire, mais apportait une légitimité internationale aux revendications des anciennes femmes de réconfort. Signalons que pour les autres accusés, le Tribunal choisit, du fait de la destruction systématique des documents par l’armée japonaise à l’approche de la défaite, de ne pas se prononcer sur la question de la culpabilité, s’appuyant en cela sur le précédent du Tribunal militaire de Tokyo, qui ne statua pas sur le cas de deux accusés (note 9, p. 7 du rapport)53. L’état d’impunité du gouvernement japonais vis-à-vis des femmes de réconfort est imputé au Tribunal militaire de Tokyo, lequel a fait preuve de graves discriminations alors qu’il n’ignorait pas les faits (§ 4). Cependant, le principal accusé reste l’État japonais qui pendant plus d’un demi-siècle n’a rien fait et qui de plus ne se départit pas de son inaction malgré les demandes présentées depuis les années 1990.

Vers de nouvelles perspectives féministes ?

24La plus grande originalité de ce Tribunal international des femmes, dans le prolongement du mouvement de soutien aux femmes de réconfort qui s’est organisé depuis le début de la décennie 1990, reste la place accordée aux témoignages. Certes, les témoignages, d’autant plus fragiles qu’ils concernent des faits qui remontent à plus de cinquante ans, exigent d’être examinés avec prudence. La pression exercée sur les témoins par l’opinion publique et des organisations militantes s’est faite plus forte au fur et à mesure du développement du mouvement54. Mais la prise en compte de la parole des anciennes femmes de réconfort, sans être sacralisée, permet de mesurer à quel point l’histoire des femmes a provoqué une rupture épistémologique dans ce domaine. Depuis les années 1970, la rencontre sur le plan méthodologique entre l’histoire des femmes et l’histoire orale (les récits recueillis directement auprès de femmes), encore balbutiante à l’époque, avait conduit des féministes à découvrir l’existence d’anciennes femmes de réconfort, notamment à Okinawa. Ômori Noriko55, avocate, avait commencé ses entretiens dès 1977 avec une ancienne ianfu chinoise, Pae Pong gi, sur l’île d’Okinawa où les traces de 134 « maisons de réconfort » ont été identifiées à ce jour selon le Women’s Active Museum on War and Peace (WAM)56. Par la suite, elle fut à la tête du groupe des avocats dans les procès intentés par des Chinoises de la province du Shanxi où elle se rendit plus de vingt fois au cours des décennies 1990 et 2000 pour mener ses enquêtes sur l’esclavage sexuel.

  • 57 Le sanctuaire de Yasukuni a été construit en 1869 pour honorer les soldats morts au combat pour l’e (...)
  • 58 C’est seulement le 19 avril 1979 que le transfert des mânes des quatorze criminels de guerre de cat (...)
  • 59 Nanta 2001.

25Avec le massacre de Nankin, les visites répétées au sanctuaire de Yasukuni (en particulier pendant la période des gouvernements dirigés par Koizumi) où sont honorés non seulement les morts pour l’empereur depuis la Restauration de Meiji57 mais aussi les mânes des criminels de guerre exécutés en 1948, introduits officieusement par les responsables du sanctuaire58, la question des « femmes de réconfort » a constitué le dossier le plus épineux dans les relations diplomatiques du Japon, notamment avec la Corée du Sud et la Chine. Aujourd’hui, avec la question des îles frontalières de Senkaku/Diaoyu et de Tokushima/Dokto (Rochers Liancourt), la question des femmes de réconfort demeure une source de détérioration des relations entre la Corée du Sud et le Japon. Au Japon même, elle a constitué avec la question de la responsabilité de l’armée dans les suicides collectifs à Okinawa et le massacre de Nankin, le cœur des polémiques relatives aux manuels scolaires. Parmi toutes ces questions, celle des ianfu suscita les réactions les plus violentes de la part des courants conservateurs alliés aux courants négationnistes au Japon et joua un rôle important dans la constitution, en 1997, du « Comité pour la rédaction de nouveaux manuels d’histoire »59. Le Tribunal international des femmes a été une réponse à ces dénégations et a apporté une caution internationale au travail de mémoire entrepris par des militants pacifistes soucieux de défendre les victimes et les droits humains.

  • 60 Ueno 2010.

26Au-delà du rôle de catharsis pour les victimes, le tribunal a aussi permis de sensibiliser le public sur la question des violences faites aux femmes en général. Il a fait connaître les nouveaux paradigmes de l’histoire des femmes et l’analyse de différents faits historiques comme la question des liens entre prostitution et société patriarcale. La virulence des réactions fut un révélateur du mépris et des préjugés qui perdurent contre les femmes soumises à l’humiliation, et qui trahit la persistance dans les sociétés actuelles de la misogynie60. Au cours de la décennie 2000, une offensive antiféministe s’est cristallisée tout particulièrement sur la disqualification de ces anciennes femmes de réconfort. Cependant, comment expliquer que le mouvement de soutien aux anciennes femmes de réconfort suscite une méfiance de la part d’un public, en principe, bien moins empreint de préjugés à l’égard de la Corée et des Coréens que la génération précédente, comme l’ont illustré les succès rencontrés au Japon de la coupe du monde en Corée du Sud en 2002, ou de la série télévisée coréenne Sonate d’hiver (Gyeoul yeonga) diffusée au Japon en 2003-2004 ?

  • 61 Ueno 1998.

27Alors qu’en 1998, Ueno Chizuko publiait un livre61 annonçant la rupture radicale et historique du féminisme d’avec le nationalisme, quinze ans après, les associations féministes ont plus que jamais à cœur de poursuivre leur travail de solidarité avec les femmes des autres pays asiatiques. La rupture d’avec les nationalismes, quels qu’ils soient, est à la fois un point de départ et une perspective indispensable pour dépasser les antagonismes du passé mais aussi du présent. Si le Tribunal a dénoncé sans conteste le nationalisme au Japon, il a eu plus de mal à dépasser celui des autres nations, et en particulier de la Corée du Sud et du Nord.

  • 62 Ônuma 2007.
  • 63 Ônuma 2007 : 75.
  • 64 Yamashita 2011 : 220-222.

28Qu’est-ce qui fait obstacle à une solidarité effective et à un règlement satisfaisant de la question des femmes de réconfort ? Le jugement du Tribunal insistait sur l’insuffisance des déclarations Kôno et des excuses officielles données par la suite par le Premier ministre (§977 et §978). Le mot « owabi » fut considéré comme ambigu en regard de l’expression shazai qui permet de mieux exprimer le sens de culpabilité (§985 à 988). Cependant les critiques émises à l’encontre de ce Fonds pour les femmes asiatiques sont par certains côtés partiales62. Par exemple, dans le jugement final publié à La Haye en 2001, il n’est nulle part mentionné qu’un peu plus de la moitié des anciennes ianfu ont accepté les indemnités et la lettre d’excuses du Premier ministre du Japon d’alors, Hashimoto Ryûtarô (1937-2006). Le Fonds pour les femmes asiatiques fut mal accueilli en Corée certes, mais les résultats à son actif diffèrent d’un pays à l’autre. En Hollande, les 79 femmes qui se sont manifestées ont toutes accepté les indemnités de ce Fonds et ont pour beaucoup envoyé des lettres de gratitude et de reconnaissance en réponse à la lettre d’excuses du Premier ministre. Aux Philippines également elles furent assez nombreuses à accepter ces dédommagements avec la lettre. Au total, 364 femmes ont reçu ces compensations : en majorité des Philippines (environ 450 femmes se manifestèrent en 2000 lors d’une campagne d’information) et les Néerlandaises (79). En Corée du Sud, seules sept femmes sur 231 les acceptèrent, et une seule à Taiwan, non recensée officiellement63. En Corée du Sud, une campagne d’opinion et de collecte avait été menée à l’échelle nationale pour soutenir financièrement les anciennes ianfu. Le gouvernement coréen sous la présidence de Kim Dae-jung leur avait alloué une aide financière, à condition qu’elles n’aient pas touché les sommes proposées par le Fonds pour les femmes asiatiques, ce qui excluait onze femmes qui furent violemment stigmatisées comme des « traîtres » à la cause nationale64.

29Si l’État japonais est critiquable pour n’avoir pris aucune mesure permettant de surmonter la question de la prescription – existe-t-il une prescription à des crimes contre l’humanité ? – ce Fonds et ses initiateurs n’ont-t-ils pas cherché à y remédier dans ce contexte défavorable ? Ont-ils cherché à servir de caution à cette attitude condamnable de l’État japonais ou ont-ils cherché à faire avancer la cause des victimes ? Le bilan de ce Fonds reste encore à faire. Les quelques lignes d’affirmation générale du jugement rendu ne peuvent convaincre. De plus, alors que le Tribunal n’a cessé de réitérer la nécessité des réparations matérielles sur la base d’une reconnaissance juridique, il n’a permis aucun déblocage de ce point de vue, ses jugements restant un vœu pieux, parce que émanant d’un acte militant sans liens suffisants avec les forces locales capables de peser dans la balance des rapports de forces politiques et diplomatiques.

  • 65 Yamashita 2008 ; Soh 2008.
  • 66 Kim 2011 ; Suzuki 2006.

30Le mouvement de réhabilitation des anciennes femmes de réconfort est loin d’avoir épuisé et résolu les questions politiques et sociales qu’il soulève. Un travail de réflexion critique a commencé à être entrepris dans diverses directions, avec d’un côté l’approfondissement de la perspective féministe65, et de l’autre le refus de séparer la question du genre de celle du post-colonialisme66. Ces débats viennent enrichir un mouvement qui a eu pour but de rétablir la vérité historique, de restituer la dignité des victimes et de leur apporter justice. Le rôle essentiel de ce Tribunal fut de participer à la lutte contre les violences faites aux femmes en temps de guerre. La création du musée Women’s Active Museum on War and Peace en 2005, en est son résultat le plus substantiel. Mais si le Tribunal international des femmes a dessiné un cadre à l’émergence de la question du genre dans la mémoire de guerre, il n’a pas effacé la guerre des mémoires dans la région, et les conflits tant politiques que diplomatiques aujourd’hui, en 2013, en témoignent.

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Notes

1 The Women’s International War Crimes Tribunal for the Trial of Japan’s Military Sexual Slavery, Nihongun seidoreisei o sabaku josei kokusai senpan hôtei, plus connu sous le nom Josei kokusai senpan hôtei. Voir Nishino 2009 et

http://www1.jca.apc.org/vaww-net-japan/english/womenstribunal2000/basicpapers.html

2 vaww-net 2002.

3 http://vawwrac.org/?page_id=213 (consulté le 24 juin 2013).

4 La création de la Cour pénale internationale fut entérinée avec le vote du Statut de Rome lors de la conférence dans la même ville, en juillet 1998, par 60 pays : http://www.parl.gc.ca/content/lop/researchpublications/prb0211-f.htm#lestatut (consulté le 24 juin 2013).

5 L’historien Yoshimi Yoshiaki a fait état des archives qui attestent ces premières installations en 1932 et 1933 (Yoshimi 1995 : 14-21), mais montre que leur multiplication à grande échelle débuta en 1938 (Yoshimi 1995 : 34-35, 2000 : 58-59).

6 Le terme ianfu est un euphémisme qui désigne les femmes contraintes au « service sexuel » dans les centres appelés « maisons de réconfort » (ianjo), gérés directement ou indirectement par l’armée impériale japonaise. Le mot ianfu (wianbu en coréen et weianfu en chinois ou taïwanais) fut introduit par l’armée japonaise pour donner une apparence de légalité à cette pratique prostitutionnelle (Hayakawa 2005 : 17-28). Il n’apparaît dans les documents officiels de l’armée qu’à partir de 1938, alors que la première occurrence de ianjo (maison de réconfort) date de 1932 (Yoshimi 1992 : 90-92, 2000 : 43-45). Leur nombre, objet de controverses, est revu à la baisse par le chef de file des « révisionnistes », l’historien Hata (son estimation est passée de 90 000 en 1993 à 20 000 en 1999), alors que d’autres historiens, en particulier en Chine, l’ont considérablement revu à la hausse avançant le chiffre de 400 000 (Su 1999).

7 Gyokusai (« joyau pulvérisé ») : utilisé par le Conseil suprême de la Guerre pour parler de l’anéantissement de toutes les forces engagées sur un champ de bataille. Il n’a jamais existé d’ordre officiel de suicide, mais il était interdit à toute troupe engagée de se retirer ou de se rendre.

8 Parfois, des ianfu japonaises conseillèrent aux Coréennes de se rendre (Senda 1973 : 133), pensant que celles-ci pourraient être ainsi sauvées.

9 Un article publié dans l’Asahi shinbun daté du 13 octobre 2013, révèle que le ministère des Affaires étrangères du gouvernement japonais avait envoyé le 30 juillet 1993 une directive confidentielle aux ambassades japonaises en Indonésie, aux Philippines et en Malaisie, leur enjoignant de ne pas mener d’enquêtes auprès de la population sur la question des ianfu.

10 Dirigée par le général Chun Doo-hwan (1931- ) à la suite de la dictature du président Park Chung-hee (1917-1979) de 1961 à 1979.

11 En les noyant dans cette appellation générale qui peut donc inclure des femmes qui ont travaillé en usine uniquement comme celles qui ont été enrôlées dans l’esclavage sexuel.

12 The Korean Council for the Women Drafted for Military Sexual Slavery by Japan. En coréen et en japonais seul l’euphémisme teishintai figure dans le nom du Conseil.

13 Ces 7 revendications étaient :
La reconnaissance du caractère forcé du recrutement des ianfu.
Des excuses publiques et officielles émanant de l’État japonais.
De révéler au grand jour la barbarie des actes commis envers elles.
D’ériger en leur souvenir et honneur un monument de commémoration.
Le versement d’indemnités légalement reconnues aux victimes survivantes ou à leurs familles.
La transmission de ces faits aux générations à venir, à travers l’enseignement de l’histoire
La création d’un centre de documentation et d’archives historiques.

14 Parti au pouvoir depuis 1955.

15 Josei no tameno ajia heiwa kokumin kikin en japonais.

16 Ancien militaire, il fut démis de ses fonctions au bout de 11 jours pour ses déclarations révisionnistes sur le Massacre de Nankin au journal Mainichi.

17 Hata 1999.

18 Yoshimi 1992.

19 Nanta 2001.

20 Elle a été nommée Secrétaire générale adjointe, Représentante spéciale pour les enfants et les conflits armés par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, en avril 2006.

21 De nombreux spécialistes sont critiques quant au contenu de ce rapport, basé sur l’ouvrage de George Hicks (1996) truffé d’erreurs, et pour ses références inexactes (Ônuma 2007 : 149).

22 http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/0/3d25270b5fa3ea998025665f0032f220

23 Ce rapport fut également l’objet de critiques : en particulier, la référence (inexacte) à une déclaration d’un député Arafune Seijûrô (1907-1980) selon qui seules 25% des femmes de réconfort sur les 200 000 auraient survécu. Arafune (Arahune dans le rapport) se référait au traité qui ne mentionne nulle part l’existence de ianfu, mais fait état d’un million trente mille six cent quatre-vingt-quatre Coréens déportés de travail ou enrôlés dans l’armée, dont cent deux mille six cent trois personnes sont décédés (http://www.awf.or.jp/1/facts-07.html, consulté le 1/07/2013).

24 C’est un tribunal d’opinion fondé par Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre en novembre 1966 suite à la publication du livre de Russell, War Crimes in Vietnam.

25 Ses initiatrices sont la représentante du Conseil coréen des anciennes femmes de réconfort, Yun Chung Ok, Yayori Matsui, représentante du vaww-net Japan, et Indai Sajor, représentante du Asian Centre for Women’s Human Rights (ascent).

26 Actuellement président de la Cour suprême du Kenya.

27 « Annexe 2 – Charter of The Women’s International War Crimes Tribunal On Japan’s Military Sexual Slavery », Droit et cultures, 58 [http://droitcultures.revues.org/2189] (consulté le 28 juin 2013).

28 Les pays représentés étaient au nombre de dix : le Japon, la Corée du Sud, la Corée du Nord, les Philippines, l’Indonésie, le Timor oriental, la Malaisie, Taiwan, la Chine, la Hollande.

29 Elle fut conseiller légal du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international de guerre pour le Rwanda.

30 Le TPIY a condamné trois serbes militaires pour avoir utilisé le viol comme arme de terreur et comme un outil de purification ethnique http://www.viol-tactique-de-guerre.org/le-tribunal-penal-international,522.html (consulté le 20 juin 2013).

31 Notion de droit interne anglo-américain désignant la faculté attribuée à une personnalité ou à un organe non-partie à une procédure judiciaire de donner des informations de nature à éclairer le tribunal sur des questions de fait ou de droit. Aujourd’hui, cette notion est utilisée à la Cour européenne des droits de l’homme.

32 Il faut noter que beaucoup de faux témoignages ont été avancés, sans qu’ils fassent l’objet de sanctions (Akazawa 1989 : 45-46).

33 Cinq juges (Inde, France, Hollande, Australie et des Philippines) furent en désaccord sur la sentence finale, mais selon des points de vue opposés. Le représentant des Philippines considérait que les peines étaient trop légères et critiquait vivement le point de vue du juge indien. Le juge français estimait illogique que l’empereur soit exempté.

34 Voi Ajia 1997.

35 Cette association a publié à ce jour plus de 116 recueils ou livres de témoignages.

36 Collectif 1957.

37 Kasahara 1997 : 6. Voir la liste : http://www.ne.jp/asahi/tyuukiren/web-site/backnumber/06/kasahara_seihanzai.htm (consulté le 26 juin 2013).

38 Le §559 du jugement de 2001 fait aussi référence aux propos rapportés lors du Tribunal militaire de Tokyo, et selon lesquels on « conseillait » aux soldats de tuer les femmes après les viols « pour ne pas avoir d’histoire ».

39 Ancien gouverneur de Taiwan, arrêté à la défaite à Shanghai, il s’est suicidé en 1946.

40 Condamné à perpétuité, il est libéré en 1955 sous le gouvernement Hatoyama.

41 Condamné à mort et exécuté en 1948.

42 Gouverneur général de Taiwan en 1937, arrêté comme criminel de guerre, il est relâché avant le procès.

43 Condamné à mort et exécuté en 1948, responsable du massacre de Nankin.

44 Commandant de l’armée japonaise de la Chine du Nord. Mort en prison en Malaisie.

45 Général et homme politique, il fut Premier ministre de 1941 à 1944. Condamné et exécuté en décembre 1948.

46 Général condamné à perpétuité, il décède en prison.

47 Bix 2000 ; Dower 1999.

48 Par exemple, en 1990, le maire de Nagasaki, Hitoshi Motoshima, avait été la cible d’une attaque par un groupe d’extrême-droite pour ses propos sur la responsabilité de l’empereur Hirohito.

49 Thomann 2007 ; Nanta 2001.

50 Celui-ci échappa à l’arrestation au Japon grâce au général He Yingqin, ministre de la Guerre du gouvernement de Tchang Kaï-chek. He décida de le juger en Chine afin de lui épargner la comparution au Tribunal pour l’Extrême-Orient. Il fut jugé non coupable et put se charger du rapatriement au Japon d’un million de soldats et d’un million de civils japonais vivant en Chine.

51 Inaba 1970.

52 http://www.iccwomen.org/wigjdraft1/Archives/oldWCGJ/tokyo/judgmentannounce.htm

53 http://www1.jca.apc.org/vaww-net-japan/english/womenstribunal2000/Judgement.pdf

54 Soh 2008 : 79-106.

55 Ômori & Kawada 2010.

56 http://www.wam-peace.org/index.php/ianfu-mondai/qa

57 Le sanctuaire de Yasukuni a été construit en 1869 pour honorer les soldats morts au combat pour l’empereur lors des guerres civiles. Sur un total de près de 2 millions et demi de soldats, plus de 2 millions sont morts lors de la guerre Asie-Pacifique et en fait un symbole de la guerre Asie-Pacifique.

58 C’est seulement le 19 avril 1979 que le transfert des mânes des quatorze criminels de guerre de catégorie A, à commencer par Tôjô Hideki, fut révélé. Cette intégration réalisée dans le secret a choqué l’opinion publique à l’époque. Dans le livret diffusé par le sanctuaire Yasukuni, ces personnes sont présentées comme des « martyrs de l’ère Shôwa (1926-1989) ».

59 Nanta 2001.

60 Ueno 2010.

61 Ueno 1998.

62 Ônuma 2007.

63 Ônuma 2007 : 75.

64 Yamashita 2011 : 220-222.

65 Yamashita 2008 ; Soh 2008.

66 Kim 2011 ; Suzuki 2006.

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Pour citer cet article

Référence papier

Christine Lévy, « Le Tribunal international des femmes de Tokyo en 2000. Une réponse féministe au révisionnisme ? »Clio, 39 | 2014, 129-150.

Référence électronique

Christine Lévy, « Le Tribunal international des femmes de Tokyo en 2000. Une réponse féministe au révisionnisme ? »Clio [En ligne], 39 | 2014, mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/11888 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.11888

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Auteur

Christine Lévy

Lévy Christine, maître de conférences à l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, membre du Centre de recherches sur les civilisations d’Asie orientale (CRCAO – UMR 8155), Centre de recherches sur le genre de l’université Waseda en qualité de chercheure associée. Ses publications : direction de Modernité et genre au Japon : la revue Seitô et la femme nouvelle, Presses universitaires de Rennes, coll. « Archives du féminisme », 2014 ; direction du dossier spécial Naissance d’une revue féministe au Japon : Seitô (1911-1916),Tokyo, Maison franco-japonaise, automne/hiver 2012, p. 7-171 ; co-direction avec Thierry Ribault du numéro spécial « Catastrophes du 11 mars 2011, désastre de Fukushima, fractures et émergences », n°47 de Ebisu-Études japonaises, Tokyo, Maison franco-japonaise, printemps-été 2012 (Traduction japonaise aux éditions Akashi shoten, mai 2013, sous le titre Shinsai to hyumanizumu, san.ten.ichiichi go no hakyoku o megutte). christinelevylund@gmail.com

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