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Hommes guerriers et femmes invisibles. Le choix des scribes dans le Proche-Orient ancien

Male warriors and invisible women, scribal choices in the Ancient Near East
Philippe Clancier
p. 19-36

Résumés

L’analyse de la place des femmes dans les guerres au Proche-Orient ancien est contingente d’un fait essentiel qui est qu’il n’y a pas de droit de la guerre. Il existe cependant des lois visant à permettre aux épouses, dont les maris auraient été faits prisonniers ou seraient considérés comme disparus, de se remarier. C’est donc plutôt dans la pratique de la guerre qu’il faut principalement rechercher la place des femmes. Les reines d’Assyrie, telles Sammuramat (Sémiramis) ou encore Naqi’a/Zakutu furent suffisamment investies dans la gestion de leur État pour avoir leur mot à dire sur les actions militaires. C’est en tout cas très certainement le cas de Sammuramat. C’est cependant surtout dans le cadre des violences faites aux femmes que l’on voit apparaître ces dernières. Et pourtant il n’est pas particulièrement fait mention de mauvais traitements qui leur seraient réservées. Elles suivaient le sort commun des populations vaincues, entre massacres et déportations.

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Texte intégral

  • 1 Nous entendrons par « civilisations du Proche-Orient ancien » les civilisations de la vaste région (...)
  • 2 Pour une première approche des études proche-orientales concernant les femmes, cf. Chavalas 2014.
  • 3 Il s’agit des représentations, sur orthostates, des campagnes des rois d’Aššur, nombreuses pour les (...)
  • 4 Nous laisserons de côté les sources littéraires et religieuses qui n’entrent pas dans le cadre d’un (...)

1Le domaine militaire, au Proche-Orient ancien1, était jugé comme étant l’affaire des hommes. Son traitement dans les écrits cunéiformes ne laisse que bien peu de rôle aux femmes en dehors de celui de victime, et encore2. Plus exactement, cette vision est le reflet de sources qui ne parlent pratiquement jamais des femmes en tant qu’actrices, que ce soit sur le champ de bataille ou lors des sièges de villes. Les données à disposition de l’assyriologue sont pourtant nombreuses et variées, qu’il s’agisse de textes législatifs ou plus généralement à valeur juridique, d’inscriptions royales, des reliefs des palais assyriens3, etc. Cependant, ce n’est pas uniquement dans les sources « officielles » qu’il faut rechercher quelque éclairage sur le traitement des femmes en temps de guerre, mais aussi dans les textes de la pratique (ces tablettes produites quotidiennement par les administrations royales, provinciales, les sanctuaires ou les particuliers). Elles donnent une idée de la place des femmes en temps de conflit4.

2La structure de cette documentation écrite invite, dans un premier temps et très succinctement, à aborder la question de l’existence éventuelle de « lois de la guerre » au Proche-Orient ancien. Quelques indices ténus seront envisagés, par la suite, pour aborder l’implication des femmes en tant qu’actrices dans les faits guerriers. Enfin, c’est la question des violences qui leur étaient faites qui sera traitée. Il faudra alors rappeler une des conséquences de ces violences, pour le vainqueur cette fois, à savoir la gestion du « butin » humain et sa fructification.

Le droit de la guerre au Proche-Orient ancien

3Les différentes civilisations du Proche-Orient ancien ont produit des corpus législatifs et de nombreux textes juridiques dont un grand nombre a traversé les siècles. De telles sources devraient permettre d’envisager un ou des droits de la guerre et la place qu’y avaient les femmes. Ces dernières sont en effet l’objet de beaucoup de lois ainsi que de nombre de documents à valeur juridique.

4Et pourtant, ces données abondantes, sur près de deux mille ans, se prêtent assez peu, pour des raisons structurelles, à une réflexion sur le jugement porté sur les actes guerriers commis à l’encontre des femmes et encore plus rarement voire jamais, commis par des femmes. Cette situation ne repose pas sur une absence de soucis portée à la situation des femmes dans les conflits, mais plutôt sur un biais des sources : le droit de la guerre n’a pas été véritablement théorisé dans les textes du Proche-Orient ancien. La guerre reste une pratique reposant sur la force de la lance, le droit du plus fort, ce dernier disposant des vaincus comme il l’entend. Cependant, triompher à la guerre est une preuve de l’élection divine du vainqueur ce qui lui donne toute légitimité à se comporter ensuite comme il l’entend. De plus, l’existence de lois spécifiques à la guerre signifiera qu’une situation conflictuelle est effectivement bien définie. Si la guerre, depuis l’ouverture des hostilités jusqu’au traité de paix, existe au Proche-Orient ancien, l’état de belligérance est cependant souvent flou et les Anciens ne distinguaient pas toujours entrées, sorties et état de guerre. Il n’y a donc rien de spécifiquement écrit concernant les actions des soldats à l’encontre des femmes, comme des hommes ou des enfants d’ailleurs dans un tel cadre. Ainsi, lorsque des populations étaient déportées, leur nouveau statut dépendait du droit de l’État vainqueur, qu’il s’agisse alors de personnes considérées comme serviles, dépendantes ou même libres. Ce droit, lui, ne reflétait ni situation de paix ni situation de guerre. En conséquence, il n’existait pas de codification internationale de la guerre.

  • 5 Ce devoir dépasse le cadre des prisonniers de guerre pour s’appliquer à tout sujet « razzié ». Pour (...)
  • 6 Ainsi le prologue du Code d’Hammu-rabi précise que le roi a promulgué les lois qui suivent « pour q (...)

5Néanmoins, les textes législatifs mésopotamiens déterminaient des devoirs incombant au roi qui dépassaient la simple défense du pays ou l’expansion de sa puissance. Ainsi, les monarques, ou leurs représentants, devaient racheter les sujets prisonniers pour leur éviter la servitude à l’étranger5, ou encore défendre les faibles dont font traditionnellement partie les veuves6. Les États ont, de plus, mis en place des principes juridiques adaptés aux situations des personnes restées « à l’arrière ». Ainsi, les femmes dont le mari était porté disparu pouvaient, après un temps légalement défini, se remarier si elles n’arrivaient pas à subvenir à leurs besoins grâce à la gestion des biens laissés par leur mari. Voici ce qu’en dit le Code de lois d’Hammu-rabi, roi de Babylone entre 1792 et 1750 :

  • 7 Pour le Code de lois d’Hammu-rabi et les autres textes législatifs, cf. Roth 1995 qui a très commod (...)

§ 133. « Si un homme a été fait prisonnier et s’il y a dans sa maison de quoi manger, son [épouse tien]dra [sa maison et prendra garde] à elle ; elle [n’en]trera [pas dans la maison d’un autre. Si] cette femme n’a pas pris [gar]de à elle et si elle est entrée dans la maison d’un autre, on confondra cette femme et on la jettera à l’eau ».
§ 134. « Si un homme a été fait prisonnier et s’il n’y a pas dans sa maison de quoi manger, son épouse pourra entrer dans la maison d’un autre ; cette femme n’est pas coupable ».
§ 135. « Si un homme a été fait prisonnier et s’il n’y a pas dans sa maison de quoi manger, si avant son retour son épouse est entrée dans la maison d’un autre et y a mis au monde des enfants, si par la suite son époux est revenu et a regagné sa ville, cette femme retournera chez son époux initial ; les enfants suivront chacun leur père »7.

  • 8 Les exemplaires conservés sont datables du règne du roi assyrien Tiglath-phalasar Ier (1114-1076).
  • 9 Cardascia 1969 : 217-226. Les lois médio-assyriennes sont aussi aisément accessibles par la rééditi (...)

6De telles mesures visaient à protéger des personnes dont le statut de veuve pouvait fragiliser terriblement la situation économique. Elles garantissaient aussi à un mari, qui aurait laissé ses affaires en état de faire vivre correctement sa famille, d’y reprendre sa place à son retour. Par la suite, les lois médio-assyriennes8 font échos à celles de l’époque d’Hammu-rabi. L’on y apprend que l’épouse d’un prisonnier de guerre pouvait se remarier après deux années d’absence9 :

  • 10 Lois médio-assyriennes, tablette A, § 45, col. vi, ll. 46-49 (nous suivons, pour ce passage comme p (...)

[S]i une femme a été donnée (en mariage) et que par la suite l’ennemi a pris son mari (et) qu’elle n’a pas de beau-père ou de fils, elle demeurera deux ans à son mari10.

7La situation de l’épouse durant cette période est prise en compte dans les lignes suivantes puisque le texte précise :

  • 11 Tablette A, § 45, col. vi, ll. 50-51.

Pendant ces deux années, si elle n’a pas à manger, elle ira faire une déclaration11.

8Cette déclaration lui permet de se faire reconnaître comme nécessiteuse ce qui conduit les autorités du palais ou de la ville, en fonction du statut de son mari, à lui fournir, pour la durée de ces deux années, des moyens de subsistance. Enfin, si son époux ne revient pas :

  • 12 Tablette A, § 45, col. vi, ll. 69-71.

Elle accomplira deux années et elle habitera (ensuite) avec le mari de son choix ; on rédigera (alors) sa tablette comme (pour) une veuve12.

  • 13 Tablette A, § 45, col. vi, ll. 72-78.

9En cas de retour du premier mari après ces deux années, l’épouse retournera auprès de lui mais, tout comme dans le paragraphe 135 du Code de lois d’Hammu-rabi, si elle s’était remariée entretemps, ses éventuels enfants du deuxième lit resteront auprès du second époux13. On constate qu’à travers ces mesures le combattant était lui-même protégé et certain, dans la mesure du possible, de reprendre, à son retour, son statut, ses biens et sa famille.

Un cas documentaire marginal : les femmes « combattantes »

  • 14 Kuhrt 2001 : 9-11.
  • 15 Quinte Curce 3.8.12, Kuhrt 2001 : 9.

10Si l’on quitte maintenant le domaine des lois pour envisager les pratiques guerrières elles-mêmes, l’existence de femmes « actrices », disons-le immédiatement, ne peut être envisagée que de manière très allusive. A. Kuhrt, dans un article consacré aux femmes dans la guerre, a recherché leur présence sur le champ de bataille14. Les cas de femmes directement impliquées dans des affrontements sont rares et pratiquement uniquement documentés par des sources extérieures au Proche-Orient et pour des périodes récentes, c’est-à-dire de la deuxième moitié du ier millénaire. Ainsi, l’auteure fait-elle remarquer que Quinte Curce15 insiste sur la présence de la famille de Darius III à la bataille d’Issos en 333. Il se serait agi, selon lui, d’une tradition des Perses achéménides. L’on voit cependant que l’on est loin, au moins d’après les sources écrites, d’un rôle actif, le roi se déplaçant avec ses proches sans que leur soit réservé un rôle militaire spécifique. Par ailleurs, les souverains assyriens et babyloniens, qui précédèrent immédiatement les Perses, ne semblent pas avoir, eux, usé d’une telle pratique.

  • 16 Remarquons que Sammuramat se dit belle-fille de Salmanasar III, un roi du ixe siècle, dont la puiss (...)
  • 17 Auberger 1991 : 32-47. Mais voir aussi Hérodote I, 184-188 ; Diodore de Sicile, Bibliotheca histori (...)
  • 18 Elle a bien, dans les sources classiques, laissé le souvenir d’une reine guerrière. Cependant, les (...)
  • 19 Inscription « Adad-nārārī III A.0.104.3 », Grayson 1996 : 204-205. Pour une réédition récente dans (...)

11Reste le cas de femmes à qui leur place hiérarchique offrait la possibilité, très exceptionnellement, d’agir en tant que chef de guerre. Là encore, les sources ne sont jamais explicites, tout au moins lorsqu’elles documentent la situation dans les États mésopotamiens eux-mêmes. L’on peut toutefois remarquer que deux figures de reines sont étroitement associées à leur fils régnant. La première est Sammuramat, plus connue sous le nom de Sémiramis, qui, mère d’Adad-nērārī III (810-783) est à ses côtés dans les traités passés avec des États occidentaux16. Au début du règne de son fils, Sammuramat semble avoir brillamment dirigé l’État assyrien jusqu’à laisser un souvenir, certes empreint de légende, dans les sources classiques, tout particulièrement chez Ctésias17. Cependant, force est de reconnaître que l’on ne la voit pas explicitement agir en chef de guerre peut-être du fait même de la nature de notre documentation18. Il n’en reste pas moins qu’elle apparaît sur les inscriptions de son fils en particulier lorsque ce dernier intervint à l’ouest de l’Euphrate comme en témoigne l’inscription retrouvée à Kızkapanlı près de Maraş19 :

  • 20 Ce qualificatif, mí.é.gal, est généralement compris comme désignant la reine et non pas une quelcon (...)
  • 21 Sammuramat est aussi l’une des rares reines à avoir un monument dans l’allée des stèles à Aššur (Me (...)

Borne frontalière d’Adad-nirari (III), roi d’Assyrie, fils de Šamši-Adad (V), roi d’Assyrie, et de Sammuramat, « dame du palais »20 de Šamši-Adad, roi d’Assyrie, mère d’Adad-nirari, roi fort, roi d’Assyrie, belle-fille de Salmanasar (III), roi des quatre régions du monde.
Quand Ušpilulume, roi des Kummuhéens a conduit Adad-nirari, roi d’Assyrie et Sammuramat, la « dame du palais », à franchir l’Euphrate, j’ai (Adad-nirari III) livré bataille avec Ataršumki, fils d’Adramu, de la ville d’Arpad, ainsi qu’à 8 autres rois qui étaient avec lui dans la ville de Paqarahubunu. Je leur ai enlevé leur camp. Ils ont fui pour sauver leur vie.
Cette (même) année, on a érigé cette borne frontalière entre Ušpilulume, roi des Kummuhéens et Qalparuda, fils de Palalam, roi des Gurguméens. (…)21.

12L’affrontement ici mentionné, qui a permis au roi assyrien de projeter son armée vers l’ouest est, comme il se doit, raconté à la première personne car c’est bien au monarque que doivent revenir officiellement les faits d’arme. Cependant, l’association étroite de Sammuramat à cette campagne militaire et particulièrement à la bataille de Paqarahubunu invite à penser qu’elle était peut-être elle-même à la tête des armées de son jeune fils.

  • 22 Sur Naqi’a/Zakutu, cf. Melville 1999.
  • 23 Radner 2007.
  • 24 À l’exception notable de ce qui se passe dans le monde des dieux où l’une des grandes figures guerr (...)

13La seconde souveraine assyrienne ayant pu commander à des armées est la femme de Sennachérib, roi ayant régné de 704 à 681. Zakutu de son nom assyrien, Naqiʾa en araméen, fit en sorte que son fils Assarhaddon (680-669) succède à Sennachérib, alors même que cela n’aurait pas dû se faire22. Il est assez probable qu’elle ait aidé Assarhaddon à monter sur le trône lorsque que son frère Arad-Mullissu s’y opposait militairement23. Cependant, là encore, aucune source ne la met en scène sur un champ de bataille, toute la gloire revenant à son fils, d’ailleurs commanditaire des inscriptions relatant ces événements. C’est en fin de compte assez logique dans la mesure où la guerre était un domaine jugé comme devant être exclusivement masculin, tout au moins telle que narrée dans les inscriptions royales24.

  • 25 Ephʾal 1982 : 118-128 (les reines Samsi, Zabibe sous Tiglath-phalasar III, Teʾelhunu et Tabua sous (...)

14Un tel questionnement sur la place de certaines souveraines comme éventuelles actrices de la guerre se retrouve encore dans la documentation assyrienne des viiie et viie siècles avec, cette fois, les reines arabes. Les monarques assyriens Tiglath-phalasar III (745-727), Sennachérib (705-681), Assarhaddon (680-669) et enfin Aššurbanipal (668-630/627) font mention de reines à la tête des populations et armées arabes25. Le cas de Samsi sous Tiglath-phalasar III est le plus parlant. En effet, voici ce que disent les annales de ce monarque :

  • 26 RINAP 1, Tiglath-pileser III, 42, ll. 19’-25’.

Concernant Samsi, reine des Arabes, je défis 9 400 (de ses gens) au mont Saqurri. Je pris 1 000 personnes, 30 000 dromadaires, 20 000 bœufs (etc.). Or, elle-même, pour sauver sa vie, […] s’enfuit telle une femelle onagre dans le désert (où il fait toujours) soif. Je jetai au feu le restant de ses biens, ses tentes (et) les gens de sa garde à l’intérieur de son camp26.

  • 27 Il existe un autre texte mettant une reine en relation avec l’armée. Il s’agit de la Chronique de N (...)

15Par la suite, la reine paya docilement tribut, d’autant plus qu’un représentant du roi d’Assyrie fut, suite à cette défaite, placé auprès d’elle. Ces quelques lignes, bien que ne détaillant pas l’organisation de l’armée de Samsi, indiquent que la reine était probablement à la tête de ses troupes, puisqu’elle dut fuir le camp assailli par les Assyriens pour éviter de tomber entre leurs mains. Ce point invite maintenant à regarder la façon dont les violences faites aux femmes peuvent être présentées dans les sources mésopotamiennes27.

Les violences faites aux femmes

16Ce sont donc les violences faites aux femmes qui pourraient sembler les plus documentées. Il convient cependant de remarquer que ni les textes ni l’iconographie ne mettent souvent en avant de tels actes. En effet, les inscriptions royales comme les orthostates des palais assyriens ne se focalisent jamais sur ces questions. Il n’est donc non seulement pas question de se vanter de passer systématiquement les femmes par les armes, mais encore moins de se livrer à des viols dont la pratique viserait à soumettre les populations. Il ne s’agit pourtant pas là d’un effet de sources car les monarques assyriens, en particulier ceux du ixe siècle, n’hésitaient pas à décrire les tortures infligées aux malheureux tombés aux mains de leurs troupes. Ainsi, pour hâter la chute des villes, on empalait ou on écorchait les prisonniers sous les remparts, on empilait des pyramides de têtes, etc. En revanche, dans de tels contextes, lorsque des femmes sont représentées, ce n’est pas pour mettre en avant les supplices qu’elles subissaient mais leur départ en déportation.

  • 28 Reade 1979 : 334 et fig. 10.
  • 29 Barnett 1976 : Room L, Slab 9.

17Un relief du règne d’Aššurbanipal montre pourtant l’armée assyrienne massacrant des femmes lors de la prise d’un camp suivant une défaite des troupes arabes28. C’est là un rare cas explicite de violences faites aux femmes par des troupes mésopotamiennes, mais il faut remarquer que les hommes présents dans le camp subissent le même traitement ainsi, peut-être, que les enfants (difficilement reconnaissables sur le relief)29.

  • 30 Schachner 2007 : bande XIIIa, à droite.

18La prise de ce camp permet d’étendre la question aux conquêtes de villes. Les sièges auxquels les populations attaquées pouvaient éventuellement prendre part sont abondamment racontés dans les inscriptions royales, les chroniques ou encore mis en scène sur les reliefs des palais assyriens. Cependant, la présence de femmes combattantes n’est pas non plus attestée par ces catégories de sources. On peut prendre l’exemple, parmi tant d’autres, d’un siège mené, dans le royaume de Hamath, en Syrie actuelle, par les troupes de Salmanasar III (858-824) lors de sa onzième campagne. Il fut représenté sur les bandeaux de bronze des portes d’Imgur-Enlil, moderne Balawat. La femme apparaissant sur l’une des tours de l’agglomération30 ne semble pas prendre part aux combats, mais au contraire adopter une attitude de suppliante, posture plus attendue selon les canons du genre.

  • 31 Muscarella 1989 : 32-34.

19Les fouilles archéologiques proposent une image assez complémentaire de ce qui vient d’être vu, lorsqu’elles retrouvent des traces de sièges de villes. Un cas d’étude particulièrement intéressant provient du site de Hasanlu, en Iran du Nord-Ouest actuel, au sud de la mer d’Urmia. La ville fut détruite à la fin du ixe siècle. Des squelettes d’hommes, de femmes et d’enfants furent exhumés31 révélant des blessures causées par l’effondrement des bâtiments dans lesquels ils s’étaient réfugiés. Sur 246 personnes mises au jour, 157 périrent ainsi. Certaines d’entre elles étaient associées à des armes, mais ce ne semble être apparemment le cas ni des femmes ni des enfants. Les fouilleurs ont aussi pu identifier des exécutions. En effet, certains squelettes portaient des traces de coup à la tête ayant causé la mort. Là encore se retrouvent hommes, femmes et enfants.

  • 32 Alors même que l’on représente tant de scènes de tortures d’hommes au pied des remparts.

20Cet exemple ainsi que les sources écrites et iconographiques déjà abordées mettent en évidence que, lors des opérations militaires, si les femmes et les enfants firent partie des victimes de guerre, ils ne semblent pas avoir été davantage visés que les hommes eux-mêmes. Ces derniers, si l’on en croit les inscriptions royales ainsi que les reliefs, pouvaient certes être tués, mais aussi torturés. Ce type d’actes de terreur, pratiqués sur les troupes et populations ennemies, visait en priorité les hommes sans que l’on sache s’il s’agissait ou non de combattants. C’est tout au moins ce que laissent envisager les documents dont nous disposons, mais qui sont extrêmement stéréotypés et taisent bien des atrocités pour ne se concentrer que sur certaines d’entre elles. Ainsi, si l’on pouvait se vanter de massacrer la population dans son ensemble, l’on ne mettait pas d’accent particulier sur les violences faites aux femmes et aux enfants. Peut-être justement parce que, dans les idéologies royales du temps, cela ne faisait pas partie des actes de bravoure que de s’en prendre aux catégories considérées comme étant les plus faibles. Bien évidemment, cela ne signifie en rien que les armées ne se livraient pas à des viols et des tortures sur les femmes, mais en parler, en garder la trace dans les écrits officiels, semble avoir été proscrit. Il en ressort que les actes de viol comme pratique de terreur visant à soumettre les villes assiégées32, ou à briser les résistances des populations, n’aient pas été envisagés en tant que tels. En bref, les sources se rappellent abondamment des tortures faites aux hommes, des massacres de populations, mais taisent les violences spécifiquement faites aux femmes.

Les déportations

  • 33 Fales 2010 : 212-219.
  • 34 Pour la déportation de 597, cf. 2 Rois, 24 et pour 597 et 587 Jérémie 52.

21Une des principales conséquences de la défaite, lorsque les populations n’étaient pas massacrées, étaient leur départ en déportation33. Cette pratique existait au Proche-Orient ancien bien avant les exemples célèbres des rois assyriens et surtout babyloniens relatés dans la Bible34. Les usages de la guerre conduisaient les vainqueurs à disposer de trois types de butin dont l’ordre de présentation pouvait varier selon les récits.

22La première catégorie de prise était composée de tous les biens matériels jugés précieux qui se répartissaient le plus souvent en métaux précieux, bronze, objets finis (vaisselle, meubles plaqués d’ivoire, etc.), en armement des vaincus ou encore en produits alimentaires.

23Le butin animal formait le deuxième élément en suivant une définition large de « gros et petit bétail » (ovins et bovins essentiellement), à laquelle pouvaient s’ajouter des bêtes ayant une valeur spécifique, comme les chevaux pour la guerre ou encore les dromadaires, etc.

  • 35 Les textes issus des State Archives of Assyria (SAA) sont le plus souvent des documents produits pa (...)
  • 36 Le terme employé ici est hubtu « pillage, butin ».

24Mais couronnant ces pillages venait une autre catégorie de « butin » : les êtres humains. Parler des hommes, femmes et enfants emmenés en captivité comme d’un « butin » n’est pas une extrapolation de la liste précédente. Il s’agit bien du reflet des pratiques mésopotamiennes telles que l’on peut les voir dans le vocabulaire employé ainsi que l’illustre le texte SAA 11, 164. Cette tablette administrative dresse le bilan de personnes déportées depuis une ville dont seule la première syllabe du nom, « Sal[…] », est conservée35. On y lit après une liste de noms de personnes elle-même fort endommagée : (personnes listées) « parmi le butin36 de la ville de Sal[…] ». Les femmes comme les enfants et les hommes faisaient donc partie des « pillages ».

25Une inscription du roi assyrien Aššurnaṣirpal II (883-859) permet de résumer ce qui était emporté. En effet, lors de sa 6e campagne en 878, il dit, par exemple, avoir pris au roi du petit État du Sūhu, dans la région du moyen Euphrate :

  • 37 RIMA 2 : 212-214.

argent, or, étain, vaisselle (et) des pierres précieuses de la montagne ; le trésor de son palais, ses chars, ses attelages de chevaux, l’équipement des troupes, le harnachement des chevaux, les femmes de son palais (et) un butin important37.

  • 38 La question des femmes des rois et de leur organisation à l’intérieur des palais est l’objet d’un i (...)

26Dans les inscriptions royales comme celle-ci, les scribes insistent sur les femmes des rois vaincus38, c’est-à-dire celles vivant dans leurs palais. Mais ce sont des mentions qui mettent davantage en avant la défaite complète de l’ennemi (puisque ses biens les plus personnels ont été perdus) plutôt qu’un traitement réservé aux seules femmes. Dans ce cas, ces dernières intègrent le palais du vainqueur.

  • 39 Pour une approche des pratiques de déportations, croisées ou non, cf. Luuko 2012 : xxxvi-xxxix. Sur (...)
  • 40 Pour une première approche de ces questions dans l’empire assyrien, cf. Oded 1979. Chiffrer la mass (...)

27Les déportations avaient plusieurs objectifs. Le premier était de briser les résistances locales en éloignant les catégories jugées les plus dangereuses de la population (élites politiques et religieuses par exemple) ; en privant le pays conquis de certains spécialistes (sont alors touchés les métiers du travail des métaux ou du bois, etc.) ; ou en déplaçant la plus grande part des habitants. Dans ce dernier cas, pour éviter que le pays ainsi vidé ne tombe en friche, les vainqueurs le repeuplaient avec d’autres déportés. Cette pratique, appelée par les historiens modernes « déportation croisée », fut souvent mise en œuvre à partir du règne de Tiglath-phalasar III39. Parfois de très grande ampleur, elle démontre que ni les Assyriens, ni les Babyloniens n’avaient le désir d’annihiler des groupes entiers. Au contraire, dans la mesure où l’une des principales richesses du Proche-Orient ancien était la main d’œuvre elle-même, une victoire militaire ne devait pas conduire à se priver d’une telle manne. On l’utilisait pour développer une région sous-exploitée ou encore pour remplacer d’autres déportés dans leur pays d’origine. Les Mésopotamiens déplaçaient en conséquence parfois des groupes entiers en en conservant la structure sociale. Ainsi, à leur arrivée, les déportés pouvaient-ils rapidement se mettre au travail40.

  • 41 SAA 11, 167.

28Cette future main d’œuvre était donc minutieusement suivie depuis son départ en exil, en passant par les étapes de ses mouvements, jusqu’à son arrivée à destination. Cela donnait lieu à l’établissement de documents administratifs tels que celui-ci41 :

  • 42 Il s’agit d’une mesure d’une demi-coudée utilisée pour établir la taille des enfants.

334 hommes dans la force de l’âge ;
38 enfants de 5 rūṭu42 de haut ;
41 enfants de 4 rūṭu de haut ;
40 enfants de 3 rūṭu de haut ;
28 enfants sevrés ;
25 enfants au sein.
Total : 172 garçons.
349 femmes ;
8 filles de 5 rūṭu de haut ;
22 filles de 4 rūṭu de haut ;
49 filles de 3 rūṭu de haut ;
17 fillettes sevrées ;
25 fillettes au sein.
Total : 121 filles.
Total général : 977 personnes du pays de Quê.

  • 43 Les hommes et femmes sont présentés, dans cette tablette, sans lien particulier les uns avec les au (...)
  • 44 Briant, Henkelman & Stolper 2008.

29Cette tablette comptabilise des déportés du pays de Quê, la Cilicie, en établissant tout d’abord de grandes catégories de populations par sexe43. On dénombre ainsi en premier lieu les hommes, puis les enfants (depuis les plus grands jusqu’aux bébés). Ensuite, le scribe passe aux femmes selon la même logique. Là encore, on constate, cette fois dans un document administratif, que les sources n’établissent pas de traitements différenciés entre hommes et femmes. Une fois les déplacements accomplis, il fallait « faire fructifier » cette nouvelle richesse et l’on constate que l’on attachait un soin particulier, non seulement à faire travailler efficacement les déplacés sur leur nouveau territoire, mais encore à les administrer sur plusieurs générations. Il est possible, à cet égard, de prendre un exemple issu des « archives des Fortifications de Persépolis »44 se composant de textes administratifs d’époque perse achéménide :

  • 45 Tablette PF 1224, datée de février-mars 499.

[Liste de] femmes, des Grecques, (qui sont des) numakaš, dont Abbateya et Miššabada sont responsables, (et) ayant donné naissance (à) Persépolis. Ils (Abbateya et Miššabada) leur ont donné (de l’orge) en gratification45.

  • 46 Il s’agit d’une catégorie de dépendantes.

30Le terme de numakaš n’est pas encore pleinement compris46, mais l’on voit ici que des femmes grecques sont présentes dans le Fars, conséquence des déportations effectuées par les Perses depuis la côte ionienne. Elles y ont fondé des familles. La suite du document précise que l’allocation de grain donnée en gratification est deux fois plus importante pour les femmes ayant enfanté des garçons que pour les autres. Un tel document montre que la gestion des communautés déplacées était extrêmement importante pour la puissance dominante. Il met aussi en évidence un traitement particulier réservé aux femmes, qui sont envisagées ici comme précieuses dans la mesure où elles peuvent permettre à la communauté de se perpétuer dans le temps. C’est en fin de compte l’un des rares cas où l’on voit les femmes apparaître dans un contexte spécifique. Nous ne sommes cependant plus en situation de guerre, mais dans les conséquences qui en découlent pour les vaincues.

31La place des femmes comme actrices ou victimes de guerres dépend pour beaucoup de la définition même de l’état de belligérance. Or, ce dernier n’était pas toujours bien clair pour les anciens Mésopotamiens. Cela conduit à ne pas pouvoir se pencher spécifiquement sur un droit de la guerre qui n’est pas une composante isolée et définie des corpus législatifs. Cependant, il existait bien des « lois de la guerre », que l’on pourrait désigner comme coutumières. Ces dernières ne prenaient pas en compte la participation effective de femmes aux combats, même si certains cas semblent pouvoir être identifiés ici ou là, à un niveau hiérarchique des plus élevés.

32Dans tous les cas, les « lois de la guerre » faisaient du vainqueur l’arbitre de la destinée des vaincus. Dans ce contexte, les femmes, à quelques exceptions près, ne sont pas présentées par les sources comme étant la cible de violences particulières. Cela, bien évidemment ne signifie pas qu’il n’y en avait pas, mais elles ne semblent pas avoir fait l’objet d’un système de terreur tel que l’on peut le voir dans les actes de tortures régulièrement pratiqués sur les hommes.

33Les femmes furent en revanche l’objet de déportations, parfois spécifiques (les femmes des souverains vaincus), parfois de masse. Dans ce dernier cas, leur présence avait une valeur particulière qui ne reposait pas uniquement sur leur force de travail mais aussi sur leur capacité à faire prospérer, dans le futur, la nouvelle communauté déplacée.

34Ce panorama met en fin de compte essentiellement en avant un fait particulier propre aux sources assyriologiques : pour des raisons peut-être idéologiques liées aux devoirs des monarques, les scribes n’insistaient pas sur les violences faites aux femmes dans les écrits décrivant les campagnes militaires, si ce n’est lorsqu’il s’agissait d’ennemis que l’on comprenait mal comme les Arabes. Cet effet de sources doit faire l’objet d’une attention toute particulière car il conduit à l’absence relative des femmes combattantes ou victimes, absence qui n’est certainement pas représentative de la réalité.

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Bibliographie

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Annexe

Abréviations bibliographiques

RIMA 2 Royal Inscriptions of Mesopotamia. Assyrian Rulers of the Early First Millennium BC. Vol. I, 1114-859 BC = Grayson 1991

RIMA 3 Assyrian Rulers of the Early First Millenia BC. Vol. II, 858-745 BC = Grayson 1996

RINAP Royal Inscriptions of the Neo-Assyrian Period 4

RINAP 1 Tadmor & Yamada 2011

RINAP 4 Leichty 2011

SAA State Archives of Assyria

SAA 11 Fales & Postgate 1995

SAAS State Archives of Assyria Studies

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Notes

1 Nous entendrons par « civilisations du Proche-Orient ancien » les civilisations de la vaste région allant de la côte méditerranéenne à l’Iran actuel sur une période s’étendant de la deuxième moitié du iiie millénaire à la disparition de l’empire perse achéménide en 331-330 av. J.-C. Cependant, nous focaliserons notre attention sur le ier millénaire et sur la Mésopotamie pour des questions de sources.

2 Pour une première approche des études proche-orientales concernant les femmes, cf. Chavalas 2014.

3 Il s’agit des représentations, sur orthostates, des campagnes des rois d’Aššur, nombreuses pour les ixe-viie siècles av. J.-C.

4 Nous laisserons de côté les sources littéraires et religieuses qui n’entrent pas dans le cadre d’une réflexion sur les pratiques avérées. Nous n’aborderons pas non plus pour les mêmes raisons les présages des prophétesses néo-assyriennes pouvant porter sur des sujets politiques et militaires, bien qu’il faille remarquer qu’elles semblent avoir été bien renseignées concernant ce dernier aspect.

5 Ce devoir dépasse le cadre des prisonniers de guerre pour s’appliquer à tout sujet « razzié ». Pour un exemple de rachat cf. Cole 1996, texte 72 : 158-160.

6 Ainsi le prologue du Code d’Hammu-rabi précise que le roi a promulgué les lois qui suivent « pour que le fort n’opprime pas le faible ».

7 Pour le Code de lois d’Hammu-rabi et les autres textes législatifs, cf. Roth 1995 qui a très commodément réuni les textes de lois mésopotamiens et hittites. Pour le passage du Code de lois d’Hammu-rabi cité ci-dessus, se reporter aux pages 106-107 et pour une édition plus récente, Roth 2014 : 153.

8 Les exemplaires conservés sont datables du règne du roi assyrien Tiglath-phalasar Ier (1114-1076).

9 Cardascia 1969 : 217-226. Les lois médio-assyriennes sont aussi aisément accessibles par la réédition qu’en a faite Roth 1995 : 153-194 et plus précisément pour la tablette A § 45 qui nous intéresse ici : 170-171. Voir aussi, pour ce même passage, Roth 2014 : 167.

10 Lois médio-assyriennes, tablette A, § 45, col. vi, ll. 46-49 (nous suivons, pour ce passage comme pour ceux qui suivent, la traduction de Cardascia 1969 : 217-218, en la modifiant légèrement).

11 Tablette A, § 45, col. vi, ll. 50-51.

12 Tablette A, § 45, col. vi, ll. 69-71.

13 Tablette A, § 45, col. vi, ll. 72-78.

14 Kuhrt 2001 : 9-11.

15 Quinte Curce 3.8.12, Kuhrt 2001 : 9.

16 Remarquons que Sammuramat se dit belle-fille de Salmanasar III, un roi du ixe siècle, dont la puissance et le prestige servent à légitimer une place et des actions inhabituelles pour une reine mésopotamienne. Sur la figure si particulière de Sammuramat/Sémiramis, cf. Bahrani 2001 : 176-177 et Asher Greve 2006.

17 Auberger 1991 : 32-47. Mais voir aussi Hérodote I, 184-188 ; Diodore de Sicile, Bibliotheca historica II, 5-15.

18 Elle a bien, dans les sources classiques, laissé le souvenir d’une reine guerrière. Cependant, les propos des différents auteurs sont très souvent sujets à caution. Pour les discussions sur le rôle de Sammuramat à la tête de l’Assyrie, cf. Shramm 1972 ; Dalley 2005 ; Siddall 2011 : 159-173 ou encore Svärd 2012 : 102-104.

19 Inscription « Adad-nārārī III A.0.104.3 », Grayson 1996 : 204-205. Pour une réédition récente dans le cadre spécifique de la collecte des inscriptions royales assyriennes donnant une place particulière aux femmes, cf. Melville 2014 : 228-229.

20 Ce qualificatif, mí.é.gal, est généralement compris comme désignant la reine et non pas une quelconque autre épouse du palais. Ici, il apparaît clairement que Sammuramat porte ce titre alors qu’elle est la reine-mère. Pour une discussion sur les interprétations possibles de mí.é.gal, cf. Melville 1999 : 19.

21 Sammuramat est aussi l’une des rares reines à avoir un monument dans l’allée des stèles à Aššur (Melville 2014 : 233, « Stèle de Sammuramat, “dame du palais” de Šamši-Adad (V), roi du monde, roi d’Assyrie, mère d’Adad-nirari (III) roi du monde, roi d’Assyrie, belle-fille de Salmanasar (III), roi des quatre régions »). Deux autres reines ont un monument à leur nom dans cette allée des stèles : le nom de la première est cassé (Dalley 2005 : 17, n. 36 propose de restituer Zakutu, cf. infra) et Libbali-šarrat, reine d’Aššurbanipal (668-630/627). Pour une publication commode de ces inscriptions, cf. Melville 2014 : 232-233.

22 Sur Naqi’a/Zakutu, cf. Melville 1999.

23 Radner 2007.

24 À l’exception notable de ce qui se passe dans le monde des dieux où l’une des grandes figures guerrières est Ištar, déesse souvent assimilée à Aphrodite à l’époque hellénistique. Il s’agit ici d’une guerrière, pas d’une chef de guerre.

25 Ephʾal 1982 : 118-128 (les reines Samsi, Zabibe sous Tiglath-phalasar III, Teʾelhunu et Tabua sous Sennachérib et Assarhaddon) et 152-153 (Adiya sous Aššurbanipal mais cette dernière apparaît avec son mari). Cf. Kuhrt 2001 : 10-11. Assarhaddon fait aussi rappel de la déportation, par son père Sennachérib, de la reine Apkallatu (RINAP 4, Esarhaddon 1, ll. iv1-iv5).

26 RINAP 1, Tiglath-pileser III, 42, ll. 19’-25’.

27 Il existe un autre texte mettant une reine en relation avec l’armée. Il s’agit de la Chronique de Nabonide (556-539) qui précise qu’en l’an 9 du dernier roi de Babylone (546), « Au mois de nisan, le 5e jour, la mère du roi mourut à Dūr-karašu, sur la rive de l’Euphrate, en amont de Sippar. Le prince (Balthazar) et ses troupes se lamentèrent pendant 3 jours et il y eut une lamentation (générale). Au mois de siwan, une lamentation fut instituée en Akkad (la Babylonie) pour la mère du roi » (Glassner 1993 : 203). La place de Dūr-karašu signifie « camp militaire fortifié », mais l’on ne sait exactement ce que la reine et son fils y faisaient. Voir à ce sujet l’approche qu’adopte Beaulieu 1989 : 197-201. Il est possible que Balthazar ait positionné son armée en réactions aux mouvements des forces perses menées par Cyrus, qui prirent cependant la direction non pas de la Babylonie mais de l’Anatolie.

28 Reade 1979 : 334 et fig. 10.

29 Barnett 1976 : Room L, Slab 9.

30 Schachner 2007 : bande XIIIa, à droite.

31 Muscarella 1989 : 32-34.

32 Alors même que l’on représente tant de scènes de tortures d’hommes au pied des remparts.

33 Fales 2010 : 212-219.

34 Pour la déportation de 597, cf. 2 Rois, 24 et pour 597 et 587 Jérémie 52.

35 Les textes issus des State Archives of Assyria (SAA) sont le plus souvent des documents produits par l’administration royale et provinciale. Dans le cas qui nous intéresse ici, il ne s’agit plus d’idéologie ou de communication mais bien de gestion concrète, matérielle, des prises de guerre dont faisaient partie les êtres humains.

36 Le terme employé ici est hubtu « pillage, butin ».

37 RIMA 2 : 212-214.

38 La question des femmes des rois et de leur organisation à l’intérieur des palais est l’objet d’un important débat assyriologique. La littérature à ce sujet est particulièrement abondante et croît régulièrement. Les discussions portent en premier lieu sur la validité de l’utilisation du terme de « harem », contesté par les uns, accepté, le plus souvent avec restriction, par les autres. Pour une première approche synthétique et claire de la question pour la période néo-assyrienne, cf. Melville 1999 : 19. Pour la période paléo-babylonienne, essentiellement le xviiie siècle av. J.-C., cf. Ziegler 1999a et 1999b.

39 Pour une approche des pratiques de déportations, croisées ou non, cf. Luuko 2012 : xxxvi-xxxix. Sur la question des déportations croisées elles-mêmes (« two-way deportation »), cf. Oded 1979 : 29 sq.

40 Pour une première approche de ces questions dans l’empire assyrien, cf. Oded 1979. Chiffrer la masse des déportés est extrêmement difficile, mais l’on pourra se reporter à l’étude de De Odorico 1995 ou encore à Fales 2010 : 212-219.

41 SAA 11, 167.

42 Il s’agit d’une mesure d’une demi-coudée utilisée pour établir la taille des enfants.

43 Les hommes et femmes sont présentés, dans cette tablette, sans lien particulier les uns avec les autres, si ce n’est leur origine régionale. D’autres documents insistent plus particulièrement sur la déportation de familles entières (cf. SAA 11, 154, 172 ou 173 par exemple).

44 Briant, Henkelman & Stolper 2008.

45 Tablette PF 1224, datée de février-mars 499.

46 Il s’agit d’une catégorie de dépendantes.

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Pour citer cet article

Référence papier

Philippe Clancier, « Hommes guerriers et femmes invisibles. Le choix des scribes dans le Proche-Orient ancien »Clio, 39 | 2014, 19-36.

Référence électronique

Philippe Clancier, « Hommes guerriers et femmes invisibles. Le choix des scribes dans le Proche-Orient ancien »Clio [En ligne], 39 | 2014, mis en ligne le 01 juin 2016, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/11831 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.11831

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Auteur

Philippe Clancier

Clancier Philippe, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sujet de recherche : Les pratiques lettrées et les bibliothèques en Mésopotamie au Ier millénaire ; la moyenne vallée de l’Euphrate aux périodes médio-assyrienne, néo-assyrienne et néo-babylonienne ; histoire politique et institutionnelle de la Babylonie à l’époque hellénistique et parthe. Auteur des Bibliothèques en Babylonie dans la deuxième moitié du Ier millénaire av. J.-C. Münster, Ugarit-Verlag, AOAT 363, 2009 ; de « Cuneiform culture’s last guardians: the old urban notability of Hellenistic Uruk », dans K. Radner et E. Robson (eds), The Oxford Handbook of Cuneiform Culture, Oxford University Press, 2011, p. 752-773 ou encore (avec A. Tenu) de « Haradu dans l’empire assyrien xiie-viiie siècles », dans Ch. Kepinski (dir.), Haradu III. Haradu forteresse du moyen Euphrate iraquien (xiie-viiie av. J.-C.), Paris, De Boccard, 2012.
Philippe.Clancier@univ-paris1.fr

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