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Genre, conventions collectives et qualifications dans l’industrie française du premier xxe siècle

Gender, Collective Agreements and Skill in Early xxth-century French Industry
Laure machu
p. 41-59

Résumés

L’extension de la négociation collective pendant la première moitié du xxe siècle accompagne la généralisation des grilles de salaires suivant la qualification du travail. Ces dernières représentent un acquis ambigu pour les ouvrières. L’élaboration des grilles rend visible la variété et la qualification des tâches exécutées par les femmes. Elle coïncide avec une politique de revalorisation salariale qui permet de réduire l’écart avec les salaires masculins. Mais elle entérine également les frontières sexuelles de la division du travail. L’examen des négociations entreprises laisse voir le jeu complexe des stratégies déployées par les acteurs impliqués dans la définition et l’évaluation de la qualification. L’État et les syndicats ouvriers ne s’engagent que tardivement dans la promotion de la qualification féminine.

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Texte intégral

  • 1 Omnès 1997 ; Zancarini-Fournel 1993 ; Harden-Chenut 2010.

1Que représentent pour les ouvrières les grilles de salaires élaborées dans la première moitié du xxe siècle ? Cette question, qui commence à être explorée par les historien-ne-s1, constitue le point de départ de cet article. Avant d’y répondre, il importe de rappeler les éléments préalables qui la fondent.

  • 2 Beau 2004.
  • 3 Machu 2011.
  • 4 Harden-Chenut 1996.

2Au tournant du siècle, non seulement les salaires échappent encore largement à la négociation entre syndicats ouvriers et patronaux, mais les hiérarchies salariales en vigueur suivent de multiples critères – l’âge, le sexe ou encore l’ancienneté – parmi lesquels la qualification n’est pas forcément reconnue. Les femmes notamment constituent une catégorie à part pour laquelle le salaire dépend parfois uniquement de l’âge2. Avec l’essor des conventions collectives, qui devient significatif dans l’entre-deux-guerres, les grilles de salaires minima suivant la qualification du travailleur se généralisent progressivement3. Lorsqu’elles sont négociées, les grilles représentent un acquis pour les salariés qui ont l’espoir de voir leur qualification reconnue. Leur élaboration nécessite un long travail de recensement des métiers et des postes existants qui enregistre finalement une classification. Elle suppose également de s’accorder sur les critères qui définissent la qualification. Terme polysémique, la qualification peut tout autant faire référence au diplôme du salarié qu’au degré de complexité des tâches à effectuer sur un poste de travail. La mesure des qualifications, exprimée par le salaire, est par conséquent objet de débats et de conflits sur la valeur du diplôme ou des aptitudes requises à un poste de travail. Or, les jugements portés sur la qualification d’un emploi peuvent diverger selon le sexe de celui qui l’occupe4. La reconnaissance d’une qualification est donc le fruit d’une série de rapports sociaux : entre les organisations syndicales patronales et ouvrières d’une part, entre les sexes d’autre part.

  • 5 Il est relativement rare d’avoir accès aux procès-verbaux des négociations collectives ou à des pro (...)

3Pour analyser la qualification attribuée aux travaux féminins et masculins par les syndicats ouvriers et patronaux, cet article met en regard les négociations entreprises dans le vêtement et la métallurgie. Le premier est un secteur traditionnellement féminin où la petite taille des établissements demeure un obstacle aux tentatives de rationalisation de la production. Dans le second, l’augmentation des effectifs féminins coïncide avec l’extension de l’organisation scientifique du travail. Pour autant que les sources le permettent5, nous tenterons de restituer les débats qui président à l’élaboration des grilles salariales. Suivant la chronologie qui guide la codification progressive des échelles de salaires, nous examinerons tout d’abord les premiers accords conclus pendant et après la Première Guerre mondiale, pour revenir ensuite sur la négociation des conventions collectives du Front populaire et l’élaboration des arrêtés Parodi-Croizat à la Libération.

La Première Guerre mondiale et l’entrée des femmes dans les classifications

  • 6 Rudischhauser 2005.
  • 7 Pour les années 1910-1912, 229 conventions collectives sont conclues dans le bâtiment, 15 dans le l (...)

4Au début du xxe siècle, les conventions collectives sont encore peu répandues : en 1903, elles concernent environ 5 % de la population active6. Elles sont l’apanage des ouvriers de métier et profitent très peu aux femmes. En effet, la négociation collective se développe avant tout dans les métiers artisanaux urbains, comme le livre ou le bâtiment, qui emploient une main-d’œuvre presqu’exclusivement masculine. Elle concerne très peu le monde de l’usine. Le personnel des usines métallurgiques bénéficie rarement d’une convention collective de même que la main-d’œuvre très féminisée des usines du textile ou des fabriques de chaussures7.

  • 8 Robert 1995.
  • 9 Viet 2002.

5Pendant la Première Guerre mondiale, les dispositifs paritaires mis en place par l’État pour régler les relations professionnelles permettent d’étendre la négociation collective et d’en faire bénéficier la main-d’œuvre féminine. La négociation collective concerne une variété de secteurs parmi lesquels le vêtement, la métallurgie, mais aussi les produits chimiques ou les manufactures de chaussures. Toutefois, c’est dans ces deux premiers secteurs que la dynamique de négociation a pris le plus d’ampleur. Les grèves de l’hiver 1916-1917, où les ouvrières jouent un rôle actif8, conduisent Albert Thomas, ministre de l’Armement, à intervenir dans la fixation des conditions de travail et dans la régulation des conflits. La mise sous tutelle de la main-d’œuvre travaillant dans les usines de guerre9 aboutit d’abord à fixer ses salaires par la décision du 16 janvier 1917. Les décisions du ministère de l’Armement remanient les principes de classification de la main-d’œuvre, en lien avec l’extension du processus de rationalisation.

  • 10 « Avis émis par le comité permanent de conciliation et d’arbitrage sur l’interprétation de la décis (...)

6Les premiers textes privilégient une classification fondée sur le métier dont le pivot est l’ouvrier professionnel. Le groupe des professionnels se distingue des ouvriers non professionnels appelés manœuvres spécialisés qui n’ont pas fait d’apprentissage. Les ouvriers professionnels sont hiérarchisés selon leur maîtrise du métier ; les ouvriers accomplis s’opposent aux ouvriers débutants : les « petites mains »10. Les décisions mentionnent des « femmes non professionnelles » au côté des « décolleteuses », des « polisseuses » ou des « vernisseuses » qui sont classées professionnelles. Cette promotion est consolidée, dans la région parisienne uniquement, par la définition de l’ouvrière professionnelle comme celle « qui [a] subi avec succès les mêmes essais que ceux demandés aux ouvriers professionnels ».

  • 11 « Décision du 2 mars 1917, tarifs des salaires de la métallurgie », ibidem, p. 24.
  • 12 « Décision du 13 novembre 1917 », ministère de l’Armement, Deuxième supplément au tarif des salaire (...)

7Rapidement, les décisions donnent un autre sens à la catégorie de manœuvre spécialisé. Le barème de la mécanique générale datant du mois de mars 1917 précise que seront classés dans cette catégorie les ouvriers incapables d’exécuter l’essai professionnel et les ouvriers affectés aux machines. Ainsi, le mouleur main est classé parmi les ouvriers professionnels tandis que le mouleur machine fait partie des manœuvres spécialisés11. Ce sont donc les caractéristiques du poste de travail qui déterminent la qualification. Pour la main-d’œuvre masculine, cette acception de la qualification entre par la petite porte : on ne la relève que dans les barèmes. Pour la main-d’œuvre féminine, en revanche, elle est systématisée puisque les décisions de l’automne 1917 donnent une définition générique de l’ouvrière spécialisée qui repose sur le type de travaux auxquels elle est affectée. Ainsi, la décision du 13 novembre 1917 précise que par « ouvrière spécialisée, on entend l’ouvrière qui est adaptée à l’exécution des travaux en série ou à la conduite de machines ou d’appareils spéciaux »12.

  • 13 Omnès 2001.
  • 14 Archives nationales (AN), 94 AP 138 : lettre de l’Union corporative des mécaniciens de la Seine, 10 (...)
  • 15 Downs 2001.

8On le voit, en matière de classification, les acquis sont ambigus. À Paris, les décisions représentent un avantage indéniable puisqu’elles reconnaissent et valorisent les qualifications acquises par les ouvrières13. Les femmes ne relèvent plus d’une seule catégorie générique, comme le demande le projet transmis par l’Union corporative des Mécaniciens de la Seine14. Elles sont désormais réparties en trois niveaux de qualification. Mais la création de la catégorie d’ouvrière spécialisée entérine leur assignation aux nouveaux postes sur machine issus de la division et de l’automatisation du travail. L’emploi des femmes à ces postes permet de les classer comme relevant d’un travail peu qualifié. En effet, les patrons considèrent que les femmes y effectuent des travaux répétitifs et monotones pour lesquels elles sont « naturellement » faites. L’habileté ou la dextérité que doivent déployer les femmes employées à ces postes sont occultées et ne sont pas considérées comme qualifiantes15.

  • 16 « Décision du 16 janvier 1917 », ministère de l’Armement et des Fabrications de Guerre, Tarifs et r (...)
  • 17 Downs 2001 : 133.

9En matière de rémunération, la décision du 16 janvier 1917 énonce le principe de l’égalité salariale pour le battre en brèche immédiatement. À poste égal, les salaires féminins sont finalement de 18 % à 25 % inférieurs à ceux des hommes16. Contre les syndicats ouvriers qui appuient la revendication d’égalité salariale, dans le secret espoir que celle-ci conduira à exclure les femmes, les patrons avancent que l’abattement correspond au surcoût du travail féminin. Contrairement à l’Angleterre, l’intégration des femmes dans les usines d’armement sonne le glas de l’égalité salariale17.

  • 18 La coupe consiste à couper l’étoffe en fonction du patron. La presse consiste à repasser le vêtemen (...)
  • 19 Ces deux étapes consistent à coudre puis assembler les pièces de tissus.
  • 20 Office du travail, Statistiques sur les grèves et le recours à la conciliation, 1906.

10À la différence de la métallurgie, les conventions du vêtement conclues en 1918-1919, et parfois renouvelées jusqu’en 1930, maintiennent une définition de la qualification fondée sur le métier. Les conventions recensent plusieurs métiers au sein desquels la progression reflète l’acquisition des connaissances professionnelles. Au sommet de la hiérarchie, les métiers qualifiés de la coupe et de la presse sont traditionnellement réservés aux hommes qui doivent pour y accéder suivre un long apprentissage18. Les étapes intermédiaires que sont le piquage ou le montage19 exécutées par les mécaniciennes, les monteuses ou encore les confectionneuses sont considérées comme des tâches peu qualifiées. Avant-guerre, cette stricte partition est vigoureusement défendue par les syndicats ouvriers dominés par les ouvriers qualifiés qui considèrent le travail féminin comme une menace pour la qualification et les salaires masculins. Plusieurs grèves éclatent qui demandent l’interdiction des femmes à la coupe ou à la presse20.

  • 21 L’Ouvrier de l’habillement, 1906.
  • 22 « Contrat de travail passé à la préfecture du Rhône le 5 juin 1919 entre le syndicat patronal des c (...)
  • 23 Convention collective (CC) de la confection en gros de Lille, L’Ouvrier de l’habillement, juin 1919 (...)
  • 24 L’Ouvrier de l’habillement, 1923.

11Néanmoins, les conventions conclues après-guerre ouvrent une partie des métiers qualifiés aux femmes. À Lyon, la convention signée en 1919 abolit la ségrégation sexuelle. Alors que les tarifs d’avant-guerre tendent à exclure les femmes de la presse ou de la coupe21, la convention les admet à égalité de salaire avec les hommes22. À Lille, les conventions de 1919 et de 1923 mentionnent plusieurs postes de presseuses23, mais les métiers de la coupe demeurent exclusivement masculins. En outre, il subsiste au sein des métiers de la presse une division du travail qui attribue aux presseurs le travail des matières nobles comme le drap alors que les presseuses ne s’occupent que du coutil ou de la toile24.

  • 25 Archives départementales (AD) Rhône, 10 M 582 : dossier du Syndicat de l’habillement du département (...)
  • 26 « Un comité intersyndical à prendre en exemple : Lille », L’Ouvrier de l’habillement, 1923.
  • 27 AD Nord, M 595 103 : rapport au Préfet du Nord sur la grève des ouvriers de la confection, 25 décem (...)

12La comparaison entre Lille et Lyon montre ce que doit la promotion des femmes à l’évolution des structures syndicales d’une part, à leur ascension au sein de ces dernières d’autre part. À Lyon, les conventions sont négociées par le Syndicat général du vêtement qui est un syndicat d’industrie rassemblant l’ensemble des catégories. À la tête du syndicat, Jeanne Chevenard signe l’ensemble des textes négociés pendant l’entre-deux-guerres25. À Lille, les conventions sont négociées par l’Intersyndicale de l’habillement créée en 1919. La nouvelle structure rassemble la Chambre syndicale des coupeurs, le Syndicat des presseurs et des presseuses en confection et le Syndicat des ouvrières en confection qui jouissent chacun d’une complète autonomie26. La survivance des syndicats de métiers favorise ainsi le maintien de la ségrégation sexuelle dans le syndicat et au travail. De fait, la négociation des conventions collectives est conduite par les coupeurs et les presseurs exclusivement. En tant que syndicat de métier, la Chambre syndicale des coupeurs vise à protéger la qualification de ses membres par une régulation malthusienne de la profession. Celle-ci s’appuie sur la défense de l’apprentissage comme unique voie d’accès à la profession, la limitation du nombre d’apprentis et l’exclusion des femmes27.

13Ainsi, la Première Guerre mondiale ouvre une brèche pour la qualification féminine. Mais les acquis sont minces. Les stratégies des syndicats ouvriers et patronaux se répondent. Alors que les premiers défendent l’hégémonie masculine sur les métiers les plus qualifiés, les seconds profitent de l’affectation des femmes aux nouveaux postes issus de la division du travail pour en dénier la qualification.

Le Front populaire : embellie ou régression ?

  • 28 Machu 2011.

14Dans la plupart des secteurs, la négociation collective s’étiole dès les années 1920 et la détermination des salaires revient aux patrons. Le Front populaire représente donc une rupture. Les grèves puis la loi du 24 juin 1936 sur les conventions collectives entraînent la signature de milliers d’accords. Fruit d’une réflexion sur la réforme des relations professionnelles qui débute dès les lendemains du premier conflit mondial, la nouvelle législation réforme profondément le statut des conventions collectives et leur impose de contenir un barème fixant le salaire horaire pour chaque catégorie professionnelle28. Le principe d’une classification des travailleurs se généralise donc. Si l’acquis est indéniable pour la classe ouvrière, il reste à savoir dans quelle mesure il profite aux femmes.

Permanence de la division sexuelle du travail

  • 29 AN F 22 1633 : CC des industries métallurgiques de la région parisienne, 12 juin 1936, article 19.

15Les grilles de qualification sont sexuées : elles excluent les femmes des emplois qualifiés d’une part, et tendent à nier la qualification des travaux exécutés par les femmes d’autre part. En continuité avec les décisions du premier conflit mondial, la convention collective de la métallurgie parisienne donne une double acception de la qualification. Les « ouvriers professionnels » sont ceux qui possèdent un métier « dont l’apprentissage peut être sanctionné par un CAP » et les ouvriers spécialisés « exécutent un travail qui ne nécessite pas la connaissance d’un métier dont l’apprentissage peut être sanctionné par un CAP »29. Le diplôme d’une part, les caractéristiques du poste d’autre part définissent la classification. En effet, l’ouvrier spécialisé ne se définit pas par l’absence d’apprentissage, mais par sa position dans la division du travail comme en témoigne la distinction entre les postes d’OS machine et d’OS montage et divers – le premier recevant une rémunération supérieure.

  • 30 Castets 2003.
  • 31 AN CAC 1986 0170, article 200 : Sous-groupe A, construction machines et appareillage, définitions p (...)
  • 32 Downs 2001 : 311-319.
  • 33 Le même argument est utilisé dans la bonneterie troyenne où les travaux effectués par les femmes su (...)

16La préférence donnée au CAP comme voie d’accès au statut d’ouvrier professionnel désavantage les femmes parce qu’il n’existe pas de CAP féminin dans la métallurgie30. La qualification par le poste de travail les défavorise encore. Le premier critère retenu pour distinguer les postes de travail est le rapport à la machine. Les postes qui n’exigent que des opérations manuelles simples sont exclusivement féminins. Ainsi dans la construction électrique, il n’existe que des « bobineuses main » ou des « dévideuses cuivre à main ». Le poste de « dévideur cuivre sur machine » est mixte, mais il est classé OS machine lorsqu’il est occupé par des hommes et OS montage et divers s’il est occupé par des femmes31. Cette inégalité traduit un déni de la qualification demandée par les travaux spécialisés et répétitifs exécutés par les femmes : les employeurs tendent à considérer que les qualités requises pour ce type de travaux sont innées pour le sexe féminin32. Il n’est donc pas légitime de les rémunérer. En vertu de ce principe, qui s’applique dans d’autres secteurs33, les travaux sur « petite machine au moteur » sont systématiquement classés OS montage et divers. À l’inverse, la force physique, attribut masculin, justifie un surcroît de rémunération. Les « manœuvres de force », catégorie exclusivement masculine, sont payés 20 % de plus que les « manœuvres ordinaires ».

  • 34 AN F 22 1615 : CC de la confection pour homme de la région parisienne, 18 juillet 1936.
  • 35 AD Rhône, 5 UP 35 : CC de la confection en gros de Lyon, 16 octobre 1936.

17Dans le vêtement, contrairement à la métallurgie, les textes du Front populaire confirment l’ouverture aux femmes des métiers qualifiés de la presse, puis de la coupe. Mais la féminisation des emplois qualifiés n’est pas nécessairement une conquête éclatante. Alors que les textes entérinent les progrès de la mécanisation des opérations de coupe et de presse, il subsiste une division sexuelle du travail qui réserve aux femmes les postes sur machines. À Paris, la convention de la confection masculine comprend une catégorie de « coupeuse sur machine », exclusivement féminine, dont le taux horaire est inférieur à celui de la coupeuse34. À Lyon, la convention ne signale qu’un poste de « presseur », alors que les travaux féminins de presse sont éclatés entre la « petite presse » et la « grande presse » – les premiers étant rémunérés 10 % de moins que les seconds35.

Élargissement et hiérarchisation des tâches féminines

  • 36 Omnès 1997 : 140.
  • 37 Groupement des Industries Métallurgiques (GIM), Enquête sur les taux horaires des salaires, janvier (...)
  • 38 Zancarini-Fournel 1993 : 182.

18Victimes d’une répartition des tâches qui les relèguent aux postes les moins qualifiés, les femmes ont-elles pu néanmoins profiter des conventions du Front populaire pour améliorer leur position au sein de la division du travail ? Dans un certain nombre de secteurs, les conventions collectives constituent une véritable régression. La convention de la métallurgie parisienne accentue sans conteste la division sexuelle du travail. À rebours d’un mouvement qui, depuis la Première Guerre mondiale, a vu les femmes se professionnaliser, la convention collective du Front populaire réduit l’éventail des professions féminines qualifiées. Les postes de régleuses, de tourneuses ou encore de fraiseuses que signalent les enquêtes du syndicat patronal ne figurent plus dans la convention collective de 193636. D’autres professions sont déclassées. L’émailleuse, qui gagnait, en 1930, 20 % de plus que la manœuvre spécialisée, devient « l’émailleuse trempeuse » classée OS montage et divers37. À l’image de Paris, la convention de la métallurgie stéphanoise déclasse la plupart des postes d’ouvrières qualifiées38.

  • 39 AD Rhône, 10 M 586 : recensement des salaires et des professions effectué par la préfecture du Rhôn (...)
  • 40 AD Rhône, 10 M 586 : Chambre syndicale des industries métallurgiques du Rhône, Statistique de payes (...)
  • 41 AN F 22 1633 : CC des industries métallurgiques du Rhône, 25 juin 1936.
  • 42 AN F 22 1633 : CC des industries métallurgiques du Rhône, 25 juin 1936.

19Mais l’aggravation de la division sexuelle que manifestent ces textes ne doit pas masquer le mouvement de promotion que représentent les conventions conclues dans d’autres secteurs ou régions. Nombre de conventions permettent d’élargir et de hiérarchiser l’éventail des tâches féminines. Les textes permettent en effet une hiérarchisation plus fine des travaux féminins qui prend en compte leur degré de difficulté. Dans la métallurgie lyonnaise, les barèmes établis pendant la guerre ou les statistiques de l’entre-deux-guerres ne recensent que des manœuvres et des manœuvres spécialisées39, des « femmes de professions quelconques » et des « femmes spécialistes dans leur profession »40. La convention du Front populaire classe les femmes en quatre groupes qui prennent en compte les caractéristiques du poste de travail. Le premier comprend les manœuvres, les magasinières et les ouvrières effectuant des travaux manuels simples41. Le deuxième est celui des « serveuses aux machines et tous montages à la main ». Le troisième rassemble les femmes occupées aux « petites presses et travaux non pénibles sur machines » auxquelles sont annexées les ouvrières soudeuses, les colleuses d’agrafes et les vernisseuses au pistolet. Le quatrième est celui des femmes travaillant sur de « grosses presses ou de grosses machines », effectuant des « travaux pénibles sur machines présentant des risques importants ». La pénibilité du travail se voit ainsi reconnue et compensée. Ces quatre groupes sont rémunérés respectivement 3,40 fr, 3,75 fr, 4,10 fr et 4,40 fr par heure42, soit une différence de 29 % entre la manœuvre et l’ouvrière employées sur de grosses machines.

Une politique salariale favorable aux femmes

  • 43 L’écart oscille entre 35 % et 40 % pour le personnel de la coupe à Paris, et se maintient à 50 % po (...)

20En outre, le maintien de la division sexuelle du travail est en partie compensé par une politique salariale favorable aux femmes. Sous l’effet du réajustement des salaires anormalement bas décidé par l’Accord Matignon, les conventions collectives du Front populaire participent d’une réduction des salaires à poste égal. Celle-ci est toutefois d’une ampleur variable selon les secteurs. À Paris comme à Lyon, les conventions des industries métallurgiques instituent un écart de 20 %. Pour les ouvrières lyonnaises, l’écart de salaire avec leurs homologues masculins se réduit de moitié. Dans l’habillement, en revanche, les écarts de salaires homme-femme s’élèvent encore à 50 %. Leur réduction est moins systématique. Pour le personnel qualifié de la confection pour hommes, les écarts demeurent quasiment inchangés de 1918 à 193643.

21L’examen des métiers et des salaires dévolus à la main-d’œuvre féminine révèle par conséquent que les conventions collectives sont loin d’être unanimement favorables aux femmes. Cette relégation, ainsi que l’effet varié des conventions collectives sur la situation de la main-d’œuvre féminine, s’explique par les stratégies des syndicats ouvriers et patronaux, peu favorables aux femmes.

Syndicats et salaires féminins lors du Front populaire

  • 44 Blum 1978; Sirot 1994.
  • 45 Zylberberg-Hocquart 1978; Frader 1996; Denis-Morillon 1981; Poggioli 2012.
  • 46 Frader 2008.
  • 47 CGT, Congrès confédéral de Paris, Paris, Éditions de la confédération générale du travail, 1933, p. (...)
  • 48 Margairaz & Tartakowsky 2006.

22Présentes lors des grèves du Front populaire44, les femmes sont marginalisées lors des négociations, comme elles le sont dans les instances syndicales45. Si leur participation aux pourparlers ne suffit pas à garantir que le texte leur sera favorable, nul doute que leur absence laisse le champ libre aux tactiques et discours discriminatoires. Au niveau confédéral ou fédéral, la réduction des inégalités sexuées n’est pas une priorité. Cette attitude peut résulter d’une certaine indifférence ou d’une méconnaissance des réalités de la ségrégation sexuelle, mais elle reflète plus vraisemblablement la défiance envers la main-d’œuvre féminine qui, comme l’idéologie du « male breadwinner »46, subsiste au sein du mouvement ouvrier. Rappelons qu’en 1933, la CGT peut à la fois exiger l’égalité des salaires masculins et féminins pour mettre fin « au conflit des sexes sur le marché du travail » et demander une augmentation des allocations familiales dispensant la mère de rechercher un « salaire d’appoint », au motif qu’on ne saurait défendre absolument le travail des femmes47. Au niveau fédéral, les inégalités sexuelles sont comprises dans une série d’inégalités de salaires. La priorité est de réduire les inégalités régionales par la conclusion d’une convention nationale et non les inégalités de sexes48.

  • 49 Harden-Chenut 2010. Voir également, l’exemple de la bonneterie troyenne. L’auteur signale que la di (...)
  • 50 Frader 2008 : 212.
  • 51 « Projet de contrat collectif ouvrier », L’Humanité, 5 juin 1936.
  • 52 Le Métallo, juin 1935.

23Au niveau local, dans la plupart des branches, les grilles de classification proposées par les représentants ouvriers nous semblent représentatives d’une stratégie consistant à demander de meilleurs salaires pour les femmes, peut-être afin d’éliminer la concurrence féminine, tout en sauvegardant les prérogatives masculines sur l’accès à la qualification49. Dans la métallurgie parisienne, où le syndicat ouvrier semble avoir admis l’inéluctabilité du travail féminin50, le projet syndical apparaît avantageux si l’on considère le montant des rémunérations accordées. Mais le texte met en pratique la ségrégation sexuelle, trahissant les doléances de la main-d’œuvre féminine telles qu’elles sont exposées dans le cahier de revendication de la section féminine du syndicat des métaux établi en 1935. En premier lieu, le projet ne mentionne pas l’ensemble des professions féminines que signalent l’enquête du GIM sur les salaires et le cahier de revendication élaboré par les ouvrières. Ensuite, le projet syndical ramène les vernisseuses, essayeuses, étalonneuses, bobineuses, etc. au taux horaire de « l’ouvrière toutes catégories », alors qu’en avril 1936, elles gagnaient plus qu’une manœuvre spécialisée51. Pour ces femmes, les ouvrières demandent une rémunération de 30 % supérieure à celle de la manœuvre spécialisée52.

24Les inégalités que laissent perdurer les conventions collectives ne semblent pas susciter de protestations parmi les ouvrières, soit que le sentiment d’une embellie domine, soit que ces silences reflètent leur position subordonnée au sein du mouvement ouvrier. À la Libération, au contraire, la féminisation des instances syndicales permet quelques avancées.

Les arrêtés Parodi-Croizat : conquête de la parité ?

  • 53 Sellier 1983 : 187.
  • 54 Olmi 2005.

25À la Libération, les grilles de classifications sont désormais incluses dans des arrêtés ministériels. Contrairement aux conventions collectives du Front populaire, les arrêtés Parodi-Croizat visent à engager une vaste mise en ordre des salaires sous l’égide de l’État. Les arrêtés sont donc nationaux et produits suivant une procédure identique : un « arrêté de fixation des salaires » définit les principes généraux de la rémunération et les catégories génériques de manœuvre ou d’ouvrier qualifié, puis les « décisions de classification » opèrent le classement des postes dans les catégories génériques de l’arrêté. Bien que cette période soit placée sous le sceau de « l’étatisme salarial »53, l’élaboration des arrêtés repose sur une collaboration tripartite entre les syndicats ouvriers, les organisations patronales et les représentants de l’État. Le remaniement de l’ordre salarial intervient dans un contexte relativement favorable aux femmes. Non seulement elles obtiennent le droit de vote, mais leurs revendications acquièrent une relative visibilité au sein du mouvement ouvrier54.

  • 55 Cette lacune est due en partie à la fermeture des archives du ministère du Travail sur la période. (...)
  • 56 Saglio 2007.

26Cruciale, l’élaboration des arrêtés a été peu étudiée55. La question de la continuité avec les hiérarchies des conventions collectives du Front populaire a été posée56 sans que les salaires et qualifications attribués à la main-d’œuvre féminine soient examinés. Pour les femmes, l’élaboration des arrêtés Parodi-Croizat est un moment plus efficient que les négociations du Front populaire.

  • 57 « Arrêté du 31 mai 1945 relatif aux salaires dans les industries des métaux », Direction du Travail (...)
  • 58 AN CAC 1976 0122, article 292 : procès-verbal de la séance de la commission nationale des salaires (...)
  • 59 Marie Couette, « À travail égal, salaire égal », La Vie ouvrière, 19 octobre 1945.
  • 60 Olmi 2005.

27Dans un premier temps, les arrêtés instaurent difficilement le principe de l’égalité salariale. L’arrêté du 12 avril 1945 relatif aux salaires de l’industrie des métaux de la région parisienne signale « qu’à condition de travail et de rendement égal, le calcul de la rémunération doit être établi sur les mêmes bases pour les hommes et pour les femmes ». Tout en proclamant le principe de parité, le texte en restreint immédiatement la portée. Il précise en effet « qu’en aucun cas, les taux minima des salaires des femmes ne pourront être inférieurs de plus de 10 % aux taux des hommes »57. Le principe d’un abattement de 10 % est débattu au sein de la Commission centrale des salaires. Les représentants ouvriers plaident pour l’égalité salariale, et ce sont les patrons qui demandent le maintien d’une discrimination. Les arguments, qui mettent en valeur l’infériorité des travaux exécutés par les femmes et dénient leur qualification, sont assez classiques58. C’est finalement le ministre gaulliste du Travail, Alexandre Parodi, qui tranche le débat dans un sens favorable aux patrons. Contrairement au Front populaire, la mesure est vivement dénoncée dans les colonnes de la presse cégétiste. Avec les arrêtés Parodi, protestent les militantes, « légalement, la femme a un salaire inférieur à celui de l’homme, du seul fait qu’elle est femme ». Les commissions féminines envoient plusieurs délégations au ministère du Travail pour demander la levée de l’abattement59. À la tribune de la CGT, Marie Couette fait voter une résolution demandant l’égalité des salaires60. Le 10 juillet 1946, Ambroise Croizat, nouveau ministre communiste du Travail, finit par signer l’arrêté supprimant l’abattement de 10 %.

  • 61 Saglio 2007.
  • 62 AN CAC 1896 0170, article 209 : constructions électriques, compte rendu de la réunion du 15 juin 19 (...)

28Si les arrêtés admettent le principe de l’égalité des salaires à qualification égale, les décisions de classification qui les complètent offrent la possibilité de maintenir une échelle sexuée des qualifications. La négociation des décisions de classifications représente donc un enjeu majeur pour consolider le principe d’égalité hommes-femmes. Dans la métallurgie et le vêtement, elles permettent de maintenir les positions acquises par les femmes voire d’obtenir quelques avancées. Dans la métallurgie, l’arrêté reprend les règles établies par la convention de la métallurgie parisienne en 1936. Le texte retient donc une classification en trois catégories : manœuvre, ouvrier professionnel, ouvrier qualifié. Pour cette dernière catégorie, la référence au CAP est maintenue. Cette définition « formelle » du métier exclut les femmes de l’accès à la qualification. Mais l’architecture de la grille devant interdire d’attribuer à certains emplois des taux intermédiaires entre l’OS et l’ouvrier professionnel, l’arrêté prévoit une catégorie « d’assimilés professionnels » où pourront être classés des postes qui en 1936 recevaient un taux supérieur à celui de l’OS sans être reconnus comme poste d’ouvrier qualifié61. Sont classés dans la catégorie « d’assimilés professionnels » une cinquantaine de postes. Cette « classification pratique » qui se réfère aux acquis de 1936 est favorable aux femmes car elle permet de préserver les postes d’ouvrières professionnelles qui avaient survécu dans la convention parisienne. Ainsi, la « bobineuse tous travaux », la « câbleuse soudeuse » ou la « polisseuse » continuent d’être classées comme ouvrières professionnelles. Le maintien de ces professions féminines semble en partie lié à l’action des représentants ouvriers au sein des commissions de classification62.

  • 63 L’Habillement, août et septembre 1946.
  • 64 « De la reclassification des travaux », Bulletin de l’industrie du vêtement masculin, 15 janvier 19 (...)

29Alors que la métallurgie privilégie la continuité avec le Front populaire, la confection pour hommes connaît une nette rupture. La décision de classification ne classe plus la main-d’œuvre en fonction du métier qu’elle possède, mais en tenant compte du poste de travail qu’elle occupe et des tâches que celui-ci suppose. Ainsi, le terme de « coupeur » n’est plus mentionné dans la grille, mais les travaux de coupe effectués à la main, classés dans la quatrième catégorie au premier échelon, sont « le matelassage du drap, le traçage des toiles tailleur et de toutes doublure ; la coupe toute doublure avec ciseaux main ou machine à couteau circulaire ; le détachage des toiles intérieures et doublure de coton ou similaires avec machine à lames verticales ». La grille ne fait plus référence aux métiers, mais hiérarchise des tâches selon leur degré de difficulté. Ces nouveaux critères, dont l’origine nous est pour l’instant inconnue, mettent fin aux privilèges et aux hiérarchies qui gouvernaient l’organisation coutumière du métier. Il en est ainsi, par exemple, de la supériorité des coupeurs sur les presseurs et de la fermeture de certains métiers aux femmes qui subsistait encore au moment du Front populaire. Localement, cet aspect de la remise en ordre est fortement contesté par les ouvriers63. Évoquant les contestations auxquelles a donné lieu la nouvelle classification de la confection pour homme, la Fédération nationale des fabricants français de confection, dont les représentants siègent à la sous-commission chargée des classifications, dénonce ces tentatives pour conserver des avantages locaux qui détruisent la portée de la mise en ordre des salaires64.

*

30Les grilles de classification que contiennent les conventions collectives, puis les arrêtés Parodi-Croizat, représentent un acquis ambigu pour la main-d’œuvre féminine. Alors que les grilles élaborées par le patronat anglais dans l’entre-deux-guerres continuent de classer les ouvrières dans une catégorie commune dont l’âge est le seul critère de variation, l’extension de la négociation collective permet de rendre visible la variété et la qualification des tâches exécutées par les femmes dans les secteurs les plus divers. L’élaboration des grilles coïncide avec une politique de revalorisation salariale et permet de réduire l’écart avec les salaires masculins. Mais les grilles légitiment les frontières sexuelles de la division du travail. Les ouvrières de la métallurgie sont exclues des postes les plus qualifiés et cantonnées en bas de la hiérarchie des qualifications. Si les ouvrières du vêtement accèdent aux métiers qualifiés ce n’est jamais à égalité de condition avec les hommes. La persistance de cette ségrégation traduit un déni de la qualification des travaux demandés aux ouvrières. Plus précisément, attribuer aux femmes les nouveaux postes issus de la division et de la mécanisation du travail permet en même temps de les désigner comme non qualifiés. En ce sens, l’imputation de la qualification à un poste est inséparable du sexe de celui qui l’occupe.

31L’examen des négociations entreprises sur une période de moyenne durée laisse voir le jeu complexe des stratégies déployées par les acteurs impliqués dans la définition de la qualification. L’État et les syndicats ouvriers ne s’engagent que tardivement dans la promotion de la qualification féminine. L’attitude des syndicats ouvriers peut être en partie considérée comme une réponse à la stratégie patronale qui voit dans la féminisation une occasion de baisser les salaires. Mais elle est aussi le produit d’une certaine indifférence, voire d’une hostilité, envers la main-d’œuvre féminine qui persiste jusqu’au Front populaire. Dans ce contexte, il faut attendre la Libération pour obtenir quelques avancées significatives.

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Notes

1 Omnès 1997 ; Zancarini-Fournel 1993 ; Harden-Chenut 2010.

2 Beau 2004.

3 Machu 2011.

4 Harden-Chenut 1996.

5 Il est relativement rare d’avoir accès aux procès-verbaux des négociations collectives ou à des projets qui permettent de connaître avec précision les motivations des acteurs. Cf. Machu 2011.

6 Rudischhauser 2005.

7 Pour les années 1910-1912, 229 conventions collectives sont conclues dans le bâtiment, 15 dans le livre, 29 dans le textile et 9 dans le vêtement.

8 Robert 1995.

9 Viet 2002.

10 « Avis émis par le comité permanent de conciliation et d’arbitrage sur l’interprétation de la décision ministérielle du 16 janvier 1917 fixant la réglementation des salaires pour les fabrications de guerre, article 2 », ministère de l’Armement et des Fabrications de Guerre, Tarifs et réglementation des salaires applicables pour les fabrications de guerre de la région parisienne, Paris, Imprimerie nationale, 1917, p. 8-15.

11 « Décision du 2 mars 1917, tarifs des salaires de la métallurgie », ibidem, p. 24.

12 « Décision du 13 novembre 1917 », ministère de l’Armement, Deuxième supplément au tarif des salaires applicables aux usines de guerre de la région parisienne, op. cit., p. 10-16.

13 Omnès 2001.

14 Archives nationales (AN), 94 AP 138 : lettre de l’Union corporative des mécaniciens de la Seine, 10 janvier 1917.

15 Downs 2001.

16 « Décision du 16 janvier 1917 », ministère de l’Armement et des Fabrications de Guerre, Tarifs et réglementation des salaires …, op. cit., p. 1-7.

17 Downs 2001 : 133.

18 La coupe consiste à couper l’étoffe en fonction du patron. La presse consiste à repasser le vêtement et à lui donner une forme, une fois qu’il a été confectionné.

19 Ces deux étapes consistent à coudre puis assembler les pièces de tissus.

20 Office du travail, Statistiques sur les grèves et le recours à la conciliation, 1906.

21 L’Ouvrier de l’habillement, 1906.

22 « Contrat de travail passé à la préfecture du Rhône le 5 juin 1919 entre le syndicat patronal des confectionneurs en gros et le syndicat de l’habillement du département du Rhône », L’Ouvrier de l’habillement, août 1919.

23 Convention collective (CC) de la confection en gros de Lille, L’Ouvrier de l’habillement, juin 1919.

24 L’Ouvrier de l’habillement, 1923.

25 Archives départementales (AD) Rhône, 10 M 582 : dossier du Syndicat de l’habillement du département du Rhône. En 1920, le syndicat déclare 3 500 membres dont 2 500 femmes.

26 « Un comité intersyndical à prendre en exemple : Lille », L’Ouvrier de l’habillement, 1923.

27 AD Nord, M 595 103 : rapport au Préfet du Nord sur la grève des ouvriers de la confection, 25 décembre 1931. Les coupeurs refusent catégoriquement que les patrons puissent recruter librement des jeunes et des femmes à la coupe.

28 Machu 2011.

29 AN F 22 1633 : CC des industries métallurgiques de la région parisienne, 12 juin 1936, article 19.

30 Castets 2003.

31 AN CAC 1986 0170, article 200 : Sous-groupe A, construction machines et appareillage, définitions proposées.

32 Downs 2001 : 311-319.

33 Le même argument est utilisé dans la bonneterie troyenne où les travaux effectués par les femmes sur de petites machines sont systématiquement dévalorisés par rapport aux travaux effectués par des hommes sur des machines plus grosses. Cf. Harden-Chenut 2010 : 376-379.

34 AN F 22 1615 : CC de la confection pour homme de la région parisienne, 18 juillet 1936.

35 AD Rhône, 5 UP 35 : CC de la confection en gros de Lyon, 16 octobre 1936.

36 Omnès 1997 : 140.

37 Groupement des Industries Métallurgiques (GIM), Enquête sur les taux horaires des salaires, janvier-février 1930.

38 Zancarini-Fournel 1993 : 182.

39 AD Rhône, 10 M 586 : recensement des salaires et des professions effectué par la préfecture du Rhône (1928) ; AN F 22 1633 : CC des industries métallurgiques du Rhône, 25 juillet 1936.

40 AD Rhône, 10 M 586 : Chambre syndicale des industries métallurgiques du Rhône, Statistique de payes, mars 1935.

41 AN F 22 1633 : CC des industries métallurgiques du Rhône, 25 juin 1936.

42 AN F 22 1633 : CC des industries métallurgiques du Rhône, 25 juin 1936.

43 L’écart oscille entre 35 % et 40 % pour le personnel de la coupe à Paris, et se maintient à 50 % pour les presseurs et presseuses lilloises.

44 Blum 1978; Sirot 1994.

45 Zylberberg-Hocquart 1978; Frader 1996; Denis-Morillon 1981; Poggioli 2012.

46 Frader 2008.

47 CGT, Congrès confédéral de Paris, Paris, Éditions de la confédération générale du travail, 1933, p. 307 et sq.

48 Margairaz & Tartakowsky 2006.

49 Harden-Chenut 2010. Voir également, l’exemple de la bonneterie troyenne. L’auteur signale que la direction du syndicat négocie un accord qui protège les emplois réservés aux hommes. Les militants stéphanois sont quant à eux animés d’un « malthusianisme misogyne » qui défend la « nécessité naturelle d’espaces de travail distincts pour les hommes et pour les femmes ». Cf. Burdy, Dubesset & Zancarini-Fournel 1997.

50 Frader 2008 : 212.

51 « Projet de contrat collectif ouvrier », L’Humanité, 5 juin 1936.

52 Le Métallo, juin 1935.

53 Sellier 1983 : 187.

54 Olmi 2005.

55 Cette lacune est due en partie à la fermeture des archives du ministère du Travail sur la période. Les fonds ne sont plus consultables depuis 2003.

56 Saglio 2007.

57 « Arrêté du 31 mai 1945 relatif aux salaires dans les industries des métaux », Direction du Travail, Salaires et classifications professionnelles, fascicule : industries du vêtement, Paris, Imprimerie des journaux officiels, 1946, p. 9-18.

58 AN CAC 1976 0122, article 292 : procès-verbal de la séance de la commission nationale des salaires du 10 mars 1945.

59 Marie Couette, « À travail égal, salaire égal », La Vie ouvrière, 19 octobre 1945.

60 Olmi 2005.

61 Saglio 2007.

62 AN CAC 1896 0170, article 209 : constructions électriques, compte rendu de la réunion du 15 juin 1945.

63 L’Habillement, août et septembre 1946.

64 « De la reclassification des travaux », Bulletin de l’industrie du vêtement masculin, 15 janvier 1946.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laure machu, « Genre, conventions collectives et qualifications dans l’industrie française du premier xxe siècle »Clio, 38 | 2013, 41-59.

Référence électronique

Laure machu, « Genre, conventions collectives et qualifications dans l’industrie française du premier xxe siècle »Clio [En ligne], 38 | 2013, mis en ligne le 31 décembre 2015, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/11568 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.11568

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Auteur

Laure machu

Laure Machu est agrégée et docteure en histoire. Elle est membre associée de l’Institut des dynamiques historiques de l’économie (IDHE). Soutenue en novembre 2011, sa thèse a pour titre « Les conventions collectives du Front populaire. Construction et pratiques du système de relations français de relations professionnelles », doctorat d’histoire dirigé par Catherine Omnès, université de Nanterre-Paris Ouest.
lauremachu@aol.com

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