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Le genre du cancer

The gender of cancer
Ilana Löwy
Traduction de Geneviève Knibiehler
p. 65-83

Résumés

Le cancer est perçu aujourd’hui comme une maladie qui affecte à peu près autant d’hommes que de femmes. C’est cependant une conception relativement récente. Jusqu’au milieu du xxe siècle, le cancer était considéré comme une pathologie principalement féminine, les tumeurs malignes produisant des symptômes typiques faciles à détecter. Au xxe siècle, les cancers féminins – du sein et de l’utérus – sont les principales cibles des campagnes publiques pour la détection précoce des tumeurs malignes. Depuis les années 1950, le développement de méthodes efficaces de diagnostic et l’augmentation des cancers du poumon, plus fréquents chez les hommes, met fin à l’image du cancer comme une pathologie féminine. Dans les discours publics et les medias, les cancers des organes reproducteurs féminins continuent cependant d’être plus visibles que ceux des organes reproducteurs masculins, et les femmes à risques sont plus souvent sujettes à une chirurgie de prévention mutilante.

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Texte intégral

  • 1 Banks et al. 2006. Les données concernent seulement la fréquence globale des cancers, non leur répa (...)

1Si certains cancers sont spécifiquement masculins ou féminins, la prévalence du cancer est néanmoins globalement à peu près la même pour les deux sexes1. Cette vision du cancer – équilibrée du point de vue du genre – est relativement récente. Jusqu’au milieu du xxe siècle, le cancer était considéré comme une maladie affectant principalement les femmes. Cela était dû à la forte visibilité des cancers du sein et de l’appareil génital féminin. En effet, avant l’apparition des technologies modernes de diagnostic, il arrivait souvent que les médecins ne détectent pas les tumeurs malignes des organes internes. Les patients souffraient de troubles digestifs, faisaient des jaunisses, des « attaques », se plaignaient d’essoufflements et des « maux du grand âge », mais il n’était pas question de cancer de l’estomac, du colon, du foie, du cerveau ou du poumon. En revanche, il était difficile de ne pas voir les changements spectaculaires occasionnés par un cancer du sein ou d’ignorer les abondantes pertes de sang et les sécrétions vaginales, symptômes caractéristiques d’un cancer de l’utérus avancé. Au xixe siècle et au début du xxe, les statistiques de la mortalité en France et en Angleterre – lesquelles sont loin d’être précises – faisaient apparaître presque trois fois plus de décès dus au cancer parmi les femmes que parmi les hommes. Le courant ne s’est inversé que vers le milieu du xxe siècle, avec la possibilité de réaliser des diagnostics précis de tumeurs cancéreuses sur les organes internes et l’augmentation rapide des décès provoqués par le cancer du poumon chez les hommes.

  • 2 Reagan 1997 ; Moscucci 2005 ; Jansen 2011.
  • 3 Aronowitz 2001 ; Gardner 2006 ; Löwy 2009 et 2011.

2Cet article met l’accent sur la période où les experts et les organismes œuvrant dans le domaine de la prévention et des traitements du cancer parlaient surtout des femmes et s’adressaient essentiellement à elles2. Il explore, à partir de travaux de recherche s’appuyant sur des sources primaires et secondaires en Europe et en Amérique du Nord, à la fois le discours médical et les pratiques en relation avec le traitement des cancers féminins3.

Mères et pécheresses : les cancers féminins au xixe siècle

  • 4 Nolte 2008. Le cancer du sein était moins étroitement lié à des éléments spécifiques du mode de vie (...)
  • 5 Vallée 1826 : 10.

3Au xixe siècle, les médecins proposaient toutes sortes d’explications à la forte prévalence du cancer de l’utérus. Pour certains, l’immoralité et les excès sexuels étaient une explication à l’apparition des tumeurs4. Le médecin canadien Guillaume Vallée affirmait ainsi en 1826 que les femmes des classes défavorisées qui vivaient dans les grandes villes étaient plus nombreuses à souffrir du cancer de l’utérus que celles qui vivaient à la campagne, et expliquait cette différence par le grand relâchement des mœurs en ville5. D’autres médecins remarquaient, cependant, que les prostituées n’étaient pas plus sujettes aux tumeurs utérines que les « honnêtes femmes ». Mais ils étaient tout de même nombreux à citer, entre autres, parmi les causes de ces tumeurs, la pratique de la masturbation, une activité sexuelle excessive, un appétit sexuel immodéré, la syphilis et autres maladies vénériennes, les avortements, ainsi que les désordres de « l’âge critique » (la ménopause).

  • 6 Scotto & Bailard 1969.
  • 7 Lever 1839.

4En 1842, un chirurgien de Padoue, Domenico Rigoni-Stern, démontra que les religieuses souffraient rarement du cancer de l’utérus, alors qu’elles avaient, plus que la moyenne des femmes, tendance à développer des cancers du sein6. La prédisposition d’un groupe de femmes à une sorte de cancer, et la résistance du même groupe à une autre sorte de cancer, remettaient ainsi en question une croyance très répandue, à savoir qu’il existait une prédisposition morale ou une tendance héréditaire à développer des tumeurs (« diathèse cancéreuse »). Les remarques de Rigoni-Stern suggéraient aussi que le cancer de l’utérus pouvait avoir un lien avec l’activité sexuelle. Le médecin britannique J.W.C. Lever établit, quant à lui, en 1839, que les femmes célibataires souffraient rarement du cancer de l’utérus7, expliquant que le développement de cette pathologie pouvait être favorisé par les accouchements. Cette opinion est devenue majoritaire à la fin du xixe siècle et au début du xxe. De nombreux gynécologues étaient dès lors persuadés que le cancer de l’utérus était lié non pas à une activité sexuelle excessive, mais aux dommages causés par les grossesses répétées et les accouchements traumatiques.

  • 8 Laudon 1988 : 183-228.

5Pendant une grande partie de xixe siècle, les médecins ont parlé d’une entité unique, le « cancer de la matrice », tandis qu’à la fin du siècle, des spécialistes ont introduit la différentiation entre le cancer du corps utérin (aujourd’hui cancer de l’endomètre) et le cancer du col de l’utérus – qui était alors beaucoup plus fréquent. Ils estimaient que seul ce dernier pouvait être lié au statut socioéconomique de la patiente et à des dommages causés par un accouchement difficile. Le cancer du col, pensaient-ils, était plus fréquent chez les femmes socialement défavorisées car elles avaient plus d’enfants et n’avaient pas les moyens d’accéder à des soins médicaux appropriés au moment de l’accouchement quand elles souffraient de déchirures du col plus graves8. La pauvreté entraînait aussi un défaut d’hygiène, une plus grande fréquence des maladies sexuellement transmissibles et des avortements, spontanés ou provoqués, qui facilitaient le développement d’inflammations chroniques du col de l’utérus, considérées comme des lésions précancéreuses. La sexualité n’était pas entièrement absente de cette argumentation liant pauvreté et tumeurs utérines, puisque les maladies sexuellement transmissibles et les avortements étaient vus comme la conséquence du relâchement supposé des pratiques sexuelles chez les femmes des classes défavorisées. Jusqu’au milieu du xxe siècle, cependant, de nombreux gynécologues pensaient que la fréquence du cancer du col chez les femmes pauvres était due essentiellement à des grossesses répétées, à l’inadaptation des soins médicaux et à des conditions de vie trop dures. Ce cancer était devenu le fléau des mères pauvres.

La détection et le traitement des cancers de l’appareil génital féminin

  • 9 Meigs 1859 : 333.
  • 10 Téallier 1836 : 108.
  • 11 Rossignol 1806 : 23 ; Legoux 1826 : 35.

6Au début du xixe siècle, beaucoup de médecins pensaient pouvoir prévenir au moins quelques-unes des souffrances occasionnées par le cancer de l’utérus en traitant les lésions du col (les squirrhes) avant que celles-ci ne deviennent irréversiblement cancéreuses9. En 1836, le gynécologue français Pierre Téalier fit une comparaison entre le traitement préventif des lésions gynécologiques suspectes et la prévention des troubles sociaux. La prévention de ces derniers était à son avis bien plus efficace si on intervenait dès les premières manifestations de désordre social, il en allait de même pour la prévention des tumeurs malignes10. Comme d’autres spécialistes du cancer, il soulignait l’importance pour les femmes de consulter un médecin dès l’apparition de symptômes suspects, comme les saignements erratiques. La tâche était cependant difficile. Les femmes étaient réticentes à l’idée de consulter pour des troubles gynécologiques mineurs, et la plupart d’entre elles n’en avaient pas les moyens financiers. Le résultat était qu’elles attendaient souvent pour voir un médecin que la tumeur ait déclenché des symptômes plus alarmants. À ce stade, remarquaient les spécialistes, la maladie était incurable et le médecin ne pouvait qu’en observer la progression inexorable11.

  • 12 Moscucci 2005.
  • 13 Bloodgood [ca 1916].

7Avec le développement de l’ablation chirurgicale de l’utérus (l’hystérectomie) à la fin du xixe siècle, les médecins furent enfin en mesure de proposer une thérapie des tumeurs cancéreuses. Cette intervention était au début très risquée, avec un taux important de mortalité, mais les gynécologues pensaient qu’elle devait être tentée autant que possible, étant donné que la seule alternative était une agonie lente et douloureuse. Au début du xxe siècle, le taux de mortalité de l’hystérectomie avait baissé, mais l’opération était inefficace lorsque le cancer s’était déjà propagé à d’autres parties du corps12. Les médecins continuaient donc d’inciter les femmes, avec cette fois des arguments plus solides, à consulter dès qu’elles remarquaient des symptômes gynécologiques suspects. Leur objectif était que les tumeurs soient plus souvent détectées à un stade « opérable », autrement dit quand elles n’affectaient que l’utérus13.

  • 14 Patterson 1987 ; Lerner 2001.
  • 15 Gardner 2006 : 53-92.

8Les organismes de lutte contre le cancer en Europe et en Amérique du Nord lancèrent des campagnes énergiques, accompagnées de ce slogan : « Le cancer peut être guéri s’il est traité à son début ». Si l’on prête attention à cette phrase, elle dit tout simplement que certaines tumeurs localisées peuvent être soignées, alors que toutes celles qui sont disséminées sont mortelles. Mais l’interprétation de ce slogan fut en général différente car il laissait très fortement supposer qu’une patiente qui connaissait les premiers signes du cancer et consultait un médecin compétent tout de suite après avoir remarqué ces signes, avait de bonnes chances de guérir. Cela signifiait aussi indirectement que les patientes qui mouraient d’un cancer pouvaient être en partie responsables de ce qui leur était arrivé14. Les campagnes de sensibilisation organisées par les spécialistes du cancer et par les organismes de lutte contre le cancer se focalisaient souvent sur les cancers féminins (cancer du sein et cancer de l’utérus) considérés comme « soignables ». De telles campagnes diffusaient un message optimiste et minimisaient la dure réalité et l’incertitude quant aux résultats des traitements15.

Détection précoce du cancer de l’utérus

  • 16 Milligan 1907 ; Pichevin 1912.
  • 17 Rapport annuel de l’Institut Curie pour 1932. Minutes de la réunion du conseil d’administration de (...)

9Grâce aux campagnes de « détection précoce » du cancer du col, beaucoup de femmes comprirent qu’elles devaient voir un médecin dès qu’elles constataient certains symptômes comme des pertes de sang irrégulières16. Durant la période de l’entre-deux-guerres, les gynécologues découvrirent cependant que les femmes qui les consultaient immédiatement après avoir remarqué des symptômes gynécologiques suspects présentaient souvent des tumeurs disséminées, donc incurables. La visite médicale « précoce » était alors déjà trop tardive. L’étape suivante fut donc de persuader les femmes « asymptomatiques » (c’est-à-dire en bonne santé) de subir des examens gynécologiques réguliers afin de détecter les lésions « silencieuses » du col17.

  • 18 Papiers Catherine Macfarlane. Archives du Medical College of Philadelphia, account 47, Box 2, Folde (...)

10En 1938, à Philadelphie, la gynécologue Catherine Macfarlane démarra un programme pilote pour la détection précoce du cancer du col de l’utérus. Son projet consistait à l’origine à proposer des examens gynécologiques gratuits aux femmes des quartiers défavorisés de la ville. Les femmes pauvres, et surtout les Noires, étaient les plus sujettes aux tumeurs utérines. Comme elles ne pouvaient pas payer les visites chez un gynécologue, on diagnostiquait souvent chez elles des pathologies avancées, incurables. Le corps médical local et les administrateurs du Women’s Medical College, auquel Catherine Macfarlane était affiliée, s’opposèrent catégoriquement à ce projet de détection précoce, craignant que la distribution gratuite de prestations médicales ne réduise l’activité de leurs cabinets privés et fasse trop de place à la « médecine sociale ». Le Women’s Medical College finit par donner son aval, mais à la condition que Macfarlane n’examine que les femmes envoyées par leur médecin traitant – autrement dit celles qui pouvaient avoir affaire à la médecine libérale. Le programme ouvrit des perspectives importantes pour la recherche des tumeurs du col de l’utérus, mais n’eut aucune efficacité pour aider les femmes qui avaient le plus besoin d’une détection précoce de ce cancer18.

  • 19 Casper & Clarke 1998.
  • 20 Wellcome Library, Dépt. Archives et manuscripts, séries SA/MWF, Documents de la Medical Women Feder (...)

11Dans les années 1950, des médecins développèrent une alternative plus simple et plus économique aux visites gynécologiques régulières : le frottis cervical (test de Papanicolaou ou test de PAP). Ce test nécessitait une main-d’œuvre importante et était difficile à standardiser, mais il fut néanmoins transformé avec succès en un outil « exploitable » de dépistage, capable de détecter la présence d’anomalies sur le col19. Les médecins spécialistes et les organismes de lutte contre le cancer en Amérique du Nord et en Europe firent la promotion de cette pratique. Au Royaume-Uni, leurs interventions prirent la dimension de campagnes de santé publique. Au début des années 1960, des films de sensibilisation furent spécifiquement produits à l’intention des femmes de la classe ouvrière et des migrantes. L’objectif de ces films était d’éliminer les craintes des femmes vis-à-vis du « test » et du traitement consécutif à la découverte de lésions suspectes sur le col de l’utérus. Ils incitaient les femmes à prendre en main leur propre santé, et, avant tout, à assumer leur devoir de mère : elles devaient rester en forme pour le bien-être de leurs enfants et de leurs partenaires. Les films expliquaient que le traitement des tumeurs précancéreuses était simple et sans danger pour la fertilité ou l’activité sexuelle de la patiente. Cette dernière remarque était censée convaincre les maris qui s’étaient parfois opposés aux tests de dépistage. L’autre argument à l’intention des maris était que si leur épouse était gravement atteinte le mode de vie familial en serait changé : « Finies les soirées au pub, le football le samedi – il leur faudrait rester à la maison avec tous ces gosses bruyants »20.

  • 21 Cantor 2007.

12Aux États-Unis, le cancer du col ne fut pas présenté comme un problème de santé publique ni comme une pathologie en lien avec le statut socioéconomique des patientes, mais comme un problème individuel : les documents de sensibilisation expliquaient que toutes les femmes étaient menacées par cette maladie. Les films sur l’importance du dépistage mettaient essentiellement en scène des femmes des classes moyennes dans le décor de la petite bourgeoisie. On leur expliquait que le fait d’effectuer régulièrement des frottis protégeait leur liberté et leur bien-être, les mettait à l’abri de la menace du cancer21. Au même moment, des documents pédagogiques soulignaient aussi le devoir qui incombait à la femme, pour elle-même et pour sa famille, de subir régulièrement des tests, et suggéraient ainsi que les femmes ayant développé un cancer du col étaient, jusqu’à un certain point, responsables de ce qui leur arrivait.

Détection précoce du cancer du sein

  • 22 Aronowitz 2001 ; Gardner 2006.
  • 23 Wardle et al. 1995 ; Eisinger et al. 1999.

13Le cancer du sein était une autre pathologie présentée comme guérissable si elle était détectée à temps. Les spécialistes poussaient les femmes à être vigilantes : au moindre doute, et surtout si elles découvraient une grosseur ou un quelconque changement suspect, elles devaient immédiatement rendre visite à un médecin. « Attendre », même seulement quelques semaines, pour consulter un médecin était présenté comme une conduite gravement irresponsable, qui vous privait de toute chance de guérison. Après la Seconde Guerre mondiale, le message « N’attendez pas » fut renforcé par l’introduction de la technique d’auto-examen des seins (BSE = breast self examination) ; les femmes devaient le faire une fois par mois. Dans les années 1950 et 1960, l’American Cancer Society publia des affiches et des dépliants expliquant les dangers auxquels on s’exposait si l’on négligeait de faire le BSE ; la démonstration était illustrée par les témoignages de patientes que cette pratique avait sauvées, ou, parfois, par les confessions de femmes en train de mourir parce qu’elles avaient omis d’examiner régulièrement leurs seins22. Ces documents pédagogiques transmettaient le message implicite suivant : le cancer avancé du sein était une maladie que l’on s’infligeait à soi-même. Le BSE fut vivement conseillé en Europe également mais fut moins largement adopté qu’aux États-Unis23.

  • 24 Green & Taplin 2003 ; Hackshaw & Paul 2003.
  • 25 L’expansion de la pratique de la mammographie a coïncidé avec une diminution de la mortalité due au (...)
  • 26 Jorgersen & Gotzsche 2004.
  • 27 Nekhlyudov, Ross-Degnant & Fletcher 2003.
  • 28 Gigerenzer, Mata & Frank 2009. Les femmes exagéraient aussi la contribution de la mammographie à la (...)

14Les femmes qui pratiquaient l’auto-examen de leurs seins demeurèrent très attachées à cette méthode, même lorsque les essais cliniques conduits dans les années 1990 eurent montré qu’elle n’était pas efficace – peut-être parce que cette pratique leur permettait de croire qu’elles pouvaient se protéger elles-mêmes d’une maladie redoutable24. Le dépistage par la mammographie qui s’est développé dans les années 1960 et 1970, s’est répandu massivement à partir des années 1980, en dépit de controverses tenaces autour de l’efficacité de cette technique. La diffusion rapide de la mammographie peut s’expliquer aussi partiellement par l’attachement des femmes à cette méthode qui leur donnait l’impression, là encore, de pouvoir contrôler elles-mêmes leur risque de cancer du sein25. Les débats sur les bénéfices de la mammographie restèrent le plus souvent limités à la sphère des spécialistes et eurent peu d’écho dans l’opinion26. La majorité des organismes de lutte contre le cancer soutenait avec enthousiasme le dépistage par la mammographie, et les femmes eurent tendance à surestimer les capacités de cet examen à faire baisser le taux de mortalité lié au cancer du sein27. Une enquête effectuée en France en 2009 montre que 2% des Françaises avaient une idée juste de l’efficacité de la mammographie, 15% d’entre elles surévaluaient l’efficacité de cette technique diagnostique en la multipliant par 10 ; 22% d’entre elles en la multipliant par 50 ; 45% d’entre elles en la multipliant par 100 (16% des femmes répondirent qu’elles n’en savaient rien)28.

  • 29 Gardner 2006 ; Toon 2007.
  • 30 Robertson 2001 : 293-309.

15Avant les années 1980, les femmes étaient invitées à suivre l’avis de leur médecin. Des affiches et des films de propagande de cette époque mettaient souvent en scène une femme à l’air modeste, à la tenue très classique, attentive aux paroles du praticien. Les documents pédagogiques de ces trente dernières années, au contraire, soulignent la prise en main de leur propre vie par les femmes ; ils mettent en scène des jeunes femmes souriantes et énergiques, qui déclarent fièrement qu’elles prennent soin d’elles-mêmes en se livrant à un dépistage régulier du cancer du sein29. En dépit du changement de vocabulaire et de style, le message adressé aux femmes du xxie siècle n’est pas différent de celui diffusé à l’époque qui a précédé la libération des femmes. On leur demande d’effectuer elles-mêmes un contrôle externe et en même temps de faire en sorte d’attirer le regard des spécialistes. La sociologue Ann Robertson a eu cette expression très juste : on leur demande d’« avaler le panopticon »30.

Les femmes médecins et les cancers des femmes

  • 31 Dixon-Jones 1893.
  • 32 Moscucci 1990.

16Au xixe siècle et au début du xxe, la seule façon de soigner un cancer était l’intervention chirurgicale, souvent radicale. Il n’y avait alors pas beaucoup de femmes médecin et encore moins de femmes chirurgiens. Les femmes qui choisissaient cette carrière se spécialisaient souvent dans les « maladies féminines », y compris le cancer. L’une des pionnières du traitement chirurgical du cancer de l’utérus aux États-Unis fut Mary Dixon-Jones dont la carrière fut tout sauf orthodoxe. Elle se prépara d’abord à la médecine générale, pratiqua l’homéopathie et l’hydrothérapie, et, à l’approche de la cinquantaine, se lança finalement dans la chirurgie. Elle fonda alors le Women’s Hospital of Brooklyn, spécialisé dans le traitement chirurgical des maladies gynécologiques. Mary Dixon-Jones fut, en 1888, le premier chirurgien des États-Unis à pratiquer l’ablation de l’utérus ; elle pensait que cette solution devait pouvoir être proposée non seulement aux femmes atteintes d’un cancer confirmé, mais aussi à celles qui en étaient menacées31. À la fin du xixe siècle, les médecins s’accordaient à penser que la plupart des problèmes de santé des femmes étaient en lien avec leurs fonctions reproductives. Les attitudes étaient très diverses concernant l’ablation de l’appareil génital féminin (utérus et ovaires) pour soigner les « maladies féminines ». Certains gynécologues soutenaient de toutes leurs forces cette approche thérapeutique, alors que d’autres étaient très critiques32. Les controverses autour de la chirurgie gynécologique ajoutées à des taux de mortalité élevés, et, dans le cas de Dixon-Jones, à la suspicion que suscitait cette femme chirurgien – tout cela formait un mélange explosif.

  • 33 Morantz-Sanchez 2000 : 301.
  • 34 Morantz-Sanchez 1999.

17En 1889, Dixon-Jones fut accusée de meurtre sans préméditation à la suite du décès de sa patiente Ida Hunt. L’historienne Regina Marantz Sanchez, qui a étudié la carrière tumultueuse de Dixon-Jones, a apporté la preuve que la jeune Ida Hunt souffrait d’une affection chronique, probablement consécutive à une maladie vénérienne transmise par son mari. Elle a pu percevoir l’opération comme son ultime chance de retrouver la santé. Certaines femmes, démontre Marantz-Sanchez, s’adressaient justement à la clinique de Dixon-Jones parce qu’elle proposait une solution chirurgicale radicale33. La pratique n’était cependant pas sans risque. Dixon-Jones fut acquittée, mais un journal local, le Brooklyn Daily Eagle, publia une série d’articles lui reprochant son manque de discernement, l’accusant de cruauté gratuite envers ses patientes, de négligence et d’incompétence. Dixon-Jones attaqua le Brooklyn Daily Eagle en justice pour diffamation, en 1892, mais n’obtint pas gain de cause. Ne parvenant pas à blanchir son nom lors de ce procès très médiatisé, Dixon-Jones fut obligée d’abandonner la direction de son hôpital et la pratique de la chirurgie34.

  • 35 Garrett Anderson & Platt 1908.

18Les ablations de l’utérus pratiquées par les chirurgiennes britanniques Louisa Garrett Anderson et Kate Platt furent moins controversées. Entre 1901 et 1914, elles dirigèrent ensemble le département de chirurgie du London’s New Hospital for Women, spécialisé dans les opérations gynécologiques. Elles conseillaient fortement une intervention chirurgicale radicale dans le cas du cancer de l’utérus, pratique qu’elles développèrent dès la fin des années 1890 et contribuèrent à répandre dans la première décennie du xxe siècle. Dans les années 1880, un quart des femmes subissant l’ablation de l’utérus mouraient sur le champ ou des suites d’une infection post-opératoire. En 1908, Anderson et Platt pouvaient se vanter d’avoir rendu cette intervention beaucoup moins dangereuse ; le taux de mortalité n’était que de 6,6% dans leur hôpital. Elles reconnaissaient que les possibilités de guérison définitive grâce à l’opération étaient plutôt minces, mais, disaient-elles, même une chance infime de s’en sortir est préférable à la certitude d’une agonie lente et douloureuse35.

  • 36 Moscucci 2007 : 158. La radiothérapie pour le cancer a été introduite dans les années 1910 ; la chi (...)

19L’attitude volontaire des chirurgiennes Mary Dixon-Jones et Louisa Garrett Anderson était calquée sur celle de leurs confrères masculins : l’audace et le goût du risque. Peut-être ce choix était-il motivé par le désir de montrer que, sur le plan professionnel, les femmes valaient autant que les hommes. D’autres femmes médecins choisirent une approche différente. Se considérant comme les porte-parole de leur sexe, elles cherchèrent à promouvoir des traitements qu’elles croyaient moins nocifs et plus acceptables pour les femmes. Ainsi, au Royaume-Uni, des femmes jouèrent un rôle important dans le développement de la thérapie par radiation des cancers gynécologiques, surtout le cancer du col de l’utérus. La Medical Women’s Federation du Royaume-Uni fonda en 1929 le Marie Curie Hospital, dédié à la radiothérapie des cancers gynécologiques et dans lequel les médecins étaient tous des femmes. Les dépliants présentant le nouvel hôpital expliquaient que toute femme réticente à l’idée de consulter un médecin homme trouverait là la possibilité de parler à une femme capable de comprendre la nature précise de leurs maux. Par ailleurs, la radiothérapie rassurait les gens pauvres qui redoutaient particulièrement les opérations pratiquées dans les hôpitaux caritatifs car ils avaient peur que les médecins se servent de leur corps pour tester de nouvelles pratiques chirurgicales36.

  • 37 Cité par Huguenin 1946 : 166.

20Les femmes médecins étaient aussi attirées par la radiothérapie du cancer parce que ce domaine leur offrait de nouvelles possibilités professionnelles. Dans la France de l’entre-deux-guerres, une femme médecin n’avait aucune chance de se faire remarquer dans le monde médical, d’obtenir l’agrégation de médecine, de devenir chef de département dans un hôpital universitaire ou d’être nommée à une chaire universitaire. Des institutions comme l’Institut Curie à Paris et l’Institut de cancérologie à Villejuif, en marge du système académique, étaient plus aptes à proposer aux femmes des possibilités de carrière. Plusieurs femmes médecins furent des pionnières en « curiethérapie » (terme qui désignait en France la thérapie par le radium). L’une d’entre elles, Simone Laborde, chef du service de radiothérapie à l’Institut de Villejuif, développa dans les années 1930 une perception innovante de la thérapie des tumeurs malignes. Le cancer, affirmait-elle, n’est pas un ennemi étranger mais une partie malade du corps. La destruction de tissus sains par l’exposition à une trop forte radiation non seulement peut avoir de graves effets secondaires, mais réduit aussi la capacité du corps à gérer les cellules cancéreuses. Laborde était fermement opposée aux stratégies thérapeutiques fondées sur l’idée que dans la « guerre contre le cancer » le plus est toujours le mieux37. Peut-être son rejet des « thérapies héroïques » venait-il de l’écoute attentive de ce qu’exprimaient ses patientes. Certaines femmes redoutaient les effets secondaires de la radiation plus que le cancer lui-même. Dans les années 1930, une Canadienne exprima en ces termes son refus de subir une radiothérapie pour un cancer de l’utérus :

  • 38 Clow 2001 : 301.

Trois de mes amies ont subi un traitement de ce genre et elles m’ont dit que c’était comme endurer le feu de l’enfer. En apprenant leur décès prématuré et leur horrible agonie, j’ai décidé de mourir de la manière la moins pénible, en supportant, s’il le faut, la présence d’une tumeur cancéreuse38.

La chirurgie préventive et les femmes : du xixe au xxie siècle

  • 39 Siddhartha Mukherjee, The Emperor of all Maladies: A Biography of Cancer illustre la popularité ind (...)
  • 40 Moscucci 1990.

21La compréhension physiologique qu’avait Laborde du cancer n’était partagée que par une minorité de spécialistes. La majorité d’entre eux considérait le cancer comme un ennemi particulièrement dangereux, et nombreux étaient ceux pour qui l’élimination préventive de tissus et d’organes « précancéreux » était un moyen particulièrement efficace pour lutter contre cet ennemi39. Une telle approche était cependant limitée presque exclusivement aux cancers féminins. L’accessibilité de ces cancers explique en partie pourquoi ils sont devenus la cible de la chirurgie préventive. Une autre raison, peut-être même la plus importante, était l’existence d’une longue tradition d’excision chirurgicale de l’appareil génital de la femme, qu’il fût sain ou malade40.

  • 41 Walkowitz 1980 ; Moscucci 1990.
  • 42 O’Connor 2000 : 78-99. O’Connor est consciente de la misogynie des chirurgiens du xixe siècle, mais (...)
  • 43 Rothman 1998 : 154-158.

22Les féministes ont souvent critiqué le manque de sensibilité des médecins concernant les besoins des femmes, ainsi que leur désir de contrôler les fonctions reproductives. Au xixe siècle déjà, des militantes protestaient contre l’ablation chirurgicale des ovaires – qu’elles voyaient comme la « dé-sexualisation des femmes » – et contre les hystérectomies inutiles. Pour elles, ces opérations étaient typiques des traitements brutaux que la profession médicale infligeait aux femmes41. De récents travaux de recherche sont venus nuancer cette interprétation soulignant le fait que la chirurgie radicale était plus dirigée contre les tumeurs que contre les femmes. Selon Erin O’Connor, qui s’est penchée sur la culture médicale concernant le traitement du cancer du sein au xixe siècle, le discours sur ce cancer reflétait à cette époque la dure réalité de la souffrance provoquée par une pathologie avancée. Les médecins qui voyaient mourir les femmes dans d’atroces souffrances essayaient par tous les moyens d’empêcher cela42. La sociologue féministe Barbara Rothman est arrivée elle aussi à la conclusion que les chirurgiens opposés à la chirurgie classique dans le cas du cancer du sein n’étaient pas guidés par leur misogynie mais par le souci de faire de leur mieux pour soulager leurs patientes tout en limitant pour eux-mêmes les risques de commettre une faute médicale43.

  • 44 Burstein et al. 2004 ; Aronowitz 2007 : 257-282.
  • 45 Lerner 2001.

23L’attitude concernant les traitements chirurgicaux radicaux en cas de tumeurs invasives fut globalement la même pour les deux sexes. Les hommes avaient leur lot d’opérations chirurgicales « héroïques » et mutilantes, notamment dans le traitement des tumeurs de la tête et du cou liées à la surconsommation de tabac et d’alcool, plus fréquentes chez eux. En revanche, la chirurgie préventive visant à éliminer des risques de cancer était presque exclusivement pratiquée sur des femmes – ablation préventive des seins, des ovaires ou de l’utérus. Une des seules exceptions était une forme héréditaire rare de cancer du colon, la polypose adénomateuse familiale, traitée par l’ablation préventive du colon. Dans ce cas, cependant, la chirurgie prophylactique était proposée seulement aux hommes et aux femmes qui étaient presque à coup sûr susceptibles de développer un cancer du colon. Le cas du cancer du sein fut très différent. Les médecins recommandaient aux femmes la chirurgie préventive même pour des lésions dont on ne pouvait pratiquement pas savoir si elles allaient devenir cancéreuses – par exemple à des femmes présentant une transformation précancéreuse des tissus mammaires (carcinome canalaire in situ) ainsi qu’à des femmes porteuses de mutations du gène BRCA, plus susceptibles de provoquer un cancer du sein ou des ovaires44. Les épidémiologistes nord-américains ont prétendu que les femmes présentant soit une petite tumeur au sein, soit une prédisposition génétique à ce cancer étaient de plus en plus nombreuses à décider de subir une ablation préventive des deux seins45. Une décision aussi radicale serait liée aux

  • 46 Parker-Pope 2013.

interminables campagnes de sensibilisation qui ont plongé les femmes dans une peur perpétuelle du cancer du sein […] car la charge émotionnelle de cette maladie est si lourde et sa visibilité si grande que les femmes se sentent parfois presque obligées d’agir aussi tôt que possible : c’est la culture du cancer du sein46.

  • 47 Groopman 2000 ; Klotz 2006.
  • 48 Sur le soutien politique des activités caritatives contre le cancer du sein, voir King 2006.

24Le traitement préventif des cancers de l’appareil génital féminin – à l’opposé du traitement classique appliqué à l’appareil génital masculin – a été aussi très vraisemblablement favorisé par la plus grande visibilité de ces pathologies féminines47. Cette différence de visibilité peut être rattachée à la longue tradition de débats et de campagnes autour des cancers féminins qui sont omniprésents dans les médias et dans l’espace public. Le cancer du sein est même devenu un thème littéraire quasi rituel, avec son flot de « pathographies » (descriptions de maladies à partir d’expériences personnelles), d’essais, de romans, de photographies et autres œuvres d’art. Rien de tout cela n’existe par exemple autour du cancer de la prostate. En dépit d’une prévalence importante, le cancer de la prostate est rarement évoqué dans les médias et la littérature populaires, et se remarque à peine dans l’espace public48. Malgré l’image « officielle » d’une maladie frappant indifféremment les deux sexes, le cancer demeure, au xxie siècle, une pathologie genrée.

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Notes

1 Banks et al. 2006. Les données concernent seulement la fréquence globale des cancers, non leur répartition spécifique.

2 Reagan 1997 ; Moscucci 2005 ; Jansen 2011.

3 Aronowitz 2001 ; Gardner 2006 ; Löwy 2009 et 2011.

4 Nolte 2008. Le cancer du sein était moins étroitement lié à des éléments spécifiques du mode de vie que le cancer de l’utérus.

5 Vallée 1826 : 10.

6 Scotto & Bailard 1969.

7 Lever 1839.

8 Laudon 1988 : 183-228.

9 Meigs 1859 : 333.

10 Téallier 1836 : 108.

11 Rossignol 1806 : 23 ; Legoux 1826 : 35.

12 Moscucci 2005.

13 Bloodgood [ca 1916].

14 Patterson 1987 ; Lerner 2001.

15 Gardner 2006 : 53-92.

16 Milligan 1907 ; Pichevin 1912.

17 Rapport annuel de l’Institut Curie pour 1932. Minutes de la réunion du conseil d’administration de l’institut, le 4 mai 1934. Archives de l’Institut Curie, Paris.

18 Papiers Catherine Macfarlane. Archives du Medical College of Philadelphia, account 47, Box 2, Folder 23, « The inside history of the periodic pelvic examination research », Macfarlane, Sturgis & Fetterman 1953.

19 Casper & Clarke 1998.

20 Wellcome Library, Dépt. Archives et manuscripts, séries SA/MWF, Documents de la Medical Women Federation, File F.13/10. Documents de réunion de la « Film Working Party of the Women’s National Cancer Control Campaign », 13/12/67.

21 Cantor 2007.

22 Aronowitz 2001 ; Gardner 2006.

23 Wardle et al. 1995 ; Eisinger et al. 1999.

24 Green & Taplin 2003 ; Hackshaw & Paul 2003.

25 L’expansion de la pratique de la mammographie a coïncidé avec une diminution de la mortalité due au cancer dans de nombreux pays industrialisés. Mais la diffusion de cette technique a aussi coïncidé avec le développement d’importantes innovations thérapeutiques. Il est par conséquent difficile d’évaluer l’éventuelle contribution de la mammographie au déclin de la mortalité due au cancer du sein. Welch 2004.

26 Jorgersen & Gotzsche 2004.

27 Nekhlyudov, Ross-Degnant & Fletcher 2003.

28 Gigerenzer, Mata & Frank 2009. Les femmes exagéraient aussi la contribution de la mammographie à la réduction du nombre de mastectomies.

29 Gardner 2006 ; Toon 2007.

30 Robertson 2001 : 293-309.

31 Dixon-Jones 1893.

32 Moscucci 1990.

33 Morantz-Sanchez 2000 : 301.

34 Morantz-Sanchez 1999.

35 Garrett Anderson & Platt 1908.

36 Moscucci 2007 : 158. La radiothérapie pour le cancer a été introduite dans les années 1910 ; la chimiothérapie n’est devenue un traitement de routine pour les cancers du sein et de l’utérus que dans les années 1980.

37 Cité par Huguenin 1946 : 166.

38 Clow 2001 : 301.

39 Siddhartha Mukherjee, The Emperor of all Maladies: A Biography of Cancer illustre la popularité indéfectible du concept de « guerre contre le cancer ». Mukherjee 2010.

40 Moscucci 1990.

41 Walkowitz 1980 ; Moscucci 1990.

42 O’Connor 2000 : 78-99. O’Connor est consciente de la misogynie des chirurgiens du xixe siècle, mais celle-ci n’a pas joué, selon elle, un rôle important dans les choix de traitements qu’ils ont faits.

43 Rothman 1998 : 154-158.

44 Burstein et al. 2004 ; Aronowitz 2007 : 257-282.

45 Lerner 2001.

46 Parker-Pope 2013.

47 Groopman 2000 ; Klotz 2006.

48 Sur le soutien politique des activités caritatives contre le cancer du sein, voir King 2006.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ilana Löwy, « Le genre du cancer »Clio, 37 | 2013, 65-83.

Référence électronique

Ilana Löwy, « Le genre du cancer »Clio [En ligne], 37 | 2013, mis en ligne le 01 juillet 2015, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10986 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10986

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Auteur

Ilana Löwy

Ilana Löwy, directrice de recherche à l’INSERM (CERMES) est biologiste de formation et historienne des sciences. Ses recherches portent sur les interactions entre biomédecine et études de genre dans l’assistance médicale à la procréation, l’histoire de la contraception et les utilisations des hormones sexuelles comme médicaments, les cancers féminins, l’histoire des malformations congénitales et du diagnostic prénatal. Elle est l’auteure de nombreux articles et ouvrages dont l’Emprise de genre : Masculinité, Féminité, Inégalité, La Dispute, 2006 ; Preventive Strikes: Women, Precancer and Prophylactic Surgery, Johns Hopkins University Press, 2009 ; A Woman’s Disease: A History of Cervical Cancer, Oxford University Press, 2011. Elle a également co-écrit avec Catherine Marry, Pour en finir avec la domination masculine : de A à Z, Le Seuil/ Les Empêcheurs de penser en rond, 2007. Elle a coordonné avec Delphine Gardey, L’Invention du naturel. Les Sciences et la Fabrication du masculin et du féminin, Archives d’Histoire Contemporaine, 2000 ; et avec Hélène Rouch, La Distinction entre sexe et genre. Une Histoire entre biologie et culture, numéro thématique des Cahiers du genre, en 2003.
lowy@vjf.cnrs.fr

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