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Corps masculin et corps féminin chez les médecins grecs

Male and female bodies according to Greek physicians
Jean-Baptiste Bonnard
p. 21-39

Résumés

L’article, en prenant en compte la littérature médicale des Présocratiques à Galien, présente la façon dont les textes biologiques et médicaux grecs ont construit les corps masculin et féminin. Selon ces biologistes et médecins grecs, cette construction s’opère dès l’embryogenèse et au cours du développement du fœtus. Dans une pensée médicale où prédomine la physiologie, les corps masculin et féminin sont nettement opposés selon des critères connotés : en particulier, le corps de la femme est plus humide et moins chaud que celui de l’homme ; il est, en outre, marqué par une particularité anatomique, l’existence de l’utérus pensé comme un être vivant. La différence entre corps masculin et féminin, qu’elle soit donnée pour radicale (différence de nature) ou relative (plus ou moins grand degré de perfection), est toujours présentée à partir d’un corps de référence, celui de l’homme, par rapport auquel celui de la femme est pensé en termes d’incomplétude ou d’inversion. Elle est par ailleurs porteuse de hiérarchie.

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Texte intégral

  • 1 Pour une première approche claire et simple de la médecine antique, voir King & Dasen 2008.
  • 2 Lloyd 1983 et 1990 ; Vernant 1962 et 1965.
  • 3 Gardey & Löwy 2000.
  • 4 Byl 1980.
  • 5 Nous utilisons ce terme par commodité de langage, même si, en tant que discipline, la biologie n’ex (...)

1Si la santé et la maladie relèvent d’une expérience commune universelle, la manière dont elles sont vécues et plus encore celle dont sont traitées les questions qu’elles posent à l’individu comme à la société varient selon les époques et les lieux. L’une des particularités de la pensée grecque est d’avoir, la première en Occident, apporté à ces questions une réponse rationnelle. C’est dans le monde grec, en effet, que s’est constituée, à la fin de l’époque archaïque, la médecine en tant que technè, terme qui peut être traduit à la fois par “art” et par “science”1. Cette évolution eut pour cadre principal l’Ionie et est indissociable d’un vaste mouvement intellectuel qui toucha plusieurs domaines de la connaissance. C’est dans cette région, en effet, que fleurirent, en l’espace de deux ou trois générations, la plupart des penseurs que l’historiographie du xixe siècle a rangés sous la catégorie de “philosophes présocratiques”, encore qu’ils ne fussent pas tous stricto sensu chronologiquement antérieurs à Socrate et que, par bien des aspects, on puisse les considérer comme des “savants”. Ainsi que l’indique leur appellation antique de physiologoi (ou physikoi), ils produisirent un logos, c’est-à-dire un langage rationnel, sur la nature (phusis) en général. Geoffrey Lloyd a montré que l’émergence de ce discours rationnel était indissociable de l’essor et de la professionnalisation de la pratique de la rhétorique, dont Jean-Pierre Vernant a postulé qu’ils sont eux-mêmes à mettre en relation avec une évolution politique majeure, l’apparition de la cité2. La proximité de certains de ces Grecs originaires d’Asie Mineure avec les cultures orientales (babylonienne et égyptienne notamment) a dû être déterminante également. Le vaste champ d’étude de ces penseurs – la nature dans son ensemble, d’où le titre souvent donné à leurs ouvrages : Sur la nature – les a conduits à s’intéresser à des domaines aussi éloignés, à nos yeux, que l’astronomie, la physique, la biologie ou les mathématiques, tous liés entre eux parce qu’ils relèvent d’une pensée philosophique commune. Au début de l’époque classique, s’opère une spécialisation dans la production de cette pensée rationnelle et, de même que s’autonomise le champ de l’histoire avec Hécatée de Milet et surtout Hérodote d’Halicarnasse, de même se constitue celui de la médecine auquel est attaché le nom d’Hippocrate de Cos (v. 460- v. 370). Si l’existence de ce médecin-écrivain, né dans une famille d’Asclépiades (c’est-à-dire un lignage prétendant descendre du dieu Asclépios, lié à la médecine) au sein de laquelle se transmettaient des savoirs médicaux, n’est pas douteuse, il s’en faudrait de beaucoup cependant qu’il soit l’auteur de tous les ouvrages qui nous sont parvenus sous son nom. Les quelque soixante ouvrages en dialecte ionien formant le Corpus hippocraticum ont, en effet, été écrits entre la deuxième moitié du ve siècle avant notre ère et l’époque romaine et, à l’exception de deux d’entre eux qui sont, en quelque sorte, signés, les identités des auteurs de ces livres nous sont inconnues. C’est donc par commodité et par convention que l’on parle de Corpus ou de Collection hippocratique. Cette série de traités, qui est loin de constituer l’essentiel de la littérature médicale grecque, est importante non seulement par sa nouveauté, mais aussi par son caractère fondateur. Elle participe grandement à la construction d’une identité professionnelle du médecin, tout particulièrement le traité intitulé Du médecin. Elle constitue surtout le cadre de la pensée médicale occidentale jusqu’au xviiie siècle. Elle est enfin d’un intérêt considérable pour l’historien du genre. Le discours médical parle en effet essentiellement d’un objet sexué, le corps, mais, pour être rationnel, le discours médical grec n’en est pas moins une construction idéologique, comme tout discours scientifique ou plutôt, en l’espèce, préscientifique, ainsi que l’ont montré notamment Delphine Gardey et Ilana Löwy3. Nous nous proposons de présenter la façon dont les textes biologiques et médicaux grecs ont contribué à fabriquer du masculin et du féminin en construisant un corps masculin et un corps féminin. Cette étude a pour base la Collection hippocratique, mais s’efforce de prendre en compte la plus grande partie de la littérature biologique et médicale grecque. C’est ainsi qu’Aristote (lui-même fils de médecin), qui a étendu à la quasi-totalité des champs de la connaissance son immense curiosité et appliqué à toutes les disciplines la rigueur de son analyse logique, a notamment fait œuvre de biologiste, au point que ses traités biologiques constituent près du tiers du Corpus Aristotelicum en son état actuel et que d’aucuns ont pu voir en lui un fondateur de la biologie4. Parmi les médecins grecs dont certains écrits sont parvenus jusqu’à nous, Hérophile et Érasistrate, qui vécurent à Alexandrie au début de l’époque hellénistique, Soranos d’Éphèse (début du iie de notre ère) et Galien de Pergame (129-216) nous intéressent également. Ainsi délimité, le corpus est fort étendu et son approche du point de vue des études de genre a été entreprise depuis une trentaine d’années, notamment dans le monde anglo-saxon, donnant lieu à une bibliographie déjà nourrie. Nous nous proposons ici d’en donner une vue synthétique et dynamique. Dans leur ensemble, la biologie5 et la médecine grecques pensent les corps masculin et féminin comme profondément différents. Cette différence est à la fois une donnée de départ (in utero) et un processus en construction permanente.

Construction du féminin et du masculin dans l’embryogenèse et au cours du développement du fœtus

  • 6 Pour une analyse détaillée des théories biologiques de ces savants, voir Bonnard 2004, chapitre IV.
  • 7 Bonnard 2006 : 308-312.

2Les physiologoi de la fin de l’époque archaïque et du début de l’époque classique se sont intéressés à la biologie ou à la médecine et certains (Empédocle, Pythagore, Alcméon et Philolaos de Crotone, Archélaos, Démocrite d’Abdère, Hippon de Samos et peut-être Diogène d’Apollonie) peuvent être considérés comme des médecins ou sont passés pour tels. Ils se sont préoccupés notamment de la question de la génération, réfléchissant sur l’origine de la semence, sur l’existence ou non d’une semence maternelle, sur la formation de l’embryon (et plus particulièrement sur la détermination de son sexe) ainsi que sur l’hérédité. L’accès à leur pensée est difficile dans la mesure où leurs livres ne sont pas parvenus jusqu’à nous. C’est par le truchement de multiples intermédiaires que nous pouvons établir, d’une façon malheureusement très parcellaire et décontextualisée, leur doxographie, en particulier par la critique qu’en a faite Aristote. Il apparaît en tout cas que les théories de ces savants ont ceci de commun qu’elles opposent les principes masculin et féminin en les couplant à des attributs tels que le chaud et le froid (chez Empédocle), le rapide et le lent, le fort et le faible, la droite et la gauche (chez Parménide), qui sont connotés de façon positive ou négative6. Par ailleurs, elles paraissent nettement impliquer que la situation la plus souhaitable est celle qui voit la fabrication, puis la naissance, d’un petit garçon qui ressemble à son père7.

  • 8 Voir notamment Hanson 1992a.
  • 9 Hippocrate, Nat. puer., xviii, 1. Sauf indication contraire la traduction retenue est celle proposé (...)

3À la différence de la plupart de leurs prédécesseurs présocratiques, les médecins hippocratiques ont admis l’existence d’une semence maternelle concourant au processus de la génération. Plusieurs traités hippocratiques se sont intéressés à l’embryogenèse et au développement du fœtus, notamment Le fœtus de sept mois et Le fœtus de huit mois, deux opuscules édités séparément par les éditions anciennes, mais qui ne forment en réalité qu’un seul traité consacré à l’embryologie datant de la fin du ve siècle ou du début du ive siècle8. Le livre le plus complet en ce domaine est le De la nature de lenfant qui est la suite du De la génération (il s’agissait d’un même traité de la fin du ve siècle ou du début du ive siècle que la tradition manuscrite a artificiellement scindé). Ce traité contient l’affirmation selon laquelle les fœtus mâles, qui sont plus forts, se forment plus rapidement que les fœtus femelles : « Voici l’enfant déjà formé : il y arrive, la fille en quarante-deux jours, le garçon en trente jours au plus »9. Selon la même logique, les embryons masculins se meuvent plus tôt :

Lorsque les extrémités du corps de l’enfant se sont ramifiées extérieurement et que les ongles et les cheveux sont enracinés, alors il commence à se mouvoir : ce qui a lieu pour le garçon à trois mois, pour la fille, à quatre » (Nature de l’enfant, xx, 1).

4L’explication de cette sorte de différenciation chronologique dans l’embryogenèse est à rechercher dans l’ensemble de corrélations connotées déjà observées chez les Présocratiques :

Le garçon se meut plus tôt parce qu’il est plus fort que la fille, comme il se coagule plus tôt, parce que le mâle provient d’une semence plus forte et plus épaisse que la femelle.

5Aussi ne doit-on pas être surpris de voir que le sexe de l’embryon qu’elle porte a des répercussions notables sur la future mère :

Les femmes qui, enceintes, ont des tâches de lentigo sur le visage, sont grosses d’une fille, celles qui conservent un bon teint, le sont la plupart du temps d’un garçon ; quand les mamelons sont tournés en haut, c’est un garçon ; si en bas, une fille

6lit-on dans un autre traité contemporain (Maladie des femmes, 216 = Femmes stériles, 4).

  • 10 Hippocrate, Aph., V, 38.

7Cette orientation des mamelons vers le bas est assurément connotée négativement puisqu’un aphorisme hippocratique en fait, par ailleurs, un signe d’avortement chez la femme enceinte de jumeaux10. De façon générale, « une femme enceinte a bonne couleur si elle porte un garçon, mauvaise si elle porte une fille » (Aphorismes, V, 42). Le traité des Aphorismes, l’un des plus célèbres de la Collection – c’est celui qui a été le plus lu et commenté et il servit de bréviaires aux médecins occidentaux jusqu’au xviiie siècle – est une compilation qui n’est pas antérieure au ive siècle. Il est traditionnellement divisé en sept sections dont une, la cinquième, comprend plusieurs aphorismes sur les femmes.

  • 11 Aristote, G.A., I, 20, 729a11-13 ; II, 3, 737a15 ; 4, 739b21-26 ; IV, 4, 771b23-27 ; 772a23-25.
  • 12 Voir Joly 1968 et Bonnard 2006 : 313-318.
  • 13 Aristote, G.A., IV, 3, 767b8. Cf. Aristote, G.A., I, 20, 728a17-18 ; II, 3, 737a27-28 ; IV, 6, 775a (...)

8Aristote s’est beaucoup intéressé à la génération. Sa conception générale de la semence et du processus de la génération s’inscrit à la fois dans la théorie aristotélicienne des quatre causes (la mère n’étant que la cause matérielle de la génération alors que le père en est à la fois la cause formelle et la cause efficiente), dans une économie générale des fluides corporels fongibles et dans le présupposé pré-scientifique que Bachelard a appelé le mythe de la concentration substantielle. La femme produit une semence qui ne sert que d’aliment à l’embryon. Le façonnage de celui-ci est une forme de coction que, dans une métaphore fameuse, Aristote compare à la caille du lait11. Les théories aristotéliciennes sur l’hérédité sont passablement complexes et assez confuses12. Pour le philosophe de Stagire, il est non seulement fréquent, mais en quelque sorte souhaitable que l’enfant ressemble aux parents, dans la mesure où cela relève, d’une certaine manière, de l’ordre naturel des choses : si la naissance d’enfants qui ne ressemblent pas, dans leur individualité, à leurs parents, ne ressortit pas à la tératologie, du moins constitue-t-elle un éloignement par rapport à l’essence. Il est très révélateur, du reste, que ce soit dans le cadre de l’énoncé de cette règle générale sur la fréquence des ressemblances, et plus précisément alors qu’il vient de parler des écarts tératologiques de la nature, qu’Aristote en vienne à affirmer que « le tout premier écart [de la nature] est la naissance d’une femelle au lieu d’un mâle »13.

  • 14 Voir von Staden 1989 : 291-296.

9Nous sommes mal renseignés sur les connaissances des médecins alexandrins dans le domaine des théories sur la génération. Hérophile d’Alexandrie (v. 325 - v. 255) qui étudia la médecine probablement à Cos et l’enseigna à Alexandrie, métropole culturelle et scientifique du monde grec de son temps, ne nous est connu que de façon indirecte et fragmentaire. Grâce au travail d’Heinrich von Staden, nous avons cependant une idée de son opinion sur la question qui nous intéresse14. En ce qui concerne la semence masculine, nous sommes davantage renseignés sur l’idée qu’il se faisait de sa circulation dans les organes génitaux masculins que sur son avis à propos de la spermatogenèse. Tout au plus comprend-on que, comme Aristote, Hérophile pensait que le sperme procède du sang. Sans doute Hérophile était-il plus disert sur la semence féminine dans son Obstétrique, mais cet ouvrage est presque intégralement perdu.

  • 15 Gourevitch 1992 : 597-598.
  • 16 Gerlach 1938 : 186.

10Les médecins grecs du iie siècle de notre ère sont particulièrement importants parce qu’ils ont eu une influence de longue portée. Soranos d’Éphèse, qui peut être considéré comme le génie de la gynécologie antique, s’est intéressé à la formation et au développement de l’embryon dans un livre perdu intitulé De la génération et dans le livre I de son Maladies des femmes. Il s’appuie, outre sur son expérience personnelle, sur une large documentation très bien maîtrisée et se livre à une critique sévère de certains de ses devanciers : c’est ainsi qu’il qualifie d’opinions qui « ressortissent à la croyance plutôt qu’à la vérité » (Maladies des femmes, I, 15) les assertions hippocratiques sur les signes extérieurs censés permettre de reconnaître chez une femme enceinte le sexe de l’enfant qu’elle porte, et qu’il relève qu’elles sont démenties par l’expérience commune15. Mais il n’en considère pas moins que c’est dans le mâle que réside le principe de la génération. Pour lui, seul le sperme est actif. Sa mobilité lui permet de pénétrer dans l’utérus où il est retenu et peut coaguler pour former un embryon. Certes, la femme émet bien une semence16, mais celle-ci est sans utilité pour la génération et, en conséquence, est évacuée par l’intermédiaire de la vessie :

Le conduit séminal, qui part de la matrice, traverse chaque ovaire, et, longeant les flancs de l’organe jusqu’à la vessie, se jette dans le col de cette dernière. D’après les observations, la semence féminine ne semble pas être recueillie en vue de la conception, puisqu’elle est déversée à l’extérieur : nous avons pris position sur ces faits dans notre traité De la semence » (Maladies des femmes, I, 4, 93-98).

  • 17 Gerlach 1938 : 188 et Boylan 1986. Sur les valeurs respectives de la droite et de la gauche, d’un p (...)

11Galien de Pergame, enfin, qui, parmi les centaines de traités qu’il écrivit au cours de sa longue expérience, en a consacré plusieurs à l’embryologie (De semine, De uteri dissectione, De foetuum formatione, De septimestri partu), conçoit, en dépit de sa révérence pour Aristote, que la femme produise une semence utile à la génération, mais celle-ci n’en est pas moins inférieure au sperme masculin, notamment en termes d’agilité et de chaleur. Pour lui aussi, c’est bien dans le sperme masculin que réside le principe créateur et quand Galien réfléchit à la détermination du sexe de l’embryon, il adopte une explication reposant sur un critère latéral (si la semence tombe dans la partie droite de l’utérus elle donnera naissance à un garçon, à gauche à une fille) dans lequel nous retrouvons les préjugés que nous avons déjà relevés chez les Présocratiques et dont les anthropologues ont montré depuis longtemps les connotations positives et négatives qui y sont attachées17. C’est donc dès le stade fœtal que commence la construction par les médecins grecs du féminin et du masculin. Elle se poursuit tout au long de la vie.

Une médecine physiologique : économie des fluides corporels et fabrication du féminin et du masculin

  • 18 Voir Di Benedetto 1986 : 225-247 et Bratescu 1992.
  • 19 Voir Jouanna 1992 : 442-445, ainsi que, pour la postérité de cette théorie, Klibansky, Panofsky & S (...)
  • 20 Joly 1966 : 75-80.

12Une des particularités de la médecine hippocratique est l’importance qu’elle accorde à la physiologie au détriment de l’anatomie, qui peut apparaître alors comme une branche encore embryonnaire de la médecine grecque et dont la Collection hippocratique ne donne d’ailleurs aucune description systématique18. Elle propose en revanche un système explicatif de la physiologie fondé sur une économie générale des fluides corporels, dont l’un des aspects les plus connus est la théorie des humeurs (en germe déjà chez le médecin pythagorisant Alcméon de Crotone au vie s.), laquelle n’est d’ailleurs pas unifiée, des distinctions importantes, en particulier sur le nombre et la qualité de ces humeurs, étant repérables d’un traité à l’autre19. Dans ce système, la médecine interne envisage les différents organes comme autant de récipients, ce pourquoi Robert Joly a pu qualifier cette médecine de « physique du récipient »20.

  • 21 Voir Girard 1983 et Hanson 1992b : 48-52 (« IV. Manipulating the Wet »).
  • 22 Sur le corps féminin dépourvu de mesotes, voir Manuli 1980 : 402 et Hanson 1992b : 245.
  • 23 Hippocrate, Nat. mul., 5. Voir Manuli 1980 : 393.
  • 24 Lloyd 1966.
  • 25 King 1998 : 28-29.
  • 26 Hanson 1992b : 247.
  • 27 Dean-Jones 1989 et 1994 : 86-103 ; Bodiou 1999 et 2006 : 153-157.
  • 28 Manuli 1980 : 402 ; Hanson 1992b : 236 et Bonnet-Cadilhac 2002.
  • 29 Hippocrate, Prorrh. I, 143.
  • 30 Hippocrate, Aph., V, 33. Le cas de la fille de Léonidès (Epid., VII, 123) fait figure d’exception q (...)
  • 31 Hippocrate, Aph., V, 40.
  • 32 Hippocrate, Nat. mul., 8 et 7. Pour les menstrues trop ou pas assez abondantes, voir King 1998.
  • 33 Hanson 1992b : notamment 239.
  • 34 Hippocrate, Aph., III, 11 et 14. Sur l’homologie entre les femmes et les hommes humides, voir Dean- (...)

13Dans ce cadre, les corps masculin et féminin sont nettement opposés selon des critères connotés : en particulier, le corps de la femme est plus humide que celui de l’homme21. Mais cette différence d’humidité est présentée comme un excès par rapport à la norme du juste milieu, de la mesotes, qui est l’apanage du corps masculin22. C’est en effet presque toujours par référence à un corps masculin normatif qu’est pensé le corps féminin anormal, ainsi que le montrent les analogies utilisées par les médecins hippocratiques (à titre d’exemple : « si les matrices tombent complètement hors des parties génitales, le tout pend comme un scrotum »23). Geoffrey Lloyd a, du reste, montré l’importance du raisonnement analogique dans l’ensemble de la pensée grecque et non pas seulement dans la pensée médicale24. La variation du degré d’humidité, qui se retrouve même dans la texture des chairs, celle des femmes étant pensée comme plus spongieuse que celle des hommes25, est liée à la quantité de sang dans les corps, présentée – à tort puisque c’est le contraire qui est vrai – comme plus abondante chez la femme que chez l’homme, à partir de la puberté26, d’où la nécessité des menstrues, dont la composition exacte n’est pas comprise, pour évacuer cet excès. Une grande attention est d’ailleurs portée à ces dernières27. Leur absence, en dehors des cas de grossesse, est jugée morbide, très inquiétante et annonciatrice souvent d’hémorragies28. L’alternative menstrues/hémorragie est visible notamment dans le Prorrhétique, un recueil d’aphorismes cliniques dû à un médecin itinérant qui vécut probablement au milieu du ive siècle : « Les secousses dans la tête et les bourdonnements donnent lieu à une hémorragie ou provoquent les règles »29. Dans les cas les moins défavorables, l’aménorrhée provoque, pense-t-on, l’épistaxis (saignement de nez) : « chez une femme dont les règles manquent, il est bon que le sang s’écoule par les narines », lit-on dans les Aphorismes30. L’absence des menstrues signale éventuellement une stase du sang dans un autre organe-récipient, avec des conséquences néfastes. Ainsi, « chez les femmes, une congestion de sang dans les mamelles annonce la folie »31. Inversement, le retour des menstrues est un signe de guérison et l’un des objectifs du médecin. Mais leur présence dans des proportions ou sous un aspect « mauvais », ainsi dans les cas de déviation de l’utérus ou de son orifice, est également considérée comme très défavorable : « si les matrices se portent vers la hanche, les règles manquent » et « si l’orifice des matrices se replie, les règles ne viennent pas et, si elles viennent, elles sont peu abondantes et mauvaises », signale le traité De la nature de la femme32. Toujours dans ce cadre de la physiologie des récipients et des humeurs, le corps de la femme se distingue par sa remarquable intercommunicabilité entre les organes : de la bouche au vagin, en passant par l’utérus, les liquides, mais aussi les vapeurs ou les fumées, peuvent et doivent circuler librement33. Le corps masculin, lui, ne connaît pas ces problèmes de trop grande humidité, ce qui le préserve de certaines maladies sauf en ce qui concerne les hommes dont la constitution n’est pas conforme au type parfait de leur genre comme l’indiquent deux aphorismes : « si l’hiver est sec et boréal, et le printemps pluvieux et austral, nécessairement il surviendra pendant l’été des fièvres aiguës, des ophtalmies et des dysenteries, surtout aux femmes, et, parmi les hommes, à ceux dont la constitution est humide », « mais si l’automne est boréal et sans pluie, il est utile aux hommes de constitution humide et aux femmes »34. Ainsi, alors que le corps féminin est par nature sujet aux maladies en raison de son excessive humidité, le corps masculin, dès lors qu’il est suffisamment masculin, est sain et n’a pas besoin d’éliminer régulièrement des humeurs superflues. C’est qu’il est moins spongieux et plus chaud.

  • 35 Aristote, G.A., I, 18, 726a26/27.

14Parmi les nombreuses polarités qui organisent cette conception des corps féminin et masculin figure en effet la chaleur. Cette chaleur plus grande du corps masculin est imputable notamment, dans un raisonnement tout à fait circulaire, au fait qu’il est moins humide. Chez Aristote, cette différence de chaleur vitale sert aussi à rendre compte de la spermatogenèse. Pour le philosophe de Stagire, dont le système physiologique repose sur le postulat de l’interfongibilité de tous les liquides corporels, la semence ne provient ni de l’encéphale via la moelle, comme le pensaient Platon, les pythagoriciens et sans doute Empédocle, ni de toutes les parties du corps, comme l’affirment les atomistes et les médecins hippocratiques, mais bien du sang, ou plutôt de la partie chaude du sang, aérée comme l’écume, d’où la couleur blanche du sperme. Au même titre que le lait, les menstrues ou la graisse, la semence est, par l’intermédiaire du sang, un « résidu utile » (perittôma) de la nourriture. Elle est même le plus subtil, le plus concentré, le plus abouti des résidus de la nourriture, celui qui a subi une coction de qualité et d’intensité supérieures, « un résidu de la nourriture à son dernier degré d’élaboration »35. Une telle coction ne saurait être produite que par un corps parfaitement chaud. C’est pourquoi le sang des femmes, qui sont par nature plus froides, produit un résidu insuffisamment cuit, inutile quand la femme n’est pas enceinte, et donc évacué par les menstrues. Si la femme est fécondée, ce résidu ne fournit que la matière de l’embryon, puis la nourriture du fœtus pendant la grossesse et, enfin, le lait après l’accouchement. Cette différence dans la qualité du résidu inscrit d’emblée le masculin et le féminin dans une relation de hiérarchie :

  • 36 Aristote, G.A., II, 1, 732a6-9.

Voilà pourquoi, partout où cela est possible et dans la mesure où cela est possible, le mâle est distinct de la femelle. Car le principe du mouvement, c’est-à-dire le mâle, est pour les êtres qui naissent ce qu’il y a de meilleur et de plus divin, tandis que la femelle est la matière36.

15Le corps masculin, machine parfaite, est seul capable de produire le sperme, produit parfait.

16La différence des sexes n’est donc pas seulement polarisée, elle relève d’une différence de nature qui résulte d’un processus en construction permanente tout au long de la vie qui donne lieu à un cercle vicieux dans le corps féminin, où l’excès d’humidité s’entretient, et à un cercle vertueux dans le corps masculin où, sauf maladie ou défaut de constitution, le juste équilibre entre chaleur et froideur, humidité et sécheresse, perdure et renouvelle continûment la masculinité. Cette différence de nature est encore plus visible, dans la branche de la médecine hippocratique qui s’intéresse à l’anatomie féminine : les traités gynécologiques.

Les particularités de l’anatomie féminine et l’importance de l’utérus

  • 37 Hippocrate, Nat. mul., 5.
  • 38 King 1998 : 222-231 ; Bodiou 1999 : 65-85.
  • 39 Rousselle 1980 : 1098 et Dean-Jones 1994 : 65-79.
  • 40 Platon, Tim., 91c, trad. J.-B. Bonnard. Voir Krell 1975 et Bonnard 2004 : chap. VI.
  • 41 Manuli 1980 : 397.

17Bien que la médecine hippocratique soit essentiellement physiologique, une partie du Corpus Hippocraticum accorde néanmoins une attention à l’anatomie de la femme. Il s’agit de traités d’époques variées que la tradition rapporte, pour la majorité d’entre eux, à l’école médicale cnidienne, qu’on appelle traités gynécologiques hippocratiques et qui présentent les corps féminin et masculin comme profondément dissemblables. La différence essentielle entre les deux anatomies réside dans l’existence chez la femme d’un organe-récipient supplémentaire, l’utérus, dont la particularité est d’être conçu comme une sorte d’être vivant mobile. Il est animé, en effet par des mouvements et peut, notamment, s’ouvrir ou se fermer. Il est porté naturellement à se diriger vers les sources d’humidité. Une partie de ses mouvements est imputable à sa volonté, car il est doté d’une volonté propre. Le traité de la Nature des femmes explique ainsi, à propos d’un cas de prolapsus, que les matrices « ne veulent plus reprendre leur place »37. Ce zôon glouton à l’intérieur de cet autre animal qu’est le corps féminin38 est avide de concevoir39. Platon, contemporain d’Hippocrate qu’il connaît, développe cet aspect dans le Timée : « Ce que, chez les femmes, on appelle pour les mêmes raisons matrice et utérus est un animal interne enclin au désir de faire des enfants »40. Cette conception amène à penser le corps féminin comme structurellement hystérique41 et c’est bien ainsi que le présente Platon :

  • 42 Platon, Tim., 91c, trad. L. Brisson.

Lorsque [l’utérus] est demeuré stérile longtemps après avoir dépassé l’âge propice, alors cet organe s’impatiente, il supporte mal cet état, et, parce qu’il se met à errer de par tout le corps, qu’il obstrue les orifices par où sort l’air inspiré et qu’il empêche la respiration, il jette le corps dans les pires extrémités et provoque d’autres maladies de toutes sortes42.

  • 43 Manuli 1980 : 394 ; Rousselle 1980 : 1092 ; Dean-Jones 1994 : 47.
  • 44 Voir, à titre d’exemple, pour les Épidémies, Zaragoza-Gras 1992, notamment à propos du verbe tíktô (...)
  • 45 Hanson 1992a : 36-41 (« II. Analogs for the Adult Female: Mother Earth and the Upside Down Jar »).

18Cela renvoie à la perspective très particulière dans laquelle le corps féminin est presque toujours envisagé : dans une finalité reproductive43. En attestent le vocabulaire utilisé par la Collection quand il est question du corps des femmes en dehors même des traités gynécologiques44, ainsi que les métaphores utilisées par les gynécologues hippocratiques45. C’est un contraste net avec le corps masculin, jamais considéré dans cette seule perspective. Quant à Aristote, manifestement plus au fait de l’anatomie des femelles animales que de celle des femmes, il ne nous a pas laissé de description du corps féminin, au reste peu utile à son propos qui n’est pas d’ordre médical.

  • 46 Von Staden 1989 : 165-168.
  • 47 Hanson 1991a.
  • 48 Laqueur 1992.

19Les connaissances d’Hérophile en matière d’anatomie étaient, en revanche, sensiblement plus étendues que celles de ses prédécesseurs grâce, notamment, à la dissection humaine, qu’il semble être le premier à avoir pratiqué dans le monde grec, voire à la vivisection sur des condamnés à mort, s’il faut en croire les propos, peut-être malveillants, de l’encyclopédiste latin Celse (I, 21) qui vécut au début de l’ère chrétienne. Mais, s’il est à peu près certain qu’il identifia, dans les appareils reproductifs humains, le canal spermatique, les ovaires et les trompes de Fallope, il est peu probable, en revanche, qu’il ait compris leur fonctionnement46. Ses découvertes, reprises par ses successeurs, notamment Démétrios d’Apamée, et probablement étendues grâce à l’usage du speculum, n’en sont pas moins importantes et furent la porte ouverte à une remise en question de la différence de nature entre corps masculin et féminin. De fait, elles ont obligé les médecins de l’époque romaine à procéder à des aménagements doctrinaires laborieux47. Il est significatif, cependant, qu’il présente les organes de la génération chez la femme selon le modèle du corps masculin, participant ainsi à la construction de ce que Thomas Laqueur a appelé le modèle du corps unisexe48.

  • 49 Voir Soranos, Gyn. path., I, 4 et Malinas, Burguière & Gourevitch 1985 : 161-165.
  • 50 Galien, De sem., II, 1 (= K. IV, 596).

20Quatre siècles plus tard, Soranos s’intéresse à l’anatomie féminine et plus particulièrement à l’utérus dans le livre I de son Maladies des femmes49. S’il pense encore qu’il s’agit d’un récipient vivant, d’où les contractions utérines, il ne l’investit pas d’une volonté autonome et se moque des médecins qui l’ont assimilé à une bête sauvage (III, 5). Traduite en latin par Célius Aurélien et Moschion, la présentation du corps féminin par Soranos devient la vulgate en matière de gynécologie pour plusieurs siècles. Galien, plus jeune d’une ou deux générations, reprend et développe les conceptions médicales de ses prédécesseurs dont il opère la synthèse et la critique, avec un net tropisme aristotélicien. Fort des découvertes anatomiques des médecins alexandrins, il interprète le corps féminin à la lumière du corps masculin. La différence des sexes se lit dans le développement des organes reproductifs : ceux des femmes sont identiques à ceux des hommes (analogies ovaires/testicules, utérus/scrotum)50 ; ils sont simplement restés à l’intérieur du corps par défaut de chaleur vitale. L’anatomie ne fait donc que manifester une différence des sexes qui réside bien dans la physiologie, mais cette différence n’est plus qu’une différence de degré et n’est plus pensée comme une différence de nature. La femme ne diffère donc de l’homme que par une moindre perfection :

  • 51 Galien, Ut. part., K. II, 630 (trad. d’après Laqueur 1992).

de même que l’espèce humaine est la plus parfaite de tous les animaux, au sein de l’humanité l’homme est plus parfait que la femme, et la raison de sa perfection est sa plus grande chaleur, car la chaleur est l’instrument premier de la nature51.

21Alors que, chez Aristote, la nature féminine était une sorte de nature masculine mutilée relevant peu ou prou de la monstruosité et, en tout cas, perçue comme très négative, chez Galien cette incomplétude relative est positive. Dans une perspective finaliste, le médecin de Pergame reconnaît en elle le dessein de la nature : permettre d’assurer la reproduction.

22Le modèle du corps unisexe étudié par Thomas Laqueur se construit donc à partir d’Aristote et est formalisé par Galien qui ne fait que substituer une hiérarchie de degré à une hiérarchie de nature. Dès l’Antiquité cette hiérarchie des corps a des implications directes sur la pratique médicale. Elle trouve en effet sa traduction dans une construction genrée de la nosologie et de la thérapeutique, d’autant que les praticiens sont, dans leur immense majorité, des hommes. Les théories antiques sur les corps féminin et masculin sont d’une importance considérable parce qu’elles ont eu une postérité longue. S’y mêlent, avec le christianisme, des considérations théologiques, Ève étant sensément issue d’une côte surnuméraire d’Adam (au moins dans une des versions de la Genèse). Pendant tout le Moyen-Âge et une partie de l’époque moderne, la médecine considère ces corps dans un rapport de hiérarchie, le corps féminin étant perçu comme plus ou moins débile par rapport au corps masculin, en raison de son humidité, de son insuffisante chaleur (« la femme la plus chaude est plus froide que l’homme le plus froid », dit un adage médical médiéval) et de son inquiétant utérus.

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Bibliographie

 

Sources

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Notes

1 Pour une première approche claire et simple de la médecine antique, voir King & Dasen 2008.

2 Lloyd 1983 et 1990 ; Vernant 1962 et 1965.

3 Gardey & Löwy 2000.

4 Byl 1980.

5 Nous utilisons ce terme par commodité de langage, même si, en tant que discipline, la biologie n’existe pas dans le monde grec. Le terme lui-même n’appartient pas au vocabulaire grec antique, puisqu’il s’agit d’un néologisme forgé au xixe s.

6 Pour une analyse détaillée des théories biologiques de ces savants, voir Bonnard 2004, chapitre IV.

7 Bonnard 2006 : 308-312.

8 Voir notamment Hanson 1992a.

9 Hippocrate, Nat. puer., xviii, 1. Sauf indication contraire la traduction retenue est celle proposée dans la Collection des Universités de France (Belles Lettres) ou, à défaut, pour les textes hippocratiques, celle de Littré.

10 Hippocrate, Aph., V, 38.

11 Aristote, G.A., I, 20, 729a11-13 ; II, 3, 737a15 ; 4, 739b21-26 ; IV, 4, 771b23-27 ; 772a23-25.

12 Voir Joly 1968 et Bonnard 2006 : 313-318.

13 Aristote, G.A., IV, 3, 767b8. Cf. Aristote, G.A., I, 20, 728a17-18 ; II, 3, 737a27-28 ; IV, 6, 775a15-16 ; V, 3, et Probl., X, 8, 891b23.

14 Voir von Staden 1989 : 291-296.

15 Gourevitch 1992 : 597-598.

16 Gerlach 1938 : 186.

17 Gerlach 1938 : 188 et Boylan 1986. Sur les valeurs respectives de la droite et de la gauche, d’un point de vue anthropologique, voir Hertz 1909.

18 Voir Di Benedetto 1986 : 225-247 et Bratescu 1992.

19 Voir Jouanna 1992 : 442-445, ainsi que, pour la postérité de cette théorie, Klibansky, Panofsky & Saxl 1989 : 31-45.

20 Joly 1966 : 75-80.

21 Voir Girard 1983 et Hanson 1992b : 48-52 (« IV. Manipulating the Wet »).

22 Sur le corps féminin dépourvu de mesotes, voir Manuli 1980 : 402 et Hanson 1992b : 245.

23 Hippocrate, Nat. mul., 5. Voir Manuli 1980 : 393.

24 Lloyd 1966.

25 King 1998 : 28-29.

26 Hanson 1992b : 247.

27 Dean-Jones 1989 et 1994 : 86-103 ; Bodiou 1999 et 2006 : 153-157.

28 Manuli 1980 : 402 ; Hanson 1992b : 236 et Bonnet-Cadilhac 2002.

29 Hippocrate, Prorrh. I, 143.

30 Hippocrate, Aph., V, 33. Le cas de la fille de Léonidès (Epid., VII, 123) fait figure d’exception qui confirme la règle. Voir à ce sujet King 1998 : 54-74.

31 Hippocrate, Aph., V, 40.

32 Hippocrate, Nat. mul., 8 et 7. Pour les menstrues trop ou pas assez abondantes, voir King 1998.

33 Hanson 1992b : notamment 239.

34 Hippocrate, Aph., III, 11 et 14. Sur l’homologie entre les femmes et les hommes humides, voir Dean-Jones 1994 : 123.

35 Aristote, G.A., I, 18, 726a26/27.

36 Aristote, G.A., II, 1, 732a6-9.

37 Hippocrate, Nat. mul., 5.

38 King 1998 : 222-231 ; Bodiou 1999 : 65-85.

39 Rousselle 1980 : 1098 et Dean-Jones 1994 : 65-79.

40 Platon, Tim., 91c, trad. J.-B. Bonnard. Voir Krell 1975 et Bonnard 2004 : chap. VI.

41 Manuli 1980 : 397.

42 Platon, Tim., 91c, trad. L. Brisson.

43 Manuli 1980 : 394 ; Rousselle 1980 : 1092 ; Dean-Jones 1994 : 47.

44 Voir, à titre d’exemple, pour les Épidémies, Zaragoza-Gras 1992, notamment à propos du verbe tíktô (« enfanter »).

45 Hanson 1992a : 36-41 (« II. Analogs for the Adult Female: Mother Earth and the Upside Down Jar »).

46 Von Staden 1989 : 165-168.

47 Hanson 1991a.

48 Laqueur 1992.

49 Voir Soranos, Gyn. path., I, 4 et Malinas, Burguière & Gourevitch 1985 : 161-165.

50 Galien, De sem., II, 1 (= K. IV, 596).

51 Galien, Ut. part., K. II, 630 (trad. d’après Laqueur 1992).

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Baptiste Bonnard, « Corps masculin et corps féminin chez les médecins grecs »Clio, 37 | 2013, 21-39.

Référence électronique

Jean-Baptiste Bonnard, « Corps masculin et corps féminin chez les médecins grecs »Clio [En ligne], 37 | 2013, mis en ligne le 01 juillet 2015, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10957 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10957

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Auteur

Jean-Baptiste Bonnard

Jean-Baptiste Bonnard, agrégé d’histoire, est maître de conférences en histoire grecque à l’Université de Caen – Basse-Normandie et membre du laboratoire ANHIMA (UMR 8210 « Anthropologie et Histoire des mondes anciens »). Il a publié en 2004 Le Complexe de Zeus. Représentations de la paternité en Grèce ancienne (Publications de la Sorbonne). Ses recherches portent sur le genre, la parenté et le corps. Il est membre du comité de rédaction de la revue Genre&Histoire.
jean_baptise.bonnard@unicaen.fr

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