Navigation – Plan du site

AccueilClio. Histoire‚ femmes et sociétés36Compléments en ligne : Clio a luGeneviève Lefort, L’Éducation des...

Compléments en ligne : Clio a lu

Geneviève Lefort, L’Éducation des mères. Olympe Gevin-Cassal, inspectrice générale de l’enfance (1859-1945)

Rennes, Presses universitaires de Rennes, 289 p.
Sandrine Roll
Référence(s) :

Geneviève Lefort, L’Éducation des mères. Olympe Gevin-Cassal, inspectrice générale de l’enfance (1859-1945), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 289 p.

Texte intégral

1Petite fille d’Olympe Gevin-Cassal (1859-1945), Geneviève Lefort nous fait découvrir dans cet ouvrage le parcours et les multiples engagements de sa grand-mère qui contribua à la mise en place de réformes en faveur de la protection des mères et de leurs enfants. Ce récit détaillé s’appuie essentiellement sur les souvenirs de l’auteure, de riches archives familiales longtemps oubliées comprenant de nombreuses lettres, notes manuscrites, extraits de journaux, actes d’état civil etc., et les rapports rédigés par Olympe Gevin-Cassal lorsqu’elle occupait la fonction d’inspectrice et conservés aux archives nationales sous la série F1a.

2Si l’itinéraire de cette femme de la classe moyenne, devenue inspectrice générale de l’enfance alors qu’elle n’était pourvue d’aucun diplôme et à une époque où la présence des femmes dans l’administration publique était peu souhaitée, peut sembler exceptionnel, il n’est pas singulier. Les travaux en histoire du genre ont montré que les femmes de la petite bourgeoisie qui rencontraient des difficultés matérielles étaient nombreuses à chercher un emploi dans des domaines où, le plus souvent, elles pouvaient faire preuve de leurs qualités maternelles (les emplois d’assistance et de soins aux enfants et aux femmes). Comme d’autres, la vie privée d’Olympe Gevin-Cassal est semée d’embûches : son mari, le peintre Charles Gevin, de douze ans son aîné, n’arrive pas à subvenir aux besoins de sa famille de quatre enfants et tombe rapidement malade. La situation financière du couple pousse alors Olympe Gevin-Cassal à envisager de publier certains de ses écrits inspirés des premières années de vie en couple passées en Hollande et des traditions alsaciennes. Elle envisage également de trouver un emploi. Pour ce faire, elle peut compter à la fois sur sa force de caractère et sur son réseau de relations. Les conseils et recommandations de Félix Nadar lui sont particulièrement utiles. Ce dernier recommande ses textes à plusieurs de ses amis rédacteurs, l’encourage à adhérer à la Société des gens de lettres (ce qui est chose faite en juillet 1891). Il est également pour elle un précieux confident, à qui elle n’hésite pas à relater ses contrariétés familiales. Sur les recommandations de Mme Floquet, elle trouve une place à l’École alsacienne pour enseigner l’allemand huit heures par semaine. C’est ainsi que dans les années 1890, Olympe Gevin-Cassal permet à sa famille installée à Paris de survivre. Pour elle, débute une carrière. Sa rencontre avec le conseiller d’état Henri Monod, lui offre la possibilité de devenir « dame visiteuse » à la mairie du XVIe arrondissement en 1893. Bien que le travail soit fatigant, il est peu rémunérateur, aussi Olympe Gevin-Cassals se voit-elle contrainte de trouver un deuxième emploi. Durant cette période, la situation familiale se dégrade, Charles Gevin accepte mal de se retrouver « assujettie aux charges domestiques » (p. 35) et les enfants sont souvent malades. Les conditions matérielles du couple s’améliorent quelque peu en 1896, lorsque Olympe Gevin-Cassal obtient le poste d’inspectrice générale de l’enfance, mais cette fonction est menacée. Pendant plusieurs années elle lutte alors pour faire reconnaître le statut des inspectrices s’attirant ainsi les mauvaises grâces de la hiérarchie administrative. La réorganisation du mode de recrutement des inspecteurs généraux la contraint à passer un concours en 1908, auquel elle est reçue à la deuxième place. Si le couple est maintenant à l’abri de soucis financiers, c’est la santé mentale et physique de Charles qui inquiète désormais Olympe Gevin-Cassal (interné, ce dernier se suicide en 1910).

3Mère et épouse dévouée, Olympe Gevin-Cassal est aussi une inspectrice complètement investie dans sa lutte pour améliorer les conditions des mères et des enfants. Aussi, après avoir consacré trois chapitres au parcours d’Olympe Gevin-Cassal, Geneviève Lefort décrit-elle avec précision les différentes missions et activités de sa grand-mère. Le mérite de l’auteure tient à un effort de contextualisation qui permet au lecteur d’accéder à une compréhension claire de l’instauration de la politique de la petite enfance sous la Troisième République et du rôle joué par l’inspectrice dans cette mise en œuvre, dont je ne vais rappeler ici que quelques grands traits. On peut, par exemple, découvrir le détail des charges que doivent assurer les inspectrices générales : contrôler et conseiller les inspecteurs départementaux, surveiller les œuvres de la petite enfance, rendre des comptes à l’administration. Geneviève Lefort fournit également des éléments pour appréhender la politique de la petite enfance. Le quatrième chapitre intitulé « Sur le terrain » offre une description précise des décisions prises pour améliorer les soins offerts aux femmes enceintes, aux nourrissons et jeunes enfants. L’auteure rappelle la mise place bien souvent difficile et le fonctionnement des consultations prénatales et de nourrissons, l’ouverture et la rénovation des crèches, la prise en charge des enfants assistés et l’organisation des colonies de vacances en se référant aux rapports et/ou articles de sa grand-mère. L’ouvrage permet aussi aux lecteurs peu au fait des politiques éducatives de la période de se familiariser avec quelques unes des grandes questions alors traitées, à savoir l’organisation des écoles maternelles, les méthodes éducatives préconisées, la laïcité et la formation professionnelle des femmes. Mais ce qui tient tout particulièrement à cœur à l’inspectrice, c’est l’éducation des mères. Aussi Geneviève Lefort consacre-t-elle le cinquième chapitre de son ouvrage à ces questions. Le dernier chapitre s’intéresse à Olympe Gevin-Cassal en tant que « femme, femme de lettres, femme du monde. […] mère et chef de famille » (p. 203). On y découvre une mère dévouée, une femme de lettres engagée – ses articles publiés dans La Fronde, Le Volume, Le Signal de Genève décrivent souvent la misère qu’elle a observée lors de ses différentes activités –, une « spécialiste de l’Alsace », une femme du monde dont l’hospitalité est reconnue. On croise souvent chez elle Henri Monod, Léon Bourgeois, Judith Gauthier, Lucien Descaves, Amélie Carpeaux, Camille Lemonnier, Maurice Bouchor, Augusta Moll-Weiss, Gabrielle Réval, Suzanne Brès, Pauline Kergomard. Tous ces « hôtes du grenier » ont un point commun : « l’écriture, profession pour les uns, romanciers ou journalistes, et violon d’Ingres pour les autres […] tous possèdent une plume alerte » (p. 224). Du fait des intérêts variés et des tendances politiques très différentes des invités, les discussions ont dû être vives et ont certainement orienté les convictions d’Olympe Gevin-Cassal. Pour Geneviève Lefort « fondamentalement républicaine et apôtre de la laïcité, [sa grand-mère] affiche un féminisme modéré et un pacifisme limité par son patriotisme. Femme de gauche, mais réprouvant toute action violente de la classe ouvrière, elle est à la recherche d’une morale qui, pour elle, est avec l’éducation à la base de toute avancée politique ou sociale ». (p. 246).

4Dans cet ouvrage fort intéressant qui nous éclaire sur l’itinéraire privé et public d’une femme de la classe moyenne, Geneviève Lefort a pris soin de ne pas se laisser entraîner par son affection pour sa grand-mère. Si quelques répétitions peuvent être soulignées, la lecture est stimulante, car elle explore des thèmes déjà abordés : la maternité, l’allaitement, les politiques de la petite enfance et l’éducation, à l’aune de la conception qu’avait Olympe Gevin-Cassal de la place et du rôle des femmes dans la société.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Sandrine Roll, « Geneviève Lefort, L’Éducation des mères. Olympe Gevin-Cassal, inspectrice générale de l’enfance (1859-1945) »Clio [En ligne], 36 | 2012, mis en ligne le 19 avril 2013, consulté le 08 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10897 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10897

Haut de page

Auteur

Sandrine Roll

Enseignante du secondaire

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search