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De la soie au drap : la scénographie de la vêture au Carmel (France, xviie-xviiie siècle)

From silk to twill. Scenography of the clothing at the Carmel (France, xviith-xviiith century)
Christine Aribaud
p. 91-108

Abstracts

The paper presents the analysis of the ceremony of taking the cloth in the Ordre Notre-Dame du Mont-Carmel in the xviith-xviiith centuries. This ceremony is detailed on the basis of normative, pictorial and hagiographic sources, in particular the scenography of the before/after, erasing any feminine mark (presence of hair, care for a pale complexion, adjusted garment, an use of silk, jewels, etc.). Some practices testify of the stake in impatience of this passage of the silk in the twill, which is translated by secret, premature grips of the veil or the portraits of usurping women of the good society in Carmelites’ dress. It is true that the absolute model of the Madeleine, considering the mostly princely origins of the applicants, is not foreign in the prestige of the metamorphosis. Reality and representative construction allow to show how the Carmel appropriated a ceremony, which, in the competitive context between the orders of the tridentine liturgy, values the woman, by the way of the nun, emancipated from her gender attributes. But especially, the clothing knew how to make spectacular and desirable what is not a priori, the poverty and the punishment of the body and its attributes, in the purpose admitted to the recruitment of new applicants. Of the rivalry between twill and silk, the winner is not necessarily the one that we believe.

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Full text

  • 1 Notter 1978 : 58.
  • 2 L’habit est le vêtement règlementaire des religieuses. On peut se rapporter aux gravures publiées p (...)
  • 3 Barthes 1957.
  • 4 Ce même paradoxe est souligné pour les ermites par Giancarlo Rocca. Rocca 2000.

1Les prises d’habit ou vêtures permettent sans doute de différencier l’Ordre Notre-Dame du Mont-Carmel réformé par sainte Thérèse d’Avila d’autres ordres, en montrant les vertus de la pauvreté d’une manière spectaculaire, grâce au statut prestigieux, princier ou aristocratique de certaines postulantes1. À cette occasion, le spectacle, dans l’église, se fait à moindre frais pour le monastère, contrairement aux processions coûteuses ou aux somptueuses fêtes de canonisation. Elles favorisent la cohésion du groupe par leur relative fréquence, le valorisent par leur solennité, et tentent surtout de susciter d’autres vocations. Comme dans le monde, le vêtement, en l’occurrence l’habit, malgré le vœu de pauvreté, et surtout grâce à lui, représente un enjeu important : coupe, nature de l’étoffe, couleur, degré ou absence d’ornementation2.... L’attention au vêtement, perçu par la société qui l’a mis en œuvre comme un langage, une norme et une convention, le fait de costume de Roland Barthes, touche aussi le monde régulier, car il est, pour une part, une des voies de la sanctification féminine3. L’idéal du détachement des apparences revendiqué par l’Ordre est paradoxalement assez mobilisant car ce désintérêt pour les parures nécessite une orchestration élaborée : règlementation, mise en œuvre, mise en scène, allégorisation, dans un contexte de valorisation des ordres contemplatifs4.

L’habit de la carmélite

  • 5 Règle primitive… 1865 : 149-151.
  • 6 Étymologiquement, ce mot est dérivé du radical serica, soie. Mais parce qu’on a fait ensuite cette (...)
  • 7 Deux échantillons en laine tissée en sergé (armure formant des côtes obliques) de la tunique de Thé (...)
  • 8 Alfau de Solalinde 1969 : 63-64.
  • 9 Saint-Joseph 1900, t. II : 24. Lettre ccx de sainte Thérèse, écrite le 17 avril 1578, à Avila et ad (...)
  • 10 Du temps de Françoise d’Amboise et de Jean Soreth, le voile blanc est réservé aux novices et le voi (...)
  • 11 C'est-à-dire converse ou servante, dite encore sœur du voile blanc.
  • 12 Chroniques de l’ordre… 1865, t. 5 : 219-220. Il s’agit de sœur Madeleine de Saint-Joseph (de Montag (...)

2Signe visible de leur statut de régulières et de carmélites déchaussées vis-à-vis du monde, l’habit (tunique, scapulaire bruns, voile, toque, alpargates, manteau et ceinture) montre l’appartenance des religieuses à l’Ordre. La Règle indique que tout est « en serge de couleur enfumée […] la coiffure sera de chanvre, ou gros lin, non pliée et le scapulaire par-dessus. Les Tuniques d’Étamine ou Serge […] »5. La serge6 citée aussi dans les Constitutions est une étoffe de laine, sans teinture, brune7, produite en grande quantité dans la ville d’Avila du vivant de sainte Thérèse8. Le terme serge, devenu qualitatif, désigne une catégorie d’étoffes assez grossières, inférieures au drap, laine fine et moins rugueuse, qui qualifie les carmes non réformés (mitigés) appelés par sainte Thérèse, les religieux du drap9. La serge, emblème textile de la réforme thérésienne et de sa rigueur, relève du vœu de pauvreté et entraîne avec elle une double mortification des sens : la vue, par l’absence de décor, d’ajustements et de teinture ; le toucher, mis à l’épreuve par le contact rugueux. L’habit, uniforme, gomme l’individu et scelle l’appartenance au corps monastique. Pourtant, la société d’ordres franchit la clôture, en instaurant des signes hiérarchiques intra muros, notamment le voile, obligatoire pour toutes, qui est blanc ou noir suivant que l’on est converse ou choriste10 (figures 1 & 2). Au milieu du xviie siècle, une carmélite de Grenoble cache à ses parents qui la visitent, sa condition de sœur laie (converse)11, en portant le temps de l’entrevue, un voile noir12. Cette hagiographie du voile vertueux s’inspire du modèle de la bienheureuse Marie de l’Incarnation toujours représentée en voile blanc en signe d’humilité.

Figure 1. Religieuse carmélite déchaussée. Le voile est noir.

Figure 1. Religieuse carmélite déchaussée. Le voile est noir.

P. Hélyot, Histoire des ordres monastiques…, 1714-1719, p. 342.

Figure 2. Sœur converse de l’Ordre des carmélites déchaussées. Le voile est blanc.

Figure 2. Sœur converse de l’Ordre des carmélites déchaussées. Le voile est blanc.

P. Hélyot, Histoire des ordres monastiques…, 1714-1719, p. 366.

  • 13 L’habit est dit être celui de la Sainte Religion, consacrée par les carmélites en l’honneur de Notr (...)
  • 14 Les cérémonies ritualisent ces différents passages dont la vêture des novices, la profession des no (...)

3L’Habit, métaphore textile de la vertu religieuse13, rend aussi compte des étapes immuables de la vie des carmélites : postulante, novice, professe, religieuse, jubilaire14. Ces phases scandent leur engagement dans l’Ordre jusqu’à la mort.

La mise en impatience de la serge

  • 15 La session consacrée aux ordres religieux par le concile de Trente insiste sur le libre arbitre des (...)
  • 16 La question des vocations, bilan historiographique, Dompnier 1999.
  • 17 Albert 1990 et 1997 ; Dinet 1988 ; Dompnier 2009 ; La Rocca 2002 ; Pellegrin 2004 ; Poutrin 1995 ; (...)
  • 18 La vesture, puis vêture est définie par l’Académie française en 1694, comme la « Cérémonie qui se f (...)

4À en croire les examens15, la “préparation à son salut” demeure la seule motivation déclarée de l’engagement16. Mais la nature codifiée de ces documents, questionnaires cadrés destinés à déjouer les vocations forcées en application des consignes tridentines, ne permet guère d’appréhender la question de la vocation religieuse, sinon selon une approche plutôt sérielle relevant de la sociologie religieuse. En revanche, dans un contexte de concurrence accrue de l’offre monastique aux jeunes filles, doit être abordée la question du degré d’attractivité des ordres et du très austère Carmel, face aux vocations hospitalières ou apostoliques par exemple. Depuis un certain nombre d’années les historiens ont nuancé le caractère “répulsif”, par la rigueur de leur Règle, des Ordres mendiants ou contemplatifs, notamment du Carmel17. L’étude du quotidien monastique des femmes, comparé à ce qu’aurait été leur vie dans le monde, et par d’autres biais, a mis à jour certains aspects attractifs contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori, au-delà de leur sincère piété : prestige de l’ordre, contact avec le monde, porosité, possibilité d’activités intellectuelles, notamment l’écriture, et peut-être pratiques artistiques, possibilité de se distinguer par la voie exceptionnelle de la sainteté, attraction des cérémonies, appropriation de certaines dévotions, autant que l’assurance d’une assistance durant la vieillesse… et finalement peut-être une forme d’émancipation vis-à-vis des hommes, pour n’en citer que quelques-uns ? L’Ordre semble avoir orchestré les signes visibles des atouts de la vie monastique pour les filles bien nées : prédications réputées sur l’engagement religieux, beauté des chapelles et des édifices, récits hagiographiques et historiques sur les entrées désirées malgré la réticence des parents, liens avec la cour, recrutement aristocratique, processions et cérémonies, etc. Parmi ces dernières, celles de la vêture18.

  • 19 Paradis 2003.

5Comme au théâtre19, si le costume fait l’acteur, dans quelle mesure l’Habit fait-il la religieuse dans le contexte monastique ? Les lettres circulaires, la littérature hagiographique, les sources normatives et picturales font généralement de la future carmélite une enfant très prédisposée à la vie religieuse, notamment par son goût anticipé à porter l’habit.

  • 20 Les vies exemplaires, vite, sont les biographies édifiantes des religieuses qui relèvent du genre l (...)
  • 21 Chroniques de l’ordre… 1856, t. 4 : 146. À propos de la mère Anne du Saint-Sacrement, de Saint-Deni (...)
  • 22 Chroniques de l’ordre…. 1846, t. 1 : 504.
  • 23 Lettre sur la mort… 1787 : 10.
  • 24 Chroniques de l’ordre… 1846, t. i : 260.

6Les récits de vies exemplaires20 de carmélites réformées insistent sur le décalage entre les hautes origines sociales des futures religieuses et le détachement des honneurs dus à leur rang dont la toilette, signe de convenance sociale avant tout : au port de ce qui reflète son rang, suit le rejet de toute marque apparente de sa naissance21. Nombre d’entre elles ont déjà, petites, un certain détachement vis-à-vis des toilettes, des jeux du monde, des conversations futiles, des divertissements, une défiance à l’égard de la séduction, etc. Les récits nourrissent l’esprit de ces filles, telle Isabelle des Anges, religieuse espagnole, qui pratique l’austérité vestimentaire comme une mise en condition avant son entrée22. Au-delà du simple détachement des toilettes, le port anticipé de l’habit religieux est un poncif hagiographique. Louise de France s’entrainait à la cour à l’odeur du suif et à porter le saint habit23. Les mémorialistes décrivent l’impatience des petites et jeunes filles à se déguiser en carmélite. La princesse de Condé, fondatrice du monastère de Saint-Denis, se fit faire un habit de carmélite à dessein de le mettre quelquefois, alors qu’elle était mariée24. La projection de leur vie en clôture passe par l’habit de carmélite.

  • 25 Cette proposition fait suite à la suppression de la congrégation de sainte Geneviève fondée par Mme (...)
  • 26 Bouix 1885 : 17. Chapitre vi, « De la réception des novices, et de la profession ».
  • 27 De Jésus 1643-1707 : 456.
  • 28 Ce sont les cérémoniaux qui évoquent le déroulement des cérémonies de passage alors que peu de page (...)
  • 29 Eriau 1961 : 138.

7Mais il faudra attendre la prise d’habit. Cette mise en haleine contribue à renforcer l’idéal religieux. Bien qu’en clôture, la postulante ne reçoit pas l’habit, conformément à la proposition de Madame Acarie en 1609, mais attend trois mois, le temps de la réflexion25. Les Constitutions de sainte Thérèse avaient fixé la latence à un an « sans l’habit de l’ordre »26. Car être postulante, c’est proposer sa candidature à l’entrée au noviciat du monastère, après trois mois ou un an d’essai27. Après un vote, on est admise comme novice et la date de la prise d’habit est alors fixée28. La future carmélite demeure donc au Carmel avec les habits du monde. Les récits attestent de cette mise en impatience de la future religieuse et de ses rêves de drap de laine rugueux malgré quelques exceptions. Louise de La Vallière obtient la faveur rue Saint-Jacques de porter l’habit dès son entrée29. Mais en général le Carmel ne brade pas l’Habit.

  • 30 Les carmélites au chauffoir, Guillot. Huile sur toile, 114 x 246 cm. Saint-Denis, Musée d’Art et d’ (...)
  • 31 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 110
  • 32 Ibid. : 175.
  • 33 Ibid. : 175-176. La couleur rose en liturgie sert seulement deux jours dans l’année, le dimanche de (...)
  • 34 Sur la question du remploi, Aribaud 2006.
  • 35 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 2 : 359.

8En témoigne un tableau du carmel de Saint-Denis. Louise de France, fille de Louis xv est peinte au moment de la récréation, moment d’activités communes et de détente, vers 1780, vêtue d’une robe de soie rose30 (cf. Cahier des illustrations, figure 5). Le jour de son entrée secrète comme postulante (avril 1770), elle porte une robe en soie unie avec un grand mantelet, un bonnet haut orné d’une fontange rose, coiffure en hauteur formée de dentelle agencée sur un fil métallique, une mise simple31. L’hagiographie nous éclaire : alors qu’elle voulait un jour aider les sœurs du voile blanc à laver la vaisselle, la mère prieure lui répondit « qu’on en dispensait les postulantes en robe de soie, l’esprit de pauvreté ne permettant pas d’user, dans ce travail, ce qui pourrait plus tard servir utilement à la sacristie »32. Elle fait alors commande à son père le roi d’un vêtement commode et reçoit un manteau de lit (sorte de robe négligée) en taffetas rose, une couleur peu utilisée à la sacristie33. L’anecdote confirme en outre l’usage de remployer les robes de soie des postulantes pour la confection de vêtements liturgiques pour lesquels la soie est requise34. Après la mort de Madame Louise, les fidèles en réclament des parcelles35. Au Carmel de Pontoise, subsistent cinq fragments censés provenir de cette robe. Découpes et décolorations indiquent une mise en reliquaires authentifiée à Autun en 1855. Peinture, texte et échantillons montrent un même satin de soie rose, témoignage concordant du renoncement au monde de la princesse et de cet attachement aux textiles des religieuses vertueuses pour en faire des reliques. La présence de la soie, pour ne pas oublier ce à quoi l’on renonce, demeure toujours inscrite en filigrane au Carmel.

  • 36 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 247-248.
  • 37 Il est resté quelques portraits de reines en habit religieux : Marie Leczinska en religieuse de Sai (...)

9Cette anticipation à porter la serge confine à l’usurpation dans certains portraits. Telle une hagiographie brossée au pinceau, un autre tableau conservé à Saint-Denis témoigne de cette vocation précoce, voire de cet état « natif » de religieuse, paroxysme de la prédestination à Dieu, Madame Louise en carmélite enfant. La peinture contribue ainsi à la construction de l’idéal de la religieuse : se faire portraiturer en carmélite quand on ne l’est pas. Loin d’être considéré comme une imposture, ce travestissement a des significations variées en fonction du contexte. Marie-Thérèse, impératrice-reine de Bohême et de Hongrie et mère de Marie-Antoinette, envoie à sœur Thérèse de Saint-Augustin (Louise de France), son portrait sous le costume de Carmélite36. La souveraine a dû revêtir la bure pour se conformer aux règles monastiques et prétendre pénétrer au Carmel pour y séjourner en peinture. Marie-Antoinette peinte elle aussi en carmélite prit place dans un ermitage du carmel de Saint-Denis. Le monde, décidément, envahit les murs clos par tous les moyens possibles37. N’y a-t-il pas là signe d’attractivité du statut de carmélite, de son prestige, au-delà de la vocation hagiographique de ces récits ? Le modèle de Marie-Madeleine y contribue également.

Le modèle bérullien de la Madeleine

10Si sainte Thérèse, du fait de son enfance difficile, n’est pas un modèle de renoncement au luxe de la toilette auquel les dames de la cour peuvent s’identifier, en revanche, d’autres saintes, reines carmélites, sont bien plus signifiantes. Telle Angèle de Bohême, érigée en exemple dans le Panthéon carmélitain des Peintures du Temple du Carmel, publié en 1660, qui reçoit des mains de Jésus un livre et un bâton. Elle figure sur une vignette gravée accompagnée d’un sonnet qui débute ainsi :

Renoncer aux honneurs qu’on rend aux Souverains,

  • 38 Saint-Élie 1660 : 46-47.

Quitter la soye & l’or pour se vétir de bure38

  • 39 Chazal 1982 : 139, notice 122 ; Bérulle 1998 [1627] ; Beaude 2008.

11Chaque vêture rejoue en mezzo la figure de la séduction et de la repentance du cycle de Marie-Madeleine. Les sermons, comme l’iconographie, abondent en allusions à la Madeleine lorsque des femmes de cour entrent au Carmel après avoir vécu en courtisanes. Les liens entre le Carmel et la sainte sont très étroits. Son culte a été développé par Pierre de Bérulle, auteur de lElévation à Jésus-Christ Notre-Seigneur sur la conduite de son esprit et de sa grâce vers sainte Madeleine publiée en 1627. Si la repentance n’y est pourtant pas dominante, le théologien s’attache plutôt aux mystères des liens d’amour entre Madeleine et Jésus-Christ. Et l’analogie avec la vie de religieuse s’y trace en filigrane39.

  • 40 Paris, Musée du Louvre, inv. n° 2890. Cette huile sur toile (252 x 171 cm) montre Marie-Madeleine s (...)
  • 41 Paris, Archives nationales, S 4655, État des tableaux…
  • 42 Eriau 1929 : 98-99. L’assimilation entre le tableau et Louise de La Vallière ne figure dans aucun t (...)
  • 43 Molanus de Louvain 1996 [1570], livre iii, chapitre 25, « Que Marie-Madeleine doit être peinte sans (...)
  • 44 Sur les enjeux académiques de la représentation de la Madeleine par J.-B. de Champaigne, Mérot 2003 (...)

12Ainsi le 2 juin 1674, à la prise d’habit de Louise de La Vallière, le chœur du Carmel du Faubourg Saint-Jacques contient probablement un tableau de Le Brun, La Madeleine repentante (musée du Louvre)40. Commandé par Étienne Le Camus (1632-1707) pour le couvent, il est peint vers le troisième quart du xviie siècle. Il figure dans la liste des tableaux saisis en 1791 maintes fois publiée41. Les chroniques manuscrites parlent de chef-d’œuvre du maître. Jean-Baptiste Eriau, historien du Carmel parisien, dément que cette Madeleine figure la repentante Louise de La Vallière, légende née au cours de la seconde moitié du xviiie siècle42. Paradoxalement, il accrédite stylistiquement cette hypothèse quand il reproche au peintre d’avoir représenté une Madeleine trop exubérante, et à celle-ci de ressembler à une héroïne de Corneille ou de Racine. J.B. Eriau se fait donc l’écho des moralistes passés, tel Molanus qui affirme dans son Traité des saintes Images de 1570 que la repentance de Madeleine a plus d’utilité pour la méditation qu’un tableau « au temps où elle était l’esclave dévouée des sept démons »43. En arrachant ses vêtements ou les bijoux de ses cheveux, la Madeleine est active dans sa repentance, geste rare qui ressemble tant à la cérémonie de la vêture : le luxe coupable des bijoux dégorgeant d’un coffret tombé renversé au sol et figurant le chaos du monde. Les étoffes variées allégorisent le luxe : un lambrequin, une tenture bleu d’acier, un châle aux épaules et deux grands pans de soie, corail et bleu de France, couleurs habituellement réservées à la Vierge. Ni vêtement, ni tenture, mais les deux à la fois, le peintre crée un artefact visuel repris dans une petite nature morte au premier plan, rose, corail et bleu vif. Le Brun, classique, peint des étoffes unies dont la couleur et les reflets animent cette métaphore de la vanité44. Seuls quelques détails de passementeries, de bordures brodées soulignent ces amoncellements de taffetas, comme il y a fort longtemps avant lui, les primitifs italiens cernaient d’un filet d’or les vêtements de leurs Vierges. Enfin, le vêtement blanc de Madeleine est peut-être une allusion à la pureté acquise par sa repentance. La ceinture brodée et les manches bouffantes retenues par un galon doré rappellent davantage les costumes orientaux d’odalisque, et concourent plus à l’allégorie qu’au réalisme, donnant à La Madeleine les caractères superposés de femme du monde, de figure biblique et de pénitente. Trois états spirituels que les rites de passage organisent au sein de l’Ordre.

La cérémonie de la Vêture : éblouir par son dépouillement

  • 45 Livre pour les Prieures… : 463.
  • 46 Sur cette question de la clôture religieuse et de ses liens avec les questions du genre, Henneau 20 (...)
  • 47 Zarri 2007 : 56.

13En effet, une fois la candidature votée45, la postulante devient novice après l’étape de la vêture qui pointe la relation entre l’état intérieur et l’apparence, les signes vestimentaires. Publique, elle est une belle métaphore du passage du monde à l’état religieux par celui de la soie à la serge, surtout lorsqu’il s’agit de princesse ou de dames de la cour. Le jour de la prise d’habit, la novice arrive au chœur en habit du monde. L’assemblée est saisie par le contraste. Chaque dame sans doute comprend qu’en renonçant au monde, la postulante renonce en fait à la femme, à l’arsenal de la séduction des personnes du sexe. Sainte Thérèse leur suggère souvent « Soyez mâles » mes filles, c’est-à-dire non dépendantes46. Et si le renoncement à la femme du xviie siècle par la prise d’habit était aussi un renoncement à une construction imposée de la féminité, du rôle féminin à tenir à la cour ? La vêture pourrait être aussi à certains égards, émancipatrice, éclairant ainsi pour partie l’attractivité des murs clos du Carmel pour certaines femmes aux prises avec les obligations conjuguées de leur rang et de leur sexe : « ils suffisaient aussi à nous faire comprendre que la clôture monastique devait protéger aussi les moniales de leurs confrères masculins »47. L’Ordre a sans doute compris cet enjeu puisqu’il en orchestre les cérémonies.

  • 48 De Jésus 1643-1707, chapitre 38, « Des ceremonies de la vesture » : 220.
  • 49 Les dames assistent aux offices, assises sur des coussins, comme en témoigne la gravure de la comte (...)
  • 50 La vie de la séraphique… 1678.

14Si le Coutumier de Pontoise encourage à une certaine décence – ni éventail, ni gorge découverte –, pour autant la novice est traitée en jeune femme du monde, en fiancée48 ; elle a droit à un carreau
– coussin – le jour de la cérémonie49 (cf. Cahier des illustrations, figure 6). Sainte Thérèse est un modèle pour les religieuses dans leur vie spirituelle et pour les mémorialistes de l’Ordre50 (figure 3). Peu de ces cérémonies sont hélas détaillées dans les annales, à moins qu’elles ne jouissent d’un éclat particulier.

  • 51 Cérémonies observées à la prise d’habit de madame louise de France chés les carmélites de St-Denis, (...)

15Le 10 septembre 1770, celle de Louise de France montre la valeur exemplaire par le contraste entre une assemblée royale, princière et courtisane cumulant gloire, honneur, richesse, beauté et la vie monastique51.

Figure 3. Vêture de sainte Thérèse.

Figure 3. Vêture de sainte Thérèse.

La vie de la séraphique Mere sainte Therese…, 1678.

  • 52 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 209, note 1.
  • 53 Ibid. : 214.
  • 54 Extrait du manuel… 1932.
  • 55 De Jésus 1643-1707 : 223. « Le reste de la ceremonie se fera selon le manuel ».

16On surinvestit la valeur du dépouillement, par le changement, un avant-après en direct, sorte de relooking sacré destiné à l’édification. Symbole même de la vie carmélitaine, le pas le plus difficile à franchir, le renoncement qui est censé être le plus exigeant pour les femmes de la haute société, et pour les femmes tout court, personnes du sexe si enclines aux parures, aux futilités et à la séduction. L’assemblée est intimement et collégialement concernée. L’avant-après rend specta-culaire le changement de toilette, de rôle, de statut, comme au théâtre au cours du précipité. Si dès avant son postulat Louise de France a déjà renoncé à une partie du luxe de sa tenue, le jour de la prise d’habit elle est, au contraire, très parée, d’une robe de cour à fond de lames d’argent faisant l’effet de rubis et de bijoux ornés de plus d’un million de diamants, de sorte que le contraste soit encore plus saisissant entre les deux mises52. Les récits abondent. Ils relèvent tous de la même métaphore, se dépouiller des splendeurs du diadème et les fouler avec un profond mépris53. Cette insistance n’est pourtant pas officiellement faite dans les textes règlementaires. Le contenu est sobrement ritualisé dans le Cérémonial, y compris dans les éditions tardives destinées à tous les carmels54, ou celles de chaque monastère comme le Coutumier de Pontoise55. À l’issue du dialogue, commençant par « Que demandez-vous ? », la novice disparaît, car on n’assiste pas à la métamorphose et elle reparaît avec la tunique, le scapulaire, la toque à petit voile, la ceinture et les sandales.

  • 56 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 214.
  • 57 Sainte Marie 1896, livre 1 : 92.

17La cérémonie de la vêture doit susciter l’émotion de l’assemblée, qui, dans le contexte des xviie et xviiie siècles, n’est que larmes, stupeur, parfois évanouissement. Le jour de la cérémonie de Louise de France, la réapparition de la Princesse sans ses vêtements de cour suscite un grand émoi56. L’impact visuel de l’avant-après frappe davantage que le discours qui en fait l’apologie. Avant elle, sainte Thérèse, modèle absolu, relatant sa profession faite en grande pompe le 3 novembre 1537, évoque son émotivité : « Je ne puis parler de ces choses sans verser des larmes, des larmes qui devraient être de sang » 57.

  • 58 Lowe 1998 : 41-65. Les paroles prononcées par la religieuse consomment l’idée de mariage céleste au (...)
  • 59 Chroniques de l’Ordre… 1846, t. 1 : 456. Il s’agit de Pontoise.

18Dans le cas des entrées en religion des femmes de la cour, l’héroïsme de la postulante est proportionnel à son statut dans le monde. Plus elle est haut placée, plus son renoncement a de valeur aux yeux de la religion et du monde. De son côté, elle a le sentiment d’un accomplissement et cette cérémonie anticipe celle qui aura valeur de mariage58. Paradoxalement, la cérémonie de la vêture est aussi souvent comparée à une cérémonie funèbre par son recueillement et par sa vocation à faire mourir au monde, et mourir pour le monde. Métaphore du renoncement absolu, ce décès mystique est un des fondements de la vie religieuse carmélitaine. Aussi, l’hagiographie renouvelle-t-elle a posteriori l’émotion de la cérémonie. Car si la novice renonce au monde, sa famille doit aussi renoncer aux vues dynastiques qu’elle avait sur elle et parfois définitivement aux liens affectifs. La présence de la cour diffusera l’image d’un ordre très vertueux59. Et ces rêves de bure à laquelle on n’a pas encore droit ou pas droit du tout, sont encouragés par la fréquentation des monastères.

  • 60 Hours 1987.
  • 61 Vie de la révérende… 1857, t. I : 52-53.
  • 62 Cisternes de Courtiras 1849 : 89-127.

19Toute vêture est significative de l’engagement des religieuses, de leur vœu de pauvreté. Un arsenal métaphorique dans le discours et une théâtralité de la scénographie renforcée par l’image de la Madeleine nourrissent les codes de l’expression religieuse sentimentale du xviie siècle. Si cette étape se pratique dans la plupart des ordres, elle prend une vigueur singulière au Carmel du fait de la rigueur et de la pauvreté réaffirmée par la réforme de sainte Thérèse. Le recrutement nobiliaire et princier offre une occasion inespérée aux prêcheurs, tels Bourdaloue ou Bossuet, de vanter avec talent et emphase les mérites du renoncement. La détermination des postulantes, liée au contexte de leur vie de courtisane, les dépouille simultanément du luxe, mais aussi de comportements dictés par leur âge, leur naissance, leur sexe. Bien que soumises à la Règle de l’Ordre, elles affirment parfois se sentir plus libres qu’à la cour, ne serait-ce que par la distance prise vis-à-vis des contraintes vestimentaires imposées par l’étiquette, ainsi le martèle Louise de France, qui doit revêtir comme ses sœurs des paniers, « les cilices du diable », quatre fois par jour pour rendre visite à son père60. Ainsi naissent nombre de vocations au cours de la vêture, et Louise assiste le 7 octobre 1751 à la vêture de la comtesse de Rupelmonde avec sa mère, la Reine, ce qui « acheva l’œuvre de la grâce » dans son cœur61. Louise a ensuite rendu visite à cette religieuse pour se renseigner sur la vie de carmélite. Ce moment est devenu argument dans le roman de la Comtesse Dasch, Madame Louise de France, où elle a imaginé une rencontre entre Louise et sœur Henriette du Saint-Sacrement, qui lui conte son amour déçu, ses actes condamnables à la cour et son repentir62. L’émotion de l’héroïne sacrifiée, celle de l’assistance, celle des lecteurs de la relation, nous enfin. Cérémonies extraordinaires, les prises d’habit tentent d’assurer le recrutement, survie de l’Ordre, et montrent comment l’accès à ces lieux clos substitue aux exigences du monde que ces jeunes filles ont parfois rêvé de fuir, d’autres contraintes inconnues mais élevées au rang de vertu.

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Bibliography

Sources

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Notes

1 Notter 1978 : 58.

2 L’habit est le vêtement règlementaire des religieuses. On peut se rapporter aux gravures publiées par Pierre Hélyot, Hélyot 1714-1719. Pellegrin 2003.

3 Barthes 1957.

4 Ce même paradoxe est souligné pour les ermites par Giancarlo Rocca. Rocca 2000.

5 Règle primitive… 1865 : 149-151.

6 Étymologiquement, ce mot est dérivé du radical serica, soie. Mais parce qu’on a fait ensuite cette étoffe avec de la laine, la serge depuis le Moyen Âge désigne une étoffe de laine, appelée aussi bure ou gros drap.

7 Deux échantillons en laine tissée en sergé (armure formant des côtes obliques) de la tunique de Thérèse de Saint Augustin, Madame Louise, fille de Louis xv, conservés au Carmel de Pontoise, proviennent de Saint-Denis. Saint-Joseph, 1900, t. I : 264. Lettre xcv, du 11 juillet 1576, écrite à Tolède et adressée à la Mère Marie de Saint-Joseph, prieure à Séville.

8 Alfau de Solalinde 1969 : 63-64.

9 Saint-Joseph 1900, t. II : 24. Lettre ccx de sainte Thérèse, écrite le 17 avril 1578, à Avila et adressée à Jeanne d’Antisco, mère du Père Gratien de Madrid.

10 Du temps de Françoise d’Amboise et de Jean Soreth, le voile blanc est réservé aux novices et le voile noir aux professes. Wilderink 1966 : 207.

11 C'est-à-dire converse ou servante, dite encore sœur du voile blanc.

12 Chroniques de l’ordre… 1865, t. 5 : 219-220. Il s’agit de sœur Madeleine de Saint-Joseph (de Montagny), liée à un illustre commandeur de Malte, M. Lectant, 15e professe du Carmel de Grenoble, décédée le 19 avril 1676.

13 L’habit est dit être celui de la Sainte Religion, consacrée par les carmélites en l’honneur de Notre-Dame du Mont-Carmel ; le scapulaire, le joug de Jésus-Christ ; la ceinture, celle du Christ qui les ceint ; le manteau blanc, la pureté.

14 Les cérémonies ritualisent ces différents passages dont la vêture des novices, la profession des novices, la prise de voile et le jubilé. Des indulgences plénières sont accordées aux moniales carmélites aux jours de leur vêture (Paul v, 23 mai 1606), le jour de leur profession (Paul v, 23 mai 1606), de leur prise de voile (Benoît xiii, 6 avril 1728). Cérémonial… 1928 : 182, note 1.

15 La session consacrée aux ordres religieux par le concile de Trente insiste sur le libre arbitre des filles qui deviennent religieuses. Le questionnaire évalue les motivations, la connaissance de l’écriture, du latin, de la voix…

16 La question des vocations, bilan historiographique, Dompnier 1999.

17 Albert 1990 et 1997 ; Dinet 1988 ; Dompnier 2009 ; La Rocca 2002 ; Pellegrin 2004 ; Poutrin 1995 ; Reynes 1987.

18 La vesture, puis vêture est définie par l’Académie française en 1694, comme la « Cérémonie qui se fait ordinairement dans les Couvens en donnant l’habit à un Religieux ou à une Religieuse. “Il a assisté à la vesture d’une telle”. Appelée aussi prise d’habit ».

19 Paradis 2003.

20 Les vies exemplaires, vite, sont les biographies édifiantes des religieuses qui relèvent du genre littéraire hagiographique.

21 Chroniques de l’ordre… 1856, t. 4 : 146. À propos de la mère Anne du Saint-Sacrement, de Saint-Denis.

22 Chroniques de l’ordre…. 1846, t. 1 : 504.

23 Lettre sur la mort… 1787 : 10.

24 Chroniques de l’ordre… 1846, t. i : 260.

25 Cette proposition fait suite à la suppression de la congrégation de sainte Geneviève fondée par Mme Acarie. Elle jugeait nécessaire ce temps d’épreuve pour inciter les filles à entrer et pour donner au Carmel aussi le temps de les évaluer. Chroniques de l’ordre… 1846, t. i : 151.

26 Bouix 1885 : 17. Chapitre vi, « De la réception des novices, et de la profession ».

27 De Jésus 1643-1707 : 456.

28 Ce sont les cérémoniaux qui évoquent le déroulement des cérémonies de passage alors que peu de pages sont consacrées ailleurs à ces différents états.

29 Eriau 1961 : 138.

30 Les carmélites au chauffoir, Guillot. Huile sur toile, 114 x 246 cm. Saint-Denis, Musée d’Art et d’Histoire, n° inv. 78.01.01. Ce tableau est un don de Mme Malard, nourrice de Louis xvi.

31 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 110

32 Ibid. : 175.

33 Ibid. : 175-176. La couleur rose en liturgie sert seulement deux jours dans l’année, le dimanche de Laetare et de Gaudete, raison probable pour qu’elle soit considérée par le Carmel comme un luxe.

34 Sur la question du remploi, Aribaud 2006.

35 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 2 : 359.

36 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 247-248.

37 Il est resté quelques portraits de reines en habit religieux : Marie Leczinska en religieuse de Saint-Cyr, par Jean-Baptiste Santerre (1703-1788), Marie Leczinska en costume de religieuse devant la Maison Royale de Saint-Cyr (site http ://images.chapitre. com, consulté le 14/01/2009). La France n’a pas le monopole de cette mode des portraits « en religieuses », puisque Claire Eugénie d’Autriche, infante d’Espagne et régente des Pays-Bas a été peinte par Van Dyck, en habit de clarisse. Antoon Van Dyck, Claire Eugénie d’Autriche en habit de Clarisse (site http://images.chapitre.com, consulté le 14/01/2009). Ce tableau ne figure pas dans le catalogue de Brown & Vlieghe 1999.

38 Saint-Élie 1660 : 46-47.

39 Chazal 1982 : 139, notice 122 ; Bérulle 1998 [1627] ; Beaude 2008.

40 Paris, Musée du Louvre, inv. n° 2890. Cette huile sur toile (252 x 171 cm) montre Marie-Madeleine se dépouillant de ses bijoux. Elle est reproduite dans Eriau 1929 : 98.

41 Paris, Archives nationales, S 4655, État des tableaux…

42 Eriau 1929 : 98-99. L’assimilation entre le tableau et Louise de La Vallière ne figure dans aucun texte du xviie siècle, ni dans les chroniques de l’Ordre, ni dans les témoignages d’observateurs. Par ailleurs les chroniques évoquent une réputation naissante de Le Brun avec le tableau, or il crée l’Académie en 1647, et ce n’est qu’en 1660 que Melle de La Vallière atteint l’âge de 16 ans. Les témoignages de la première moitié du xviie siècle tel que celui de Piganol de la Force par exemple ne mettent pas en rapport le tableau et la célèbre duchesse.

43 Molanus de Louvain 1996 [1570], livre iii, chapitre 25, « Que Marie-Madeleine doit être peinte sans vêtements somptueux » : 402-403.

44 Sur les enjeux académiques de la représentation de la Madeleine par J.-B. de Champaigne, Mérot 2003 : 256.

45 Livre pour les Prieures… : 463.

46 Sur cette question de la clôture religieuse et de ses liens avec les questions du genre, Henneau 2004, Zarri 2007. Les liens entre genre et statut de religieuse sont complexes et mériteraient de nombreux développements, notamment en distinguant les ordres. Il a été abordé avec la question de la clôture et de l’enfermement. Contrainte pénalisante imposée aux femmes, système mental dont elles ont du mal à se défaire même en liberté, ou protection contre leurs confrères masculins, et parfois les trois à la fois. S. La Rocca a montré comment la dévotion pouvait contribuer à une certaine émancipation. La Rocca 2002.

47 Zarri 2007 : 56.

48 De Jésus 1643-1707, chapitre 38, « Des ceremonies de la vesture » : 220.

49 Les dames assistent aux offices, assises sur des coussins, comme en témoigne la gravure de la comtesse d’Olonne. Elle porte aussi une Fontange. Paris, Bnf, Madame la Comtesse d'Olonne estant a l'Eglise -se vend a Paris chez A. Trouvain rue St. Jacques au grand Monarque atenant les Mathurins 1694-1694. Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, ARS EST-368.

50 La vie de la séraphique… 1678.

51 Cérémonies observées à la prise d’habit de madame louise de France chés les carmélites de St-Denis, en 1770 , Paris, Bnf, 14447.

52 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 209, note 1.

53 Ibid. : 214.

54 Extrait du manuel… 1932.

55 De Jésus 1643-1707 : 223. « Le reste de la ceremonie se fera selon le manuel ».

56 Vie de la révérende Mère… 1857, t. 1 : 214.

57 Sainte Marie 1896, livre 1 : 92.

58 Lowe 1998 : 41-65. Les paroles prononcées par la religieuse consomment l’idée de mariage céleste au moment où on va lui remettre le voile. Extrait du manuel… 1932 : 48-49.

59 Chroniques de l’Ordre… 1846, t. 1 : 456. Il s’agit de Pontoise.

60 Hours 1987.

61 Vie de la révérende… 1857, t. I : 52-53.

62 Cisternes de Courtiras 1849 : 89-127.

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List of illustrations

Title Figure 1. Religieuse carmélite déchaussée. Le voile est noir.
Credits P. Hélyot, Histoire des ordres monastiques…, 1714-1719, p. 342.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/10759/img-1.jpg
File image/jpeg, 44k
Title Figure 2. Sœur converse de l’Ordre des carmélites déchaussées. Le voile est blanc.
Credits P. Hélyot, Histoire des ordres monastiques…, 1714-1719, p. 366.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/10759/img-2.jpg
File image/jpeg, 41k
Title Figure 3. Vêture de sainte Thérèse.
Credits La vie de la séraphique Mere sainte Therese…, 1678.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/docannexe/image/10759/img-3.jpg
File image/jpeg, 117k
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References

Bibliographical reference

Christine Aribaud, De la soie au drap : la scénographie de la vêture au Carmel (France, xviie-xviiie siècle)Clio, 36 | 2012, 91-108.

Electronic reference

Christine Aribaud, De la soie au drap : la scénographie de la vêture au Carmel (France, xviie-xviiie siècle)Clio [Online], 36 | 2012, Online since 31 December 2014, connection on 08 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10759; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10759

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About the author

Christine Aribaud

Maître de conférences en histoire de l’art moderne, à l’Université Toulouse II – Le Mirail, membre de l’UMR FRAMESPA (CNRS), expert en textiles et costumes agréé CNES, (Chambre Nationale des Experts Spécialisés). Ses recherches et publications portent sur l’histoire culturelle et artistique des textiles ; notamment leurs usages spécifiques au service de l´Église post-tridentine. Soieries en sacristie, fastes liturgiques : Toulouse, xviie-xviie siècle, catalogue exposition Toulouse, Musée Paul Dupuy, coédition Somogy-Paris et Musée Paul Dupuy-Toulouse, 1998 ; co-éditrice des actes du colloque Vêture & Pouvoir, xiiie-xxe siècle, CNRS-Université de Toulouse II – Le Mirail, 2003 ; éditrice des actes des Journées d’études de l’AFET, Destins d’étoffe, usages, ravaudages et remplois des textiles sacrés, CNRS-Université Toulouse II – Le Mirail, 2006 ; coéditrice des actes du colloque Rencontres méditerranéennes autour des décors de la Semaine Sainte (Perpignan, oct. 2006), CNRS-Université Toulouse II – Le Mirail, 2009.

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