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HomeClio. Histoire‚ femmes et sociétés36Genre et codes vestimentaires à Rome

Genre et codes vestimentaires à Rome

Gender and dress code in Rome
Catherine Baroin
p. 43-66

Abstracts

Even if legal texts and practices of the Republican and Imperial Rome establish a ranking between the clothes by status (free/not free), sex and age, some appear as unisex clothing; moreover, that is the way to wear them (habitus), plus gestures (gestus) and walk (incessus) that give them their masculine or feminine connotations. The meaning of the garment is constructed by a system of oppositions (toga pura VS toga praetexta : stola VS toga, etc.) operating only in context. Thus, the garment can characterize both a status, a rank (magistratus/not magistratus) and state (mournin citizen, teenager doing his tirociunim, bride…), much more than gender. In addition, since clothing and ways to wear them are strictly regulated, transgressions or deviations from this code are always meaningful, being the object of the gaze and comments of the society members.

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  • 1 Heuzey 1922 : XII, préface (E. Pottier).
  • 2 Dans le De Lingua Latina (V, 131-132), Varron établit une distinction entre les vêtements qu’on enf (...)

1C’est en ces termes qu’E. Pottier présente le résultat des recherches sur le costume antique menées tout au long de sa vie par L. Heuzey et exposées dans son ouvrage Histoire du costume antique d’après des études sur le modèle vivant, publié en 19221. Les exemples donnés ici sont grecs, mais ces remarques valent également pour les vêtements romains : la toge, bien sûr, mais encore les manteaux (palla, paenula, lacerna), qui sont eux aussi drapés et non cousus. Même si E. Pottier cite le khiton, une tunique féminine, l’ensemble de son propos concerne moins les vêtements de dessous (les tuniques, longues ou courtes) que les habits de dessus2, car il s’intéresse essentiellement à ce qui est visible. En outre, cette prééminence accordée au vêtement drapé s’explique par l’importance donnée à la statuaire comme source documentaire.

2Si l’ouvrage de L. Heuzey apparaît aujourd’hui comme un peu démodé, on ne peut qu’être frappé par la modernité de ce point de vue sur le costume antique, qui prend acte de la différence fondamentale entre les vêtements des Anciens et les vêtements occidentaux de l’époque moderne, d’abord coupés, puis cousus, et qui met en lumière deux caractéristiques essentielles du vêtement antique : sa plasticité et son caractère (relativement) unisexe. L. Heuzey lui-même exprime ces idées sous la forme suivante :

  • 3 Heuzey 1922 : 26-27.

Chez nous, le costume étant fabriqué d’avance, cette gaine, fixée au corps, demeure par conséquent inerte, incapable de traduire les dispositions intérieures. Quelle différence avec le costume grec, qui n’a pas de forme par lui-même ! On peut même dire qu’il n’existe pas : c’est le corps qui le modifie et le crée à tout instant, par les variations de l’attitude. [...] Le même carré d’étoffe qui, drapé sur le corps d’un homme, prend une tournure virile, s’il est porté par une femme, se féminise aussitôt avec une étonnante souplesse. De plus, on le voit obéir aux gestes, se transformer avec la passion : il est quelque chose d’animé et de vivant où se répercutent jusqu’aux mouvements de l’âme3.

3Même si, là encore, ces remarques sont formulées d’une manière qui peut sembler datée, elles mettent en évidence avec une très grande pertinence l’importance de l’habitus : la « mise », la façon de porter son vêtement et de se tenir (les « variations de l’attitude », écrit L. Heuzey), auquel les textes, plus que les images, donnent accès. Ce n’est que lorsqu’il est porté que le vêtement antique acquiert de la variété et une connotation masculine ou féminine. En effet, même s’il existe une répartition, en Grèce et à Rome, entre vêtements masculins et vêtements féminins, répartition plus complexe qu’il n’y paraît du reste, le même vêtement peut être porté de façon convenable pour un homme selon les usages en vigueur, ou, au contraire, d’une manière qui le féminise et qui va à l’encontre de ces usages.

4Enfin, l’idée que le vêtement traduit « les dispositions intérieures » et exprime « les mouvements de l’âme » invite à l’étudier non seulement en relation avec celui ou celle qui le porte, mais aussi en prenant en compte la gestuelle qui l’anime et le contexte dans lequel il est porté ; c’est particulièrement vrai pour l’orateur : son vêtement et son attitude physique sont partie prenante de l’efficacité de son discours.

  • 4 Sur l’obsession de reconstituer les vêtements antiques qu’ont certains historiens, sur la difficult (...)

5Ainsi, nous essaierons d’exposer ici les usages vestimentaires qui existent à Rome, non dans le but d’en faire l’histoire4, mais afin de mettre en lumière la relation unissant le vêtement à celui ou celle qui le porte, dans une perspective anthropologique. Quelle image de soi le vêtement donne-t-il ? Quel corps construit-il ? Quelles sont les variations du code vestimentaire et quelles sont les significations de ces variations ? En quoi le vêtement est-il identitaire et quelle identité construit-il, sur le plan du statut socio-politique et sur le plan du genre ?

La toge : un signe discriminant

L’uniforme du citoyen

  • 5 Sans sa toge, un citoyen ne peut prendre la parole en public, il est nu (nudus) ; voir Cordier 2005 (...)

6Commençons par le vêtement qui paraît à la fois le plus caractéristique des Romains et le plus masculin, la toge (toga). On définit volontiers la toge comme l’uniforme du citoyen romain, indispensable à l’exercice de sa citoyenneté, dans le cadre de la vie publique (dans une assemblée politique, au tribunal, en particulier)5, mais aussi lorsqu’il est chez lui et reçoit le matin ses clients (clientes), lors du rituel social de la salutatio.

  • 6 Voir par exemple Heuzey 1922 : 277.
  • 7 Sur le port de la toge dans l’Histoire Auguste, voir Molinier-Arbo 2003 : 70 et note 34 (« Les bons (...)

7On lit souvent que la toge, devenue trop imposante et mal commode, a été de moins en moins portée sous l’Empire. Elle est alors assimilée, de façon plus ou moins explicite, à l’empire territorial : la toge serait trop longue, trop large, très difficile à draper, embarrassante et donc abandonnée au profit d’habits d’origine orientale ou barbare, de même que l’Empire, trop étendu, devient impossible à gérer et de plus en plus menacé par les attaques barbares6. Pourtant, la toge reste bien l’habit officiel du citoyen romain jusque sous le Bas-Empire et, même à cette époque, elle conserve sa valeur de romanité par distinction avec des vêtements connotés comme barbares, étrangers7.

  • 8 Virgile, Énéide, I, 282 ; Suétone, Auguste, 40, 8 ; Martial, XIV, 124, 1.
  • 9 Voir Cicéron, Pro Fonteio, 33 : les Gaulois sont qualifiés de sagati bracatique ; Valère Maxime, Fa (...)
  • 10 Sur le pallium, voir Baroin & Valette-Cagnac 2007.
  • 11 Voir Baroin & Valette-Cagnac 2007 : 534-537.
  • 12 Cf. Pline le Jeune, Lettres, IV, 11, 3.

8Ainsi, le sens de la toge est construit par un système d’oppositions, qui repose à la fois sur des lois (seul un citoyen romain jouissant de ses droits peut porter la toge) et sur des normes culturelles. Le populus Romanus (le peuple des citoyens romains) se définit comme une gens togata8 : la toge du citoyen s’oppose aux habits portés par les barbares, braies (bracae) des Gaulois, des Gètes ou des Parthes, sayon (sagum) des Germains et des Gaulois, etc. Le vêtement sert ainsi à distinguer des origines et des identités ethniques différentes : le togatus s’oppose au bracatus ou au sagatus ; il se distingue également du palliatus9, celui qui est vêtu d’un pallium, manteau bien romain mais qui, à l’intérieur même de la culture romaine, est connoté comme grec10. En ce sens, le pallium peut à la fois, comme marqueur ethnique, renvoyer à la Grèce, et constituer un marqueur culturel : le port du pallium est culturellement licite pour le citoyen romain quand celui-ci se trouve dans l’espace du loisir et dans la sphère privée, au banquet par exemple11. Le pallium peut aussi être un habit de substitution quand le port de la toge n’est pas ou plus autorisé à l’issue d’une décision de justice12.

  • 13 Cet hémistiche est issu du poème de Cicéron, De consulatu suo, dont il ne reste que des fragments ; (...)

9Non seulement la toge est l’habit du citoyen en exercice, mais elle est l’habit du citoyen en temps de paix, un habit civil. On connaît le vers célèbre de Cicéron écrit à propos de son propre consulat et de sa victoire sur la conjuration de Catilina : « Cedant arma togae (Que les armes le cèdent à la toge) »13. La toge s’oppose alors à la tenue militaire, cuirasse et sagum du soldat ou manteau (paludamentum) du général en chef.

  • 14 Les textes juridiques distinguent vêtements pour hommes et femmes libres et vêtements serviles (voi (...)
  • 15 Voir Ernout & Meillet 1967 [19321] s.v. tego et Cordier 2005 : 90-92.
  • 16 Voir Cordier 2005 : 148-154 (les esclaves étaient vendus nus).

10Enfin, la toge est l’habit du citoyen en tant que celui-ci s’oppose à l’esclave14, vêtu simplement d’une tunique. Alors que la toge est généralement portée sur la tunique et a pour finalité de couvrir et de protéger le corps, comme l’indique l’étymologie de toga tirée du verbe tego, protéger15, le corps de l’esclave, même s’il porte un manteau sur sa tunique, est toujours susceptible d’être découvert, voire mis à nu16. La toge protège symboliquement le corps, car elle est le signe visible du statut de celui qui la porte.

La toge prétexte

  • 17 L’appellation toga libera est mise en relation avec le jour anciennement fixé pour la prise de la t (...)
  • 18 On considère généralement que, sous la République, cette toge fait partie des signes visibles du po (...)
  • 19 Voir Néraudau 1984 : 121 et 148 ; Sebesta 2005 : 113 et 118.

11On comprend que la toge est un marqueur de statut et d’espace plus encore qu’un marqueur de genre. C’est d’autant plus vrai qu’il n’y a pas une toge, mais des toges. Jusqu’à présent, lorsque nous avons parlé de toge, il s’agissait de la toge portée par les citoyens, donc uniquement des hommes, entrés dans la classe d’âge des uiri et vêtus de la toga uirilis, toge virile. Cette même toge peut être qualifiée par d’autres adjectifs, qui en montrent les différents aspects. Elle peut ainsi être appelée toga libera au sens où elle est l’habit d’un homme libre (liber) et né libre (ingenuus)17. On peut aussi souligner sa couleur en la désignant comme toga pura, toge unie, écrue ; en ce sens, elle se distingue de la toga candida, d’un blanc éclatant, du candidat en campagne, de la toga pulla, toge sombre, portée par les gens en deuil, et, d’abord, de la toge prétexte, toga praetexta, bordée d’une bande de couleur pourpre tissée sur un métier vertical (c’est le sens précis de l’adjectif). Cette toge particulière est portée par les magistrats dans des cérémonies officielles et pour l’exécution de rites religieux18. Mais elle est aussi revêtue par les garçons de naissance libre, lorsqu’ils cessent d’être des infantes pour devenir des pueri. La prétexte manifeste dans les deux cas le caractère hautement respectable de celui qui la porte19 ; elle signale et protège le pudor (pureté morale) de l’enfant comme la dignitas du magistrat.

  • 20 Voir Néraudau 1979 : 147 et Cordier 2005 : 93-95.

12Le vêtement est si fondamental dans la définition et la constitution progressive de l’identité masculine qu’il apparaît dans trois termes utilisés pour désigner le garçon à différents âges : lorsqu’il est puer et revêtu de la prétexte, il est dit inuestis, car il est sans poil, impubère, uestis désignant, en même temps que le vêtement, la pilosité corporelle ; quand il prend la toge virile, il est uesticeps (il a « pris le vêtement ») ; à partir de ce moment, en tant que uir, il peut être qualifié de togatus20.

  • 21 Sur le fait que puella désigne la fille de 7 ans jusqu’à son mariage, voir Néraudau 1979 : 101, qui (...)
  • 22 Les termes matrona et materfamilias désignent l’épouse légitime d’un citoyen, même si elle n’a pas (...)
  • 23 Voir Néraudau 1984 : 52 ; Sebesta 1994 : 46-48 et 2005 : 113 et 116. Je l’ai moi-même écrit (Baroin (...)
  • 24 Wilson 1938 : 133-137. Sur la prétexte quittée par la jeune fille au moment du mariage, voir Proper (...)

13Or il est possible que cette toge prétexte ait été aussi portée par les filles de naissance libre, les puellae21, jusqu’au moment où elles se mariaient et devenaient des matronae22. Même si la plupart des auteurs présentent cela comme une certitude23, il est difficile de savoir si la prétexte était ou non portée par toutes les filles, quel que soit le statut de leur famille, et en toute occasion, car les témoignages anciens ne sont pas parfaitement clairs à cet égard. L. Wilson considère ainsi que la toga praetexta était seulement revêtue par les jeunes filles issues de familles nobles, appartenant à l’élite, et pour des moments de célébration familiale, par exemple à l’occasion du mariage24.

  • 25 Voir les remarques de Davies 2005 : 128 et notes 25-26.
  • 26 Wilson 1938 : 136 ; Goette 1990 : 80 et 158, planche 70, 3 N2b ; Sebesta 1994 : 47 ; Huet 2001 : 70 (...)
  • 27 Stone 1994 : 20.
  • 28 Huet 2001 : 71.
  • 29 Huet 2001 : 78 « [...] le corps de la jeune fille comme celui de la petite fille est absent des ima (...)

14Les images ne peuvent apporter de certitude en ce domaine. Ainsi, on a beaucoup commenté la tenue des jeunes filles qui apparaissent sur les différentes faces de l’Autel de la Paix (Ara Pacis), dédié en 9 av. J.-C. par l’empereur Auguste25. Sur le bas-relief de la face sud, la petite fille qui y figure (et en qui l’on identifie généralement Domitia) paraît habillée comme les deux garçons qui la précèdent, c’est-à-dire d’une tunique couverte d’une toge26. Cependant, on a pu voir aussi dans ce vêtement une palla drapée comme une toge (!)27, ce qui donne une idée de la difficulté qu’il y a à identifier les vêtements sur un monument. En outre, comme le note V. Huet, cette petite fille ressemble aussi, par son attitude et par son vêtement, à la femme qui figure sur la même face et qui est, théoriquement, vêtue d’une stola et d’une palla. La différence entre la jeune fille et la matrona est alors marquée par la coiffure28. Cette fille, dont on ne peut pas dire l’âge, est en tout cas montrée par l’image comme étant en devenir, dans un entre-deux, entre l’enfance et le statut de matrona29.

  • 30 Voir les remarques de Sebesta 2005 : 116 sur les enfants revêtus de la prétexte (praetextati) qui s (...)

15Quoi qu’il en soit, l’ambivalence possible de la toge prétexte en terme de genre30 signale qu’elle correspond d’abord à un critère d’âge et de statut, puisqu’elle est l’habit caractéristique et l’ornement (ornamentum) des ingenui comme des magistrats.

  • 31 Sur la tenue de la mariée, voir Wilson 1938 : 138-144 ; Boëls-Janssen 1993 : 99 sq. ; Sebesta 1994  (...)
  • 32 Voir Pline l’Ancien, VIII, 194 et Festus, 364 L.
  • 33 Sur la formation des tirones, le tirocinium, voir Néraudau 1979 : 111-114 et Cordier 2005 : 106-107 (...)
  • 34 Boëls-Janssen 1993 : 100, qui renvoie à Festus, 342 L : « Rectae appellantur uestimenta uirilia […] (...)

16On peut mettre en parallèle avec la toge prétexte un autre vêtement porté, d’après les textes, par des filles et par des garçons, dans des contextes tout à fait particuliers : la tunica recta (ou regilla). Cette tunique est revêtue par les jeunes mariées la veille de leur mariage31, mais aussi par les tirones32. Ce terme désigne ceux qui ont pris la toge virile et qui commencent leur carrière militaire et politique33. N. Boëls-Janssen insiste sur le fait que les tuniques « droites » (rectae) sont rangées parmi les vêtements masculins34. Là encore, le vêtement n’est pas l’apanage d’un sexe, mais il caractérise un état, en l’occurrence un état de passage : le passage de la puella à celui de l’uxor, ou du puer à celui d’adulescens.

Une toge féminine ?

Toga VS stola

  • 35 Varron, De uita populi Romani, I apud Nonius Marcellus, De compendiosa doctrina, p. 867-868, éditio (...)
  • 36 Voir Baroin & Valette-Cagnac 2007 et infra dans cet article.

17En dehors du cas particulier de la prétexte, un texte indique que la toge a pu être portée par des femmes. Il s’agit d’un commentaire de Varron, qui explique : « dans le lit, autrefois, on avait des toges (togas habebant) ; en effet, auparavant, il y a longtemps, la toge était un vêtement ordinaire (commune uestimentum) pour le jour et la nuit (et diurnum et nocturnum), commun aux hommes et aux femmes (et muliebre et uirile) »35. Varron reconstitue ici un usage de la toge qu’il présente comme ancien et immémorial (sans qu’il soit question de le dater), selon lequel celle-ci était unisexe et portée le jour comme la nuit. Il s’agit là d’une reconstruction historique, qui est écrite à rebours de ce qu’est la toge à l’époque de Varron, c’est-à-dire d’abord et surtout le vêtement du citoyen. Elle repose aussi sur le rôle protecteur que les Romains attribuent à la toge. Enfin, le texte de Varron fait un parallèle implicite entre toge et pallium ; en effet, le pallium est à la fois un manteau et une couverture (il protège le corps en le couvrant) et il est aussi l’un des rares vêtements qui puisse être porté et par les hommes et par les femmes36. Il ne faut donc pas considérer cette notice comme la véritable histoire de la toge romaine, mais comme un document sur les valeurs symboliques et sur l’imaginaire de la toge.

  • 37 Cf. Tibulle, Élégies, III, 16, 3-4.
  • 38 Voir Juvénal, Satires, II, 68-70 ; Martial, II, 39 et X, 52 et deux scholiastes des Satires d’Horac (...)

18Avant de citer Varron, Nonius Marcellus évoque d’abord un vers de l’auteur comique Afranius (iie s. av. J.-C.) : « et en plus elle déjeune debout avec nous, enveloppée dans sa toge (incinctam toga) ! » (Les belles-sœurs, v. 182). Cette citation fait référence à un autre usage, selon lequel les prostituées (meretrices, scorta) auraient porté une toge. L’incongruité relevée dans ce vers de comédie consisterait pour la prostituée de comédie à manger debout dans sa toge, au lieu d’être allongée pour un banquet avec la tenue qu’il faut revêtir dans cette circonstance. Ce vers s’explique par l’usage selon lequel, d’après plusieurs textes anciens, les prostituées37 ainsi que les femmes adultères38 auraient porté la toge.

19Quoi qu’il en soit des usages dans la réalité extra-théâtrale, ce qui est certain, c’est que la « toge féminine », pour reprendre l’oxymore utilisé par Cicéron à propos d’Antoine (Philippiques, II, 44), ne prend son sens que par opposition à la robe, stola, portée par la matrona, la femme de naissance libre mariée à un citoyen et, en tant que telle, respectable.

20En définitive, le port du vêtement n’a de signification qu’en contexte, selon le statut, l’âge, le sexe de celui ou de celle qui le porte, l’occasion pour laquelle il est porté, et enfin la relation de distinction ou de ressemblance qu’il entretient avec les vêtements revêtus par les personnages qui l’entourent, au sein du texte comme dans le champ de l’image.

Façons romaines de porter la toge

  • 39 Ce n’est pas une question de loi, mais de blâme social. Sur ce sujet, voir Davies 2005 et Dupont & (...)
  • 40 Cf. Cicéron, Pro Caelio, 11 ; Sénèque le Père, Controverses, excerpta, V, 6 et Quintilien, Institut (...)
  • 41 J.-P. Néraudau (1979 : 113) note que c’est là une obligation morale de décence et en même temps un (...)

21Le tout, pour le citoyen romain dans l’exercice de ses fonctions, n’est pas de porter la toge : encore faut-il la porter d’une manière qui soit conforme aux normes sociales en vigueur, sous peine d’être en proie à la critique sociale39. Ainsi, on sait que, sous la République, les tirones, dont nous avons déjà parlé, ne devaient pas sortir le bras de leur toge durant leur apprentissage, sur le forum, du métier d’orateur40. Cela permettait sans doute de les reconnaître et signifiait que leur vêtement était encore le gardien de leur intégrité physique et morale, de leur « sérieux » (grauitas) et de leur « chasteté » (castimonia), pour reprendre les termes de Cicéron (Pro Caelio, 11)41.

  • 42 Quintilien, Institution oratoire, XI, 3 (chapitre consacré à l’actio oratoire), 124, 131, 137 à 149
  • 43 Quintilien, XI, 3, 137.
  • 44 La tunique laticlave est bordée de deux larges bandes de pourpre. Il existe aussi une tunique angus (...)
  • 45 Quintilien, XI, 3, 138 : « Celui qui n’a pas droit à la laticlave doit ceindre sa tunique de façon (...)

22Ce maintien, s’il est propre à cet âge dans cette situation, renvoie à l’ensemble des règles qui régissent la tenue du corps vêtu et en mouvement dans l’exercice de l’éloquence, c’est-à-dire à l’actio, qui concerne la performance oratoire, le discours en train de se faire. L’actio comprend trois domaines principaux, la voix (uox), l’expression du visage (uultus) et la gestuelle (gestus). Le port de la toge et les gestes qui la font bouger sont l’objet d’un long développement dans l’Institution oratoire de Quintilien42. La mise civilisée (cultus) d’un orateur, qui est emblématique de celle des citoyens honorables en général, doit être, d’après Quintilien, « élégante et virile (splendidus et uirilis) »43. Il indique comment atteindre cet idéal : pour cela, il faut combiner selon certaines règles le port de la tunique et celui de la toge, la longueur de la toge, la façon de faire « tomber » le pli (sinus) de celle-ci, de lui faire couvrir ou non l’épaule et le cou, etc. Les règles formulées à propos de la tunique, en particulier, et de la façon de la ceinturer montrent que son port dépend du statut de celui qui en est vêtu : en effet, Quintilien distingue la façon de ceinturer la tunique laticlave, qui est l’apanage des sénateurs, du port des autres tuniques44. De plus, pour les tuniques qui ne sont pas laticlaves, Quintilien indique deux contre-modèles : les femmes et les centurions45. La façon de porter, de ceinturer en particulier, un vêtement de dessous est donc à la fois un marqueur de genre, de statut « civique » (si l’on est ou non soldat) et socio-politique (si l’on est sénateur ou pas).

  • 46 Voir Quintilien, XI, 3, 145 et 147.
  • 47 Quintilien, XI, 3, 149 : « [...] si la toge glisse, quand nous commençons ou que nous avons un peu (...)

23En outre, la mise de l’orateur doit évoluer au long de sa performance, en accord avec ses sentiments et au fur et à mesure qu’il s’échauffe46. Cependant une exigence est commune à tous ces moments, c’est celle de la décence, de la conformité au decus (ce qui est à la fois convenable, honorable et beau) ; cette exigence exclut que l’orateur montre la moindre ressemblance, par ses gestes et sa mise vestimentaire, avec plusieurs repoussoirs : les femmes, les acteurs et aussi tous les hommes en droit de porter la toge qui ne la portent pas comme il faut47.

  • 48 Quintilien, XI, 3, 146 : «... relever et rejeter le pan du bas [de la toge] sur l’épaule droite a q (...)
  • 49 Quintilien en fait la théorie (Institution oratoire, V, 13, 39) : pour répondre aux avocats (patron (...)
  • 50 Voir Suétone, César, 45, 5 et Macrobe, Saturnales, II, 3, 9.
  • 51 Dupont & Éloi 2001 : 15 et 267 sq. Voir aussi Edwards 1993 : chapitre 2.

24Plus précisément, mal porter la toge ne fait pas ressembler le citoyen à une femme, puisque les matronae ne portent pas ce vêtement, mais à un homme qui a une attitude non virile, efféminée, à un « delicatus »48. Une telle façon de se vêtir est susceptible de faire l’objet de critiques, voire d’insultes et d’invectives, en particulier dans les procès49 et dans la vie politique. Un personnage est célèbre pour avoir eu une telle « inconduite vestimentaire », Jules César. Selon plusieurs témoignages antiques, avant la période de la guerre civile, César ceinturait sa toge de telle manière qu’il en laissait traîner un pan (lacinia) ; cette façon de porter son vêtement allait de pair avec une démarche « molle »50. La traduction fréquente de l’adjectif latin « mollis », dans ce contexte, par le français « efféminé » exprime l’implicite du terme latin : il rend en termes de genre un défaut moral que le latin connote en renvoyant à un système où le poids, le sérieux (grauitas), la fermeté (duritia), caractéristiques d’un homme honorable et doué d’auctoritas, s’opposent à la mollesse (mollitia), qui est « un manque de masculinité sociale »51.

  • 52 Corbeill 1996 : 194-195.
  • 53 Voir Corbeill 2004, chapitre 4 : « Walking and ideology ».

25Selon A. Corbeill52, la façon qu’avait César de ceinturer sa toge et de marcher en public était un véritable manifeste politique, César affichant ainsi qu’il s’opposait à l’aristocratie sénatoriale, aux optimates. Ainsi, l’habitus, la mise, en particulier la façon de porter la toge, implique une certaine façon de marcher (incessus, gressus) ou, du moins, lui est étroitement associée. La façon dont un homme se vêt, bouge et marche dans la vie publique de la cité de Rome peut faire l’objet d’une lecture à la fois morale et politique53.

Mauvais genre

26La transgression vestimentaire critiquée chez Jules César par ses adversaires politiques consiste en une façon « déviante » de porter la toge. Mais il existe d’autres infractions possibles au code vestimentaire. Les plus évidentes consistent à mettre des vêtements qui appartiennent traditionnellement au vestiaire du sexe opposé et à brouiller ainsi les codes de genre en se travestissant. D’autres manipulations du costume passent par les détails des vêtements, leurs formes, leurs couleurs ou par les accessoires de la tenue.

Le pallium, un vêtement unisexe

  • 54 Sur le pallium, qui se définit essentiellement par son opposition à la toge, voir Baroin & Valette- (...)

27Un passage du Digeste de Justinien (Ulpien, 34, 2, 23, 2-4) classe les vêtements selon plusieurs critères, le statut d’abord – il y a d’un côté les vêtements des individus libres et, de l’autre, ceux qui conviennent aux esclaves (uestimenta familiarica) –, mais aussi le genre et l’âge ; sont ainsi distingués les vêtements d’homme (uestimenta uirilia), d’enfant (puerilia) ou de femme (muliebra), mais aussi ceux qui sont communs aux hommes et aux femmes (communia). Le principe général de répartition est à la fois moral et social : il s’agit d’établir quels vêtements peuvent être portés par ces trois catégories « sans encourir de blâme » (sine uituperatione, sine reprehensione). Peu de vêtements sont communs aux deux sexes : il s’agit de la paenula, sorte de manteau à capuchon, utilisé pour le voyage et dans lequel on peut s’envelopper, du pallium, qui peut être à la fois une couverture et un manteau54, et « des autres vêtements de cette sorte ». En revanche, la toge, par exemple, est réservée aux hommes et les toges prétextes aux enfants.

  • 55 Voir Baroin & Valette-Cagnac 2007 : 546-547 sur Verrès.
  • 56 Voir Sénèque, Lettres à Lucilius, 114, 6 sur Mécène (commenté dans Baroin & Valette-Cagnac 2007 : 5 (...)

28On voit bien que les vêtements « communs » aux deux sexes ne sont pas des insignes de statut ou d’âge, mais des vêtements qui couvrent, qui enveloppent et qui peuvent masquer l’identité sexuée. D’autre part, l’usage de ces vêtements, du pallium en particulier, est régulé, au moins pour les hommes, par toute une série de normes, qui découlent d’un principe commun : un citoyen ne peut, sans encourir de blâme, porter le pallium dans les lieux et les moments où il doit porter une toge ou bien tout autre habit (par exemple un manteau de général, paludamentum) qui manifeste officiellement son statut55. En effet, le pallium fait « basculer » celui qui le porte dans le monde des loisirs à la grecque : le banquet, le gymnase, etc. Cependant, s’il peut aller de pair avec une conduite de mollesse, voire de débauche, et bien qu’il soit défini par le Digeste comme un vêtement féminin ou masculin, le pallium ne manifeste pas chez celui (ou celle) qui le porte une ambiguïté sexuelle, mais d’abord une déviation par rapport au vêtement qui devrait être porté à sa place56.

Formes, couleurs, tissus

29En parallèle du système de classement tel que celui qui apparaît dans le Digeste, un vêtement peut être connoté comme féminin, masculin ou efféminé à cause de sa forme ou de sa couleur.

  • 57 Voir par exemple, Ovide, Art d’aimer, III, 169-192. Ce texte est analysé par Bradley 2009 : 181-187
  • 58 Voir Bradley 2009 : 164-165, 178-179 et Dubourdieu 2011 : 52-54, qui prennent l’exemple de la loi O (...)
  • 59 Sous Tibère, un sénatus-consulte interdit aux hommes de porter des vêtements de soie, qui les désho (...)
  • 60 Voir par exemple Tibulle, Élégies, II, 3, 56-63 ; Properce, Élégies, IV, 2, 23.
  • 61 Voir Dupont & Éloi 2001 : 122-123. On peut ajouter Sénèque, Lettres à Lucilius, 114, 21.

30Ainsi, alors que la toga pura, littéralement « non teinte », caractérise les citoyens, les vêtements de couleur (pourpres, safran, verts, bleus, violets, noirs) sont l’apanage des femmes57. Encore ces couleurs doivent-elles faire l’objet d’un usage modéré : la teinture des vêtements, qui en augmente le prix, relève du luxe de la parure féminine, susceptible d’être réglementé par une loi somptuaire et souvent critiqué dans les discours des moralistes58. Il en va de même pour les étoffes fines : elles sont réservées aux femmes59, et constituent un produit de luxe, souvent exotique (tissus de Cos, tissus de soie), associé à la légèreté des mœurs60. Dans ces conditions, attribuer à un homme des vêtements de couleur ou des vêtements transparents, c’est signaler qu’il est un débauché61.

  • 62 Voir Dupont & Éloi 2001 : 120-121.
  • 63 Voir Baratte 2004 : 127-129 et Morizot & Huet 2005.
  • 64 Voir par exemple Histoire Auguste, Vie des Deux Galliens, 16, 4.

31Un autre élément de la tenue masculine est considéré comme une déviation par rapport à la norme : les tuniques à manches longues, plus particulièrement sous la République et au début de l’Empire62. On peut considérer que la situation est un peu différente sous le Bas-Empire, où la tunique cousue à manches est couramment portée par les hommes63 ; cependant, même à cette époque, les manches, a fortiori les manches très ou trop longues, risquent de « déviriliser » celui dont elles couvrent les bras et le haut des mains et, en tout cas, elles constituent toujours un élément à charge dans les portraits d’hommes publics faits par les historiens ou les moralistes64. Ce ne sont donc pas seulement les vêtements de dessus, comme on aurait pu le croire, mais encore les vêtements de dessous, la tunique en particulier, qui sont révélateurs du statut et aussi des mœurs.

  • 65 Aulu-Gelle, Nuits Attiques, VI, 12, 1-5 (trad. R. Marache, Les Belles Lettres, CUF, 1978). Ce texte (...)

32Une notice d’Aulu-Gelle65 expose très clairement comment est perçue, à Rome, la tunique à manches et de quel mode de vie elle est le signe :

Qu’un homme use de tuniques longues descendant au-delà des bras sur la naissance des mains presque jusqu’aux doigts, était déshonorant (indecorum) à Rome et dans tout le Latium. Ces tuniques, nos compatriotes les appelèrent d’un mot grec, chirodytae, et ils jugèrent qu’un vêtement long et ample (uestem longe lateque diffusam) ne convenait (decere) qu’aux femmes (feminis solis) pour protéger des regards leurs bras et leurs jambes. Quant aux hommes, primitivement du moins, à Rome, ils étaient vêtus seulement d’une toge sans tunique ; ensuite, ils portaient des tuniques étroites et courtes, s’arrêtant avant l’épaule, du genre de ce que les Grecs appellent exômidas [qui laissent les épaules nues]. Vêtu suivant ces principes anciens, Publius Scipion l’Africain, fils de Paulus, homme doté de toutes les qualités et de toutes sortes de vertus, parmi les nombreux reproches qu’il faisait à Publius Sulpicius Galus, un voluptueux (delicatus), lui fit un grand grief aussi d’user de tuniques couvrant complètement les mains. Voici les paroles de Scipion : ‘Quand un homme se parfume tous les jours et fait sa toilette devant un miroir, quand on lui rase les sourcils, quand il se promène la barbe épilée et les cuisses épilées par-dessous, quand, dans les banquets, comme un petit jeune homme avec son amant, il se place plus bas que lui en tunique chirodyta, quand il est porté non seulement sur le vin mais aussi sur les hommes, peut-on douter qu’il n’ait fait ce que font les mignons (cinaedi)’ ?

  • 66 Sur l’altérité grecque exclue, voir Dupont & Valette-Cagnac 2005 : 259.

33Si les tuniques n’ont sans doute pas eu la même forme d’un bout à l’autre de l’histoire de Rome, on voit bien que cette notice construit une histoire de la tunique en la faisant, en quelque sorte, apparaître sur le corps, puis en lui faisant « pousser » des manches. On vérifie, en outre, que la norme vestimentaire est d’abord affaire de norme sociale et de morale. On constate aussi, sans grande surprise, que ce qui est repoussé comme inconvenant pour un Romain est appelé d’un nom grec66.

  • 67 Une tunique trop longue, qui va jusqu’aux chevilles (tunica talaris), est aussi un objet de critiqu (...)

34Plus la tunique couvre les mains, plus elle est vicieuse. Non seulement, elle féminise celui qui la porte, mais encore elle implique une certaine gestuelle, incompatible, en particulier, avec la bonne gestuelle oratoire, telle que la définissent Cicéron, puis Quintilien. Si la toge a pour fonction de protéger le corps du citoyen, d’abord sur le plan symbolique, le vêtement ne doit pas couvrir les mains67.

  • 68 Voir Dupont & Éloi 2001 : 209 sur le delicatus ; 14-15, 165-166 et 220-223 sur les cinaedi.

35Enfin, comme l’indique clairement la fin de la notice, porter des tuniques de ce genre fait partie d’une série de signes visibles qui correspondent au comportement d’un efféminé (delicatus), voire d’un débauché de la pire espèce, objet sexuel masculin (cinaedus), qui passe son temps dans les banquets, avec des femmes (courtisanes, danseuses) et d’autres hommes à son image ; cette débauche est faite tout à la fois d’ivrognerie, d’excès de soin du corps et de relations érotiques avec d’autres hommes libres68.

Le travestissement

  • 69 Sur différents types de travestissement, voir Dupont & Éloi 2001 : 125-128 ; Cordier 2005 : 310-312 (...)
  • 70 Sur toute l’affaire, qui a lieu en 62 av. J.-C., et les différents textes anciens, voir Moreau 1982 (...)
  • 71 Cicéron, De haruspicum responsis, 44.
  • 72 In P. Clodium et Curionem, fragments 21 et 23.
  • 73 Sur le soutien-gorge en Grèce et à Rome, voir Stafford 2005. Le soutien-gorge n’est sans doute pas (...)
  • 74 Voir Aristophane, Thesmophories, 214-268, cité par F. Gherchanoc dans ce volume. On retrouve dans c (...)

36Il faut distinguer ces variations sur l’habitus masculin des cas où un homme revêt des habits féminins dans le but de se travestir69. Nous n’en donnerons ici qu’un exemple, sans doute le plus célèbre de l’histoire de la République romaine, celui du tribun Clodius, qui se déguisa en femme afin de pouvoir assister à la célébration du culte secret de Bona Dea, réservé aux femmes, dans la maison de César, et d’approcher ainsi l’épouse de celui-ci, Pompéia70. Clodius avait revêtu des habits de femme (muliebris uestis ou ornatus), plus précisément de musicienne. On trouve le détail de son habillement et de ses accessoires dans l’un des nombreux textes de Cicéron qui reviennent sur cet épisode : Clodius avait « une robe safran, un turban, des sandales de femme, des bandelettes de pourpre, un soutien-gorge, une cithare (crocota, mitra, muliebres soleae purpureaeque fasceolae, strophium, psalterium) ». Cicéron fait suivre cette liste des termes moraux « flagitium » (la honte) et « stuprum » (la débauche sexuelle qui porte atteinte à des individus libres : garçons, jeunes filles, hommes, ou femmes mariées)71. Dans d’autres textes, Cicéron ajoute à cette liste une « tunique à manches » (tunica manicata) et une calautica, sorte de coiffe pour les femmes72. Cicéron accumule les vêtements caractéristiques du sexe féminin (le soutien-gorge73, les chaussures spécifiques, la tunique à manches) et y ajoute des éléments qui paraissent plus propres à une musicienne, dont l’habillement est perçu comme grec ou/et oriental (la crocote, le turban, les bandelettes de pourpre pour envelopper les jambes). En outre, il n’est pas impossible qu’à la volonté de Cicéron de multiplier les signes du féminin pour mieux accabler Clodius, s’ajoute la référence au répertoire des vêtements et accessoires féminins nécessaires au travestissement d’un homme en femme comme on en trouve dans le théâtre d’Aristophane74.

  • 75 In. P. Clodium et Curionem, fr. 21 et 23 (« ... numquam te Appi Claudi nepotem esse recordatus es » (...)
  • 76 Cf. Cicéron, In P. Clodium et Curionem, fr. 22 et Plutarque, Cicéron, 28, 3 et César, 10, 3.

37Clodius a bien sûr commis un sacrilège, mais son travestissement est en soi un scandale (flagitium), une altération de sa qualité de citoyen, car, d’après l’invective de Cicéron, Clodius a adopté, en même temps que les vêtements, « la démarche d’une joueuse de cithare » (incessus psaltriae), il a rendu féminine l’expression de son visage (effeminare uultum), adouci sa voix (attenuare uocem), allégé son corps (leuare corpus), en oubliant son identité familiale75. Cependant, ce qui a révélé Clodius comme homme, c’est sa voix76. La voix apparaît comme ce qu’on ne peut travestir totalement, le révélateur de l’identité sexuée et, au-delà, de l’identité morale et politique, car elle est indispensable au citoyen orateur.

  • 77 Voir les cas cités par Cordier 2005 : 152-153 et notes 14 et 15.
  • 78 Sénèque le Père, Controverses, excerpta, V, 6. Sur ce passage, voir Dupont & Éloi 2001 : 131-133.
  • 79 Voir Dupont & Éloi 2001 : 143. Au moment de l’aventure, Clodius est à l’âge des premières magistrat (...)

38Une telle transformation vestimentaire compromet le statut de celui ou celle qui s’est exposé publiquement au regard des autres, car elle lui confère une autre identité. Si des hommes, notamment dans les périodes de guerre civile, peuvent échapper à leurs poursuivants en s’habillant comme des esclaves77, plusieurs anecdotes, présentées comme des faits réels ou comme des fictions, mettent en scène un changement de vêtement aux conséquences irréversibles. Il en va ainsi dans une controverse exposée par Sénèque le Père : à la suite d’un pari, un beau jeune homme (speciosus adulescens) se montre en public habillé en femme (muliebri ueste) et se fait enlever ; il accuse ceux qui l’ont enlevé, mais un magistrat lui interdit de prononcer un discours en public (contio), parce qu’il est impudicus (déshonoré)78. Notons que ces cas concernent presque toujours des jeunes garçons qui sont « entre deux âges », à la fin de la pueritia ou dans l’adulescentia : il y a là un temps de passage, plein d’ambiguïté, dont certains, comme Clodius, profitent, mais qui apparaît comme risqué79.

39Le travestissement n’est donc pas un simple changement de vêtement, il est un jeu dangereux avec l’identité sociale, qui n’existe qu’à travers le regard des autres.

40C’est parce que le code vestimentaire existe à Rome, indiquant le statut (homme libre, esclave, matrone, courtisane), le sexe et l’âge, qu’il subit des brouillages et des transgressions. Le vêtement n’est pas seulement une protection du corps au sens où il manifeste le statut et le rang de celui ou de celle qui le porte, il construit le corps, parce qu’il est indissociable d’une mise (cultus, habitus), de gestes (gestus), d’une démarche (incessus), et qu’il correspond à un comportement social et moral. Aussi ne change-t-on pas de vêtement impunément, à moins que ce changement lui-même ne corresponde à un rituel social et/ou religieux (comme dans le cas du deuil).

  • 80 Voir Edwards 1993 : 67.

41Les variations ou transgressions volontaires par rapport aux normes sociales et culturelles qui régissent les vêtements, leur type, leur couleur et la façon de les porter, sont presque toujours relevées pour être critiquées : elles sont notées et décrites par un observateur qui n’est jamais neutre et dont le texte a un but polémique (un discours judiciaire ou politique), normatif (un traité oratoire, par exemple), satirique ou moralisateur. Elles ne sont pas exprimées sur un mode autobiographique80, à titre de confidence, de prétention à l’originalité ou de revendication, que celle-ci soit personnelle ou émise au nom d’une collectivité.

  • 81 Pour l’époque tardive, voir Delmaire 2004 : 130, à propos de partis factieux, à Constantinople, don (...)

42Les écarts vestimentaires et gestuels par rapport à la norme ne servent pas non plus à révéler une intériorité ou à exprimer une individualité qui seraient brimées par l’uniformité du costume. En effet, d’après les discours dont nous avons donné ici plusieurs exemples, le vêtement sert moins à construire une identité singulière, dotée d’un style vestimentaire qui lui serait propre, qu’une apparence qui signifie l’appartenance à un groupe (le groupe des citoyens, l’ensemble des femmes mariées, la classe d’âge des pueri, etc.). Dans ces conditions, les variations par rapport aux normes qui régissent le code vestimentaire de ce groupe, comme celle qu’introduisit Jules César à l’âge de ses premières magistratures, permettent avant tout d’afficher, grâce à un jeu avec les codes du genre, que l’on se distingue des autres en terme de conduite morale et de comportement politique au sein du groupe auquel on appartient81.

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Notes

1 Heuzey 1922 : XII, préface (E. Pottier).

2 Dans le De Lingua Latina (V, 131-132), Varron établit une distinction entre les vêtements qu’on enfile (indutus) et ceux dont on se drape (amictus), qui sont « jetés autour de la personne » (ambiectum, circumiectum). Cependant, P. Cordier (2005 : 152 et note 12) remarque que la « distinction entre vêtements enfilés (uestes induendae) et vêtements drapés (uestes amiciendae) ne coïncide pas exactement avec celle qui sépare vêtements du dessous et habits du dessus ».

3 Heuzey 1922 : 26-27.

4 Sur l’obsession de reconstituer les vêtements antiques qu’ont certains historiens, sur la difficulté qu’il y a à utiliser les images sur ce sujet, sur le fait qu’il soit impossible de rendre compte de la diversité des usages vestimentaires dans la vie quotidienne des Romains et, enfin, sur la nécessité de prendre en compte les valeurs symboliques et l’imaginaire des vêtements, voir Vout 1996 et Gherchanoc & Huet 2007.

5 Sans sa toge, un citoyen ne peut prendre la parole en public, il est nu (nudus) ; voir Cordier 2005 : 96-98. En outre, comme le rappelle P. Cordier (2005 : 88-89 et note 27), l’usage de la toge au tribunal est réservé au citoyen romain (Cf. Code Théodosien, xiv, 10, 1).

6 Voir par exemple Heuzey 1922 : 277.

7 Sur le port de la toge dans l’Histoire Auguste, voir Molinier-Arbo 2003 : 70 et note 34 (« Les bons empereurs de l’Histoire Auguste portent systématiquement la toge et exigent de leurs concitoyens qu’ils fassent de même ») et 77-78. Dans l’Antiquité tardive (fin du IVe s.-début du Ve s.), des empereurs romains interdisent à Rome le port d’habits germains et perses : voir Delmaire 2004 : 201-202.

8 Virgile, Énéide, I, 282 ; Suétone, Auguste, 40, 8 ; Martial, XIV, 124, 1.

9 Voir Cicéron, Pro Fonteio, 33 : les Gaulois sont qualifiés de sagati bracatique ; Valère Maxime, Faits et dits mémorables, II, 6, 10 : aux Gaulois bracati s’oppose le palliatus Pythagore ; Suétone, César, 48, 1 : distinction entre palliati et togati. Sur les emplois de togatus et togata, voir Dondin-Payre 2005.

10 Sur le pallium, voir Baroin & Valette-Cagnac 2007.

11 Voir Baroin & Valette-Cagnac 2007 : 534-537.

12 Cf. Pline le Jeune, Lettres, IV, 11, 3.

13 Cet hémistiche est issu du poème de Cicéron, De consulatu suo, dont il ne reste que des fragments ; il le cite en De officiis, I, 22, 77 et In Pisonem, 72.

14 Les textes juridiques distinguent vêtements pour hommes et femmes libres et vêtements serviles (voir Digeste, Ulpien, 34, 2, 23, 2-4 cité infra et Ulpien, 47, 10, 15, 15).

15 Voir Ernout & Meillet 1967 [19321] s.v. tego et Cordier 2005 : 90-92.

16 Voir Cordier 2005 : 148-154 (les esclaves étaient vendus nus).

17 L’appellation toga libera est mise en relation avec le jour anciennement fixé pour la prise de la toge virile, le 17 mars, fête du dieu Liber : voir Ovide, Fastes, III, 771-778 et le commentaire de Néraudau 1979 : 149-152.

18 On considère généralement que, sous la République, cette toge fait partie des signes visibles du pouvoir appartenant aux magistrats curules (voir Cicéron, Verrines, act. sec., V, 14, 36). J. Sebesta (2005 : 116-117 et notes 15 et 16) dresse une liste élargie des différentes personnes autorisées à porter la toge prétexte, dans un certain contexte (en particulier une cérémonie religieuse).

19 Voir Néraudau 1984 : 121 et 148 ; Sebesta 2005 : 113 et 118.

20 Voir Néraudau 1979 : 147 et Cordier 2005 : 93-95.

21 Sur le fait que puella désigne la fille de 7 ans jusqu’à son mariage, voir Néraudau 1979 : 101, qui note bien que le vocabulaire des âges de la vie est surtout masculin, et Huet 2001 : 64.

22 Les termes matrona et materfamilias désignent l’épouse légitime d’un citoyen, même si elle n’a pas d’enfants. Voir Thomas 2002 : 173-176.

23 Voir Néraudau 1984 : 52 ; Sebesta 1994 : 46-48 et 2005 : 113 et 116. Je l’ai moi-même écrit (Baroin 2011 : 103). On a trop tendance à prendre pour vérité historique la notice de Varron (voir infra note 35) sur la toge comme vêtement unisexe (comme le fait par exemple Sebesta 1994 : 47) et à en tirer argument pour attribuer aux puellae le port de la prétexte.

24 Wilson 1938 : 133-137. Sur la prétexte quittée par la jeune fille au moment du mariage, voir Properce, Élégies, IV, 11, 33.

25 Voir les remarques de Davies 2005 : 128 et notes 25-26.

26 Wilson 1938 : 136 ; Goette 1990 : 80 et 158, planche 70, 3 N2b ; Sebesta 1994 : 47 ; Huet 2001 : 70. On ne peut voir sur la pierre, qui n’est pas ou plus colorée, si les garçons ou les filles portent une prétexte.

27 Stone 1994 : 20.

28 Huet 2001 : 71.

29 Huet 2001 : 78 « [...] le corps de la jeune fille comme celui de la petite fille est absent des images historiques. L’important est de montrer clairement des enfants des deux sexes, à savoir des adultes en miniature ».

30 Voir les remarques de Sebesta 2005 : 116 sur les enfants revêtus de la prétexte (praetextati) qui sont des non-gendered beings.

31 Sur la tenue de la mariée, voir Wilson 1938 : 138-144 ; Boëls-Janssen 1993 : 99 sq. ; Sebesta 1994 : 48.

32 Voir Pline l’Ancien, VIII, 194 et Festus, 364 L.

33 Sur la formation des tirones, le tirocinium, voir Néraudau 1979 : 111-114 et Cordier 2005 : 106-107.

34 Boëls-Janssen 1993 : 100, qui renvoie à Festus, 342 L : « Rectae appellantur uestimenta uirilia […] ».

35 Varron, De uita populi Romani, I apud Nonius Marcellus, De compendiosa doctrina, p. 867-868, édition Lindsay, vol. III (Leipzig, Teubner, 1903, réimpr. 2003). Voir mon analyse dans Baroin 2011.

36 Voir Baroin & Valette-Cagnac 2007 et infra dans cet article.

37 Cf. Tibulle, Élégies, III, 16, 3-4.

38 Voir Juvénal, Satires, II, 68-70 ; Martial, II, 39 et X, 52 et deux scholiastes des Satires d’Horace (Satires, I, 2, 62-63). G. Davies (2005 : 128) émet des doutes, justifiés, sur la réalité du port de la prétexte par les jeunes filles, de la toge par les prostituées et les femmes adultères, et sur les caractéristiques de leurs toges respectives.

39 Ce n’est pas une question de loi, mais de blâme social. Sur ce sujet, voir Davies 2005 et Dupont & Éloi 2001 : 115.

40 Cf. Cicéron, Pro Caelio, 11 ; Sénèque le Père, Controverses, excerpta, V, 6 et Quintilien, Institution oratoire, XI, 3, 138.

41 J.-P. Néraudau (1979 : 113) note que c’est là une obligation morale de décence et en même temps un signe que le jeune homme conserve encore l’attitude pudique (pudicitia) de l’enfance. Cela concerne les jeunes gens issus de l’élite (ibid., p. 114). Voir aussi l’analyse détaillée de Cordier 2005 : 106-108.

42 Quintilien, Institution oratoire, XI, 3 (chapitre consacré à l’actio oratoire), 124, 131, 137 à 149.

43 Quintilien, XI, 3, 137.

44 La tunique laticlave est bordée de deux larges bandes de pourpre. Il existe aussi une tunique angusticlave (bordée d’une étroite bande de pourpre), portée par les chevaliers.

45 Quintilien, XI, 3, 138 : « Celui qui n’a pas droit à la laticlave doit ceindre sa tunique de façon que le bord descende, par devant, un peu au-dessous du genou, par derrière, au milieu du mollet ; car, plus bas, cela convient aux femmes, plus haut, aux centurions. » (trad. J. Cousin, Les Belles Lettres, CUF, 1979).

46 Voir Quintilien, XI, 3, 145 et 147.

47 Quintilien, XI, 3, 149 : « [...] si la toge glisse, quand nous commençons ou que nous avons un peu progressé, ne pas la remettre en ordre est d’un homme négligent ou paresseux ou qui ne sait pas comment se draper » (neglegentis aut pigri aut quomodo debeat amiciri nescientis) (trad. : idem).

48 Quintilien, XI, 3, 146 : «... relever et rejeter le pan du bas [de la toge] sur l’épaule droite a quelque chose de relâché et d’efféminé » (solutum ac delicatum).

49 Quintilien en fait la théorie (Institution oratoire, V, 13, 39) : pour répondre aux avocats (patroni), on peut notamment mettre en cause (incusari) l’expression de leur visage (uultus), leur démarche (incessus) et leur tenue (habitus) ; Cicéron, par exemple, a attaqué « la toge prétexte qui tombait sur les talons (praetextam demissam ad talos) » de Quinctius (cf. Cicéron, Pro Cluentio, 111). Sur l’ensemble de ces procédés chez Cicéron, voir Dyck 2001.

50 Voir Suétone, César, 45, 5 et Macrobe, Saturnales, II, 3, 9.

51 Dupont & Éloi 2001 : 15 et 267 sq. Voir aussi Edwards 1993 : chapitre 2.

52 Corbeill 1996 : 194-195.

53 Voir Corbeill 2004, chapitre 4 : « Walking and ideology ».

54 Sur le pallium, qui se définit essentiellement par son opposition à la toge, voir Baroin & Valette-Cagnac 2007.

55 Voir Baroin & Valette-Cagnac 2007 : 546-547 sur Verrès.

56 Voir Sénèque, Lettres à Lucilius, 114, 6 sur Mécène (commenté dans Baroin & Valette-Cagnac 2007 : 547-548).

57 Voir par exemple, Ovide, Art d’aimer, III, 169-192. Ce texte est analysé par Bradley 2009 : 181-187.

58 Voir Bradley 2009 : 164-165, 178-179 et Dubourdieu 2011 : 52-54, qui prennent l’exemple de la loi Oppia. Cette loi, votée en 215 et abrogée en 195 av. J.-C., interdisait notamment aux femmes, d’après Tite-Live (xxxiv, 1, 3) de porter des « vêtements aux couleurs chatoyantes » (uestimentum uersicolor).

59 Sous Tibère, un sénatus-consulte interdit aux hommes de porter des vêtements de soie, qui les déshonorent (foedare) : cf. Tacite, Annales, II, 33.

60 Voir par exemple Tibulle, Élégies, II, 3, 56-63 ; Properce, Élégies, IV, 2, 23.

61 Voir Dupont & Éloi 2001 : 122-123. On peut ajouter Sénèque, Lettres à Lucilius, 114, 21.

62 Voir Dupont & Éloi 2001 : 120-121.

63 Voir Baratte 2004 : 127-129 et Morizot & Huet 2005.

64 Voir par exemple Histoire Auguste, Vie des Deux Galliens, 16, 4.

65 Aulu-Gelle, Nuits Attiques, VI, 12, 1-5 (trad. R. Marache, Les Belles Lettres, CUF, 1978). Ce texte est commenté par Dupont & Éloi 2001 : 120 et 241 et Dubourdieu 2011 : 48-49.

66 Sur l’altérité grecque exclue, voir Dupont & Valette-Cagnac 2005 : 259.

67 Une tunique trop longue, qui va jusqu’aux chevilles (tunica talaris), est aussi un objet de critique quand elle est portée par un homme ; c’est le cas de Verrès (Cicéron, Verrines, act. sec., V, 86).

68 Voir Dupont & Éloi 2001 : 209 sur le delicatus ; 14-15, 165-166 et 220-223 sur les cinaedi.

69 Sur différents types de travestissement, voir Dupont & Éloi 2001 : 125-128 ; Cordier 2005 : 310-312 ; Huet 2008 : 156-157.

70 Sur toute l’affaire, qui a lieu en 62 av. J.-C., et les différents textes anciens, voir Moreau 1982 : 12 sq.

71 Cicéron, De haruspicum responsis, 44.

72 In P. Clodium et Curionem, fragments 21 et 23.

73 Sur le soutien-gorge en Grèce et à Rome, voir Stafford 2005. Le soutien-gorge n’est sans doute pas visible (voir Stafford 2005 : 102), mais il fait tellement partie du vestiaire féminin qu’il paraît systématiquement mentionné dans les travestissements d’hommes en femmes.

74 Voir Aristophane, Thesmophories, 214-268, cité par F. Gherchanoc dans ce volume. On retrouve dans ce passage la crocote et le strophium. E. Stafford (2005 : 104) fait le rapprochement entre Cicéron et Aristophane.

75 In. P. Clodium et Curionem, fr. 21 et 23 (« ... numquam te Appi Claudi nepotem esse recordatus es »).

76 Cf. Cicéron, In P. Clodium et Curionem, fr. 22 et Plutarque, Cicéron, 28, 3 et César, 10, 3.

77 Voir les cas cités par Cordier 2005 : 152-153 et notes 14 et 15.

78 Sénèque le Père, Controverses, excerpta, V, 6. Sur ce passage, voir Dupont & Éloi 2001 : 131-133.

79 Voir Dupont & Éloi 2001 : 143. Au moment de l’aventure, Clodius est à l’âge des premières magistratures (il a été élu questeur : voir Moreau 1982 : 15). Plutarque (Cicéron, 28, 2 et César, 10, 1) insiste sur sa jeunesse en disant qu’il « n’est pas encore barbu » (oupô geneiôn).

80 Voir Edwards 1993 : 67.

81 Pour l’époque tardive, voir Delmaire 2004 : 130, à propos de partis factieux, à Constantinople, dont les partisans s’habillent et se coiffent à la mode des Huns, ennemis de l’Empire.

Je remercie vivement Florence Gherchanoc, Valérie Huet et Emmanuelle Valette pour leur lecture attentive et leurs suggestions.

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References

Bibliographical reference

Catherine Baroin, Genre et codes vestimentaires à RomeClio, 36 | 2012, 43-66.

Electronic reference

Catherine Baroin, Genre et codes vestimentaires à RomeClio [Online], 36 | 2012, Online since 31 December 2014, connection on 09 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10734; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10734

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About the author

Catherine Baroin

Maître de conférences en latin à l’Université de Rouen. Elle est membre de l’ERIAC (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Aires Culturelles) et membre associé d’AnHIMA (Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques, UMR 8210). Ses travaux, menés dans une perspective anthropologique, portent sur la mémoire dans l’Antiquité romaine (Se souvenir à Rome. Formes, représentations et pratiques de la mémoire, Belin, 2010), sur le rapport de Rome à la Grèce (elle a participé à l’ouvrage dirigé par F. Dupont et E. Valette-Cagnac, Façons de parler grec à Rome, Belin, 2005), et sur le corps, sur lequel elle a publié plusieurs articles.

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