Francesca Alberico, Giuliana Franchini, M. Eleonora Landini & Ennio Passalia (dir.), Identità e rappresentazioni di genere in Italia tra Otto e Novencento
Francesca Alberico, Giuliana Franchini, M. Eleonora Landini & Ennio Passalia (dir.), Identità e rappresentazioni di genere in Italia tra Otto e Novencento, Gênes, Università degli studi di Genova, 2011, 212 pages
Notes de la rédaction
Traduit de l’italien par Christiane Klapisch-Zuber
Texte intégral
1Ce volume qui rassemble les actes d’un colloque tenu à Gênes en 2008 se présente comme un véritable kaléidoscope, une série articulée de fragments se proposant d’analyser, selon différentes perspectives, les identités et les représentations de genre dans l’Italie des xixe et xxe siècles. Une telle problématique n’échappe pas à une tendance centrifuge en raison de l’extrême variété des thèmes abordés mais a le mérite d’exprimer la vitalité et l’originalité des études de genre en Italie.
2Familles, migrations, identités masculines et féminines, homosexualité, expériences de guerre, cultures politiques sont placées sous la lentille du genre. Les sources sont hétérogènes et confirment la variété des approches dans le cadre de l’histoire du genre. Dans certains cas, les thèmes et les interprétations se situent dans une tradition désormais bien établie. Ainsi en va-t-il des séparations conjugales au début du xxe siècle abordées par Ennio Passalia, ou des identités de genre dans la production de mémoires sous la République sociale italienne étudiées par Francesca Alberico, ou encore des modèles féminins dans la presse néofasciste de l’après-guerre, objets de l’étude de M. Eleonora Landini, ou enfin de la prison et de l’imaginaire de genre dans les écrits d’Italiens internés en Allemagne après le 8 septembre 1943, thèmes abordés par Giuliana Franchini. À travers journaux intimes, mémoires et correspondances, G. Franchini analyse ce passage délicat de la condition de combattant à celle de prisonnier, marqué du reste par des violences et humiliations inouïes. C’est vers les années cinquante que se tournent Laura Rossi et Elisabetta Girotto qui enquêtent respectivement sur la passion politique et l’émancipation des militantes communistes, pour la première, et sur l’identité de genre et les rôles familiaux quant à la seconde. Maria Casalini, pour la même décennie, se réclame d’une « approche d’histoire politique centrée sur la catégorie du genre » dans un essai consacré aux familles communistes italiennes. Cet examen attentif d’une décennie aussi cruciale que négligée par l’historiographie italienne constitue certainement l’un des grands atouts du volume.
3Les croisements sont parfois particulièrement féconds du point de vue épistémologique. Tel est le cas de la contribution d’Enrica Asquer qui repose sur des interviews dans les familles de classes moyennes résidant dans les années 1960 et 1970 à Milan, métropole productive et moderne, et à Cagliari, « chef-lieu administratif d’une périphérie méridionale dans la gêne ». À côté de sources plus traditionnelles, telles que lettres, journaux, écrits autobiographiques, témoignages oraux et matériel audiovisuel, des documentations plus inhabituelles sont passées au crible. Maya De Leo, fidèle à une approche d’histoire culturelle, étudie la littérature pornographique plus ou moins clandestine qui contribua autant que la littérature médicale à construire à la fin du xixe siècle des « types » et des « stéréotypes » dotés d’un « pouvoir de définition structurant » sur tout l’éventail des liens masculins et féminins.
4La réévaluation de sources aussi complexes, riches et problématiques que les fiches cliniques est au cœur du dense essai méthodologique de Vinzia Fiorino, l’une des contributions les plus stimulantes du volume. La « fiche » est une source « rarement étudiée par l’historiographie italienne » (p. 51) ; loin d’être la simple amplification du savoir psychiatrique, elle représente, selon l’auteure, « un mélange d’éléments-miroir ». Pour V. Fiorino, la « maladie mentale » est plutôt « un système complexe de signes et de traces culturelles à l’apparition et à la manifestation desquels concourent différents éléments culturels : les codes psychiatriques en font assurément partie, ainsi que les codes formels du droit, mais aussi des codes plus étroitement liés aux structures culturelles les plus durables et les mieux enracinées » (p. 56). V. Fiorino met l’accent sur l’importante question de l’historicité de la maladie mentale qui déborde l’histoire des savoirs médicaux et concerne « les savoirs populaires, les expressions culturelles de la douleur, les usages du corps, les formes de l’imaginaire, les expériences des individus et leurs vécus » (p. 57-58). C’est pourquoi, à en croire l’auteure, l’attention portée au genre en tant que construction culturelle produite par la réitération d’actions effectuées dans le temps et de gestes accomplis par des corps qui créent ainsi des identités sexuées, nous invite à penser le savoir psychiatrique comme un lieu important de la codification et de la diffusion des modèles sexués traditionnels, tout en suggérant des articulations plus complexes que la recherche devrait enfin prendre en compte. Les fiches cliniques sont également au centre de l’article de Francesca Arena qui, de façon sans doute plus traditionnelle, traite des Italiennes immigrées en France et internées dans l’asile d’aliénés de Marseille au début du xxe siècle. Deux thèmes d’importance s’y croisent : le complexe rapport entre folie et migration et l’histoire de la « folie puerpérale », dont les quatre femmes dont il est ici question sembleraient affectées.
5C’est à nouveau la source – 224 compositions à forte tonalité autobiographique rédigées par des étudiants âgés de 13 à 35 ans pour l’obtention du brevet – qui constitue l’originalité spécifique de la contribution que Paola Barcella consacre à la représentation du conflit dans les écrits d’Italiens, hommes et femmes, émigrés en Suisse dans les années 1970. Pour finir, Anna Scattigno qui assume la difficile tâche de revenir sur le rapport complexe et fécond entre genre et recherche historique, conclut le volume en soulignant les hybridations, les ruptures épistémologiques, l’altérité, la multiplicité, les déplacements de perspective qui ont permis de sortir des oppositions binaires (centre/périphérie, colonisés/colonisateurs, nature/culture, public/privé) et de faire émerger une gendered world history.
Pour citer cet article
Référence électronique
Alessandra Gissi, « Francesca Alberico, Giuliana Franchini, M. Eleonora Landini & Ennio Passalia (dir.), Identità e rappresentazioni di genere in Italia tra Otto e Novencento », Clio [En ligne], 35 | 2012, mis en ligne le 05 juin 2012, consulté le 14 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10658 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10658
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