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Clio a lu

Hélène Langevin-Joliot & Monique Bordry (dir.), Marie Curie et ses filles. Lettres

Paris, Pygmalion, 2011, 417 pages
Anne-Claire Rebreyend
p. 280-282
Référence(s) :

Hélène Langevin-Joliot & Monique Bordry (dir.), Marie Curie et ses filles. Lettres, Paris, Pygmalion, 2011, 417 pages

Texte intégral

1Marie Curie, double Prix Nobel de physique et de chimie, est sans aucun doute la femme scientifique la plus connue au monde. Sa fille aînée, Irène Joliot-Curie a suivi brillamment sa trace, obtenant elle aussi un Prix Nobel de chimie. Elle a par ailleurs donné son nom à un prix qui récompense aujourd’hui le parcours remarquable de femmes scientifiques. Mais derrière la carrière exceptionnelle de ces deux femmes, derrière les découvertes scientifiques d’intérêt mondial, il y a une mère et une fille qui s’aiment tendrement et se l’écrivent. Leurs lettres, près de 1000 en tout, ont été données par la fille cadette de Marie Curie, Ève Labouisse-Curie (elle-même auteure de nombreuses missives), à la Bibliothèque Nationale de France. Ce livre est constitué de 200 lettres échangées entre 1905 et 1934 (date du décès de Marie Curie), éditées par Hélène Langevin-Joliot, fille d’Irène, et Monique Bordry, ancienne directrice du musée Curie.

2Car c’est bien d’une correspondance familiale qu’il s’agit, remplie de petits riens – de fugaces impressions sur le temps qu’il fait, des divertissantes notes de voyages, de chaleureuses recommandations maternelles, de protestations d’amour filial… Une immense tendresse en émane aussi bien du temps de l’enfance des filles que plus tard. Marie Curie, qui ne s’est jamais remise de la mort accidentelle de son époux Pierre en 1906, reporte toute son affection sur ses « douces chéries », sa « chère Irène » et sa « chère Èvette », ce que celles-ci lui rendent bien : elle demeure toute sa vie leur « Mé chérie ».

3Voyageant beaucoup pour des raisons professionnelles ou familiales, Marie Curie écrit à ses filles depuis Varsovie, Alger, Madrid, Berlin, Rome, New-York ou Genève. Elle est tout aussi sensible à la météo et aux paysages, qu’aux événements historiques : la Grande Guerre l’occupe avec sa flotte de voitures radiologiques, le krach boursier d’octobre 1929 l’inspire peu alors que la jeune République espagnole l’exalte en avril 1932 et que l’affaire Stavisky la peine en janvier 1934.

4Marie Curie apparaît comme une mère soucieuse de la santé de ses filles (de plus en plus fragile dans le cas d’Irène). Elle-même n’est guère vaillante, souvent malade, toujours très sensible au froid. Une lettre mémorable d’Ève relate un séjour à Madrid en avril 1932 : ne supportant plus « l’image de Mé buvant du thé froid avec une tête de martyre chrétienne », Ève met la maison « à feu et à sang pour allumer le chauffage ». Bonne nageuse, Marie Curie apprécie aussi les prouesses sportives de ses filles, même si elle craint toujours pour leur vie (« ne nage pas au large et ne te noie pas » ordonne-t-elle à Ève en juillet 1922). Elle se montre enfin très fière des progrès de ses petits-enfants.

5Marie Curie ne prodigue des conseils d’ordre moral que lorsque ses filles en réclament, expliquant à Ève que « le raisonnement en suffit pas et qu’il faut être en état de réceptivité (…) à la beauté du monde (février 1928) ou que « le bonheur n’est certainement pas dans le drame » (août 1932), et rappelant à Irène que « plus on vieillit, plus on sent que savoir jouir du présent est un don précieux » (décembre 1928). Elle est très proche affectivement de ses filles, mais aussi intellectuellement. Irène est pour elle une « amie » et une précieuse collaboratrice à l’Institut du Radium, et Ève l’aide à rédiger ses articles et conférences.

6C’est là que cette correspondance, avant tout familiale, sort de l’ordinaire en raison de la personnalité de Marie Curie. Elle forme Irène à la radiologie pendant la Première Guerre mondiale, évoque avec elle le comportement du polonium ou lui réclame un tiré à part de son article sur la distribution des rayons α pour… Albert Einstein. Elle fait allusion à partir de 1922 aux discussions de la Commission internationale de coopération intellectuelle à la SDN. Elle annonce à Ève dans une lettre datée du 15 janvier 1934, l’une des dernières, que le couple Joliot-Curie a opéré une importante découverte sur la radioactivité artificielle. Elle se plaint régulièrement des désagréments liés à sa célébrité, en particulier de l’enchaînement de conférences et de dîners mondains (y compris à la Maison Blanche).

7Cela dit, ce livre est davantage destiné aux amateurs de correspondances familiales qu’aux spécialistes d’histoire des sciences. Il offre un regard neuf et émouvant sur une figure tellement renommée qu’elle en devient désincarnée. Cette correspondance redonne ainsi vie à Marie Curie, en tant que femme et mère.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne-Claire Rebreyend, « Hélène Langevin-Joliot & Monique Bordry (dir.), Marie Curie et ses filles. Lettres »Clio, 35 | 2012, 280-282.

Référence électronique

Anne-Claire Rebreyend, « Hélène Langevin-Joliot & Monique Bordry (dir.), Marie Curie et ses filles. Lettres »Clio [En ligne], 35 | 2012, mis en ligne le 05 juin 2012, consulté le 20 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10639 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10639

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Auteur

Anne-Claire Rebreyend

Lycée français de Madrid

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