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HomeClio. Histoire‚ femmes et sociétés35VariaUne justice au féminin

Varia

Une justice au féminin

Femmes victimes et coupables dans les Pays-Bas bourguignons au xve siècle
Gendered Justice: Guilty Women and Victims in the Burgundian Low Countries
Marie-Amélie Bourguignon and Bernard Dauven
p. 215-238

Abstracts

The sources concerning 15th century judicial practice in the Burgundian Low Countries reveal the low number of women involved in the judicial system. They were however present and legally capable. Women were sentenced primarily for ordinary crimes and offences, and they were not from the social margins. The sources reveal, however, how stereotypes concerning women affected the judges’ rulings. As a result, during the 15th century no archetypal figure of a criminal woman emerges from these sources.

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Full text

  • 1 Lombroso 1991 [1895] : 1-5.

1Dans son ouvrage La femme criminelle et la prostitution, le criminologue Lombroso livrait en 1895 sa conception de la criminalité féminine1. La prostitution, ainsi que l’adultère dans les classes bourgeoises, serait l’équivalent féminin de la criminalité. La faible proportion des femmes parmi les criminels poursuivis en justice révélait à ses yeux l’anormalité des criminelles, dont les actes étaient conçus a priori comme liés à leur sexualité.

  • 2 Sur une revue critique de la littérature à ce propos, voir Dubois 2005-2006 : 5-8.
  • 3 Le bailliage de Nivelles et du Roman Païs de Brabant est une circonscription judiciaire du Brabant  (...)

2Si peu des conceptions de Lombroso sont encore partagées aujourd’hui, la faible représentation des femmes en justice et la spécificité de leur criminalité demeurent des sujets d’interrogation : les criminelles restent conçues comme exceptionnelles, en tant que femmes et en tant que criminelles2. L’analyse de sources émanant de la pratique judiciaire, conservées pour les anciens Pays-Bas en ce qui concerne le xve siècle – le Brabant méridional et le Hainaut, plus particulièrement la ville de Mons3 – apporte de nouvelles informations sur les femmes confrontées à la justice à la fin du Moyen Âge. Elle concerne les années 1449-1459 qui, selon les sources exploitées et les sondages effectués dans celles-ci, semblent globalement représentatives du xve siècle.

  • 4 Sur la critique des comptes, voir Rousseaux 2005 : 297-322.

3Les sources mobilisées sont les comptes tenus par différents officiers de justice, c’est-à-dire des traces de la pratique administrative. Ces sources sérielles permettent une étude des pratiques judiciaires, mais elles ne mentionnent que les délits ayant entraîné une rentrée ou une dépense d’argent au sein de l’institution compétente et donnent à voir la criminalité constatée, non pas la criminalité « réelle ». Ces sources déplacent, classiquement, l’analyse de la criminalité des femmes vers celle du regard que les autorités posent sur elles4. À partir des données extraites du corpus, nous avons privilégié une approche qualitative bien que la dimension quantitative ne soit pas exclue.

4L’absence des femmes de la justice pose la question de la « normalité » des figures des femmes criminelles ; l’étude des crimes commis dessine les contours de ces figures ; les châtiments appliqués aux femmes montrent la réaction de la justice – masculine – par rapport aux criminelles et enfin la dénomination des justiciables permet d’ajouter une épaisseur sociale à cette étude criminelle. Dans la justice bourguignonne du xve siècle, le regard des autorités sur les délinquants prend des accents particuliers quand ces derniers sont des femmes, ce qui permet d’appréhender certains rapports de genre tels qu’ils sont rendus et modelés par cette justice.

Faible présence des femmes en justice : un constat commun

  • 5 Cannon 1999 : 161-162.
  • 6 Hanawalt 1975 : 254.
  • 7 Charageat 2010 : 244-250.
  • 8 Ibid. ; Dubois 2005-2006 : 3-8.

5Les comptes montrent que les femmes sont fortement minoritaires dans la pratique judiciaire alors que de nombreux textes, théoriques ou normatifs, traitent des hommes comme des femmes5. Une approche quantitative de la « criminalité féminine » s’impose d’emblée6. Martine Charageat a défini les enjeux épistémologiques de la lecture quantitative de la criminalité des femmes, notamment au niveau de l’impossible construction d’un idéal type et de la tentation d’une vision d’exception7. La société ne semble pas accepter que la femme soit criminelle : elle renie le crime au féminin, ce que les historiens constatent sans pouvoir davantage l’expliquer8.

  • 9 Certaines affaires sont inscrites simultanément dans les comptes de la ville et de la prévôté. Pour (...)

6Entre 1449 et 1459, dans le bailliage de Nivelles, sur les 473 affaires mentionnées dans les sources, 51 concernent des femmes. Pour la ville de Mons, sur les 277 affaires relevant de la compétence des échevins, 46 impliquent des femmes. Les coupables sont 275 dont 44 femmes. Les cas relevant uniquement de la compétence du prévôt sont au nombre de 145 dont neuf concernent des femmes9. Selon cette source, les victimes sont des femmes dans sept affaires contre huit dans le cas des hommes.

Coupables et victimes dans le bailliage de Nivelles
et la ville de Mons (1449-1459)

Statut dans affaires

Sexe

Lieu

Total

Bailliage de Nivelles

Ville de Mons

Total affaires

473

277

750

Coupable

féminin

28

53

81

 

masculin

453

367

820

Total coupables

 

481

420

901

Victime

féminin

32

13

45

 

masculin

351

38

389

Total victimes

 

383

51

434

Total impliqués

 

864

471

1335

  • 10 Castan 2002 : 539-540.
  • 11 Gauvard 1991 : 300-303.

7Le tableau montre la faible proportion des femmes tant comme victimes (10 %) que comme coupables (9 %), toutes sources confondues10. Malgré les différences qui existent entre les sources judiciaires, l’absence des femmes, plus ou moins marquée, est générale et constitue un des nœuds de l’approche de la criminalité des femmes11.

  • 12 Cannon 1999 : 156-157.
  • 13 Musin 2008 : 333.
  • 14 Gauvard 1991 : 299-346.
  • 15 Aux xve et xvie siècles la victime se fait de plus en plus discrète, ce qui traduit sa mise à l’éca (...)

8Proportionnellement, les femmes sont davantage victimes que coupables12. Le constat est analogue dans d’autres contextes : pour la ville de Namur entre 1363 et 1555, les femmes représentent 4,9 % des coupables contre 13,1 % des victimes13. Dans les lettres de rémission françaises du xive siècle, elles constituent 4 % des coupables contre 9 % des victimes14, ce qui rejoint ce que l’on peut constater dans les rémissions brabançonnes des xvie et xviie siècles. Dans les sources hennuyères et brabançonnes, en chiffres absolus, les femmes sont cependant plus nombreuses en tant que coupables. Cela est dû à la nature des sources utilisées qui nous renseignent essentiellement à propos des coupables et des autorités mais peu à propos des victimes15.

9La proportion de femmes plus importante comme victimes que comme coupables vient-elle d’une surreprésentation des victimes féminines ? Les sources indiqueraient-elles plus volontiers la victime d’un crime lorsqu’il s’agit d’une femme ? Les femmes sont, dans leur écrasante majorité, victimes de crimes qui, dans les comptes, introduisent fréquemment le nom de la victime : alors que les notices comptables pour des crimes commis contre les biens, tels les vols, l’omettent, les affaires d’atteinte aux personnes, homicides ou violences, le mentionnent beaucoup plus souvent. Comme les femmes sont surtout victimes de ce type d’affaires, on peut penser que la nature de ces dernières explique leur proportion plus importante.

Les crimes des femmes

  • 16 Contrairement à ce que remarquent Hanawalt 1975 : 259 et Porteau-Bitker 1980 : 31.
  • 17 AGR, CC 12810, 1550, f° 6. Les personnes sanctionnées en tant que complices sont aussi bien des hom (...)

10Les femmes sont impliquées dans des délits variés, qui, pour la plupart, ne sont pas spécifiquement féminins. Il s’agit d’homicides, de violences, de vols, de fraudes, d’insultes, de non respect de l’autorité, etc. Ces différents crimes sont commis alternativement par des hommes et par des femmes. Les femmes agissent en majorité seules et de leur propre chef16, telle cette « Mangritoulle le Rouckette pour ce quelle estoit diffamee quelle deroboit sour les champs de nuit lez biens des gens »17. Les cas réprimés montrent de fortes différences entre les situations montoise et brabançonne : nous les traiterons successivement.

Le bailliage de Nivelles

  • 18 Gauvard 1991 : 319.

11Les crimes et les délits commis par les femmes ont un caractère « ordinaire ». Si la délinquance féminine possède certains traits particuliers (importance du vol, faiblesse de la violence mortelle), le Brabant du xve siècle ne révèle pas de criminalité féminine spécifique18.

  • 19 Porteau-Bitker 1980 : 43-44 et Castan 2002 : 548 ; contrairement à ce que note Vanhemelryck 1981 : (...)
  • 20 Hanawalt 1975 : 258.
  • 21 « De Ysabiaul Maroye la quelle fu prise pour ce que fame couroit quelle deroboit son maistre des fr (...)
  • 22 « De Marguitoule le Rouckette pour ce que fame couroit quelle devoyt avoir depostueit des biens de (...)
  • 23 « De une femme appellee Maroie Lerbroet vesve de Jehan Lerbroet pour tant que fame couroit que elle (...)
  • 24 À l’inverse de ce que note Gonthier 1984 : 30.
  • 25 À l’inverse de ce que notent Porteau-Bitker 1980 : 44 et Vanhemelryck 1981 : 309.
  • 26 La situation est différente en Angleterre ; Hanawalt 1975 : 253-268.

12L’accusation la plus fréquemment portée contre une femme est le vol19, comportement aussi bien féminin que masculin (dans l’absolu, il y a plus de voleurs que de voleuses)20. Certains larcins peuvent être domestiques21, confinés dans un cadre étroit d’interconnaissance22, ou semblent être des vols de nécessité23. Pourtant, ces catégories ne constituent pas la majorité des vols féminins24. Les sources fournissent trop peu de renseignements pour qu’on puisse supposer que la pauvreté est la principale explication des vols commis par les femmes. Ceux-ci admettent peu de spécificités25, tant du point de vue des coupables que de celui des faits, des objets des vols ou de la peine encourue26.

  • 27 Vanhemelryck 1981 : 308.
  • 28 ARG, CC 12810, 1457, f° 351. Les cas de violences commises sur des femmes sont construits sur un sy (...)
  • 29 Dauphin & Farge 1997 : 11-15. On observe la figure inverse dans les lettres de rémission : les vict (...)
  • 30 Jehanne Damadde est condamnée à un pèlerinage judiciaire pour des paroles injurieuses prononcées (...)
  • 31 « Dou bergiers le Bonnier del abbie de Saintion qui avoit fierut de son sollet le bergier Fedry de (...)
  • 32 Dubois 2005-2006 : 7, 325.

13Les affaires de violences comptent quelques coupables féminines. Les femmes restent généralement éloignées de la violence mortelle27 : un seul cas pour la période analysée nous informe « d’une femme appelie Jehanne […] cely femme avoyt aidiet a faire mourdere »28. Ces violences s’exercent principalement sur d’autres femmes29. Il en va de même des agressions verbales : les cas d’injures et de menaces prononcées par des femmes le sont à destination d’autres femmes30. Sur ce point, une remarque critique s’impose : la majorité des cas de petites violences s’exerce, en ce qui concerne les hommes, entre des protagonistes égaux dans la hiérarchie sociale. Si on trouve des exemples de maîtres qui battent leurs valets, on voit surtout des valetons ou des bergiers se battre entre eux31. Peut-être la violence exercée par des femmes sur d’autres femmes renvoie-t-elle à une violence dont les protagonistes seraient relativement égaux, le statut de femme effaçant dans ce cas d’éventuelles distinctions sociales32.

14Les autres chefs d’accusation pour lesquels les femmes sont condamnées – faux serment, diffamation – ne comportent pas de spécificités par rapport aux crimes et délits commis par des hommes.

15Ces différents éléments montrent que les femmes ne sont pas enfermées dans un rapport à la justice qui serait particulier et déterminé par leur sexe. Tous les crimes commis ne sont pas spécifiquement féminins, toutes les coupables ne sont pas considérées comme des complices de criminels masculins.

Les femmes coupables à Mons

  • 33 Dans les comptes de la massarderie, les affaires de « mauvais hostaige » s’élèvent à dix cas, les c (...)
  • 34 On retrouve les deux délits principaux pour lesquels les femmes sont condamnées à la fin du Moyen  (...)

16Les délits commis par les femmes sont variés et vont de la simple négligence à l’homicide. Un large éventail d’infractions est couvert : la « criminalité féminine » ne se cantonne pas à des domaines bien précis. Cependant, ce sont les affaires de mœurs qui apparaissent principalement : sur les 53 femmes coupables durant la période analysée, 26 ont commis une infraction dans ce domaine33. Viennent ensuite les infractions contre les personnes, qui concernent dix des femmes coupables. Des infractions contre les biens ou les autorités, de même que des délits commerciaux, complètent le tableau. L’image donnée par les sources est contrastée : une criminalité centrée sur les biens en Brabant et sur les mœurs en Hainaut34. Cela montre que les crimes imputés aux femmes reflètent les préoccupations des autorités et la conception qu’elles ont de la gent féminine.

  • 35 « Pour chou en ceste ville de Mons ont estet de piéchà et sont encore chacun jour faites et souffer (...)
  • 36 Marque d’infamie qui stigmatise mais aussi sauvegarde les prostituées ; Rossiaud 1988 : 48.
  • 37 Devillers 1897 : I-II.
  • 38 Ibid. : 190-191. « Asquelles fillettes encontrer par les rues pluiseurs gentilz hommes et autres bo (...)
  • 39 Karras 1989 : 421.
  • 40 Muchembled 1989 : 155.
  • 41 Rossiaud 1988 : 234.
  • 42 Rousseaux 2006 : 70-75.
  • 43 Rossiaud 1988 : passim.
  • 44 Même constat dans la péninsule ibérique, Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1283-1 (...)

17Dans le domaine des mœurs, en 1429, les échevins de Mons édictent un ban qui réglemente la prostitution. En tant que gardiens de l’ordre public, ils légifèrent afin de maintenir la paix, car la ville et ses habitants sont menacés par le désordre, le scandale et l’immoralité35. L’importance des affaires de mœurs à Mons est directement liée à la législation. Dans les sources de la pratique, les prostituées montoises apparaissent lorsqu’elles n’ont pas respecté ce ban, notamment quand elles se livrent à la prostitution de nuit ou hors du quartier autorisé (le Mont du Parc). D’autres infractions relatives à la réglementation de la prostitution apparaissent : par exemple quand des « filles de joie » sont condamnées en cas de défaut de port du « thassiau » jaune36. Cette stigmatisation vestimentaire apparaît à Mons dès le xiiie siècle, dans une ordonnance qui oblige les « femmes folles de leur corps » à arborer une aiguillette sur l’épaule37. Le ban intitulé « Des folles femmes » et daté du 13 avril 146638 stipule que ces femmes portent des vêtements qui ne correspondent pas à leur condition, ce qui induit une certaine confusion dans les esprits : ce ban édicte dès lors une série de mesures qui visent essentiellement les hommes, mais il réitère aussi l’obligation pour les prostituées de porter sur l’épaule une bande de drap jaune placée en travers. Dans ce texte, comme dans les précédents, la protection des femmes mariées, que les vêtements distinguent des prostituées, occupe une place centrale. Des mesures identiques se rencontrent ailleurs : en Angleterre, les tabliers sont interdits aux prostituées tout comme les robes des « good and noble ladies »39 ; à Arras, un ban de 1423 impose aux prostituées de mettre un morceau de drap vermeil sur le bras, à Lille, en 1430, un signe vestimentaire distinctif est imposé40 ; à Namur, en 1490, le magistrat oblige les prostituées à mettre une pièce de drap vert sur leur robe ; cette situation se retrouve aussi dans les villes françaises (Avignon en 1441, Lyon en 1468)41. La marque vestimentaire des prostituées se caractérise, dans les textes plus théoriques, par sa permanence depuis l’Antiquité : l’évolution montoise réside dans son application pratique. Ces mesures sont-elles parties prenantes du développement de la marque, mesure moderne de distinction des criminels et des marginaux ?42 Jacques Rossiaud note que la différence entre les contextes urbain et rural, au xve siècle, n’est pas opérante en ce qui concerne la prostitution dans le sillon rhodanien43 ; il en va différemment dans les Pays-Bas méridionaux. Dans le milieu urbain de Mons, un ban visant à contrôler la prostitution est promulgué et mis en pratique, à la différence du Brabant rural, où un tel ban n’existe pas44.

  • 45 AVM, massarderie, C 1539, 1450-1451, f° 11.
  • 46 Ibid., C 1546, 1458-1459, f°11.
  • 47 Poumarède 2002 : 11. A contrario de ce schéma classique, en Flandre, l’adultère masculin est davant (...)
  • 48 Devillers 1897 : 194 « Que nulz homme mariet ne puist tenir en se maison ne ailleurs femmes concubi (...)
  • 49 Prevenier 1999 : 187.

18La présence du « concubinage », ou de l’adultère, dans les comptes montois atteste aussi de l’attention des autorités au respect des bonnes mœurs. Il est réglementé par le ban « De non tenir mauvais hostaige ». Pour ce type de délit, le profil des actrices varie : on rencontre des femmes mal identifiées, des prostituées ou encore une veuve, comme c’est le cas « de Hireton Lesire et Ysabiau veusve de Jehan Moriel trouvez en concubinaige ensamble »45. Lorsqu’un protagoniste de ces rencontres est une femme mariée, elle paie une double amende ; ainsi en va-t-il dans l’affaire suivante : « de Hanin Lehuret lequel fu rapportet avoir estet trouvé avoec le femme Blartau bouchier as estuves Catton Porette Dele ditte femme pourtant que elle estet mariee jugie a double amende »46. L’historiographie présente les femmes adultères comme châtiées avec davantage de sévérité que les hommes, essentiellement parce qu’elles pourraient faire entrer des bâtards dans la famille ou, à tout le moins, créer la suspicion sur la légitimité des enfants47. Les peines infamantes seraient leur lot. À Mons, les bans ne prévoient pas de sanction spécifique en cas d’adultère féminin. Face à ce vide législatif, les juges montois appliquent la même condamnation que celle réservée à l’homme : une double amende48. On note une absence de différence au niveau des peines appliquées aux hommes et aux femmes. Selon Walter Prevenier, la mise hors la loi de l’adultère est considérée comme une source de revenus par les autorités urbaines, alors qu’auparavant ces mêmes autorités y attachaient peu d’importance49. Les cas d’adultère sont réprimés à Mons dès le xve siècle, contrairement à d’autres villes des Pays-Bas où il faut attendre le siècle suivant pour les voir apparaître : les autorités montoises portent tôt leur attention sur les adultères commis par des femmes.

  • 50 AVM, massarderie, C 1541, 1452-1453, f° 16.

19Les comptes révèlent encore un autre délit commis par une femme, toujours en lien avec les mœurs. En 1453, la veuve d’Henri Euwillette tente de marier contre son gré la belle-fille dont elle a la charge (une enfant née de la première union de son mari et qualifiée de « jeune orpheline »). Elle tente de la marier en secret malgré les protestations de la jeune fille et de ses amis qui portent l’affaire devant la justice. Finalement, la veuve est condamnée50. En règle générale, le mariage est décidé par les familles. Il n’est pas rare que les futurs époux n’aient pas voix au chapitre. Dans cette affaire, l’accusée étant veuve, elle gère son capital, son patrimoine (sous réserve de son statut social) et peut normalement décider elle-même d’une union. La motivation qui a poussé la jeune fille à dénoncer cette union reste difficile à saisir.

  • 51 Par exemple, Pierart Bonnier roue de coups et injurie Jaquemart le Borgne qui « l’avoit acuset ale (...)
  • 52 AVM, massarderie, C 1540, 1451-1452, f° 35.
  • 53 Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1292.

20Lorsque sont abordées les affaires de sexualité, quelle place doit-on faire à la réputation des justiciables ?51 La construction de la mauvaise réputation des femmes se fonde entre autres sur leurs « mœurs légères ». Certaines femmes, prostituées ou non, sont mentionnées dans les comptes comme ayant séjourné en prison en raison de leur « gouvernement » ; ainsi, Marion, « fille publicque », passe quatorze jours en prison « pour souppechon que sour elle on eult par son petit gouvernement »52 . Dans quelle mesure peut-on faire un lien entre la profession de Marion et sa conduite débridée, sa mauvaise réputation qui conduit les autorités à l’emprisonner ? Elle sera finalement relâchée et les frais de prison sont pris en charge par le massard car « elle navoit de quoy ». Alors que la prostitution ne constitue pas un délit et qu’elle est réglementée par la ville, les prostituées sont l’objet d’une méfiance de la part des autorités. On le voit dans la ségrégation spatiale et vestimentaire imposée aux filles de joie et dans les arrestations motivées uniquement par leur réputation : une relative tolérance vis-à-vis des prostituées ne signifie pas absence de suspicion ni de contrôle53.

  • 54 AVM, massarderie, C 1543 (1455-1456), f° 31.

21S’il semble bien que la renommée puisse être basée sur des affaires touchant la sexualité, ce n’est pas le cas de toutes les femmes ayant mauvaise réputation : ainsi, dans les affaires de Jehanne et Catton, deux femmes qui furent bannies en raison de leurs « démérites », sans que leurs mœurs interviennent (en tout cas dans les comptes). Il est toujours périlleux d’utiliser l’argument du silence mais, si ces deux femmes avaient eu des mœurs débridées, sans doute les sources en auraient-elles fait état. Enfin, la réputation peut aussi être construite sur l’archétype feminine voulant que la femme s’occupe de ses enfants. Ainsi, les échevins de Mons ont-ils été prévenus par leurs collègues de Douai des antécédents judiciaires de Jaquette Faine. Elle est soupçonnée d’avoir abandonné son enfant, ce qui incite les autorités montoises à la garder prisonnière durant neuf jours54.

22L’attention portée par les autorités aux affaires de mœurs est remarquable. Plus qu’une simple surveillance de la prostitution, ces autorités cherchent plus généralement à contrôler et codifier les mœurs. La prise en charge de ces matières par les autorités urbaines
– qui seront relayées au siècle suivant par les autorités princières – peut s’interpréter comme le signe d’une sécularisation de la régulation des rapports sociaux, ou à tout le moins, de la justice.

  • 55 Ibid., C 1541, 1452-1453, f° 33.
  • 56 Ibid.
  • 57 Ibid.
  • 58 Hanawalt 1975 : 259.
  • 59 AVM, massarderie, C 1536, 1447-1448, f° 29.

23Terminons ce passage en revue du paysage criminel féminin montois en évoquant un unique cas d’homicide. L’affaire ressortit en partie du stéréotype : trois femmes sont emprisonnées pour avoir confectionné un « bruivage venimeux et mortel pour le donner boire par Jehanne a sondi marit et ossi vif argent pour le destruire »55. Les deux complices de l’épouse seront exécutées par le feu bien qu’elles aient joué de leur féminité durant toute la procédure (« desquelles III femmez disoient y estre enchaintes »56). Quant à l’épouse, elle échappe à son châtiment en s’évadant de prison57. Le stéréotype de l’empoisonneuse, s’il a pu jouer dans la construction de cette affaire, marque peu le paysage criminel montois58 : on rencontre un seul autre cas d’empoisonnement féminin entre la fin du xive et le milieu du xvie siècle : Jehanne, veuve de Rasse le Hongre, fut brûlée pour cas de « sors et aucuns empoisonnemens »59.

  • 60 Power 1979 : 13 ; Dubois 2005-2006 : 323.

24Prostituées, marâtre mariant sa belle-fille de force, mauvaise mère ou encore empoisonneuses (même peu nombreuses), les femmes présentées par les sources montoises se révèlent nettement plus typées que celles que l’on voit apparaître dans les comptes brabançons. Ces différentes figures font place aux stéréotypes qui frappent les femmes60.

  • 61 Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1283-1302.

25La nette différence qu’on observe entre les deux juridictions étudiées rappelle que le contour de la criminalité des femmes dépend du regard que portent sur elles les autorités. La réglementation et la criminalisation de la prostitution qu’on observe dans le contexte montois est liée, selon nous, à la disciplinarisation sociale portée par la société urbaine et l’éthique bourgeoise, de manière parallèle à ce qu’on observe dans la progressive criminalisation de l’homicide et du vagabondage qui se met en place à la fin du Moyen Âge61.

Victimes brabançonnes

  • 62 Le viol est également le crime dont les femmes sont le plus souvent victimes dans les rémissions fr (...)
  • 63 Par exemple, « De ung nommet Fastra Machon pour ce que fame couroit devoit avoir trouvé le femme Je (...)
  • 64 Prevenier 1999 : 186.

26Dans le bailliage de Nivelles, les particularités de la place des femmes dans la justice sont plus marquées quand elles sont victimes. À des crimes et des délits mixtes et ordinaires commis par des femmes répondent des délits particuliers commis sur des femmes. En ce qui concerne la justice criminelle, les femmes sont victimes de viols ou de tentatives de viols62, crime particulièrement « genré »63. Dans le cas de la justice civile, toutes les femmes ont été victimes de violences64. Si les hommes constituent la majorité des victimes de violences, c’est le caractère exclusivement violent des délits commis sur les femmes qu’il faut noter. Une remarque critique s’impose ici : comme nous l’avons noté plus haut, souvent les victimes d’autres cas que de violences ne sont pas documentées dans les comptes, mais, s’ils ne sont pas légion, il existe néanmoins des victimes masculines de vol, de fraude, etc.

  • 65 Dauphin & Farge 1997 : 85.
  • 66 Par exemple, « De Jakenin de le Porte pour avoir batue dun baston le femme Goffinet Mordans », AGR, (...)

27La violence des hommes vis-à-vis des femmes – quelques affaires montrent des femmes agressant d’autres femmes, mais les coupables sont en majorité des hommes – est caractéristique des rapports de genre de l’époque : une certaine violence vis-à-vis des femmes peut-être considérée comme normale65. Dans le cas d’espèce, les sources montrent l’existence de violences masculines sur des femmes qui sont sanctionnées en justice, c’est-à-dire qui ne sont pas tolérées. Nos sources ne nous permettent pas de mener à bien une enquête sur les rapports entretenus entre les coupables et les victimes de cette violence. En revanche, elles nous montrent que la violence n’est pas cantonnée dans un cadre familial élargi, comme dans le Paris du xviiie siècle66.

28On note qu’en Brabant la criminalité spécifiquement féminine est celle subie par les femmes, alors même que c’est dans le cadre de cette criminalité qu’elles semblent faire partie intégrante de groupes sociaux faits de proches des deux sexes. Au contraire, les femmes coupables sont plus indépendantes face à la justice, mais leurs comportements ne sont pas à proprement parler spécifiquement féminins.

Les châtiments des femmes

  • 67 Hanawalt 1975 : 265 ; Porteau-Bitker 1980 : 50.

29Les sources montrent que les peines appliquées aux femmes n’ont rien d’exceptionnel et sont semblables à celles des hommes67. Selon les comptes brabançons, Jehanne, reconnue coupable de complicité de meurtre, est condamnée à être arsée, c’est-à-dire brûlée : c’est la peine prononcée pour l’ensemble des personnes mentionnées dans cette source. Lorsqu’on recourt à la justice conciliatrice, les sommes des compositions sont communes :

  • 68 AGR, CC 12807, 1429, f° 72.

De Jehennin le bergier de Greest pour ce quil avoit ferit [frapper] du poing le femme Jehan de Baiwiers une couronne ; De le femme ledit Jehan de Baiwie pour ce quel avoit ferit ledit Jehennin le bergier du poing une coronne68.

  • 69 Prevenier 1999 : 186.

30Le caractère commun des peines dans la pratique s’oppose à la théorie du droit selon laquelle les femmes peuvent, voire doivent bénéficier d’une certaine clémence69 ; dans la pratique, l’appartenance au sexe féminin ne constitue pas une circonstance atténuante.

31À Mons, les coupables de sexe féminin apparaissent principalement dans les affaires de mœurs, régulées au moyen d’amendes. Cette sanction ne vise pas à stigmatiser les coupables. Dans l’arsenal des peines, les détenteurs du pouvoir disposent également du bannissement ou de la peine de mort. Les échevins recourent en majorité aux sanctions pécuniaires mais certains délits, en raison de leur gravité, impliquent une sanction afflictive. Les peines appliquées aux femmes ne diffèrent pas de celles appliquées aux hommes.

  • 70 AVM, massarderie, C.1543, 1455-1456, f° 32.
  • 71 Ces différences de peines capitales renvoient aux fonctions des modes de mises à mort qui dépassent (...)

32Il existe à Mons une peine spécifiquement féminine : la baignade dans la Wallierne (étendue d’eau). Il s’agit sans doute d’une peine infamante aux nuances purificatrices. Celle-ci est appliquée en prélude au bannissement70. Enfin, dans l’application de la peine capitale en Hainaut, on constate aussi que les hommes sont pendus, alors que les femmes sont brûlées71.

L’identification des femmes en justice

  • 72 AGR, CC 15148, 1454-1455, f° 7.
  • 73 AVM, C 1541, 1452-1453, f° 12.
  • 74 Claude Gauvard (1991 : 320-330) note la même chose dans les rémissions françaises du xive siècle.
  • 75 Même constat en Angleterre, Hanawalt 1975 : 254.

33La déclinaison de l’identité des femmes dans les comptes couvre un large spectre, qui va d’une identification complète et semblable à celle rencontrée chez leurs homologues masculins – nom, prénom, qualité, résidence, comme par exemple « Agnies Thiebault femme de Jehan Douviau demourant a Noefmaison »72 – à un effacement quasi complet derrière la figure tutélaire d’un homme, femme, mère ou sœur d’un tel, par exemple « de le veusve Ondart le Pescheur »73. L’anthroponymie des femmes montre que la « criminalité féminine » ne renvoie pas la seule image d’une femme marginale74, il semble au contraire que nous touchions toutes les femmes75. Au caractère ordinaire des délits commis par les femmes, répond le caractère « ordinaire » des femmes présentes dans les sources judiciaires. Notons que l’identification féminine est plus succincte que celle des hommes.

  • 76 AGR, CC 12810, 1456, f° 273.
  • 77 Ibid., 1458, f° 382.

34En Brabant, 80 % des femmes sont qualifiées comme telles en toutes lettres – « De le femme Jacquemart dou Frasne d’Enchien »76 –, ou par un qualificatif genré : fille, mère, veuve, par exemple « De Juwette fille Jehanne Lardenoise pour avoir prise une bourse a le mayson Gerard le Bonnier »77. À Mons, la proportion des femmes identifiées par des qualificatifs de ce type est de 35 %, auxquels il faut ajouter 25 % de prostituées et de tenancières d’étuves désignées par un métier féminin. Dans les autres cas (20 % en Brabant et 40 % à Mons), le genre n’est pas spécifié et se déduit des prénoms ou de l’accord des adjectifs. L’identification claire du genre du justiciable est nettement minoritaire dans le cas des hommes. L’identification d’un justiciable comme « un homme » vient de ce que la justice ignore son nom. Dans les lettres de rémission brabançonnes du xvie siècle, on retrouve la même disparité entre une identification genrée quand elle est féminine et non genrée quand elle est masculine : ici aussi, les sources de la pratique judiciaire précisent souvent le sexe des justiciables quand il est féminin.

  • 78 Ibid., 1450, f° 57.
  • 79 Certains cas exceptionnels montrent des hommes identifiés par rapport à des femmes, c’est alors la (...)
  • 80 Gonthier 1984 : 36.
  • 81 AVM, C 1579, 1492-1493, compte du sergent : Jehan Pieron doit payer l’amende de sa femme en raison (...)
  • 82 Ainsi « De Wera de Pitraing pour sa femme qui avoit boutte une clef en leferre dune huisserie dun d (...)
  • 83 À l’instar de celle des hommes.

35Certaines femmes sont classiquement identifiées par rapport à un homme (63 % en Brabant, 35 % à Mons), qu’elles soient les épouses, les filles ou encore les veuves de ceux-ci, par exemple « femme Jehan de Raconut »78. Cependant, toutes ne disparaissent pas derrière la gent masculine79. Il est trop rapide de dire que « la femme est toujours reconnue en justice comme l’épouse ou la fille de quelqu’un »80. Dans quelques cas, on voit des hommes qui représentent leurs femmes en justice : ce sont eux qui paient l’amende81 ou règlent la composition82. Ces cas sont très rares, ils montrent a contrario que dans la majorité des cas, les femmes sont reconnues en justice d’après leur seule individualité. Cette identification personnelle, combinée au fait que la majorité des délinquantes agissent seules, montre l’existence d’une responsabilité individuelle des femmes comparaissant en justice comme coupables. Ce qui veut dire non pas que ce sont des femmes seules qui sont présentes en justice comme coupables, mais que leur responsabilité est individualisée83.

  • 84 Ainsi « De Gilechon le borgne ly quelx sest a vanchit davoir batut Kathelinette fille Henra Madet » (...)
  • 85 Pour les rares victimes féminines que l’on rencontre dans les comptes hennuyers, le rattachement sy (...)
  • 86 De façon analogue à la manière dont le viol est analysé par Porteau-Bitker 1980 : 51-54.
  • 87 Castan 2002 : 546.

36Dans les comptes du Brabant méridional, on constate une différence dans l’identification des femmes coupables et victimes. Les coupables peuvent alternativement être identifiées de manière similaire aux hommes ou par rapport à un homme. Les victimes sont toutes (sauf deux) identifiées par rapport à un homme84. On retrouve la même dissymétrie dans les lettres de rémission : quand les femmes se présentent comme victimes, elles sont systématiquement identifiées par rapport à un homme85. Victimes, les femmes sont présentées comme faisant partie intégrante d’un groupe. Ce dernier est touché dans son ensemble par le délit commis86. La responsabilisation individuelle visible à l’examen de la dénomination des coupables féminines n’a pas cours en ce qui concerne les victimes. Différence qui doit être interrogée sur le plan du genre. Dans le contexte d’une justice qui individualise davantage la responsabilité du coupable, homme ou femme, l’accusation de crime, devenue stigmatisante, a tendance à couper l’accusé(e) de son réseau social. Nicole Castan dénombre face à la justice répressive moderne davantage de femmes sans homme, hors du mariage et d’un cercle de solidarité87. Cependant, le même constat de la présence d’un plus grand nombre d’accusées esseulées peut être dressé en ce qui concerne la justice civile et les lettres de rémission qui ressortissent d’une justice conciliatrice.

  • 88 Pour Mons, quatorze femmes sont identifiées de telle façon dans les comptes de la massarderie et de (...)
  • 89 Jehan le Carlier doit verser une amende pour avoir été « trouvet de nuit as estuves avoecq Marghot (...)
  • 90 « De ung nommé Hanot fil Jehan Ardenoys […] cestoyt ung poure valeton » ; AGR, CC 12810, 1454, f° 1 (...)

37Certaines femmes sont identifiées par leur statut social88. Il peut s’agir de « meskinnes » – servants – ou de « baissellettes » et « filles de joie », ou encore, à l’autre bout de la hiérarchie sociale, de nobles. Dans le cas des meskinnes et des nobles, ce statut peut se doubler d’une identification par le nom ou le prénom des femmes concernées89. Dans le cas des « filles de joie » et des « baissellettes », les individus ont tendance à s’effacer derrière leur seul statut social. La médiocrité des statuts explique en partie la brièveté de l’identification de ces femmes, mais cet élément n’épuise pas l’explication de cette identification simplifiée, car des hommes aux statuts sociaux tout aussi médiocres – « manants », « valetons », « bergiers » etc. – sont identifiés par leurs noms90. Le caractère succinct de l’identification des femmes prédomine donc, là encore.

38Les sources montoises permettent d’aller plus loin dans l’étude de l’identification des femmes. Elles y sont alternativement identifiées comme les hommes et par rapport aux hommes. Il est remarquable de voir quantité de femmes qualifiées de prostituées et présentées sans référent masculin. Le nombre de ces péripatéticiennes, leur identification par rapport à un métier a priori socialement médiocre, conjugué à leur absence de référent masculin, amène à s’arrêter sur leur identification.

  • 91 AVM, massarderie, C 1539, 1450-1451, f° 10. Dans ce cas-ci, notons la similitude entre le nom de la (...)
  • 92 Masette, « hostesse des estuves dudit chierf vollant qui pour avoir tenu hostaige fu jugie seloncq (...)
  • 93 Ibid., C 1540, 1451-1452, f° 11. Le terme est difficile à analyser : il renvoie autant à un statut (...)
  • 94 Ibid., C 1539, 1450-1451, f° 10.

39La mention de leur métier participe visiblement de la construction de leur identité en tant que justiciable. À Mons, l’enregistrement du métier de la coupable a lieu dans deux cas sur cinq. Les prostituées n’ayant pas respecté les bans arrivent largement en tête (onze cas), par exemple : « Ponnelle Delecouronne fillette publicque qui pour avoir estet trouvee avale le ville sans bende porter fu jugies seloncq le ban de ce faisant mention »91. Des tenancières d’étuves (trois cas) sont condamnées parce qu’une rencontre nocturne s’est déroulée dans leur établissement : certaines prostituées se retrouvent avec leurs clients dans une maison privée, d’autres choisissent les bains publics, lesquels sont réglementés par le ban « De non tenir mauvais hostaige »92. On rencontre aussi deux servantes qui sont identifiées d’après leur métier, deux « meskines »93. L’importance des métiers à connotation vénale doit être soulignée. Les femmes ont été condamnées principalement pour des infractions commises dans l’exercice de leur métier, comme par exemple « Zoete fillette publique », qui fut trouvée en concubinage avec Herman Doufosseur94.

  • 95 Heupgen 1925-1927 : 206-207.
  • 96 AGR, CC 15146, 1454-1455, f° 1.

40Ces infractions renvoient au contexte réglementaire montois : en 1429, les échevins ont promulgué ce ban « de non tenir mauvais hostaige » mentionné plus haut et qui explique la présence des prostituées dans les comptes de la massarderie95. Il faut comparer les mentions de professions exercées par les femmes avec celles exercées par des hommes. Pour ces derniers, l’enregistrement du métier à lieu dans un cas sur trois et les condamnations portent alors sur des délits en rapport avec l’exercice du métier. De même, des métiers plus honorables exercés par des femmes sont mentionnés quand les infractions ont été commises dans le cadre de ce métier ; ainsi « de la vesve Jehan Ferkenoit marchande de draps demourant a Mons pour une aulne trouvee en son estal le jour de la fieste de la ville trop petite »96. Quand les justiciables commettent un délit lié à son exercice, la notice comptable ne traite pas différemment les hommes et les femmes quant à l’indication de leur métier.

  • 97 Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1291-1292 notent l’attention particulière porté (...)
  • 98 Rossiaud 1988 : 57-63.

41Reste qu’aucune des « femmes folles de leur corps » ne s’identifie par un référent masculin97. Cette absence implique-t-elle que nous soyons face à des femmes dénuées de réseau social et familial ? Dans le cadre plus général de la responsabilité individualisée de toutes les coupables, le fait est qu’aucune des prostituées et des tenancières d’étuves n’est identifiée par rapport à un homme. Deux raisons expliquent peut-être l’absence d’un référent masculin chez les filles de joie. Soit les prostituées sont des « déracinées », qui vivent seules à Mons ; encore faudrait-il pouvoir déterminer, à l’instar de Jacques Rossiaud, si ce déracinement est la conséquence de l’exercice de leur métier, considéré comme dégradant, ou s’il est la cause de « l’entrée en profession »98. Soit les prostituées montoises peuvent compter sur un réseau familial mais leur profession fait qu’il est célé. La prostitution ne constitue pas un délit à Mons, le métier est réglementé et, bien qu’elles subissent une ségrégation vestimentaire et spatiale, les prostituées ne sont pas exclues de la communauté. Les prostituées qui apparaissent dans les comptes ne seraient-elles pas, en réalité, déjà marginales parce qu’elles ne bénéficient pas d’un réseau de solidarité familial ?

  • 99 Prevenier 1999 : 187. Les prostituées ne sont inquiétées à Bruges que si elles transgressent les or (...)

42Il convient de rester prudent parce que l’ensemble du phénomène prostibulaire à Mons reste mal connu : seules mentionnées sont les filles de joie qui ont enfreint la réglementation et qui, sans référent masculin, ont été appréhendées par les autorités judiciaires99. On ignore s’il n’existait pas d’autres prostituées, avec ou sans réseau social, qui n’auraient pas été inquiétées par la justice.

43L’analyse des sources administratives des Pays-Bas permet de mettre en évidence différents éléments, certains vont dans le sens de l’historiographie, d’autres s’en écartent. La représentation minoritaire des femmes dans l’ensemble du corpus apparaît clairement, que ce soit en tant que victimes ou coupables. Le caractère « ordinaire » de ces femmes doit être souligné : bien que peu nombreuses, elles n’en sont pas pour autant des marginales. Par ailleurs, elles endossent aussi facilement le rôle de la coupable que celui de la victime.

44Les infractions commises ont elles aussi un caractère ordinaire. Au niveau des peines, le traitement entre les hommes et les femmes coupables est indifférencié, et l’idée d’un « sexe faible » devant être traité moins durement que les hommes ne s’impose pas dans la pratique. Le stéréotype d’une femme moins responsable devant la justice n’apparait pas dans les sources analysées. C’est plutôt l’absence de clémence des juges à leur égard qui ressort des sources examinées.

45L’identification des femmes couvre un large éventail de cas. Les sources renvoient l’image de femmes dont la responsabilité individuelle devant la justice est engagée. Cette observation contraste avec la caractérisation des victimes féminines que les notices comptables présentent en relation avec un membre masculin de leur famille. Tout se passe comme si, en cas d’agression subie, l’ensemble de la famille était atteint au travers de l’un de ses membres tandis qu’en cas d’infraction commise, la coupable supportait seule la responsabilité de son acte. À l’individualisation de la coupable répond « l’identification familiale » de la victime. L’idée reçue d’une femme incapable, au sens juridique du terme, est infirmée dans la pratique judiciaire aux Pays-Bas.

46Parmi les femmes identifiées sans référent masculin, les prostituées et les tenancières d’étuves forment une catégorie où cette absence ne souffre pas d’exception. Aucune des filles de joie enregistrées dans les comptes montois ne se prévaut d’attaches dans un réseau social. Il faut noter l’attention portée par les autorités aux questions de moralité et de sexualité dès avant la fin du xve siècle. Ces affaires présentent un milieu prostibulaire où tolérance/méfiance/contrôle/sanction s’entremêlent ; le domaine des mœurs montre aussi l’intervention de la justice montoise dans la sphère familiale. Au même moment, en Brabant, les femmes sont principalement sanctionnées pour des vols.

  • 100 Dubois 2005-2006 : 323.

47La conception qu’ont les autorités des femmes criminelles donne l’impression que la figure archétypale de « la femme criminelle » n’est pas encore une question à la fin du Moyen Âge100. Les autorités n’ont visiblement pas de vision spécifique de « la femme », si ce n’est sur le point de la sexualité, ce qui se note dans l’émergence, quoique de manière encore parcellaire, de la question de la prostitution publique.

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Notes

1 Lombroso 1991 [1895] : 1-5.

2 Sur une revue critique de la littérature à ce propos, voir Dubois 2005-2006 : 5-8.

3 Le bailliage de Nivelles et du Roman Païs de Brabant est une circonscription judiciaire du Brabant : les comptes sont conservés aux Archives générales du royaume (AGR). Pour le Hainaut, les sources sont les comptes de la prévôté et de la massarderie. La masse est la caisse communale dont la gestion est confiée par les échevins au massard, ses archives sont conservées aux Archives de la ville de Mons (AVM). La prévôté est une circonscription territoriale dirigée par un officier nommé par le comte ; ses comptes sont conservés aux AGR.

4 Sur la critique des comptes, voir Rousseaux 2005 : 297-322.

5 Cannon 1999 : 161-162.

6 Hanawalt 1975 : 254.

7 Charageat 2010 : 244-250.

8 Ibid. ; Dubois 2005-2006 : 3-8.

9 Certaines affaires sont inscrites simultanément dans les comptes de la ville et de la prévôté. Pour notre analyse, celles-ci s’élèvent à 133 dont 25 concernent des femmes (soit 18 %).

10 Castan 2002 : 539-540.

11 Gauvard 1991 : 300-303.

12 Cannon 1999 : 156-157.

13 Musin 2008 : 333.

14 Gauvard 1991 : 299-346.

15 Aux xve et xvie siècles la victime se fait de plus en plus discrète, ce qui traduit sa mise à l’écart de la justice criminelle qui laisse le coupable face aux seules autorités.

16 Contrairement à ce que remarquent Hanawalt 1975 : 259 et Porteau-Bitker 1980 : 31.

17 AGR, CC 12810, 1550, f° 6. Les personnes sanctionnées en tant que complices sont aussi bien des hommes – « De Jossia de Bransa Daix ace fait partant quil avoit esteit complices et aydans de Colar bastar de Nivelle a violenter une femme », AGR, CC 12806, 1422, f° 273 –, que des femmes : l’épouse et la belle-mère de Jehan des Tranlz exécuté pour vols, passèrent 36 jours dans la prison de la ville en raison d’une complicité non prouvée avec ce dernier, AVM, massarderie, C 1546, 1458-1459, f° 33.

18 Gauvard 1991 : 319.

19 Porteau-Bitker 1980 : 43-44 et Castan 2002 : 548 ; contrairement à ce que note Vanhemelryck 1981 : 311 pour Bruxelles.

20 Hanawalt 1975 : 258.

21 « De Ysabiaul Maroye la quelle fu prise pour ce que fame couroit quelle deroboit son maistre des frommages dou pain et des oelx », AGR, CC 12810, 1449, f°°30.

22 « De Marguitoule le Rouckette pour ce que fame couroit quelle devoyt avoir depostueit des biens de se suers quy estoyt morte », ibid., 1454, f° 201.

23 « De une femme appellee Maroie Lerbroet vesve de Jehan Lerbroet pour tant que fame couroit que elle devoit avoir pris une petite pieche de lart », ibid., 1459, f° 434.

24 À l’inverse de ce que note Gonthier 1984 : 30.

25 À l’inverse de ce que notent Porteau-Bitker 1980 : 44 et Vanhemelryck 1981 : 309.

26 La situation est différente en Angleterre ; Hanawalt 1975 : 253-268.

27 Vanhemelryck 1981 : 308.

28 ARG, CC 12810, 1457, f° 351. Les cas de violences commises sur des femmes sont construits sur un système idéologique dont ils renforcent l’assise, cf. Prevenier 1999 : 186 ; le fait que dans l’exemple cité la femme ne soit pas l’actrice principale du meurtre montrerait-il davantage la chimère du juge selon laquelle une femme, de sa seule initiative, ne peut être à l’origine et à la conclusion d’un meurtre ?

29 Dauphin & Farge 1997 : 11-15. On observe la figure inverse dans les lettres de rémission : les victimes de femmes qui demandent la grâce sont des hommes.

30 Jehanne Damadde est condamnée à un pèlerinage judiciaire pour des paroles injurieuses prononcées à l’encontre de Jehanne Douquesne, AVM, massarderie, C 1538, 1449-1450, f° 12.

31 « Dou bergiers le Bonnier del abbie de Saintion qui avoit fierut de son sollet le bergier Fedry de Rehain », AGR, CC 12810, 1550, f° 34.

32 Dubois 2005-2006 : 7, 325.

33 Dans les comptes de la massarderie, les affaires de « mauvais hostaige » s’élèvent à dix cas, les condamnations pour hébergement illicite de couples à cinq cas, les adultères féminins à deux cas, le défaut de port du jaune tassiau à trois cas et enfin le proxénétisme à un cas (l’ensemble des cas est détaillé dans la suite de l’article). Vanhemelryck 1981 : 307 souligne l’importance de la criminalité liée à la sexualité chez les femmes de Bruxelles.

34 On retrouve les deux délits principaux pour lesquels les femmes sont condamnées à la fin du Moyen Âge dans l’ensemble de l’Europe occidentale.

35 « Pour chou en ceste ville de Mons ont estet de piéchà et sont encore chacun jour faites et souffertes moult de desconvignables et desrieulées coses en le scandele et opprobre de toutte le ville, dou bien commun en particulier, et par aventures à le grant kierke des consciences de pluiseurs hommes et femmes, et il nécessite de faire pluiseurs ordonnanches et ad celi cause, nous, pour le bien de justiche et augmentation de le pollitie de le ville et cescun exempler au bien et eslire voie salutaire, faisons ban … » [parce que de nombreux scandales sont advenus dans la ville de Mons, les autorités municipales décident de légiférer comme suit…] ; Devillers 1897 : 192.

36 Marque d’infamie qui stigmatise mais aussi sauvegarde les prostituées ; Rossiaud 1988 : 48.

37 Devillers 1897 : I-II.

38 Ibid. : 190-191. « Asquelles fillettes encontrer par les rues pluiseurs gentilz hommes et autres bonnes gens se sont abuset en les salluant et faisant révérenche comme a preude femme avoecq ce que pluiseurs jouènes gens à ceste cause se y sont arestez au grant ameurissement de leur honneur, pour ad ce pourveir à la conservation du bien commun et del honneur de touttes preutefemmes, faisons ban, commandement et deffence que touttes fillettes d’estat, qui de leur corps font ou ferront abandon pour deniers, ayent sour leur deseurain habit et à leur diestre espalle en bande de traviers et à veuwe, sans couverture quelconques une piece de ghaune drap adfin de le pouvoir congnoistre » [parce que les prostituées ne sont pas reconnaissables et que certains hommes de bonne réputation ont pu les prendre pour des femmes honorables, nous imposons le port d’un signe distinctif – une bande jaune mise de travers – aux prostituées].

39 Karras 1989 : 421.

40 Muchembled 1989 : 155.

41 Rossiaud 1988 : 234.

42 Rousseaux 2006 : 70-75.

43 Rossiaud 1988 : passim.

44 Même constat dans la péninsule ibérique, Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1283-1285.

45 AVM, massarderie, C 1539, 1450-1451, f° 11.

46 Ibid., C 1546, 1458-1459, f°11.

47 Poumarède 2002 : 11. A contrario de ce schéma classique, en Flandre, l’adultère masculin est davantage puni que l’adultère féminin sans doute pour des raisons fiscales ; Prevenier 1999 : 187.

48 Devillers 1897 : 194 « Que nulz homme mariet ne puist tenir en se maison ne ailleurs femmes concubines, sour yestre encoru l’ome en VI livres blans d’amende et le femme en LX sols blans ».

49 Prevenier 1999 : 187.

50 AVM, massarderie, C 1541, 1452-1453, f° 16.

51 Par exemple, Pierart Bonnier roue de coups et injurie Jaquemart le Borgne qui « l’avoit acuset ale court de Cambray pour tenir aultre femme que le sienne », AGR, CC 15147, 1455-1456, f° 35. La fama est construite entre autres à partir de la sexualité ; Gauvard 1991 : 325-330.

52 AVM, massarderie, C 1540, 1451-1452, f° 35.

53 Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1292.

54 AVM, massarderie, C 1543 (1455-1456), f° 31.

55 Ibid., C 1541, 1452-1453, f° 33.

56 Ibid.

57 Ibid.

58 Hanawalt 1975 : 259.

59 AVM, massarderie, C 1536, 1447-1448, f° 29.

60 Power 1979 : 13 ; Dubois 2005-2006 : 323.

61 Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1283-1302.

62 Le viol est également le crime dont les femmes sont le plus souvent victimes dans les rémissions françaises du xive siècle, Gauvard 1991 : 330.

63 Par exemple, « De ung nommet Fastra Machon pour ce que fame couroit devoit avoir trouvé le femme Jehan de Raconut et le devoit avoir volut viollers et fait crier » ; AGR, CC 12810, 1450, f° 69.

64 Prevenier 1999 : 186.

65 Dauphin & Farge 1997 : 85.

66 Par exemple, « De Jakenin de le Porte pour avoir batue dun baston le femme Goffinet Mordans », AGR, CC 12810, 1451, fol. 97.

67 Hanawalt 1975 : 265 ; Porteau-Bitker 1980 : 50.

68 AGR, CC 12807, 1429, f° 72.

69 Prevenier 1999 : 186.

70 AVM, massarderie, C.1543, 1455-1456, f° 32.

71 Ces différences de peines capitales renvoient aux fonctions des modes de mises à mort qui dépassent le cadre de cette recherche.

72 AGR, CC 15148, 1454-1455, f° 7.

73 AVM, C 1541, 1452-1453, f° 12.

74 Claude Gauvard (1991 : 320-330) note la même chose dans les rémissions françaises du xive siècle.

75 Même constat en Angleterre, Hanawalt 1975 : 254.

76 AGR, CC 12810, 1456, f° 273.

77 Ibid., 1458, f° 382.

78 Ibid., 1450, f° 57.

79 Certains cas exceptionnels montrent des hommes identifiés par rapport à des femmes, c’est alors la différence de statuts qui explique cette identification inversée, « Remechon varlet a une demoyselle de Jodoigne », AGR, CC 12806, 1421, f° 234.

80 Gonthier 1984 : 36.

81 AVM, C 1579, 1492-1493, compte du sergent : Jehan Pieron doit payer l’amende de sa femme en raison d’un achat de beurre avant l’heure autorisée.

82 Ainsi « De Wera de Pitraing pour sa femme qui avoit boutte une clef en leferre dune huisserie dun de ses voisins pour le quelle cose il soy composet pour et au nom de sadicte femme a la somme de iiii couronnez » ; AGR, CC 12807, 1429-1431, f° 142.

83 À l’instar de celle des hommes.

84 Ainsi « De Gilechon le borgne ly quelx sest a vanchit davoir batut Kathelinette fille Henra Madet » ; AGR, CC 12810, 1458, f° 396.

85 Pour les rares victimes féminines que l’on rencontre dans les comptes hennuyers, le rattachement systématique des victimes à un homme ne s’observe pas.

86 De façon analogue à la manière dont le viol est analysé par Porteau-Bitker 1980 : 51-54.

87 Castan 2002 : 546.

88 Pour Mons, quatorze femmes sont identifiées de telle façon dans les comptes de la massarderie et deux dans ceux du prévôt.

89 Jehan le Carlier doit verser une amende pour avoir été « trouvet de nuit as estuves avoecq Marghot se meskine » ; AVM, massarderie, C 1540, 1451-1452, f° 11.

90 « De ung nommé Hanot fil Jehan Ardenoys […] cestoyt ung poure valeton » ; AGR, CC 12810, 1454, f° 186.

91 AVM, massarderie, C 1539, 1450-1451, f° 10. Dans ce cas-ci, notons la similitude entre le nom de la prostituée et les étuves Dele Couronne à Mons. Faut-il en conclure que le nom de famille de la coupable renvoie à son lieu de travail ?

92 Masette, « hostesse des estuves dudit chierf vollant qui pour avoir tenu hostaige fu jugie seloncq ledit ban a VI blans damende » ; ibid., C 1542, 1453-1454, f° 14.

93 Ibid., C 1540, 1451-1452, f° 11. Le terme est difficile à analyser : il renvoie autant à un statut social qu’à une profession.

94 Ibid., C 1539, 1450-1451, f° 10.

95 Heupgen 1925-1927 : 206-207.

96 AGR, CC 15146, 1454-1455, f° 1.

97 Bazán Díaz, Vázquez García & Moreno Mengibar 2000 : 1291-1292 notent l’attention particulière portée par les autorités sur les femmes seules.

98 Rossiaud 1988 : 57-63.

99 Prevenier 1999 : 187. Les prostituées ne sont inquiétées à Bruges que si elles transgressent les ordonnances. L’auteur en déduit une absence de répression sévère à leur égard.

100 Dubois 2005-2006 : 323.

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References

Bibliographical reference

Marie-Amélie Bourguignon and Bernard Dauven, Une justice au fémininClio, 35 | 2012, 215-238.

Electronic reference

Marie-Amélie Bourguignon and Bernard Dauven, Une justice au fémininClio [Online], 35 | 2012, Online since 01 May 2014, connection on 09 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10600; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10600

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About the authors

Marie-Amélie Bourguignon

Marie-Amélie Bourguignon est licenciée en histoire médiévale et maître en Sciences Politiques de l’Université catholique de Louvain. Sous la direction de Xavier Rousseaux et Jean-Marie Cauchies, elle prépare une thèse de doctorat sur la justice criminelle dans les villes de Mons et de Valenciennes de 1350 à 1550. Elle a notamment rédigé « Bans de police et comptes urbains à Mons : regards croisés sur l’ordre public et la moralité », dans A. Wijffels et X. Rousseaux (dir.), Histoire du droit et de la justice : une nouvelle génération de recherches, et « Le traitement de la violence des femmes dans les villes médiévales (xive-xvie siècle) », dans C. Cardi et G. Pruvost (dir.), Penser la violence des femmes, La Découverte (à paraître).
marieamelie.bourguignon@gmail.com

Bernard Dauven

Bernard Dauven enseigne au Collège Saint-Michel à Bruxelles et poursuit la rédaction d’une thèse de doctorat sur la rémission en Brabant aux xve et xvie siècles sous la direction de Claude Gauvard et Xavier Rousseaux. Il a publié « Les vagabondes : des inconnues aux xve et xvie siècles ? », Genèses. Histoire et sciences sociales, t. 64, 2006, et « Le pardon laïc aux femmes criminelles dans les lettres de rémission du Brabant aux xvie et xviie siècles », in Loïc Cadiet, Frédéric Chauvaud, Claude Gauvard, Pauline Schmitt Pantel et Myriam Tsikounas (dir.), Figures de femmes criminelles de l’antiquité à nos jours, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010.
dauven_bernard@hotmail.com

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